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 Ceux qui aboient. (Vespy)

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Djamshid Nimrodi
Djamshid Nimrodi
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La baie de San Francisco où se lovent les rayons du matin est par trop loin, maintenant. L’atmosphère est tout autre, ici. Le baromètre a chu en piqué. Une chape de stratus mécontents s’érige au-dessus de la ville tout entière, tandis que des brouillards arachnéens enlisent des quartiers entiers. Par-dessus tout, il existe des rumeurs interlopes, qui déferlent dans les estaminets et les tripots de la Cité. Djamshid, faisant mine d’être absorbé par ses pensées, y prête une oreille attentive. Il s’étonne jour après jour de l’insouciance des habitants, qui mènent tous leurs bonhommes de chemin en feignant l’indifférence, devant les préludes de cette menace incontrôlable et imprédictible. Son tempérament farouche ne lui permet pas d’ignorer si bellement le danger, comme de savourer les versions édulcorées et convenables que fomentent la part des médias. Mais il préfère les ennemis tangibles qu’on peut fixer droit dans les yeux, qu’on peut affronter à armes égales dans des lices circonscrites. Soit des ennemis qui n’empruntent pas l’apparence de bruines vénéneuses ou de papillons multicolores. Souvent, il soupire dans sa barbe fournie, rêche comme du fil de fer. Il ne parvient pas à comprendre pourquoi, de toutes les villes existantes, la gamine est venue se fourrer dans ce guêpier.

Par ailleurs, il y a beaucoup d’autres choses qu’il ignore à son sujet, et par-là j’entends des choses fichtrement plus concrètes, comme un numéro de palier, de téléphone. Il n’est même pas tout à fait certain qu’elle ait bien échoué ici, ne tenant cette information qu'à une série d’ingénieuses déductions qu’il a formulé en analysant le bordel qu’elle a laissé derrière elle, avant de prendre du champ. Mais le djinn fait confiance en ses antiques intuitions. Il a longuement côtoyé les hommes, et observé les soubresauts de leurs vies si primesautières, si éphémères. Il en est venu à appréhender avec une facilité déconcertante états d’âmes et sauts d’humeurs. Et qu’on fustige son essence primordiale si la mioche n’en est pas pourvue.

Cela fait déjà quelques mois que Djamshid a posé son baluchon dans l’énigmatique cité. A défaut de se lancer aux trousses de Vesper, qu’il s’est juré intimement de protéger, il a pris soin de s’établir et de se familiariser avec cette terre riche, arrosée d’embruns et d’ondées. Et bien sûr, d’élire quelques sites délaissés par les hommes, arguant des collines accidentées ou des futaies marécageuses, afin d’y puiser la moelle palpitante de son énergie. C’est seulement après avoir parcouru friches, sous-bois et pierriers, l’âme gonflée à tout rompre d’ondes telluriques, qu’il s’est senti le cœur vaillant pour défier les faubourgs empuantis de la ville. Aussi s’est-il mis à baguenauder en quête de petits contrats saisonniers. Une profusion de missions toutes plus inédites les unes que les autres, depuis le videur de nightclubs jusqu’au vitrier, en passant par l’éboueur, sont venues à lui sans qu’il soit en mesure de faire la fine bouche. Et puis, suite à une énième expérience en tant que chauffeur de taxi, qui ne l’a pas totalement incommodé, le djinn a statué sur ce gagne-pain. Il peut ainsi arranger ses horaires à sa convenance. Quelques semaines plus tard, il fait l’acquisition d’une modique caravane. Une vraie boîte de sardine en regard de sa monstrueuse stature, qui n’accueille en tout et pour tout qu’un vulgaire pucier, que quelques compartiments où ranger ses chiches affaires, et puis des commodités réduites à leurs plus simples expressions. Du reste, ces sacrifices lui ont permis de s’installer à quelques encablures de la zone industrielle, loin du smog, des miasmes et des lumières blafardes de la ville. A perte de vue s’étendent de vastes jachères, parsemées de petits marigots et de maigres boulaies. Plus loin encore se lèvent de sombres piémonts d’ubac, dont les forêts sombres étrillés par les vents évoquent le pelage d’un loup géant.

