Apparemment le reste de la nuit a été plus calme c’qui fait que je me réveille comme une fleur alors que le jour est bien levé. Les grasses mat’ que je me tape dans ce lit sont délicieuses. Enfin tout me parait mieux que me faire réveiller par les courbatures dans ma bagnole.
J’sens toujours le corps de Jolhane lové contre le mien et je souris alors même que j’ai pas les yeux ouverts. J’tourne la tête et ma bouche trouve son front. J’y dépose un baiser, encore tout ensommeillé.

J’vais pour bouger un peu quand je remarque soudain qu’on est manifestement pas que deux dans ce lit. J’baisse les yeux pour tomber sur un spectacle qui m’est maintenant familier. Marnie a trouvé son chemin jusqu’à sa bouillote officielle faut croire. Elle est à croquer. Littéralement. Doudou est de la partie, évidement. J’me sens pas en infériorité numérique comme ça…
Ma main vient distraitement jouer avec ses cheveux blonds alors que je relève la tête vers Jolhane.

- Je l'ai découverte comme ça à mon réveil. Je n'ose plus bouger depuis...
Elle a cette petite lueur dans les yeux absolument irrésistible elle aussi. Moi non plus j’ose pas bouger d’un millimètre. J’ose même plus respirer. Mais à peine réveillé et j’la dévore déjà des yeux.
- Il faut croire qu'on est deux à ne pas pouvoir se passer de notre bouillote pour dormir. La bataille va être serrée : Elle est beaucoup trop mignonne...
- Me demande surtout pas de choisir. J’en serai incapable…je chuchote à mon tour avec le plus grand sérieux avant de réussir deux trois reptations jusqu’à trouver sa bouche.

Je reconnecte soudain à la réalité et quelque chose dans la domesticité de ce réveil me fige. Je réalise soudain que c’est tout ce que j’ai toujours voulu au final. Cette scène-là. Une famille à moi. Tout ce que je désire et tout c’que je pourrais jamais avoir.
J’me sens un peu…ébranlé et je recule ma tête trop brusquement.
Marnie fronce le nez, s’étire et se blottit d’autant plus contre moi avant de se réveiller. Elle se redresse au bout de quelques secondes et frotte ses petits yeux. J’lui caresse doucement la tête en essayant de faire comme si j’avais pas un oursin au creux de la gorge.

- Hey poupette ! Bien dormie ?
Elle hoche la tête et grimpe jusqu’à mon cou pour notre câlin matinal. J’la serre contre moi avec un soupir.
- Bonjour Mani !
Par réflexe, elle gratifie Jolhane du même traitement et déclare :
- Z’ai faim !
Elle glisse jusqu’au pied du lit et nous abandonne tous les deux. J’en profite pour essayer de retrouver mes esprits et gratte nerveusement ma barbe.

- Je sais que techniquement notre deal ne tient plus, mais si tu veux, j’peux aller te chercher ton petit déj au lit ?

- Me demande surtout pas de choisir. J’en serai incapable…
- Je ne te le demande pas... ce serait forcément à mes dépends, s'amuse-t-elle.

Ce réveil est bien plus doux que le précédent. Jolhane se sent paresseusement alanguie et repue de sommeil. Ce dernier a été réparateur, ce qui n'a pas été le cas depuis longtemps. Et, plaisir indicible, elle a pu profiter du spectacle Magni assoupi en ouvrant les yeux. Il ronfle, effectivement, mais il a l'air si détendu et heureux quand il dort qu'il est tout pardonné. La jeune femme savoure aussi la présence d'une invitée impromptue. Marnie ne trouvant pas son "grand" doudou à l'endroit habituel, n'a pas pleuré cette fois. Elle est manifestement aller voir directement ici pour faire valoir ses droits sur l'islandais. C'est tellement mignon !

Pourtant, Magni semble soudain un peu chose et elle ignore d'où peut poindre ce trouble.

Marnie se redresse, échevelée et les paupières encore un peu collées. Elle distribue des câlins absolument craquants et décrète que son estomac a des exigences. Elle disparait comme elle est venue, en toute autonomie. Jolhane se mordille la lèvre et pouffe un peu une fois la gamine disparue.

- Je crois que le message est clair : tu lui appartiens mon cher ! Son rire est délicieusement mélodieux. Il se dissipe en observant Magni à nouveau. Tout va bien? demande-t-elle un peu inquiète.

Son index chemine sur l'arcade de sa pommette, bientôt rejoint par ses autres doigts pour une caresse tranquille. L'homme élude toute réponse.

- Je sais que techniquement notre deal ne tient plus, mais si tu veux, j’peux aller te chercher ton petit déj au lit ?
- C'est extrêmement tentant... Si tentant que je vais céder à cette proposition indécente. Elle l'expression d'une enfant dont l'imagination pétille comme les bulles d'un soda. Ce sera mon premier. Je n'ai jamais mangé dans mon lit!


Dans la cuisine, les autres occupants de la maisonnée on finit de manger depuis longtemps. Il est près de onze heure. Ryan continue de faire obstinément la vaisselle, dos tourné à Magni, quand ce dernier descend. Katie, assise à table avec une tasse de thé et quelque reliquat de tartines est visiblement la dernière à s'être levée. Elle surveille du coin de l'oeil William qui s'occupe avec beaucoup d'applications de verser des céréales dans le bol de sa petite soeur. Il a décidé qu'il était un homme maintenant -à sept ans- et qu'il devait subvenir aux besoins de sa cadette. Tyron trouve ça complétement con, mais une oeillade de Scott par dessus son écran a suffit à le faire grommeler ailleurs.

- 'lut, fait Scott en se balançant sur sa chaise, jouant à un puzzle visiblement complexe, son sabre en travers des cuisses.
- Salut Magni, alors c'est pas le pied un vrai lit ? fait Katie joyeusement.
- Céplu grand que le canapé, fait Marnie d'un ton docte. Mais y'a Doe dedans.
- Surement parce que c'est le lit de Doe.
- Ben pt'êt mais Mani c'est mon mien !
- Wow, tu commences super tôt poulette !
- Commencer quoi ? demande-t-elle sans comprendre.

William ne suit rien de la conversation, il est trop concentré sur le lait qu'il verse par dessus les céréales de Marnie.

- Voilà ! J'ai tout bien réussi ! fait-il fièrement en montrant le bol prêt à déborder, dans sa flaque blanche.
- Merci Wilam! La gosse oublie le sujet de la conversation et satisfait pleinement son appétit.
- Tu veux du café Magni ? demande Katie venue cueillir une éponge dans le dos de Ryan et en lui pinçant les fesses au passage. Ce dernier sursaute vivement.
- P'tain, tu fais chier! Il s'est retourné et sans y prendre garde et a croisé le regard du guerrier islandais. Il baisse aussi tôt les yeux, visage fermé et retourne astiquer des assiettes.

Scott se lève soudain en faisant claquer sa chaise.

- Venez bouffer dans le salon, qu'il ordonne sans un regard pour quiconque. Les deux petits le suivent sans poser de question, en file indienne comme des cannetons suivant leur mère à la marre.

Katie pose la cafetière pleine sur la table, puis, elle attrape sa tasse et tapote sur l'épaule de Magni.

- Ryan voudrait te dire un truc... Et elle les laisse tous les deux avec un petit sourire entendu.

Difficile de deviner la véracité de cette information étant donné la manière dont l'intéressé se tient obstinément coi. Puis, finalement, comme si la chose lui coutait un énorme effort, il retire ses gants en latex ménager et se retourne. Il se dandine et manque de son habituelle assurance.

-.... J'voulais m'excuser... qu'il fait le regard fuyant, franchement pas à l'aise. J'aurais pas dû.. fouiller. C'était naze.... J'ai pas à me mêler.. enfin de ça...

Elle a l’air si innocemment heureuse tout à coup que je regrette presque pas ma lâcheté habituelle qui m’a soufflé cette idée pour détourner la conversation sur des trucs plus légers. Et puis j’aurais pu répondre quoi ?

« Bah écoute vous avoir toutes les deux-là, dans ce petit moment tendre, me fait voir à quel point j’ai tout raté et que j’ai envie de vous adopter tous voire de te faire des bébés. »

Super.
Pas flippant du tout.
Pour elle comme pour moi.
De toute façon c’est que des pulsions passagères. Ça passera. J’ai bien réussi à faire comme si j’avais pas envie d’ça pendant des années…
J’dépose un dernier baiser sur son front et sourit devant son air de gamine ravie avant de me décider à me lever. J’fais un détour par la salle de bain pour récupérer un pantalon propre dans le coin où j’garde mes affaires mais reste torse nu parce qu’ils surchauffent dans cette baraque.

La cuisine est calme et chacun gosse semble occupé.
- Salut, les mômes, que je lance d’une voix guillerette.
- 'lut.
- Salut Magni, alors c'est pas le pied un vrai lit ?
- Carrément ! Merci de t’inquiétez de mes vieux os ma grande.
J’ébourriffe la tignasse de Tyron au passage.
- Céplu grand que le canapé. Mais y'a Doe dedans.
- Surement parce que c'est le lit de Doe.
- Ben pt'êt mais Mani c'est mon mien !
Attendri bien plus que j’le voudrais par cette revendication de ma personne, j’me penche vers Marnie et lui chatouille le cou avec ma barbe.
- Si j’suis ton « tien », t’es ma « mienne » poupette, c’est donnant-donnant.
- Wow, tu commences super tôt poulette !
- Commencer quoi ?
- A collectionner les ours, que je réponds en faisait les gros yeux à Katie. Bon allez, y’a une renarde affamée là-haut et j’lui ai promis un p’tit déj au lit.

J’attrape le grand plateau en bois et commence à y empiler ce que Jolhane a l’habitude de prendre au petit déj et puis quelques autres trucs. C’est l’occas de tester des nouveautés alors je rajoute du miel, du beurre et la confiote de prunes. Je commence à battre des œufs pendant que le pain grille quand William crie sa victoire.

- Voilà ! J'ai tout bien réussi!
- T’es un champion !
- Merci Wilam !
- Tu veux du café Magni ?
- P'tain, tu fais chier!
J’les observe tous les deux et leur manège m’amuse pas mal. Je croise le regard de Ryan. Je garde un visage fermé et je braque mes yeux dans les siens jusqu’à ce qu’il se détourne.
Non j’ai pas oublié, mon gars !
Je mets une poêle sur le feu et y verse les œufs battus.
- Ouais j’veux bien, Katie, merci.
Scott organise la retraire des p’tits pendant que Katie me tape sur l’épaule en m’apportant la cafetière.

- Ryan voudrait te dire un truc...
- Ah ouais ? que je lance en versant deux tasses.
Quand on est plus que tous les deux, j’m’adosse contre le plan de travail et sirote mon mug en le fixant en silence, l’expression toujours aussi neutre.

-.... J'voulais m'excuser... J'aurais pas dû.. fouiller. C'était naze.... J'ai pas à me mêler.. enfin de ça...
J’laisse le truc sortir sans intervenir. Ca a l’air assez douloureux comme ça pour lui… Ca serait mentir que de dire que je me délecte pas de la situation mais j’lui reconnait une maturité et un courage certain pour avoir oser présenter ses excuses à l'honni personnage que j’suis. J’bois une gorgée et le laisse un moment dans son malaise avant de le délivrer.

- Ouep. C’était franchement naze… et triste. Parce que tu sais clairement pas chercher…ou p’t-être que tu sais pas à quoi ça ressemble… J’comprends pourquoi tu l’as fait, mais comme tu l’as deviné tout seul, c’est pas tes oignons. Ca l’a foutu mal et ça m’a foutu mal. Maintenant si t’as un soucis avec moi, dis-moi quoi exactement parce que ça me fatigue un peu de t'voir bouder... Je m’occupe des œufs qui cuisent et finis par pousser un soupir. T’as de la chance que moi j’t’aime bien parce que j’peux être un poil revanchard tu vois. Mais du coup, la connerie d’hier soir c’est pardonné à une condition.

Je finis mes œufs brouillés et les mets sur le plateau qui commence à être un chouillat pantagruélique. Rien n’est trop beau pour ma Nymphette.

- Ma condition, c’est que j’ai besoin de ton aide pour préparer un truc. J’le regarde du coin de l’œil. J’veux faire une cérémonie à ma façon pour ceux qu’on pas pu réchapper au brouillard avec vous, les sept. J’vais en parler à Katie avant aussi. Mais il est temps que vous fassiez le deuil de ses gosses. Si mes mots sont bruts, j’essaie de parler d’une voix posée et douce. J’ai besoin de leur nom et de quelque chose qui les caractérisait.

