Je ne suis pas un de ses sorciers qui peut faire sortir de terre de magnifiques plantes. Je ne suis pas un de ses sorciers dont la magie est liée à la nature.
Les seules choses qui émergent du sol quand j’y appose ma main, quand je laisse ma magie terrestre s’écouler dans ses entrailles sont des gemmes, certes elles ont l’apparence de fleurs et autre, mais rien d’utile pour le silo.

Mais quelque chose chez moi rend la nature plus vive, plus forte. Comme si le printemps sortait par chacun de mes pores. Capacité sûrement hérité de ma mère qui avait plus que la main verte. Elle pouvait faire pousser n’importe quelle plante et se trimballait toujours avec des graines dans les poches au cas où elle rencontrerait un membre du clan Campbell…

Et c’est pendant une de mes longues balades, perdue dans mes pensées que je trouve cet endroit. Véritable surprise pour les yeux, habitué à la semi-obscurité des tunnels du bunker. Devant un spectacle qui donne envie de vivre. Un soleil radieux brille sur des champs magnifiques, un soleil radieux embrase un ciel qui m’a tout l’air artificiel. Une douce brise fait bouger les jeunes pousses de blé. Je m’avance dans le silo, sur mes lèvres un sourire de bonheur intense.
Je voudrais pouvoir hurler. Je voudrais que ma voix résonne tant je suis emplie de cette joie intense.
Quelque chose au fond de moi se réveille et instantanément, c'est comme si la nature se chargeait d’une énergie nouvelle.
Je me sens à nouveau vivant, entier.

Ma crinière d’or flamboie comme plusieurs fils d’or pur. Mes prunelles deviennent deux billes de cristal et ma peau se recouvre de tatouage aux formes ésotériques qui n’ont du sens que pour la personne que je suis.
Debout, je me tiens droit dans ce champ, les bras grand ouvert, embrassant cette verdure qui me manquait tant, me sentant à ma place…

C’est une douce voix, comme celle d’une mère qui me sort de cet état de communion. Mon regard se pose sur une belle femme, dont le regard perçant semble intéressé par ce qu’elle voit. Quelques mots et me voilà envoyé auprès d’une certaine Dysdérie, la direction est montrée d’un doigt tranchant.

Quelques minutes de marche, quelques pas dans cette serre immense qui ressource mes batteries. Je me sens revivre alors que l’enfer se trouve au-dessus de nos têtes. J’en oublie presque le brouillard et toutes les horreurs qu’il a apportées dans son sillage.

Au centre de cet immense espace trône un arbre immense et fier tendant ses ramures vers le ciel magique et au pied de son tronc un jardin recouvert de fleurs et d'autres aromates qui rendent le spectacle vivant. J’ai presque envie de courir, une joie enfantine prenant le pas sur mon esprit.
Je me glisse entre les rangs de fleur, m’émerveillant des couleurs vives de ses jolies corolles. Emplissant mes poumons de cet air chargé de particule olfactive enivrante.
Je me laisse glisser à genoux pour m’imprégner autant que possible de cet endroit avant que l’on me réveille de mon rêve et que je me retrouve dans la pièce grisâtre et sans vie qui nous sert de chambre à Logan et moi…

Il est dit que lorsque l’on perd un sens, les autres se développent. Dans mon cas, j’ai cessé de parler pour mieux écouter.
Je l’entends la tristesse.
Je l’entends la joie.
Pas les fausses émotions, non…
Celles qui font battre un cœur, celles qui le font changer de rythme.

Assis au milieu des plantes, je me laisse guider par cet instinct, des mouvements imprimés dans mes muscles et mes tendons. J’aimerais entendre le son de ma voix porter la mélodie qui résonne dans ma conscience.

Inconscient, j'offre à la part divine logée dans mon âme la possibilité de faire ce qu’elle aime. Je lui permets de faire fleurir la nature.

Renaissance.
Printemps prospère.
Renouveau chaleureux.

Assis auprès des herbes aromatiques, je me laisse bercer par leur parfum enivrant, guidé par cette main chaude qui fait jaillir senteur et délicatesse de cette nature qui n’a jamais senti une vraie brise, ou un vrai rayon de soleil.

Ô Coré
Divine enfant
Renouveau après l’hiver
Fille de la Moisson

Assis dans l’herbe, le soleil artificiel du Silo illuminant mes cheveux d’une couronne d’or pur.
J’écoute la nature qui vie, le bruit de la sève emplissant les feuilles.
Et dans ce silence calme et reposant. J’entends une voix qui ronronne, des vers qui emplissent ce jardin d’une frénésie euphorisante.

Et c’est là qu’elle apparaît tout droit sorti d’un rêve féerique.
Vêtue d’une robe verte qui sculpte un corps gracieux et élégant.
Sa voix angélique résonne d’une profonde douceur, elle est belle, au-delà de son enveloppe corporelle.

Lentement, je me redresse, mes doigts retirant du sol une rose de rubis dont les pétales tranchants font miroiter tant de nuance de carmin que je lui tends un doux sourire étirant mes lèvres rosées.

J’aimerais pouvoir me présenter à elle, mais le seul moyen que j’ai est de signer lentement.
« Bonjour… Je être Edme »

Mes doigts dansent avec lenteur, épelant mon prénom. Et avec la douceur d’une Gazania s’ouvrant au contact du soleil, je signe :
« Simone me envoie aider la nature »

Ma langue claque contre mon palais alors que je me rends compte que je n’arrive pas à m’exprimer comme je le souhaite.

Ma voix me manque…