Afin de profiter de son cadre champêtre, Djamshid travaille comme un forçat. Histoire de prolonger ses relâches à la campagne, il enchaîne les heures de travail comme on file des perles. Et aujourd’hui, il profite d’une mission en ville pour boucler quelques démarches administratives, si chères au cœur des citadins, ainsi que pour prendre la température en ville. Il se résout même à descendre dans les sous-sols bitumineux de la ville, où on a creusé des galeries semblables aux intestins d’un monstre fossile, afin d’emprunter ce qu’ils nomment le métro. Le strapontin crie grâce. Djam regarde défiler les stations avec l’impression d’être davantage accroupi qu’assis, sur cette banquette microbienne. Si les wagons sont combles, il demeure autour de l’Ardhis comme un champ de force qui semble dissuader les chalands d’approcher, ne serait-ce que pour lui demander l’heure. Sans doute un petit effet de sa mine patibulaire, broussailleuse, rembrunie. Lorsque Djamshid se redresse, guerrier de temps éculés ramené à la vie, la masse pressurisée se fend magnifiquement, révérencieuse, comme la peau d’une gorge sous le fil d’une lame. Et le guerrier s’extirpe du compartiment, qui se redresse aussitôt de quelques centimètres dans un fracas métallique, délesté brusquement de cent vingt kilos.

Le quai est bondé. On se croirait dans une fourmilière. Des odeurs mêlées de sueur, de bitume, d’urine et autres fumets synthétiques se disputent les naseaux du minotaure. Djamshid enfourne ses grosses paluches dans les poches de son cuir et se fraie un passage dans la cohue. Quelques notes mélodieuses et fluettes se lèvent et se défont de l’infect galimatias ambiant. Une sensation familière, reptilienne, avant-coureuse. Il n’a pas eu le temps d’en identifier la source que cela résonne puissamment en lui. Il avance encore de quelques pas, dans le boyau sinueux, et promènent son œil de lynx sur les différents visages de la presse, à la recherche de la musicienne. Alors, l’évidence lui saute au visage. L’évidence crie haut et fort. L’évidence explose. Et le souffle tiède et confus de sa déflagration emmêle un instant sens et souvenir.

« Salut gamine. » Lâche l’Ogre. Les bas-octaves de sa voix font trembler les soubassements de l’atmosphère-même. Un sentiment mitigé l’envahit. Il y a de la chaleur, issu du ravissement de la retrouver saine et sauve. Et puis de l’agacement, à la trouver ici, terriblement précaire, livrée à tous les parasites de basse-fosse. « C’est quoi ton excuse, pour m’avoir fait faux-bond ? » Un ton implacable, péremptoire, bourru. D’autant plus qu’elle ne lui doit absolument rien. Et pourtant il sourit intérieurement, le colosse. Et de tous ses crocs féroces et protecteurs. Elle reconnaîtra, elle, la subtile chaleur perfusée dans sa voix, comme le petit rictus enjoué qui redresse la moustache de sa commissure gauche. Il engouffre les derniers mètres qui le séparent de la musicienne, assise avec sa sébile et sa guitare, pour venir se planter devant elle, obstruant la lumière des néons criards. La montagne regarde la souris. Souris qui disparaît presque, dans l’ombre goudron qu’il projette à ses pieds.
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Vesper Whelan
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Les notes s'égrainent dans ma gorge, leur ampleur est telle que j'ai du mal à respirer. C'est une sensation formidable de tenir jusqu'au bout du fil de la mélodie, quand celui de l'air vient à se rompre. Une adrénaline grisante qui s'infiltre par tout les pores de ma bouche, qui glisse jusqu'au bout de mes doigts agités. Mes ongles se liment contre les cordes, mes jambes et mon corps se donnent pour ne faire qu'un avec le bois laqué de Milady. La guitare, c'est moi. Et moi, je suis pour ce public qui s'agglutinent dans les couloirs étouffants, gênant les plus pressés. Dans ce lieu de passage, je demeure, parfois, comme un pilier, depuis des mois.

