Ça pulse, de partout. La forêt exhale tout les relents magiques qu'on ne trouve pas en ville. Elle respire autour de moi, d'un souffle que je ne connais que du bout du colt, quand il s'évade des carcasses en chasse.
Ça faisait un bail.
Depuis mon retour du brouillard, j'ai cette envie prégnante de me dégourdir les pattes, d'explorer et de traquer. Les conneries d'Unseelie m'ont peut-être un peu détraqué.

Son jeu avec ma tête aussi.
Aria est en vie... et ça me paume plus que je ne le pensais.

Je suis passé par tout les états, de l'autre côté de la barricade. De quoi me retourner le cerveau déjà pas franchement réglo.
Grand-mère l'a vue. Elle voit tout. Comme d'hab. Ses yeux pourchassent la moindre fêlure, et elle a voulu corriger la mienne en m'envoyant me changer les idées sur un contrat tombé tout récemment. Un vampiro pas jojo qui a tué pas mal d'enfants. Terré dans les profondeurs des bois, comme un gros loup bouffeur de gosses. De quoi m'occuper un peu l'esprit.

J'ai deux-trois camarades, flanqués dans mon dos. Des dos ronds des roulottes, qui ont eu la même envie que moi. Le clan a du mal à avancer de manière soudée depuis la scission des Sang-Coureurs. C'est un bordel sans nom qu'on essaie de guérir, Mamie en avant, moi à l'arrière. Elle reste vaillante face à tout ça, se prend tout dans la gueule en première ligne. Le roc des renards.

Mais quand elle ne sera plus là...
Je me demande ce qu'il adviendra de notre terrier.

Mais c'est pas le moment de tripper sur ce qu'il ne s'est pas encore passé. Je dois rester concentré. La Nuit est sur le point de tomber.
L'orange se découpe derrière la cime des conifères.

« J'crois qu'on y est. »

Alba me pose sa paluche de géante sur l'épaule. Elle a l'instinct aux aguets. C'est une des poilus qui n'a pas eu de chance mais qu'on garde sous la houlette de l'union. Une chasseresse de renom qui s'est faite croqué la guibolle il y a trois ans.
J'observe la tanière suintante au cœur de la vieille mine de charbon, juste en face de nous. Ça pue la pourriture et les traces rouges sur les feuilles mortes ne laissent pas de doute.

Le soleil finit par disparaître.

« En position. »

La lame au clair, les grenades aveuglantes en place, on est prêts à dégommer la masse grouillante qui s'approche. Les crocs luisent déjà. Elle se sent menacée, et nous aurons de quoi lui donner raison.
Elle finit par surgir.
Et au moment où le vampire s'apprête à s'élancer sur nous, sa tête roule à mes pieds.

On vient de nous – de me – coiffer au poteau.

« Putain de... » J'explose. « NON MAIS ALLO ! »

J'approche le grand mec surgit de nulle part comme un héros pas demandé, me plantant devant lui, toute ma verve au dehors et le poil hérissé.
J'ignore complètement mes potes qui essaient de m'arrêter.

« … Nar-...
- Te gêne pas surtout hein, c'pas comme si c'était MA cible ! T'as cru que tu pouvais te pointer comme un joli cœur et me voler mon kill ?! »

Je tape le plat de ma main sur son cuir, fulminant d'humiliation. Je grogne davantage avant de soupirer, lui filant au moins le bénéfice du doute pour me calmer. Peut-être qu'il savait pas. Peut-être qu'il est juste teubé. Voire les deux, on sait jamais.

« J't'ai jamais vu. T'es pas du coin toi... J'me trompe ? »

Mais bordel ce qu’il est mouuuuu !
Jamais vu un suceur aussi nul de toute ma putain de vie.
Non mais matez un peu ces traces quoi ! A croire que cet imbécile fait exprès de bien appuyer chacun de ses pas et de laisser des traces de sang partout. Même sans les voir, mes narines en frémissent tellement le doux parfum d’hémoglobine empeste l’air.  

- Mais fais un effort au moins merde ! C’est trop facile là !

Quelques oiseaux s’envolent en m’entendant rager. Ouais bon sans doute que j’aurais pas dû gueuler comme ça mais de toute façon le Dracula de mes deux est déjà mort. Sauf qu’il ne le sait pas encore ! Ahaha c’est pas une réplique de je sais plus quel dessin animé à la con ça ?

Faut dire que la traque en milieu naturel c’est un peu mon truc aussi. Le gars partait pas gagnant non plus. Et plus il s’enfonce dans les bois, plus il est foutu. Pour lui, même pas besoin de dégainer une transe.
Ca va être vite fait, bien fait. J’empoche la thune, merci m’sieur, dame.

Ca fait pas longtemps que j’suis dans le coin et pour le moment je m’y plais bien. Sauf que j’suis à sec niveau fric et que mes vieux os commencent à protester à force de dormir dans ma bagnole pas au top du confort. T’inquiète, j’t’aime quand même Christine ! Ouais en hommage à la voiture démoniaque de King. Sauf que la mienne se contente de tousser comme une petite vieille sur le retour.
Ce contrat tombe donc à pic ! Sauf que je prévoyais de m’amuser un peu plus pendant la chasse… or là c’est limite si je me fais pas chier. Non en fait, c’est pas limite. J'me fais chier.

- Petit, petit. Viens petit vampire ! Sors de ta cachette !

Cette fois j’me fais plus discret, il est tout proche. Mon odorat sensible sent son odeur putride de vieux sang et de chair humaine. Parait qu’il s’attaque à des gosses en plus ! Le bel enfoiré ! Une autre fragrance m’arrive en plein pif et j’hume l’air comme une bête. Ce que je suis à moitié après tout !
Une mine de charbon ? C’est là qu’il pensait se planquer ce con ? Pour effacer son odeur ?

- Pour ça faudrait que tu prennes un bon bain, Jólasveinn ! je ricane.

J’entends soudain d’autres bruits, plus discrets et un petit rictus déforme ma bouche. Eh ben on dirait que je ne suis pas seul sur le coup hein ! Sauf que j’ai besoin de cette thune et qu’on me pique pas une cible. Après tout, jsuis dessus depuis un jour. C’est donc ma proie. Il est où l’honneur des chasseurs bordel !
Bon va falloir mettre la seconde parce que Dents Longues a repéré le petit groupe et s’apprête à les attaquer. Sans déconner ? Il m’a pas entendu venir ? Alors lui il est trop fort !

Rapidement, je dégaine la hache à une main que je garde sagement contre ma hanche et me mets à courir. J’suis peut-être un peu lourd mais quand je veux, je peux être rapide. Très rapide. Vampiro a à peine le temps d’amorcer un mouvement vers le groupe que je surgis dans son dos comme le diable de sa boîte et lui tranche la tête. Un coup net et précis. Le crâne roule au pied d’un blondinet qu’aurait plus sa place dans un magazine qu’au fin fond des bois !

Il est tellement furax que j’lui ai volé Dead Dracula qu’il me hurle dessus. Je le toise avec une petite moue sarcastique, un large sourire aux lèvres et le laisse déverser sa rage. Vas-y p’tit si ça te fais du bien. C’est presque mignon.

- Te gêne pas surtout hein, c'pas comme si c'était MA cible ! T'as cru que tu pouvais te pointer comme un joli cœur et me voler mon kill ?!

- Ah bah j’crois rien blondinet…je viens de le faire en fait, que je fais tranquillement en posant ma hache contre mon épaule. Et techniquement c’était ma cible aussi. Je me penche ensuite pour récupérer la tête du moche à ses pieds, l’attrapant par les cheveux. Mais j’suis pas comme ça hein ! J’partage ! Vous pouvez prendre le corps, j’m'occupe de la tête. Ça devrait suffire pour empocher la prime.

