Le SMS que je m'apprête à envoyer est révérencieux, imbibé de tout le respect que je ressens pour les frangins Corb. Ça se voit, ça pue aussi peut-être, comme si j'lui lèche les chaussures juste pour avoir de lui c'que je veux : une certaine notoriété dans la chasse, un savoir-faire que seul lui a. Mais, les gens peuvent croire ce qu'ils veulent, je m'en fous, et j'espère que Rok dérogera à la règle, qu'il verra que j'me plie pas en deux rien que pour ses beaux yeux. Tiens, ils sont beaux ses yeux d'ailleurs ? J'dérive vers des pensées totalement hors sujet alors j'arpente les rues presque désertiques de la ville pour me rendre chez le chasseur renommé. Je presse le pas pour pas m'attarder dehors et éviter de m'taper une amende signée par les keufs. J'ai pas d'argent à perdre inutilement ces jour-ci. A vrai dire, depuis le confinement, j'suis de plus en plus à sec, ça m'stresse beaucoup, mais j'peux pas faire autrement. J'économise chaque penny, j'mange de la merde, j'prends des douches froides, le chauffage peut aller s'faire voir. Ça, j'ai l'habitude avec les bains glacials que j'me tapais après chaque entraînement et compétition.
Bon, c'est pas tout, mais j'suis un peu en retard, c'est la honte, alors j'presse le pas. J'voudrai pas qu'il me foute la raclée du siècle ou qu'il me jette de chez lui à cause de ça. Cette dernière pensée me fait trottiner jusqu'à l'adresse dont il m'a renseigné dans un de ses SMS. J'appuie sur la sonnette en prenant même pas le temps de ralentir ma respiration un peu saccadée par la cours. J'suis trop impatient de revoir Rokheus et de voir ce qu'il a à m'apprendre. Je soupèse mon sac rempli de mes armes de prédilection que j'ai acheté sur le marché noir par l'intermédiaire de l'IRA. Faudrait pas qu'un poulet veule me fouiller sinon j'vais tomber au trou. J'tape donc du pieds, tressaute comme un gamin devant le palier et attends que cette putain de porte s'ouvre.
Et enfin quand le grincement se fait entendre et que le bois se recule pour laisser apparaître le brun, j'sors mon plus grand sourire. Comme quoi, le confinement me rend limite empathique. « Hey. » J'sors une poigne tendue vers lui avant d'entrer. « Merci d'avoir accepté qu'on s'voit. Ça va ? » Parce que les temps qui courent sont pas vraiment ordinaires et qu'on a peut-être d'autres choses à partager ensemble mis à part la chasse. En tout cas, ça m'dérangerait pas. J'aimerai même bien en savoir plus sur lui. J'sais pas, j'ai attendu ce putain de rendez-vous avec impatience et, en le voyant, j'me sens assez à l'aise pour taper la discut.

J’arrive  dans quelques minutes qu’il dit. Je lui rappel donc l’adresse. Ah si ce n’était pas que j’ai vraiment envie d’aider ce gamin et potentiellement apprendre à mieux le connaitre, je lui dirais de rebrousser chemin. Ma seule et unique heure de sommeil n’a clairement pas été assez. Les yeux fixés sur mon reflet dans le miroir, plus je regarde, plus j’ai l’impression de faire face à un cadavre. Huh, ironique considérant que bref, j’en étais un, cadavre. Je pousse un long soupire et me redresse, trainant les pieds jusqu’à la cuisine pour partir la cafetière. Dieu que je vais en avoir de besoin.
« Pourquoi j’lui ai dit de se pointer quand ça lui tenterait déjà ?
Parce que tu crois en ce gamin et que tu veux l’aider. Et parce qu’il t’intrigue. T’en as d’autre des questions comme ça ? »
Je fronce les sourcils en tournant la tête vers lui, vers Sebastian, un ami de longue date. Un frère d’arme, quoi que je le considérais, le considère en fait toujours comme un frère. Un vrai con, impulsif et très stupide, mais quelqu’un de bien. On n’a pas toujours été d’accord sur tous les points, mais bon, il était la personne de qui j’étais le plus proche. Et même encore aujourd’hui, même mort, il est la personne avec qui j’ai le plus de facilité à lui parler qu’aux autres. « Pas faux… » Mais bref. Il n’a pas tord, ce Matthew m’intrigue, il a ce je-ne-sais-quoi qui.. Attise ma curiosité. J’ai aucune idée de pourquoi et j’ai bien l’intention de trouver une explication. Mais pour commencer, je transporte ma carcasse jusqu’à ma chambre. Le but, de base, étant de m’habiller question de pas me présenter juste en jogging tel que je suis actuellement. Ça ferait pas très professionnel. Quoi qu’on est pas au travail ou quoi que ce soit, je suis quand même chez moi hein. Qu’importe. Mais bon, je dévie de but premier lorsque je me laisse tomber sur le lit. Eh merde. Mes yeux se ferment tout seul et puis au revoir. Du moins, pour quelques minutes.