- Ouep. C’était franchement naze… et triste. Parce que tu sais clairement pas chercher…ou p’t-être que tu sais pas à quoi ça ressemble…
- Vas te faire foutre ! Sérieux... tu peux pas juste te contenter d'accepter simplement mes excuses ?  bougonne Ryan, agacé que Magni en profite pour le chambrer.
-J’comprends pourquoi tu l’as fait, mais comme tu l’as deviné tout seul, c’est pas tes oignons. Le jeune homme grince contracte la mâchoire en croisant les bras. Ca l’a foutu mal et ça m’a foutu mal. Oeillade inquiète puis qui fuit vers le fond de l'évier. Ils sont trois à être mal depuis le début. Maintenant si t’as un soucis avec moi, dis-moi quoi exactement parce que ça me fatigue un peu de t'voir bouder...

Ryan ne répond pas, sourcil froncé, front buté.

- T’as de la chance que moi j’t’aime bien parce que j’peux être un poil revanchard tu vois. Mais du coup, la connerie d’hier soir c’est pardonné à une condition.
- Ouah! Grand seigneur le Magni. C'est quoi ton idée ? Me réduire à l'esclavage, t'apprendre des rudiments d'hygiène ou t'enseigner comment on coupe une barbe ?
- Ma condition, c’est que j’ai besoin de ton aide pour préparer un truc.
- .... Et c'est quoi ?
- J’veux faire une cérémonie à ma façon pour ceux qu’on pas pu réchapper au brouillard avec vous, les sept.
- J'te demande pardon ? Cette fois Ryan abandonne son expression renfrognée usuelle pour une bien plus interloquée.
- J’vais en parler à Katie avant aussi. Mais il est temps que vous fassiez le deuil de ces gosses. J’ai besoin de leurs noms et de quelque chose qui les caractérisait.

Là c'en est trop pour l'adolescent. Il se fend d'un ricanement aigre qui grince comme les gond d'une vieille porte.

- Voilà pourquoi j'peux pas te piffer. T'arrive, du jour au lendemain tu bouscules tout, tu changes tout et t'en a rien à foutre des dégâts que ça peut causer. T'es une putain de tornade armée de ses foutues bonnes intentions qui dégueulent de condescendance. Tu piges que dalle ! Absolument que dalle ! Il a les larmes aux yeux de colère ce qui est très inhabituel. Si t'étais un salopard, ce serait plus simple, mais t'es un mec bien et c'est ça le pire! juste tu t'en fous....

Ryan s'essuie dignement les yeux parce qu'il ne lui fera pas se plaisir de sangloter devant lui.

- J'veux pas pleurer les mort, sale con, j'veux les oublier ! A tout jamais ! Tu piges ça !?

Son père agonisant, transformé en monstre; La balle qu'il lui a collé entre les deux yeux; Ses potes qui ont disparu un à un.
Murielle.
D'un pas furieux, il se dirige vers la porte, offrant son dos à Magni, mais Katie apparait sur le seuil, lui bloquant toute retraite. Elle leur jette un regard alarmé.

- Ryan ? Qu'est-ce qu'il y a ?
- Pousse-toi Kat'.
- Non, dis-moi ce qu'il y a ?
- Pousse-toi j'te dis !
- Non, déclare-t-elle calmement en refermant la porte pour les isoler tous les trois. Ryan semble complétement désarmé devant elle. Parle-moi... Tu m'as promis que tu garderais pas les choses pour toi.
- Y.. Y veut qu'on chiale.... fait-il dans un hoquet, incapable de retenir plus longtemps ses glandes lacrymales. Katie l'enlace et caresse doucement ses boucles noires. Elle jette à l'islandais un regard de totale incompréhension.

Le grincement qu'est sensé être un rire me hérisse le poil. C’est pas un rire de gosse ça… trop plein de rancœur. J’me crispe involontairement.

- Voilà pourquoi j'peux pas te piffer. T'arrive, du jour au lendemain tu bouscules tout, tu changes tout et t'en a rien à foutre des dégâts que ça peut causer. T'es une putain de tornade armée de ses foutues bonnes intentions qui dégueulent de condescendance. Tu piges que dalle ! Absolument que dalle ! Si t'étais un salopard, ce serait plus simple, mais t'es un mec bien et c'est ça le pire! juste tu t'en fous....

Merde j’ai réussi à le faire chialer, j’vois ses yeux s’embuer. J’me veux un peu mais je garde mon expression neutre et le laisse vomir c’qu’il a sur le cœur. Faut que ça sorte. Même les pleurs. Même s’il me déteste après. Pas grave. J’suis rien pour lui de toute façon. Parce contre j’suis certain que pour avancer, ils en ont besoin. J’bougerais pas d’ça.

- T’as le droit de penser que j’suis qu’un con, mais crois pas que j’m’en fous. Au contraire. Si j’en avais rien à foutre, j’me ferai pas chier à provoquer conflits ou larmes. J’discuterai même pas avec vous et j'm'intéresserais pas vous.

Il s’essuie les yeux comme le gosse qu’il est encore au fond, malgré c’qu’il veut bien dire.

- J'veux pas pleurer les mort, sale con, j'veux les oublier ! A tout jamais ! Tu piges ça !?

J’vais pour répondre mais il s’enfuit déjà, heureusement bloqué par Katie.

- Ryan ? Qu'est-ce qu'il y a ?
- Pousse-toi Kat'.
- Non, dis-moi ce qu'il y a ?
- Pousse-toi j'te dis !
- Non. Parle-moi... Tu m'as promis que tu garderais pas les choses pour toi.
- Y… Y veut qu'on chiale...

J’me passe une main lasse sur le visage et capte le regard perdu de Katie. D’un geste j’lui indique de revenir vers la table et elle y guide un Ryan en plein craquage émotionnel. J’m’installe en face d’eux et pousse une boite de mouchoirs en face de l’adolescent. J’attends que la crise s’apaise, un nœud dans le ventre.

- Ecoutez tous les deux, z’êtes les plus âgés donc les plus à même de comprendre. Je sais que vous avez tous traversé deux années si horribles que j’arrive même pas à les imaginer. J’veux pas remuer la merde pour le plaisir. Et contrairement à c’que tu penses mon but est pas de vous faire mal ou de t’mettre dans c’t état. J’me tourne ensuite vers Katie pour lui expliquer le fond du problème. J’veux faire une cérémonie pour ceux qui sont par rentré avec vous. Je lève une main pour arrêter toute protestation. Et avant qu’on reparte dans le drame et la morve faut qu’vous compreniez pourquoi. J’les regarde tous les deux, tour à tour. Les morts ça s’oublient pas. C’est pas respectueux pour eux et c’est vous faire plus de mal qu’autre chose parce que le jour où ils ressortent du joli tapis ou vous les planquer vous les prenez en pleine gueule. Faut les pleurer, les célébrer et les laisser partir. Ca fait partie du deuil. Sans ça ils deviennent une putain de gangrène et ne provoquent que douleur et culpabilité quand on les évoque. J’veux le faire pour vous et pour Jolhane. Vous en avez besoin à mon avis. Pour tourner la page et redémarrer quelque chose plus sainement ici. Vous êtes plus dans le Brouillard, vous avez plus à être en mode survie, va falloir que vous songiez à panser vos blessures et à avancer.
J’sais bien que c’est brute de décoffrage. Désolé. J’suis comme ça. Mais j’le fais pas pour le plaisir sadique de vous voir chialer. L’idée vous plait pas ? J’le ferais quand même parce que c’étaient tous des putains de guerriers et que toute religion mise de côté, ils méritent qu’on leur rende hommage. C’est dans ma culture à moi. J’vous oblige pas à y assister mais vous connaissez mon avis sur la question.

Magni arbore un air sérieux que Katie ne lui a pas souvent vu. Elle décide de mener Ryan à la table des négociations, parce que c'était le but de cette conversation entre hommes sensée se terminer autrement qu'en nouvelle bataille rangée.

- Ecoutez tous les deux, z’êtes les plus âgés donc les plus à même de comprendre. Je sais que vous avez tous traversé deux années si horribles que j’arrive même pas à les imaginer. J’veux pas remuer la merde pour le plaisir. Et contrairement à c’que tu penses mon but est pas de vous faire mal ou de t’mettre dans c’t état.

Les deux adolescent écoutent, l'un regardant fixement ses genoux, l'autre tenant la main de son camarade sous la table.

- J’veux faire une cérémonie pour ceux qui sont par rentré avec vous.

Katie ouvre la bouche mais Magni la fait taire d'un geste et reprend la parole aussi vite.

-Et avant qu’on reparte dans le drame et la morve faut qu’vous compreniez pourquoi....Les morts ça s’oublient pas.
- Bien sûr que si, assure Ryan d'une voix rauque.
- C’est pas respectueux pour eux et c’est vous faire plus de mal qu’autre chose parce que le jour où ils ressortent du joli tapis ou vous les planquer vous les prenez en pleine gueule. Faut les pleurer, les célébrer et les laisser partir. Ca fait partie du deuil. Sans ça ils deviennent une putain de gangrène et ne provoquent que douleur et culpabilité quand on les évoque.
- Je suis certaine que tes intentions sont honorables, Magni, entame Katie, prudemment. Mais ta manière de faire est super abrupte. Et puis, je ne comprends pas pourquoi tu veux t'impliquer dans ce genre de... de démarche. T'étais pas là... C'était pas ton combat.
- J’veux le faire pour vous et pour Jolhane. Vous en avez besoin à mon avis. Pour tourner la page et redémarrer quelque chose plus sainement ici.
- C'est Jolhane qui a instauré cette loi du silence ! grince Ryan.
- Elle l'a fait pour nous protéger, pour qu'on ne regrette pas d'exterminer les gens que nous avions aimé, parce qu'il s'étaient transformés en monstres, explique sa comparse.
- Vous êtes plus dans le Brouillard, vous avez plus à être en mode survie, va falloir que vous songiez à panser vos blessures et à avancer.
- On avance... rétorque Katie. On a du mal à se réacclimater, mais on avance!.. On recule pas en tous les cas.
- J’sais bien que c’est brute de décoffrage. Désolé. J’suis comme ça. Mais j’le fais pas pour le plaisir sadique de vous voir chialer. L’idée vous plait pas ? J’le ferais quand même ....
- C'est nous que ça concerne, et tu te fous de notre avis sur la question! crache Ryan.
- Parce que c’étaient tous des putains de guerriers et que toutes religions mises de côté, ils méritent qu’on leur rende hommage. C’est dans ma culture à moi.
- Pas dans la nôtre !
- J’vous oblige pas à y assister mais vous connaissez mon avis sur la question.
- Tu nous imposes encore ta vision des choses ! Il est où le choix là dedans ?! Hein !
- Ryan, calme-toi ! Je pense que Magni n'a pas complétement tord.... temporise Katie.
- T'es de son côté maintenant ?!
- C'est... c'est pas ça.... Elle se dandine sur sa chaise. T'as pas envie de dire aurevoir correctement à Murielle ?

Son timbre vacille en prononçant ce prénom. Il a autant d'impact sur Ryan dont le visage se détricote à nouveau. Les larmes, muettes, sillonnent ses joues. Il les chasse d'une rebuffade sèche, il les gratte à s'esquinter la peau.

- Moi... Moi j'en ai besoin , fait-elle d'une toute petite voix. Et pour Chaitali, Trévor, Maria, Jack, Cherry et Arthur, aussi.

Les noms égrainés sur la table de la cuisine, achève Ryan, blanc comme un linge. Des noms interdits, imprononcés. Des noms qui reviennent brusquement à la réalité, qui revêt toute une verité tangible, concrète. Insupportable.
Ils sont morts.
Ils sont tous mort.

- Pour.... pour ton père aussi. Pour te pardonner.

Ryan retire brusquement la main de la sienne, mais ne cherche plus à s'enfuir. Il se ronge l'ongle du pouce à la place.

-... J'veux pas qu'on me pardonner, finit-il par avouer sans un souffle. J'peux pas m'pardonner....

L'adolescent dévore les peaux mortes de son doigt à s'en faire saigner.

