- Ryan, je te laisse gérer la boulangerie ?
- Ca marche!
- J'peux aller avec lui ?!
- Nan ! Tu boulottes toujours les quignons, après ça sèche c'est dégueulasse !
- Va t'faire foutre, sale balance !
- Squirrell, Ryan, arrêtez de vous battre et allez me chercher le pain ! Scott où est Marnie ?
- Bah, elle promène son doudou.
- Où ça ? Je ne la vois pas.

Les bras chargés de sacs en papier brun, Jolhane jette une oeillade alentour. Les jours de courses sont un enfer plus apocalyptique que lorsqu'ils survivaient tous dans le brouillard. La confrontation à la vie citadine déboussole complétement la jeune femme, plus habituée à tenir un arc et à jouer du couteau. Trop de gens, trop d'angles morts, trop de menaces potentielles.

- Bon sang, Scotty ! Je t'avais dit de garder un oeil sur elle ! William, tu as vu dans quelle direction est partie ta soeur ?

Le petit garçon, à peine plus âgé que Marnie, est en plein conciliabule avec Kate. Ils s'amusent à décrypter tous les titres du kiosque à journaux.

- 'Sais pô. Doudous pleurait. L'a voulu lui montrer les fleurs.
- Les fleurs ? Quelles fleurs ?! Le sang froid usuel de Jolhane en prend un coup.
- Je crois qu'il y a un fleuriste au coin de la rue, plus bas, répond Katie.
- Ok....Kate, je te confie les courses. Scotty, tu t'occupes des petits et tu lâches ce putain de téléphone !

Elle lui reprend des mains. C'est le sien après tout, même si elle n'a personne à appeler. Elle vient d'adopter son expression autoritaire des états d'urgence. Aussitôt, les gamins se mettent au pas pour obéir. Reflexe pavlovien de l'essaim dont elle a été la reine pendant deux ans.

- Marnie ?! Marniiie ?! appelle-t-elle en arpentant la rue commerçante bondée.

La gosse de cinq ans, haute comme trois pommes, est invisible. Pas faute de l'avoir affublée de son ciré jaune malgré l'absence de pluie. Elle a tellement insisté, auusi.
Soudain, elle l'aperçoit dans une ruelle adjacente, isolée, en pleine discussion avec un homme louche à la mine mal rasée. L'individu s'est penché vers la petite avec un air particulièrement patibulaire. Le sang de Jolhane ne fait qu'un tour. En quelque enjambées lestes, elle rejoint sa cible. Elle se jette sur l'inconnu, l'empoigne par le paletot et le colle violemment contre un mur. Elle dégaine son couteau de chasse pour lui coller sous la gorge.

- T'approche pas d'elle..., gronde-t-elle en retroussant les babines, exactement comme Gimbhir sous la voute de son crâne.