- J’veux pas que ça t’inquiète…cette histoire avec Aria…avec ta mémoire. Ça m’arrive de me demander si j’aurais encore une place avec toi si elle revient complètement.
- Magni.... Jolhane lui caresse la joue tendrement.

Elle aimerait le rassurer, lui dire qu'Aria ne reviendra jamais, qu'elle ne sera jamais une ombre au tableau; Mais elle n'en sait rien. Absolument rien. Son engagement ayant toujours un poids, elle ne refuse de lui donner sa parole et de faire des promesses qu'elle ne pourrait pas tenir.
Tout ce qu'elle peut faire, c'est lui prouver à quel point il compte.
Maintenant.

- Mais…de toute façon c’est pas comme si j’y pouvais quoique ce soit et toi non plus. Que tu retrouves la mémoire ou pas, je s’rais là. Et si ça arrive...Que tu veuilles encore de moi à tes côtés…bah ça sera à toi de décider.
- Oh Magni...

Elle l'embrasse avec effusion, à plusieurs reprises, le pressant contre elle de toute la circonférence de ses bras. Elle espère communiquer ainsi l'assurance de son affection.

"Au moins pour maintenant."
"Pour toujours, nous attendrons demain..."

- Je ne sais pas ce que me réserve le futur. Je ne sais pas quelle marge de manoeuvre j'aurais... Mais.. mais si je devais changer, rappelle-moi qui je suis maintenant, rappelle- moi cette Jolhane qui ne peut pas se passer de toi et... elle laisse échapper un petit gloussement ému... Séduis-moi à nouveau... D'accord ?

Les deux amants se câlinent et se bécotent comme deux adolescents en manque.

- J’ai hâte qu’on soit tous les deux…histoire que tu m’exposes tes fameuses idées…
- T'ai-je dis que j'étais très souple ? minaude-t-elle avant d'éclater de rire. Elle lui vole un dernier baiser. Je vais te laisser travailler...... Elle s'octroie quelques baisers de rab.... puisqu'il le faut...

C'est devenu extrêmement compliqué de se détacher du confort de ses bras. Ils ont beaux être sous le même toit, quelques malheureux mètres se transforment en hectares. Du moins, est-ce l'impression qu'elle en a.

Ryan ne reviendra pas l'aider par la suite. Non pas qu'il n'en ait plus envie mais son corps a décrété qu'il devait écraser comme un sac pour récupérer. Katie est bien plus calme depuis qu'il est rentré et on l'a même surprise à lui caresser tendrement les cheveux pendant son sommeil. L'ordre naturel des choses est rétabli et toute leur fratrie semble mieux respirer.

Au repas du soir, Jolhane frappe plusieurs coups de fourchette sur la carafe d'eau pour intimer le silence. Les chamailleries et les mastication bovines cessent pour lui prêter attention. La jeune femme se tient debout devant l'immense tablée qui les réunit tous.

- Bien, Magni et moi avons quelques annonces à vous faire !
- Z'allez vous marier ?
-... Non.
- Ooooooh! font les Ninies, encadrant Dairine, très fière de sa question.
- Tout d'abord, j'aimerais que l'on aborde tous ensemble cette histoire de cérémonie funéraire. Vous en avez discuté entre vous mais personne n'a donné de réponses claires à Magni. de plus, je pense qu'il serait intéressant qu'il vous explique en quoi cela consiste et quel sera le déroulement.

Elle se rassoie et d'une pression douce sur la main de l'islandais, elle lui transmet le relais.

- Je ne sais pas ce que me réserve le futur. Je ne sais pas quelle marge de manoeuvre j'aurais... Mais.. mais si je devais changer, rappelle-moi qui je suis maintenant, rappelle- moi cette Jolhane qui ne peut pas se passer de toi et... Séduis-moi à nouveau... D'accord ?
J'la regarde avec un petit sourire.
- Ah parce que ta l'impression que séduire c'est mon fort ? Tu rigoles ! J'me contente d'être là, sans faire le moindre effort...j'laisse mon charme d'islandais bourru agir tu vois… j'viens frotter le bout de mon nez contre le sien. J'essayerai ouais...faut pas s'attendre à des miracles...

C'est dingue comme j'aime nos bécottages d'ados. Entendons nous bien, j'adorerai qu'y y ait plus que ça mais comme je sais que c'est tout ce qui nous est accordé...bah j'savoure d'autant plus ces moments là.

