Un bébé…on pourrait avoir un bébé…

Ça n’a tellement pas de sens.
Son regard glisse sur son ventre plat. A-t-elle envie de le voir grossir ? De porter leur enfant ? De le mettre au monde et de l’élever dans ce monde de fou ? Un monde où il sera vu comme un monstre ?

Peut-être pas…après tout, le monde change à grande vitesse.
C’est sans doute à eux d’essayer de lui construire une vie où il pourra être heureux sans avoir honte ou craindre ce qu’il est.

La vraie question est plutôt : est-elle prête à ça ? Le veut-elle ?
Voilà le point d’interrogation qui reste en suspens sans qu’elle n’y trouve une réponse claire. Elle sait que Marisol a raison, elle ne pourra jamais vraiment se déclarer prête.  

Après avoir laissé son alpha et sa déesse s’engueuler dans la salle commune, Ibakha rentre à pas mesurés vers le Silo, comme pour se donner plus de temps avant de rejoindre Hunter même si elle se rend bien compte que ses réflexions tournent en rond.
Elle n’est pourtant pas obligée de prendre une décision tout de suite et peut se contenter de voir si elle se fait à l’idée ou si celle-ci finira par la répugner plus qu’autre chose.

Quoi qu’il en soit, elle doit en parler à Hunter. Elle ne sera pas seule à être impliquée par la décision qu’elle va prendre, peu importe laquelle elle finit par choisir. Elle ignore encore comme lui annoncer la nouvelle et se découvre soudain fébrile et angoissée lorsqu’elle pousse la porte du Silo. Cette bouffée de sentiments incontrôlable la prend totalement au dépourvu.
Elle s’astreint à respirer calmement, surtout lorsqu’elle aperçoit sa silhouette assise sur le banc devant leur grange et à calmer les battements plus soutenus de son cœur.

Mon homme.
Mon loup.
Le père de mon enfant.

Heureusement pour elle, Ibakha a toujours su camoufler adroitement les tourments intérieurs qui l’agitent.
Malheureusement pour elle, Hunter semble passer maître dans le décryptage de la moindre de ses micro-expressions.
C’est pourquoi elle s’applique.
Elle s’approche sans se presser et vient s’assoir à ses côtés. Le menton levé vers le ciel piqueté de fausses étoiles, Ibakha pousse un discret soupir. Il lui apparait maintenant clairement qu’elle n’aurait jamais pu garder ce secret pour elle. Elle ne sait toutefois toujours pas comment aborder le sujet.

Pas maintenant… plus tard peut-être. J’irai d’abord voir Josie…
Peut-être aurait-elle un conseil à lui donner.

-Hey... Tu dormais profondément lorsque j’ai quitté le lit. Qu’est-ce qui t’a réveillé ?

Sit down beside me, and stay awhile
Let our hearts do the parse

Les jours s'écoulent, tranquilles, besogneux et rangés. Cela ne lui déplait pas. Il aime travailler la terre, œuvrer au sein de la nature, avoir un ciel -même factice - au dessus de sa tête. Hunter est à l'aise dans son rôle de contremaitre. Pour la première fois de sa vie, sans doute, il se sent à sa place.
Chaque jour débute comme il finit : dans les bras d'Ibakha.
Sa femme.
Sa bénédiction.
Homme simple et animal avant tout, le prince-loup l'a choisie, elle, pour la vie. Il ne s'imaginait pas, un jour, pouvoir s'offrir le luxe d'avoir un cœur, un vrai, qui bat de tout son soul et sans compter. Ibakha est sauvage, libre et belle, comme si elle avait été façonnée exprès par Mère-Nuit pour partager sa vie. Il se sent chanceux. Extrêmement chanceux. Heureux, même.

Les cauchemars de sa moitié ont décru. Elle est moins effrayé par ce qu'elle est. Il le sent. Aussi est-il surpris de s'éveiller en sursaut, animé par un sentiment d'urgence. Son instinct lui dicte avant que ses sens ne le constatent : Ibakha n'est plus là.
Le lit est froid.
Ses bras sont vides.
Son coeur s'alarme.
Son odeur flotte toujours dans la mansarde mais avec moins de prégnance. Il enfile juste un pantalon et descend, pieds nus, le palpitant aux aguets. Dehors, Hunter doit se rendre à l'évidence. Le parfum de sa peau n'est qu'un subtile résidu qui s'est dilué. Ibakha n'est pas dans le Silo.

