Les plaisirs simples d’une vie simple.
J’en profite d’autant plus que j’ai été à deux doigts de tout perdre. Jolhane et moi, on est revenu de la soirée chez Kaelig et Elie bras-d’ssus, bras-d’ssous à se bécoter comme des ados…pfff jvous jure, passé quarante balais et j’me comporte comme un merdeux prépubère.

Bon j’avais bu. Bon j’avais trop bu.

Heureusement y’avait que les plus âgés des gamins qu’étaient encore debout.
Depuis la vie suit son cours. J’ai emmené Katie en shopping et suis devenu son porteur officiel – j'sais pas si j'dois m'en réjouir – mais bizarrement j’aime bien les moments passés avec elle. J’ai surpris Ikorna a maté sous le capot de Christine et j’lui ai aussitôt demander si elle voulait qu'on démonte ensemble le moteur. J'préfère ça plutôt que de retrouver un jour ma caisse désossée. Je continue des p’tits travaux par-ci par-là et joue avec les petits. J’ai proposé à Scott de l’aider avec la gestion de sa violence, de sa colère… C’est pas que j’en connais un rayon mais…en fait si…j'en connais un rayon. Il m’a pas encore répondu mais j’laisse l’idée germer. On verra bien. J’veux pas faire le forcing avec eux. J’m’impose déjà assez dans leur vie sans trop leur demander leurs avis.

Bref presque tout est comme avant quoi à quelques détails près. Des détails qui font toute la différence.
Plus de frôlements qu’on fait mine de croire involontaires, plus de longs regards languissants et moins de frustration en tout genre. Avec Nymphette on s’autorise par contre des câlins, des caresses légères ou des baisers entre deux portes quand les gosses regardent pas. On évite d’être trop expansifs devant eux mais ils sont loin d’être cons et ont tous compris, j’pense et puis ils sont quand même beaucoup ces mômes ! Fatalement on s’est fait surprendre quelque fois.
L’Ours se tient globalement à carreau. La tendresse c’est pas son truc.

Par contre on continue de faire chambre à part. On a tenté une fois… le premier soir à vrai dire dans l’euphorie du moment. C'est moi qui ai demandé, trop heureux d’être encore dans cette maison et de pouvoir la toucher sans craindre à chaque instant de faire une connerie. Et puis j'vous rappelle que j’avais un peu trop d’alcool dans l’sang. Ça m’a rendu …audacieux on va dire. Mais j’ai même pas eu le temps de poser les fesses sur le matelas que Marnie s’est mise à pleurer au rez-de-chaussée parce qu’elle me trouvait pas sur le canapé. Un peu paniqué on est redescendu dans le salon et on la calmée avant que je finisse par devoir dormir avec elle. Depuis j’ai dégrisé et j’ai pas osé retourner là-haut. Jolhane me l’a pas proposé non plus. Alors que j’en crève d’envie… tout en sachant que ça sera peut-être plus compliqué à gérer.

J’suis un peu perdu dans mes pensées ce soir, les yeux fixés sur l’obscurité de la forêt qui parait foutrement menaçante. J’essuie distraitement la vaisselle, seul dans la cuisine. La grande réunion du soir est déjà passée et les ptits sont couchés. Je sais pas où sont fourrés les plus grands par contre…
A vrai dire y’a un sujet que j’aimerais aborder avec elle et qui me trotte dans la tête depuis ce matin.
A un moment il va falloir que j’lui dise que j’vais devoir reprendre la chasse. J’peux pas rester inactif comme ça. Trop étouffer le Berserker en moi comporte aussi des risques. Je sais c’qui s’est passé la dernière fois que j’ai essayé. Et puis basiquement, j’veux gagner ma thune et pas dépendre d’eux. J’suis pas du genre à me faire entretenir. J’pousse un soupir, un peu anxieux d’avance.

Jolhane vient me rejoindre et met de l’eau à chauffer. Comme on est que tous les deux, je jette mon torchon sur le plan de travail et j’en profite pour venir l’enlacer par derrière. Je dégage ses cheveux de son épaule et me penche pour venir picorer son cou de petits baisers. C’qui a de bien avec les vêtements informes et larges qu’elle porte c’est que j’ai qu’à tirer un peu sur le tissu pour dégager un bout d’épaule. J’m'en prive pas pose mes lèvres sur la peau mise à nue.

- Hey ma Nymphette… ça t’ennuie qu’on parle d’un truc important ?

Le temps a repris sa course, s'égrainant avec plus de pondération, toutefois. Le quotidien de Jolhane n'a guère changé, si ce n'est qu'il s'est enrichi d'une nouvelle gamme de sensations, de sons et de couleurs : la saveur d'un baiser volé, par exemple, entre deux portes, la musique d'un T-shirt froissé par une main baladeuse, le picotement d'une étreinte barbue sur sa nuque, le parfum de Magni qui demeure sur sa peau...

Leurs cajoleries innocentes semblent indifférer l'ours mais intriguer les Enfants. Katie la bombarde de questions personnelles auxquelles elle n'a guère envie de répondre. Dairine s'amuse à placer d'une remarque embarrassante dès qu'elle peut. Ryan coule vers elle des regards suspicieux quand il la surprend en train de rire "toute seule". Tyron et William la regarde sourire, la bouche tellement béante qu'ils en gobe les mouches. Ils sont peu habitués à "cette Doe", prompte à s'éclairer d'un seul coup. Neve et Norah prépare la robe de mariée de Doe en secret. Declan et Scott font mine de s'en foutre mais surveille étroitement les faits et gestes de Magni. Marnie fait parfois preuve de jalousie, preuve que Magni est désormais sont deuxième doudou officiel.

La vie est une bulle de chaleur que Jolhane n'est pas prête de voir crever.

Elle ne se souvient pas avoir été aussi naïvement heureuse depuis son éveil. Bien entendu, elle laisse sa porte ouverte, chaque soir, espérant que Magni délaisse le divan pour le vrai lit qu'il n'a certes pas remporté, mais qu'elle lui a tout de même promis. Ghimbir se délecte de la situation et parfois ce n'est pas Jolhane que Magni est amené à câliner, mais la renarde, jamais repue de contacts et de gratouilles.
Parfois, les mots de Kaelig reviennent la tourmenter. Elle les évacue de peur de trop s'y attarder, de trop leur donner corps.

Les petits sont couchés et paraissent sereins, ce soir. Declan et Scott veille dans la chambre des garçons : l'un sur un livre de mythologie nordique, l'autre sur un énième casse-tête sur smartphone. Ryan et Katie se sont isolés quelque part pour fumer discrètement -en général sur le toit- obéissant à leur habituel petit rituel nocturne.
Jolhane éprouve le besoin de se faire une tisane. Magni finit d'honorer son tour de vaisselle. Elle le sent se glisser dans son dos et l'accueille avec un petit soupir vaporeuse. Passant son bras en arrière, elle lui caresse le crâne avant de déposer un baiser léger dans le creux de sa joue.

- Hey ma Nymphette… ça t’ennuie qu’on parle d’un truc important ?

Ses grands yeux glissent vers lui, mi-curieuse, mi-inquiète.

- Dis-moi...

Est-ce qu'il est déjà lassé de l'expérience ?
Veut-il lui annoncer qu'il part ?
Encore ?
Elle sent l'angoisse monter en elle comme un poison. Depuis quand est-elle devenu si possessive ?

"Un être demeure libre.."
" Et ne doit pas être entravé. Je le sais mieux que quiconque."

Putain c’que je peux aimer les moments comme ça…rien qu’à nous. J’aime bien les gosses hein, mais j’apprécie encore plus les instants où ils sont pas dans nos pattes et où on peut se laisser aller sans surveiller constamment les alentours. Mes mains glissent sur son corps et emprisonnent sa taille. Pourquoi j’arrive pas à monter ses foutus escaliers le soir, bordel ! Ca serait pourtant si simple.

Quelques marches, le seuil d’une chambre, un matelas que j’sais d’avance moelleux, un corps doux et chaud contre le mien…

Est-ce que c’est vraiment que l’ours au final qui me fout la trouille ? Ou est-ce que j’ai juste les foies de plus avoir envie de quitter ce lit, cette maison, cette femme si jamais je goûte à des nuits à ses côtés ?
Heureusement, elle me distrait de mes pensées qui vont de toute façon nulle part.

- Dis-moi...

Elle tourne ses yeux vers moi et j’sens bien qu’elle redoute les mots qui vont sortir de ma bouche. Ce qui fait qu’augmenter ma propre nervosité.
J’sais pas trop comment elle va réagir à c’que je vais lui dire et j’redoute de créer un conflit ou de tensions entre nous. Tout se passe à merveille si on prend pas en compte le fait que j’dors toujours dans le canap’ et j’veux pas faire voler en éclat l’équilibre encore un peu précaire qu’on a su trouver.

En même temps y’a rien de gravissime non ? Ouais je sais…y’a moyen que j’perde le contrôle pendant une chasse... mais j’ai encore un soupçon de dignité.
J’suis allé zieuté en ville y’a quelques contrats qui semblent assez simple en apparence. J’ai aussi maté les p’tites annonces mais apparemment le Brouillard est pas propice à l’embauche dans le coin.
Reste donc la chasse.
La bouilloire siffle et j’l’arrête mécaniquement avant de tourner Jolhane vers moi.
Bon maintenant que j’ai eu le courage de commencer cette discussion faudrait aussi que j’trouve les couilles de la développer un peu. Je fixe mon regard dans le sien et tente de lui offre un sourire rassurant. Comme si j’avais la maitrise de la situation quoi.
Mon pouce s’active à caresser sa pommette.

- On peut dire que ces derniers jours se sont plutôt bien passés, non ? Si j’fais abstraction des regards noirs de Ryan et ceux super méfiants de Brainy et Scott. Mais… Je soupire un peu et lâche enfin c’qui me tourne dans la caboche…mais va bien falloir que je retourne travailler…chasser. J’peux pas me laisser entretenir par toi, enfin l’argent de Taur si j’ai bien compris. J’suis pas ce genre de gars, tu vois…même si la vie est super douce avec toi…avec vous. J’ai des dépenses persos et j’ai plus un rond…
J’ai regardé en ville hier en y allant avec Katie et…y’aura un ou deux contrats assez juteux mais pas trop difficiles non plus…de quoi me remplir un peu les poches pour quelques temps.

Je sais qu’c’est pas l’idéal mais j’ai pas tellement le choix pour le moment.

Magni est nerveux. Jolhane comme Ghimbir le sentent. Pourtant, la caresse sur sa joue donne envie à l'humaine de ne pas douter de lui. Ghimbir insiste : il est bien ici, au sein de cette meute. Il semble y avoir trouver ses marques. L'équilibre est précaire mais réel.
Alors, elle se retourne pour mieux lui faire face, appuyée sur le plan de travail, jouant avec les boutons improbables de sa chemise ( les Ninies ont customisé celle-ci avec des ananas). Elle se mordille la lèvre, en se concentrant sur "le fruit de la pression". Elle semble écouter d'une oreille distraite et pourtant elle pèse chaque mot qui sautent à pieds joints de sa bouche.

- On peut dire que ces derniers jours se sont plutôt bien passés, non ?
- Oui, je crois, répond-t-elle d'une voix douce. Sa porte est toujours ouverte, son lit toujours froid. Mais qu'importe, les progrès sont là.
- Si j’fais abstraction des regards noirs de Ryan et ceux super méfiants de Brainy et Scott.
- Ils prennent juste leur temps. Elle sourit en l'observant par en dessous. Et Ryan t'aime bien malgré ce qu'il essaie de faire croire. Il s'efforce simplement de maintenir les apparences mais je l'ai surpris à rire une ou deux fois à l'une de tes blagues et se reprendre immédiatement ensuite.
-Mais…Il y a toujours un "Mais", un fichu "Mais". "Mais mon ours..", "Mais tes escaliers sont trop hauts...", "Mais ta chambre est trop loin..."…mais va bien falloir que je retourne travailler…chasser.