- J’vous oblige pas à y assister mais vous connaissez mon avis sur la question.
- Tu nous imposes encore ta vision des choses ! Il est où le choix là dedans ?! Hein !
- Je vous impose rien, Ryan. J’ai dit que je le ferai et que t’es pas obligé de venir. C’est ça ton choix, affronter le truc ou remettre sous le tapis.
- Ryan, calme-toi ! Je pense que Magni n'a pas complétement tord...
- T'es de son côté maintenant ?!
- C'est... c'est pas ça... T'as pas envie de dire aurevoir correctement à Murielle ?

J’ai bien compris que pour convaincre Ryan, va falloir que je passe par Katie alors j’la laisse lui parler. J’suis sincère quand j’dis que le voir dans cet état me plait pas. C’est qu’un gamin putain de merde ! Un gamin qu’a dû tuer son propre père. Enfin son corps en tout cas.

- Moi... Moi j'en ai besoin. Et pour Chaitali, Trévor, Maria, Jack, Cherry et Arthur, aussi.

Les voilà. Les prénoms de ses fameux sept. Ils apparaissent tout de suite plus concrets, plus réel.

- Pour.... pour ton père aussi. Pour te pardonner.

La nervosité de Ryan est palpable et il s’en bouffe les doigts. Moi j’suis là comme un con dans leur cuisine, à moitié à poil pour pas changer, en train de piétiner le semblant d’équilibre qu’ils ont trouvé. Sauf que j’sais que c’est qu’une façade et qu’ils en ont tous gros sur le cœur. Je sais au fond de mes tripes qu’ils ont besoin de verbaliser et de laisser sortir tout ce qu’ils ont encaissé dans le Brouillard. Surtout les plus âgés.

-... J'veux pas qu'on me pardonner. J'peux pas m'pardonner....

Ah.
Le voilà le fond du problème.
Les mêmes mots. Le même mal. La culpabilité qui ronge et dévore.
J’me gratte la tignasse et jette un œil sur le plateau pour Nymphette. Elle doit se demander ce que je glande.

- Bien sûr que si t’y arrivera. Mais pour ça faut faire face, c’est la première étape. Le pardon ça se travaille… J’suis vraiment désolé d’vous bousculer comme ça. Seulement…j’marque un temps d’arrêt mais finis ma phrase comme elle voulait sortir à la base. Ca sert à rien de mentir … seulement j’vous aime bien les gosses. J’vois votre chagrin, j’vois la culpabilité dans vos yeux et je sais que ça s’effacera pas juste en faisant comme si rien c’était passé. J’suis p’t-être con mais j’suis un con qu’a des valeurs. On m’a appris que la famille ça se sert les coudes…ouais bon mon cas est un peu particulier… en m’acceptant dans votre maison, vous êtes entrés dans mon cercle et j’suis entré dans le vôtre que ça vous plaise ou pas, je lorgne Ryan avec un regard appuyé.

J’me lève parce que j’pense qu’ils ont des choses à se dire et qu’ils le feront mieux sans moi, sans compter que j’me sens un peu misérable de les mettre mal comme ça et que j’veux retrouver Jolhane. Avec un soupir, je mets les œufs froids dans une assiette que je réchauffe au micro-onde. Pas sûr que le résultat soit très probant mais les œufs froids c’est dégueulasse.

- Réfléchissez-y. C’est tout ce que je vous demande…

Le plateau prêt, j’les dévisage une dernière fois, le visage grave.

- …mais vous méritez un peu de paix. Vous me croyez p’t-être pas, là, tout de suite, mais j’vous assure que ça vous aidera. C’est tout ce que je veux.
J’leur offre un sourire désolé mais un regard déterminé avant de prendre le plateau et de quitter la pièce.

Je grimpe les marches le cœur lourd et pénètre finalement dans la chambre. J’ai sans doute les traits un peu tirés et l’air hagard, mais je fais l’effort de lui sourire plus largement.
- Le p’tit déj de madame est avancé ! Tu devineras jamais qui s'est excusé ce matin ! Désolé d’avoir été aussi long…y’a eu…des…complications…à cause de moi.
Parfois j’aimerais être capable de mentir, juste un peu. Mais j’peux pas. C’est plus fort que moi, la vérité finit toujours par sortir. Je dépose mon fardeau sur le lit devant elle et l’embrasse à pleine bouche. J’éprouve un mélange de culpabilité et de certitude que c’que je fais ne pourra que leur faire du bien. Mais j’ai peur soudain de sa réaction. Comme souvent, j’ai agi sur un coup de tête, suivant mon instinct. J’m’assois à ses côtés et passe une main dans ses longs cheveux clairs.
- C’qui s’est passé cette nuit…ça m’a donné une idée…pour essayer de…de vous aider à passer un cap. Tu sais qu’j’suis à moitié prêtre hein… j’voulais…j’veux organiser une cérémonie pour ceux qu’on pas pu sortir du Brouillard avec vous…pour leur offrir un adieu correct. Pour que vous puissiez leur dire au revoir.

Katie enrobe les épaules de Ryan avec douceur. Il y a entre eux une tendresse qui n'est pas tout à fait fraternelle. Sans doute qu'avoir aimé la même fille les a amenés à considérablement se rapprocher, communiant dans la peine et l'absence de cet autre. Lentement, la jeune fille lui retire ses pauvres doigts de la menace incisive de ses dents et éponge le faible écoulement de sang en le suçant elle-même.

- Bien sûr que si t’y arrivera. Mais pour ça faut faire face, c’est la première étape. Le pardon ça se travaille… J’suis vraiment désolé d’vous bousculer comme ça. Seulement…
- Seulement quoi....? Ryan darde sur lui un regard noir et hanté. Katie scrute Magni avec une expression navrée.
- Seulement j’vous aime bien les gosses. J’vois votre chagrin, j’vois la culpabilité dans vos yeux et je sais que ça s’effacera pas juste en faisant comme si rien c’était passé. J’suis p’t-être con mais j’suis un con qu’a des valeurs. On m’a appris que la famille ça se sert les coudes…

Ryan a envie de lui cracher qu'il n'appartient pas à cette famille, qu'il s'incruste ici comme un vieux chewing-gum dégeulasse, mais il est top fatiguer pour ergoter. Et puis, il sait au fond de lui que ça n'est pas vrai. Magni est l'un des leurs, que cela lui plaise ou non, il l'est depuis le premier jour. Que c'est agaçant de constater qu'il est si proche de Doe au point de la faire rire alors qu'en deux ans, lui-même n'a jamais pu.
L'adolescent se sent perdant sur tous les tableaux.
Putain de vie.

- En m’acceptant dans votre maison, vous êtes entrés dans mon cercle et j’suis entré dans le vôtre que ça vous plaise ou pas.

Katie attrape le poignet de Magni et lui sourit, avec une affection non feinte et beaucoup de chaleur.

- Tu fais partie de notre famille Magni et on tient à toi. Ryan le pense aussi. L'intéressé grogne et détourne ses yeux rougis, par pudeur extrême. Je sais qu'il le pense même s'il est de mauvaise foi et qu'il affirmera toujours le contraire. Laisse-nous juste un peu digérer ta proposition, ok ?
- Réfléchissez-y. C’est tout ce que je vous demande mais…
- on va le faire, c'est promis. Et en discuter avec le reste de la bande aussi : ça nous concerne tous.
-... vous méritez un peu de paix. Vous me croyez p’t-être pas, là, tout de suite, mais j’vous assure que ça vous aidera. C’est tout ce que je veux.
- Je sais... Je sais bien. Et elle ajoute avec un sourire piquant. File donc nourrir notre renarde nationale avant qu'elle ne crie famine.

Jolhane meurt de faim.
Elle n'a de cesse de se rouler dans les draps en cherchant l'assise la plus confortable pour manger dans son lit. Pour elle, c'est le summum de la paresse et de l'incongruité, et donc le synonyme d'un luxe qui lui est inconnu. Ghimbir et elle s'amuse très franchement à la perspective de répandre des miettes partout entre les couvertures.

"Il en met du temps..."
"Il est peut-être partie chasser ta pitance. Il y a toujours cette vieille gallinacée..."
"Laisse Miss Marple tranquille, Ghimbir, c'est la seule poule qui nous reste..."
La renarde grommelle dans un repli de synapse.

- Le p’tit déj de madame est avancé !

Magni parait sur le seuil, un plateau outrageux de victuailles dans les mains.

- Je comprends mieux le temps que tu as pris. Je ne savais pas que tu comptais aussi la part de l'ours et de Ghimbir! fait-elle en riant, avant de se rendre compte que quelque chose ne va pas. Elle tend la main vers lui pour la lui saisir. Magni, tu es... tout pâle.
-Tu devineras jamais qui s'est excusé ce matin ! Désolé d’avoir été aussi long…y’a eu…des…complications…à cause de moi.
- Que s'est-il passé ? demande-t-elle avec calme.
- C’qui s’est passé cette nuit…ça m’a donné une idée…pour essayer de…de vous aider à passer un cap. Tu sais qu’j’suis à moitié prêtre hein… j’voulais…j’veux organiser une cérémonie pour ceux qu’on pas pu sortir du Brouillard avec vous…pour leur offrir un adieu correct. Pour que vous puissiez leur dire au revoir.

L'information met un certain temps à infuser en elle. Elle est ballotée de sentiments contradictoires et pourtant, un seul prédomine distinctement. Son coeur s'étrangle et telle une orange mur, dégorge son jus à flots sucrés. Tout son être s'allume en domino, en guirlande solaire et douce. Cette émotion qui n'a pas de nom.
Pas encore.

- Oh... Magni, dit-elle soudain, la voix vibrante, C'est une.. une très belle idée. Elle embrasse cette mains égarée dans ses cheveux, en bénit chaque recoin de derme rugueux. Cet homme est bon. Profondément bon.

Et tant pis s'il rate ses œufs.

Who shall sing of me?
Or carry me to eternal sleep
When I head down Hel's long roads
and the paths I tread
are cold, oh
so cold

Ca fait six jours que j’ai lancé l’idée de cette cérémonie. Les gosses en ont sûrement déjà parlé mais j’connais pas encore leur réponse.
Celle de Jolhane m’a surprise, j’peux pas dire le contraire. J’pensais pas qu’elle serait aussi pleinement d’accord, qu’elle trouverait l’idée…bonne, tout connement. Ça a fait que renforcer ma détermination à aller jusqu’au bout. J’me suis aussi senti soulagé d’un coup. Après la réaction virulente de Ryan j’ai eu peur d’avoir merdé sur toute la ligne et d’avoir franchi une ligne qui m’était pas permise.
Je sais pas trop où me situer dans cette maison, ni comment ils le font de leur côté. Parfois j’me sens intégré comme l’un des leurs, comme faisant partie de leur petite bande, et puis parfois j’ai cette impression tenace d’être un intru que j’prends juste mes désirs d’appartenir à nouveau à une famille pour des réalités.

Du coup j’ai bien occupé ces six journées. J’ai débité du bois pour en faire des rondins plus ou moins réguliers que j’ai tiré jusqu’à une petite clairière pas très loin de la maison. Ça m’a pris quatre jours pour faire un bûcher correct. L’exercice physique est épuisant et j’m’écroule souvent le soir, m’endormant même pendant la veillée commune. Du coup les tentations avec Nymphette sont… restreintes, même si on continue à dormir ensemble, retrouvant parfois Marnie entre nous le matin. On se voit pas beaucoup non plus, chacun pris par des activités bien différentes c’qui nous empêche pas de trouver un coin tranquille de temps en temps pour se bécoter comme des gamins en manque. J’ose toujours pas de gestes trop équivoques devant les enfants, j’laisse Jolhane décidé du où et du quand par respect pour sa pudeur que moi j’ai carrément pas. Et puis ça m’évite quelques regards noirs de Ryan.

Mais quoi qu’on fasse, c’est jamais vraiment assez et j’ai toujours cette vieille frustration qui me ronge les os, jugulée uniquement par l’épuisement physique.

Depuis deux jours j’m’attèle à une autre tâche. Comme j’aurais pas de corps à brûler, j’ai décidé de sculpter des figurines de la taille de mon avant-bras à peu près. J’veux que la symbolique soit forte, peu importe le reste. J’suis plutôt habile de mes mains et j’ai réussi à leur donner une forme différente pour les garçons et les filles. J’en ai vaguement formé sept pour le moment. Et un homme en plus. Pour le père de Ryan, juste au cas où.

