This isn't gone
I can get it back

I see no soul in the mirror
Only see signs of demise getting nearer
"Time heals wounds" is absurd as a theorem

Silence dans la voiture.
Silence dans la cage d'escaliers.
Silence dans l'appartement une fois la porte refermée.

Silence.

Les larmes coulent en silence. Sillons noires, boue écailleuse du rimmel. Le mascara bon marché n'est pas waterproof et souille mes joues. Les mots ne sortent pas. Le sel, oui. Pourtant, c'est moi qui ait l'habitude de causer pour deux. Colgan a le visage fermé de ses jours les plus mauvais, ceux dont je n'ai pas la clé.

Silence.

J'ai mal dans la poitrine.
Mal au coeur.
Un creux, un vide, un rien.
Bertus était important et maintenant tout ce qui se rapporte à lui est aussi acide que du poison. Je me sens stupide, naïve et crédule. Je suis une déesse, ce n'était pas à moi de croire en lui, et pourtant je l'ai fait. La trahison est amère. Je n'avais rien vu venir. Colgan, oui. La déception noyaute mes bons souvenirs avec cet abruti de vampire : nos conversations, nos accolades, nos rigolades... Il n'y avait donc rien de sincère ?
Chasseur un jour, chasseur toujours.
Tous des putains de menteurs!

J'ouvre un placard et sort une bouteille de téquila. Je ne m'encombre même pas de verre et je bois au goulot, les yeux dans le vide. En m'essuyant la bouche, j'ai la moitié de mon rouge à lèvre qui fout le camp sur un coin de mâchoire. Rien à foutre.

- Quand t'es-tu douté ? demande-t-elle d'une voix sourde en levant un regard noir vers Colgan. Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

Colgan pressentait.
Colgan attendait.
Colgan savait.

Le Loup fait des efforts considérables pour cacher la rage qu’a provoquée la proposition du vampire. Il s’était juré que Bertus serait le seul chasseur avec qui il travaillerait. Et encore, parce qu’il s’était éloigné de tout ça.

Hors de question qu’il s’allie à ceux qui lui ont tout pris.
Hors de question de leur faire confiance.

La souffrance à vif de Marisol ne fait qu’aviver sa colère et brouille ses pensées cohérentes. Il n’a qu’une envie. Y retourner et éclater la belle gueule du vampire. Lui faire payer les larmes de son étoile, lui faire payer la pointe acérée qui s’est logé dans les restes de son palpitant à l’agonie.

Il s’assoit à la table de la cuisine, les mains jointes devant lui, les serrant si fort que ses jointures blanchissent. Il tente d’aspirer tout ça dans son trou noir personnel. Celui qui a déjà avalé les prémisses du deuil de ses enfants, l’avenir qu’il concevait, une partie de l’amour incommensurable qu’il vouait à Marisol. Le processus prend du temps, de plus en plus de temps et ne se fait pas sans douleur.
Son âme hurle encore.

Et maintenant il réfléchit, tente de mettre de côté ses sentiments, la douloureuse impression de trahison éclatée au grand jour. Enfin. Impossible de cacher tout ça à présent.
Il devait penser à sa Meute. A Marisol.
Les Hurlants devenaient beaucoup trop dangereux sous la coupe grandissante d’Yvain. Il a remarqué que de nombreux membres exécutaient les ordres de l’étrange sorcier sans même sourciller, sentait une pression légère à l’arrière de son crâne parfois lorsqu’il donnait des ordres.
Colgan a fait ses recherches et soupçonne le sourcier de manipulation mentale. Rien n’était plus horrible que la perte de son libre-arbitre.
Il n’exposera plus sa Meute à ce danger. Il refuse de s’abaisser à accepter la proposition de Bertus et de la Montespan. Il les sortirait de là seul.

Visage de marbre, claquemuré, il relève la tête pour observer sa compagne boire une lampée de tequila.

- Quand t'es-tu douté ?
Le regard noir qu’elle lui dédie lui fait froncer les sourcils mais il répond d’une voix calme et désincarnée.
- Je n’avais que des soupçons vagues. J’ai compris le soir où on a récupéré la Montespan. Il l’a aidé à fuir et a tué Vichram.
- Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
Cette fois il se lève, lentement, et vient se poster devant elle. Du pouce, il essuie doucement le rouge à lèvre qui a investi sa joue.
- Parce que je savais qu’il comptait pour toi. Parce que j’attendais de voir ce qu’il avait en tête et comment jouer cette carte. Aussi immonde soit sa trahison…je ne pense pas qu’il est feint quoique ce soit avec toi.