Un ange se suicide dans l'évier. Jolhane s'absorbe dans le tripotage de chemise, sourcils légèrement froncés.

-J’peux pas me laisser entretenir par toi, enfin l’argent de Taur si j’ai bien compris. J’suis pas ce genre de gars, tu vois… Parce qu'elle est ce genre de fille ? Intéressant. Même si la vie est super douce avec toi…avec vous. J’ai des dépenses persos et j’ai plus un rond… J’ai regardé en ville hier en y allant avec Katie et…y’aura un ou deux contrats assez juteux mais pas trop difficiles non plus…de quoi me remplir un peu les poches pour quelques temps.

Ses yeux mordorés le fixent à présent. Le silence s'étire en longueurs, de la vraie guimauve extensible.

- Très bien.

Une pause.
Une simple prise de respiration.

- Je t'accompagne.

Vu le ton employé il n'y a aucune argumentation possible.

- Je ne suis pas le genre de femme qui se laisse entretenir, moi non plus, fait-elle, le menton haut, une lumière de défi dans le regard.

Elle me regarde sans un mot et ça commence à me mettre mal à l’aise. Ma main quitte son visage et j’me gratte machinalement la tête.

- Putain Nymphette, dis qu’que chose, t’es en train de me tuer là.

- Très bien. Je t'accompagne.

J’fronce les sourcils et le toise par au-dessus. Elle a ce petit air buté absolument flippant et adorable en même temps. Bref, elle est pas prête de changer d’avis, j’commence un poil à la connaitre. Ça m’empêche pourtant pas de lâcher un :

- Hors de question. Pas moyen qu’on refasse la même scène qu’y-a quelques jours.

Que voulez-vous… j’aime vivre dangereusement ! Et puis même si je vais sansdoutepeutêtreprobablement céder, faut quand même que je marque mon désaccord.

- Je ne suis pas le genre de femme qui se laisse entretenir, moi non plus.

Surpris, j’ouvre des yeux ronds puis me passe une main sur le visage. Evidemment qu’elle a compris mes paroles de traviole. Je ricane un peu et pose mes paumes sur le plan de travail derrière elle, l’emprisonnant entre mes bras. Un sourire ironique s’attarde sur mes lèvres et j’ai sans doute le regard qui pétille.

- C’est qu’on a l’ego chatouilleux, Nymphette ! Tu sais bien que c’est pas c’que j’ai voulu dire… même si c’est vrai que j’trouve ça étrange qu’en trois longs mois t’aies pas encore réussi à t’adapter à cette vie, trouver une autre grande maison où les gosses se sentiront bien, un travail stable et que t’es pas ouvert un compte en banque ou deux, voire une assurance-vie…Mouais franchement j’trouve ça abusé qu’t’aies accepté l’aide de Taur, qui en plus t’aurait sans doute pas laisser le choix…
Moi j’ai pas les mêmes excuses.
Je sais bien que t’es pas ce genre de femme…non…j’me penche vers son oreille et y murmure d’une voix grave. Toi t’es du genre à piquer des chemises… que tu respires pendant que tu te caresses dans ton lit… Ça a rien à voir effectivement.  

J’me redresse soudain pour admirer le résultat de ma ptite remarque et sourit plus franchement.

- Non et puis en plus j’suis un chasseur solitaire tu vois. C’est pas pour l’image que ça donne hein, c’est juste que j’suis pas certain de pouvoir travailler en équipe. Sans compter qu’on partagerait la récompense, donc mathématiques va falloir que je chasse plus pour obtenir la somme que j’aurais pu avoir en une fois. Pas certain que le calcul soit bon, non ?

Jolhane s'attendait à un refus, pas aussi net ou aussi rapide ceci étant, ce qui égratigne quelque peu sa confiance en elle. Elle maintient néanmoins son air froncé et ferme. Elle le laisse  louvoyer jusqu'à elle en roulant des mécaniques, sans perdre de terrain.

- C’est qu’on a l’ego chatouilleux, Nymphette ! Elle plisse les yeux, inconsciente de sa lippe boudeuse. Tu sais bien que c’est pas c’que j’ai voulu dire… même si c’est vrai que j’trouve ça étrange qu’en trois longs mois t’aies pas encore réussi à t’adapter à cette vie, trouver une autre grande maison où les gosses se sentiront bien, un travail stable et que t’es pas ouvert un compte en banque ou deux, voire une assurance-vie…Mouais franchement j’trouve ça abusé qu’t’aies accepté l’aide de Taur, qui en plus t’aurait sans doute pas laisser le choix… Moi j’ai pas les mêmes excuses.

Des excuses ?
Le Brouillard, des "excuses" ?!
Jolhane fulmine de le voir se montrer ouvertement goujat. Elle s'agace davantage de le trouver attirant affublé de son sourire de petit con. Son expression traduit l'envie contradictoire de le gifler et de l'embrasser en même temps.

- Je sais bien que t’es pas ce genre de femme…non…Toi t’es du genre à piquer des chemises… que tu respires pendant que tu te caresses dans ton lit… Elle frisonne malgré elle. Ça a rien à voir effectivement.

Il recule, content de lui et de ses gros sabots. Doe lui tape entre les pectoraux, du poing.

- Tu sais vraiment être con quand tu veux...
- Non et puis en plus j’suis un chasseur solitaire tu vois.
- Un vrai cowboy...
- C’est pas pour l’image que ça donne hein, c’est juste que j’suis pas certain de pouvoir travailler en équipe. Sans compter qu’on partagerait la récompense, donc mathématiques va falloir que je chasse plus pour obtenir la somme que j’aurais pu avoir en une fois. Pas certain que le calcul soit bon, non ?

Elle l'attrape brusquement par la ceinture et  le tire vers elle de manière à ce que son entre-jambe heurte sa cuisse.

- Moi tout ce que je vois, c'est que tu te pisses dessus à l'idée que je sois meilleure que toi une fois sur le terrain. Tu te cherches des excuses "Cowboy" et elles ne sont guère convaincantes... souffle-t-elle avec provocation, à quelques centimètres de ses lèvres.

Elle a parfaitement raison. La connerie m’va comme un gant.
J’me marre un peu en la voyant si fumasse. C’est si facile faut dire. J’ai un certain don pour trouver les bons boutons. Ma p’tite maman m’la toujours dit.
Sauf que j’sais jamais quand arrêter. Ce qui peut potentiellement m’attirer des emmerdes.
Quand elle m’entraine contre elle, j’arque un sourcil et bouge pour me presser un peu plus contre sa cuisse et mes mains viennent enserrer sa taille comme si elles avaient peur qu’elle s’échappe.
Pas de risque. Pas avant de m’avoir écharpé en tout cas et laissé pour mort sur le carrelage de la cuisine. C’est ce que me disent ces deux prunelles d’or.

Faudrait p’t-être que je recule.
Là.
Maintenant.

Sauf qu’elle me dévisage avec ses grands yeux furibonds et j’sais pas pourquoi mais ça déclenche un truc chez moi. Purement sexuel le truc, soyons clair, j’la trouve sexy comme jamais avec sa petite moue contrariée et ses billes d’or qui me fusillent du regard. On est sans doute sur la corde raide mais bon on a dit qu’on s’autorisait plus de choses non ?

Ah oui donc dormir avec elle c’est un no go mais flirter comme un connard pour bien faire monter la tension y’a pas de soucis ?

Voilà. Tout à fait. J’ai ma propre logique qui n’en a pas.

- Moi tout ce que je vois, c'est que tu te pisses dessus à l'idée que je sois meilleure que toi une fois sur le terrain.
- Alors premièrement, il commence effectivement à s’passer des trucs dans mon pantalon surtout quand tu me regardes comme ça mais ça a rien à voir avec la trouille. Deuxièmement, j’suis meilleur. C’est un fait. J’ai presque dix piges de plus d’expérience tu vois…
J’laisse trainer ma voix…C’est la première fois que j’me rends compte de notre différence d’âge, tiens et ça me laisse incrédule quelques secondes. Quel âge tu peux avoir Nymphette ?
Bon sinon évidemment que je sais qu’elle est sans doute aussi bonne chasseuse que moi, voir plus après c’qu’elle a vécu mais encore une fois… comme les gosses je continue d’appuyer sur le bouton…

- Tu te cherches des excuses "Cowboy" et elles ne sont guère convaincantes...
J’avais des doutes sur le fait que ce p’tit jeu l’excitait aussi mais là, j’avoue qu’j’suis plutôt partant pour dire que oui. Enfin si j’en crois le fait que son visage soit super proche du mien comme si elle voulait m’embrasser, évidemment.
Mes yeux vont de ses lèvres à ses yeux avec gourmandise.  
- Désolé ma p’tit dame, c’est tout c’que j’ai en stock, que je souffle avant de me laisser tenter et de l’embrasser à pleine bouche. Dans le même mouvement j’la hisse sur le plan de travail et me faufile entre ses cuisses. Quand j’recule après de longues minutes, non sans être revenu vers ses lèvres si tentantes plusieurs fois, j’ai toujours le même sourire d’abruti content de lui. J’pensais pas que cette conversation se finirait comme ça…
- Comme j'te sentais hésitante entre m’embrasser ou me gifler j’ai choisi pour toi. Tu m’en veux pas, hein ? J’viens frotter mon nez contre la ligne de sa mâchoire avant de me perdre dans la vallée de son cou. Tu sais quoi ? On a qu’à régler la question une bonne fois pour toute…Toi et moi... je mordille sa peau…même cible...Deuxième mordillement un peu plus fort…et que le meilleur gagne !

- Alors premièrement, il commence effectivement à s’passer des trucs dans mon pantalon...
- Oh, vraiment ? ponctue-elle faussement surprise.
-... surtout quand tu me regardes comme ça mais ça a rien à voir avec la trouille.
- Tu m'en diras tant.
- Deuxièmement, j’suis meilleur. C’est un fait. J’ai presque dix piges de plus d’expérience tu vois…
- Et moins de maturité que l'âge de Tyron retranché à celui de Marnie.... Un podium qu'on a fixé uniquement dans sa tête n'a aucune valeurs, tu sais ? Tu te cherches des excuses "Cowboy" et elles ne sont guère convaincantes...

Jolhane prend un malin plaisir à jouer avec le feu. Cette joute verbale puérile lui excite les sens, ce qu'elle tente de nier avec aplomb.

- Désolé ma p’tit dame, c’est tout c’que j’ai en stock...

Magni lui vole un baiser vorace qu'elle lui rend sans la moindre modération.

- Menteur.... souffle-t-elle, provocante, leur bouche jouant à "qui croquera le premier". Tu as visiblement des arguments chocs en réserve.

Comme pour illustrer ce qu'elle vient d'affirmer, Magni la soulève telle une brindille pour l'asseoir sur le rebord du plan de travail. Elle laisse échapper un petit couinement surpris. Cependant, elle a tôt fait  d'enrouler ses jambes autour de sa taille alors qui lui mordille le tendre du cou. Elle le laisse faire, ses phalanges fourrageant son épaisse tignasse brune, la tête légèrement relevée pour qu'il grignote à sa guise.

- Comme j'te sentais hésitante entre m’embrasser ou me gifler j’ai choisi pour toi. Tu m’en veux pas, hein ?
- Je te giflerais tôt ou tard. Tu ne fais juste que reculer l'échéance... Ses doigts s'infiltrent sous le col imprimé de palmiers pour mieux trouver la peau tatouée de son dos.

"Tu veux aussi collectionner cette chemise ?" questionne innocemment Ghimbir.
"Je veux ce qu'il y a en dessous..." répond Jolhane en soupirant.
"En dessous il y a un ursidé bien grognon..."
"Je sais... Je sais !"

