La Meute est sur le qui-vive.
Hunter a disparu.
Comme ça. Sans un mot. Et personne ne l’a vu.
La proximité dans les bunkers rend leur odorat compliqué à gérer, difficile à utiliser aussi bien qu’à l’extérieur.
Colgan et Malone sont inquiets. Terriblement inquiets. Ils n’ont aucune idée de ce qu’il fomente dans son coin. Or Les Abyssaux doivent se faire tout petit ici. Ils sont aussi craints que détester.
Ibakha l’a déjà constaté alors même que ça ne fait que quelques jours qu’ils sont là. Que ça soit dans les regards que certains leur lancent ou dans les murmures qui courent lorsqu’elle traverse les couloirs où s’installe au mess.
Pourtant, une autre idée trotte dans la tête d’Ibakha sur ce qui a pu arriver à Hunter, une idée pourtant toute simple qui n’a sans doute même pas effleuré son Alpha ou son Second. Lentement Ibakha s’approche alors qu’ils discutent et pose sa main sur le bras de Colgan.

- Je le retrouverai.
Le grand roux se tourne vers elle et la regarde avec perplexité.  
- Comment ?
- C’est mon affaire.
Il ouvre la bouche, puis la referme avant de chuchoter à voix basse.
- Tu sais où il est ?
- Non. Mais je sais sans doute pourquoi il ne se montre pas. Fais-moi confiance. Tu m’as plus ou moins déclarer comme sa nounou non ?
Colgan marque un temps d’arrêt puis soupir.
- Très bien.

Ibakha part donc en chasse. S’il a été pris d’une crise d’angoisse, il est très certainement en train de se terrer dans un recoin sombre, loin des autres. Elle tente de suivre son odeur, tombe souvent sur des fausses pistes, mais finit par sentir sa trace dans ce qui est appelé le Shelter01, enfin ! Ibakha la suit et finit par le repérer dans une sorte de salle d’entretien, replie de tuyauteries et de machines dont elle n’a aucune idée des fonctions.
Il est bien là. Dans sa forme de loup, les oreilles et la tête basses, le corps parcourut de tics nerveux.. Lorsqu’il l’aperçoit, il gronde, l’attitude menaçante. Elle soupire, presque soulagée d’avoir eu raison.

- Idiot.
Ce qu’elle lui a déjà lancé il y a quelques jours. Sa voix claque dans l’espace vide alors qu’elle s’approche avec prudence.
- C’est donc là que tu te caches. Tu as affolé tout le monde.
Elle prend la mesure de l’environnement et finit par s’installer en tailleur face à lui, à bonne distance toutefois.
- Charmant petit coin pour faire une crise de panique. Elle plante son regard dans celui du Loup, aussi bleu que celui de sa forme Humaine, puis soupire. C’est bien ce qui t’arrive non ? On avait un marché…pourquoi tu n’es pas venu me voir ? Doucement, elle tend la main vers le Loup, sans trop de crainte. Je veux simplement t’aider…Laisse-moi t'aider...

Save yourself
There is no catch
I'll walk alone
Until I'm found

Sans prévenir, l'anxiété l'a fauché.
Une poigne glacée comprimant ses poumons, tentant d'écraser dans sa paume son pauvre cœur, tel un oisillon sans défense.
Il suffoque.
Ses oreilles bourdonnent.
Sa vue se trouble.
La panique grimpe et affole ses sens.
Il se mord sauvagement la main pour s'ancrer à une autre sensation, mais la douleur n'apporte aucun bienfait. Cette constatation baigne son estomac dans l'acide. Il tremble de la tête au pied.

"Je perds le contrôle."

Disparaitre.
Se terrer dans l'ombre.
S'éloigner pour ne pas être un danger. C'est l'unique solution.
Hunter se traine en se cognant contre les mur ou les gens qui ont le malheur d'être sur son passage. Il avance autant que ses jambe flageolante le lui permettent. Pas assez loin. Il y a encore trop de monde, trop de victime potentiel. Déjà ses iris brillent d'une lueur inquiétante. Il avise un local de manutention électrique et y pénètre. L'ironie veut que pour gérer sa crise claustrophobique il se terre dans un réduit encore plus minuscule.
Ses os craquent.
Ses dent poussent déformant son crâne.
Ses rotules se disloquent pour changer d'angle.
A bout de forces et d'armures mentales, le lycanthrope se laisse aller à la terreur de sa condition.

Lorsque Ibakha le retrouve, voilà plusieurs heure qui tourne en rond dans ce cagibi, mordillant les tuyaux, griffant les mur. Il couine, gémit, les oreilles basses. La crise a fait refluer l'homme au plus loin de son esprit, retranché derrière sa peau animal.
Son premier réflexe en voyant l'intruse est de montrer les crocs.

"Vas-t-en ! Vas-t-en je suis dangereux!"

Pourtant, l'odeur de la femme lui est étrangement familière, comme le son de sa voix autoritaire. Ce mot "Idiot" est-ce son nom ? Il y décèle comme une forme d'intimité. La femme parle, droite, assise en tailleur devant lui. Elle est d'un calme suspect. La bête tourne autour d'elle, inquiète, le museau retroussé par des grondements inquisiteurs.
Lentement, très lentement, la conscience d'Hunter se déplie et réinvestit sa peau de loup. Il connait cette femme. C'est "Indomptée". Elle appartient à sa meute. Elle a promis de l'aider. Est-elle vraiment une alliée ?

- On avait un marché…pourquoi tu n’es pas venu me voir ? Hunter-loup, fixe ces doigts tendus vers lui de son éternel regard bleu à la fixité magnétique. Il cesse de trépigner pour mieux lui faire face. Je veux simplement t’aider…Laisse-moi t'aider...

Avec prudence, les oreilles toujours ployées vers l'arrière, sa truffe furète sur ces phalanges graciles pour venir se nicher finalement dans sa paume.

"Ibakha..."

Ibakha ne force pas le mouvement, attend patiemment. Il tourne, encore et encore et elle devine qu’Hunter a dû trouver refuge loin dans la conscience du loup. Ses yeux ne brillent pas de la même façon que lors des pleines lunes qu’ils ont déjà passé ensemble. Il cesse enfin de bouger dans tous les sens lorsqu’elle tend la main vers lui, essayant de le ramener à elle, à lui.  
Attitude méfiante encore, elle le sent toutefois plus calme lorsqu’il s’approche finalement de lui-même. Elle ne bouge toujours pas et se laisse aller à un mince sourire en coin lorsque sa truffe humide entre en contact avec sa peau.

- J’aime mieux ça, chuchote-t-elle sur un ton qu’on pourrait presque qualifier de tendre. Tu es revenu alors ?

Ses doigts se posent sur son museau, glissent tout le long jusqu’à s’enfoncer dans la fourrure douce pour gratter délicatement l’arrière de ses oreilles.

- Vraiment, tu me rends pas du tout les choses faciles. Je suis à deux doigts de croire que tu l’as fait exprès. Si tu l’as fait dans l’optique de rendre dingue notre Alpha et son second, tu as réussi aussi. D’une pierre, deux coups. Machiavélique.