J’suis assis dans le jardin, à la fraîche, la journée est belle et j’ai vue sur la forêt. J’entends les gosses qui se chamaillent en jouant mais j’essaie de me concentrer sur le ciselage plus en finesse de mes sculptures, les narines gorgées du parfum du bois. L’exercice manuel est foutrement apaisant et j’prends mon travail très au sérieux. P’t-être que je fais tout ça pour rien… mais au moins Jolhane sera là. J’sais bien que ça résoudra pas tout, mais j’espère au moins que ça l’aidera un peu…
Va falloir que je retrouve mon habit de cérémonie… je sais même pas pourquoi j’ai pris c’truc dans mes affaires…ça m’a jamais passionné ce côté prêtre…faut croire que j’suis quand même attaché aux traditions. C’est mon p’tit papa qui serait content.
Aujourd’hui c’est l’anniversaire de mon frère…j’ai préparé une carte que j’ai pas encore eu l’occasion d’envoyer.

Lâche. Tu pourrais aussi essayer de l’appeler.
Naaan trop occupé.
Putain de couard.

J’suis un peu perdu dans mes pensées mais un parfum familier approche et j’peux pas le manquer. L’odeur se fixe. On s’est arrêté. La tête toujours penchée sur mon ouvrage, je souris.
- T’es pas obligée de te cacher… J’mords pas… enfin pour toi, j’veux bien faire une exception…

Son assentiment a changé quelque chose.
Elle même ne s'y était pas attendue. En d'autres temps, en d'autres circonstances, le concept lui aurait paru abscond et étranger. Simplement, la rencontre avec Magni a tout changé. Elle a changé. Libérer sa parole, peu à peu, morceau par morceau, lui fait prendre conscience de tout ce qu'elle garde muselé en elle, de tout ce qui bouillonne et pourrit.
Jolhane a fait la promesse à Magni de croire en cette nouvelle existence. Cela commencera par clore ce chapitre de sa courte histoire. Le tout premier.
Il y en aura d'autres.
Oui, il y en aura de nombreux.

Les Enfants se sont réunis en conciliabules et pour la première fois, ils ne l'ont pas conviée. Cela l'a déboussolée dans un premier temps, heurtée peut-être, mais une fois cet étrange sentiment irrationnel de rejet, elle a compris qu'que sa voix entrait en conflit d'intérêt.
Katie, Dairine, Declan et - à la surprise des autres- Tyron, se sont exprimés en faveur de l'initiative de Magni. Egal à lui même Scott a fait valoir sa neutralité totale sur le sujet. William et Marnie n'ont pas tout compris. Neve et Norah se sont disputées parce qu'elle n'étaient pas parfaitement d'accord, puis, on tranché en faveur de la veillée funèbre à condition qu'elle puisse s'habiller de manière spéciale pour l'occasion.

Ryan n'a pas pris part au débat.

Il se fait distant.
Pas seulement avec Jolhane, Katie et Squirrel en fond également les frais. Mutique et ombrageux, il évite le contact avec les autres, obligeant Scott à prendre le relais dans le rôle de grand frère attitré. (tâche qui le fait royalement suer mais dont il s'acquitte de manière exemplaire.) Ryan disparait en longue promenades, fusil sur l'épaule. Parfois, on l'entend tirer sur des boites de conserve, derrière la remise. L'impacte de son comportement sur Katie est incommensurable. Elle dort peu, recommence à chaparder au sein même de la maison, incapable de juguler son stress sans lui. Jolhane écope donc de la lourde responsabilité de la rassurer. Elle qui répugnait au contact c'est ouverte peu à peu au bienfait des démonstrations ouvertes d'affection. Ainsi, elle absorbe un peu du trop plein de l'éponge émotionnelle qu'est Katie.

Magni est dévolu à sa tâche et jamais Jolhane ne l'a vu si concentré. Elle l'observe à la dérobée, souvent, lorsqu'il coupe du bois ou sculpte celui-ci. Elle aime le voir dans ces activité créatrices et concrètes lui qui, il n'y a guère de temps, se considérait uniquement comme un destructeur. Magni est beau à l'ouvrage et les enfants surprennent souvent la jeune femme à sourire, pour rien, alors que son regard vagabonde à la recherche de la silhouette besogneuse du guerrier. Bien qu'exténué, elle a plaisir à accueillir l'homme dans son lit, à l'entendre ronfler pesamment, à s'abandonner au repos dans ses bras. Ce sont les meilleures nuits de sa vie.
Evidemment, la frustration est toujours là, latente, tapie dans l'ombre de chacun de leurs baisers, à l'affût de la moindre caresse qui dérape. Dans ces moment terribles, elle se promet que lorsque l'Ours sera enfin apaisé, elle lui fera l'amour jusqu'à ce qu'il s'évanouisse de satisfaction.


Un matin, alors que Jolhane le soupçonne de s'être levé une nouvelle fois aux aurores pour s'adonner aux préparatifs de sa cérémonie, et qu'elle lui mène une tasse de café, elle surprend Ryan en train d'observer Magni. Il l'espionne, à couvert et l'abri de tout vent qui pourrait colporter son odeur. Curieuse et vaguement inquiète, elle se cache pour mieux surveiller la suite des évènements. Ryan n'a pas dormi dans on lit, cette nuit. Il porte encore les trace d'humus et de terre des racines où il s'est assoupi, fusil entre les bras. Finalement Ryan s'extirpe de sa planque et approche de l'islandais.

- T’es pas obligée de te cacher… J’mords pas… enfin pour toi, j’veux bien faire une exception…
- Garde tes délires sado pour Doe. Chuis pas intéressé.

Le jeune homme a le regard bordé de cernes sombres et le teint gris de ceux qui ne dorment pas assez. Son fusil trône toujours sur l'épaule, en bandoulière. Un silence tendu s'installe. Finalement Ryan vient s'asseoir à côté de Magni et désigne d'un coup de menton bref, les statuettes de bois à moitié sculptées.

- C'est quoi ça ? Son ton n'est pas véhément, juste épuisé, vidé de son suc et de son sel.

- T’es pas obligée de te cacher… J’mords pas… enfin pour toi, j’veux bien faire une exception…
- Garde tes délires sado pour Doe. Chuis pas intéressé.
Tiens, tiens, j’lai pas senti approché le p’tit rusé. Contre le vent hein.
- Faut apprendre à te détendre mon gars…c’est ce qu’on appelle une blague, une raillerie… j’te charrie quoi…

Je jette un coup d’œil derrière mon épaule mais à priori, Nymphette préfère rester cachée. J’reporte donc mon attention sur l’ado fuyant. J’ai remarqué son petit manège depuis que j’ai annoncé ma décision. Il a besoin de solitude, sauf que ça met Katie dans un état pas possible. Quoi qu’il fasse de ses journées en solitaire, j’espère que ça l’aide et qu’il va vite retrouver une attitude normale avec elle.

Quelque part, j’sais qu’il est comme ça à cause de moi. J’l’ai poussé sur le chemin alors qu’il a rien demandé et qu’il est pas prêt. Mais il y est maintenant…
Il a le visage ravagé par la fatigue et lâche presque jamais son fusil. J’me demande si j’dois m’en inquiéter. J’le dévisage un moment avant de reprendre mon ouvrage.

- T’as une sale gueule. J’connais des plantes si t’as besoin d’aide pour dormir. Ça peut aider.

Evidemment il fait comme si j’ai rien dit. J’commence à penser qu’il acceptera jamais ma main tendue. Quoique…il est là après tout. Il a fait un pas. J’sais juste pas encore pourquoi. Le silence qui s’installe n’est entrecoupé que par ma lame qui racle régulièrement le bois.

- C'est quoi ça ?

Il à l’air à plat le môme. Littéralement. Comme si on a aspiré toute son énergie pour le laisser à sec.

- Des figurines. C’est assez grossier mais ça fera l’affaire. Ça… c’est censé représenter leurs corps. A défaut d’autre chose. C’est pour ça que j’aurais aimé savoir si y’avait un truc qui les représentait, une couleur, un objet…peu importe, quelque chose pour les rendre moins anonyme que j’aurais ajouté. Mais ça ira comme ça aussi. Je frotte ma sculpture pour en retirer les sciures qui s’accumulent entre mes jambes. J’irai les déposer sur le bûcher là-bas. Je désigne la forêt du menton vers la petite clairière. T’as pas pu le louper vu que tu passes ta vie là-dedans. On les brûlera, on enterrera les restes et on formera un tumulus pour chacun. Ça fait comme une tombe rudimentaire. C’est comme ça qu’on fait chez moi. Enfin j’te dis tout ça, mais j’sais pas si t’en a quelque chose à foutre.
Vous avez déjà décidé d’un truc, les mômes et toi ? J’me tourne vers lui. Vous viendrez ? Si j’avance bien, j’aurais sans doute fini demain.

Pris d’une impulsion subite, j’ramasse la sculpture que j’avais réservée pour représenter son père et la lui tend avec mon couteau.
- Tu veux essayer ?

- Des figurines. C’est assez grossier mais ça fera l’affaire. Ça… c’est censé représenter leurs corps.
- Ces bites en bois là ?
- A défaut d’autre chose. C’est pour ça que j’aurais aimé savoir si y’avait un truc qui les représentait, une couleur, un objet…peu importe, quelque chose pour les rendre moins anonyme que j’aurais ajouté. Mais ça ira comme ça aussi.

Ryan demeure silencieux, comme s'il tentait de rester à la surface d'une mer tumultueuse qui chercherait coute que coute à le noyer.

-J’irai les déposer sur le bûcher là-bas. T’as pas pu le louper vu que tu passes ta vie là-dedans.
- Effectivement, je me demandais ce que tu foutais à jouer aux bucherons alors que l'hivers est sur la fin... commente-t-il d'une voix atone.
- On les brûlera, on enterrera les restes et on formera un tumulus pour chacun. Ça fait comme une tombe rudimentaire. C’est comme ça qu’on fait chez moi. Enfin j’te dis tout ça, mais j’sais pas si t’en a quelque chose à foutre.

Ryan ne prend pas la peine de répondre à la pique. La perche était pourtant belle. Il ne dispose même pas d'assez d'énergie pour avoir envie de le chambrer.

- Vous avez déjà décidé d’un truc, les mômes et toi ? Vous viendrez ? Si j’avance bien, j’aurais sans doute fini demain.
- ..... J'en sais rien. Finit-il par avouer. J'ai pas pris part à la discussion.

Silence. L'adolescent se gratte machinalement le nez.

- Vue le ramdam que font les Ninies pour se coudre des "petites robes noires", je suppose que la réponse est "oui".
- Tu veux essayer ?

Ryan le dévisage, quelque peu surpris, mais avec une nuance d'autre chose dans le regard, difficile à déterminer. Il louche sur le rondin de bois et le couteau, puis finalement les prend en mains. Il soupèse la figurine anonyme, songeur.

- Pourquoi y'en a huit ? fait-il en fronçant les sourcils. T'es nul en math ?

La tentative de vanne est laborieuse mais dénote d'un petit regain d'humour non négligeable. Ryan se fend d'un expression plus juvénile, de cet enfant perdu sous les croutes pas encore cicatrisées de l'homme adulte.

- Comment on fait ? questionne-t-il humblement, toute trace de morgue ayant disparu.

Une fois que Magni lui montre les bons gestes, après un temps à s'acharner, concentré sur le bois, Ryan reprend lentement la parole.

- Trevor était un gros lard qui portait toujours un vieux kigurumi pikachu. Il en avait rien à foutre d'être ridicule dans son pyjama-combi intégral. Pour lui c'était une armure de guerrier, sa revendication d'être un geek fier. Il était persuadé que ça le sauverait en cas d'apocalypse, ce qui n'a pas été complétement faux. Il blaguait tout le temps avec un humour super référencé. Y'avait que Scott qui pigeait ses blagues et arrivait à en rire.
Chaitali s'était la seule fille d'une putain de fratrie de trouzemille mecs. Ses parents tenaient un restau indien. J'allais y bouffer de temps en temps avec mon père. Elle était hyper douée au rugby alors qu'elle avait une carrure d'anguille. Un vrai mystère de la nature cette meuf.
Maria chantait dans la chorale. C'était un putain de cliché de bourgeasse catho, fille de médecin, intello-prout-prout... Et en fait... En fait elle adorait faire des blagues de cul et parler grossièrement. Elle était super inventive aussi. Plus d'une fois elle nous a sorti de la panade avec une bonne idée auquel personne n'avait pensé. Le coup de chopper un bus s'était son idée.
J'connaissais pas très bien Cherry. Elle était hyper discrète. Mais chais que les plus petits appréciaient écouter ses histoires et j'dois avouer que c'était vraiment une bonne conteuse.
Jack s'était le leadeur des plus petits. Il formait avec Tyron et Arthur un petit trio de terreurs que William et Marnie suivaient comme un seul homme. J'ai jamais vu un gamin magner une batte avec autant de violence. Parfois il était flippant... Arthur était plus tempéré, il avait des lunettes et, détail amusant, c'était le souffre douleur de Jack et Tyron avant que le Brouillard ne tombe. J'me souviens pas comment ils sont devenus potes, juste que quand c'est arrivé, ils se sont plus jamais quittés.
Et puis... y'avait Murielle.