- J’ai hâte qu’on soit tous les deux…histoire que tu m’exposes tes fameuses idées…
- T'ai-je dis que j'étais très souple ?
- Nope…va définitivement falloir qu'on explore nos capacités de ce côté là…par simple curiosité évidemment.
Je réponds difficilement entre chaque baiser. J'aimerais jamais m'arrêter.
- Je vais te laisser travailler... puisqu'il le faut...
- T'es sûre qu'il le fait vraiment ? J'veux dire...on est bien là non ?
Mais je jette un coup d'oeil aux figurines qui m'attendent et je pousse un soupir résigné. Ouais j'peux pas laisser ce en plan…
- Heureusement que t'es plus raisonnable que moi. Dernier baiser. Parfois...Aller file ! Sinon j'y arriverai jamais et j'risque de te garder là

J'la regarde partir avec un regret palpable. C'est quand même assez étrange ce besoin constant que j'ai de la voir. De la toucher. J'sais pas d'où ça vient. Comme prévu j'laisse l'aprèm sur mes sculptures sur bois et j'y passe effectivement ma frustration.
Ryan est pas revenu. Ca m'étonne pas des masses mais j'me rends compte que j'suis déçu jusqu'à ce que j'apprenne qu'il a presque passe l'aprèm entière au pieu… bien. Faut qu'il se repose ce gosse...on a jamais les idées bien claires quand on cumule la fatigue comme il l'a fait. J'sais même pas comment il tient d'ailleurs.

Le repas du soir est animé. Comme d'hab, p'tites disputes, discussions philosophiques sur des sujets qui me dépassent comme "Est qu'un lion c'est plus fort qu'un ours ?" et j'en passe… J'suis moi-même pas hyper frais. Les journées de dur labeur passent vite mais j'ai plus vingt ans et ça me pompe une énergie certaine. J'suis un peu perdu dans mes pensées. Concrètement je repense à notre conversation avec Jolhane. J'plaisantais qu'à moitié...si j'dois vraiment la reconquérir un jour...j'ai un peu les boules du résultat…
C'est le tintement d'un couvert contre le verre qui me fait redresser la tête, comme celles des gosses. On est vachement disciplinés quand même !

- Bien, Magni et moi avons quelques annonces à vous faire !
- Ah ? Que je fais, surpris et euh...peut être un peu blanc. C'est quoi qu'on a à dire au juste ?
- Z'allez vous marier ?
-... Non.
- Ooooooh!
- Couchées les filles. On pose ses aiguilles, j'vous vois venir…
- Tout d'abord, j'aimerais que l'on aborde tous ensemble cette histoire de cérémonie funéraire. Vous en avez discuté entre vous mais personne n'a donné de réponses claires à Magni. de plus, je pense qu'il serait intéressant qu'il vous explique en quoi cela consiste et quel sera le déroulement.
Ah. Bon bah j'crois que c'est à moi… J'm'éclaircis la voix et les regarde tous tour à tour.

- Bon vous savez déjà tous ce que j'veux faire. J'suis peut-être à moitié ours enragé mais j'suis aussi sensé être prêtre d'Odin, celui qui nous a créé. Dans ma culture, c'est important de célébrer les morts autant que les vivants. Et j'sais bien que vous avez jamais eu l'occasion de le faire...avant. Chez moi on brûle nos morts. Le feu c'est...purificateur. J'ai monté un grand bûcher dans une petite clairière pas loin. J'pourrais vous emmener le voir avant si vous voulez. Comme on a...rien à brûler j'ai fabriqué des figurines en bois pour chacun d'eux. On les posera sur le bûcher. Si vous voulez vous aurez l'occasion de dire un truc sur eux. Ou pas. C'est vous qui voyez. Le but est de les guider vers l'après. Peu importe c'qu'il y a après. Moi j'les confie à mes dieux mais c'est pas ca qui compte. L'essentiel la-d'dans c'est l'accompagnement, de pouvoir leur dire au revoir convenablement.
Je garde quelques minutes de silence puis j'reprends.
- Je suppose que Katie vous a dit qu'y'avait rien d'imposer. Vous venez si vous voulez. Vous parlez si vous en avez envie. C'est tout. Une fois les figurines réduite en cendre on les enterrera et on formera un p'tit tumulus avec des pierres. Ca vous permettra de vous recueillir si vous en avez envie. Si vous avez d'autres questions j'suis là. Maintenant, plus tard quand vous voulez.

- Bon vous savez déjà tous ce que j'veux faire.

Il y a des hochements de tête affirmatifs et des "Ouais" furtifs autour de la table.

- J'suis peut-être à moitié ours enragé mais j'suis aussi sensé être prêtre d'Odin, celui qui nous a créé.
- Prêtre !!!? Sans déc' ? Avec une toge et tout ? s'exclame bruyamment Tyron.
- Ouais, il t'a créé toi, ton Odin. Nous c'est moins sûr, fait remarquer Scott, platement.
- Fermez-là un peu et écoutez....
-Dans ma culture, c'est important de célébrer les morts autant que les vivants. Et j'sais bien que vous avez jamais eu l'occasion de le faire...avant. Chez moi on brûle nos morts. Le feu c'est...purificateur. J'ai monté un grand bûcher dans une petite clairière pas loin. J'pourrais vous emmener le voir avant si vous voulez.
- Comment qu'on fait si y'a pas de corps ? demande Norah.
- Comme on a...rien à brûler j'ai fabriqué des figurines en bois pour chacun d'eux. On les posera sur le bûcher. Si vous voulez vous aurez l'occasion de dire un truc sur eux. Ou pas. C'est vous qui voyez. Le but est de les guider vers l'après. Peu importe c'qu'il y a après.
- Tu veux dire que ça marche même si on croit pas en Odin ? s'enquiert Declan.
- Moi j'les confie à mes dieux mais c'est pas ca qui compte. L'essentiel la-d'dans c'est l'accompagnement, de pouvoir leur dire au revoir convenablement.