Le né-loup se laisse tomber sur le banc devant la grange un peu abasourdi. L'évidence lui souffle qu'elle ne souhaite pas être suivie. Elle n'aurait pas attendu qu'il sombre dans l'inconscience pour opérer. Il déteste les cachoteries, les mensonges, les jeux de dupe... Il ne les comprend pas. Néanmoins, Ibakha est une femme indépendante et peut-être qu'elle manifeste là un sentiment d'étouffement. Cette vie paisible de rustres fermiers la lasse-t-elle ?
Quelle conduite adopter ? La poursuivre ? L'attendre ?
Perdu, le nez en l'air, il observe les étoiles de cette voute céleste artificielle et pourtant si crédible.

Attendre.
Il attend, simplement.
Elle aura bien une explication à lui fournir.
Une convaincante.

Sa fragrance l'annonce finalement, bien avant que sa silhouette souple n'apparaisse et vienne s'asseoir auprès de lui.

- Hey... Tu dormais profondément lorsque j’ai quitté le lit. Qu’est-ce qui t’a réveillé ?
- Ton absence, déclare-t-il de sa voix rocailleuse et grave. Il tourne lentement la tête vers elle, détaillant sa compagne comme s'il la dépiautait jusqu'à l'os. Et toi ?

- Qu’est-ce qui t’a réveillé ?
- Ton absence.

Elle sent son regard sur elle et pivote la tête à son tour, les paumes en appui contre le banc. Elle fronce très légèrement les sourcils en essayant de déchiffrer ce que cache ses yeux clairs, assombris par la nuit. S’inquiète-t-il ? Sans qu’elle ne sache exactement pourquoi, elle a l’impression que si elle lui ment à cet instant, elle risque de le regretter.

- Et toi ?

Oui c’est bien ça…il s’inquiète. Elle n’est pourtant partie que pendant quelques minutes. Qu’imagine-t-il donc dans sa tête souvent trop pleine de questions qui ne filtrent jamais par sa bouche.
Cette question, pourtant tout ce qu’il y a de plus simple, lui met soudain une étrange pression sur les épaules. Elle se raidit un peu et revient vers le ciel étoilé. Plusieurs fois, elle tente d’amorcer l’annonce et puis s’arrête.

- J’avais besoin de vérifier quelque chose. Seule. Sans risque de me faire interrompre.

Elle sait bien que s’arrêter là ne lui suffira pas et qu’elle ne fait qu’entretenir l’inquiétude d’Hunter. Mais sa propre boule d’angoisse enfle au creux de son ventre et remonte pour obstruer sa gorge. Elle sert plus fort sa prise sur le banc en se traiter mentalement d’idiote.

Ça n’est rien…juste quelques mots.
Et s’il se met en colère ?
S’il la rejette elle ou l’idée d’être père.

Il n’est pas comme ça…il l’aime.
C’est ce qu’il lui a dit.
Hunter ne lui a jamais menti.

Elle relève fièrement le menton et tourne son regard vers le sien sans se dérober. Lorsqu’elle se met à parler, elle a la voix sûre mais distante, comme si ce qu’elle racontait ne la touchait pas en plein cœur et ne l’avait pas bouleversé jusqu’au tréfond de son être.
- J’ai fais un test de grossesse. Il est positif. Elle marque un court instant de pause pour déglutir. Je suis enceinte, Hunter… et je ne sais pas quoi faire.

Je suis terrorisée, excitée, complètement confuse, heureuse, indigne de ce bonheur là...
Mais ces mots-là ne sortent pas et pendant un court instant, sa détresse se lit dans son regard qu’elle détourne avant d’affronter à nouveau les conséquences de ce qu’elle vient de lâcher.  

- Je suis désolée…souffle-t-elle, ça n’aurait pas dû arriver…mais c'est là.

- J’avais besoin de vérifier quelque chose. Seule. Sans risque de me faire interrompre.

