Pourquoi Nolan s'était-il retrouvé là ? Bonne question. En réalité, il n'aimait pas ce quartier. L'ambiance, les gens, rien n'était rassurant ici et tout poussait le jeune esprit à s'enfuir à toute jambe. La seule raison qui le faisait venir ici c'était le calme - pesant - du quartier. Il n'y avait pas un bruit dans ces rues qui n'étaient habitées que par de nuisibles rongeurs et quelques insectes. Nolan venait d'être victime d'une crise de panique en voyant un enfant traverser la route en courant après son ballon et puisque la scène avait eu lieu près de la voie rapide, aucun papillon n'osait s'aventurer ici à la rescousse du pauvre fantôme, ainsi laissé seul face à ses peurs. Après de longues minutes recroquevillé sur le trottoir à se faire marcher dessus par les vivants ignorants totalement sa présence, il avait décidé de se réfugier dans les ruelles silencieuses de l'Eastside. Malheureusement, cela ne faisait qu'à peine cinq minutes qu'il foulait ce sol étrange et il regrettait déjà sa décision. Les murs salis des appartements semblaient hurler de douleur et les fenêtres brisées donnaient l'impression d'avoir été le théâtre de nombreux drames avant l'abandon du quartier. Qui pourrait se plaire ici ? Leviathan peut-être. Sa fidèle obsession pour les cauchemars s'y verrait enchantée !

Nolan déambulait en s'obligeant à prendre de larges respirations comme lui avait indiqué sa mère lorsqu'il était petit : cela éloignait l'angoisse. Une fois parfaitement calmé, il s'assit dans un jardin plutôt semblable à une jungle qu'à la devanture d'une maison et inspecta l'herbe. Il y voyait des fourmis s'affairer à leur labeur, des cloportes en boule au pied d'un bruns mais rien d'autres. Même pas une petite chenille qui laisserait entrevoir l'espoir d'un joli papillon. Il se demanda alors si les insectes ressentaient eux aussi l'étrange atmosphère du quartier. D'après le parcours des fourmis, elles n'avaient pas l'air d'être plus impactées qu'ailleurs mais il se pouvait que leur fourmilière fusse dans les environs et dans ce cas, elle ne connurent jamais rien d'autre que l'est de la ville. Pour répondre à cette interrogation, Nolan décida de les suivre. Il remontait alors petit à petit leur chemin, sans jamais lever les yeux jusqu'au moment où, trop distrait, il ne vit pas les pieds du jeune homme devant lui et lui rentra dedans.

- PARDON !!!

Par peur, Nolan recula de cinq pas en fermant fort les yeux, les poings placés devant le visage en signe de protection, au cas où l'homme voudrait riposter par la violence car ici, sa condition de fantôme ne pouvait le protéger d'aucun choc.

Alice avait le goût pour les choses morbides, Alex était curieux. Tous les deux formaient un drôle de duo. Ils s'étaient rencontrés à l'université de Tir na Nog durant son échange et s'étaient rapidement liés d'amitié. Elle était d'origine thaïlandaise mais elle était née à Londres et y avait grandi. Comme Alex, c'était l'apparition de ce brouillard qui l'avait attirée ici mais ce n'était pas tout ce qu'ils avaient en commun: ils étaient tout deux passionnés d'ésotérisme et d'occultisme notamment, et ils adoraient le caramel. Ils avaient passé du temps à étudier chaque article, chaque témoignage parlant du brouillard mais ne s'y étaient encore jamais aventuré. Alex n'avait d'ailleurs pas l'intention d'y aller pour le moment alors qu'Alice longeait les barricades presque tous les jours pour essayer de voir ce qui s'y passe. Mais ce jour-là son amie s'était faufilée croyant avoir vu quelque chose bouger de l'autre côté. Il ne distingua plus que sa silhouette disparaître dans l'épais brouillard. Il l'avait appelée plusieurs fois mais elle n'avait pas répondu alors il décida finalement de la suivre. On verra bien ce qu'il se passe une fois de l'autre côté.
Mais de l'autre côté, Alex ne voyait pas à cinq mètres devant lui, il distinguait à peine les formes des habitations. On ne savait pas ce qui pouvait vivre dans ce brouillard alors il faisait le moins de bruit possible, avançant doucement, attentif aux moindres bruits et mouvements. Son cœur battait fort, le quartier semblait comme éteint. La pression se faisait de plus en plus grande. C'est alors qu'il entendit des bruits de pas qui se rapprochaient. Alice? Non. Ce n'était pas sa démarche et la silhouette qui se dessinait dans le brouillard était bien plus grande qu'Alice. Il plissa les yeux comme s'il allait voir plus clair lorsque la personne qui avançait vers lui sortit du brouillard et le percuta.
« PARDON! »
Le garçon qui venait de lui rentrer dedans avait point fermés devant son visage et l'entièreté de son corps crispé recroquevillé sur lui-même. C'était de lui dont il avait eu si peur, se demanda Alex en regardant un peu autour de lui. De toute façon il ne voyait rien. Il s'approcha un peu de garçon et dit d'une voix basse.
« C'est rien, je ne t'avais pas vu non plus mais... tu ne devrais pas crier aussi fort, ici... »
Et il lui sourit.