« J't'ai jamais vu. T'es pas du coin toi... J'me trompe ? »

- Tout juste ! J’viens de débarquer. Bon bah les gars, ce fut un plaisir ! En fait non, chasser ce truc a été emmerdant à mourir. Mais hey ! On choisit pas sa cible hein ! Comme j’avoue être un peu à sec niveau blé, dans ces cas-là j’suis moins regardant. Je remarque soudain que ma belle chemise à fleurs bleues est tâchée de sang. Ma dernière chemise propre !!! Putaiiiiiin, tu m’as sali Sonur tík ! Ca se fait pas, sérieux ! Déjà que t'étais con comme une branche ! Je balance ses quatre vérités à la tête coupée que j’ai hissé vers la mienne. C’était ma préférée en plus !
Gros soupir. Journée de merde. Enfin oui et non.
Peut-être que ce soir j’aurais de quoi me payer une chambre quelque part.

J'émets quelques réserves sur l'histoire de barbe noire. Les allées et venues en ville en ce moment, c'est quand même pas ce qu'il y a de plus courant, avec cette quarantaine à la con. J'me dis que les rares qui passent entre les mailles du filet ont soit une bonne raison, soit une bonne réserve de pognon. Ou d'autres atouts, que je saurais pas lui définir, là, tout de suite.
Mais n'empêche que ça me fend l'âme de lui laisser ramasser un pactole dont on aurait besoin. Même si on ramène que le corps du strigoï, j'suis quasi certain qu'en terme de preuve ça suffira pas, et qu'on aura que la gloire à foutre dans nos assiettes. Les indics des pisteurs sont pas censés éparpiller les têtes à chasser, y'a comme un truc que je pige pas. Y'a comme quelque chose de pourri dans le milieu du banditisme surnaturel.

« Attends une seconde, joli cœur. » Je réduis la distance entre nous alors qu'il commence à se tailler tranquillement. J'attrape son bras libre de macchabée sans ménagement. On a pas fini de discuter. « Qui t'a rencardé sur ce plan ? Normalement les- »

Pourtant, comme de grossiers personnages, des grognements autour me coupent la parole. Le temps se fige, aussi brusquement que le vent dans les arbres cessent de les remuer. Je ne bouge pas un cil, le temps de comprendre que la partie est loin d'être aussi simple et que finalement, autant de fric pour une seule tête à couper, c'était bien trop à gagner.

« … Oh. »

Ma main lâche l'étranger, vient à ma ceinture pour chercher, comme un réflexe, de quoi agir à l'instant. On rigole, on rigole, mais y'a rien de pire que les guet-apens de ce genre pour se faire avoir comme des bleus.

Mon père ne dira pas le contraire.

Sur mes gardes, je jette un coup d’œil en biais vers Guido. Mon deuxième larron du soir avec Alba, qui a autant d'instinct qu'un animal sauvage lâché en pleine savane. Trapu mais aguerri, la gueule scarifiée de cicatrices. Et aussi tendu que moi. Ça promet.

« … Combien ? 
- Quatre... peut-être cinq. Minimum.
- Cool. »

Ma langue claque contre mon palais. Il se trompe rarement sur ses pronostics. Et les masses grouillantes dans l'ombre autour de nous, se découpant dans la pénombre naissante, ne font que lui donner raison. Je déteste quand il a raison. Surtout dans ce genre de situation.
Je soupire une vague de souffle râlant. Faut la jouer fine. On est assez nombreux. Mais ça reste vif à mort, ces cadavres ambulants.

Je tourne les yeux à nouveau vers l'inconnu à fleurs, haussant les épaules et me les dégourdissant légèrement. Je craque ma nuque pour échapper à la tension. J'ai besoin de la relâcher, par n'importe quel moyen.

Une meute à longues dents fera l'affaire.

« Crache pas ton détachant tout de suite l'ami, y'a encore un petit peu de taf. »

J'affiche malgré tout un petit sourire en coin, presque curieux de savoir de quoi il est vraiment capable, ce « nouveau en ville ». Et quand les monstres surgissent autour de nous, j'ai la machette au clair et le regard alerte, l'air trop enjoué pour savoir mentir : l'adrénaline de l'instant pulse déjà dans mon sang.

« Prêt à faire quelques heures sup' ? »

Je louche sur la main qui me retient et regarde le blondinet avec un chouillat de lassitude. J’veux pas spécialement d’emmerde mais j’suis pas prêt à laisser passer cet apport de thunes non négligeable. En fait tout ce que je veux, c’est qu’on me paie, bouffer un truc chaud et consistant si possible et pourquoi pas me reposer un peu.
J’suis un homme simple avec des goûts simples.  
J’vais pour lui répondre gentiment d’aller se faire foutre avec ses questions dont je bite pas l’intérêt parce que j’ai la dalle mais il s’arrête quelques secondes après que j’ai dressé la tête, tous les sens aux aguets. J’ai l’odeur de la mort et du sang qui s’engouffre dans mon pif et c’est vachement agressif comme fumet.

« … Combien ?
- Quatre... peut-être cinq. Minimum.
- Cool. »

- C’est pas peut-être, c’est cinq, que je précise avec un sourire carnassier. Celui que ma salope d’ex-femme trouvait flippant. Bah pour l’avoir observé dans le miroir pour voir, il fait pas si peur que ça ! Enfin on dirait juste que j’ai envie de manger votre mère et de sucer sa moelle mais à part ça…on en était où déjà ? Ah ouais cinq vamps dans les pattes. Pas de quoi s’affoler mais pas une partie de plaisir de non plus. Va falloir que je sorte une partie du grand jeu même si ces gars-là, c’est pas des rigolos, ça se voit à leur façon de se tenir. Je pourrais même me contenter de reculer pour mater le spectacle. Mais ma nature aime pas tellement la contemplation.

« Crache pas ton détachant tout de suite l'ami, y'a encore un petit peu de taf. Prêt à faire quelques heures sup' ? »

Je ricane un peu, jette négligemment la tête coupée, que je trimbale toujours, près d’un petit rocher identifiable et joue avec ma hache en faisant quelques moulinets du poignet. Ca se voit que le blondinet est prêt a en découdre. J’dirais même qu’il est pressé d’entrée dans l’action et comme c’est lui qui semble mener la danse, ces autres gars sont aussi au taquet. Parfait ! Quitte à faire équipe avec des inconnus, autant qu’ils soient entrainés et efficaces. Et puis je risque moins de les casser au cas où.

- J’dis jamais non à du rab ! Surtout quand il s’agit de suceurs. T’inquiète pas, que je lui dis avec un clin d’œil, je vais essayer de t’en laisser un peu, blondinet. Juste un petit conseil. Si je commence à partir en vrille, récupère tes gars et cassez-vous. Loin et vite. Sans vous retourner.

Les moches déboulent de partout et un agréable chatouillis d’adrénaline me parcoure les sangs. On s’refait pas hein ! Même si la situation est loin d’être brillante, j’dois avouer que le combat qui s’annonce me fait frétiller comme une pucelle avant sa nuit de noces. Je fais un pas en direction de l’ennemi le plus proche. Les pieds bien campés dans le sol, j’ai à peine besoin de me concentrer pour entrer en transe. Le Berserker en moi est jamais bien loin, comme l’animal que je suis au fond. Et il est plutôt content de se réveiller. Ça fait un bail que j’ai pas utilisé mes capacités.
J’imagine que mes yeux sont déjà devenus entièrement opaque c’qui fait qu’on a l’impression que j’ai plus de pupilles. Mon corps à des soubresauts assez désagréables et mes os craquent comme s’il prenait de l’ampleur alors que non, j’ai pas changé. J’suis juste gonflé à bloc et j’ai la subtilité à zéro (ouais j’en avais avant merci de poser la question). Je pousse un hurlement de rage libérateur. J’ai un paquet de colère en moi mais j’la laisse éclater que dans ces moments-là. Les vamps s’arrêtent quelques secondes et je hurle de rire.

