- Nymphette t'a sans doute expliqué c'qu'on va faire et tu te doutes que ça va être putain de douloureux. Flot a un gloussement étouffé qui résonne dans toute la caverne. Désolé hein...j'suis sans doute pas hyper rassurant mais vaut mieux que tu sois préparée. Tiens mets ça en bouche.

L'homme lui tend un morceau de bois qui entre ses doigts épais et boudiné donne la sensation qu'elle tient un cure-dent.

-Ça évitera que tu te mordes la langue.

La merrow semble clairement dubitative, mais, ne souhaitant pas froisser son couple de sauveurs, elle ouvre la bouche sur une rangée de dents pointues et croque le bâton. Celui-ci se brise et Flot le mâche posément.

- T'inquiète ca va bien se passer. L'avantage c'est que ça a certainement pas touché d'organe vitale.

La sirène-baleine hoche la tête comme une enfant chez le docteur : effrayée mais obéissante. Jolhane s'est positionnée, prête à retirer l'espèce de pieu géant.

- Ok. Tu pousses et j'tire.
- T'es prêt ? A la une, à la deux, à la trois...

L'effort est colossale. Jolhane comme Magni peinent à l'effort. Pour éviter de hurler, Flot se mord la chair du bras jusqu'au sang. De grosses larmes rondes perlent sur ses cils bleus sombres et roulent sur ses joues callipyges. L'abnégation de la renarde et de l'ours s'avère payante. Au prix de leur poids en sueur, ils extirpent le morceau d'épave de la chair sanguinolente. Flot a poussé un gémissement surpris avant de relâcher son bras, perforé par ses crocs.

- Putain de merde ? Flot t'es toujours avec nous ?
-.. O.. Oui... hoquette-t-elle en ravalant un gros sanglot.
- Nymphette comment est la blessure ?
- Je ne vois pas d'échardes. L'eau salée a pas mal nettoyé les chairs on dirait... fait-elle en examinant les boursouflures rouges.

Brusquement, la peau de la merrow scintille de paillettes bleues, comme le reflet du soleil sur la surface de l'océan. Sa silhouette immense se pare de lumière jusqu'à la rendre floue. Elle réduit de taille jusqu'à ne laisser qu'une femme de dimension imposante (au moins deux mètres une fois debout) et toute en généreuses rondeurs. Sa queue de baleine a laissé place à deux gambettes potelées et une totale nudité. La blessure s'est adaptée à ces nouvelles proportions mais n'a pas disparue. Flot tente de se redresser maladroitement en se tenant le flanc.

- Merci... dit-elle avec un sourire sincère qui découvre des quenottes blanches et parfaitement humaines.

Elle est très pâle et flageole clairement des guiboles.

- Ne fais pas de gestes brusques, se précipite Jolhane. On va désinfecter et recoudre, mais je pense qu'il va nous falloir te conduire à l'hopital.
- Noooon, gémit-elle... pas le gros bocal de béton! Ils vont jamais me laisser sortir, comme pour Seiche !

Jolhane regarde Magni, incertaine de la démarche à suivre à présent.

La merrow retrouve une taille à peu près normale...enfin un chouillat plus grande que moi c'qui fait quand même un poil imposant j'vous le cache pas. Et évidemment madame est à poil. Avec un soupir résigner je détourne le regard de sa très généreuse poitrine. J'lui tend mon tee shirt mais j'suis pas franchement certain que ça couvre...bah tout ce qu'il faut couvrir.

- Merci...

Bon j'suis pas mécontent que ses dents ressemblent un peu plus à ceux d'humain qu'à un remake des dents de la mer. J'avoue avoir eu un p'tit frisson en la voyant machouiller le bois comme si c'était de la réglisse. Ça aurait pu être un os que ça aurait été la même.
Quand on la voit vaciller sur ses jambes, carrément faiblarde Nymphette et moi, on a le même réflexe.

- Woh doucement Flot ! T'as dû prendre un max de sang quand même...
- Ne fais pas de gestes brusques. On va désinfecter et recoudre, mais je pense qu'il va nous falloir te conduire à l'hopital.
- Noooon...pas le gros bocal de béton! Ils vont jamais me laisser sortir, comme pour Seiche !