Je me réveille en sursaut en entendant la sonnette. For fuck sake ! Je me lève rapidement, ramasse un t-shirt et me dirige vers la porte en l’enfilant. Et dire que j’étais sensé profiter de ces quelques minutes pour me réveiller un peu. Je passe une main dans mes cheveux pour leur donner autant de sens que possible, soit presque pas. Au diable faire bonne figure. J’ouvre enfin la porte pour voir le visage du jeune Matthew. Je lui fait un bref et faible sourire. J’espère que j’aurai pas l’air trop bête. « Salut Matthew. » Je serre sa main pour ensuite le laisser entrer. Je referme donc la porte derrière lui et je vais à la rencontre du comptoir. Non, mais littéralement. Je me cogne dessus. Je marmonne un « fuck » avant de continuer mon chemin et me verse une tasse de café. « Y’a pas d’quoi. Café ? » Dis-je en pointant la cafetière. Je prend le temps de boire une gorgé avant de penser à répondre à sa question. Ça va ? Est-ce que ça va ? Nah, mais il m’a regardé ? Est-ce qu’un cadavre va bien dans la vie ? Faudrait que je pose la question à Seb un jour. Parlant du loup, je le cherche du regard brièvement, mais il semble bien déjà parti. Bon relaxe Rok, t’es à cran un peu ces temps-ci, mais c’est pas une raison pour être agressif avec un pauvre gamin qui n’a rien demandé. « Honnêtement ? J’ai connu des jours meilleurs. J’ai l’impression d’être en train de mourir à petit feu et crois moi, je sais c’est quoi le feeling. Mais ça va. Et toi ? » Je fronce un peu les sourcils en réalisant ce que je viens de dire. Belle entré en matière… Il est peut-être temps que tu réveilles ton cerveau. Je lui fais un sourire en frottant ma nuque. « Désolé.. Donnes moi quelques minutes pour vraiment me réveiller et je devrais être plus.. Vivant. » Dis-je en riant un peu. « Tu peux poser ton sac sur la table en attendant, tu sais ? »

Une bonne impression, mon sourire reste accroché à mes lèvres jusqu'à ce que j'entende le ton cassé et sec de sa voix, et que j'me rende compte qu'un truc cloche. En le regardant plus en détail, j'ai comme l'impression qu'il vient de se réveiller. Et la chaleur de sa main qui serre la mienne, et me fout au passage des frissons, valident cette hypothèse plausible. J'lui ai demandé si je pouvais venir pourtant. Il semblait d'accord, mais mon SMS a du le désarçonner. Putain, heureusement que j'lui ai envoyé sinon je me serai retrouvé comme un con devant sa porte fermée à poireauter pendant plusieurs minutes. Mais en entrant dans son appart et en le voyant bougonner, j'me demande si ce serait pas mieux. J'avance quand même, sac sur l'épaule, parce que bon il m'a pas jeté de chez lui. J'tire un sourire à son insulte lancé contre le comptoir. J'sais pas, j'ai l'impression de le voir sans filtre à cet instant et la vue est carrément bonne... heu, intéressante. Ouai, j'vois un côté de Rokheus Corb que peu de chasseurs ont la chance de voir. Là, dans la cuisine américaine qui donne directement sur le salon, j'me permets de poser mes affaires aux pieds d'une chaise haute, sac et manteau compris, puis j'reste debout, un peu nerveux par ce terrain inconnu qui m'entoure. Heureusement, Rok me propose du café et j'fais un signe de la tête affirmatif pour affirmer mes paroles. « Ouai, j'veux bien. Merci. » Il a l'air de comater encore, alors j'lui demande si ça va. J'aurais bien ri, mais j'ferme bien ma gueule pour éviter les emmerdes. J'veux pas le froisser, j'veux vraiment rester ici et qu'il m'apprenne plein de trucs. Et même si c'est pas son meilleur jour, il me laisse pas tomber, j'suis sûr que j'regretterai pas d'être venu. J'me sens quand même un peu mal devant son aveu. Si un dur comme lui dit que c'est pas le top de sa journée, c'est que c'est vraiment le cas. « Ah ouai, carrément, à p'tit feu. », j'grimace, prenant la tasse de café dans une main sans pour autant y porter mes lèvres. Pas pour l'instant, le Corb m'inquiète un peu, mais en même c'est pas mes affaires. S'il veut m'dire ce qu'il se passe vraiment, il l'aurait déjà fait non ? « Perso, j'fais aller. C'est pas facile d'rester cloîtrer en confinement. Puis, j'me retrouve au chômage. » Comme beaucoup d'autres habitants de la capitale. C'est la galère ce mois-ci pour bouffer et se réchauffer. Bon, le