- Ca vous fous les pétoches, hein les connards ? Venez bandes de lâches, c’est moi qui régale ce soir ! Non ? Bon bah j’arrive.

Je charge avec la puissance d’un…bah d’un ours en fait, un rictus mauvais sur le visage. Ma hache chante mais le premier vamps esquive le coup. Sauf que j’en profite pour attraper son visage de ma main libre et je sers. Je sers fort. Draculito gigote mais je le soulève devant moi. Les os de sa mâchoire sont les premiers à craquer et il se met à couiner de façon tout à fait adorable. Doux petit bruit. Comme il a l’air un peu occupé à souffrir j’en profite pour lui couper la tête. J’suis éclaboussé de sang et je ris. Putain je ris comme un taré en la balançant à l’un de ses potes qui l’attrape par réflexe. Inconscient du danger, de tout, je fonce sur lui avec la grâce et la puissance d’un tractopelle.
J’vous ai dit que j’étais subtile sinon ?

« J’dis jamais non à du rab ! Surtout quand il s’agit de suceurs.
- Moi non plus ! C'est c'que j'balance à mes exs !, que j'lui rétorque, incapable de m'en empêcher.
- T’inquiète pas, je vais essayer de t’en laisser un peu, blondinet. Juste un petit conseil. Si je commence à partir en vrille, récupère tes gars et cassez-vous. Loin et vite. Sans vous retourner. »

Eh putain mon cochon, le gonze avait raison. En deux temps trois mouvements, l'air autour de lui a changé du tout au tout. Ça a fait tressauter mes instincts les plus profonds, face à la menace qu'il devient petit à petit devant nos yeux ébahis. J'ai les muscles tendus rien qu'à le voir décapiter du strigoï, et y prend plaisir au point de se marrer goulûment.
Je suis pas le dernier pour la marrade en chasse.
Mais là, ça dépasse ce que j'ai pu voir.

Il me laisse pantois, le GI Joe en chemise hawaïenne. Tellement que j'en oublie presque sur le coup qu'on est pourtant loin d'en avoir terminé.
Et cependant, je peux pas m'empêcher de le fixer. Le sang s'imprime dans l'herbe et sur sa face presque inhumaine.
La lune monte. Le découpe bien plus nettement.

Qu'est-ce que c'est que ce type ?
Un loup ?
Non...
…
Peut-être un...

« Nardus !! A couvert ! »

J'entends la voix d'Alba hurler dans mon dos, je comprends son intention à la seconde près. La grenade flash gît à mes pieds avant d'exploser à la gueule d'un des mordants qui allait me grailler à bout portant. J'ai fermé les yeux à temps, eu le réflexe de reculer.

Pus le temps pour la contemplation.

Place à l'action !

Le vampire grogne à la lumière trop éclatante et j'en profite pour venir régler le problème d'un cisaillement de machette à sa gorge offerte. Ça gicle comme il faut. Un coup de pied dans le torse pour le foutre à terre, et je termine le travail en plantant la lame dans la peau blanche, rompant le lien entre tête et tronc.

« Sângele rău se întoarce în întuneric... »

Marmonné entre les dents, un brin de sourire en coin. On oublie pas les vieilles traditions, même quand elles-mêmes foutent le camp.

Alba et Guido se sont débarrassés des deux autres restants de leur côté. Je jette un coup d'oeil à mes coéquipiers, et à monsieur Chemise qui a l'air aussi frais qu'un gardon. Ça ne m'étonne qu'à moitié.

« Pas trop mal, hé. Ton p'tit côté bestial, ça a son charme. » J'ricane un peu, secouant le sang de mon arme avant de la ranger. Je reste encore un peu méfiant face à la situation.

D'autant plus quand j'entend d'autres grognements provenir de l'intérieur de la mine.
Là où la lumière est complètement absente,
Et se trouve être le lieu idéal pour abriter un nid.
Et ce ne sera pas seulement cinq péons, cette fois.

« … J'serais ravi de tailler le bout de gras pendant des heures, mais j'serais d'avis qu'on se tire vite fait. T'en penses quoi, le predator ? »

Je dépieute les Suceurs avec une énergie inépuisable ! Démembrer du Vamps c’est le chouette côté du « métier », on va dire. Ça gicle de tous les côtés façon Kill Bill et ça m’excite à mort. On juge pas les kinks non plus par ici !
Bon ok vous avez le droit de juger, mais pour ma défense…bah non en fait j’ai rien pour ma défense, jdois être un peu déglingué. La consanguinité ça fait des ravages chez nous…
Ma hache siffle et je remarque à peine l’efficacité de mes compagnons d’infortune. J’ai arrêté de rire mais le sourire mauvais qui déforme mon visage doit être un peu crispant pour les autres comme mes hurlements de rage à chaque coup porté.

Sauf que je sens bien que mon contrôle est à deux doigts de se faire la malle. Ca crisse dans ma tête comme des ongles sur un tableau noir et mon envie de tuer ne s’arrête pas. Même si le dernier Edward Cullen de mes couilles tombe à terre. Faut que je tue…encore…et encore…s’il ne doit en rester qu’un ça sera MOI ! C’est ce que mon sang me hurle et j’essaie de toutes mes forces de me maintenir à flot.
J’ai la main agrippée sur le manche en acier, tout le corps crispé et les yeux toujours aussi opaques. Enfin j’imagine.

« Pas trop mal, hé. Ton p'tit côté bestial, ça a son charme. »

Je ricane, le même sourire de requin aux lèvres et plaisante pour faire bonne figure. J’dois avoir la tête d’un mec constipé tellement j’suis tendu.

- Et t’as pas encore tout vu, crois-moi !

J’hume l’air comme un foutu animal, tend l’oreille et effectue un petit moulinet de mon poignet, faisant danser ma lame. Ohhh que oui putain ! Je les sens ! Y’en a encore… Beaucoup…et je veux…non je DOIS me les faire ! Je commence à perdre toute raison si j’en ai encore une. Ce qui reste à prouver…

« … J'serais ravi de tailler le bout de gras pendant des heures, mais j'serais d'avis qu'on se tire vite fait. T'en penses quoi, le predator ? »

- Ahhhhh mais j’en pense qu’on vient à peine de se taper les amuse-gueules ! C’est qu’on a pas fini de jouer, mes agneaux !

En temps normal, j’aurais sans doute suivi son avis. Parce qu’il est foutrement sensé. Malheureusement pour moi, le bon sens n’a plus aucune prise sur moi…Les mines c’est là où je veux aller. Au moins ma rage se calmera sur autre chose que de l’humain parce que je suis à deux doigts de leur sauter dessus pour les achever bien comme il faut.
La nana qui accompagne le blondinet m’arrête au moment où j’esquisse un pas dans la direction des grognements perceptibles.

- T’as entendu Nardus non ? On se tire !

Aussitôt ma poigne se referme sur le cou de la donzelle et le serre méchamment. J’attire son visage vers le mien et gronde comme une bête.

- Barre toi de mon chemin si tu veux pas finir dans le même état que mes ennemis…

Dans un sursaut de volonté, je la lâche et recule de quelques pas. Je relève la tête et croise le regarde de…c’était quoi son nom déjà ? Bordel Magni, fais un putain d’effort, elle vient de te le dire y’a pas deux minutes quoi ! Ah ouais Nardus. Donc je plante mon regard blanchâtre dans le sien, parce que non seulement il est le chef des joyeux drilles mais qu’en plus il semble avoir l’instinct assez affuté.