Silence.
Ibakha s'est tendue. Son odeur s'est très subtilement nuancée. Elle ne lui dit pas toute la vérité. Il déteste les secrets. C'est pourtant un art que les femmes de cette meute manipulent avec maestria et une monnaie dont elles font commerce. Les secrets. Hunter pensait qu'elle n'en avait pas pour lui. Présomptueux de sa part, sans doute.

Son parfum se teinte d'aigreur, de ces notes d'amertume qui caractérise la peur. Sa compagne est terrorisée par quelque chose. Par quoi ? Le né-loup fronce les sourcils. Sa large paume vient recouvrir une des mains aux jointures blanchies par la pression du banc.

- Je respire ton angoisse à pleines narines, Ibakha. Dis-moi ce qui t'inquiète ?

Elle retrouve par automatisme son masque de neutralité détachée, amorphe et glaciale. Il sait à présent que c'est là un mécanisme de défense bien ancré. Il ne s'en alarme que davantage.

- J’ai fais un test de grossesse. Il est positif.

Les mots sortent de sa bouche, mais étrangement, ils n'ont aucun sens. Ils sont là, ils en connait la signification, mais ça ne produit aucun éclair de conscience. Pas encore.

- Je suis enceinte, Hunter… et je ne sais pas quoi faire.

Les paroles cheminent avec lenteur vers son cerveau. Le traitement de l'information se fait au ralenti. Et brusquement, Hunter percute.
Ibakha.
Enfant.
Lui.
Père.

Il est pris d'un grognement incrédule, une sorte de jappement, presque un rire.

- Sérieusement ?
- Je suis désolée… ça n’aurait pas dû arriver…mais c'est là.
- Quoi ?! Mais non ! Qu'est-ce que tu racontes ?! Il prend son visage entre ses mains. C'est la vie... La vie arrive toujours à s'installer. C'est son privilège, son pouvoir, c'est naturel.... Il affiche un large sourire. Tu.. Tu portes mon.. notre... Il a un nouveau ricanement rauque, ému. Notre enfant... Nous allons avoir un enfant... répète-t-il émerveillé.

Alors seulement s'invite l'implication du "Je ne sais pas quoi faire" dans son esprit. Son sourire fane tout doucement. Il la contemple toujours, caressant son beau visage.

- Tu ... Tu n'en veux pas, c'est ça ?

L'emballement de joie brusque, incontrôlable, vient d'être brutalement torpillé, laissant sa poitrine malmenée et douloureuse.

Ibakha ne sait pas comment interpréter le …grognement ? qui échappe à Hunter.

- Sérieusement ?
Elle hoche la tête. Comme si elle était capable de mentir sur ce sujet.
- Je suis désolée… ça n’aurait pas dû arriver… mais c'est là.
- Quoi ?! Mais non ! Qu'est-ce que tu racontes ?!
Ibakha écarquille ses yeux autant que possible en voyant sa réaction.
- Je…
- C'est la vie... La vie arrive toujours à s'installer. C'est son privilège, son pouvoir, c'est naturel...
Elle ne sait pas tellement de quoi il parle mais son sourire lui plait. Il a beaucoup de lumière ce sourire.
- Tu… Tu portes mon... notre... Cette fois c’est bien un rire qu’elle entend. Notre enfant...
- Oui, confirme-t-elle d’une voix ténue.
- Nous allons avoir un enfant...

Elle se mord la lèvre. Ça elle n’en est pas certaine mais cette fois encore, sa voix se dérobe, les mots ne sortent pas. Surtout s’ils effacent ce si joli sourire qu’il arbore. Pourtant il s’en va de lui même… et Ibakha s’en veut terriblement.
Elle n'aurait pas dû lui dire...elle aurait dû attendre...

- Tu ... Tu n'en veux pas, c'est ça ?
Elle lit une déception violente dans son regard. Lentement, elle pose ses paumes sur ses mains et les retirent de son visage. Elle a une sorte de plissement de la lèvre.
- Je… je ne sais pas Hunter. Ca n’est pas comme si on en avait discuté avant. Je ne savais même pas comment tu allais réagir…

Elle pose ses paumes sur ses cuisses, tout près de son ventre. Elle tente de remettre ses pensées à l’endroit mais elle sait maintenant que si elle décide de ne pas le garder…elle le rendra malheureux. Elle prend une grande inspiration et avoue tout doucement.