Voilà...bienvenue dans ma vie où des gens s'appelle Flot ou Seiche… Jolhane me jette un coup d'œil indécis et je réfléchis aux possibilités. Rendez-moi ma petite sortie sympatoche et presque romantique quoi… Jamais on peut être tranquille dans cette ville et ses alentours...à moins de s'enfermer dans une chambre...et encore.

Franchement j'peux pas lui en vouloir de se méfier comme de la peste des hôpitaux. Moi-même j'y vais jamais, peu importe la blessure. J'ai une température corporelle trop élevée pour pas éveiller les soupçons des zigotos en blouses blanches. Pis avec les magouilles de l'ICV on est jamais trop prudent.

- Panique pas Flot. J'comprends va...on va trouver autre chose, d'accord. Nouveau gratouillement de tête pendant que je cogite. On va te retaper comme on peut ici d'accord ? J'ai le matos et tu vas avaler quelques antiseptiques au cas où. Mais va falloir que tu te reposes un peu. Donc reste dans les parages on repassera te voir dans quelques jours pour vérifier que la plaie s'infecte pas. Et si c'est le cas on fera appelle à quelqu'un de sûr pour te soigner ok ? Bon d'abord faut recoudre la fosse que t'as de le bide.

Avec Jolhane on prépare "l'opération" et j'lui glisse.

- Ciulin connaît sans doute des soigneurs plus sûrs que les médecins "classiques" non ?

On décide que c'est elle qui recoudra la plaie pendant que je l'éclairerai et essayerai d'occuper l'esprit de dame Baleine ailleurs. J'lui fait avaler un antidouleur et un antiseptique pendant que Nymphette s'occupe de la plaie. On lui demande de s'allonger sur son flanc intact pour que ça soit plus simple. J'braque ma lampe torche au bon endroit et du coup je commence mon blabla pour distraire notre patiente. J'suis fort en blabla mais c'est pas un scoop ça.

- J'suis toujours super équipé, que et commente avec un petit clin d'œil. Quand on aime la baston vaut mieux ! Comme toi j'suis pas fana des hôpitaux. Tu dois sûrement avoir la dalle ? Une fois qu'on a fini on retourna sur la plage. On a des trucs a grignoter s'tu veux...pour reprendre des forces. Meilleurs qu'un bout de bois normalement. C'était pas fait pour être bouffer à la base...j'explique ca avec un large sourire amusé. Il est arrivé quoi à ta pote Seiche exactement ?

- Panique pas Flot. J'comprends va...on va trouver autre chose, d'accord. La merrow hoche la tête, son immense regard bleu outremer humide de larmes retenues. On va te retaper comme on peut ici d'accord ? J'ai le matos et tu vas avaler quelques antiseptiques au cas où. Mais va falloir que tu te reposes un peu. Donc reste dans les parages on repassera te voir dans quelques jours pour vérifier que la plaie s'infecte pas. Et si c'est le cas on fera appelle à quelqu'un de sûr pour te soigner ok ? Bon d'abord faut recoudre la fosse que t'as de le bide.

Magni fait des promesses que Jolhane n'est pas certaine de vouloir tenir. Ils ne vont tout de même pas la laisser moisir ici avec le varech! La renarde se désinfecte les mains avec le tube de gel hydroalcoolique quand Magni lui souffle discrètement :

- Ciulin connaît sans doute des soigneurs plus sûrs que les médecins "classiques" non ?
- Son beau-frère! Celui qui a fait le baume que je t'ai appliqué... Je pense qu'il saurait quoi faire.... Je vais la recoudre et pendant que tu l'occupes, je vais sortir pour capter du réseau et appeler Ciulin.

Les deux "amis" reviennent à Flot et se penchent sur elle.