- Quand t'es-tu douté ?
- Je n’avais que des soupçons vagues. J’ai compris le soir où on a récupéré la Montespan. Il l’a aidé à fuir et a tué Vichram.
- Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

Colgan se lève, se déporte devant moi, me caresse la joue de son pouce. Sa peau rugueuse d'ébéniste sur mon derme me donne des frissons. J'adore cette démonstration de tendresse autant qu'elle attise ma colère. Il m'a menti, lui aussi. Tous les hommes mentent. Tous ceux que j'aime. Je me débecte de croire qu'ils sont différents. Aucun ne l'est.

- Parce que je savais qu’il comptait pour toi. Parce que j’attendais de voir ce qu’il avait en tête et comment jouer cette carte.

Je me dégage de ses doigts alors que je crève de douleur lorsqu'il cesse de me toucher.

- Tu aurais DÛ me le dire ! Je suis ta partenaire, TON EGAL ! Tu penses que je suis en sucre ? Que je ne peux pas encaisser ? Qu'il faut me protéger comme une petite chose fragile ?! Que je feule d'une voix sourde. Mes prunelles crépitent d'une lueur bleue. JE SUIS CH'ASKA QUYLLUR, Je suis une déesse, TA déesse, ne t'avise jamais de l'oublier! Ne me mens plus jamais, j'ai déjà assez d'un menteur dans ma vie.
- Aussi immonde soit sa trahison…je ne pense pas qu’il est feint quoique ce soit avec toi.
- C'est pire en ce cas, fais-je d'une voix dont le timbre se fissure et éclate en vol. Mon humanité revient au galop et les larmes avec. Je ne peux même pas me réfugier dans la haine.

Je bois une nouvelle gorgée d'alcool qui me brule la gorge et me fait grimacer. Je m'essuie les yeux avec rage. Il n'est pas temps de se laisser aller au sentimentalisme.

- Cette femme, Simone.... Tu penses que ce qu'elle nous a dit est vrai ? Sur le Brouillard ? Sur le fait que les raids Hurlants concordent avec les clusters d'infection? Je reprends d'une voix plus pausée, plus réfléchie. ... Et l'haleine plus alcoolisée aussi. Jusqu'à présent on a jamais eu de malades dans nos rangs, et on a toujours laisser ça de côté, comme si ça existait pas vraiment...

Elle se dégage et tempête. Il laisse filer, couler la colère et patiente, bras croisés.

- Tu aurais DÛ me le dire !
Même s’il trouve ça profondément injuste de subir ce genre de remontrance pour l’erreur d’un autre, Colgan encaisse les reproches avec stoïcisme.
- Non. C’était à lui de te le dire. Il a fini par le faire.
- Je suis ta partenaire, TON EGAL ! Tu penses que je suis en sucre ? Que je ne peux pas encaisser ? Qu'il faut me protéger comme une petite chose fragile ?!
Encore une fois, il lui répond avec un calme presque surnaturel, digne d’un robot.
- Non. Mais je te connais Marisol. Si je te l’avais dit, tu te serais précipitée chez lui pour lui demander des explications. Tu n’aurais pas pu garder ça pour toi. Tu te serais peut-être montrée imprudente, pare que tu l’es dès que tes sentiments sont impliqués. J’ai jugé préférable d’attendre que Bertus se décide. Déteste-moi pour ça si tu veux, j’ai pris la meilleure décision compte tenu des circonstances.
Pour la protéger elle, pour protéger cette abrutie de Sangsue.  
- JE SUIS CH'ASKA QUYLLUR, Je suis une déesse, TA déesse, ne t'avise jamais de l'oublier !
Il relève le menton, fait front à la tornade.
- Je le sais. Comment veux-tu que j’oublie, il me semble pourtant avoir largement prouvé que c’est exactement de cette façon que je te considère. Je partage tout avec toi ! Tout ce qui me concerne.    

Il ne ressent aucun soupçon de culpabilité. Il s’y est refusé le jour où il a accepté la responsabilité de la meute. Il assume et assumera les conséquences de toutes ces décisions.

- Ne me mens plus jamais, j'ai déjà assez d'un menteur dans ma vie.
Une courte flambée de colère s’allume dans son regard, éteinte aussi vite qu’elle est apparue.
- Merci de ne pas me mettre dans le même panier que lui. Sois pas injuste, merde ! Mais… aussi immonde soit sa trahison…je ne pense pas qu’il est feint quoique ce soit avec toi.
- C'est pire en ce cas. Je ne peux même pas me réfugier dans la haine.
- J’en éprouve pour deux, affirme-t-il sans pour autant en montrer quoi que ce soit.