- Je suis terrifiée. Je n’ai rien d’une mère et j’aurais aimé prendre cette décision en pleine conscience. Sans compter que...tu sais ce que j'ai dans la tête. Mais c’est ma faute et … c’est là et…

Elle a une sorte de hoquet qu’elle camoufle en posant ses doigts contre sa bouche. Finalement elle se tourne vers lui et cherche son regard. Cette fois son masque ne tient plus sur son visage et affiche une détresse qu’elle essaie de maitriser comme elle peut.

- Tu voudrais toi ? Tu as envie de cet enfant ?... Tu te sens prêt à être père ?  

- Je… je ne sais pas Hunter.

Son expression de détresse profonde lui étreint brutalement le coeur. Ibakha est perdue, une nouvelle fois.

- Ca n’est pas comme si on en avait discuté avant. Il fronce les sourcils sans comprendre. Je ne savais même pas comment tu allais réagir…
- Comment... Mais enfin, tu penses que j'allais réagir comment ? Te gueuler dessus ?!
- Je suis terrifiée.

Hunter enserre ses épaules et la presse contre lui.

- Je sens. De quoi as-tu peur ?
- Je n’ai rien d’une mère et j’aurais aimé prendre cette décision en pleine conscience. Sans compter que...tu sais ce que j'ai dans la tête.
- Qu'est-ce qu' une "Mère" selon toi ? Je n'en ai pas la moindre idée, pour ma part. Tu es qui tu es. Tu seras la mère que tu seras... Personne n'est jamais préparé à ça. Il le découvre une fois qu'il l'est.
- Mais c’est ma faute et … c’est là et…
- Ta faute ? Quelle faute ? On était deux dans ce lit... et ailleurs, il me semble.

Le loup soupire. Il ne comprend pas pourquoi elle s'incrimine toujours pour tout et rien. De son point de vue les choses sont bien plus simples : la nature a œuvré, il sera donc ce qu'elle lui dicte.

- Que tu sois effrayée par l'inconnu, c'est normal, mais ne te culpabilise pas d'être féconde. La vie est un cadeau magnifique et précieux. Tu aurais voulu contrôler les choses, mais on ne contrôle pas le temps qu'il fait, l'herbe qui pousse ou l'animal qui rend son dernier soupir. Les choses se font et c'est comme ça, non ? Tu n'as pas la seule responsabilité de cette vie qui s'agite dans ton ventre... Ventre qu'il touche, recouvre de sa large paume. J'ai ma part et je la prendrais.
- Tu voudrais toi ? Tu as envie de cet enfant ?... Tu te sens prêt à être père ?

La main d'Hunter remonte vers sa joue. Il l'équarrit avec tendresse de ses yeux perçants et bleus.

- Je t'ai fait l'amour et à chaque fois l'idée d'engendrer m'a habitée. Je suis né-loup, Ibakha, je ne suis pas comme les hommes qui ne s'intéressent qu'à leur plaisir égoïste. Ce que la Vie me donne, j'en prends aussi la responsabilité. A chaque fois que j'ai joui en toi, j'étais conscient que c'était une possibilité. Est-ce que je serais un bon père ? Il hausse les épaules. Je ne sais pas. J'apprendrais. Est-ce que j'ai envie de cet enfant ? Fin sourire. J'aurais toujours envie d'en avoir avec toi.

Un silence.

- ... Mais pas contre ta volonté. Jamais. Que tu veuilles de lui maintenant, ou plus tard, ou bien jamais, je serais toujours à tes côtés. Tu n'es pas toute seule Ibakha. Je ne vais pas brutalement cesser de t'aimer parce que tu ne veux pas être mère.

- Mais c’est ma faute et … c’est là et…
- Ta faute ? Quelle faute ? On était deux dans ce lit... et ailleurs, il me semble.
Ibakha lui coule une œillade entendue.
- Evidemment que nous étions deux. Mais j’ai été prostituée, Hunter. Je sais comment me prémunir de ça…normalement. Ça a été un réflexe pendant longtemps. Mais avec toi je…j’ai…

… oublié ? Non pas vraiment. Ça serait mentir. C’est simplement que tout semble si naturel avec lui, comme coulant de source. Peut-elle en déduire pour autant qu’elle a volontairement ou non cherché cette situation ?