Cela ne l'empêche pas de continuer, malgré tout. Elle danse autour des flammes en oubliant peu à peu qu'elle peut s'y bruler.

-Tu sais quoi ? On a qu’à régler la question une bonne fois pour toute…Toi et moi...même cible... Elle gémit sans s'en rendre compte et se mord la lèvre quand elle prend conscience de son aveu...et que le meilleur gagne !
- Je vais t'écraser, Magni... susurre-t-elle comme elle dirait "Je te veux". Quel sera l'enjeu cette fois ? Elle empoigne sa masse capillaire et tire dessus pour le forcer à lâcher sa prise. Oooh.. je sais.... que tu me réveilles toute une semaine avec le petit déjeuner au lit... Hum.. mais ça implique que tu ais assez de courage pour en retrouver le chemin, ajoute-t-elle, féroce.

Elle répond à chacune de mes provocs et on a de plus en plus l’air de deux ados un peu couillons.
Mais franchement qui ça dérange ? Pas moi. J’la trouve adorablement séduisante comme ça.
Et puis je sais que ça lui fait du bien. Elle a passé deux années à être le général d’une petite armée sans s’autoriser la moindre émotion trop humaine. J’vois bien la gueule des gosses quand elle rit ou sourit. Z’ont pas l’habitude de la voir comme ça. Alors j’force le trait à dessein pour qu’elle continue à libérer cette Jolhane-là. Joueuse, enjôleuse, fière et qui part au quart de tour quand on la titille trop.

Son visage devient alors un livre ouvert dont j’adore découvrir de nouvelles pages.  
J’oublie aussi qu’elle n’a que deux ans d’existence propre. C’est p’t-être…sans doute…la première fois qu’elle flirte et découvre son pouvoir de séduction. J’espère juste que j’serai pas le cobaye bonne poire avant qu’elle aille chercher ailleurs. J’mors inconsciemment un peu plus fort et l’animal en moi proclame un lourd et grave :

A moi

Sauf que j’suis pas qu’un animal. J’ai pas le droit de penser ça. On s’est rien promis.  
Son petit gémissement me fait perdre le fil de mes pensées.

- Je vais t'écraser, Magni...
Sa voix caressante me colle un frisson. Je continue de laisser l’empreinte de mes dents sur son cou et sourit contre sa peau.
- Hummm j’ai hâte de voir ça…vraiment hâte. J’espère juste que t’es bonne perdante !
Mon défi n’est pas qu’une façon de taquiner Jolhane. C’est sans doute con mais j’me dis que si je tourne la chasse comme un jeu, ça intéressera pas l’Ours. Comme on l’a constaté, il a à peu près autant d’humeur qu’une porte de prison. Si j’rends ça moins sérieux p’t-être qu’il insistera pas pour sortir… ça vaut le coup de tenter, non ?  
- Quel sera l'enjeu cette fois ?
Nouveau ricanement.
- T’as la compétition dans le sang toi hein… ? J’te laisse décider Nymphette parce que moi, j’suis beau joueur, tu vois !
Elle agrippe fermement ma tignasse et me tire en arrière pour dégager mon visage de son cou. Je pousse un petit grondement de frustration, les yeux pétillants d’une lueur sauvage. C’est qu’elle me tient avec force. J’pourrais me dégager mais…j’en ai aucune envie.
- Oooh.. je sais.... que tu me réveilles toute une semaine avec le petit déjeuner au lit...
- Bah tiens ! Si j’étais toi je préciserais la façon de te réveiller. T’aimeras pas le sceau d’eau froide, crois-moi.
- Hum.. mais ça implique que tu ais assez de courage pour en retrouver le chemin.

Outch.
Le coup bas. Et son regard farouche laisse entendre très clairement qu’elle dit pas ça à la légère. J’sais bien que c’est pas très courageux d’éviter sa chambre. Mais j’essaie d’y aller doucement, de déblayer un peu les sentiments qui encombrent mon poitrail depuis que j’vis ici.
Eh puis merde ! Elle m’a clairement jamais inviter non plus ! Quoi des excuses ? Non j’cherche pas d’excuse. J’dis juste qu’on est deux dans cette galère.
Cette fois je me dégage de sa poigne et attrape sa taille pour la plaquer tout contre moi. Nos bassins entrent en collision et j’pousse une faible plainte. J’oublie tous les risques pendant quelques secondes et me fige soudain pour jauger la présence de l’Ours.
Il est là. Evidemment qu’il est là.
Et ce petit jeu de domination doit lui plaire. Mais j’sens sa présence étrangement diffuse depuis que Ghimbir lui a parlé.

Faut pas que je me laisse aller comme ça…
Bordel de merde cette conversation part clairement en sucette !
Un doigt sous son menton, j’lève son visage vers le mien et viens frotter mon nez contre le sien.

- Tu m'en veux de quelque chose, Jolhane ? Moi aussi je sais faire ma voix de velours quand j'veux et je fais trainer exprès les syllabes de son prénom. J’fais mine d’humer l’air plusieurs fois et mon sourire de sale gosse revient tranquillement sur ma bouche.  Dis donc…ça sentirait pas…mmm ouais…j’dirai la frustration et l’impatience…
J’la laisse pas répliquer et plaque mes lèvres contre les siennes, les baisant avec un appétit carnassier. J’me recule et caresse sa joue avec une tendresse en totale contradiction avec mes gestes précédent puis mon pouce vient jouer avec sa lèvre inférieure.
- Si tu crèves à ce point d’envie de me voir monter, j’connais une bonne solution…essaie de demander gentiment pour voir…

Elle n'arrive pas à résister à ce ping pong stupide. Elle répond du tac au tac, rivalise de bons mots, et de caresses gourmandes. Chaque répartie la met sur des charbons ardents. S'en est ridicule tant c'est excitant !

- Tu m'en veux de quelque chose, Jolhane ?

Elle le toise avec une morgue sans limite. Elle se découvre fière, entêtée, et irrévérencieuse.

- Pour ça il faudrait avoir des attentes, Magni... Bouche entrouverte, sa langue joue inconsciemment avec ses dents.
- Dis donc…ça sentirait pas…mmm ouais…j’dirai la frustration et l’impatience…
- Ca, souffle-t-elle plus érotiquement sans doute qu'escompté, c'est parce que tu respires trop près de ta bouche. Ses prunelles chartreuse le torpillent.

Le baiser ne tarde pas, sauvage, impérieux et affamé. Elle s'entend geindre de manière indécente. Magni se fait doucereux, si délicat qu'elle pourrait fondre. Elle ne lui concèdera pas ce plaisir, orgueilleuse jusqu'au bout.

- Si tu crèves à ce point d’envie de me voir monter, j’connais une bonne solution…essaie de demander gentiment pour voir…
- Tu veux... que je sois gentille ?

Elle bat des cils sur ses yeux immenses. Un silence s'installe. A son tour, elle se fait pourvoyeuse de tendresse, effleurant son torse, froissant le tissus aux motifs tropicaux. Ses doigts dévalent lentement, presque timidement... Et agrippe soudain à pleine main, l'entre-jambe de son tortionnaire.

- Je sens bien quelque chose, Magni... Elle presse volontairement cette virilité contrariée par la rigidité du jean. ... mais je peine à mettre un mot dessus...

Elle glousse, ravie de l'effet produit par son mauvais coup. Elle ne se doute nullement qu'elle affute par là même sa propre insatisfaction. Elle a oublié de faire attention. Elle s'est laissée gagnée par une compétition qui se mène à présent sur des terrains confus. Ce n'est pas les escalier qu'elle a envie qu'il monte.

J’sais pas trop comment, mais notre « conversation » a tourné au duel. A celui qui aura la meilleure réplique, celui qui rendra l’autre chèvre, celui qui fera craquer l’autre et le faire rendre les armes…
Et on s’accroche tous les deux à nos positions. Elle par entêtement et fierté, moi parce-que ses réactions m’amusent … et m’excitent, soyons franc.  

- Tu veux... que je sois gentille ?

Oh oh !
J'aime pas bien ce ton... trop doucereux pour être honnête. Et ses battements de cils n'ont rien d’innocent…Un signal d’alarme s’allume automatiquement dans ma tête mais comme j’suis vachement doué pour pas faire attention à ce que me dicte ma raison, je continue à lui sourire et à caresser sa joue.  

- Si t’en es capable… mais j’suis pas sûr que tu sois ce genre de femme non plus…

La suite commence plutôt bien parce qu’elle s’applique à me prouver le contraire.  
Ses mains courent sur mon torse, coulissent par des effleurements tendres presque timides sur ma chemise et j’me sens obligé de lui demander d’une voix caressante.
- Tu f’ras gaffe à pas la déchirer celle-là…j’aime bien les ananas que les N&N’s ont …
Sa main glisse plus bas et empoigne sans plus aucune pudeur l’ensemble de mes bijoux de famille et ma phrase se perd au milieu d’une montée puissante de dopamine.  
J’émets un gémissement rauque et assez érotique pour qu’on se doute facilement de ce qui passe dans cette cuisine si on l’entend de l’extérieur. Ma tête chute et on se retrouve front à front, les yeux dans les yeux. J’ai le souffle un peu saccadé et mes mains enserrent le plan de travail avec force.

- Je sens bien quelque chose, Magni...
Bah ça m’ferait mal qu’elle sente rien ! Elle presse un peu plus fort et c’est juste foutrement délicieux. J’suis dur comme la pierre et j’commence à me sentir à l’étroit… J’admire moi-même mon self control pour le coup. Parce que j’ai qu’une envie, c’est la prendre là, tout de suite, dans cette putain de cuisine.
- Mais je peine à mettre un mot dessus...
- Tu pourras toujours demander à Brainy s’il a pas un bouquin d’anatomie qui traine…
Elle rit et j’la mange des yeux.
L’Ours s’agite, il aime pas spécialement être dominé à priori. Faut que je me calme un peu. Je respire profondément, régulièrement jusqu’à ce que je sente son emprise un peu moins présente.
Alors seulement j’ose bouger à nouveau. Je frotte délicatement ma joue barbue contre la sienne, dépasse ses lèvres que je fais mine de chercher sans m’y arrêter avant de trouver mon chemin jusqu’à son oreille.

- Ah…Nymphette, Nymphette…j’aime bien quand tu montres les crocs…t’as pas idée à quel point t’es excitante… mais fais gaffe ça a tendance à me faire perdre les pédales.  

Mes mains ont lâché le plateau de granit et se faufilent dans le creux de son jeans large pour empoigner fermement ses jolies fesses que j’englobe sans ménagement. Mes dents mordent le petit bout de chair de son lobe et le suce goulument.

- Bon…maintenant que tu me tiens littéralement par les couilles, j’suis plus ou moins à ta merci… qu’est-ce que tu comptes faire de moi ?

- Ah…Nymphette, Nymphette…j’aime bien quand tu montres les crocs…t’as pas idée à quel point t’es excitante… Elle ferme les yeux, savourant le chuchotement délicieux, buvant le compliment, sa main libre flattant la nuque de Magni... mais fais gaffe ça a tendance à me faire perdre les pédales.

Jolhane éprouve des sentiments contradictoires en cet instant : une joie enfantine d'avoir le dessus, la culpabilité de se trouver cruelle, le manque abyssale de lui, la frustration et la mélancolie que provoque toute injustice. Ce qu'ils font leur est interdit. Magni n'en a pas le droit et elle ne doit en aucun cas le laisser faire.

"Jolhane, tu es triste ?" demande Ghimbir.
"Un peu..." murmure Jolhane.

- Bon…maintenant que tu me tiens littéralement par les couilles, j’suis plus ou moins à ta merci… qu’est-ce que tu comptes faire de moi ?