- J'suis toujours super équipé. Quand on aime la baston vaut mieux !
- Oh ? Vous êtes une sorte de pirate ? s'enquière-t-elle ingénument.
- Comme toi j'suis pas fana des hôpitaux.
- Je les déteste ! fulmine la sirène. Mamie Moby m'avait prévenue que les humains sont dangereux. Il faut les manger dès qu'on peut !
- Essaie de ne pas bouger, Flot.
- Tu dois sûrement avoir la dalle ? enchaine maladroitement le guerrier islandais. Une fois qu'on a fini on retourna sur la plage. On a des trucs a grignoter s'tu veux...pour reprendre des forces.
- Oh vouivouivoui! Ce serait chouette!
- Meilleurs qu'un bout de bois normalement. C'était pas fait pour être bouffer à la base...
- Oh... J'me disais aussi qu'ça avait un drôle de gout.
- Il est arrivé quoi à ta pote Seiche exactement ?
- Elle était toute chaude, et toute molle, comme si on l'avait cuite à l'étouffée. Les bains d'eau de mer lui faisait rien alors j'ai voulu la faire soigner. Je me suis rappelée des enseignements de Baudroie la Voyageuse. Elle raconte dans un de ses récits que les humains vont chez des guérisseurs dans des châteaux-bocaux qu'on appelle "hôpital". J'y ai emmené Seiche mais comme ils savaient pas mastiquer sa maladie, ben ils l'ont gardée en observation. Elle y est toujours....
- J'ai fini, déclare Jolhane en se redressant le front un peu luisant. Tu as la peau... sacrément épaisse. J'ai cassé une aiguille.
- Ah... voui. C'est robuste la couenne de baleine! glousse-t-elle en creusant ses joues rubicondes de fossettes.
- Je vais appeler Ciulin. Tu restes avec elle deux minutes ?

Jolhane sort à grandes enjambées après avoir gratifié son partenaire d'un bécot sur la tempe.

- Mais toi, Mani (elle prononce son prénom exactement comme Marnie le ferait, accentuant l'impression qu'elle est une très grande fillette) tu es quoi au juste ? Je n'arrive pas à savoir...... Fait-Flot, le front plissé d'incompréhension. Tu es un mâle humain. Tu ressembles en tous les cas.... Mais tu sens pas pareil !

La merrow papote avec une étonnante générosité. Elle s'avère franche, curieuse, bavarde et ne tarde pas à expliquer que Seiche et elle tiennent un petit commerce de fish&ships au bord de la plage. Les promeneurs aiment s'y arrêter pour déguster leur bonne cuisine.

- Mais je ne chante pas ! Il faut éviter, sinon la clientèle masculine ne se fidélise pas. Comprends-moi, Mani, j'aime bien chantonner en travaillant, ça rend la vie plus gaie ! Malheureusement, ça donne envie aux messieurs de se noyer...

Jolhane revient sur ses entrefaites le panier pique-nique dans une main, le téléphone dans l'autre.

- Ciulin a dit qu'iel nous envoyait quelqu'un immédiatem...[/i]

Un brassement d'air leur fouette le visage et balaie la grotte. Dans l'obscurité, on ne voit rien et Jolhane allume la lampe torche du téléphone pour chercher la source d'une telle manifestation.

[i]- On y voit goutte ici ! objecte une voix masculine au phrasé distingué et légèrement trainant des aristocrates. Un claquement se fait entendre et la cavité s'éclaire, la roche parsemée de champignons phosphorescents. Ah ! Voilà qui est mieux.

Un grand échalas aux cheveux blond lui balayant les épaules les salue d'une courbette gracieuse. Il a le visage d'une beauté angélique que seuls ses yeux protubérants empêchent d'être parfait. Affublé d'une tenue pour le moins chamarrée (un pantalon vert forêt, une chemise à gros motifs palmiers et un gilet jaune néon avec une ananas brodé sur la poitrine.), il ne porte pas de chaussures et s'avance vers eux les pieds parfaitement nus.

- Quel ravissement de me voir ainsi en compagnie si bigarée ! Une femme-renarde, un homme-ours et une demoiselle-poisson.
- Baleine... corrige Flot, avec naturel.
- Pardonnez ma muflerie ignorante, belle amie. Vous avez raison, vous méritez votre classement dans la branche des mammifères. Il est d'une inconvenance crasse de ma part d'avoir osé faire un amalgame aussi inconvenant. Je vous prie de bien vouloir m'en excuser. Mais, que voulez-vous, je suis étourdi du plaisir extatique d'être en présence de spécimens aussi rares que vous ! Oh ! J'allais oublier : Je suis Salomon Grass. Ciulin m'a fait part de votre embarras et je suis là pour vous prêter main forte... Enfin, "main verte" en l'occurrence!

Il se gausse tandis que Flot comme Jolhane lui adresse un regard ahuri.