Un silence méditatif plane. Chaque gosse semble réfléchir à ce que représentera ce moment d'adieux.

- Je suppose que Katie vous a dit qu'y'avait rien d'imposé. Vous venez si vous voulez. Vous parlez si vous en avez envie. C'est tout.
- Est-ce qu'on pourra bruler des objets pour qu'ils partent avec eux ? suggère Neeve en triturant une de ses boucles. Pour les accompagner ?
- C'est une excellente idée, approuve Jolhane. Si tu en as envie, alors fait le.
- On va chanter aussi ? fait William en levant la main.
- Pourquoi pas, dit Katie. Y'a rien de formelle c'est nous qui décidons de ce qu'on fera pendant que les figurines brulent.
- Une fois les figurines réduite en cendre on les enterrera et on formera un p'tit tumulus avec des pierres. Ca vous permettra de vous recueillir si vous en avez envie.
- Moi z'veux choisir les cailloux ! lance très sérieusement Marnie. Ce sera les plus beaux que Doudou et moi aura trouvé !
- J't'aiderais, appuie Dairine.
- Si vous avez d'autres questions j'suis là. Maintenant, plus tard quand vous voulez.
- Désolé pour l'abandon par forfait d'ailleurs, intervient Ryan en se grattant l'arrière du crâne, pour les figurines, j'veux dire. J'ai pioncé comme une marmotte. Mais si t'as encore besoin de moi demain, je suis là, hein ?

Katie rayonne à côté de lui, en le voyant si ouvert et disposé à s'impliquer.

- Autre chose, Fait Jolhane en reprenant la parole. Magni et moi on va partir chasser quelques jours.
- Sans nous ?! Fais Squirrel, déçue.
- C'est une necessité. Vous savez tous que Magni est un berseker et un berseker nécessite des offrandes : en général une bataille sanglante et des ennemis contre lequel guerroyer. Sans quoi, le berseker risque de se retourner contre n'importe quel adversaire, même si il s'agit de ses proches.
- C'était un sacré connard ton dieu, quand même.... objecte Scott.
- Arrête ! fait Brainy, inquiet. On dit qu'Odin sait et voit tout grâce de son trône magique.
- Bah qu'il vienne voir au lieu de stalker....
- Donc vous allez devoir vous éloigner pour donner au berseker ce qu'il veut et que Magni nous revienne tout détendu, en sommes.
- Je propose qu'on appelle ça les "règles de Magni" vu que ça va revenir périodiquement... ricane Ryan.

Katie lui balance une serviette à la gueule pendant que William demande ce que c'est "des règles".

- C'est pas des équerres, glousse Dairine, Norah et Neeve en écho.
- Mais dites-moaaaa j'comprends rieeeeeen ! geint le petit garçon alors que les autres gamins rigolent de bon chœur.

Ça piaille de tous les côtés pendant mon explication. Evidemment ! Ces gosses savent pas tenir en place plus de deux secondes sans la ramener ou bouger. Et je pense ça avec un grand sourire d’abruti sur les lèvres. Ouep c’est exactement ce que je suis…un abruti !
- Désolé pour l'abandon par forfait d'ailleurs, pour les figurines, j'veux dire. J'ai pioncé comme une marmotte. Mais si t'as encore besoin de moi demain, je suis là, hein ?
- T’inquiète, elles flippaient que tu reviennes de toute façon. Je déconne Riri, tu viens quand tu veux, j’aurais encore besoin d’aide ouais…
Katie est à deux doigts de lui tapoter sur la tête et ça me fait ricaner…ces deux là… leurs relations est si chouette ! Ça me fait bizarrement penser à moi et mon frère.
- Autre chose. Magni et moi on va partir chasser quelques jours.
- Sans nous ?!
- C’est un peu trop dangereux. Promis, tu pourras bichonner Christine quand on revient.
- C'est une nécessité. Vous savez tous que Magni est un berseker et un berseker nécessite des offrandes : en général une bataille sanglante et des ennemis contre lequel guerroyer. Sans quoi, le berseker risque de se retourner contre n'importe quel adversaire, même si il s'agit de ses proches.
- C'était un sacré connard ton dieu, quand même...
- Basiquement ouais…faut croire qu’il nous ne voulait un chouillat en nous créant.
- Arrête ! On dit qu'Odin sait et voit tout grâce de son trône magique.
- T’inquiète pas Brainy, il va rien t'faire. J’crois bien qu’il roupille depuis des siècles.
J'prends un peu d'eau sur mes doigts et l'éclabousse.
- Tiens j't'ai béni ! Tu crains rien !
- Bah qu'il vienne voir au lieu de stalker...
- Donc vous allez devoir vous éloigner pour donner au berseker ce qu'il veut et que Magni nous revienne tout détendu, en sommes.
- Je propose qu'on appelle ça les "règles de Magni" vu que ça va revenir périodiquement...
- Ahah. Mais c’que t’es drôle Riri. Vraiment tu nous a tellement manqué ! Tu feras moins le malin si mes règles t’explosent à la gueule…
Quand William demande des explications je secoue la tête, dépité même si j’me marre avec les autres. Je finis par lancer une œillade acérée à Ryan.
- Notre bon vieux Riri, qu’on est tous très content de revoir en pleine forme, va tout t’expliquer mon p’tit gars. Dépatouille-toi avec tes conneries maintenant ! Bon moi j’vais me pieuter. Désolé les gosses mais ma vieille carcasse a besoin de repos, j’pourrais pas être de la réunion.
Quelques bisous poilus aux petits, quelques secouages de tignasses pour les plus grands et une caresse légère dans le dos de Nymphette accompagnée d’un sourire plus tard, je grimpe pesamment les escaliers, espérant qu’elle sera pas trop longue avant de monter à son tour.
J’ai pas eu ma dose de câlin aujourd’hui.