Jolhane se mordille la lèvre, une fois de plus, sensible à son contact, assoiffée de son toucher. Pourtant sa main reflue, libère le pauvre "radis" gonflé, pour mieux tenir son visage en coupe. Elle dessine les chemins escarpés de son visage, et se perd dans la broussaille de son poil. Elle dépose un baiser sur ses lèvres qui n'a rien à voir avec les précédents : elle savoure au lieu de dévorer. Elle prend le temps qu'ils n'ont pas le droit d'avoir.

- J'aimerais que tu me fasses l'amour... fait-elle tout bas, comme si s'était un secret. C'est.. C'est ce que j'aimerais pouvoir te dire, mais on sait  toi et moi que ça ne se fera pas... Comme il est inutile que je laisse ma porte ouverte chaque nuit en espérant que tu viennes.

Jolhane le regarde avec un petit sourire triste.

- C'est pas grave. Je sais que Marnie veille bien sur toi.

Elle pose son index sur sa bouche, lui imposant une forme de silence. Puis, elle l'embrasse à nouveau, le sert contre elle à nouveau, profite de ce moment d'affolement du cœur éphémère.
De courte durée.

- Vous êtes sérieux là ?!!!

Ryan déboule dans la cuisine les yeux écarquillés. Il a l'air outré quand Katie tente d'étouffer ses rires dans les manches trop longues de son sweater rose.

- Dans la cuisine ! Carrément ! Mais on prépare la bouffe là dessus là ! qu'il fait en désignant l'endroit où les fesses de Jolhane reposent. Ryan fixe les mains de Magni perdu dans le pantalon de la jeune femme avec une moue écœurée.  Et on mange ici ! Bordel! Vous l'avez pas fait sur la table j'espère, bande de gros dégeulasses !
- On ne fait rien, nul part, réplique sèchement Doe, en s'écartant de Magni pour descendre de son promontoire.
- Encore heureux ! Parce que j'ai pas trouvé le moindre préservatif en fouillant les affaire de ce gros toquard.
- T'exagère là..., intervient Katie qui trouve que les meilleures blagues sont les plus courtes et qui sent vaguement que le fond de l'air est vinaigré.
- Tu as fouillé dans les affaires de Magni ? demande brusquement Jolhane d'une voix sourde.

Son visage s'est brusquement fermé et elle braque un regard incandescent sur lui. Ryan a du sentir le changement brutal d'atmosphère car il se met à bafouiller.

- Je.. j'voulais juste.... C'était juste pour être certain qu'il fasse les choses comme.. comme il faut.. je.. j'voulais pas...
- Être intrusif ? Irrespectueux ? Déplacé ?

Jolhane sort de la cuisine sans lui adresser le moindre regard. Dans le vestibule, elle commence à se préparer pour sortir, armant son arc, préparant ses flèches, vérifiant ses lames.

- Où tu vas ? risque Katie.
- Je vais chasser.
- Hein ?
- J'ai un pari à remporter.
- Quoi?! Mais de quoi tu parles ? fait Ryan qui a retrouvé sa voix.
- Je ne vous dois aucune explication, pour ça, comme pour le reste, balance-t-elle avec une violence froide qui fait pâlir Katie et décompose littéralement Ryan. Magni, tu viens ?

Malgré la forme interrogative, ça n'est pas une question. Jolhane a besoin de sortir, courir, se dépenser et... tuer quelqu'un. Oui, tuer quelqu'un lui fera le plus grand bien.

- J'aimerais que tu me fasses l'amour.
- J’en crève d’envie… je murmure contre ses lèvres.
- C'est.. C'est ce que j'aimerais pouvoir te dire, mais on sait toi et moi que ça ne se fera pas... Comme il est inutile que je laisse ma porte ouverte chaque nuit en espérant que tu viennes.

Je recule la tête et encaisse le coup comme si elle venait de me frapper en plein dans le plexus. Son sourire chargé de tristesse me tue. Pourquoi tu me laisse t’infliger ça Nymphette ? Pourquoi j’suis incapable de me retirer de ta vie tout comme j’suis incapable d’y entrer vraiment ? Je déglutis pour faire passer la boule énorme qui vient de se loger dans ma gorge. J’la rapproche de moi et vrille mon regard dans le sien. Elle est douloureusement belle.  

- Non…j’t’en prie la ferme pas…si tu le fais ça voudra dire que t’y crois plus. J’ai besoin qu’t’y crois...sinon j'ai plus rien...s’il te plait…Un jour j’monterai ses putain d’marches…c’est juste…encore compliqué…

- C'est pas grave. Je sais que Marnie veille bien sur toi.

Son doigt sur ma bouche m’interdit toute réponse. Qu’est-ce que je pourrais dire d’autre de toute façon ? Notre étreinte se fait plus câline, plus douce mais a un arrière-goût de regret palpable.

T’es sûre que je te fais tant de bien que ça, Jolhane ?

Pas là. Pas ce soir. J’ouvre la bouche mais j’me fais interrompre par un cri du cœur. Merde…manquait plus que ça…une petite crise de notre Riri national.

- Vous êtes sérieux là ?!!!
- Moins fort. Tu vas réveiller les p’tits.
- Dans la cuisine ! Carrément ! Mais on prépare la bouffe là-dessus là !
- Baisse d'un ton. Y’a pas mort d’homme, que je déclare calmement.  
Il me regarde avec un écœurement qui m’agace. J’en ai un peu ma claque d’être sans cesse juger et la cible de l’irritation d’un ado qu’a pas encore de poil au menton.
- Et on mange ici ! Bordel ! Vous l'avez pas fait sur la table j'espère, bande de gros dégeulasses !
- Yeh tu te calmes ! Ok ? Si ça te tracasse t’as qu’à récurer la cuisine du sol au plafond. Ça t’occupera !
- On ne fait rien, nulle part.
La sécheresse dans sa voix m’fait dire qu’elle m’en veux. J’pousse un soupir las mais la laisse se dégager de mes bras.
- Encore heureux ! Parce que j'ai pas trouvé le moindre préservatif en fouillant les affaire de ce gros toquard.

Ma tête pivote vers l’ado et j’le fusille littéralement du regard. Là…là il dépasse largement les limites de ma patience. J’me sens bizarrement blessé. Sans compter la fureur brûlante qui m’envahit et m’fait voir rouge, largement aidée par la frustration et la colère envers moi-même et cette situation. Poings serrés fermement, j’tente de me contrôler.

- T'exagère là...
- Tu as fouillé dans les affaires de Magni ?

Le reste est flou pour moi…j’entends plus grand-chose, j’suis concentré sur ma rage qui grimpe à toute vitesse et que j’tente de juguler. J’suis à deux doigts d’une transe à cause de ce p’tit merdeux ! Mes yeux sont sans doute devenus opaques et j’fais craquer les articulations de mon cou. Cet état entre deux est super désagréable mais mieux vaut ça plutôt que de péter un plomb.

- Je ne vous dois aucune explication, pour ça, comme pour le reste. Magni, tu viens ?
C’est la voix de Jolhane qui me permet de revenir. Une voix que j’connais pas. Glaciale. Polaire. Elle est pas bien non plus… Ça m’aide à revenir..
Le besoin de la transe est passé mais pas ma colère. J’m’approche lentement de Ryan et le toise de toute ma hauteur. Ils ont sans doute jamais vu l’expression fermée sur mon visage.
- Ca tu vois, c’était un mouvement de connard. J’croyais qu’on pouvait se faire confiance dans cette baraque…j’ai eu tort, maintenant j’ferai gaffe. Je me penche vers lui et plante mon regard impitoyable et blanchâtre dans le sien. Recommence à fouiller mes affaires Ryan et je jure sur ma famille que j’te collerai une rouste comme t’as jamais connu. J’suis sympa mais j’ai mes limites.  
Lentement je ferme les yeux et les réouvre vert. Normaux. J’espère qu’on s’est compris…

Je passe devant Katie et pose une main sur son épaule.
- T’inquiète ma grande. J'vais faire en sorte qu'elle rase pas la ville.
Le temps de chopper ma hache et mon blouson et j’suis dehors. L’air frais me fait du bien. Jolhane a l’air remontée comme jamais et tourne autour de Christine comme un lion en cage. J’m’approche prudemment, ouvre la portière conducteur et y pose ma hache. J’fais rapidement le tour et me plante devant ma partenaire de chasse. J’arrête ses mouvements et attrape son visage entre mes mains.

- Hey Nymphette…calme-toi ! On ira pas chasser si t’es dans cet état, d’accord ? Regarde-moi ! D’une main, je replace une mèche dorée derrière son oreille et plaque un baiser sur sa joue. J’suis désolé. Désolé de t’imposer ça… Il essaye juste de vous protéger… et il a raison. C’est maladroit et putain d’irrespectueux. Mais… c’est pas grave. Je tente un pauvre sourire. Sauf que j’sais pas si tu lui en veut plus à lui ou à moi…Parle-moi, s’il te plait…Dis-moi c'que je dois faire et j'le ferais...
Même si ça veut dire partir...

Jolhane est dans un état de fureur rare. Ghimbir semble incapable d'adoucir les angles de sa colère. Elle se contente d'engloutir la peine, réelle, qu'elle éprouve pour sa moitié. Elle a beau lui susurrer des mots doux, dans le langage des faes, rien ne semble capable d'apaiser ses maux. La jeune femme piétine l'herbe autour de Christine avec ses grosses rangers élimées. Elle malmène l'ongle de son pouce qu'elle ronge jusqu'au sang.

Pourquoi ?
Pourquoi se sentent-il tous  obligés d'agir "pour son bien" ?
Elle s'occupe très bien d'elle toute seule !
Qu'ils aillent tous se faire foutre !

Magni est là. Silencieux. Elle est certaine de lui faire peur à présent. Jolhane est un mirage : les sourires, les rires, les émotions variées. Tout ça est un luxe dont Doe n'a jamais disposé. Doe est abrupte, directe, et létale. A cette époque là, les enfants ne s'inquiétaient jamais de ses prises de décisions. Ils lui vouaient une confiance aveugle.

- Hey Nymphette…calme-toi !

Silence. Elle lui tourne le dos, attaquant ses autres doigts.

- On ira pas chasser si t’es dans cet état, d’accord ?
"Ah! Parce que toi aussi tu te targues de savoir ce qui est le mieux pour moi ?"
- Regarde-moi !

Il la touche, produisant des frissons sur le pourtour de son lobe.

- J’suis désolé. Désolé de t’imposer ça… Il essaye juste de vous protéger… et il a raison. C’est maladroit et putain d’irrespectueux. Mais… c’est pas grave. Sauf que j’sais pas si tu lui en veut plus à lui ou à moi…Parle-moi, s’il te plait…Dis-moi c'que je dois faire et j'le ferais...
- J'en ai marre ! lâche-t-elle soudain. J'en ai marre que chacun foute son grain de sel dans ma vie comme si j'étais incapable de la gérer ! Kaelig qui m'arrose de paternalisme, Ciulin qui joue aux ange-gardien, Nardus qui me colle au train et maintenant Ryan !  Tout le monde semble savoir ce qui est bon pour moi sans jamais me consulter ! Ils me surveillent tous en pensant que je suis fragile, inconsciente, et que je ne sais pas ce que je veux parce que j'ai plus de mémoire ! OUI, je suis amnésique et OUI JE SAIS PAS QUI JE SUIS ! explose-t-elle. Mais ça ne veut pas dire que je ne sais pas ce que je veux !

Elle respire fort, les joues échauffées par la colère. Son regard perce à coeur.

- Y'a qu'une seule chose que je veux et je ne peux pas l'avoir ! Sa voix se brise sur ces derniers mots.

Elle sent les larmes monter, ce qui est inhabituel, mais trop courant ces temps derniers.