Ryan marque une longue pause, seulement rythmée par les copeaux de bois se détachant de la buche.

- Katie et moi, on est voisins depuis aussi loin que je me souvienne. On a toujours été ensemble, on étaient en compétition pour n'importe quoi. J'imagine que s'était fatal qu'on tombe amoureux de la même nana. Murielle était pas une beauté  au sens de maintenant : c'était une rouquine toute potelée avec de grands yeux noisettes. Mais sa présence était... juste lumineuse. Elle éclairait une pièce à elle toute seule avec son rire. Tu l'aurais vu rire, j'pense, t'aurais adoré. Elle était un peu comme toi  : franche du collier, jamais à s'embarrasser de gêne ou de pudeur. Elle était incroyablement résiliente..... Son sourire flotte, un peu lointain, un peu triste. J'ai su que j'aurais jamais une chance de lui arriver à la cheville. J'ai laissé Katie prendre toute la place. Me suis contenté de vivre leur relation amoureuse par procuration.

Le silence s'abat à nouveau. Morne.

- Ca t'aide, ça ?... Quitte à leur tailler une effigie, autant que ce soit vraiment eux. conclue-t-il.

J'suis assez surpris qu'il accepte ma proposition mais sourit avec un semblant de fierté. J'sais même pas pourquoi.

- Pourquoi y'en a huit ? T'es nul en math ?

La blague est naze mais je ricane quand même. S'il me chambre c'est plutot bien signe et j'préfère ça plutôt que les insultes.

- Évidemment que j'suis nul en maths comme partout d'ailleurs, non ? J'viens d'une famille de consanguins t'sais... Je reprends un semblant de sérieux. J'en ai juste faite une en plus...au cas où quelqu'un voudrait rajouter une personne. J'lui coule un regard en coin.

- Comment on fait ?

Y'a pas une once d'ironie ou de sarcasme dans sa demande, juste de la curiosité comme seuls les enfants savent en montrer. J'lui montre le geste régulier à faire, comment pratiquer les arrondis et tailler sans se faire mal.

- C'est mon grand-père qui m'a appris. Il était toujours fourré avec un morceau de bois dans les mains. Faut imaginer un espèce de colosse chauve à barbe blanche, assis sur un tronc et qui fumait tellement la pipe qu'il était toujours entouré de fumée. Quand j'étais gosse il me foutait une trouille d'enfer. On aurait dit un géant entouré de nuages. C'était pas un très bon grand-père mais c'était un bon sculpteur. Il a essayé de me transmettre le truc mais l'était pas fin pédagogue le papy. J'me suis accroché parce que j'trouve ça...apaisant et puis c'est chouette de ce dire que mes mains sont pas faites que pour détruire et tuer.

L'adolescent se concentre et j'surveille ses gestes pour éviter les accidents mais il a la main assurée et le geste prudent. Du coup j'empoigne un autre couteau et m'active à mon tour sur la poupée garçon sur laquelle je tente un Pikachu aux joues rouges.

- Tu t'en sors pas mal. Mais force pas autant. C'est plus comme une caresse avec la lame. Là ! C'est mieux...

Il finit par me parler des gosses. Lentement et j'l'interromps pas. J'me contente d'enregistrer les infos utiles pour mes poupées de bois.

- Et puis... y'avait Murielle...

La pause est si longue que pendant un temps j'ai cru qu'y continuerait pas. Du coup j'le relance avec un question que j'pose à voix basse...comme un souffle.

- Tu l'aimais aussi hein…?

Faut pas être fin psychologue pour voir qu'il y tenait aussi à cette nana.

- Katie et moi, on est voisins depuis aussi loin que je me souvienne. On a toujours été ensemble, on étaient en compétition pour n'importe quoi. J'imagine que s'était fatal qu'on tombe amoureux de la même nana. Murielle était pas une beauté au sens de maintenant : c'était une rouquine toute potelée avec de grands yeux noisettes. Mais sa présence était... juste lumineuse. Elle éclairait une pièce à elle toute seule avec son rire. Tu l'aurais vu rire, j'pense, t'aurais adoré. Elle était un peu comme toi : franche du collier, jamais à s'embarrasser de gêne ou de pudeur. Elle était incroyablement résiliente… J'ai su que j'aurais jamais une chance de lui arriver à la cheville. J'ai laissé Katie prendre toute la place. Me suis contenté de vivre leur relation amoureuse par procuration.

Putain de merde.
Ce gosse a vécu deux ou trois tragédies shakespearienne en moins de dix-huit ans d'existence...

- Ca t'aide, ça ?... Quitte à leur tailler une effigie, autant que ce soit vraiment eux.

J'déglutit pour faire passer la boule que j'ai dans la gorge et tapote son épaule par réflexe sans réfléchir à comment sera accueillit mon geste de compassion instinctif.

- Ouais ça m'aide. Ca m'aide beaucoup, merci.

Le silence nous englobe à nouveau et j'ai réussi à dessiner les contours du Pokemon infernal. J'mets la figurine à bout de bras et sourit. C'est pas mal.

- J'aurais aimé les rencontré. Faut croire que c'était pas écrit. J'vais pas te servir des conneries niaises à base de "ils sont dans un monde meilleur" ou autre bondieuseries parce que j'en sais foutrement rien. Mais tant que tu penseras à eux, ils seront pas tout a fait parti. C'est pour ça qu'il faut se souvenir. Ils feront partis de toi… Murielle t'a peut-être pas choisi mais elle restera ton premier amour. Ca s'efface pas et ça appartient qu'à toi.
Bon après on en fait tout un plat mais pour avoir épousé le mien, j'peux te dire que c'est vachement surfait. J'ai pas eu le droit à des "et ils vécurent heureux et eurent de beaux enfants". C'est même carrément l'inverse.

Je souris plus largement et tourne la tête vers lui.

- Et donc Murielle était un peu comme moi hein ? C'est pour ça que t'es si fan de moi j'parie… tombe pas amoureux j'suis plutôt branché nana, genre entre le blond et le roux qui a tendance à mâchouiller ses cheveux ou sa lèvre.
Je ricane dans ma barbe. J'suis sûr qu'elle m'a entendu.
- Mais t'en fais pas t'es plutôt beau gosse dans le genre renfrogné et p'tit con, tu finiras par quitter le banc des remplaçants. Enfin pour ça, va peut-être falloir commencer par essayer de te mêler aux gens et par laisser ton fusil de côté temps en temps. Tu peux même commencer tout de suite par revenir à la maison...ça calmerait Katie et ça évitera à Scott de buter un des p'tits. T'as peut-être pas de poils au menton mais ça reste toi le grand frère de toute la bande. Sacrée responsabilité, hein. Mais si tu vas pas bien c'est tout l'équilibre de ta famille qui part en sucette. Tout le monde a compris que t'avais besoin de temps pour toi mais tu leur manques.

La poigne ferme et bourrue de Magni bouscule l'assise de son jeune comparse. Le gosse est toute en longueurs noueuses, poussées trop vite. Une liane.

- Ouais ça m'aide. Ca m'aide beaucoup, merci.

Ryan semble satisfait de cette réponse et reporte toute son attention sur la taille du bois. Il se montre appliqué et précis, comme lorsqu'il taille une barbe, comme dans tout ce qu'il fait. A croire qu'il ne peut pas se contenter de moins que l'excellence. Katie l'a surnommé "Control Freak" quand il l'a baptisé "Clépto". L'amour vache. L'amour tout court.

- J'aurais aimé les rencontré. Faut croire que c'était pas écrit.
- Faut croire.
- J'vais pas te servir des conneries niaises à base de "ils sont dans un monde meilleur" ou autre bondieuseries parce que j'en sais foutrement rien. Mais tant que tu penseras à eux, ils seront pas tout a fait parti. C'est pour ça qu'il faut se souvenir. Ils feront partis de toi… Murielle t'a peut-être pas choisi mais elle restera ton premier amour. Ca s'efface pas et ça appartient qu'à toi.

Ryan a un petit rire épuisé. Un grincement donc.

- Prêtre, poète et chasseur... bientôt tu m'diras que t'es astronaute.
- Bon après on en fait tout un plat mais pour avoir épousé le mien, j'peux te dire que c'est vachement surfait. J'ai pas eu le droit à des "et ils vécurent heureux et eurent de beaux enfants". C'est même carrément l'inverse.
- Et maintenant tu va épouser Doe ?
- Et donc Murielle était un peu comme moi hein ?
- Tu s'rais pas en train de botter en touche ? fait le gamin avec un sourire de fouine.
- C'est pour ça que t'es si fan de moi j'parie… tombe pas amoureux j'suis plutôt branché nana, genre entre le blond et le roux qui a tendance à mâchouiller ses cheveux ou sa lèvre.
- Donc, t'es amoureux d'elle ? insiste Ryan. Magni ne semble toujours pas vouloir lui livrer la réponse.
-Mais t'en fais pas t'es plutôt beau gosse dans le genre renfrogné et p'tit con !
- Mais va crever....!
- Tu finiras par quitter le banc des remplaçants. Enfin pour ça, va peut-être falloir commencer par essayer de te mêler aux gens et par laisser ton fusil de côté temps en temps.
- Je rêve où tu me refourgues ton vieux discours de daron sur la drague ? Dans cinq minutes on aborde le chapitre des capotes, c'est ça ? Je passe mon tour, merci...
-Tu peux même commencer tout de suite par revenir à la maison...

Le visage de Ryan perd ses atours d'hilarité fantomatique. Son expression s'affaisse. Il avait presque réussi à se détendre. C'est con.

-...ça calmerait Katie et ça évitera à Scott de buter un des p'tits.
- Ils survivent très bien sans moi.
- T'as peut-être pas de poils au menton mais ça reste toi le grand frère de toute la bande. Sacrée responsabilité, hein. Mais si tu vas pas bien c'est tout l'équilibre de ta famille qui part en sucette. Tout le monde a compris que t'avais besoin de temps pour toi mais tu leur manques.

Il secoue la tête à la négative. Ses prunelles s'égarent, loin, sous la cime des arbres feuillus.

- Je devrais même pas être là, en vrai. Vivant, j'veux dire. J'ai eu l'occasion de mourir tellement de fois... J'en ai même eu super envie, mais je suis toujours là. Son expression d'incompréhension est poignante. Il tourne la tête vers Magni. Pourquoi ? Ca n'a aucun sens. Ils étaient tous tellement plus méritants et surtout, eux, ils savaient quoi en foutre de leur vie.

Long silence.

- Avant, Doe et moi on étaient paumés pareils. C'était le bordel mais on étaient deux. Et puis t'es arrivé.... Maintenant je suis paumé tout seul. Rictus tragique. C'est pas que j't'aime pas, mec, c'est qu'un peu comme avec Murielle, je m'sens juste merdique et pas à la hauteur... Tu prends vachement de place et moi j'ai l'habitude de céder la mienne.

- Je devrais même pas être là, en vrai. Vivant, j'veux dire. J'ai eu l'occasion de mourir tellement de fois... J'en ai même eu super envie, mais je suis toujours là.

Il me regarde comme un chiot perdu, à la dérive totale. J'aimerais lui donner une explication rationnelle. J'aimerais avoir les mots mais j'les ai pas.

- Pourquoi ? Ca n'a aucun sens. Ils étaient tous tellement plus méritants et surtout, eux, ils savaient quoi en foutre de leur vie.