- Que tu sois effrayée par l'inconnu, c'est normal, mais ne te culpabilise pas d'être féconde. La vie est un cadeau magnifique et précieux. Tu aurais voulu contrôler les choses, mais on ne contrôle pas le temps qu'il fait, l'herbe qui pousse ou l'animal qui rend son dernier soupir. Les choses se font et c'est comme ça, non ?
Ibakha grimace. Comme elle l’avait deviné, il ne conçoit pas de faire autrement que de suivre le courant de la nature.
- Je sais que ça va te sembler étrange mais je t’assure que depuis quelques années, les femmes qui le peuvent savent parfaitement gérer leur contraception. Les… « accidents » sont plus rares.
- Tu n'as pas la seule responsabilité de cette vie qui s'agite dans ton ventre... Le regard d’Ibakha descend sur la main qu’il vient de s'y poser et timidement, elle la recouvre de la sienne. Elle est si chaude, posée là. J'ai ma part et je la prendrais.
- Je sais que tu ne te déroberas pas, mais j’ai besoin de savoir ce que toi tu en penses ! Tu voudrais toi ? Tu as envie de cet enfant ?... Tu te sens prêt à être père ?
Ibakha pince les lèvres, yeux baissés. A mesure qu’il lui répond son cœur bat plus vite  
- Est-ce que je serais un bon père ? Je ne sais pas. J'apprendrais.
Elle lui sourit comme seule une femme amoureuse sourit à l’être aimé.
- Je suis certaine que tu seras un excellent papa. Je n’ai aucun doute là-dessus.
- Est-ce que j'ai envie de cet enfant ? J'aurais toujours envie d'en avoir avec toi.
- … Idiot… chuchote-t-elle avec une tendresse qu’il est le seul à lui inspirer.
- ... Mais pas contre ta volonté. Jamais. Que tu veuilles de lui maintenant, ou plus tard, ou bien jamais, je serais toujours à tes côtés. Tu n'es pas toute seule Ibakha. Je ne vais pas brutalement cesser de t'aimer parce que tu ne veux pas être mère.

La louve fouille son regard, ne cillant presque pas.
- Tu es certain de ça ?
Ces mots sont exactement ceux qu’elle attendait et pourtant, elle doute tout de même… Il pourrait avoir envie de la rejeter. Dans la nature, une femelle qui n’enfante pas devient facilement une paria. Dans un mouvement souple, elle se hisse sur ses genoux et l’étreint avec force, la joue posée contre son épaule, le nez enfoui contre son cou.
- Et si je ne n’arrivais pas à l’aimer, Hunter ? Comme ma mère… Je ne veux pas le rendre malheureux, je ne veux pas que tu me détestes si ça arrive.
Elle redresse la tête et colle son front contre le sien.
- Et puis je viens seulement de te trouver… Je n’ai égoïstement pas envie de te partager.
Elle sait bien cette pensée parfaitement terrible mais pourtant c’est ce qu’elle ressent alors elle l’embrasse à pleine bouche pour se faire pardonner. Quand elle recule enfin, elle reprend la main d’Hunter et la cale sur son ventre.
- Mais il y a une part de toi là-dedans et … je n’ai pas envie qu’elle disparaisse.

- Tu es certain de ça ?
- Tu doutes de moi ? gronde le loup avec, pourtant, un expression attendrie. Hunter sait que sa femme a besoin d'affirmation fortes. Je t'ai choisi toi, pas ton ventre.

Le lycanthrope l'accueille sur ses cuisses une main arrimée à sa taille. Il aime cette femme. Elle pourra lui dicter n'importe quelles conditions, il s'y pliera sans sourciller.