Sa deuxième main suit la première et ensemble, elles alternent entre caresses et gratouilles, chose qu’elle ne se serait sans doute jamais permise dans d’autres circonstances. Ses doigts vagabondent dans cette fourrure incroyablement douce, en contraste total avec sa carrure massive. Comme d'habitude, il dégage une aura souveraine qu'elle n'a retrouvé que chez Colgan.  

- Très malin de trouver refuge dans un cagibi lorsqu’on fait une crise de claustrophobie. Tu es certain d’être si intelligent et sage que ça Vieux Loup ?

Elle attrape délicatement la tête du loup entre ses paumes et scrute ses yeux bleus qui ont retrouvé quelqu’un chose de plus humain .

- Bien…on va chasser cette trouille pour que tu retrouves un aspect plus présentable. Suis-moi…elle adoucit l’ordre d’un… ok ?

- J’aime mieux ça.

Hunter-Loup la fixe sans ciller. Il a le même regard pénétrant que sa version humaine.

- Tu es revenu alors ?

L'animal lape le creux de sa paume en guise de réponse. Cela doit vouloir dire "oui", à sa façon. Ses oreilles toujours baissées, l'attitude prudente, il accueille les caresses d'Ibakha avec une lueur d'étonnement dans les prunelles. Il pousse même un jappement surpris quand elle lui gratte l'oreille. Néanmoins, il ne se dérobe pas à cette débauche soudaine de contacts, il semble même, progressivement les apprécier. En témoigne ses oreilles qui se redresse lentement et ses muscles qui se détendent pour adopter une posture plus digne et surtout moins défiante.

- Vraiment, tu me rends pas du tout les choses faciles.

Son pelage n'a pas été foulé par des doigts humains depuis des temps immémoriaux. Ce n'est pas désagréable, loin de là. Il penche la tête sur le côté, pour aller à la rencontre de ses mains cajoleuses. Peut-être essaie-t-il de lui signifier qu'il est désolé.

- Je suis à deux doigts de croire que tu l’as fait exprès. Si tu l’as fait dans l’optique de rendre dingue notre Alpha et son second, tu as réussi aussi. D’une pierre, deux coups. Machiavélique.

Un aboiement qui retrousse ses babines alors que langue pendante, il donne l'impression de ricaner.
"Ils s'imaginent peut-être que je fomente une révolution... Les imbéciles. Toi aussi tu trouves ça ridicule, hein ?" Hunter-loup ferme sa gueule et redresse le museau avec une fierté toute empreinte de majesté. Il se demande fugitivement si Ibakha le trouve beau. Une interrogation vaniteuse qui s'étiole aussi vite qu'elle est venue.

- Très malin de trouver refuge dans un cagibi lorsqu’on fait une crise de claustrophobie. Tu es certain d’être si intelligent et sage que ça Vieux Loup ?

Le grognement qui suit ressemble à s'y méprendre à ceux qu'il profère quand il se renfrogne. il s'accompagne d'un renâclement de truffe qui soulève quelques mèches volatiles de la chevelure d'Ibakha. Elle peut presque l'entendre rouspéter : "Ne te fous pas de ma gueule, gamine. J'ai du parer au plus pressé."

- Bien…on va chasser cette trouille pour que tu retrouves un aspect plus présentable.

Effectivement, ce ne serait pas une mauvaise idée, d'autant que ses vêtements sont en charpies, étalées au petit bonheur sur le sol.

- Suis-moi… ok ?

Il déteste qu'on lui donne des ordres, surtout quand cette femelle use de son ton péremptoire de Maitresse de Donjon. Il note, tout de même, l'effort de paraitre moins désagréable et le salue d'un coup de langue râpeux sur le nez. Ses iris bleues pétillent d'un je-ne-sais-quoi d'amusé.

Définitivement, Hunter est de retour si elle en croit cette sorte de communication silencieuse qu’il établit avec elle. Ses réactions l’amusent. Aussi soupe au lait en loup qu’en humain… cela dit, il semble surtout se détendre un peu ce qui est évidemment le but de tout ceci.
Le coup de langue la surprend totalement et elle fronce le nez, un petit air faussement écœuré sur le visage.
- Tu es dégoûtant, lâche-t-elle de son timbre neutre en s’essayant le nez. Je suppose que ça veut dire oui.  
Lentement – à regret – elle retire ses doigts de son pelage et se redresse. Du bout du pied, elle déplace des charpies de tissus et pousse un gros soupir.
- Tes vêtements je suppose. Tu es une véritable plaie Hunter O’Rourke.  
Ses paroles sont largement démenties par son ton et le pétillement amusé de son regard.
- Il va falloir te trouver de quoi te mettre quelque chose sur le dos si tu ne veux pas faire un défilé dénudé parmi les réfugiés. Ces pauvres gens ont vu assez d’horreurs en quelques jours.

Elle hausse un sourcil et se pince les lèvres en attendant sa réaction. Le distraire de ses pensées anxieuses s’avèrent bien plus amusant que prévu. Elle ne doute pas un instant qu'il sait parfaitement avoir un corps à faire baver d’envie. Elle se laisse même aller à un petit rire.
- Comme si tu n’avais pas remarqué le regard de tes « sœurs » ! Allez en route, tu me laisses passer devant, Vieux Loup.  

Elle ouvre la porte avec précaution et jette un coup d’œil de part et d’autre du couloir avant de sortir et de lui faire signe. Ils progressent de cette façon jusqu’à la chambre qu’Hunter partage avec les frères Monaghan. Elle trouve un coin pour cacher le Loup et elle lui demande de l’attendre là pendant qu’elle va récupérer des vêtements à lui.
L’opération ne prend que quelques secondes et heureusement pour elle la chambre est vide. Sans doute cherchent-ils eux aussi à localiser Hunter. Lorsqu’elle va pour sortir, la porte s’ouvre devant elle sur Shane qui la regarde en fronçant les sourcils, son regard passant de ses yeux à la pile d’habits qu’elle tient contre elle.

- Ibakha ?
Celle-ci ne se laisse évidemment pas démonter et remonte fièrement le menton comme si sa présence sur le seuil de sa chambre était tout à fait normale.
- Shane.
- Qu’est-ce que tu foutais dans notre chambre ? Et pourquoi t’as des fringues d’Hunter dans les mains
- Au cas où cet imbécile se serait transformer quelque part évidemment.
Shane se penche vers elle et renifle avec ostentation.
- Tu sens comme lui.
Ibakha prend sur elle de ne pas jeter un coup d’œil vers le recoin où elle sait Hunter tapi.
- Ses vêtements. Et votre piaule sent le fauve. Vous devriez aérer un peu.
Shane ricane et la regarde avec suspicion sans rien ajouter pourtant.
- T’es drôle en fait comme nana !
- C’est ça, je suis le clown de votre petit cirque. Laisse-moi passer tu veux.  
Le ton est suffisamment ferme et autoritaire pour que Shane se décale. Il l’observe s’éloigner un moment puis rentre dans la chambre et la ferme derrière lui.
Ibakha pousse un discret soupir et retourne vers le Loup qui l’attend.
- Je te laisserai t’arranger avec lui. Ne me fais pas passer pour l’une de tes groupies je te prie.  