J'émets un grincement de ma composition.
- Si tu t'mets à chercher un sens à la vie, t'es pas rendu… y'en a pas. Tu nais, tu vis, tu souffres, tu ris, tu pleures et tu meurs. Point. Y'avait pas forcément de grand projet dans la  balance et ça se joue pas au mérite.
Je caresse du pouce le bois lissé par mes soins.
Mon grand frère...il est pas comme les autres. Certains disent qu'il a un pet au casque moi j'pense juste qu'il voit le monde à sa manière. Il se pose pas de question sur son utilité. Il se contente d'exister et il en est foutrement heureux. Il sera jamais capable d'accomplir quoique ce soit d'utile et il restera une charge. Son avenir c'est juste demain. Le reste...tu crois qu'il mérite pas de vivre ? Tu te fous trop la pression. Le fameux syndrome du survivant. Ca c'est pas des conneries par contre. Et si t'essayais de voir les choses différemment. A la place d'essayer de vivre à leur dépend pourquoi tu essaierais pas de vivre pour eux ? Juste une suggestion t'en fais c'que tu veux.
- Avant, Doe et moi on étaient paumés pareils. C'était le bordel mais on étaient deux. Et puis t'es arrivé.... Maintenant je suis paumé tout seul. C'est pas que j't'aime pas, mec, c'est qu'un peu comme avec Murielle, je m'sens juste merdique et pas à la hauteur... Tu prends vachement de place et moi j'ai l'habitude de céder la mienne.

Je reste silencieux de longues secondes...un peu ébahi par sa confession. J'voulais pas...j'pensais pas que c'était ça qu'il ressentait…

- Tu sais pourquoi j'suis venu dans cette ville à la base ? J'avais entendu parler du Brouillard et j'voulais y entrer. Je savais que j'en ressortirai pas vivant...mais l'Ours non plus. C'est comme ça que j'voulais partir. Histoire de faire de mal à personne d'innocent. J'sentais que j'étais sur la fin de ce que j'pouvais contrôler… et puis j'ai rencontré Jolhane...et vous tous… et j'ai eu l'impression d'avoir trouvé quelque chose pour laquelle j'avais une bonne raison d'essayer de me battre encore. Si j'prends de la place c'est parce que je sais pas si j'en aurais encore beaucoup longtemps et j'suis désolé que ca t'affecte. J'ai l'impression d'avoir eu le droit à un sursis...une dernière chance...un peu comme vous. Et ca j'vous le dois. C'est pour ça que j'm'accroche comme une sangsue. Vous êtes ma bouée de sauvetage.

J'me rends compte à quel point j'me suis imposé dans leurs vies à tous. Va peut-être falloir que je fasse une pause. Même si ça m'enchante pas. J'me tourne vers lui et plante mes yeux dans les siens.

- Après la cérémonie, j'vais partir quelques jours en chasse...vous laisser un peu d'air à tous. Mais toi...toi mon gars va falloir que t'arrêtes de définir ta vie par rapport aux autres. Et puis pas à la hauteur de quoi ? De la vie ? Gros scoop elle s'en balance complètement. T'as la chance d'être entouré par des gens qui veulent que ton bien. Te ferme pas à eux sous prétexte que t'es pas assez. Ils s'en cognent. T'es paumé et tu sais pas quoi faire ? Comme 80% des gosses de ton âge. Alors respire un coup, accepte de l'aide quand t'en as besoin...et si jte bouffe de l'espace et que ça temmerde vient me l'dire plutôt que de bouder. Les gens sont pas dans ta tête Ryan. Si moi j'communique trop toi c'est carrément l'inverse...

- Tu sais pourquoi j'suis venu dans cette ville à la base ?
- Non..?

Au tour de Magni de faire des confessions. Ryan l'écoute, étonné qu'un homme aussi ouvertement jovial et sans-gêne, puisse être venu dans cette partie du monde dans l'idée d'en finir. L'adolescent réalise que les envies suicidaires ne font aucune distinction parmi les gens. Magni souffre d'une manière différente de la sienne, mais, souffre quand même. Appuyer sur le bouton "arrêt" lui a paru aussi séduisant qu'à lui.

-Si j'prends de la place c'est parce que je sais pas si j'en aurais encore beaucoup pour longtemps et j'suis désolé que ca t'affecte. J'ai l'impression d'avoir eu le droit à un sursis...une dernière chance...un peu comme vous. Et ca j'vous le dois. C'est pour ça que j'm'accroche comme une sangsue. Vous êtes ma bouée de sauvetage.

Ryan médite les paroles de l'islandais. Il a cessé de sculpter.

- Pas que "Jolhane" alors... Il n'use pas beaucoup de ce prénom, ou alors de manière péjorative. C'est la première fois que son emploi n'a aucune connotation désagréable. Je vois...

Il reprend le lent travail du bois. Il ne sait même pas ce qu'il sculpte. Il se contente d'essayer que ça ait l'air vaguement humain. C'est d'une laideur absolue.

- Après la cérémonie, j'vais partir quelques jours en chasse...vous laisser un peu d'air à tous.
- Ce serait complétement con de partir, vu ce que tu viens de me balancer. Si t'as besoin de nous à ce point, te barre pas de cette maison. T'es pas responsable de mon mal être et de mon estime de moi pourrie. C'est toujours plus facile de te désigner comme coupable. Mais honnêtement, dit-il d'une voix lasse. J'en ai marre d'aller à contre-courant. Ils te kiffent tous dans cette barraque. J'ai jamais vu quelqu'un être adopté aussi vite dans la bande et je peux pas nier qu'ils vont tous un peu mieux depuis ton arrivée. Toi, tu le vois peut-être pas, mais moi j'en suis témoin. Une part de moi est frustré d'avoir échoué là où toi t'as su faire juste en claquant des doigts. Si y a un gus qui doit se casser, ce devrait être moi. Chuis pas à la hauteur...qu'il réitère.
- Mais toi...toi mon gars va falloir que t'arrêtes de définir ta vie par rapport aux autres. Et puis pas à la hauteur de quoi ? De la vie ? Gros scoop elle s'en balance complètement. T'as la chance d'être entouré par des gens qui veulent que ton bien. Te ferme pas à eux sous prétexte que t'es pas assez. Ils s'en cognent. T'es paumé et tu sais pas quoi faire ? Comme 80% des gosses de ton âge. Alors respire un coup, accepte de l'aide quand t'en as besoin...et si jte bouffe de l'espace et que ça t'emmerde vient me l'dire plutôt que de bouder. Les gens sont pas dans ta tête Ryan. Si moi j'communique trop toi c'est carrément l'inverse...

Ryan a un rire qui sonne plus limpide. plus vrai.

- Putain, tu causes comme Katie. A se demander si vous êtes pas cousins.... Vous avez pas de filtre. Il hausse les épaules. C'est facile de parler pour des gens comme vous. Moi.. moi je sais pas faire, j'ai pas été livré avec l'option. Crois-moi je suis le premier que ça emmerde.

Il pousse un profond soupir qui résume toute sa lassitude de vivre, tout son besoin de se reposer. Il fixe la poupée de bois malhabile puis le couteau dans ses mains, un long moment, avant de murmurer:

- Pt'êt que tu pourrais m'apprendre...

Il glisse un regard vers Magni. Ni défiance, ni mépris dans ses prunelles, juste un jeune garçon trop précoce en quête d'un point d'encrage. D'une figure paternelle. Ryan voudrait pouvoir être un enfant, de temps en temps.

Le rire qui résonne me plait bien plus. Ca ressemble à un vrai.

- Putain, tu causes comme Katie. A se demander si vous êtes pas cousins....
- Ouais sauf que j’ai plus l’âge d’être son oncle que son cousin. Cela dit, si ça avait été le cas j’me serais fait moins chier au réunion de famille. J’étais entouré de taiseux…l’angoisse…
- Vous avez pas de filtre. C'est facile de parler pour des gens comme vous. Moi.. moi je sais pas faire, j'ai pas été livré avec l'option. Crois-moi je suis le premier que ça emmerde.
- Ouais…moi le filtre était en option du coup… Mais tu sais, il est jamais trop tard pour s’y mettre hein. T’as toute la vie devant toi maintenant.

J’observe sa sculpture ? son massacre sur bois. Enfin faut bien commencer quelque part.

- Pt'êt que tu pourrais m'apprendre…

J’reste un moment à le dévisager comme un abruti à qui on vient de griller la cervelle. J’vois aucune ironie juste…la timidité d’un gamin qui sait plus où il en est et qui chercher désespérément un point de repère quelque part. Même si je suis carrément pas le candidat idéal pour ce genre de responsabilité. Ca m’impliquera d’autant plus dans cette maison, or si ça se trouve j’vais pas faire long feu.
J’devrais dire non. Mais y’a quelque chose dans ses yeux qui me dit que si j’l’envoie chier ça sera la déception de trop. Et j’peux pas lui faire ça. Et puis j’ai promis à Jolhane que j’essaierai. Dire non, c’est faire le jeu de l’Ours, m’éloigner encore.
Un large sourire illumine mon visage. Il est particulièrement touchant ce gosse. Merde j’suis à la limite de chialer à cause de lui. S’il était plus jeune, il aurait été bon pour un gros câlin à la Magni mais là, bizarrement, j’pense que ça passerait pas pareil.
J’me contente de hocher la tête et de tapoter avec plus de précaution sur son épaule.

- Ouais…ouais j’pourrais. Evidemment que j'pourrais J'ai la voix complètement éraillée par l'émotion. Pour ça va falloir que tu m’écoutes t’en es conscient hein ?

J’reprends une mine plus sérieuse et lui tend ma paluche.
- Ravi de te rencontrer enfin, Ryan. J’avais hâte de savoir qui t’étais vraiment. Bon maintenant donne-moi cette figurine t’es en train de faire un massacre. J'me suis pas fait chier à les sculpter pour que tu sapes tout le boulot. J’lui en mets une autre entre les mains. Tiens fait une croix sur celle de Maria, ça sera plus facile normalement.

Le silence retombe, moins plombé, presque…apaisant.
- Faut quand même que je parte quelques jours. J’le fais pas que pour toi, hein. Faut…que j’évacue un peu c’que j’ai en moi, que j’laisse s’exprimer le Berserker avant qu’il me le fasse payer. Ça évitera que j’pète un plomb ici. Si je peux, je reviendrais. Mais d’abord la cérémonie… Je regarde en direction de la forêt et j’ai soudain une certitude. J’crois qu’tu y assisteras. Franchement, rien que pour me voir en peau d’ours ça vaut le détour…  t'auras de quoi me chambrer pour des semaines et des semaines.

- Ouais…ouais j’pourrais. Evidemment que j'pourrais .... Pour ça va falloir que tu m’écoutes t’en es conscient hein ?
- M'fait pas regretter... bougonne l'adolescent, gêné tant par l'émotion palpable de Magni que la sienne.
- Ravi de te rencontrer enfin, Ryan. J’avais hâte de savoir qui t’étais vraiment.

Le jeune homme sourit. Il a l'air plus juvénile, plus transparent. Il a la sensation qu'un poids vient de se déloger de sa poitrine et ça lui fait un bien inespéré.

- Bon maintenant donne-moi cette figurine t’es en train de faire un massacre. J'me suis pas fait chier à les sculpter pour que tu sapes tout le boulot.
- Sois pas chien, c'était ma première ! P'tain, indulgence zéro, quoi...
- Tiens fait une croix sur celle de Maria, ça sera plus facile.... ​normalement.

Ryan lui fait un doigt d'honneur démenti par un large rictus hilare. Il lui arrache la poupée-Maria des mains et s'active à graver une petite croix chrétienne sur le centre de son buste. Le silence les enveloppe une nouvelle fois, agréable et serein. Ryan et Magni renvoient l'image parfaite d'un père et son fils. Jolhane s'en trouve profondément émue.

- Faut quand même que je parte quelques jours.
- Mec....
- J’le fais pas que pour toi, hein. Faut…que j’évacue un peu c’que j’ai en moi, que j’laisse s’exprimer le Berserker avant qu’il me le fasse payer. Ça évitera que j’pète un plomb ici. Si je peux, je reviendrais.

Ryan fixe longuement le profil affairé de Magni.

- T'as intérêt... J'ai pas envie de gérer les crises de larmes de Marnie ou pire... les retombées que ton absence aura sur Doe.
- Mais d’abord la cérémonie… J’crois qu’tu y assisteras. Franchement, rien que pour me voir en peau d’ours ça vaut le détour…  t'auras de quoi me chambrer pour des semaines et des semaines.
- Crois-bien que j'vais pas m'gêner ! Scott fera des photos et on les fera tourner. T'en a pour un millénaire de honte mon gars!

Jolhane sort innocemment de sa cachette, sa tasse de café tiède à la main. Elle la sirote du coup, l'air de rien.