- Et si je ne n’arrivais pas à l’aimer, Hunter ?
- Tu m'aimes bien, moi, ça n'a pourtant rien de facile...
- Comme ma mère…
- Tu n'es pas ta mère.
- Je ne veux pas le rendre malheureux, je ne veux pas que tu me détestes si ça arrive.
- Tu es consciente que cette simple réflexion prouve à quel point tu sauras prendre soins de cet enfant et de ses intérêts ? Et jamais je ne pourrais te détester. C'est impossible.
- Et puis je viens seulement de te trouver… Je n’ai égoïstement pas envie de te partager.

Sa bouche vient avidement chercher la sienne, comme pour prouver sa possessivité. Hunter la lui rend avec la même fougue déterminée.

- Hum... Tu es ma compagne, je suis ton compagnon. Cet enfant aura un père, ça n'est pas la même chose, déclare-t-il avec sagesse. Ton compagnon sera toujours tout à toi. Son père sera toujours tout à lui.

Le né-loup arbore un de ses sourires carnassiers qui fleurissent quand il est heureux. Une occurrence qui a tendance à beaucoup se reproduire ces temps derniers. Il caresse amoureusement son abdomen, encore plat et pourtant riche d'une vie supplémentaire.

- Mais il y a une part de toi là-dedans et … je n’ai pas envie qu’elle disparaisse.
- Alors, laisse-la s'y épanouir et apprivoise-la... Je comprends tes craintes, tu sais, mais je vois comment tu agis avec les chevaux, comment tu t'amuses avec Sizreïs, comment tu veilles sur tes amies.... Tu es sauvage et indomptée, mais tu as du coeur. Si tu te voyais avec mes yeux, tu saurais. Un silence. Si je t'embrasse suffisamment, tu penses que je pourrais aspirer toutes tes mauvaises pensées par la bouche.

Hunter ricane. Ronronnement indolent.
Puis, il met sont plan à exécution.

- Hum... Tu es ma compagne, je suis ton compagnon. Cet enfant aura un père, ça n'est pas la même chose. Ton compagnon sera toujours tout à toi. Son père sera toujours tout à lui.
- Oh…tu comptes donc te dédoubler… merveilleux.

Ses paumes calées sur son visage, elle frotte les coins de sa bouche sans pouvoir s’empêcher de lui rendre son sourire.
- Tu as une tête d’imbécile heureux magnifique qui te va plutôt bien…
Elle fait la moue lorsque ses mains s’attardent sur son ventre.
- Tu vois… il est déjà en train de te voler à moi… Mais il y a une part de toi là-dedans et … je n’ai pas envie qu’elle disparaisse.
- Alors, laisse-la s'y épanouir et apprivoise-la...
- Ca semble si facile dis comme ça…
- Je comprends tes craintes, tu sais, mais je vois comment tu agis avec les chevaux, comment tu t'amuses avec Sizreïs, comment tu veilles sur tes amies...
- Tu te rends bien compte qu’élever un enfant, ça ne sera pas pareil…
- Tu es sauvage et indomptée, mais tu as du coeur. Si tu te voyais avec mes yeux, tu saurais.
Ibakha rit tout bas en venant frotter son nez contre le sien.
- Toi tu es aveuglé, mon idiot à moi. Comment peux-tu être objectif sur la question…tu sais que je commence à avoir une petite réputation de femme agressive et peu commode ? La mégère qui garde le Silo… Tu crois que ça aussi ce sont les qualités d’une bonne mère ?
- Si je t'embrasse suffisamment, tu penses que je pourrais aspirer toutes tes mauvaises pensées par la bouche.
Cette fois, elle éclate de rire.
- Je t’aime… Merci de comprendre…d’être là. Elle caresse doucement sa joue. Tu n’as qu’à essayer…il n’y a que comme ça que tu sauras…

Et elle se laisse faire volontiers, les bras ancrés à son cou.
- Si…je garde…si on garde le bébé…articule-t-elle contre sa bouche, je refuse… d’être mise dans un cocon… comme Marisol…tu entends ? Elle recule et fronce les sourcils en posant son index sur sa bouche pour s’empêcher d’y retourner tout de suite. Il s’agit de mon corps…je déciderai ce que je suis capable de faire et ce que je ne ferai pas.

Elle se rend compte qu’elle commence à envisager sérieusement la chose.  