Ils repartent et cette fois elle le guide vers un autre coin. Il manque de peu de croiser des réfugiés et Ibakha trouve bien plus drôle de se cacher avec lui comme des voleurs. Tout ceci représente une agréable distraction…au rien qui occupe ses journées depuis qu’ils sont là. Finalement, elle pousse de lourdes portes qui laissent voir un grand et magnifique écrin de verdure magique.
Même elle sourit largement en prenant une pleine bouffée d’air magiquement pur et plein d’humus. Elle retire ses chaussures et enfonce ses orteils dans la terre avec un soupir de satisfaction.
- Si tu n’arrives pas à te détendre ici, il ne me restera plus qu’à te droguer jusqu’à ce que ça passe,  affirme-t-elle avec ironie.
Elle-même marche quelques minutes puis finit par s’allonger dans l’herbe en regardant le ciel.
Certes ça n’est pas le vrai, mais enfermée six pieds sous terre, elle s’en contentera.

- Tu es dégoûtant.
Le loup laisse pendre sa langue dans une attitude goguenarde qui ne trompe pas.
- Je suppose que ça veut dire oui.
Il aboie un assentiment.

Hunter regrette le départ de ces jolis doigts gracieux et caressants. Il y avait pris gout, somme toute. Néanmoins, il ne se fait pas d'illusion sur le fait qu'Ibakha ne dispense ces gestes que parce qu'elle y est obligée. "Elle continue de se prendre pour ma nounou..." D'ailleurs la louve ne se prive pas de le réprimander lorsqu'elle constate les oripeaux qu'il laisse dans son sillage. Ceci étant, il la soupçonne de trouvait la situation franchement distrayante.

- Tes vêtements je suppose. Tu es une véritable plaie Hunter O’Rourke.
Une fois encore il produit ce petit raclement nasal qui sonne comme un petit rire étouffé. "Une plaie que tu aimes bien tripoter il faut croire..."
- Il va falloir te trouver de quoi te mettre quelque chose sur le dos si tu ne veux pas faire un défilé dénudé parmi les réfugiés. Ces pauvres gens ont vu assez d’horreurs en quelques jours.
Gémissement faussement offusqué. La lycan répond par un petit rire qu'il trouve agréablement mélodieux.
- Comme si tu n’avais pas remarqué le regard de tes « sœurs » !

Il plante sur elle un regard indéchiffrable. En toute honnêteté, il n'a jamais prêté attention à la manière dont les femelles de la meute le regarde. Il n'a jamais prêté attention à la plupart d'entre elles de manière générale. Elles forment une entité d'ensemble dont peu parviennent à se détacher individuellement. Une masse un peu inquiétante qu'il sait fidèle à Colgan et qui se défie fatalement de lui.

- Allez en route, tu me laisses passer devant, Vieux Loup.

S'entame alors une partie de cache-cache dont la première escale est sa chambre. Planqué dans un espace creux, il tend l'oreille et écoute la conversation entre Chane et Ibakha. La louve ment avec un aplomb qui force le respect et attise sa propre méfiance. Lui a-t-elle menti à lui, cette fois où ils ont conversé à coeur (presque) ouvert, au chevet de Marisol ?
Il chasse cette vilaine pensée quand la jeune femme revient à lui.

- Je te laisserai t’arranger avec lui. Ne me fais pas passer pour l’une de tes groupies je te prie.
Hunter-loup penche la tête sur le côté avec un gémissement interrogatif. "Il y en a tant que ça ?" Aboiement discret. Pétillement amusé dans ses iris bleues. "Chane est libre de penser ce qu'il veut, je n'affirmerais, ni n'infirmerais quoi que ce soit..."

La partie de cache-cache continue et le vieux loup s'amuse sincèrement de voir la gamine ressurgir en Ibakha. Elle doit s'ennuyer autant que lui ici, sans ciel, sans forêt, sans clients à fouetter... Ils sont ostracisés pour le moment, mis au banc pour leur ancienne appartenance aux Hurlants. C'est logique, mais cela ajoute à l'atmosphère pesante de leur nouvelle et morne existence.
Il en est là de ses tristes réflexions quand sa compagne ouvre une porte à lourd battant. Une puissante odeur de petrichor, d'herbe fraiche et de céréales lui fouette l'odorat. Ebahi, il découvre une salle aussi vaste qu'un petit village munie d'un véritable ciel azur où défilent des cumulus paresseux. Ses pattes s'aventurent sur la terre meuble et riche. Des azalées et des trèfles lui chatouillent les coussinets.
"C'est réel!"

Hunter bouscule Ibakha en se précipitant à l'intérieur et gambade dans la petite prairie qui sert de vestibule à l'endroit. Il se roule dans les pissenlits comme un jeune louveteau excité. Rare sont ceux qui l'ont vu ainsi se comporter.
Une fois repus et ivre de verdure, Hunter-loup rejoint sa camarade et s'affale auprès d'elle, la tête sur son ventre. Il se sent bien, mieux que tous ces dernier jours passés entre ses boyaux de béton armé. Il lui est reconnaissant de cela.

Du coin de l’œil, Ibakha surveille Hunter. Mais son comportement s’apparente plus à celui d’un louveteau que d’un tueur sans une once d’humanité. Si Colgan et Malone pouvaient le voir comme ça, peut-être qu’ils arrêteraient de se méfier constamment de lui. Elle a compris que ce renversement de pouvoir qu’il fait planer au-dessus de la Meute tenait plus de l’ordre du fantasme ou du doux rêve que d’une réalité concrète.

Pour le moment.

Elle sourit distraitement, relevée sur ses coudes, nounou attentive. Elle espère que Colgan n’aura pas l’idée de lui reforger la garde de son enfant aussi. Elle n’y comprend franchement rien aux enfants.
Hunter finit par se lasser de batifoler comme un jeune loup et de se rouler dans à peu près toutes les surfaces accessibles. Il s’écroule à ses côtés et la surprend à nouveau en posant sa large tête contre son ventre.
Elle arque un sourcil. Manifestement le pétillement amusé dans ses yeux refuse de s’en aller.

- Je t’interdis de faire une sieste sur moi !
D’elle-même, sa main retrouve le chemin de sa fourrure alors qu’elle s’allonge à nouveau totalement se servant des vêtements d’Hunter comme d’un coussin.  

- Etrange cet endroit. Il fait réel et pourtant il y a un léger quelque chose qui sonne faux. Mais l’illusion est belle. C'est mon refuge. Tu pourras venir ici quand tu te sentiras submergé par tes angoisses. Ça m’évitera de devoir parcourir les bunkers de long en large pour te retrouver. Et épargner ta garde-robe.

Ses doigts massent distraitement la tête et l’échine de l’animal, retirant au passage des brins de foin.  