Il a beau avoir eu beaucoup de respect pour Bertus et une réelle amitié, la loyauté était primordiale à ses yeux.
Colgan retourne s’assoir après avoir récupérer une bière dans le frigo et l’avoir décapsulée. Il contemple sa bouteille avec insistance.    

- Cette femme, Simone.... Tu penses que ce qu'elle nous a dit est vrai ? Sur le Brouillard ? Sur le fait que les raids Hurlants concordent avec les clusters d'infection ?
- Je pense oui… Je ne vois pas pourquoi elle nous aurait menti. Tu as vu comme moi, non ? Les papillons qui tournent autour d’Yvain de temps en temps ?
- Jusqu'à présent on a jamais eu de malades dans nos rangs, et on a toujours laisser ça de côté, comme si ça existait pas vraiment...
- Tu l’as dit…jusqu’à présent… ça pourrait changer. Faut qu’on se tire de là maintenant. Les Hurlants ne sont plus qu’un piège qui se referme petit à petit. On est assez fort pour survivre seuls, assez fort pour continuer sans l’aide de personne et avoir nos propres objectifs…
Il passe une main dans sa chevelure fauve et semble ébranlé pour la première fois depuis leur retour dans l’appartement.
- J’ai commis une erreur…j’aurais jamais du dire oui à Kolbeinn…
La détresse est fugace et disparait rapidement pour être remplacée par une profonde lassitude qu’il tente de camoufler comme il peut.

Alors c'est ainsi qu'il me considère : une femme instable et non fiable. La gifle me laisse sans voix. C'est le coup de trop pour ce soir. Je l'écoute déblatérer, me faire part de ses plans, ses "cartes", ses décisions, sa culpabilité. A aucun moment je ne fais partie du tableau, et cela me frappe d'autant plus violemment.

Je m'assoie en face de lui, dans une position symétrique à la sienne, avec ma bouteille de tequila. Je pose sur lui un regard sombre.

- Nous avons choisi ensemble de lui répondre oui. C'était une décision concertée entre toi... Je le montre de l'index, et moi, je me désigne en détachant chaque syllabe. Nous deux.

Je laisse filer un silence, mon expression exprime son comptant de dépit.

- Tu sais ce que j'aurais fait, si j'avais su la première que Bertus était un espion pour le compte du camp ennemi ? Je le regarde avec un sourire bourré d'amertume. Je serais venue te voir, pour t'en faire part, pour statuer ensemble de la conduite à adopter avant de le confronter....

Je secoue la tête, écœurée.

- Parce que tu es mon égal, mon partenaire, mon allié et que j'ai confiance en toi et tes réactions. Rire sans joie. Quelle bonne blague... Encore une fois, je suis la seule à y avoir crue....... Mon avis, pour ce que t'en a à foutre, c'est qu'il faut qu'on lâche les Hurlants, maintenant, mais si on le fait, il faudra s'attendre à des représailles. Quand tu prendras ta petite décision en solo, pèse bien tes forces, parce qu'il faudra surveiller nos arrières constamment et tenir le coup.

Je passe ma langue sur l'intérieur de ma joue, j'ai envie de lui faire mal, de faire mal au mobilier, à cette bouteille, de tous leur faire mal. Je ne dispose même pas de l'énergie pour exécuter ces pulsions. Je me contente de boire. La tequila ne me procure aucun réconfort, juste des crampes d'estomac.
Je me lève brusquement pour aller vomir dans l'évier. C'est le plus près que j'ai pu trouver.

-T'approche pas de moi ! Laisse-moi tranquille ! que je jappe, furieuse, à Colgan, entre deux éruptions de bile. Une fois la crise passée, j'allume le robinet pour diluer les traces de ce moment de faiblesse.

- Nous avons choisi ensemble de lui répondre oui. C'était une décision concertée entre toi... et moi. Nous deux.
- Ca reste une erreur. Peu importe de qui elle vient.

Elle viens s'asseoir en face de lui, tandis qu'il garde la même expression.

- Tu sais ce que j'aurais fait, si j'avais su la première que Bertus était un espion pour le compte du camp ennemi ? Je serais venue te voir, pour t'en faire part, pour statuer ensemble de la conduite à adopter avant de le confronter....

Colgan plisse les yeux et se mord l’intérieur de la joue pour ne pas sortir des paroles odieuses et déplaisantes qui menacent de dévaler sa langue. Il se contente de la fixer dans les yeux.

- Parce que tu es mon égal, mon partenaire, mon allié et que j'ai confiance en toi et tes réactions. Quelle bonne blague... Encore une fois, je suis la seule à y avoir crue...