- Merde! ça aussi j'en ai marre! D'être émotive comme ça.... Je ne me reconnais pas! Pourquoi je suis assaillie comme ça, tout le temps! Elle se prend la tête entre les mains et se frotte vivement le crâne comme si elle coulait se nettoyer de tout ce qu'elle éprouve. J'en ai marre ! Je veux juste taper une saloperie et avoir la satisfaction de la voir crever. Au moins, ça je peux le contrôler.

Le silence retombe comme ses bras ballants. Maintenant qu'elle a vidé son sac, elle se sent creuse, comme démunie d'un moteur familier. Elle reste là, muette,  échouée un moment sous la voute étoilée avant de finalement murmurer.

- Toi, ... Tu ne m'imposes rien... Elle a un rire sans joie. En fait, tu est le seul vrai choix que j'ai jamais fait...

J’suis pas surpris par la colère et le ressentiment qui l’habite. Plus par leur profondeur. A force de la voir rire et sourire, j’oublie. J’oublie c’qu’elle cache derrière. La survivante, l’amnésique qu’essaie de faire au mieux tout en étant perdue.
J’bouge plus, les bras le long du corps, une expression désolée sur le visage, j’l’écoute. C’est de ça qu’elle a besoin pour le moment, de déverser ce qui couve en elle depuis un moment j’imagine. Et j’dois dire que ces paroles font sens. Après avoir passé deux ans à tout gérer seule, difficile d’accepter ce déversement de bonne volonté de la part de personnes qui l’ont connu…mais ne la connaissent plus vraiment…
Elle me transperce de son regard, les joues rougies par sa fureur.

- Y'a qu'une seule chose que je veux et je ne peux pas l'avoir !

Merde.
Sa détresse me fait physiquement mal.
Je souffre pour elle, putain.
Et j’me déteste encore plus.
Parce que j’suis un problème pour elle. Un jour, elle verra plus que ça. Un jour, le reste s’effacera pour ne laisser que ça. C’est pas une certitude mais presque… Sauf si je trouve le moyen de lui donner tout ce qu’elle mérite. J'ai plus qu'à prier pour avoir du temps. Juste un peu.
J’vois ses yeux s’embuer et j’esquisse un mouvement vers elle que j’arrête quand elle parle à nouveau.

- Merde ! ça aussi j'en ai marre! D'être émotive comme ça.... Je ne me reconnais pas ! Pourquoi je suis assaillie comme ça, tout le temps !
- C’est ce qui se passe quand on éprouve des trucs… là-bas…j’suppose que t’avais pas tellement le temps, que j’explique avec un pauvre sourire.
- J'en ai marre ! Je veux juste taper une saloperie et avoir la satisfaction de la voir crever. Au moins, ça je peux le contrôler.
J’émets un petit rire un peu étranglé.
- J’te promets qu’on va trouver quelque chose à taper. Ca j’peux te le donner sans soucis…Mais d’abord…J’l’attire dans mes bras et la serre tout contre moi. Viens par là.
J'essaie de lui communiquer un peu de ma chaleur, de tendresse, de réconfort. Ca j'peux lui donner aussi.
- Toi, ... Tu ne m'imposes rien...
- Si…j’t’impose cette merde, j’t’impose mes problèmes…
Son rire à elle m’esquinte le cœur.
- En fait, tu es le seul vrai choix que j'ai jamais fait...
J’la serre plus fort et pose un baiser sur le haut de sa tête.
- Tu peux pas savoir comme j’en suis heureux. Mais j'crois pas qu't'aies tiré le gros lot avec moi...Faible tentative de dérision. C'est plus fort que moi. J’veux pas que tu sois triste à cause des autres, à cause de moi. Ca me flingue de penser que j’t’apportes du négatif. Nie pas. J’le sais, j’le vois. J’me recule un peu pour pouvoir la regarder à nouveau dans les yeux. Je chasse l’humidité qui s’accroche à ses cils de mon pouce. Jolhane Doe…chasseuse émérite, survivante du brouillard, chef de tribu pas toujours facile, femme fière, joueuse, pleine de vie qui demande qu’à éclore, un peu orgueilleuse, belle à en crever, à moitié renarde, celle qu’occupe mes pensées tout le temps.
Ma Nymphette.
T’es tout ça et plus encore. On emmerde ta mémoire. T’es déjà quelqu’un, t’as pas besoin du reste. Moi aussi c’est toi que j’veux. A un point qu’t’imagine pas.  
J’me penche doucement pour coller mes lèvres aux siennes. J’voudrais qu’elle se voit comme moi j’la voit. Aria m’fait peur. J’sais pas qui elle est et j’veux pas qu’elle revienne. C'est Jolhane qu'a toute mon attention.
Un dernier baiser avant de m’arracher à elle. Je plaque un sourire aguicheur sur mes lèvres et ouvre la portière passager de ma bagnole.
- Alors poupée…p’tit clin d’œil au passage, j’t’emmène chasser du moche ?

"C’est ce qui se passe quand on éprouve des trucs… là-bas…j’suppose que t’avais pas tellement le temps."

Cette phrase, somme toute anodine, met un certain temps à la percuter. Son bon sens illumine sa situation sous un angle nouveau qu'elle n'avait guère eu le temps d'explorer. Vivre et non survivre comporte ce nouveaux genre de paramètres à prendre en compte.
Magni l'attire contre lui et elle se blottit contre son torse comme on se réfugie dans l'ombre d'un arbre solide et rassurant, à l'abri au creux de ses racines.  Jolhane inspire son odeur familière et réconfortante. C'est cela : à l'abri.
Magni l'abreuve de mots tendres, de mots qu'elle a besoin d'entendre. Elle déglutit et les coins de sa bouche rebiquent sur un maigre sourire lorsqu'il emploie le possessif. D'ordinaire, elle aurait fait remarqué à n'importe qui qu'elle n'appartient à personne, mais présentement, elle éprouve un pétillement exquis au creux de la poitrine. Ses pommettes n'ont plus la teint de tomates génocidées mais de délicates pivoines (pour peu que l'homme puis déceler ça dans le noir)
Malgré les contraintes imposées par sa nature de berseker, Magni lui fait un bien fou. Ses poumons se libèrent comme si elle découvrait leur réelle capacité à engranger de l'oxygène. Avec lui, elle respire, elle n'étouffe plus. Elle enlace sa nuque à deux bras pour le bécoter sans retenue.

"Il y a un verbe pour ça, chez les humains, non ?" songe innocemment Ghimbir.
"Je ne suis pas humaine, je me fiche du dictionnaire." rétorque Jolhane.
La renarde feule dans un coin de caboche. Un son fort proche du rire.

- Alors poupée… j’t’emmène chasser du moche ?

Jolhane retrouve son rire-luciole, celui qui scintille dans l'obscurité. Elle s'approche et vole un pieu bisou  par dessus la portière, à la mâchoire rugueuse de son conducteur.

- Emmène moi casser du pas-beau, cowboy...

Dans l'habitacle, elle pose ses affaires sur la banquette et cherche ses marques. Katie connait mieux Christine qu'elle-même et y a laissé quelques traces de son passage. Jolhane retrouve de menus objets clairement récoltés lors de crises de cleptomanie récidivantes.

- Tu la laisses voler combien de vernis à ongles avant de t'inquiéter de leur provenance ? s'amuse-t-elle. Un jour on va se faire chopper par les flics pour contrebande.

Son compagnon entre la clé dans la serrure et fait gronder le moteur de la voiture. La vieille demoiselle aime à rappeler qu'elle en a sous le capot. Doe se mordille la lèvre et contemple le profil de Magni.

- Tu es beau, souffle-t-elle, inconsciente de penser tout haut, la tête renversée sur le dossier. Elle semble se rendre compte de ce moment d'abandon car elle se redresse un peu vivement en se frappant les cuisses. Hum.. donc... C'est quoi la cible ? D'ailleurs.... tu les trouves où tes petites annonces du surnaturel ?

Par un miracle que j'm'explique pas il semblerait que j'ai réussi à lui redonner le sourire.
Son rire tintinnabule dans la fraîcheur nocturne ce qui me rend assez fier de moi on va pas s'mentir. Elle est moins tendue, moins sur la corde et ça me soulage à un point que j'imaginais même pas. Si j'arrive à faire revenir ce petit pétillement dans ses yeux est ce que ça compense les moments de tristesse et de frustration ? Aucune idée. J'ose pas lui demander. J'aurais l'air con si elle y réfléchit et me dit que non.

- Emmène moi casser du pas-beau, cowboy...

Un cow-boy islandais à chemise bariolée et vieux cuir...Hollywood est tellement pas prêt pour moi.
Je fais le tour de la voiture et vient m'installer au volant. Ca me fait bizarre de voir Nymphette avec moi ici. Elle observe ce qui l'entoure et le petit bordel que laisse Katie derrière elle après chaque virée. Pas eu le temps de ranger encore.

- Tu la laisses voler combien de vernis à ongles avant de t'inquiéter de leur provenance ?
- Tu rigoles ! C'est moi qui les achète j'adore la couleur euh… j'me penche pour en attraper un… hawaian sunshine. Parfait pour moi ça.
- Un jour on va se faire chopper par les flics pour contrebande.
Je soupire un peu.
- Je sais...j'tente de lui en parler un peu et en attendant j'ai un deal avec le vigile du centre commercial après qu'elle se soit fait choppée la première fois. Pour le moment j'paie pour elle derrière histoire qu'elle ait pas d'emmerdes mais j'fais le décompte. Elle me le rendra un jour j'en suis sûr.
C'est entre autre pour ça que j'ai plus un rond...elle revient cher la gosse. Mais nos balades ont l'air de lui faire du bien alors j'continue à l'emmener.

- Ah au fait pour qu'y ait pas de quiproquo...Ryan est une merde en espion. J'ai des capotes. Jles laisse juste pas trainer pour que les gosses tombent dessus, que j'explique avec un large sourire.

Sur ses mots je tourne le moteur de ma chère Christine qui en ronronne de plaisir...toujours au taquet cette vieille rombière...L'autoradio déverse des notes de blues et j'baisse un peu la musique.

- Tu es beau.
C'est à peine un souffle mais dommage pour elle, j'suis pas encore sénile et j'entends plutôt bien. J'pivote la tête vers elle et fronce les sourcils l'air inquiet. Doucement j'viens poser ma paume sur son front.
- Humm pas de fièvre. Pourtant tu commences à divaguer...va falloir surveiller ça de près.
Elle est choupette mais j'sais pas c'qui l'aveugle. J'suis pas "beau" j'ai un certain charme...quand on cligne vite les yeux...et qu'on aime les motifs...parce qu'ils occupent presque un tiers de ma personne.
- C'est quoi la cible ? D'ailleurs.... tu les trouves où tes petites annonces du surnaturel ?
- Eh j'suis pas un homme facile ! J'donne pas tous mes tuyaux dès la première chasse ensemble. Regarde dans la boîte à gants y'a mes notes.
J'compile toutes mes infos dans un carnet qu'est dédié à ça.
- Au menu ce soir une Ménade. D'habitude elles se contentent de partouzer et d'orgiser tranquillement et aspirent un peu de l'énergie ambiante pour leur petit plaisir mais celle qu'on chasse est du genre à faire en sorte que l'orgie tourne au massacre à la fin. Elle a tué une sept personnes en deux tueries et elle les a découpé façon puzzle. En gros elle a complètement perdu la boule.

Comme ça pourrait tourner avec mon Ours un jour…

- Enfin c'est pas dit clairement que c'est une Ménade. C'est moi qu'est recoupé les indices… si ça se trouve jsuis a coté de la plaque mais tous les corps on été retrouvé grignoter, les membres arrachés à la main avec un air d'extase sur le visage, entourés de bouffe et de picole. Comme si pris de folie, les gens s'est entre dévorés mais avaient tous adoré ça...ce qui est sûrement le cas. Elle trouve ses victimes dans des bars et leur propose des sauteries en deuxième partie de soirée. Bref seule et sans décorum elle devrait pas être trop dure à abattre. Le tout c'est de trouver où elle se cache.
J'me tourne vers et lui lance une petite oeillade charmeuse.
A deux flairs on devrait y arriver...J'nous amene sur le lieu de la dernière tuerie. Elle date d'avant hier. La piste doit être encore fraîche…qu'est-ce que t'en dis ? Tu remarqueras que j'te réserve le meilleur. Tu peux dire merci à ton p'tit Magni !