- On va sans doute passer la pleine lune ici. Soupir. La forêt me manque déjà… Hina et toute seule là-bas…

Cette mélancolie passagère ne lui ressemble pas et elle la réprime aussitôt. Elle a bien connu la mère de la jeune fille et même si l’adolescente et elle ne sont pas très proches, elle se sent le devoir de veiller sur elle.
Elle laisse filer un long silence, comblé par le pépiement d’oiseaux sans doute imaginaires.
Les yeux plongés dans le bleu du ciel elle lâche soudain avec un petit sourire.

- Tu es presque plus agréable en Loup. Moins idiot, plus doux. Elle se redresse à nouveau sur un coude. Mine de rien, la tête d’Hunter-Loup pèse lourd. Mais maintenant que tu es calmé, je vais aller rassurer notre cher Alpha que tu n’es pas en train de monter une petite révolution à toi tout seul comme le vilain méchant loup que tu es. Allez…pousse-toi. Et n’oublie pas de te rhabiller avant de sortir.

- Je t’interdis de faire une sieste sur moi !

Renâclement souverain. Monsieur semble s'asseoir sur sa mise en garde comme il se vautre sur elle. D'ailleurs, Ibakha lui donne raison en retrouvant naturellement les chemins de son pelage. Hunter-loup pousse un soupir satisfait et ferme les yeux, savourant les trop rares caresses dont il fait l'objet.

- Etrange cet endroit.

Il est vrai. Il ne peut qu'abonder en son sens. Il n'imaginait pas trouver un écrin de nature ici bas. Les Malsheemiens ont visiblement parmi eux de puissant sorciers.

- Il fait réel et pourtant il y a un léger quelque chose qui sonne faux. Mais l’illusion est belle. C'est mon refuge. Il sera le sien également, à présent. Tu pourras venir ici quand tu te sentiras submergé par tes angoisses. Ça m’évitera de devoir parcourir les bunkers de long en large pour te retrouver. Et épargner ta garde-robe.

Le loup ouvre les yeux et la contemple de son profond regard bleu.
"Tu t'es vraiment donné cette peine, fillette ?"
Après tout, elle n'a fait que tenir parole. Le constater lui réchauffe étrangement le poitrail. Il y a longtemps qu'on ne l'a pas surpris en bien.

- On va sans doute passer la pleine lune ici.
"C'est une bonne idée. Je me demande si cette voute céleste artificielle obéit à un cycle de jour et de nuit..."
- La forêt me manque déjà…
Il gémit d'approbation.
- Hina et toute seule là-bas…
"Hina ? Qui est Hina ?... Ah oui... la petite dernière, la petite protégée chérie de Malone..." Une adolescente beaucoup trop jeune à son sens pour candidater à la Morsure. Mais qui est-il pour critiquer les prises de décision inconscientes et dangereuses de leur alpha...? Le loup redresse légèrement la tête pour contempler l'expression d'Ibakha. "Toi aussi, tu es capable de mélancolie...."s'étonne-t-il. Il garde dans un coin d'esprit d'en apprendre plus sur cette Hina. Elle semble importante pour sa "wolf-sitter".

- Tu es presque plus agréable en Loup. Moins idiot, plus doux.
" J'en prends bonne note, jeune fille." semblent exprimer ses prunelles amusées.
- Mais maintenant que tu es calmé, je vais aller rassurer notre cher Alpha que tu n’es pas en train de monter une petite révolution à toi tout seul comme le vilain méchant loup que tu es. Allez…pousse-toi.

"Quoi ?! Déjà ?" geint-il.
Il ne bouge pas d'un poil.

- Et n’oublie pas de te rhabiller avant de sortir.

Pire, il se redresse pour mieux l'écraser de tout son poids.
"Rien ne presse... Ils peuvent bien s'angoisser encore un peu, tu ne crois pas ?"

Il reste d’abord immobile. Etonnant.

- Bien. Je vais donc rajouter capricieux à ta longue liste de qualité. Franchement… tu pourrais redevenir humain et on reprendrait chacun le court de nos mornes vies souterraines !
Il bouge, elle pense donc – naïvement – qu’il va s’exécuter. Mais évidemment il n’en fait rien et l’écrase d’autant plus. Elle pousse une exclamation de surprise autant que d’inconfort.

- Tu m’écrases, idiot !

Elle se trémousse, bouge un peu pour qu’il cesse de lui comprimer le diaphragme et donc de lui couper le souffle sans parvenir à grand-chose.
Le message est clair et sans doute innocent mais Ibakha sent un léger début de panique à l’idée de ne plus être libre de ses mouvements, d’être contrainte à rester sur le dos.

« Comme une gentille fille. »

- Pousse-toi…souffle-t-elle.
Des images qu’elle a repoussé loin dans son subconscient refont surface, la prenant totalement au dépourvu. Elle essais de les contrer en se répétant mentalement qu’Il ne pourra plus jamais lui faire de mal, qu’elle s’en ait assuré, qu’Hunter ne lui fera rien (est-ce seulement certain ?) mais le corps a lui aussi une mémoire et il rue violemment, frappe pour s’échapper.

- Va-t’en, va-t’en… Laisse-moi !! aboie-t-elle à la limite de l’hystérie.

Elle finit par rouler sur le côté, à genoux, le corps ramassé dans un posture de défense totale, échevelée, les pupilles dilatées et brûlantes d’un éclat effrayé et meurtrier, les lèvres retroussées, crocs prêts à mordre.
Ibakha met quelques secondes à reprendre ses esprits. Elle inspire profondément, passe ses doigts dans ses cheveux jusqu’à en égratigner son cuir chevelu. Peu à peu les images refluent, reprennent leur place dans cette boîte. Elle lutte contre l’envie de se mettre en boule dans un coin sombre jusqu’à ce qu’on l’oublie.
La crise passe, la laisse épuisée et elle ne relève la tête qu’une fois qu’elle a essuyé rageusement toute trace de larmes sur ses joues. Voilà bien longtemps qu’elle n’en a pas eu. Sans doute parce qu’elle évite sciemment ce genre de situation.

- Désolée…ne refais…jamais ça.

Sa voix a retrouvé un ton sans émotion sauf pour les oreilles les plus attentives qui peuvent encore déceler un reste d’angoisse.  

- Tu m’écrases, idiot !

Hunter s'amuse de la voir chahuter pour lui échapper. Malheureusement, ce qui n'était qu'une taquinerie innocente se transforme en cauchemar éveillé. Ibakha ne sourit plus, ses gestes désordonnés tiennent plus de la panique que du jeu. Le loup ne le comprend qu'avec une lenteur qui le rongera de culpabilité par la suite. Son regard croise celui de la jeune femme et il y décèle une terreur douloureusement familière.

"Moïra..."

Aussitôt, il recule, la libère dans un couinement plaintif qui exprime une détresse profonde. Les souvenirs d'une nuit d'aout, alors qu'il n'avait pas plus de dix-sept ans, refont surface. L'odeur suffocante de sueur, de sang et de semence mêlés, les cris et les appels désespérés criblant le silence de la forêt, les yeux mouillés, suppliants de Moïra défigurée par l'horreur, et puis le vide, rien que le vide dans ses prunelles sidérées...
Spontanément, Hunter reprend forme humaine dans un craquement sinistre d'os et de chair écartelée. Il souffre, mais la douleur est moindre que les lacérations que lui inflige sa honte.