******

La fin d’après-midi approche et je scanne la clairière pour être certain que tout soit prêt. Ryan m’a aidé à finir les figurines et à préparer les trous dans la terre. Il est cool se gosse quand il arrête de faire son malin et de m’insulter. Naaan j’rigole, il m’a quand même insulté une fois ou deux mais ça m’fait marrer de le chercher.
J’ai enfilé des habits plus…traditionnels. Un simple pantalon en toile, ma hache attachée à ma ceinture, pieds nus dans la terre, le torse-nu et le visage peint, les épaules ceintes d’une peau d’ours. La peau de mon Ours. La classe quoi. Mes chemises me manquent putain… Sa tête protège la mienne, ses crocs encadrent mes tempes et son museau plonge le haut de mon visage dans l’obscurité. J’dois être un poil impressionnant…ou ridicule…

Les figurines sont déjà sur le bûcher et huit flambeaux brûlent, aligné dans la terre devant le bûcher. J’sais toujours pas si Ryan veut ajouter celle de son père. Il décidera au dernier moment j’imagine.

J’les attends, serein, sérieux pour une fois. J’prends cette cérémonie très à cœur.

Ils arrivent en procession et je les observe avancer en silence pendant que j’incante les premiers mots de pouvoir d’une voix grave rythmé par le crépitement des flambeaux. Ils s’arrêtent devant le bûcher et attendent. Bien.

J’me tourne vers le bûcher, vers les figurines, c’qui devrait être des corps et lèvent les bras vers eux.
Je poursuis les invocations à Odin et les dieux de mon panthéon dans la langue des anciens, prépare leur voyage vers l’après. Puis je prends un couteau posé sur le bûcher et m’entaille la main profondément. Lentement, j’passe d’une figurine à l’autre et les bénis de mon sang.

Je conclus en anglais pour que les gosses et Jolhane comprennent.
- Odin, Père de toute chose. Guide ses guerriers vers le repos des éternels. Accepte mon sang et celui de mes ancêtres en guise d’offrande pour leur ouvrir tes portes. Qu’ils festoient au Valhalla ou demeure dans le royaume d’Hel, leurs noms résonneront à jamais auprès des plus grands.
Un corbeau croasse au loin et je souris. L’appel a été entendu. J’me tourne vers les enfants, les observe avec la gravité de ma fonction.
- A vous. Rendez hommage à ceux qui sont partis.
Une fois qu’ils ont donné, chanté, parlé, je prends le premier flambeau. J’ai mémorisé l’ordre des figurines par cœur.
- Arthur ! Rejoins tes ancêtres.
Je tends mon flambeau au groupe et attend que quelqu’un s’occupe d’enflammer la figurine. J’procède de la même façon avec tous les autres disparus. Pour Murielle, j’m'approche de Katie et Ryan qui se tiennent côte à côte et leur tend le morceau de bois à tous les deux.
Quand toutes les figurines d’enfants brûlent je prends en main la dernière, orné d’un rasoir de barbier et empoigne le dernier flambeau. Cette fois j’m'arrête que devant Ryan et le regarde avec intensité.
- C’est toi qui vois…

A place where the feast never ends,
when the music celebrates.
In a time when darkness belongs
to night's skies and
nothing else.

La lumière tombe.
Les étoiles montent.
Mère-Nuit contemple de son oeil unique, la procession qui sillonne foulant l'herbe de leur pieds nus. Ils ne se sont pas concertés, mais ainsi vont-ils, en vanupieds, des peintures de guerre sur le visage. Ils ont troqué leur habit de paix pour leur peaux d'autrefois, lorsque la guerre faisait loi. Ils ont moins l'air d'enfants, que d'esprits sauvages. Enfants du Brouillard un jour, rejetons de la Brume à jamais, ils brandissent des lampions, des flambeaux ou de simples briquets. Jolhane trône au milieu d'eux, comme une créature féerique régnant sur une tribu indigène. L'or de ses yeux comme de sa chevelure accroche les flammes et vibre comme un astre oublié dans un corps de chair.
Ils attendent, sereins et fascinés à la fois, imprégnés par l'aura divine de Magni, que celui-ci leur ouvre la voie.