J'me mets à chantonner avec la radio en conduisant souplement ma bagnole.

- Ah au fait pour qu'y ait pas de quiproquo...Ryan est une merde en espion. J'ai des capotes.

Elle glousse nerveusement, main devant la bouche. Elle ne sait même pas à quoi ça ressemble ! Techniquement, sur le principe, oui. Au demeurant, ça reste moins concret à ses yeux que toutes les créatures magique auxquelles elle a pu se confronter.
Lorsqu'elle laisse échapper ses pensées, Jolhane pique un fard. Il ne souhaitait pas être prise sur le fait.

- Humm pas de fièvre. Pourtant tu commences à divaguer...va falloir surveiller ça de près.
- Idiot ! boude-t-elle embarrassée, en repoussant sa main, Hum.. donc... C'est quoi la cible ? D'ailleurs.... tu les trouves où tes petites annonces du surnaturel ?
- Eh j'suis pas un homme facile ! J'donne pas tous mes tuyaux dès la première chasse ensemble. Regarde dans la boîte à gants y'a mes notes.

Jolhane s'exécute et découvre un petit moleskine à la reliure de cuir élimée, dont les pages écornées son copieusement annotées, post-ité ou accompagnées de coupures de journaux. L'élastique qui retient l'ensemble a perdu de son extensibilité et gondole, fatigué, sur le côté quand elle le glisse de côté. Magni a une calligraphie nerveuse, brouillonne et assez peu soignée, mais étrangement séduisante. Graphique. Pudiquement, elle n'ose pas s'attarder sur les pages plus anciennes alors qu'elle meurt d'envie de partir à la découverte de ce carnet de voyage de chasseur. D'en savoir plus sur la vie de Magni. Elle va directement aux dernières notes griffonnées à l'emporte-pièce.

- Au menu ce soir une Ménade.
- Une Ménade ?! Tu veux dire... une.. une prêtresse de Bacchus ? Jolhane le regarde abasourdie. C'est... pas courant dans les parages.
- D'habitude elles se contentent de partouzer et d'orgiser tranquillement et aspirent un peu de l'énergie ambiante pour leur petit plaisir mais celle qu'on chasse est du genre à faire en sorte que l'orgie tourne au massacre à la fin. Elle a tué sept personnes en deux tueries et elle les a découpé façon puzzle. En gros elle a complètement perdu la boule.
- On manque d'informations sur ce type de créatures...C'est grecque non ? Je les pensais éteintes en même temps que leur dieu.
- Enfin c'est pas dit clairement que c'est une Ménade. C'est moi qu'est recoupé les indices… si ça se trouve jsuis a coté de la plaque mais tous les corps on été retrouvé grignoter, les membres arrachés à la main avec un air d'extase sur le visage, entourés de bouffe et de picole. Comme si pris de folie, les gens s'est entre dévorés mais avaient tous adoré ça...ce qui est sûrement le cas.
- Le caractère sexuel et l'ivresse ont l'air d'abonder dans ton sens. Ces taux d'alcoolémie crèvent complètement le plafond. Oh... et la typologie des victimes a l'air spécifique aussi : des militaires, des routiers de passage coincé par le confinement,... On dirait qu'elle s'en prend aux gens "extérieurs" à la cité. Les ménades s'attaquaient aux voyageurs non ? C'est quoi son mode opératoire ?
- Elle trouve ses victimes dans des bars et leur propose des sauteries en deuxième partie de soirée.
- Malgré le couvre-feu ? Ceci étant, les gens sont tellement fatigués de ces mesures qu'ils doivent chercher un échappatoire quelconque...
- Bref seule et sans décorum elle devrait pas être trop dure à abattre. Le tout c'est de trouver où elle se cache.
- D'après les lieux des scènes de crime, on dirait qu'elle officie dans les bars ou les pub en périphérie. Elle va pas se risquer au Dulahan, elle se ferait trop vite repérer par les Heksens et ça aurait des conséquences pour ses petites bacchanales. Mais y'a quelques drive-in ou des stations services en lisière de la forêt. On commence par quoi ?
- A deux flairs on devrait y arriver...J'nous amène sur le lieu de la dernière tuerie. Elle date d'avant hier. La piste doit être encore fraîche…qu'est-ce que t'en dis ?
- Très romantique comme premier rencard officiel, blague-t-elle.
- Tu remarqueras que j'te réserve le meilleur. Tu peux dire merci à ton p'tit Magni !

Jolhane vient lui caresser la joue et lui gratter le poil du menton.

- Merci mon petit Magni, fait-elle d'une voix douce, le regard rivé sur lui. Intense. Elle se mordille la lèvre sur un sourire que d'aucun qualifierait d'énamouré, puis se concentre sur la route qui défile devant ses yeux, éclairée par les seuls phares de Christine. Innocemment, elle oublie sa main sur sa cuisse, comme si de rien n'était.

- Merci mon petit Magni…

La façon qu'elle a d'appuyer sur le possessif…
Nope, nope. Pas de fausse illusion mon vieux. C'est juste une formule comme ça.

Heureusement que j'suis bon conducteur parce que j'ai failli faire une embardée quand j'ai senti sa main sur ma cuisse. Je fixe quelques secondes cette main pâle sur mon pantalon puis remonte vers son visage. Elle me regarde et...j'sais pas déchiffrer ce que me disent ses deux pupilles mais ça fait quelque chose au fond de mes tripes. Je reporte mon attention sur la route, attrape sa main que je porte à mes lèvres avant de la reposer sur ma cuisse. Elle est bien là.  

Christine se laisse conduire avec fluidité mais renâcle un peu quand on aborde une petite route en lisière de forêt qui mène vers une maison qui semble abandonnée depuis des années. Coincée entre un énorme pin et les restes d'une dépendance, le lierre fané en cette saison à envahi les murs et les fenêtres sont tellement sales qu'elles en sont devenues opaques. Des scellés de la police barricadent l'entrée. J'éteins le moteur et j'me penche sur le volant pour mieux observer le cadre "bucolique".

- Bon bah j'crois qu'on a trouvé ! Putain c'est lugubre ! Faut vraiment être en chien pour accepter de venir dans cette bicoque qui dit clairement "Vous ressortirez pas d'ici en vie !"...Les gens ont franchement aucun instinct de survie.
L'hôpital qui se fout de la charité ? Noooon.
Je coupe le moteur, prend ma hache et me précipite pour ouvrir la portière de Johlane et lui tend la main pour l'aider à sortir. Gentleman quoi...

- Quoi ? C'est un rencard on a dit ! Si t'es sage j'te ferai le coup de la panne en rentrant, que j'ajoute avec un clin d'oeil coquin.
J'lui vole un long baiser et profite de ce dernier moment calme avant la chasse. Face à elle j'la dévisage comme si j'pouvais plus me passer de la regarder.

- J't'ai déjà dit que j'ai de la chance de t'avoir rencontrée, Jolhane Doe ? Non ? Bah voilà c'est fait ! C'était la séquence intense et émotion avant que nos braves héros ne partent affronter le monstre dans sa tanière. Allez business is business baby ! Au boulot !

J'enfile des gants, sort ma lampe de poche et prends une profonde inspiration. Ca sent l'humus, les pommes de pin, la terre mouillée, le vieux bois, la putréfaction et le sang.

- Si t'en as pas y'a des gants en dessous de la boite à gants. Ca serait con de laisser des empreintes pour la police...

J'approche de l'entrée et grimpe le perron en bois qui craque sous mon poids. D'un mouvement vif, je découpe les scellés à la hache et pousse la porte. J'allume ma lampe et balaie le sol. Le lieu est délabré sale et poussiéreux. Des traces marrônatres tâchent le parquet vermoulu partout et y'a des signes évidents de l'intervention des forces de l'ordre. J'men fous un peu de tout ça. Jveux l'odeur. J'avance en me guidant aux marques de sang et déboule dans ce qui devait être un salon. Le sang a éclaboussé partout...du sol au plafond. Faut pas avoir beaucoup d'imagination pour comprendre que c'qui s'est passé ici à été violent et les nettoyeurs se sont pas donné la peine de venir ici.
L'odeur de la mort et du sang y est tellement forte que j'pose ma manche contre mon nez.
Bordel ! Ca prend aux tripes comme odeur !
Doucement je rabaisse mon bras et essaie d'aller au-delà de l'évidence. Par en-dessous je finis par percevoir une odeur ancienne, l'odeur âcre de l'alcool fermenté que j'avais encore jamais senti. Elle est pas bien forte mais j'l'imprime dans mes narines. Un sourire féroce déchire ma trogne alors je fais jouer ma hache dans ma main.

- J'la tiens ! Nymphette c'est bon pour toi ?

Le chemin est silencieux, bercé par les roulis de la voiture. Jolhane tente d'éviter de sourire de manière trop flagrante en s'absorbant dans la contemplation du bitume qui dévale. Elle se sent bien, rassénérée d'avoir pu évacuer son trop plein d'émotions. Elle se laisse gagnée par de nouvelles, qui lui font pétiller le ventre. Elle ne regrette nullement son geste impulsif mais s'en effarouche tout de même comme une adolescente prépubère.
Magni la rend bête.
C'est une sensation qui n'est nullement désagréable.

- Bon bah j'crois qu'on a trouvé ! Putain c'est lugubre ! Faut vraiment être en chien pour accepter de venir dans cette bicoque qui dit clairement "Vous ressortirez pas d'ici en vie !"...Les gens ont franchement aucun instinct de survie.
- Le cottage ressemblait un peu à ça avant qu'on le nettoie de fond en comble. On a mis une grosse semaine à tout récurer, ça nous a bien occupés. "Et empêchés de penser au sept des nôtres qui ne s'en sont pas sortis et que nous n'évoquons jamais." pense-t-elle.

Magni lui ouvre la porte et lui tend la main, façon prince charmant qui aurait oublié de se peigner depuis trois semaines. Jolhane coule vers lui un regard surpris.

- Quoi ? C'est un rencard on a dit !
- Preux chevalier et cow-boy ! rétorque-t-elle avec un fin sourire. Elle glisse ses doigts dans sa pogne et sort gracieusement de l'habitacle. Je ne peux que m'en remettre à un homme qui a tant de casquettes...
- Si t'es sage j'te ferai le coup de la panne en rentrant.
- Audacieux... glousse-t-elle.
- J't'ai déjà dit que j'ai de la chance de t'avoir rencontrée, Jolhane Doe ? Non ? Bah voilà c'est fait !
- Beau- parleur...
- C'était la séquence intense et émotion avant que nos braves héros ne partent affronter le monstre dans sa tanière.
- Il nous manque peut-être une musique d'ambiance pour le film de ta vie, non ?
- Allez business is business baby ! Au boulot !

Elle échange avec lui un dernier baiser volage, un ultime moment de récréation avant de pleinement se concentrer. Elle attrape son paquetage sur la banquette arrière, arme son arc et sangle son carquois. Son arc à poulies très moderne jure avec la hache rudimentaire de Magni.

- Si t'en as pas y'a des gants en dessous de la boite à gants. Ca serait con de laisser des empreintes pour la police...
- Oh... oui c'est juste. Elle n'y avait jamais songé. En même temps, dans le brouillard, elle n'en avait guère l'utilité.