"Je ne savais pas..."

C'est vrai.
Il ne sait rien.
Deux ans qu'il côtoie cette femme et ses sœurs sans s'y intéresser. Par rancœur égocentrique ou par puérilité. Par stupidité. S'il avait pris garde, il aurait su.

- Ibakha... Il s'approche lentement, à quatre pattes, comme l'animal qu'il était il y une poignée de secondes. ... Ibakha... Je suis désolé...

Il tend la main, prudemment, alors que la louve se replie sur elle même, tentant de maitriser son souffle. Ses doigts entrent en collision avec sa joue anguleuse et humide. Caresse maladroite, retenue, comme si elle n'était que porcelaine. La crise semble être passée, mais laisse des reliquats de meurtrissures de l'âme, visibles à l'oeil nu.

- C'était une plaisanterie stupide... Il déglutit avec un pauvre sourire et reprend les mots de sa compagne. Je suis juste un idiot.
- Désolée…ne refais…jamais ça.
- Jamais... Jamais je ne t'aurais fait ça... Je te le promets, déclare-t-il avec la gravité de celui qui sait, qui a vu, qui a été à la fois victime et bourreau involontaire. Tu me crois ? Il est important- absolument capital en cet instant- qu'elle comprenne qu'il n'est pas ce genre de mâle.

"Je ne suis pas mon frère."

- Ibakha...
Cette voix rocailleuse…il s’est finalement transformé à nouveau. Elle ne veut pas relever la tête, voudrait disparaitre pour lécher ses plaies comme un animal blessée et ne pas avoir à affronter son regard. Elle est pratiquement sûre qu’elle n’aimera pas ce qu’elle y trouvera.  
- Ibakha... Je suis désolé...

Après tant d’années, tout lui est revenu avec la vivacité des premières fois. C’est injuste.
Si injuste !
Il est libéré de toute souffrance, toute honte. Tout.  
Il n’y a que dans ces moments-là qu’elle regrette de l’avoir tué.

Une main se pose sur sa joue et elle frémit en relevant la tête, partager entre l’envie de frapper la première et de couiner de désespoir. Mais les doigts s’arrêtent là, sont exceptionnellement doux et leurs touchers ne la répugnent pas au point de relâcher ses pulsions meurtrières. Il y a de la chaleur humaine dans cette main, de celle qui lui a été refusé et qu’elle a ensuite volontairement esquivé.
Hunter sait-il ? A-t-il deviné ?

- C'était une plaisanterie stupide... Je suis juste un idiot.
Elle le fixe sans rien dire, écartelée par un ensemble de sentiments foutraques et parfois contradictoires. Elle tente de communiquer. Maladroitement.
- Désolée…ne refais…jamais ça.
- Jamais... Jamais je ne t'aurais fait ça... Je te le promets.
Oui il sait. Elle le voit dans son regard accompagné d’autre chose…de la culpabilité sans doute. Aussitôt, elle reprend une attitude défiante. Pourquoi as-t’il l’air de savoir exactement ce qu’elle vient de se rappeler ?
- Tu me crois ?

Comment le pourrait-elle ? Elle ne le connait pas ! Elle va pour lui cracher au visage qu’il est un homme, un mâle et que par conséquent, elle ne pourra jamais lui faire confiance, mais quelque chose la retient et son regard qui avait pris la dureté du granite s’adoucit d’un mince cran.  

- Alors de quoi te sens-tu coupable, Hunter ? Ton père…ton frère… c’est ça qu’ils faisaient aux femmes, aux femelles ? C'est ce qu'ils t'ont obligé à faire ? Car malgré tout, elle veut croire qu'il n'en n'aurait pas été capable de son propre chef. C’est comme ça que vous créez vos Nés-Loups ? Pour sa plus grande honte, sa voix dérape et elle sert les mâchoires. Qu’est-ce que ça peut te faire que je te crois ou non ? Tente quoique ce soit et je te tue !

Elle l’a déjà fait et recommencera sans sourciller.
Mordre avant d’être mordu, mettre à terre avant de ne plus pouvoir se relever.  

- Alors de quoi te sens-tu coupable, Hunter ?

Ibakha frappe juste. Hunter se redresse imperceptiblement comme s'il accusait le coup physiquement.

- Ton père…ton frère… c’est ça qu’ils faisaient aux femmes, aux femelles ? C'est ce qu'ils t'ont obligé à faire ?

Le lycan baisse le regard, sans un mot. Il n'y a rien à dire. Il n'a aucun argument à proférer pour se défendre. Il aura beau clamer qu'il n'a jamais abusé d'une femme, elle ne le croira jamais. Alors il attrape ses vêtements et se rhabille en silence.

- C’est comme ça que vous créez vos Nés-Loups ?

Il ne nie pas.
Sa soeur a fuit pour échapper à ce destin.
Les meutes de loups ont toujours agit de cette manière, partageant les femelles à disposition, en faisant des instruments politico-diplomatiques. Les couples et l'amour n'existent qu'en fiction. Il n'y a que Colgan et Marisol qui œuvrent à contre-courant.

- Qu’est-ce que ça peut te faire que je te crois ou non ?

Il rabat son T-shirt sur son torse musculeux. Il tourne son profile aquilin vers elle.

- Pour la confiance et parce que c'est la vérité.

Il esquisse un pas vers elle.

- Tente quoique ce soit et je te tue !

La menace l'attriste plus profondément qu'il ne l'aurait cru. L'océan de ses yeux se charge de grisaille. Ils se toisent l'un l'autre, un moment.

- Comme tu voudras, dit-il simplement. Il y a de la douceur sous la rocaille grave de son timbre. Un silence. Merci de ton aide. Je te dois un retour d'ascenseur, ensuite tu pourras considérer que nous sommes quittes. Je vais me signaler moi même à notre bon alpha, ajoute-t-il avec une teinte d'ironie avant de s'éloigner pour rebrousser chemin.

Colgan est fatigué.

Fatigué d’avoir peur pour Marisol.
Fatigué de perdre à chaque fois.
Fatigué de voir les siens lui être arrachés.
Fatigué de lutter.
Fatigué d’être Alpha.

Evidemment il n’en montre rien et ne songe même pas à abandonner quoique ce soit. Malone est sans doute le seul à percevoir cette lassitude qu’il couvre tant bien que mal. Marisol le pourrait aussi…si elle n’était pas si faible.
Alors qu’il était à deux doigts de voir une accalmie dans cet océan d’épreuves qui ne cesse de le submerger depuis des années, le destin a trouvé le moyen de lui la lui ravir en quelques sonneries d’alarme.

Et maintenant, Hunter a disparu et ça l’inquiète pour de nombreuses raisons.

Il ne lui fait pas confiance. C’est un fait. Il a conscience qu’il commence à être en position de faiblesse et il sait le vieux Loup assez intelligent pour exploiter chaque faille qu’il montrera. Tôt ou tard, il s’attend à être défié et cette attente le tue à petit feu aussi bien que le reste.