Le sang versé est un signe.
Chacun des enfants retient sa respiration.

- Odin, Père de toute chose. Guide ses guerriers vers le repos des éternels. Accepte mon sang et celui de mes ancêtres en guise d’offrande pour leur ouvrir tes portes. Qu’ils festoient au Valhalla ou demeure dans le royaume d’Hel, leurs noms résonneront à jamais auprès des plus grands.

Un corbeau croasse, suivi de plusieurs battement d'ailes. Nul ne pipe mot.

- A vous. Rendez hommage à ceux qui sont partis.

Le silence s'abat, et l'inertie englue la petite communauté. Tyron s'avance le premier, la mine décidée. Il s'est couvert les yeux de cercles noirs qui coulent un peu sur ses joues.

- Arthur, quand la tentacule t'a choppé, j'ai rin pu faire. Ca aurait du êt moi, mais tu m'as poussé pour prendr' ma place. Tes lunettes sont tombées et s'sont toute pétées mais j'les ai gardées. Chais pas pourquoi j'ai fait c'te connerie sur l'moment, mais maint'nant chais. C'pour qu'tu puisse les avoir dans l'aut' monde. Chais pas si t'ira au Valatralala, mais tu mérit'rais. T'étais un vrai guerrier.

Il tend une paire de lunette tordue et rafistolée avec de la super glue et du scotch à Magni pour qu'il la dépose sur le totem consacré. Puis, il reprend.

- Toi et Jack vous m'manquez. Pas qu'à moi, à Will' et Marnie aussi.

Les deux petits trottinent jusqu'à leur camarade. William tend une figurine usée de Végéta, l'un des super saiyans de Dragon Ball Z, en murmurant que c'était sa préférée. Et Marnie a fait un dessin les représentant tous les cinq sur un bateau pirate, car c'était leur jeu préféré. Le frère et la soeur prennent les mains de Tyron et entonne le refrain de "Yohohoh et une bouteille de rhum". C'est Arthur qui leur avait raconté le fabuleux récit de l'Ile au trésor. Un cadeau qui les habite encore.
Les Ninies prennent le relais, habillées dans de longues traines de tissus noirs et de dentelles sombres, maquillée comme des gothiques en roues libre. Norah dépose un petit sachet cousu main contenant un dé, un jeu d'aiguilles et une pomme d'épingles.

- C'est pour Maria. Elle nous a appris à coudre.
- Et pas que du tissus.
- C'était une sacrée bénie du cul
- On dit cul-béni !
- Oh, ça va on s'en fout !

Declan offre une pièce d'échec -la Tour- pour Cherry avec qui il aimait jouer des parties effrénées. Dairine a fait signé un ballon de foot pour Chaitali par tous ses camarades. Scott fait un sobre discours en l'honneur de Trévor et lui lègue dans l'au-delà les cheat codes de Pokémon Ultra-Soleil et Ultra-Lune écrit sur un papier. Katie tient la main de Ryan quand elle chante pour sa bien aimée Murielle. Magni découvre sa voix superbe sur l'ode d'Archive : "Nothing else". Puis elle retire la boucle d'oreille unique dont Murielle possédait l'autre moitié et la tend au prêtre d'Odin.
Quand vient le tour de Jolhane, elle dépose une flèche dont l'empennage est différent pour chaque enfant. Elle a pris soins de choisir l'oiseau, de colorer certaines plumes, et parfois de les assortir de rubans ou de gravures sur la hampe à leur prénom. Elle dépose un baiser sur chacune avant d'en faire offrande

Magni procède alors à l'incinération des totems, jusqu'au dernier, figurant un rasoir de barbier. Ryan regarde Magni longuement avant de finalement accepter la figurine et y mettre feu.

- Adieu, Jarvis O'Brian. Pardonne moi, 'Pa. Je tâcherais de te rendre fier, chuchote-t-il de telle manière qu'il n'y a que l'islandais qui puisse l'entendre.

L'assemblée regarde les flammes grimper vers le ciel et la fumée des âmes être accueillie dans le giron de Mère-Nuit. Retenue jusque là, Jolhane sanglote soudain en murmurant des "Je suis désolée, tellement désolée de ne pas avoir pu vous sauver...". Sa silhouette s'illumine et poudroie comme une étoile en fusion. Ghimbir apparait et pousse un long et profond hurlement de communion.

L’adieu des gosses est terriblement touchant, adorablement drôle parfois - évidemment j’me retiens de rire, j’suis l’officiant après tout ! – mais aussi terriblement émouvant. Voir ces p’tits bouts de chou faire déjà le deuil de tant de camarades c’est … foutrement révoltant, et plus d’une fois je serre les poings tellement la colère me submerge. Quand c’est au tour de Jolhane j’l’encourage d’un petit sourire.
J’patiente tranquillement devant Ryan. J’veux pas le forcer. J’ferai comme il voudra mais j’peux pas empêcher une profonde et surprenante bouffée de fierté quand il prend la figurine entre les mains et y met finalement le feu.