C'est donc affublée de latex caoutchouteux sur les mains -elle déteste cette sensation autant que Ghimbir - qu'ils pénètrent dans la bicoque.
L'odeur de charnier est puissante et évoque le parfum familier des Chrysalides une fois atteint le point de non-retour. Les policiers n'ont pas pris la peine de nettoyer. Manque d'effectifs, de motivation ou de temps. Peut-être les trois à la fois. Au de là de la prégnance de chair en décomposition, il y a une fragrance plus ténue, presque... fruitée.

"Fermentée"
"Pourrie"
"Capiteux"
"Femelle..."feule Ghimbir.

- J'la tiens ! Nymphette c'est bon pour toi ?

Cette fois c'est à Jolhane de froncer le nez.

- Les phéromones de cette bacchante ont imprégné jusqu'aux rainures du parquet. Tiens c'est bizarre.... Elle se penche et ramasse des petit copeaux de bois qui ressemblent à des écailles et qui craquent abondamment sous ses semelles. Des pétales de pommes de pin ? ça a une signification particulière pour les ménades ? questionne-t-elle en fronçant les sourcils. Approche ta lampe s'il te plait... Ca et là, il y a des touffes de poils brun ou tachetés. Jolhane se saisit de l'une d'elle et la renifle et recule brusquement les narines. C'est elle, déclare-t-elle sans appel. On dirait sa mue...

La jeune femme se sent étrangement excitée, comme stimulée par ces découvertes. Tout son corps semble se rappeler le plaisir de la traque.

- Je ne crois pas qu'elle soit encore ici ou dans les environs... Ce lieu a été compromis.

- Les phéromones de cette bacchante ont imprégné jusqu'aux rainures du parquet.
- Ouep, elle a pas été hyper prudente ou alors…elle a tellement pété un boulon qu’elle réfléchit plus de façon sensée.

Finalement j’me dis que cette mission c’est pas une si bonne idée. Ca me renvoie un peu trop à ce que j’pourrais devenir, en moins civilisé encore…

- Tiens c'est bizarre.... Des pétales de pommes de pin ? ça a une signification particulière pour les ménades ?
- Tu m’en demandes trop Nymphette. J’ai pas repéré tant de pin que ça dans le coin. Ca vient p’t être du lieu où elle se terre.
- Approche ta lampe s'il te plait...

J’m’exécute docilement et l’incline vers le sol. Le regard asserré de Jolhane a repéré des poils au sol. J’m’en empare de quelques-uns et les observe avec attention.  

- C'est elle. On dirait sa mue...
- Des poils de félins…noire et fauve…elles portaient pas des peaux de bêtes ou un truc comme ça ? En tout cas t’as raison c’est cent pour cent elle.
- Je ne crois pas qu'elle soit encore ici ou dans les environs... Ce lieu a été compromis.

Je relève le cercle de lumière pour balayer une dernière fois la pièce, histoire de m’assurer qu’on a rien louper. Je remarque un vieux miroir au cadre ornementé sur le mur opposé dont le verre est fendu comme si on avait donné un coup de tête ou de poing dedans. Intrigué, j’m’approche. Y’a pas une trace de sang mais l’odeur de la Ménade est forte ici et je décolle une minuscule touffe des même poils, trouvés par Nymphette, dans une fissure.

- Pourquoi t’as détruit ce miroir, je murmure pour moi-même. Mon image m’est renvoyée brisée en plusieurs fragments et je fronce les sourcils. Tu détestes c’que t’es devenue, hein ?

T’inquiète…on est là pour t’arrêter.

- Ouais, elle est plus dans les parages. Mais maintenant qu’on a son odeur dans le pif ça va être plus simple de la traquer.

Plus résolu que jamais, je fais signe à Jolhane qu’on peut se tirer d’ici. J’suis aussi déterminé que j’ai le cafard. C’est bizarre.
De retour vers Christine, je sors un plan papier de Tir Na Nog et ses environs que je déplie sur son capot.

- J’suppose que tu t’en souviens mais les créatures c’est comme les animaux, elles s’éloignent jamais de leur point de retraite, leur tanière. Ca doit être pareil pour cette Ménade, surtout si elle a perdu la raison. Elle agit par instinct et par faim. Surtout qu’apparemment, elle a emporté des bouts d’humain avec elle. Pour le quatre heures j’imagine… Donc…Lampe torche dans la bouche, j’entoure tous les endroits où elle aurait été vu, comme les bars et les lieux du crime et les relient entre eux…logiquement, elle doit se trouver par là…Ca forme presque un cercle Imparfait mais un cercle quand même et j’en pointe le centre. J’me plie sur la carte pour déchiffrer ce qui s’y trouve mais c’est rien d’autre que de la forêt. Des hectares et des hectares de forêt… J’me redresse et sourit à Nymphette, plutôt content de la tournure des évènements. Je répère l’endroit le plus proche où garer ma voiture et replie la carte.

- Qu’est-ce que tu dis d’ça ? J’crois qu’on est bon pour une petite trotte dans les bois sous la lune ! C’est quand même plus romantique qu’une baraque qui pue la mort non ?
J’lui réouvre galamment la portière et grimpe à mon tour. Le trajet ne devrait pas prendre plus de quelques minutes.
- On devrait peut-être oublier cette histoire de défi, non ? J’sais pas de quoi est capable cette chose mais elle semble hors de contrôle. On fait équipe, partenaire ? J’lui tends la main avec un p’tit sourire en coin. C'est pas que j'sois inquiet pour nous, mais si ce truc dégage des phéromones ou quelque chose d'approchant, nos odorats sensibles vont prendre cher. J'aime autant qu'on surveille mutuellement nos arrières.

Jolhane se redresse, pensant se diriger vers la porte mais elle se prend à contempler silencieusement Magni évoluer dans la pièce. Il dégage une toute autre impression lorsqu'il se montre à ce point concentré. Bien qu'elle ne saisisse pas les bribes de sa conversation avec lui même, la confrontation au miroir brisé ne lui échappe pas, ni la manière dont le guerrier effleure sa surface. Il y a comme de la mélancolie dans son regard, peut-être du regret. Doe ne dit rien, pourtant, les mots se dérobant encore sur sa langue. Elle est si peu douée pour communiquer, si inefficace pour réconforter.

"Je ne sers à rien..." pense Jolhane.
"Ce n'est pas vrai!" s'offusque Ghimbir.

- Ouais, elle est plus dans les parages. Mais maintenant qu’on a son odeur dans le pif ça va être plus simple de la traquer.

Jolhane hoche la tête et le suit au dehors. Ils commencent à ébaucher un plan d'action et délimitant un périmètre.

- J’suppose que tu t’en souviens mais les créatures c’est comme les animaux, elles s’éloignent jamais de leur point de retraite, leur tanière. Ca doit être pareil pour cette Ménade, surtout si elle a perdu la raison. Elle agit par instinct et par faim. Surtout qu’apparemment, elle a emporté des bouts d’humain avec elle. Pour le quatre heures j’imagine… Donc…logiquement, elle doit se trouver par là…Qu’est-ce que tu dis d’ça ?
- Ca me semble logique.
- J’crois qu’on est bon pour une petite trotte dans les bois sous la lune ! C’est quand même plus romantique qu’une baraque qui pue la mort non ?

La jeune femme lui lance une lorgnade appuyée et un sourire pointu dans l'un des coins.

- Seulement si il y a promesse de panier pique-nique et ta nappe à carreaux. Elle ajoute en se mordillant la lèvre et avec le même clin d'oeil que lui précédemment. Si tu es sage je te referais le coup du bain de minuit.

Avec des manières de coquette, elle réintègre le carrosse de Monsieur. Une fois assise sur son siège, elle éclate de rire. Magni la rejoint bien vite.

- On devrait peut-être oublier cette histoire de défi, non ?
- Tu te dégonfles ?
- J’sais pas de quoi est capable cette chose mais elle semble hors de contrôle. On fait équipe, partenaire ?
- Je croyais que tu étais incapable de travailler seul, mister "le guerrier solitaire"... darde-t-elle en plissant les yeux. De quoi tu as peur au juste ?
- C'est pas que j'sois inquiet pour nous, mais si ce truc dégage des phéromones ou quelque chose d'approchant, nos odorats sensibles vont prendre cher. J'aime autant qu'on surveille mutuellement nos arrières.

Jolhane se penche ostensiblement vers lui, ses prunelles d'or plantées dans ses billes vertes. Elle prend délicatement sa main, y loge sa joue, puis en embrasse le creux. Elle fait circuler la paume de Magni sur sa gorge, à même la peau et finit par frotter ses lèvres sur l'intérieur de son poignet. Tout doucement, elle approche jusqu'à se tenir presque sur ses genoux, frotte ses joues de part et d'autre des siennes. Elle plonge ses doigts dans sa tignasse brune pour mieux saisir son visage. Son menton caresse son front, son nez danse avec le sien, puis elle happe sa bouche, langoureusement.

Elle reflue alors, avec lenteur.

- Je te marque, explique-t-elle à mi-voix. Cette chose ne s'attaque qu'aux hommes et je ne souhaite pas qu'elle s'en prenne au mien. Elle retourne à son siège avec un sourire féroce. Elle lui tient toujours la main. On fait équipe, partenaire.... Et puis tes arrières ne sont pas vilain à regarder. sourire mutin, plein de fossettes et de grains de beauté.

Elle lui rend l'usage de sa pogne, le pacte étant signé.

- J'aimerais quand même vérifier cette histoire de pommes de pin, ça pourrait nous éviter de perdre un temps fou à fouiller derrière chaque tronc sur des centaines de kilomètres. Tu me prêtes ton téléphone ?

Elle compose sur l'écran le numéro de son propre portable.

- Allo Scott ? ... Oh Declan ?... Non c'est parfait, C'est toi que j'espérais avoir. Tu pourrais me dire ce que tu sais sur les Ménades ?.... Oui c'est ça les créatures mythologiques grecques..... Ok je patiente. Se faisant, elle farfouille dans la boite à gants pour récupérer le carnet de Magni et, espère-t-elle, un crayon. T'as un stylo ? chuchote-t-elle à l'islandais. ... Oui, je suis toujours là, je t'écoute.... Oui, c'est bon.... Elle griffonne à toute vitesse avec une écriture studieuse de petite fille.... Oh.. C'est quoi une "nébride" ?... Ok... je vois.... attends, tu vas trop vite... tu dis qu'elle a une sorte de bâton magique composé d'une branche de cornouiller, de lierre et orné d'une pomme de pin ? Elle frappait les hommes avec... Elle échange un regard éloquent avec son compagnon de chasse. Brainy, je peux te demander autre chose, tu sais si il y a un endroit dans la Seelies' wood réputée pour ses sapins ?...................... Ok... ok ... sisi ça nous aide beaucoup ! Essaie de dormir un peu, d'accord ? A tout à l'heure.

Elle raccroche et rend son téléphone à Magni.

- Devine où se trouve l'endroit où toutes les familles de Tir Nà Nog s'approvisionnent illégalement en sapin de noël.... ? Jolhane arbore un petit sourire malin.

Je prie silencieusement mes ancêtres de m’accorder des montagnes de self-control. Jolhane se frotte à moi comme dans une sorte de rituel tribal…animal et j’suis dans un état assez pitoyable. J’suis tendu comme un string, PARTOUT. Mes yeux suivent chacun de ses mouvements. Je respire fort, bruyamment et mon autre main est tellement crispé sur le volant que j’crois l’avoir entendu grincer. J’suis incapable de bouger.  
Putain Nymphette tu me fais quoi là ? C’est encore jamais arrivé mais j’suis sur le point de la faire basculer complètement sur mes genoux et de lui faire l’amour à l’intérieur de ma bagnole…

Pardon Christine…
Elle veut me tuer hein ? C’est ça ! Ou alors me mettre à l’épreuve.