Il peut aussi avoir péter complètement un plomb et être en train de ravager de pauvres réfugiés. Ils sont Loups et cet enfermement forcé a de quoi les rendre dingues. Lui le devient peut-être après tout.

Leur statut aux bunkers est assez boderline sans qu’un des membres de la Meute ne vienne mettre encore plus à mal leur posture.
Quoi qu’il arrive, il devrait en prendre toute la responsabilité.
Il est l’Alpha.
Pour le meilleur et pour le pire.  

Assis sur le canapé de la petite salle qu’il a réclamé comme refuge pour la Meute, il attend.
Ployé vers l’avant comme si le poids de chacun de ses loups pesait sur ses épaules, il contemple ses mains croisées.
Une odeur familière chatouille ses narines et il se redresse aussitôt.
Pas de faille.
Il tourne son regard polaire vers lui et arque un sourcil roux.

- Tiens… Ibakha ne t'as pas trouvé finalement... On peut savoir où t’étais ?

A mesure qu'il avance dans ces couloir sans fin, un sentiment de frustration s'insinue dans ses entrailles et remonte son œsophage. Le dégout et la peur qu'il a lu dans le regard d'Ibekha le hante. L'image rémanente suppure dans ses veines, fait remonter des années et des années d'oppression, de rage rentrée, de couleuvres avalées à s'en étouffer.
Hunter le monstre.
Hunter la brute.
Hunter le frère de Rémus.
Pauvres ignorants ingrats !
Qui les a protégé de la folie de son frère durant son règne ?
Qui a encaissé les coups à leur place ?
Qui a fait de son mieux pour éviter à cette meute d'imploser ?
Ceux qui savent ne sont plus de ce monde ou se taisent. Après les avoir aidé à renverser son frère, il a été remercié par la méfiance et la trahison.

Puisqu'ils ont tous un rôle à jouer, alors parfait, il jouera le sien.

Il sera l'infâme connard qu'ils se plaisent tous à penser.
Le comploteur.
Le violeur.
Le renégat
Le Prince déchu qui veut tout détruire pour le simple plaisir imbécile de la domination.

Il entre dans la salle "commune" que Madame leur a dégottée. Une sorte de centre d'isolement pour loups qui n'ont pas la côte. Le bon Roi est là sur son trône de fortune. Hunter ne fait pas le moindre effort pour s'annoncer. Il ferme simplement la porte.
Les voilà seul à seul.

- Tiens… Ibakha ne t'as pas trouvé finalement...
- Tu sais bien que si.

L'odeur de la louve imprègne ses vêtements et sa chevelure. Il a encore la sensation de ses doigts délicats dans son poil.

- On peut savoir où t’étais ?
- Tu dois bien avoir ta petite idée ? Haussement d'épaules, petite grimace dédaigneuse. Sans doute à violer quelques femmes, égorger quelques enfant et me nourrir de nouveau-nés. Silence. Ou bien à fomenter la chute de ton règne. Au choix.

"Alors, Colgan, Comment trouves-tu la couronne en ce moment , lourde, non ?"

- Tiens… Ibakha ne t'as pas trouvé finalement...
- Tu sais bien que si.

Façon comme une autre de lancer le dialogue avec ce loup hargneux qui semble le détester d’exister.

- On peut savoir où t’étais ?
- Tu dois bien avoir ta petite idée ?

Hunter aussi le fatigue.
Lui et ses louvoiements.
Lui qui n’a que le mot trahison à la bouche.
Lui qui fait peser son regard sur son dos comme s’il n’attendait que le bon moment pour le poignarder.

- Non. Sinon tu penses bien que je n’aurais pas demander pour le simple plaisir de la conversation.
- Sans doute à violer quelques femmes, égorger quelques enfants et me nourrir de nouveau-nés. Ou bien à fomenter la chute de ton règne. Au choix.
Cette fois Colgan se frotte les tempes avant de se redresser pour lui faire face. Chaque famille a son membre rebelle après tout.

- Bien. Tu veux que nous ayons cette discussion ici et maintenant ? Parfait. Faisons ça. Qu’est-ce que tu veux Hunter ? Qu’est-ce que tu cherches à la fin ? J’aimerai franchement que tu rassembles tes couilles et que tu craches le morceau une bonne fois pour toute !
Tu veux être l’Alpha de cette Meute ? T’as qu’un mot à dire. Sauf que non. T’es moins con que ton frangin. Tu sais qu’une Meute ça se gagne pas comme ça. Tu sais que c’est pas comme ça que j’ai réussi à le renverser. Alors tu veux quoi ? Que je renonce ? T’attends l’estocade de trop ? Je t’annonce que tu risques d’attendre longtemps ! Vous êtes pas mes sujets, vous êtes ma famille et plus personne, t’entends ! plus personne ne m’arrachera ma famille. Soit tu es avec nous, soit tu dégages.

Alors même qu’il se sent au bout du rouleau, rarement son aura d’Alpha s’est fait sentir comme à cet instant.

Le voilà, le grand Roi ! Le grand Réformateur ! Pathétique homme apeuré qui regarde dans son dos qui pourrait le poignarder.

- Bien. Tu veux que nous ayons cette discussion ici et maintenant ? Parfait. Faisons ça. Qu’est-ce que tu veux Hunter ? Qu’est-ce que tu cherches à la fin ?
- Moi ? Mais absolument rien.
- J’aimerai franchement que tu rassembles tes couilles et que tu craches le morceau une bonne fois pour toute !
- Tu exiges de ma part de l'honnêteté alors que tu ne sais même pas ce que ce mot signifie. Commence déjà par l'être envers toi même, Mordu !
- Tu veux être l’Alpha de cette Meute ? T’as qu’un mot à dire. Sauf que non. T’es moins con que ton frangin. Tu sais qu’une Meute ça se gagne pas comme ça. Tu sais que c’est pas comme ça que j’ai réussi à le renverser.
- Non, effectivement, c'est grâce à moi que tu l'as fait, lâche le Vieux Loup en faisant monter le ton d'un cran.
- Alors tu veux quoi ? Que je renonce ? T’attends l’estocade de trop ? Je t’annonce que tu risques d’attendre longtemps ! Vous êtes pas mes sujets, vous êtes ma famille et plus personne, t’entends ! plus personne ne m’arrachera ma famille. Soit tu es avec nous, soit tu dégages.

Colgan a beau dégager une réelle prestance d'Alpha, Hunter n'est pas en reste. Il a la stature, le sang et la noblesse du rôle pour lequel il était taillé.