- Putain, j’perds le contrôle…Faut que…cassez toi avec tes potes…  

Tenir à distance le Berserker en full mode me demande une énergie considérable et me fait un mal de chien. Certains vous diront que c’est pas bon d’aller contre sa nature. Bah j’emmerde « ces certains ». J’ai pas tellement envie de me coller du sang d’autres chasseurs sur les pattes. Ah bah voila que je tremble comme une feuille ! Super ! J’suis vachement crédible comme menace imminente maintenant.
Corps de merde. Héritage de Merde.

Hm. Intéressant.
Alba a un profil de louve enragée. Elle a la carrure d'une culturiste sous anabolisants et doit peser au moins deux fois mon poids en muscle.
Et Machin la soulève comme si c'était un fétu de paille à rompre sans peine entre ses paluches.

Vraiment très intéressant.
Mon envie de détaler est partie avant moi.
Je veux en voir plus...

J'observe en silence la scène et ma camarade à terre, qui tousse avant de se redresser d'un bond pour aller lui coller le bourre-pif de sa vie.

« Espèce de sale connard, je vais te- »

Pas le temps de s'en prendre au type, quelque chose s'en charge pour elle. Une sorte de transformation à venir, ponctuée de voix rauque et d'yeux blancs. Caractéristiques.

J'en étais sûr. Toutes les légendes sont vraies.

Ça me colle un sourire en coin. La partie va devenir incroyable, un moment d'anthologie pour l'histoire de la chasse. C'est une occasion à ne pas manquer.

Ma main vient rencontrer le dos d'Alba, encore tendue de sa défaite étouffante.

« Toi et Guido, vous allez chercher des renforts au camp et vous signalez la position du nid. Barrez-vous et surtout grouillez-vous, allez.
- … Mais Nardus...? »

Bidule se met à trembler. Les grognements se rapprochent, du fin fond de la Mine. Ils sont nombreux. Terriblement, outrageusement nombreux.

Parfait.

« Faut que je répète ou bien ? Moi j'reste là pour endiguer la marée qui est en train d'remonter ! Cassez-vous d'là, maintenant !! »

Les deux me regardent comme si j'avais perdu la tête. C'est probablement vrai. Mais qu'importe pour le moment, c'est pas le moment de discuter les ordres et je ne veux pas qu'ils se laissent emporter par le feu de l'action.
J'ai envie de tâter le brasier tout seul, sans plus de dommages collatéraux.

Ils finissent par s'enfuir dans les bois, tandis que je fixe l'Homme-bête avec autant de peur qu'un gosse devant un gâteau d'anniversaire.

« ... A nous deux, mon joli. »

Sourire un peu plus grand. L'intérêt n'est plus piqué à ce stade, il est sauvagement pilonné.

« C'est la première fois que je rencontre un Berserker en chair et en os. C'est carrément un honneur que tu m'fais. »

Je reste quand même à distance, près de l'entrée de la mine où des paires d'yeux pas dizaines commence à luire.
Mes muscles se tendent de plus d'adrénaline encore. J'ai l'expression qui vrille vers quelque chose de plus primaire, de plus instinctif, quelque chose d'ancré dans mes veines et dont je ne pourrais jamais vraiment me défaire.
C'est tapi au fond de mon sang.

Tu vis en Chasseur, Tu mourras Chasseur.

Les griffes viennent mordre les parois. J'ai la main serrée d'excitation sur ma machette encore luisante du sang de leurs copains.

C'est ça.
Venez.
Approchez...
Je vous attends.

« … Si on poursuit la partie, plus de faux-semblants. » Coup d'oeil vers lui, fugace, avant de suivre les premiers crocs qui se montrent. « Tu m'suis ? On compte les points pour de vrai. Celui qui en bute le plus a gagné. »

Première salve vampirique. Dans un cri suraigu de créature décharnée, l'un d'eux se jette sur moi et d'un coup relativement bien placé, sa tête vole dans une gerbe sombre sous la lune et éclabousse une partie de mon visage.

On y est.
La Nuit est là.
M'enveloppe de ses bras.
Guide mes pas.

« 1 – 0. »

C'est pas fini. Ça arrive en masse.
Et je fonce.

Le Besoin avant la Raison.

J’écoute à peine l’échange. Je dois me concentrer à mort pour ne pas bouger, ne pas faire un pas vers ma cible. Putain cette mine… J’ai bien envie de me faire les nains-suceurs qui la hante. J’attends qu’ils se cassent tous pour lâcher cette bride de plus en plus rude à retenir.

« ... A nous deux, mon joli. C'est la première fois que je rencontre un Berserker en chair et en os. C'est carrément un honneur que tu m'fais. »

Ah bah autant pour moi ! Je pensais que le gars avait un soupçon de jugeote mais j’me suis gourré. Ce qui m’empêche pas d’afficher le même putain de sourire ravi sur la tronche. Un gosse à Noël ! C’est pas si souvent que j’ai l’occasion d’avoir un partenaire de boucherie. Remarque mieux veut pas en général. Mais là, je sais pas pourquoi, j’le sens bien.

- T’es givré toi ! Ca me plait ! Tu veux participer à la fête alors ? Ça me va…mais si je vrille, cours. Loin et vite parce que j’te ferai pas de cadeau et ça me ferait chier de te massacrer. Je déconne pas blondinet !


Ma voix à déjà perdue quelques octaves, l’ours gratte. Il sait que je suis à deux doigts de le lâcher. Et il a raison. J’en ai envie. Ce qui est une putain de dichotomie. Avoir envie d’un truc qui vous tue à petit feu…ou rapidement selon ma chance. Mais bon, Blondinet à l’air de vouloir voir la bêbête et j’suis pas du genre à décevoir.  

Y’a du rafut vers l’entrée de la mine. Ils seront là dans quelques secondes. J'en sens plus d’une vingtaine. Raison de plus de sortir l’ours.
« … Si on poursuit la partie, plus de faux-semblants. » « Tu m'suis ? On compte les points pour de vrai. Celui qui en bute le plus a gagné. »

Malgré la situation j’explose d’un rire terrifiant, menaçant, à glacé les sangs. Je sens son besoin de se battre qui raisonne avec le mien, sans me demander le pourquoi du comment. Chacun son p'tit jardin secret !

- Mais t’as un grain ma parole.

Les premiers suceurs déboulent comme de la merde expulsée par un anus et l’un d’eux fini rapidement sans sa tête.

« 1 – 0. »

Un coup d’épaule et mon cuir tombe à terre.

- C’est ça ! Compte pendant que je défouraille !

Je m’élance avec un cri de rage vers la masse grouillante. J’ai lâché ma hache, elle ne me sert plus à rien maintenant. J’ai beaucoup mieux à leur proposer. Au menu ce soir, crocs et griffes mes Agneaux ! La transe monte et monte jusqu’à ce que l’ours exulte et transforme mon corps en quelques secondes. Mon hurlement de douleur raisonne dans la relative quiétude des bois mais elle est vite oubliée. Un ours de presque trois mètres s’élance vers l’ennemi.  

Mes pattes retombent au sol…attendez…mes pattes ? Putain l’Ours n’a pas le contrôle ! C’est MOI qui suis aux commandes. Dans ton cul Grizzlila !