- Marisol sait…elle m’a surprise alors que je venais d’avoir le résultat du test… je lui ai demandé de ne rien dire tant que la décision n’est pas prise… On a passé deux ans à s’ignorer et en moins de deux mois, on brûle toutes les étapes une à une…

Ibakha est transfigurée sous la clarté lunaire par une hilarité radieuse. Hunter la contemple comme si elle était la chose la plus merveilleuse qui soit, sans doute car pour lui, c'est le cas. Le loup ne se prive pas d'embrasser sa louve, avec une honnêteté, franche, tendre et fauve.

- Tu es ma compagne.... ma gardienne... ma moitié... Ponctue-t-il entre chaque baiser. Bientôt la mère de mes enfants, si tu le veux....

Il va pour gober de nouveau sa bouche, mais elle lui scelle d'un index souverain.

- Si…je garde…si on garde le bébé…Je refuse… d’être mise dans un cocon… comme Marisol…tu entends ?
- Tu m'a pris pour Colgan ?! grogne-t-il.
- Il s’agit de mon corps…je déciderai ce que je suis capable de faire et ce que je ne ferai pas.
- Je ne me risquerais jamais à te foutre sous cellophane. Petit ricanement. Je tiens à ma vie.

Hunter entrouvre les lèvres et sa langue vient s'enrouler autour de ce vilain doigt qui fait barrière.

- Marisol sait…elle m’a surprise alors que je venais d’avoir le résultat du test…
- Ok... fait-il en lui mordillant consciencieusement ses phalanges.
- Je lui ai demandé de ne rien dire tant que la décision n’est pas prise…
- Comme tu voudras... Il suppose qu'elle le dira tout de même à Colgan. Elle n'a jamais su faire autrement.
- On a passé deux ans à s’ignorer et en moins de deux mois, on brûle toutes les étapes une à une…

Le né-loup pousse un profond soupir. Ces conjectures l'ennuient plus qu'autre chose. Tant que le choses sont claires, où est le soucis ? Il enfonce son nez dans son cou pour y inspirer son parfum, devenu plus sucré et intense.

- On s'en fout des étapes... Je t'aime, tu m'aimes. Il n'y a pas à réfléchir plus loin. Les "étapes" sont pour les humains qui s'imaginent que les sentiments obéissent à des règles civilisées. L'amour est sauvage, comme toi et moi. On est des loups ! Tu es heureuse avec moi ? Parce que moi, oui, infiniment. C'est la seule question qui importe. On emmerde le reste.

- Je lui ai demandé de ne rien dire tant que la décision n’est pas prise…
- Comme tu voudras...
Ne le sentant pas tellement concentré, son doigt dévale son menton qu’elle redresse pour trouver son regard.
- Je ne plaisante pas, Hunter… à personne ! Juste toi, moi… et Marisol puisque je n’ai pas eu le choix.
Elle passe une main dans sa crinière blonde, une légère grimace sur le visage. Après trente-huit années de rien sentimental ou presque, elle a du mal à s’acclimater à la vitesse des évènements qui s’enchainent.
- On a passé deux ans à s’ignorer et en moins de deux mois, on brûle toutes les étapes une à une…

Hunter semble agacé par ces considérations et son soupir s’écrase contre la peau de son cou où il a trouvé refuge.

- On s'en fout des étapes... Je t'aime, tu m'aimes. Il n'y a pas à réfléchir plus loin. Les "étapes" sont pour les humains qui s'imaginent que les sentiments obéissent à des règles civilisées.
Elle referme ses bras autour de ses épaules, pose sa joue contre sa tête.
- J’ai été humaine, Hunter.
Pas comme les autres, certes, pas par choix, mais humaine tout de même. Et si elle n’a pas toujours agi comme tel, ça ne l’empêche pas d’avoir ce genre de considération.  
- L'amour est sauvage, comme toi et moi. On est des loups !

Elle recule la tête et le dévisage. Pas que sauvage…elle ne se l’explique mais avec Hunter, elle se découvre câline, tendre, stupidement aveugle à tout autre but que de faire son bonheur.  