Je suis là.
Je veux qu'on me trouve.
Je veux qu'on me voit m'étendre et frapper contre le pavé.

Je suis en vie et je le crie, défiant les plus hautes harmonies.


Et ce jour-là, rien ne déroge à la règle. Rien ne change dans ce quotidien chanteur, enchanté de nouvelles têtes à conquérir, pour quelques piécettes dans la coupelle. Je mendie mon minuscule talent pour une poignée de minutes, à la recherche de quoi sustenter les heures prochaines.
Mais aujourd'hui, là, tout de suite, c'est pas le fric qui me remplit le bide. Rien à voir. Dans le tumulte des passants, une ombre se découpe.
Grande.
Large.
Familière.


Le passé vient me coller des papillons dans le ventre.
Je termine à peine la dernière portée de Paint it Black des Stones quand les quelques applaudissements sont surpris de ma trogne figée. Je ne regarde personne d'autre que l'immensité qui me couvre de son ombre.
La Montagne s'est déracinée et est venue m'écraser.

« … Oh putain. »

C'est plissé entre mes lèvres qui se font soudainement timides, mal à l'aise. Je marmonne quand je recule et qu'il avance. Pas de peur, pas de crainte pour ma vie en particulier. Juste... de la honte.

« ... Djam-djam... Heeeeeyyy... Saluuuut... »

Je babille timidement, la nervosité me fait passer pour une gosse de quatre ans qui use de vieux surnoms pour attendrir la bête. Elle demande des comptes, et merde, c'est bien son droit. C'est moi qui ai niqué toute cette histoire, sans respect pour ce que j'avais laissé derrière moi. Le guêpier local me paraît soudainement bien plus facile à appréhender, et pourtant j'ai un démon au cul avec tout un tas de casseroles qui font un max de bruit.

« Hum. Hnm. Que euh... j'avais un besoin pressant à l'autre bout de l'océan ? »

Machinalement, je range Milady dans son étui. Je sais que le concert est fini et de toute manière, j'ai plus envie de sortir un seul refrain. Même ma connerie ambulante ne fait rire personne, c'est même... gênant.

« … Ouais bon ma gueule. »


Je veux me terrer dans un des tunnels. J'aimerais prendre mes jambes à mon cou mais je suis incapable de bouger. Pas devant lui. Pas devant ce type qui me connaît trop bien, pas devant ce roc qui m'a couvert de ses grands bras toute ma vie durant.

Il m'a manqué.
Il m'a putain de manqué.
Et j'ai un milliard de choses à lui raconter.


C'est quand je finis par me calmer et que j'affronte enfin son regard de roc que je me décide à être un peu sérieuse. Il le mérite. Il a fait tout ce chemin pour me retrouver. Comment il a fait son compte, d'ailleurs... ?

La main dans mes tifs en bataille, je cherche mes mots qui se bousculent en furie contre les portes de mon malaise.

« Ecoute, hum... J'comprends parfaitement que tu sois en rogne. Mais... j'voulais pas t'impliquer dans mes emmerdes, c'pour ça que je me suis tirée comme une voleuse. J'suis pas fière mais bon... »

C'est le mot. Pas fière, pas bien, pas prête. Pas tirée d'affaires. Et s'il s'en retrouve éclaboussé, c'est toute ma vie qui s'en retrouvera bousculée.

Je ne veux pas te perdre, mon frangin l'Ours brun.

« Cela dit... j'suis super contente de t'revoir. T'as pris du muscle nan... ? »

Je tâte et flatte un biceps, un rire cristallin entre les dents. Changeons de sujet, parlons d'autre chose, allez. C'est pas grave.
Rien n'est grave.
Mais Djamshid, steuplé... M'en veux pas, d'accord ?
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