Marqué

Bordel de merde ! L’Ours s’agite et …il vient de me causer ? Noooon ça doit être l’effet de mon imagination…
Apparemment, il a vite compris ce qu’elle faisait et ça lui plait pas des masses. Je sers les dents, avec un rictus et continue à me laisser faire. De base j’aime ce qui est en train de se passer mais savoir que ça fait chier l’ours, c’est la p’tite cerise sur le gâteau… C’est qu’au moment où elle pose ses lèvres sur moi que j’bouge enfin. Ma main englobe l’arrière de sa tête pour l’attirer plus près de moi et j’lui rends son baiser avec ferveur.

Quand on se sépare, j’suis à bout de souffle, les idées en vrac et les mots aussi apparemment…
- Je… putain de merde… c’était le truc le plus sexy qu’on m’ait jamais fait, Nymphette…
J’ai la voix tellement rauque que j’la reconnais à peine.
- Je te marque. Cette chose ne s'attaque qu'aux hommes et je ne souhaite pas qu'elle s'en prenne au mien.
J’suis son homme… Bordel de putain de merde (oui j’ai un vocabulaire très développé et j’vous emmerde)… J’suis son homme…j’crois que je me lasse pas de me le répéter…
- On fait équipe, partenaire.... Et puis tes arrières ne sont pas vilains à regarder.
J’reprends un peu mes esprits et lui renvoie son sourire coquin plein de promesse – qu’on pourra sans doute pas tenir mais bon… - J’affiche ensuite une mine faussement étonnée.
- Mais bordel qui êtes-vous ensorcelante créature et qu’est-ce que vous avez fait de ma Nymphette craintive et méfiante ? Ca tombe bien, j’adore mater les tiens aussi au fait !
J’allume finalement le moteur et m’engage à nouveau sur l’étroit sentier pour rejoindre la nationale.

- J'aimerais quand même vérifier cette histoire de pommes de pin, ça pourrait nous éviter de perdre un temps fou à fouiller derrière chaque tronc sur des centaines de kilomètres. Tu me prêtes ton téléphone ?

Je fouille ma poche et lui tend puis écoute la conversation avec attention, radio éteinte.

- Devine où se trouve l'endroit où toutes les familles de Tir Nà Nog s'approvisionnent illégalement en sapin de noël.... ?
- J’suis pas fortiche en devinette, mais j’dirais que ça se trouve à l’endroit qu’on a délimité ? Bien joué ! Ça nous facilitera la vie. Chier… j’ai pas apporté mon beau costume de Père Noël pour elle !

Je roule quelques minutes et on finit par tomber sur un panneau qui indique une pépinière. Je stoppe la voiture un peu avant et on en descend rapidement et prudemment. Inutile de rameuter la Ménade ou de lui indiquer qu’on arrive.
A deux on finit par remonter une piste qui sent la créature et la charogne. On ne communique plus que par geste et j’admire discrètement la grâce avec laquelle elle se déplace. Elle est gracile, aérienne, concentrée. Le menton levé, ses yeux scannent chaque arbre et j’la vois humer l’air de temps en temps. La chasse lui va comme un gant.

On avance naturellement contre le vent dans le doute et on finit par tomber sur la pépinière. J’ai la hache qui me démange et l’envie d’en découdre monte à mesure que l’odeur se fait plus forte. On se glisse entre les sapins dont l’odeur couvre les nôtres. J’bifurque vers la droite en suivant mon nez et on peut voir au loin une sorte de cavité naturelle. On s’en approche sans bruit pour se poster de chaque côté de l’entrée. D’un mouvement du menton, j’lui indique que je passe en premier en m’engage dans le boyau obscur. L’odeur est si forte qu’elle me donne envie de tousser. Mais on continue jusqu’à apercevoir une lueur au loin. Plus on s’en rapproche plus mes sens sont aux aguets. On finit par être assez près pour capter des pleurs.

Profonds, Déchirants.

Ma main se crispe sur mon arme. J’avais deviné juste. La créature semble pas en paix avec elle-même. Avec sa folie.
On débouche sur une sorte de grotte pas très haute de plafond mais profonde. La Ménade à aménager un coin plutôt cosy vu les circonstances. Après faut aimer la déco à base de bouts de corps humains en décomposition. Et apprécier l’odeur aussi.
La créature est dans un coin, recroquevillée sur une paillasse, la tête entre des mains démesurément griffus et sales. Une image dégueulasse de la détresse quoi…

J’me crispe un peu et la Ménade relève la tête. Elle porte effectivement une peau de bête. Panthère ou quelque chose dans ce goût-là. Elle a un visage plutôt joli, des longs cheveux bruns mais sa puanteur laisse pas la place à la moindre séduction. Elle a l’air abattue et de longs sillons marquent ses joues.

-Pitié…tuez-moi ! J’vous en supplie !

Elle crie presque et se lève lentement.

- Je n’en peux plus… Je fais du mal…tellement de mal…

Elle semble sincère…profondément meurtrie…
D’habitude ça se passe pas comme ça et ça me fait hésiter. Parce que bizarrement sa situation me touche. En plein cœur même. J’ai l’impression de me voir moi. A sa place. Prisonnière d’instinct qu’elle contrôle plus.
Hésitation de trop. Elle empoigne son bâton et se jette sur moi, le visage métamorphosé, pris d’une folie enragée. Heureusement j’étais tellement sur mes gardes que j’arrive à esquiver son attaque. Mais j’perds un peu mon équilibre et elle en profite pour me faire chuter d’un coup de bâton.

C’est dans ses moment-là que j’suis bien content de pas être seul…

- Chier… j’ai pas apporté mon beau costume de Père Noël pour elle !
- Réserve ça pour Marnie....

Jolhane sourit, entortillant une mèche de ses cheveux autour de son index avant de la mettre à la bouche. Vieux tic inconscient. Elle a les joues chauffées à blanc et le bas ventre en ébullition. Elle percute à rebours qu'elle vient de lui faire une déclaration, certes quelque peu détournée, mais une déclaration quand même. Il lui faut bien la poignée de minutes en voiture pour qu'elle parvienne à regagner son calme.

Elle se focalise à nouveau sur la Ménade. L'esprit au clair et dépourvu d'idées lubriques.

- J'ai aucune idée de son point faible... Et toi ?

Elle se doute de la réponse. Néanmoins, ça ne les empêchent pas tous deux de forcer la grille de la propriété et de se glisser parmi les sapins. Le fumet de la Ménade est persistant, elle n'a même pas pris la peine de maquiller son odeur ou ses traces. On dirait presque qu'elle souhaite être trouvée. Ses plaintes ont l'air d'appels à l'aide désespérés.

La grotte empeste la chair décomposée. De part et d'autre de l'entrée, Magni et Jolhane s'échangent des signes. Il va au front, elle couvre ses arrières ( son derrière?   ) . La jeune femme se fait si discrète que Magni la perd dans les ombres. C'est comme s'il ne faisait plus qu'un avec la Nuit, tant et si bien qu'il semble être seul en présence de la ménade.
Cette dernière baragouine quelques suppliques. De là où elle se trouve, Jolhane a loisir d'observer la créature qui semble humanoïde, si ont met de côté sa nudité et la peau de bête qui semble vouloir fusionner avec sa peau. D'ailleurs, on retrouve les même touffes de poils un peu partout autour de la paillasse et Doe comprend brutalement qu'elle a tenté d'arracher le pelage de la nébride à mains nues.

La bacchante profite de l'hésitation de Magni pour lui sauter dessus. Il tombe à la renverse et ne semble pas en mesure d'esquiver le second coup de bâton dont le chapelet de pommes de pin en son extrémité est couvert de sang séché. Le trait file se ficher dans le bras de la créature, juste au niveau de la fosse de l'épicondyle. Le point de pression est si durement touché que la Ménade perd la motricité de son bras droit et lâche son armes. Elle pousse un cri désarticulé et sifflant, telle une énorme panthère en colère.
Jolhane tente de s'approcher, mais la ménade compte bien arracher la gorge de Magni avec ses ongles. Elle ne peut pas viser correctement alors qu'ils sont en pleine mêlée.

- Fais chier ! Son regard tombe alors sur les poignées de poils arrachés. MAGNI ! C'est la nébride !.... La peau de bête ! Il faut lui enlever !!! Occupe la !

En quelques, enjambés elle passe dans le dos de la bête. Si son raisonnement est juste, ils n'ont pas à faire à une créature mais à un artefact ensorcelé.

Ma hache est à quelques centimètres de ma main. Juste hors de portée. Je soupire intérieurement… Bah tiens… comme par hasard ! Le réal du film de ma vie à le cliché facile...
Je lutte non-seulement contre la créature mais aussi contre mon instinct de survie qui me commande de laisser la transe m’envahir. Pour sûr ça serait plus rapide mais je tiens bon, en serrant les dents.

Au moment où la Ménade va me porter un coup de bâton, une flèche se fiche dans son bras qui retombe mollement. Ça empêche pas la furie de vouloir me frapper à coups de griffes.
Sauf que là, j’suis plus alerte. J’bloque son bras d’une seule main et le lui tords violemment. Impuissante à me frapper elle feule comme un animal. Au moins, elle garde son attention sur moi, elle semble même pas faire gaffe à Jolhane qui l’a portant blessée.

- MAGNI ! C'est la nébride !....
- Quoi ? J’suis un peu débordé là…
- La peau de bête ! Il faut lui enlever !!!
Comment ça lui enlever sa peau de bête ? Qu’est-ce que ça changera ? J’me pose pas plus de question, faisant implicitement et totalement confiance à Nymphette.
- Occupe la !
- Occupe-là…occupe-là, elle en a de bonne elle… que je marmonne dans ma barbe parfaitement taillée, merci p'tit merdeux de Ryan. Bon et comme ma petite maman m’a bien éduqué j’préfère demander à la Ménade. Dites ma bonne dame ça vous ennuie si j’vous défroque ? Promis en tout bien tout honneur !

Mon blabla a le don d’interloquer totalement la créature qui me regarde un instant, la tête penchée sur le côté. Mais elle se reprend rapidement et, privée de ses griffes, tente de m’avoir avec ses crocs. Elle plonge vers ma gorge mais j’lui attrape la mâchoire de mon autre main et l’arrête alors qu’elle est toute proche de mon visage. J’ai tout le loisir de sentir de son haleine fétide et de voir à quel point ses dents sont pointues ! Ma force l’empêche de bouger et j’referme mes doigts avec plus de force. L’appel du Berserker est de plus en plus fort mais je maîtrise toujours. Seul, j’me serais sans doute jamais donné cette peine.

J’le fais pour Jolhane…et puis un peu pour moi du coup.

Comme la créature est partiellement immobilisée, j’en profite pour lâcher son bras et m’empare de sa fourrure que j’essaie d’arracher. La Ménade hurle, rue comme une forcenée et me fais lâcher prise. Pour éviter de me retrouver à nouveau face à ses griffes, j’l’envoie balader par-dessus ma tête sans trop d’effort et me remets sur mes pieds. Plutôt que de prendre ma hanche, j’récupère son bâton. Alors qu’elle se tortille encore au sol, j’en profite pour lui donner un bon coup dans la tête qui part vers l’arrière. Sonnée, elle essaie de se redresser à son tour mais j’lui en laisse par le temps. J’empare de son crâne et vient le frapper violemment contre la paroi de la grotte.

Une fois.
Deux fois.
Trois fois.

Jusqu'à ce que je sente son corps s'affaler contre le mur.
Cette violence brute susurre des mots d’amour au Berserker. L’Ours n’est pas loin et le besoin de transe non plus. Mais je secoue violemment la tête.

Pas ce soir.

Groggy, la furie bouge plus des masses et je sens son corps se relâcher totalement. J’en profite pour la saisir d’une main à la gorge et lui bloque les deux bras dans le dos. Elle a le regard flou mais j’vois déjà qu’elle est en train de se remettre de mes coups.

- Jolhane, c’est quand tu veux !