- Adieu, Jarvis O'Brian. Pardonne moi, 'Pa. Je tâcherais de te rendre fier.
Je pose une main lourde sur son épaule et murmure sur le même ton.
- J’suis sûr qu’il l’est déjà. En doute pas.

Quand toutes les figurines flambent finalement, j’suis pris d’une sorte d’impulsion et promet quelque chose à ses âmes perdues trop tôt. Je me tourne vers le bûcher et clame d’une voix forte et féroce.
- Sur mon sang versé, moi Magni Oxärsson, Berserker du puissant Odin jure devant les dieux que je protègerai votre famille. Quoi qu’il en coûte.

On regarde tous la fumée former des volutes vers le ciel jusqu’à le brouiller. Nymphette finit par craquer et éclate en sanglots en soufflant des excuses, laissant enfin s’exprimer cette culpabilité qui ne sortait que dans ses cauchemars. Cette fois, impossible de rester sans rien faire devant sa détresse. J’m’approche et entoure ses épaules tremblotantes de mon bras. Mais elle s’éclaire soudain et laisse la place à Ghimbir qui hurle à la nuit. Elle aussi a besoin d’exprimer son chagrin.
Lorsque le calme revient dans la petite clairière, j’en reviens à mon rôle et entame le dernier chant de la cérémonie, mélancolique, aux accents gutturaux de ma langue natale. Quand ma voix se tait, j’entends plusieurs corbeaux croasser à nouveau et s’envoler dans un même mouvement alors qu’un puissant coup de vent balaie les lieux et vient souffler les flammes pourtant puissantes, réduisant le bucher à de simples braises.
J’vais récupérer les cendres de chacun et j’les dépose dans les trous creusés et me tourne vers les enfants.

- Approchez les gosses. Aidez-moi à faire des chouettes tumuli.

C’est ce qu’ils s’appliquent tous à faire, avec beaucoup de précaution et d’attention, comme si c’était la tâche la plus importante de leur vie.
J’espère qu’ils pourront essayer de guérir de tout ça…qu’ils pourront un jour mettre les horreurs qu’ils ont vécu derrière eux. J’le souhaite encore plus fort que de me débarrasser du caractère à chier de mon ours. Maintenant eux et moi c’est à la vie à la mort. J’l’ai juré devant les dieux. Même si ça emmerde peut-être certain…

J’les regarde tous avec beaucoup de fierté. C’est un poil flippant de constater à quel point je tiens à eux. Mais c’est là, j’vais pas lutter. J’bataille déjà contre assez de trucs dans ma vie. Je retire ma capuche gueule d’ours et leur sourit.

- C’est fini les mômes…vous avez été supers…

J’tourne la tête vers Ghimbir. J’voudrais qu’elle me rende Jolhane. J’voudrais la prendre dans mes bras. Mais je sais qu’elle réapparaitra quand elle sera prêtre. Elle non plus j’veux pas la brusquer.

J’attends.
J’attendrai le temps qu’il faudra.

Petits Humains,
Âmes de bois,
Envolez-vous vers le lointain,
Devenez étoiles à votre tour,
Peuplez le manteau de Mère-Nuit,
Veillez sur nos tanières et nos vies.
Pleure ma soeur.
Féconde la terre de tes larmes.
Fleuris le firmament avec tes mains.
Tu as aimé nos renardeaux,
Comme n'importe quelle mère le ferait.
Et pourtant,
Le chasseur chasse.
Le prédateur tue.
La Mort fauche.
La Vie plante.
C'est ainsi.
Tu as fait ce que tu as pu.

Les petites mains des enfants s'accrochent au poil soyeux de Ghimbir, qui chante à son tour pour les défunts. Puis toutes ces pattes menus s'en vont construire des tombeaux de pierres et de mousse. Jolhane sanglote, blottie contre le coeur de la renarde qui l'entoure de toute la chaleur de son âme. Elle lèche les plaies invisibles de sa moitié, lapant le sel et le sang séché.
L'humaine la plus âgée de la meute s'est agenouillée pour lui caresser le crâne et murmurer à son oreille des mots. La renarde ne les comprend pas. Le pardon n'a que peu de sens dans son propre langage, mais elle sait que Jolhane écoute, que Jolhane s'abreuve de leur signification.

Ils rentrent, épaules contre épaules, mains dans la main, par grappe de deux ou plus. Il fait froid et l'appel du terrier est inéluctable. Ils demeurent des diurnes qui fatiguent vite en l'absence de soleil. Ne reste plus que l'Homme-Ours. Il attend, patiemment, assis en tailleurs à même le sol, face au tumulte des flammes éteintes.
Face aux bûches calcinées et nettoyées de leurs cendres.