Oh le pied ! Oh le PUTAIN de pied !
J’avais oublié ce que c’était que d’être un vrai Berserker. Babines retroussés sur mes crocs je fonce dans le tas comme une boule poilue de bowling dans un jeu de quille. Je sens des canines pointues s’enfoncer dans ma fourrure mais elles me font aussi mal que des méchantes piqûres de moustiques. Mes grondements rageux raisonnent, la colère monte à chaque ennemis mis à terre. Et plus je suis en colère, plus je suis puissant ! Mes pattes volent et s’abattent avec force sans faire attention à ce qu’elles touchent, mes crocs arrachent des bouts de chairs. Le sang gicle, m’éclabousse. J’espère que Blondinet givré s’occupe de les achever parce que j’ai clairement pas ça en tête là tout de suite. Juste envie de faire de la viande hachée de ce tas de vampires. Qu’ils paient tous, TOUS. Jusqu’aux derniers !
Tuer. TOUS les tuer !

Le lâcher-prise.
Un truc tout con, qu'on devrait apprendre sur les bancs de l'école.
Un truc ancré dans les veines et en adéquation avec le moment présent.
Une synergie de malade dans un débâcle de grosse dinguerie.
Crocs dehors et rouge aspergé.
On y va, l'adrénaline.
Éradiquons tout ce merdier.

Je ne réfléchis pas. Plus.
Mes mouvements sont erratiques, précis quand même, pris dans le calcul imprégné dés l'enfance. Ces façons de tenir l’arme pour mieux blesser, pour mieux tuer.

Le code du sang des bêtes.
Sacrifiées à Mère-Nuit.
Il y a ces choses, apprises avant mes premiers pas, qui ne s'effaceront pas.

Et quand je fonce dans la mine, au fond de la mêlée, quand je plonge et tranche, quand je fend et perce, quand je laisse toute la rage adverse se muer dans le chaos de la mission du Juste,
Ce sont des bribes de voix qui me motivent.
Qui décuplent cette colère qui mord mes veines depuis des semaines.

« Fais-le... c'est le seul moyen pour nous en sortir. »

Abattage en règle.

« Nous rentrerons tous à la maison. »

Toujours plus de violence.

« Je te le promets. »

Pour faire taire les mensonges et les illusions.

« Tu me crois, n'est-ce pas ? »

Je ne crois plus à rien.

« Vulpe mica... »

Et surtout pas aux contes de putains de fées.

Râle et agonie.

Les macchabées sont retournés se coucher.

La chasse est terminée.

J'ai le souffle court au-dessus du tas fumant, composé à deux dans un joli ballet. La sauvagerie de ce compagnon de fortune a été... plus que grisante. Une vraie partie de plaisir toute colorée, à coups de griffes et de lames. Mes fringues et mes armes sont barbouillées de haut en bas. J'crois qu'j'ai même un bout de tendon dans les cheveux... mieux vaut pas que je réfléchisse à comment il est arrivé là.

Je passe une main poisseuse sur mon front, épongeant la sueur de la séance.

« … Pas eu b'soin des renforts, finalement. »

Rire craqué, fatigué. J'affiche un sourire épuisé, non sans fierté, retombant petit à petit de la dose de folie passagère qui m'a animé sur le coup. Mes muscles tendus se décongestionnent petit à petit. Ça m'a fait... un bien fou. Et quelque part, j'avais besoin de ça. Pour repousser cette saloperie de voix, il fallait bien un truc aussi intense...

Ma tête tilte vers la masse poilue, qui reprend au fur et à mesure des traits vaguement humain. A la lumière lunaire et au sang barbouillé, on se croirait au cœur d'une légende amérindienne.

« T'es vachement efficace quand tu t'y mets, putain. J'savais que les berserkers en avaient sous l'capot, mais clairement pas à c'point ! »

Et c'est peu de le dire ! J'avais lu quelques vagues trucs sur le sujet. Mais les écrits arrivent pas à la cheville de la réalité, c'est clairement une certitude sur ce coup-là.
J'attends un instant qu'on atterrisse un peu plus tout les deux, avant de tendre une pogne amicale – encore rougeâtre grenadine - en guise de présentation.
Parce que j'connais même pas son nom au mec, en vrai !

« Moi c'est Nardus. Nardus Vulpe ! »

Il a probablement entendu Alma et Guido le dire, mais j'balance quand même, c'est comme ça qu'on fait quand on est poli.

« Et toi, ours brun, c'est quoi ton blaze ? »

Que je sache un peu qui appeler pour retourner d'autres quilles vampiriques, une prochaine fois.

Le moins qu’on puisse dire c’est qu’on est putain d’efficace !

Mes crocs, mes griffes, ma bestialité.
Sa lame, sa précision mortelle, sa hargne…

Tout ça réunit fait un gloubiboulga de vampire sauce hémoglobine. Miam ! J’achève le dernier vamp en le décapitant d’un coup de crocs rageurs quand Blondinet retire sa lame du dernier survivant.
La lune brille haut dans le ciel étoilé et éclabousse nos corps, humain et animal de lumière.
Mazette, on est dans un état ! J’grogne une sorte de rire chelou, tout en m’approche de mon pas pesant vers le chasseur en secoue ma grosse tête.
Ça fait combien de temps que j’ai pas eu accès à cet de ma nature ? Un foutu bail. C’est même inespéré et c’est putain de cool de retrouver ses sensations. Du coup j’fais durer le plaisir. Blondinet est tout essoufflé et vu le massacre qu’il vient de faire ça m’étonne qu’à moitié. Il est déguelasse de sang et d’autres trucs qu’y vaut mieux pas examiner de trop près et j’lui souffle au visage pour retirer les trucs de ses cheveux en esquissant un sourire. Puis j’me laisse tomber sur mon gros cul d’ours. D’une patte je ramène un corps de vampire à peu près entier vers moi et commence à le dépieuter pour le plaisir.

« Il est mort,
Un peu,
Beaucoup,
A la folie… »

C’est vachement farceur un ours en vrai !

« … Pas eu b'soin des renforts, finalement. »

J’arrête ma besogne pour grogner mon assentiment.
Maintenant que le combat est fini, j’remarque combien il a l’air épuisé et à bout le p’tit blond.
J’lui donne un p’tit coup de patte dans le dos, joueur, juste…bah parce que j’suis de très bonne humeur ! Mais bon … j’vais pas pouvoir rester comme ça longtemps et puis ça pourrait me retomber sur la gueule sur le Berserker décide de venir me faire coucou finalement. Ca m’emmerdrait de tuer mon partenaire du soir. Me métamorphoser dans l’autre sens est encore plus douloureux et j’finis sur les genoux, poings serrés dans la terre, le souffle coupé par la douleur. A poil évidemment. Sinon c’est pas rigolo hein !
J’me d’mande si Odin était pas un sale vicelard en fait !

« T'es vachement efficace quand tu t'y mets, putain. J'savais que les berserkers en avaient sous l'capot, mais clairement pas à c'point ! »
J’ricane, la gorge encore serrée par la douleur.
- J’te retourne le compliment Blondinet ! Mais pour être franc j’étais pas au max. Sauf que quand j’y suis, c’est plus moi aux commandes, du coup j’tue tout c’qui s’trouve sur mon passage. M’enfin …
J’empoigne mon cuir, seul survivant de ma transformation.
- Putain il est presque propre ! Miracle !

Le chasseur me tend soudain une paluche amicale mais dégueu et j’la sers dans la mienne, pas bien plus propre, sans même hésiter. Une bonne chasse, ça créé des liens qui s’explique pas.