Cette fois, il en a assez. La journée a été assez rude sans qu’elle n’ajoute des reproches horriblement injustifiés au reste. Lentement il se redresse, pose ses mains sur la table et vrille ses regards froids dans les siens.

- Quand…assène-t-il d’une voix rauque, quand selon toi j’ai manqué de confiance en toi ? Quand je t’ai présenté à mes enfants ? Quand je suis resté avec toi après ton avatarisation ? Quand je t’ai confié mon cœur et ma famille, tout ce que j’avais de plus précieux ? Quand j’ai accepté que tu restes avec moi pendant ma première transformation ? Quand j’ai fait de toi ma partenaire dans la meute alors qu’il n’existe aucun précédent ? Quand je t’ai prêté allégeance ? Mais le jour…le putain de jour où je décide de ne pas partager une information sur ton précieux ami, je deviens un salopard sans scrupule qui ne t’accorde aucun crédit ? Je partage tout avec toi et il n’y a personne…personne en qui j’ai le plus confiance dans ce putain de monde ! Excuse-moi de ne pas avoir voulu te faire du mal et de penser et de voir plus large. Mais t’as raison, le moment est idéal pour nous diviser !  
- Mon avis, pour ce que t'en a à foutre, c'est qu'il faut qu'on lâche les Hurlants, maintenant, mais si on le fait, il faudra s'attendre à des représailles. Quand tu prendras ta petite décision en solo, pèse bien tes forces, parce qu'il faudra surveiller nos arrières constamment et tenir le coup.
- Nom de Dieu Marisol ! tonne-t-il, d’une voix sourde, en frappant sur la table. Arrête ça ! Quand est-ce que j’ai dit que j’allais prendre cette décision seul ?

Quand elle se précipite vers le lavabo pour vomir, il a un geste vers elle mais se stoppe aussitôt qu’elle le lui ordonne.
- T'approche pas de moi ! Laisse-moi tranquille !
Bras le long du corps, poings serrés, Colgan fulmine.
- Que tu sois blessée t’autorise pas à tout piétiner. Sauf si c’est ce que tu veux vraiment. Dans ce cas, tu me le dis tout de suite. Je t'ai toujours donné tout ce que j'avais Marisol. Toujours. Alors soit on discute posément de la situation et on essaie de faire face ensemble comme on l'a toujours fait, soit tu continues ton numéro de martyre qui n'a pas lieu d'être. Dans ce cas c'est sans moi. On a pas traversé toutes ces épreuves pour que tu m'en jettes plein la gueule aujourd'hui. J'ai perdu un ami moi aussi, je te rappelle.  

Parfait.
Vraiment parfait.
J'ai enduré tous ces coups de colère, ses mots durs, ses rejets. J'ai contenu ses crises de rage froide, arrondi les angles partout où ses griffes laissaient des rayures, recollé les pots qu'il abandonnait cassé derrière lui. J'ai laissé entrouverte chaque porte qu'il a pu claquer au nez. N'ai-je pas le droit de craquer de temps en temps ? D'être égoïste, injuste et triste ?
La réponse est claire comme un rayon de Quilla : Non.
Ravalons tout ça comme du mauvais foutre et prenons sur nous, comme d'habitude. Pas étonnant que j'ai la gerbe ensuite.

- J'ai pas tenu bon jusque là pour finir par te quitter, imbécile, que je dis d'une voix pâteuse, prostrée sur le rebord de l'évier, pas certaine de la fiabilité de mes trippes. Restons prudent, une récidive dégeulis est toujours possible. Faudra faire avec moi.

Ca ne dégorge en rien mes veines de poison. Je suis juste épuisée.
Je me redresse lentement, en prenant une inspiration, les mains en appui sur la faillance. Je me tourne lentement vers lui.

- Et la martyre t'emmerde, au passage. Si je t'avais gueulé dessus chaque fois que t'as pété un plomb, on aurait déjà explosé en vol. Je t'ai jamais traité de quoi que ce soit, il me semble. File-moi plutôt un truc pour faire passer ce putain d'arrière gout âcre, steplé. Je grimace en remuant la langue. Plus de tequila pour moi. Pourtant, d'habitude ça file tout droit. Je me retourne en m'appuyant toujours sur le rebord du bac à vaisselle. Donc, qu'est-ce que tu proposes pour couvrir nos fesses et celles des nôtres ? Parce que, je vais me répéter, si on rompt notre alliance, faudra avoir les reins solides pour batailler sur deux fronts : Chasseurs ET Hurlants. D'ailleurs, si ça finit par se savoir pour Bertus et qu'on se tire nous aussi, on nous collera également une étiquette de traitre, tu y as pensé à ça ?