- Une fois la cérémonie passée, de toute manière, j'irais avec lui. Tu te doutes bien, fait-elle avec une oeillade complice à Ryan, que je ne vais pas laisser ce grand abruti sans surveillance. Elle lève sa tasse comme pour porter un toast. Je t'avais prévenue que j'étais collante, Magni...

Elle lui adresse un sourire espiègle et vient s'asseoir sur le flanc libre de Ryan. Avec beaucoup de douceur, elle lui enlace les épaules de son bras libre. Ryan tressaille, peu habitué à ce genre de manifestations de sa part. Doe dépose un bécot tendre sur sa joue.

- Bon retour à la maison, petit frère...

L'adolescent la regarde, tout chamboulé et fond brutalement en larmes . Jolhane le câline sans retenue. Après un moment, Ryan reprend la maitrise -partielle- de ses émotions.

- Ch.. Chuis pas dupe les gars...  lâche-t-il entre deux hoquets. J'ai compris votre petit manège... vous vous êtes ligués contre moi pour m'faire chialer à mort, histoire que j'accepte de veiller sur la marmaille pendant que vous vous faites une escapade en amoureux !

Jolhan pouffe de rire.

- Magni, je crois que notre plan machiavélique est découvert... Elle pose un regard pénétrant sur le guerrier d'Odin, par dessus les boucles sombres de Ryan.

- Crois-bien que j'vais pas m'gêner ! Scott fera des photos et on les fera tourner. T'en a pour un millénaire de honte mon gars !
J’fais mine d’être profondément choqué.
- Merde ! Trahis par ceux qui vous son proches -j'en sais quelque chose- c'est moche les gars, très moche… et mon image de marque z’en faites quoi ? J’vais finir maudit pas mes ancêtres avec vos conneries là…

Je souris sans tourner la tête. Elle s’approche et j’dois dire que j’avais presque oublié sa présence tellement son odeur m’est devenue familière. J’suis soudain un peu gêné qu’elle ait assisté à ça…mais inexplicablement heureux de l’issue de cette conversation. J’me rends compte que ça me pesait tout ça. L’attitude de Ryan, son changement de comportement ces derniers temps qui venait de ma proposition. Mais finalement il sera là et j’crois bien que toute la maison viendra.  

- Une fois la cérémonie passée, de toute manière, j'irais avec lui. Tu te doutes bien que je ne vais pas laisser ce grand abruti sans surveillance.
- Abruti hein ? Donc c’est officiel, personne me respecte dans cette baraque ! Et puis bordel ! Tu m’écouteras jamais en fait ? C’est ça ? J’parle, j’parle mais j’ferais mieux de pisser dans un violon.
J’ai l’air ronchon mais en fait je sais pas trop quoi penser de ça. Soulagé et content sans doute qu’elle veuille pas me laisser, mais inquiet aussi. Toujours inquiet. De lui faire du mal, que le Berserker finisse par la faire fuir.

- Je t'avais prévenue que j'étais collante, Magni...
- Ouais, tu m’avais prévenu... Je souris quand même comme un con. Tu viendras pas te plaindre si tu finis entre mes crocs, Nymphette…
Même de ça j’arrive à en plaisanter apparemment. Même si j’en fais parfois des cauchemars.
Elle me rend mon sourire et va s’asseoir près de Ryan qu’elle enlace doucement. C’est la première fois que j’la vois aussi tendre avec lui et j’détourne la tête, soudain pris d’une pudeur pas commune chez moi.

- Bon retour à la maison, petit frère...

Ouhla, elle a appuyé sur le bouton, « lâcher les vannes » et l’adolescent revêche se transforme en fontaine. Je ricane un peu et lui frotte le dos.
- Mon paternel t’aurait sûrement dit qu’un homme ça chiale pas, mais il racontait un paquet de conneries. Laisse couler va, ça libère qu’il parait.

- Ch.. Chuis pas dupe les gars... J'ai compris votre petit manège... vous vous êtes ligués contre moi pour m'faire chialer à mort, histoire que j'accepte de veiller sur la marmaille pendant que vous vous faites une escapade en amoureux !
- C’est ça…ci-gît Ryan, mort dans sa morve. J’suis pas sûr de faire une cérémonie pour ça par contre…
- Magni, je crois que notre plan machiavélique est découvert...
Je capte le regard de Jolhane par-dessus la tête bouclée de Ryan et lui renvoie une expression d’idiot fini.
- Quel plan ? J’suis pas assez intelligent pour les plans. Tout ça c’est de sa faute à elle ! que je déclare tranquillement en la désignant du pouce. Allez, pleurs pas…on t’amènera en chasse un jour… si… quand ça ira mieux avec ma bête à poil et puis on sait que t’aime faire ton chef avec les p’tits alors arrête les violons.
Ma main vient caresser le dos de Jolhane et j’lui adresse un clin d’œil. J’prends doucement la figurine des mains de Ryan et hoche la tête d’un air appréciateur.
- Pas mal ta croix… bon ça reste deux lignes hein, encore heureux qu’t’aies réussi mais c’est pas mal quand même.
Moi j’viens de finir ce truc jaune à joues rouges qui couine sur ma propre figurine et j’l’observe de loin. Ouais, j’ai pas trop perdu la main.
- Bon ça en fait deux de terminées ! Si tu m’aides on aura p’t-être fini ce soir. Mais j’t’oblige pas. J’désigne la maison du menton. Les autres seront p’t-être content de t’voir un peu…
Je reprends le morceau de bois salopé par les efforts maladroits de Ryan dans mes mains et commence à le retailler un peu. L’air de rien, mais d’une voix douce j’lui demande.
- Tu voudras la mettre celle-là ? C’était pour ton père à la base… encore une fois, t’es obligé de rien et tu peux me répondre plus tard…en attendant j’vais la faire au cas où…

- Quel plan ? J’suis pas assez intelligent pour les plans. Tout ça c’est de sa faute à elle !
-Raison de plus pour que je surveille ses fesses de près....finaude Jolhane en plissant les paupières. Tu en conviendras Ryan ?
- Allez, pleurs pas…on t’amènera en chasse un jour… si… quand ça ira mieux avec ma bête à poil et puis on sait que t’aime faire ton chef avec les p’tits alors arrête les violons.
- V... vous êtes vraiment deux gros cons !

Jolhane éclate d'un rire sonore et lumineux et rattrape cette main calleuse et douce qui vient de lui frotter le dos. Elle en cajole les doigts, ses prunelles toujours hameçonnées à celles de Magni.

- Putain mais vous papouillez pas alors que je suis au milieu... Bordel ! s'offusque Ryan dont la râlerie prouve qu'il va franchement mieux.

Magni en profite pour récupérer la figurine de Maria des mains de l'adolescent.

- Pas mal ta croix… bon ça reste deux lignes hein, encore heureux qu’t’aies réussi mais c’est pas mal quand même.
- T'es aussi pourri que ton grand-pa pour la pédagogie, j'tiens quand même à te le dire.
- Bon ça en fait deux de terminées ! Si tu m’aides on aura p’t-être fini ce soir. Mais j’t’oblige pas. Les autres seront p’t-être content de t’voir un peu…
- Peste ou Choléra, mon coeur balance.

Jolhane lui donne une tape sur l'avant-bras pour le punir de son incurable insolence.

- Va plutôt dormir, t'as une tête à faire peur. Et sans le fusil, ça n'est pas un doudou.

Ryan pousse un profond soupir et se frotte le visage à deux mains.

- Ouais.. t'as pas tord. J'ai plus les idées clair. Regarde-moi : j'en viens à faire des travaux manuels avec Magni. On marche sur la tête....
- Tu voudras la mettre celle-là ? C’était pour ton père à la base… encore une fois, t’es obligé de rien et tu peux me répondre plus tard…en attendant j’vais la faire au cas où…

Ryan toise Magni avec une expression indéchiffrable, mais garde pour lui toutes réparties cinglantes ou toutes objections s'il en a une. Il se contente de se lever et de lui presser simplement l'épaule.

- La sieste porte conseil... Si t'as pas terminé quand je me réveille, je te filerais un coup de main.

Le jeune homme s'éloigne vers la maisonnée et des acclamations de joie des plus petits leur parviennent du jardin. Jolhane en profite pour translater au plus près de l'ébéniste du dimanche.

- Je te découvre de nouveaux talent tous les jours... Elle lui attrape le menton par sa barbichette pour mieux lui voler sa bouche. Je trouve ça assez sexy.... souffle-t-elle.

- La sieste porte conseil... Si t'as pas terminé quand je me réveille, je te filerais un coup de main.

Pas un oui, pas un non. Ca m’va. Au moins j’ai pas eu de crise ou d’autres larmes. P’t-être que mon idée va faire son bonhomme de chemin. J’ai même le droit à un geste affectif. J’crois qu’il m’aime bien en fait…
C’était pas prévu que j’m’attache aussi vite à eux.
C’était pas prévu que j’incruste à ce point chez eux.
Mais j’suis là et j’oublie pas la réflexion de Ryan. P’t-être que j’leur fais du bien, p’t-être que j’suis utile pour eux comme ils sont devenus essentiels à ma survie.

Les cris de joie des gosses me tirent de mes réflexions et je secoue la tête avec un p’tit sourire en coin. Comment il peut douter faire partie intégrante de l’équilibre de cette drôle de p’tite famille. Il est le grand frère.

- Je te découvre de nouveaux talents tous les jours...

Nymphette en a profité pour se rapprocher de moi et j’l’attrape par la nuque pour la retenir un peu plus longtemps contre mes lèvres.

- Je trouve ça assez sexy... Ses murmures m’échauffent aussitôt les sangs, signe que ma frustration est jamais bien loin. Je regarde modestement ma main qui tient encore le morceau de bois et chuchote d’une voix caressante.

- Quoi ? Ca ? C’est rien…si tu savais tout ce dont ces mains sont capables… Sourcil arqué, je le démontre dans la foulée et le dos de mon index vient frôler sa joue dans une lente caresse avant de finir sa course dans son cou jusqu’à rencontrer le col de son pull. Ma bouche vient prendre le relai et glisse sur sa peau toute douce en lui penchant la tête vers l’arrière pour satisfaire l’appétit de mes lèvres. Finalement il faut bien que je recule, ce que je fais avec beaucoup de réticence en poussant un soupir à fendre l’âme.

- Mais en parlant de talent caché… j’te savais pas espionne en plus de voleuse Nymphette… t’as tout entendu j’suppose… J’crois que ça va aller pour lui. Enfin j’espère. Il est juste…paumé et ça se comprend un peu.
Je ramasse mon couteau et me remets à l’ouvrage un peu plus rageusement. Autant que j’passe ma frustration sur quelque chose.
- J’suppose que t’étais sérieuse quand t’as dis que tu voulais encore m’accompagner en chasse… Tu sais que tu me mènes pas la vie facile hein… j’ai entendu parlé d’une prime sur un loup-garou… la pleine lune est dans trois jours… c’est un bon adversaire pour le Berserker. Je sais que j’arriverai pas à te faire changer d’avis alors…je repose ma figurine qui a retrouvé des proportions plus humaines dans l’herbe et attrape sa joue dans le creux de ma main… promets que tu feras gaffe à toi…et rien qu’à toi…
Bon et à part venir me narguer avec ton café et m’espionner, t’es venue pour une raison précise ou juste pour me mater pendant que j’bosse ?

- Quoi ? Ca ? C’est rien…si tu savais tout ce dont ces mains sont capables…
- Je ne peux que le...deviner, souffle-t-elle, le regard-harpon, sa langue jouant négligemment avec la pulpe de sa lèvre supérieure.

Jolhane se fait dévorer la gorge avec délice, sa propre lippe pulsant contre ses dents.  Elle a abandonné sa tasse pour que ses doigts folâtrent pleinement dans la chevelure de Magni.

- Mais en parlant de talent caché… j’te savais pas espionne en plus de voleuse Nymphette… t’as tout entendu j’suppose…
- C'est possible... susurre-t-elle avec un petit regard par en dessous.
- J’crois que ça va aller pour lui. Enfin j’espère. Il est juste…paumé et ça se comprend un peu.
- Quand je parlais de talent, je n'évoquais pas tes mains baladeuses - bien qu'expertes dans leur domaine- mais de ta capacité d'écoute. Elle se montre plus sérieuse. Merci de t'être montré si bienveillant et compréhensif avec lui.... et paternel, aussi....