« Moi c'est Nardus. Nardus Vulpe ! »
- Ouais j’ai cru comprendre ! Enchanté ! Ca t’ennuie si ça reste Blondinet ? J’aime bien Blondinet… C’est fait trop sérieux Nardus ! Ça vient d’où d’ailleurs ?
« Et toi, ours brun, c'est quoi ton blaze ? »
- Magni Oxärsson. C’était super sympa ce p’tit massacre à deux. J’ai pas l’habitude de chasser en duo. Désolée pour ta pote là… J’suis un peu…ingérable parfois. tu sais c'que c'est... on s'emballe, on s'emballe...
J’ai soudain le ventre qui gronde et j’m’esclaffe en posant une main sur mon estomac tellement vide qu’il doit être en train de s’auto-digérer.
- Putain j’ai une dalle d’enfer ! J’aurais dû rester en ours et me bouloter un lapin ou deux. Eux au moins ils sont gratos ! Tu te souviens vers où s’trouve le premier Vampiro que j’ai tué avant qu’on se tape la famille Dracula ? Faut que j’aille récupérer ma prime pour bouffer un peu.

La pogne est franche, rendue comme celle d'un frère d'arme. Moi non plus, ça faisait un bail que j'avais pas tâté le terrain à plusieurs, en piste et en chasse avec un tel élément. Je connais pas ce type depuis longtemps, mais j'ai déjà envie de refaire équipe une prochaine fois à ses côtés. C'est ça qu'on appelle les coups de foudre professionnels ? Drôle de métier que l'on fait...

Je pouffe un chouilla quand il mentionne mon prénom. Ouais, c'était sacrément chelou comme choix. Mais ma mère et mon père ont jamais été très conventionnels... encore plus quand grand-mère rajoutait son grain de sel par dessus. Paraît que c'est elle qui a insisté pour mon prénom, rapport à un vieux chasseur de légende dans les grandes années des siècles passés de notre clan. J'crois qu'elle misait un peu trop d'espoir sur ma trogne, dés le berceau.
La donne est devenue ambiguë, depuis le non-retour d'Aria. A croire qu'elle est presque déçue de n'avoir plus que moi.

« Sérieux hein ? C'est pas faux. Après en soi c't'un vieil héritage côté romano, on peut pas y faire grand chose pour le côté... « pas fun » ! » Je hausse les épaules, roulant des yeux. « Mais j'te concède que ça fait prénom de gros mascu commandant d'armée. C'est un peu c'que mes darons avaient prévu pour moi. » Petit rire paumé, il a rien à foutre là. C'est pas tellement drôle en soi, mais bon. « Tout pour t'dire que mes amis m'appellent Nar'. Mais Blondinet, j'suis pas contre. »

J'apprends finalement son identité à lui : Magni. Magni qui semble ravi de notre petite partie dans la mine, ce qui, en soit, sera une histoire beaucoup trop drôle à tordre dans tout les sens pour faire croire n'importe quoi à n'importe qui. Je testerai sur les plus crédules des Vulpe, ce sera fendard. Parce que, bon. Autant c'était un moment assez unique, autant ne pas trop balancer ça et là la nature de mon nouveau pote. L'expérience me dit que tout ce qui est rare est précieux, et vaut surtout une fortune au marché noir. Et j'en connais un paquet qui ne serait pas contre mettre la main sur une peau de berserker flambant neuve...

« Ouais hein ? Ravi d'avoir élargi tes horizons, Magni Oxärsson. » Clin d'oeil malicieux. On se refait pas !  « C'était vraiment un truc de dingue, on devrait s'le refaire une autre fois ! Et te fait pas de bile pour Alba, elle en a vu d'autres. »

C'est peu de le dire. C'est une des plus vieilles louves du clan, une mentor pour les jeunes transformés. Elle a tâté d'autres cuirs que celui de Magni.

Dont l'estomac de ce dernier gargouille soudainement. Ça me rappelle que moi aussi, j'ai rien avalé depuis un bail.

« Putain j’ai une dalle d’enfer ! J’aurais dû rester en ours et me bouloter un lapin ou deux. Eux au moins ils sont gratos !
- Pourquoi ça, t'aimes pas la chair putréfiée cadavérique, fraîchement découpée à la mâchette ? C'que t'es tatillon !
- Tu te souviens vers où s’trouve le premier Vampiro que j’ai tué avant qu’on se tape la famille Dracula ? Faut que j’aille récupérer ma prime pour bouffer un peu.
- Notre prime, tu veux dire ? J'te rappelle que j'étais officiellement sur ce coup aussi ! »

Remettre les pendules à l'heure, ça fait pas de mal. Je finis par jeter un œil au charnier, en dépit du sang qui me coule des tifs. Au bout d'une minute, ma chaussure cogne contre le visage bouffi du premier du lot, un peu plus loin du reste du massacre.

« Hm... Ah-ha ! »

Je l'attrape par les cheveux et mate la tête. Son visage est figé dans une expression de surprise presque cartoonesque. Ils ont tous cet air affreusement débile quand ils meurent une seconde fois, du genre, « oh nooooon, pas encore ! »

« Salut mon tout beau. Tu sais que tu coûtes une petite fortune toi ? »

Je souris, goguenard, avant de le montrer à Magni. J'suis aussi détendu que devant un bon film d'horreur, sauce buddy movie.

« On l'baptise comment ? Le contrat précisait que c'était un certain Alfred Whitaker, mais j'trouve qu'il a plus une tête à s'appeler... » Mes méninges carburent à toutes vitesses. « Gigi Dentcreuse ! »

Nouveau rire. Je considère un instant Gigi et sa drôle de tronche, avant de faire ma B.A. Ok, peut-être que ce chasseur solo en a plus besoin que nous. Y'en aura d'autres. Et je suis prêt à parier que ce nid valait clairement plus cher que le pauvre Gigi. On fera marcher les connexions pour faire rapporter gros.

« … Allez va, prend-le. » Je lui lance la tête comme on le fera avec un ballon bien gonflé. A lui d'en faire ce qui lui plaît. « De toutes façons les autres vont pas tarder, et il va falloir qu'on crame tout ce merdier pour éviter d'affoler la populace. Une tête de plus ou de moins, ils feront pas la différence. »

Je regarde Magni un instant, réfléchissant à la suite, tandis que j'aperçois du coin de l'oeil des lumières de torches à l'orée de la clairière. Ils ont été plus rapides que je le pensais. Ça, c'est ma famille !

« Après... tu crèches loin d'ici ? Parce que ben, on a l'habitude de fêter les grosses chasses en buvant et bouffant bien au camp. Une sorte d'after bien cool. »

Mécaniquement, et en sachant les renards plus si loin, je commence à traîner le corps de Gigi, plus lourd qu'escompté, vers le reste des cadavres à faire disparaître.

« Et c'est pas pour dire, mais on a carrément assuré. Alors autant se récompenser comme il se doit... ça te tente ? »

Les macchabées sont éparpillés partout. J'attrape des morceaux que je lance dans le tas. Des bras là, une tête ici, un tronc de l'autre côté. C'est un sacré puzzle, nom d'un bloody mary.

« Et cerise sur la canine, on a des douches ! Et j'te jure ce sera pas du luxe. Mon chou, tu pues comme l'ferait Winnie l'ourson après un match de catch ! »

Rire cristallin de petit con. Ce n'est que maintenant que je remarque que monsieur se balade à poil depuis sa transfo, en fait. Hm. Hmm hmmm hmmm. Bon Nanar, on se concentre, les Vulpe, les vampires, tout ça tout ça.

« En parlant d'ça... non pas que ça me dérange, mais en attendant, j'dirais que tu ferais mieux d''enfiler le fut' de Gigi, il doit être à ta taille nan ? Parce que le zgeg à l'air, ça marche moyen niveau crédibilité devant tout un groupe de chasseurs ! »

Je m'emploie à continuer l’empilade et le rassemblement des morceaux du carnage. Il doit bien s'écouler cinq à dix minutes avant que l'escadron d'Alba et Guido ne finisse par nous rejoindre, près du groupe à flamber.