- Tu es heureuse avec moi ? Parce que moi, oui, infiniment. C'est la seule question qui importe. On emmerde le reste.
- Oui je le suis, avoue-t-elle en faisant glisser le bout de ses doigts sur les traits rudes du visage de son loup. Elle a encore parfois du mal à se dire que tout ça est bien réel, qu’il l’aime vraiment, comme elle est. Sur le papier, tout semble parfait…presque trop.

- Je t’aime à un point qui m’effraie parfois. Elle plante un regard à moitié animal dans le sien. Tu n’as pas idée de ce dont je suis capable pour toi… et moi non plus à vrai dire. Mais elle sait que si elle doit un jour choisir entre la meute et lui, elle n’hésitera pas une seconde. Je n’ai jamais laissé personne avoir tant de pouvoir sur moi… tu es le seul… et je ne sais pas comment un deuxième petit être pourrait s’insérer dans ce schéma.  
Elle baisse les yeux sur son ventre.
- Je le sens déjà tu sais… le fait que mon corps est en train de changer. Elle attrape la main d’Hunter et l’arrête juste au-dessus de son aine. Ca tire ici, pour lui faire un nid. Elle la passe ensuite dans son dos, sur ses reins. Là aussi je le sens…comme un pincement, puis remonte sa paume sur l’un de ses seins où elle y referme doucement les doigts d’Hunter. Ils sont déjà plus lourds…tu sens ? Je crois que je le savais avant de faire le test.

Elle a un petit rire gorgé de larmes qui humidifient ses yeux, sans qu’elle ne sache si c’est de joie, de stress ou de tristesse. Peut-être un peu de tout ça à la fois.

- C’est si… surréaliste.

- Je ne plaisante pas, Hunter…
- Moi non plus.
-... à personne ! Juste toi, moi… et Marisol puisque je n’ai pas eu le choix.

Ibakha a l'air de penser que le Prince des Abyssaux prend l'affaire à la légère. Jusqu'à présent, pourtant, il s'est toujours montré discret, fiable et plus inviolable qu'un coffre-fort. Qu'a-t-il encore à prouver ? Pour lui, les choses sont simples : la vie est la vie, l'amour ne s'encombre pas de recette et d'emploi-du-temps, ils feront les choses ensemble ou jamais, il ne la quittera que les pieds devant. Point.
Où demeure la difficulté ?

- Tu es heureuse avec moi ? Parce que moi, oui, infiniment. C'est la seule question qui importe. On emmerde le reste.
- Oui je le suis.
- Alors, pourquoi t'inquiètes-tu encore ?
- Je t’aime à un point qui m’effraie parfois.
- L'amour ne se quantifie pas : on aime ou on aime pas. Si on aime, il n'y a pas de limite. Aime moi autant et aussi fort que tu le veux.
- Tu n’as pas idée de ce dont je suis capable pour toi… et moi non plus à vrai dire. Je n’ai jamais laissé personne avoir tant de pouvoir sur moi… tu es le seul…
- Tu possèdes le même pouvoir entre tes mains, ma Reine. Il pose la paume de la jeune femme sur son poitrail nu. Tu règnes sans partage ici...
- et je ne sais pas comment un deuxième petit être pourrait s’insérer dans ce schéma.

Cet argument le fait davantage réfléchir que les autres. Néanmoins, il finit par hausser les épaules.

- Je ne sais pas. Je m'en inquiéterais le moment venu.
- Je le sens déjà tu sais… le fait que mon corps est en train de changer.

Ibakha fait cheminer les doigts de son compagnon sur son corps en pleine métamorphose. Pour chaque zone explorée, Hunter masse doucement la chair, la pétrissant tant pour la sentir que pour la rassurer.

- C’est si… surréaliste.
- Juste réaliste. C'est le processus naturel de la Vie. Il la contemple avec une révération profonde. Tu es belle, Ibakha, et je t'aime sans limite. Il étanche le dessous de ses yeux humides du pouce. Je ne peux pas te promettre de certitudes sur ce que l'avenir nous réserve, mais je serais là, toujours, quelque soit ton choix. Quand on a eu des familles cassées ou absentes comme les nôtres, il est difficile de savoir ce qu'on donnerait comme parents. Mais c'est aussi parce qu'on a été des enfants malmenés qu'on fera toujours attention aux nôtre. Du moins c'est ce que je crois.