Ghimbir s'invite dans le nid douillet de ses cuisses. Elle lèche le visage du prêtre pour le remercier, de ce qu'il a fait. "Tu es bon, humain, et ton Ours aussi, quand il s'en sera souvenu. Les étoiles n'oublient pas." Elle se roule tout contre lui et son pelage s'illumine d'une lueur frissonnante, ne demeure que ses yeux d'or comme point de mire...

... Rougis par les intempéries du chagrin et des remords. Jolhane, recroquevillée dans sa parfaite nudité contre le torse Magni, s'y love en quête de réconfort.

"Merci" aimerait-elle dire.
- Embrasse-moi, s'il te plait... supplie-t-elle à la place.

Tous les gosses ont rejoint la baraque.

Y’a plus que moi, assis tranquillement le cul dans l’herbe devant mon œuvre et Ghimbir dans la clairière. Je sais pas ce qu’attend la Renarde mais tant qu’elle est là, je reste au cas où Jolhane aurait besoin de moi. Si elle file dans les bois j’irai jusqu’au perron de la maison pour veiller sur son retour.

Finalement, elle bouge et vient se nicher sur mes cuisses en léchant ma trogne toute peinturlurée encore. J’enfouie mes doigts épais dans la fourrure toute douce et j'la papouille tendrement.

- Toi aussi t’as du chagrin ma belle ? C’est bien que t’aies pu être là. Tu veilles bien sur ma Nymphette hein ? Elle est super malheureuse là tout de suite, mais j’veux croire que ça ira mieux après.

Le corps de la Renarde s’illumine et j’esquisse un sourire soulagé.
Elle va me revenir.
Elle est même déjà là, entre mes bras, nue, toute recroquevillée contre moi, les yeux rougis. Aussitôt j’attrape son visage entre mes mains et le lève vers le mien, pour m’assurer qu’elle va bien malgré tout, inquiet d’avoir fait une connerie irréparable.

- Embrasse-moi, s'il te plait...
Lentement je me penche vers elle, caressant d’abord son nez avec le mien, embrassant les derniers reliquats de sa tristesse sur ses joues avant de poser mes lèvres sur les siennes. Un baiser doux, presque solennel qu’exprime sans doute mieux ce que j’éprouve pour elle que ma langue. J’la serre contre moi, lui caresse les cheveux. Elle frisonne, elle doit se cailler sévèrement même en étant tout contre moi. J’retire la peau d’ours qui couvre encore mes épaules et la passe autour de son corps. Ca m’fait…un truc. J’sais pas quoi exactement. Elle vient littéralement de se glisser sous ma peau. J’lui baisse le front.

- Viens dýrmætur vixen minn.

J’la soulève dans mes bras et j’nous ramène à la maison bien silencieuse. Lentement je grimpe les marches et la dépose finalement dans le lit, toujours vêtue que de ma peau de bête. J’m’allonge contre son flanc et commence à lui prodiguer mille caresses et baisers. Sur son visage, dans son cou, plus bas sans dépasser son ventre. Des petits baisers révérencieux comme si je bénissais chaque parcelle de sa peau, comme si ça faisait toujours partie d’une sorte de cérémonie. Des mots en islandais sortent de ma bouche comme des restes de prières.
J’lui dis combien elle est courageuse et merveilleuse, que j’veux passer le plus de temps possible à ses côtés, que j’aimerais vénérer son corps comme le plus précieux des cadeaux … bref tout un tas de trucs que j’aurais sans doute jamais dites en sachant qu’elle les comprendrait.
J’veux juste qu’elle se sente bien. Je finis à nouveau par être attiré par ses lèvres que j’baise avec un peu plus de férocité à mesure que le temps passe. J’les quitte finalement à regret pour lui souffler.  

- Tu es merveilleuse Jolhane Doe et c’que t’as fait pour ces gosses, peu l’aurait fait. Maintenant faut qu’tu penses à toi et à ceux qui restent, d’accord ?

Jolhane tremble mais le froid extérieur est bien moindre que celui que le deuil a laissé en elle. Concevoir ces flèches, les personnaliser, infuser une pensée pour chacun d'entre eux à la réalisation, a avivé sa douleur. Le rituel acte leur disparition de manière retentissante.

Ils sont partis.
A tout jamais.
Mais l'ombre de ses remords demeure.

C'est pour cela qu'elle a besoin de sentir la vie de Magni couler sur elle comme un onguent, c'est pour cela qu'elle a besoin de ses baisers pour apaiser les plaies en cautérisation. Le feu purifie, mais il fait mal, aussi. La peau de l'Ours - qu'elle soupçonne être celle de l'esprit animal qui l'habite - l'irradie d'une chaleur à la fois humaine et mystique.
Jolhane s'accroche au cou de Magni, se laisse porter par lui, irradiant d'une pleine confiance. Les enfants dorment, épuisés sans doute par toutes les émotions et l'excitation de la préparation des funérailles. Magni la berce de mots magiques dont elle ne comprend pas le sens mais qui sonnent doux, tendres, infiniment bienveillants. Des litanies de sortilèges qui guérissent les maux de l'âme. Elle caresse son épaisse tignasse noire, redessine l'angle abrupte de sa mâchoire, se noie dans les prunelles de cet homme abîmé et touchant.