- Moi, je suis de ta famille ? MOI , je suis de ta famille ! Le lycan a un rire aigre et rocailleux. Ne me fais pas rire Colgan ! Depuis le début tu me traites comme un étranger dont tu te méfies. Petite merde ingrate ! Tu sais qui t'as permis d'entrer dans cette meute alors que tu n'étais qu'une épave ? Qui a fait pression sur Rémus pour y arriver ? Qui t'a protégé de ses velléités de faire de toi son Oméga attitré ?! Qui a couvert toutes tes sorties secrètes avec la plupart des membres de la meute en tenant Rémus éloigné ?! Ta prise de pouvoir TU ME LA DOIS autant qu'à Malone! Mais une fois que Rémus est mort, je suis devenu encombrant. Tu t'es mis à flipper que je puisse un jour réclamer mon dû ! Tu t'es empressé de recruter à tour de bras pour avoir un maximum de monde de ton côté et tu m'as laisser porter tout seul le poids des erreurs commises par ton prédécesseur. Tu ne m'as JAMAIS considéré comme un membre de ta famille ! TU M'AS JUSTE UTILISé ! Lui hurle-t-il en pleine face. La colère est aussi puissante que la blessure est vive. Tu nous as tous utilisés.... Son visage se froisse d'une expression meurtrie. Tu ne m'as jamais regardé comme ton frère de meute, Colgan. Pas une seule fois.

Un silence douloureux enveloppe les deux hommes.

- Tu ne me feras pas partir de MA meute. J'étais là avant toi et je serais là après toi. Si je te gêne à ce point, "rassembles tes couilles" et vire moi comme tu en rêves depuis deux ans!

Enfin !
Enfin il explose. Il PARLE. Une vraie diarrhée verbale qu’il garde en lui depuis tellement longtemps qu’elle était certainement en train de le pourrir de l’intérieur.
Pas de menaces voilées ou non. Plus de bons mots. Mais la vérité sèche que Colgan se prend en pleine poire avec l’impassibilité d’un homme qui sait maîtriser ses émotions à la perfection.
Plus il écoute les remontrances et les diatribes d’Hunter plus il se sent au final soulagé d’un poids. Il le laisse s’épancher, encaissant la violence des paroles sans sourciller mais le fixant avec une intensité qui ne pourrait pas lui permettre de croire qu’il ne l’écoute pas avec attention.
Il laisse un silence plané quelques instants puis commence à son tour sur un ton mortellement calme.

- Oui. Je t’ai utilisé pour contrôler ton frère et attirer son attention ailleurs quand ça le nécessitait. Comme j’ai utilisé Malone, Lewis et les quelques autres. J’ai même utilisé Marisol. Je voulais cette Meute. Je voulais lui faire prendre un tournant qui nous correspondait, à moi et Marisol. Peut-être même qu’à moi à ce moment-là. Et tu sais quoi ? Il ne m’a pas sembler entendre une seule protestation de ta part. Mieux tu étais cent pour cent derrière nous. Je t’ai utilisé mais jamais forcé Hunter. Jamais. Tu voulais la mort de ton frère autant que moi et t’avais eu des années pour le faire. Le défier. Sauf que lorsqu’il s’agit de prendre des décisions. Y’a plus personne. C’est ça que tu digères pas. T’aurais pu être un bon Alpha, mais j’crois qu’au fond t’as jamais voulu. Parce qu’avoir ce rôle c’est aussi prendre des décisions. Parfois de merde. Comme devoir tuer un frère qui avait clairement plus sa place. Il a jamais été question que je le tue pour toi.

Il s’approche de quelques pas pour lui faire face, conservant un calme olympien.

- Je sais ce que je te dois, comme je le dois aux anciens. Si j’étais aveuglé par la soif de vengeance, tu l’étais par ton ressentiment. Autant envers toi qu’envers les autres. Tu donnais l’impression qu’on t’avais tous pris en traitre alors que tu savais exactement ce qui allait se passer. C’est de cet Hunter là dont je savais pas quoi faire. Alors oui je t’ai mis de côté, parce que j’espérais que tu reviennes à toi après le deuil de ton frangin. Mais tu t’es encore plus éloigné et j’avais une Meute à reformer. Pas pour te doubler définitivement. Crois-le ou non mais toutes mes décisions ne sont pas faites en fonction de toi. Je voulais simplement nous rendre plus fort. Et j’ai réussi. Je suis fier de chacun des membres qui composent notre Meute.

- Tu ne me feras pas partir de MA meute. J'étais là avant toi et je serais là après toi. Si je te gêne à ce point, "rassembles tes couilles" et vire moi comme tu en rêves depuis deux ans !

Colgan a un rictus et un petit rire.

- Non…non pour une fois tu vas devoir assumer ta décision pleinement Hunter. Personne ne prendra de décision pour toi. Si tu restes alors si tu es mon frère. Encore faut-il que tu l’acceptes. Mais tu préfères nous laisser chacun dans le rôle que tu nous as attribué après mon ascension. Moi l’usurpateur. Toi le « prince déchu ». La vérité ce que je n’ai rien usurpé. Ce que j’ai aujourd’hui, je me suis battu pour l’avoir. Et toi Hunter ? Tu peux en dire autant ?

Colgan lui offre une réponse avec un calme polaire qui ne fait que mettre en lumière à quel point lui manque cruellement de maitrise de ses émotions. L'entendre admettre sans broncher qu'il les a tous manipulés et mis de côté aurait dû le soulager. Au contraire de cela, Hunter prend la mesure de l'homme qu'il a en face de lui.
Il l'a sous-estimé.
Depuis le début, il a minimisé la détermination implacable du Mordu. Son projet a toujours été de faire des Abyssaux une armée. Contre quoi ? Contre qui ? Les meurtriers de ses enfants ? Ils ont été exécuté depuis longtemps déjà. Les Chasseurs dans leur ensemble ? Ils les côtoient à présent dans le seul but de survivre.

- ...Je t’ai utilisé mais jamais forcé Hunter. Jamais. Tu voulais la mort de ton frère autant que moi et t’avais eu des années pour le faire. Le défier. Sauf que lorsqu’il s’agit de prendre des décisions. Y’a plus personne. C’est ça que tu digères pas. T’aurais pu être un bon Alpha, mais j’crois qu’au fond t’as jamais voulu. Parce qu’avoir ce rôle c’est aussi prendre des décisions. Parfois de merde. Comme devoir tuer un frère qui avait clairement plus sa place. Il a jamais été question que je le tue pour toi.

Certaine vérité ne sont jamais bonnes à entendre.
Celle-ci, il n'a jamais voulu y faire face de front. Coincé entre deux mondes, il n'a jamais réellement su faire un choix : être traditionaliste comme son frère le révolte, mais gommer sa propre histoire lui soulève le cœur tout autant.

- Tu donnais l’impression qu’on t’avais tous pris en traitre alors que tu savais exactement ce qui allait se passer.
- Je pensais en faire partie, mais tu as agis à la surprise de tous en choisissant seul ton heure, grince le Vieux loup. Colgan balaie la remarque et continue.
- ...C’est de cet Hunter là dont je savais pas quoi faire. Alors oui je t’ai mis de côté, parce que j’espérais que tu reviennes à toi après le deuil de ton frangin. Mais tu t’es encore plus éloigné et j’avais une Meute à reformer. Pas pour te doubler définitivement. Crois-le ou non mais toutes mes décisions ne sont pas faites en fonction de toi. Je voulais simplement nous rendre plus fort. Et j’ai réussi. Je suis fier de chacun des membres qui composent notre Meute.
- Nous rendre plus forts pour quoi exactement ? Hein ?! POUR QUOI ? Ta vendetta personnelle ? Tu te fous totalement des autres, tu les pousses à tout te donner à toi et toi seul ! La preuve, Marisol a failli en crever par amour pour toi. Tu n'a même pas d'égard pour ta propre déesse, comment pourrais-je croire une seule seconde que tu nous aimes comme une famille. Nous ne somme que de la chair à canon pour ta petite guerre imbécile ! Et t'as réussi à leur faire croire que c'était la nôtre... Tu ne me feras pas partir de MA meute. J'étais là avant toi et je serais là après toi. Si je te gêne à ce point, "rassembles tes couilles" et vire moi comme tu en rêves depuis deux ans !