Jolhane observe la réaction de Magni de peur d'avoir peut-être été trop loin. De manière plus ou moins consciente, ils se sont retrouvés propulsés dans le rôle de parents de cette petite communauté d'orphelins. Si c'est un destin qu'elle a embrassé depuis longtemps, ce n'est peut-être pas son choix à lui. Du moins était-ce sa pensée avant de l'entendre se confesser à Ryan. Ses paroles tournent encore dans sa tête et incendient sa poitrine.
Parfois, elle a peur de ces émotions puissantes et inédites qui la rendent si... malléable.

- J’suppose que t’étais sérieuse quand t’as dis que tu voulais encore m’accompagner en chasse…
- Absolument. Epargne-toi tout de suite l'argumentaire sensé me convaincre de ne pas te suivre. il est voué à l'échec.
- Tu sais que tu me mènes pas la vie facile hein…
- Parce que je te fais économiser ta salive ou parce que je m'efforce de te garder en vie ? Raille-t-elle gentiment. Tu m'as l'air bien malheureux, en effet....

Elle le gratifie d'un baiser et d'un sourire amusé.

- J’ai entendu parlé d’une prime sur un loup-garou… la pleine lune est dans trois jours… c’est un bon adversaire pour le Berserker. Je sais que j’arriverai pas à te faire changer d’avis alors… promets que tu feras gaffe à toi…et rien qu’à toi…
- Non, fait-elle avec douceur, Je ne peux pas te le promettre. Je surveillerais tes arrières et pour le reste... On verra bien. Il faudra faire avec, partenaire.

Leurs prunelles joutent les unes avec les autres. Jolhane ne cille pas. Sa volonté est incassable, et Magni commence à peine à le comprendre.

-Bon et à part venir me narguer avec ton café et m’espionner, t’es venue pour une raison précise ou juste pour me mater pendant que j’bosse ?
- Initialement s'était ton café, mais il a un peu refroidi, et je me suis dit que ce serait gâcher. Tu en veux quelques gorgées quand même ? Elle glousse. Et tu n'as pas besoin de travailler pour que je te mate. N'importe quelle excuse est valable.... Son index court sur l'épaule de Magni. Ceci étant, à choisir... Je préférais quand tu t'adonnais à la découpe de buches, torse-nu, et en sueur.....

Jolhane a bien conscience de flirter comme une adolescente, avec aussi peu de subtilité et de retenue. Elle n'y peut malheureusement rien : côtoyer Magni l'amène à régresser délectablement.

- Initialement c'était ton café, mais il a un peu refroidi, et je me suis dit que ce serait gâcher.
- Je vois…t’as la sens du sacrifice dis donc…
- Tu en veux quelques gorgées quand même ?
- Ca va pas non ! Du café froid… je grimace d’horreur. C’est des méthodes de torture dans certaines civilisations, ça !

J’adore son rire. J’suis à deux doigts de l’enregistrer sur mon portable juste pour pouvoir l’écouter quand j’ai un coup de cafard.  

- Et tu n'as pas besoin de travailler pour que je te mate. N'importe quelle excuse est valable...

J’recule la tête et la dévisage comme si j’la voyais pour la première fois.

- Mais quelle petite dépravée ! J’suis profondément choqué !
Je suis du regard ce doigt taquin qui me colle la chair de poule malgré l’épaisseur de ma chemise.
- Ceci étant, à choisir... Je préférais quand tu t'adonnais à la découpe de buches, torse-nu, et en sueur...

J’remonte mes yeux vers les siens, les pupilles légèrement dilatées. Elle à la fois foutrement mignonne et incroyablement désirable quand elle m’aguiche. Ce qui forme un cocktail improbable mais particulièrement efficace sur moi. Mon regard passe sans vergogne de ses iris dorés à sa bouche et j’me rapproche de son visage, le sourire aguicheur.

- ‘xcusez ma p’tite dame mais j’aimerais que les choses soient claires, z’êtes ouvertement en train de m’draguer ou j’me trompe ? J’me penche ensuite vers son oreille. Torse-nu et en sueur, hein… ça te rappelle des trucs ? J’aimerais bien te montrer l’étendue de la palette de mes compétences quand j’suis nu et en sueur, Jolhane. Après la chasse… quand le Berserker aura eu c’qu’il veut…et comme on sera seul…on pourrait peut-être tenter des trucs qui vont plus loin que de s’embrasser… non ?

J’adore l’embrasser. Entendons-nous bien, sinon je s’rais pas en train de le faire là tout de suite, comme un homme qui vient de découvrir la fontaine de jouvence. Mais je commence à en avoir vraiment marre d’être cantonné qu’à ça.
Quand on se sépare enfin, je me permets de la dévorer des yeux pendant quelques secondes avant d’essayer de me calmer un peu. Allez mon grand on souffle… ! Profonde inspiration et je reprends un morceau de bois par terre pour m’atteler au ballon de rugby.
- Tu me distrais Nymphette. Et même si c’est très, très agréable, c’est pas comme ça que je vais finir mon travail pour demain soir. A propos de ça…est-ce que…les enfants t’en ont parlé ? J’ai pas osé leur demandé ce qu’ils en pensaient. Selon Ryan y’a des chances pour qu’ils y assistent mais j’en sais pas plus.
Pour la chasse j'pensais qu'on pourrait partir le lendemain, si ça te va... j'ai aucune info sur le bestiau pour le moment par contre...va falloir démarrer de zéro.

- ‘xcusez ma p’tite dame mais j’aimerais que les choses soient claires, z’êtes ouvertement en train de m’draguer ou j’me trompe ?
- Je ne vois absolument pas ce qui vous fait dire ça mon bon monsieur... Elle lui bécote l'épaule et mordille le tissus de sa chemise, le fixant toujours de ses deux billes d'ambre verte.
-Torse-nu et en sueur, hein… ça te rappelle des trucs ?
-Peut-être... Elle se pend à son cou.
- J’aimerais bien te montrer l’étendue de la palette de mes compétences quand j’suis nu et en sueur, Jolhane. Après la chasse… quand le Berserker aura eu c’qu’il veut…et comme on sera seul…on pourrait peut-être tenter des trucs qui vont plus loin que de s’embrasser… non ?

Les deux "amis" échangent un baiser équivoque, moite d'un désir refoulé à grand peine.

- Hum... Raison de plus pour que je t'accompagne, alors... J'ai quelque idées créatives et récréatives à te soumettre qui n'implique pas que ma langue... souffle-t-elle crument au creux de son tympan.

Ils échangent encore moulte salive, caresses et promesses muettes de concupiscence partagées, avant de finalement, se libérer l'un de l'autre.

- Tu me distrais Nymphette.
- Moi je te distrais ? Fait-elle faussement offusquée.
- Et même si c’est très, très agréable, c’est pas comme ça que je vais finir mon travail pour demain soir.

Jolhane pose son menton en équilibre sur son épaule.

- Je m'en voudrais de te détourner de cette honorable tâche, déclare-t-elle sans afficher le moindre remord.
- A propos de ça…est-ce que…les enfants t’en ont parlé ?
- Pas vraiment...
- J’ai pas osé leur demandé ce qu’ils en pensaient. Selon Ryan y’a des chances pour qu’ils y assistent mais j’en sais pas plus.
- Je pense qu'il y a de forte chance que ce soit le cas. Il y a un côté rituel magique tribal fédérateur qui les fascine dans cette cérémonie et, au delà de ça, je crois que certains préparent des petites choses à dire ou à offrir à ton bûcher funéraire. Elle lui caresse la joue. Ils seront là, Magni.... avec nous.

Jolhane le couve d'un regard tendre et empreint de confiance.

- Pour la chasse j'pensais qu'on pourrait partir le lendemain, si ça te va... J'ai aucune info sur le bestiau pour le moment par contre...va falloir démarrer de zéro.
- On enquêtera ensemble ! J'avoue avoir apprécié cet étape la dernière fois. Elle coule vers lui un regard en biais. Ne t'inquiète pas, Magni, ce n'est pas "Aria" qui parle. Juste moi. Je la remercie d'avoir taillé ce corps à avoir des reflexes de combattante et des connaissances précises sur le sujet... Mais c'est moi, Jolhane, qui apprécie le fait de dénouer les fils d'un mystère... et surtout de le faire avec toi.

Elle rosit.

-Pardon, c'est.. c'est ce que je dis...

- J’ai pas osé leur demandé ce qu’ils en pensaient. Selon Ryan y’a des chances pour qu’ils y assistent mais j’en sais pas plus.
- Je pense qu'il y a de forte chance que ce soit le cas. Il y a un côté rituel magique tribal fédérateur qui les fascine dans cette cérémonie et, au delà de ça, je crois que certains préparent des petites choses à dire ou à offrir à ton bûcher funéraire.
- Eh ben ça promet un grand moment hein ! J’baisse les yeux sur mon ouvrage et souris. Mais j’suis content qu’ils s’investissent un peu dedans. J’espère que ça les aidera. Sa main vit cajoler ma joue. J’tourne légèrement la tête pour mieux profiter de la caresse et j’viens planter mes yeux dans les siens. Que ça t’aidera.
- Ils seront là, Magni... avec nous.

Quand elle me regarde comme ça, j’ai l’impression de pouvoir accomplir des miracles, c’est foutrement grisant. Personne m’a jamais regardé comme ça…pas même Daphné dans les moments où tout allait bien entre nous.
Qu’est-ce que t’es en train de me faire, Nymphette ? Qu’est-ce que moi j’ai bien pu faire pour te mériter, hein ? J’ai qu’une trouille, c’est qu’un jour tu te rendes compte que la réponse est « Rien ».

- Pour la chasse j'pensais qu'on pourrait partir le lendemain, si ça te va... J'ai aucune info sur le bestiau pour le moment par contre...va falloir démarrer de zéro.
- On enquêtera ensemble ! J'avoue avoir apprécié cet étape la dernière fois.

Normal. Elle est faite pour la chasse, c’est carrément inscrit dans son ADN, enfin dans celui d’Aria. J’me souviens soudain de son utilisation de l’expression « Mère-Nuit » qu’était sortie de nulle part. Et si en plein milieu d’une chasse, la familiarité du truc lui fait retrouver la mémoire ? Comme ça ? Est-ce que c’est même possible ? Putain j’en sais rien du tout…Est-ce que m’angoisse ? Un peu ouais.
Putain de bordel de merde !  J’ai aucune envie de la perdre ! Si j’peux me battre contre l’Ours pour que ça arrive pas, j’peux rien contre un fantôme. Est-ce qu’elle changera de personnalité ? D’attitude avec moi ? J’essaie de pas trop y penser, mais j’avoue que ça m’travaille un peu depuis notre chasse ensemble.

- Ne t'inquiète pas, Magni, ce n'est pas "Aria" qui parle. Juste moi.
- Merde ! Tu lis dans mes pensées maintenant ? J’suis foutu…
- Je la remercie d'avoir taillé ce corps à avoir des réflexes de combattante et des connaissances précises sur le sujet... Mais c'est moi, Jolhane, qui apprécie le fait de dénouer les fils d'un mystère... et surtout de le faire avec toi. Pardon, c'est.. c'est ce que je dis...
Je viens caresser sa joue toute rose de gêne avec mon index et lui sourit.
- J’veux pas que ça t’inquiète…cette histoire avec Aria…avec ta mémoire. Ça m’arrive de me demander si j’aurais encore une place avec toi si elle revient complètement. Mais…de toute façon c’est pas comme si j’y pouvais quoique ce soit et toi non plus. Que tu retrouves la mémoire ou pas, je s’rais là. Et si ça arrive...Que tu veuilles encore de moi à tes côtés…mes lèvres s’étirent dans un sourire un peu faiblard…bah ça sera à toi de décider.

J’viens l’embrasser avec une certaine délicatesse qui m’est pas familière. J’sais bien qu’on s’est fait aucune promesse, et j’lui en demande pas.

Menteur ! Tu veux qu’elle te dise qu’entre elle et toi rien changera…
Me chasse pas Nymphette…me chasse pas…j’crois bien que ça me foutrait en l’air…

Mais évidemment c’est pas ça que j’dis et je force un peu sur mon sourire canaille.
- J’ai hâte qu’on soit tous les deux…histoire que tu m’exposes tes fameuses idées…

Parfait ça. Belle pirouette. Changement de sujet impeccable. On revient a du léger. Ca serait bien que quelqu’un prévienne mon cœur qu’il arrête de se serrer, ça commence à être un chouillat douloureux.