« Salut la mif' ! » Main agitée, comme si de rien était. Ils ont tous une tronche de biche devant des phares de bagnole. « Vous faites une de ces gueules ! J'ai un truc sur le visage ou quoi ? »

Grand sourire. Alba voit rouge, m’attrape par l'épaule et m'engueule, façon mère en colère. Je sens qu'elle se retient de chialer, ou de me gifler, voire les deux. Guido vérifie, d'un œil d'aigle avisé – le seul qu'il lui reste, l'autre est crevé -, que j'ai aucune blessure. Sermon de darons, bla bla bla, cramons tout ça, voulez-vous ?

On peaufine nos petits rituels. Ils sont dix d'entre eux, certains remarquent Magni, d'autres non, ou plutôt, l'ignorent. J'expliquerai tout ça une fois au camp.
Nos prières lancées à Mère-Nuit, le charnier brûlé, les preuves récoltés pour certaines, nettoyées pour la plupart : la mine sent le souffre et est aussi noire que ce qu'on lui demande.

Ça nous prend un peu de temps, et bien vite, une partie du groupe s'en retourne déjà.
Je profite de l'accalmie pour, à nouveau, me tourner vers Magni.

Ma proposition tient toujours, cela va de soi.

« Alors ? Tu viens ou pas ? »

- Tu te souviens vers où s’trouve le premier Vampiro que j’ai tué avant qu’on se tape la famille Dracula ? Faut que j’aille récupérer ma prime pour bouffer un peu.
- Notre prime, tu veux dire ? J'te rappelle que j'étais officiellement sur ce coup aussi !
- Ouais ouais… j’sais bien mon p’tit Blondinet mais, et c’est un grand mais ! j’crois bien que c’est ma hache qu’a séparé sa tête de son corps. Enfin me semble hein…c’est allez si vite ! J’ai pas bien vu !
« Hm... Ah-ha ! »
- T’as trouvé ? Bordel t’es fort en puzzle j’parie !

J’l’observe du coin de l’œil mater la tête et commencer à lui causer en gloussant copieusement. C’est un truc que j’fais souvent aussi et qu’à tendance à m’faire passer pour un détraqué.

« Salut mon tout beau. Tu sais que tu coûtes une petite fortune toi ? »
- Putain, c’est à ça que j’ressemble quand j’parle aux macchabés ? C’est vrai que c’est un poil flippant. Mais tout beau…t’es bien gentil j’trouve ! Regarde-moi c’te gueule !
« On l'baptise comment ? Le contrat précisait que c'était un certain Alfred Whitaker, mais j'trouve qu'il a plus une tête à s'appeler... ». « Gigi Dentcreuse ! »
- T’as vu trop de film toi ! Gigi Dentcreuse ! J’lève les yeux au ciel. Franchement il a plus une gueule à s’appeler…j’sais pas…bon bah j’ai pas d’idée. D’façon faut pas les nommer…après tu t’attaches et c’est pas bon pour le business.
« … Allez va, prend-le. »

J’rattrape la tête avec une grimace, j’viens de m’coller du sang de vampiros un peu partout. Ah non j’suis con, j’en ai déjà partout ! J’prends l’air débile d’un acteur qui vient de recevoir un oscar et le regarde avec des yeux presque embués.

- Je…vraiment…que j’fais mine de balbutier. J’m’y attendais tellement pas ! J’voudrais remercier ma bagnole qui m’a amené jusque-là, ma p’tite maman évidemment…
« De toutes façons les autres vont pas tarder, et il va falloir qu'on crame tout ce merdier pour éviter d'affoler la populace. Une tête de plus ou de moins, ils feront pas la différence. »

J’m’empare d’un vêtement déchiré que j’identifie comme un reste de pull pour enrouler la tête dedans. Faut que j’la foute dans le caisson qui s’trouve dans ma voiture, elle sera à l’abri du soleil.

« Après... tu crèches loin d'ici ? »
- Dans ma bagnole en fait.
« Parce que ben, on a l'habitude de fêter les grosses chasses en buvant et bouffant bien au camp. Une sorte d'after bien cool.»

J’le regarde commencer à rassembler les cadavres comme le pro qu’il semble être et j’dois dire que j’trouve sa proposition super tentante. J’suis un peu fatigué d’être seul constamment, de la compagnie m’fera du bien. Bon et la mention de la bouffe gratos fait palpiter mon p’tit cœur, on va pas s’mentir.

« Et c'est pas pour dire, mais on a carrément assuré. Alors autant se récompenser comme il se doit... ça te tente ? »

J’m’étire lentement, histoire de s’assurer que tout a été remis à sa place. J’ai les membres qui picotent encore. Passer de l’animal à l’humain et vice versa ça fait toujours une sensation bizarre pendant les minutes qui suivent la transformation où mon corps sait plus bien où il est. J’le suis du regard pendant qu’il forme un p’tit tas de membres, troncs et têtes.

- Carrément qu'on a assuré ! J'm'associe pas à des bleus de toute façon. C’est sympa pour l’invit ! J’suis bien tenté d’accepter… J’viens d’aider dans deux secondes, j’attends juste que mon corps percute que j’suis plus un ours. Nan et puis c’est plus sympa d’observer les autres travailler hein…

« Et cerise sur la canine, on a des douches ! Et j'te jure ce sera pas du luxe. Mon chou, tu pues comme l'ferait Winnie l'ourson après un match de catch ! »
J’ricane avec lui.
- Bah fallait le dire tout de suite hein ! J’renifle exagérément ma peau. T’aimes pas mon nouveau parfum ? Ca s’appelle « Onde d’ours enragé ». Bon ok j’pue. Mais j’tiens à dire que tu sens pas non plus la rose Blondinet !

J’me lève soudain en grognant. J’suis fourbu mais satisfait. Poings sur les hanches j’admire notre petit massacre sans tronçonneuse. Pourtant on a quand même réussi à en foutre partout. Mon souffle fait de gros panaches de vapeur blanches. Ca doit cailler…

« En parlant d'ça... non pas que ça me dérange, mais en attendant, j'dirais que tu ferais mieux d''enfiler le fut' de Gigi, il doit être à ta taille nan ? »
- Ah ouais pardon ! J’oublie qu’en société c’est plus sympa de porter des vêtements. Mouais on va dire que ça pourrait aller…
« Parce que le zgeg à l'air, ça marche moyen niveau crédibilité devant tout un groupe de chasseurs ! »
- Non mais j’comprends ! J’voudrais pas déclencher des complexes, que j’fais avec un clin d’œil en retirant le pantalon de Gigi et en l’enfilant rapidement.

J’reste torse nu parce qu’y pas moyen que j’mette autre chose que mes fantastiques chemises si j’peux l’éviter et j’veux pas saloper mon cuir rescapé de la boucherie. J’ramasse ma hache et fabrique un étui rudimentaire avec plusieurs ceintures. J’les sens avant qu’il débarque et me poste de sorte à pas leur tourner le dos. J’fais un p’tit coucou à Alba en prononçant un p’tit J’suis désolé silencieux.

« Salut la mif' ! Vous faites une de ces gueules ! J'ai un truc sur le visage ou quoi ? »

Mais elle focus vite sur le pauvre Blondinet qui passe un mauvais quart d’heure. Ou pas. Il a pas l’air très ému par tout ça. Ils sont mignons, en fait les deux-là. On dirait deux parents qui s’inquiètent pour leur gosse.
J’reste de côté, le dos contre un arbre pendant qu’ils exécutent tout leur tsointsoin auquel je bite rien du tout. J’entends juste parler de Mère-Nuit et limite j’ai envie de leur demander d’accélérer la manœuvre…j’ai VRAIMENT la dalle !
J’sens bien quelques regards interrogatifs sur moi mais j’fais mine de pas les voir. Finalement Blondinet revient vers moi.