Le rictus de Colgan lui fait un mal insoupçonné, comme sa tirade. "Je suis vieux, mais je n'ai toujours pas mûri... Je ne suis pas taillé pour ces monstres." Son expression se fissure sur une détresse rare.

- Tu n'a pas le droit de me retirer la seule chose qui me reste... La seule chose qui me définit...

Il secoue la tête, écœuré puis déglutit

- Tu ne comprends rien... Je croyais en toi. Je nous pensais ami...Je te voulais comme frère. J'étais persuadé que tu serais meilleur que le mien, mais j'ai troqué un psychopathe qui régnait par la terreur pour un tyran sournois qui se fait passer pour un sauveur. Tu es aussi cruel que lui. Rire sans joie. Oui je l'admets, je n'ai jamais eu en moi la confiance nécessaire pour régner, pas plus qu'on ne me l'a donnée. J'ai trop hésité et ce toute ma vie. Je suis sans doute lâche et indécis. Je ne me suis pas assez "battu" comme tu dis...

Hunter relève le menton fièrement.

- Mais, les Abyssaux c'est chez moi. Je ne lâcherais pas prise parce que cela t'arrange. Tu veux être mon frère, tu seras mon frère. Je m'opposerais à chaque décision que je jugerais mauvaise pour notre famille. Attends toi à m'entendre plus souvent que ces deux dernières années. Si on en est là, c'est par ton aveuglement entêté... Je te laisserais plus faire impunément, tiens le toi pour dit.

- Nous rendre plus forts pour quoi exactement ? Hein ?! POUR QUOI ? Ta vendetta personnelle ?
- Oui exactement. Et je ne m’en suis jamais caché.
- Tu te fous totalement des autres, tu les pousses à tout te donner à toi et toi seul ! La preuve, Marisol a failli en crever par amour pour toi. Tu n'as même pas d'égard pour ta propre déesse, comment pourrais-je croire une seule seconde que tu nous aimes comme une famille. Nous ne sommes que de la chair à canon pour ta petite guerre imbécile ! Et t'as réussi à leur faire croire que c'était la nôtre...
- Ca n’était pas que la mienne. Mais ça tu le saurais uniquement si tu t’intéressais un peu aux autres.

Il ne relève pas ce qu’il s’est passé avec Marisol. Il sait parfaitement avoir merdé sur tout la ligne et un long mea culpa l’attend encore.
Mettre Hunter face à des vérités qu’il esquisse est douloureux. Il le sent pertinemment puisqu’il a et est toujours en train de faire le même chemin que lui. Il sait pourtant lui rendre un service.

- Tu n'a pas le droit de me retirer la seule chose qui me reste... La seule chose qui me définit...
- Le travail de sape de ta famille est profond. NON HUNTER. C’est pas tout ce que t’es. C’est pas la seule chose qui te définit. Reprends-toi en main, nom de Dieu ! T’es en train de laisser ton frère gagné sur toute la ligne.

Comme le chagrin n’est pas la seule chose qui le définisse lui. Il a mis du temps à l’accepter et à s’en rappeler. Et pas tout seul. Lui a eu Marisol pour l’aider à se désembourber de tout ça. Hunter… n’a plus qu’Hunter parce qu’il a décidé qu’il était seul contre les autres.  

- Tu ne comprends rien... Je croyais en toi. Je nous pensais ami...Je te voulais comme frère. J'étais persuadé que tu serais meilleur que le mien, mais j'ai troqué un psychopathe qui régnait par la terreur pour un tyran sournois qui se fait passer pour un sauveur. Tu es aussi cruel que lui.

Son jugement devrait l’indifférer complètement pourtant ça n’est pas le cas et une légère grimace déforme ses lèvres. Les choses auraient pu être si différentes s’ils avaient eu se genre de conversation avant.

- Oui je l'admets, je n'ai jamais eu en moi la confiance nécessaire pour régner, pas plus qu'on ne me l'a donnée. J'ai trop hésité et ce toute ma vie. Je suis sans doute lâche et indécis. Je ne me suis pas assez "battu" comme tu dis...
- Les choses et les gens changent Hunter, t’es au courant que rien t’oblige à rester le même.
- Mais, les Abyssaux c'est chez moi. Je ne lâcherais pas prise parce que cela t'arrange. Tu veux être mon frère, tu seras mon frère. Je m'opposerais à chaque décision que je jugerais mauvaise pour notre famille. Attends toi à m'entendre plus souvent que ces deux dernières années. Si on en est là, c'est par ton aveuglement entêté... Je te laisserais plus faire impunément, tiens le toi pour dit.

Colgan soupire profondément.
- Si tu veux Hunter. Engueule-moi, critique-moi si ça te fais plaisir. Tout le temps si ça te fais envie ! Je suis pas le tyran que tu crois.
Parce que le dialogue restera toujours plus acceptable que le silence renfrogné. Parce que même se gueuler dessus ressemble à un début de communication.
Colgan a perdu. Beaucoup de choses et de gens.
Aujourd’hui il refuse obstinément de perdre encore. Même s’il s’agit de cette forte tête d’O’Rourke.
Qu’il le veuille ou non, quelque chose d’indéfinissable les lie.

- Si tu veux Hunter. Engueule-moi, critique-moi si ça te fais plaisir. Tout le temps si ça te fais envie !
- Bien.
- Je suis pas le tyran que tu crois.
- Quand la confiance est brisée, il lui faut du temps et des actes. Cela vaut pour toi comme pour moi.

Un long silence.

- Si tu me cherches je crècherais désormais dans le Silo. C'est le seul endroit où je suis serein.... Bonne idée d'y aller pour la prochaine Quilla. ajoute-t-il du bout des lèvres.

Sur ce, il prend la porte.
Il rejoint la cellule qu'il partage avec les frangins Monaghan, échange quelques plaisanteries avec Shane, le cadet, qui le taquine sur la louve qu'il a surprise plus tôt. Hunter ne rentre pas dans son jeu par égard pour la jeune femme et explique qu'il est préférable pour lui d'aller sous le faux ciel du Silo. Si les membres de la meute le cherchent, il sera là-bas. Son maigre paquetage sur le dos, il prend le chemin de la bulle champêtre magique qui sert de garde-manger à l'ensemble des réfugiés.
Il y sera plus à sa place.

Il y attendra Ibakha.

Hunter est patient.
Attendre, c'est finalement ce qu'il sait faire de mieux.