brun finit par lâcher un rire en s'excusant, j'lui fais signe des mains que c'est pas grave. Hey, j'comprends. Moi-même, j'ai des jours où vaut mieux pas m'parler. C'est ça d'être un homme, d'avoir des responsabilités sur les épaules. « T'inquiète, j'avais pigé que t'étais pas trop réveillé en entrant. », j'tire un petit sourire en direction de quelques mèches qui veulent s'faire la malle. Il a un côté super attendrissant comme ça. Un côté plus... humain et réconfortant. Ouai, bon, c'est bien beau, mais retournons aux affaires. J'bouge de la tête, fronce des sourcils fugacement et prend le sac pour le foutre sur la table que Rok m'a indiqué, sûrement pour vérifier mes armes. J'l'ouvre d'ailleurs, y retrouve les guns en tout genre, et je l'imagine brièvement en train d'en manier un avec son expertise et son talent. Cette image m'serre la gorge un instant avant que j'me retourne pour revenir à la tasse de café qui m'attend. « Merci, j'ai amené le matos comme promis. » J'suis pas dans mon élément, ni sur mon terrain, alors j'ose pas trop regarder tout autour d'moi, j'ose même pas m'assoir ou quoique ce soit. Comme si j'attends le signal du chef. En attendant, j'sirote le café qu'est pas mal du tout. A vrai dire, ça change des sandwich que j'me fourre depuis une semaine. J'exagère mais mes réserves commencent sérieusement à s'épuiser. « Si t'as mal quelque part, j'peux peut-être t'aider ? », j'lui demande en renfrognant mes épaules, l'air de rien. J'ai suffisamment vécu les massages de kiné pour les connaître par coeur.

Clairement, j’aurais pas dû me fondre dans le lit, ça m’a été fatal. Non seulement je me sens comme un cadavre ambulant, mais en plus, mon filtre quant à ma parole à juste totalement disparu il semblerait. Et bah tant pis, le gamin me verra sous un autre jour. Après tout, on peut pas éternellement tenir une apparence plutôt professionnel et prétendre être ce qu’on est pas. Après une embuche avec le comptoir, je lui propose un café alors que je m’en verse une tasse. J’en sors une deuxième que je remplis pour ensuite lui tendre en répondant à sa question. L’honnêteté, encore une fois, prend le dessus sur les apparences. Je penche légèrement la tête en le regardant. Le chômage hein ? Cette histoire en affecte plus d’un, vraiment. J’imagine que je devrais me compter chanceux de ne pas être de ceux qui ne peuvent continuer de faire leur job. J’imagine oui. Tu sais, si tu veux, je pourrais peut-être t’avoir un job temporaire, le temps que tout ça se passe. De un, un coéquipier pourrait toujours m’être utile et en même temps, ça serait une bonne fan de voir ses capacités, s’il le veut bien, évidement. J’enchaîne en m’excusant de mon état, disant que ça devrait s’améliorer bien vite. À suivre par contre. J’hausse un sourcil en voyant son regard monter à ce que j’assume être mes cheveux. Sûrement pas bien placés, ça c’est presque sur. Je lui indique de mettre son sac sur la table, chose qu’il fait presqu’aussitôt et je m’en approche donc pour y jeter un coup d’oeil alors qu’il l’ouvre. Bien. Je me permets de fouiller un peu, commençant par simplement faire l’inventaire de ce qu’il a en sa possession. Une collection tout de même bien fournis. Reste à voir si c’est de bonne qualité ou pas. Je commence par en sortir un fusil à pompe que j’observe sous toutes ses coutures. Je redresse la tête brièvement en lui faisant signe de prendre place sur une chaise, si cela un dit bien évidement et je repasse à mon analyse. Un fusil de chasse juxtaposé, je dirais tout au plus 3kg, calibre 20. Bon choix quand tu commences. J’observe encore un moment l’arme avant de la poser sur la table pour ensuite regarder Matthew. En soit, ce n’est pas un si mauvais choix. Sa légèreté diminue le choc du recule, mais diminue aussi la porté de ton tire. Mais ça, tu peux arranger cet inconvénient avec un canon plus long. Je m’étire un moment, c’que ça peut faire du bien.! Je le regarde d’un air un quelque peu curieux. si t’as mal quelque part, j’peux peut-être t’aider ? Ai-je l’air en quelconque douleur ? Ça c’est un peu l’histoire de ma vie, mais je m’en sors très bien ainsi. Quoi, t’es un spécialiste des maux physique ? Là c’est simplement la curiosité qui parle.