« Alors ? Tu viens ou pas ? »
J’lui adresse un franc sourire dans ma barbe.
- Ah bah j’me suis pas coltiné tout vot’ manège pour refuser maintenant hein ! J’suis pas maso à c’point. Putain dire que j’croyais mon vieux chiant avec ces cérémonies et rituels à la con… ‘Fin j’veux pas t’insulter toi ou ta Mère-Nuit ! Mais c’était tellllllement long.
On dirait un gosse qu’à aucune patience. J’ramasse ma veste et j’la balance sur une épaule on la retenant d’une main, en essayant de pas la salir. Comme tout le monde à l’air de décamper j’lui propose.
- On prend ma caisse ? Comme ça tu m’guideras jusqu’à l’endroit où vous créchez. C’est où d’ailleurs ?
J’attends même pas sa réponse et j’lui indique de me suivre d’un geste. J’ai les pieds nus mais ça m’perturbe pas plus que ça.
- C’est toi l’chef de la joyeuse bande alors ? Vulpe… Ah mais putain ! Ca vient de faire tilt ! Ouais j’suis lent comme gars vous m’excuserez. C’est un clan d’chasseurs pas mal « célèbre » en ville ! Mais c’est cool de rencontrer des collègues qu’ont le sens de l’honneur, que j’fais en agitant la tête enrubannée.

Finalement on était pas si loin que ça de ma bagnole. Du coup j’fais les présentations avec grandiloquence.

- Blondinet, j’te présente Christine. Christine, Blondinet Renardeau. C’est une vieille dame, mais elle en a encore sous l’capot ! Comme moi quoi !

J’le laisse s’installer sur le siège passager pendant que j’range Gigi dans sa nouvelle demeure jusqu’à demain et j’me glisse au volant qu’a le droit à une petite caresse. L’intérieur est super propre. Cliniquement propre même. J’démarre avec douceur et ma bagnole ronronne de contentement. J’me tourne vers le beau blond.

- Alors où est-ce qu’on va ?

« Ah bah j’me suis pas coltiné tout vot’ manège pour refuser maintenant hein ! J’suis pas maso à c’point. Putain dire que j’croyais mon vieux chiant avec ces cérémonies et rituels à la con… ‘Fin j’veux pas t’insulter toi ou ta Mère-Nuit ! Mais c’était tellllllement long. »

Je jette vers lui un retourné de brushing outré. Paaaaardon ?!

« Non mais dis-donc Winnie warrior là, un peu plus de respect pour mes traditions ! Si on fait pas ça, ce tas fumant pourrait finir plus maudit qu’une chirurgie esthétique ratée, alors va pas te plaindre hein ! 
- On prend ma caisse ? Comme ça tu m’guideras jusqu’à l’endroit où vous créchez. C’est où d’ailleurs ?
- Dans un endroit merveilleux pleins de manèges, de sucreries, et de sublimes personnes à moitié nues... »

Quoi ? On attire la chaland comme on peut. Quoique celui-là semble déjà convaincu, peu importe ce que j’ai à lui dire. Mon invitation est venue comme une évidence : après une bonne chasse, on festoie ! Qu’il s’agit de membres du clan ou pas, on a toujours de la place pour les héros de traque.
Je suis mon nouveau pote baraqué vers l’endroit où sa voiture est garée, et assiste à un fait exceptionnel : la rencontre de deux neurones inter-connectés, post-adrénaline chasseresse. C’est incroyablement beau.

« C’est toi l’chef de la joyeuse bande alors ? Vulpe… Ah mais putain ! C’est un clan d’chasseurs pas mal « célèbre » en ville ! 
- Ding ding ding, notre vainqueur s’appelle Magni, il gagne l’intégrale du recueil du « bon chasseur et du mauvais chasseur » !, que je me marre, un sourire malin flottant sur ma mine aspergée de sang.
- Mais c’est cool de rencontrer des collègues qu’ont le sens de l’honneur.
- Il faut bien qu’il en reste… cette ville est un vrai nid de vautours quand il s’agit des primes. Faut dire que les contrats juteux pleuvent à la pelle en ce moment... »

Étant donné l’ambiance de nervosité générale, la quarantaine et les esprits échauffés, pas étonnant que les bookmakers des marchés parallèles en profitent un max pour se graisser le fond de commerce. En temps de crise, c’est là qu’on voit apparaître le plus de requins hors des eaux sales.

« Toutefois, c’est pas moi le chef. C’est ma grand-mère, pour l’instant... » Autant le corriger maintenant, même si ça aussi, ça n’a rien de simple. Magni a pas besoin des détails, ce soir les affaires de famille restent au placard.

J’aperçois finalement les contours de la bagnole chérie de l’ursidé, qui s’empresse de me la présenter.

« Blondinet, j’te présente Christine. Christine, Blondinet Renardeau. C’est une vieille dame, mais elle en a encore sous l’capot ! Comme moi quoi !
- Christine… Comme la voiture tueuse là ? T’es sûr que je risque rien en montant dedans ? »

Je souris et finit tout de même par entrer, me posant enfin contre le confort du siège, mon dos se dénouant de tout ses noeuds. Aaaah putain, un bien de se poser ! Elle est certes vieille, mais elle est bien venue. Je me voyais pas rentrer à pieds, non, certainement pas.

« Alors où est-ce qu’on va ?
- Direction la Milky Way Parade, Winnie joli. On a une nuit de folie à passer ! »

[…]

Les flambeaux au milieu de la foire, le brasier monte vers le ciel. Le son des instruments frappent en écho des rires et des chants. La musique anime les renards endiablés qui sont prêts à festoyer jusqu’au matin. La première battue couronnée de succès depuis l’annonce du retour d’Aria. Même si elle ne se souvient pas de nous, j’espère qu’elle ressent, au fond d’elle, nos coeurs qui battent. Où qu’elle soit, loin d’ici et loin de moi.

Moi… Moi je suis complètement pété, déjà. Ma troisième bière – un cru purement goupil, brassé par un des hommes de Guido avec sueur et amour – me fait délirer, si bien que je ris comme un dératé. Au milieu des danses autour des feux, je me relève en tanguant légèrement pour prendre ma voix des grands moments :

« WOOOOH TOUT LE MONDEUUUH ! J’ai un truc à dire !! »

Oups, ça tourne un peu. Tant pis, j’ai commencé, je finis ! Et on vomit pas !!

« Ce zoir… soir, on fête une chasse d’anthologie, un truc de… grand malade ! Un nid entier d’vampires débarrassés du coin, une chance inespérée pour les Vulpe et un pas de plus vers la prospérité du clan ! Lăudată să fie Noaptea ! »

Lăudată să fie Noaptea ! Les forains reprennent en choeur, derrière moi. Mais je suis pas le seul honneur ce soir, non non non.

« Et çaaaaaaa… Ce serait jamais arrivé sans l’aide de mon pote MAGNIIIIII ! Alors on lui fait un grand tonnerre d’applaudissements ! Hop hop !! »

Je désigne l’ours parmi les renards, d’un doigt pointé vers lui. Ca suit immédiatement, les mains clappent et on le salue, on le reconnaît comme l’un des nôtres pour cette soirée. L’ivresse et la joie sont les bienvenues pour accueillir de nouveaux bras.
J’attrape une autre pinte, pour lui cette fois. Parmi la nourriture à profusion et tout les gens autour de lui, je me fraie un chemin pour lui foutre l’alcool entre les pattes.

« Tiens mon gros, cadeau de la maison ! Tu bois à volonté, t’es mon hôte de marque c’soiiiir ! »

Une grande claque dans son dos comme signe d’affection, mais bordel, il est tellement robuste que j’me fais presque mal. M’en fous, j’suis content !!

« Comment ça me fait trop plaisir que tu sois resté, copain !!! »