"Le tien".
"Le mien".

Jolhane sourit faiblement.

- Tu es merveilleuse Jolhane Doe et c’que t’as fait pour ces gosses, peu l’aurait fait. Maintenant faut qu’tu penses à toi et à ceux qui restent, d’accord ?

Son regard s'embue à nouveau. Elle l'attire contre elle pour mieux se sertir de sa présence.

- D'accord... murmure-t-elle. Je vais penser à toi et aux enfants.

La seule famille qui a du sens à ses yeux.
La seule saveur de cette vie qui continue.

- D'accord... Je vais penser à toi et aux enfants.

J’lui souris, heureux de revoir autre chose que de la tristesse dans ses beaux yeux.

- Ca c’est ma guerrière…que je déclare tendrement en posant un baiser sur son front. Pense aux gosses, essaie de te montrer plus…câline avec eux, j’crois qu’ils en crèvent d’envie, même si certain l’avoueront que sous la torture hein…Pense à toi et tout ce qu’il y a encore à faire à et construire. Et s’il te reste de la place, à moi après.

Même si j’m’en sens pas digne pour un sou. Et pourtant j’suis là, comme un chien affamé et errant qu’a trouvé un endroit où on le nourrissait et qui refuse obstinément de bouger son cul. Ma main trouve la sienne sur les draps et je noue nos phalanges ensemble. J’m’émerveille à chaque fois de voir à quel point ses doigts ont l’air foutrement délicats à côté des miens.
J’note aussi que j’lui ai foutu des traces de mes peintures un peu partout.

- Merde ! J’t’ai salie comme un con. J’vais me débarbouiller la figure.

Avant de quitter le lit, j’lui adresse un sourire de gosse qui va faire une connerie et frotte volontairement mes joues et mes pommettes contre la peau de son ventre. Ma barbe doit lui gratter le derme.

- Foutu pour foutu hein…que je déclare pour toute explication à mes gamineries.

Je passe rapidement par la salle de bain pour me nettoyer le visage et imbibe un gant de toilette d’eau chaude. De retour dans la chambre j’me mets à débarrasser sa peau de toute trace noire avec application et délicatesse jusqu’à ce qu’elle soit toute propre. Alors seulement je l’aide à se glisser sous les draps.

- Tu veux dormir avec ma peau d’ours ? J’dis évidemment ça pour plaisanter. Ca risque de sentir le vieil ursidé ronchon.
Puis penché sur elle, j’l’observe attentivement et demande d’un ton plus doux et sérieux.
- Comment tu te sens, ma Nymphette ?

- Ca c’est ma guerrière…

L'emploi du possessif lui fait anormalement palpiter le cœur. Magni lui offre une autre définition de cette identité qui lui échappe encore.

- Pense aux gosses, essaie de te montrer plus…câline avec eux...
- Il faut... il faut que je me l'autorise et.. et que j'apprenne, fait-elle un peu penaude d'être si dysfonctionnelle. J'ai peur qu'ils me croient faible et qu'il n'aient plus confiance en ma protection si je baisse trop ma garde.
- J’crois qu’ils en crèvent d’envie, même si certain l’avoueront que sous la torture hein…Pense à toi et tout ce qu’il y a encore à faire et à construire. Et s’il te reste de la place, à moi après.
- Magni... Elle pose sur lui un regard incandescent.

Les mots se dérobent, comme souvent. L'éloquence lui fait défaut. Elle aimerait lui dire qu'il fait partie intégrante des fondations de ce nouvel édifice en construction. Elle sent la présence rugueuse de ses mains ouvrières, qui l'aident à porter chaque pierre, qui s'affairent à consolider le mortier branlant, sans même le savoir. Elle aimerait lui dire qu'il a déjà investi cette place pour durablement s'y installer. Qu'il est chez lui.
"A la maison"
"Dans notre terrier"

- Merde ! J’t’ai salie comme un con. J’vais me débarbouiller la figure.
"Reste" pense-t-elle très fort sans oser le formuler.
- C'est pas gra... Magni qu'est-ce que tu fais !? Elle éclate rire sous les chatouilles barbues.
- Foutu pour foutu hein…
- Idiot... Chuchote-t-elle en lui tenant le visage entre les mains. Mon adorable idiot...

Il disparait dans la salle de bain et la laisse seule. Jolhane n'a pas l'énergie de bouger et demeure alanguie, baignée de son odeur rustre et férale. Elle fixe le plafond. Toutes ces émotions l'ont rincée. Elle tourne lentement la tête vers son compagnon de route, qui revient. Dans un silence bercé de tendresse, il la nettoie des dernières traces de deuil et de chagrin. Ils se glissent sous les draps, non sans avoir relégué la peau d'ours à un dossier de chaise sur une pirouette humoristique.

- Comment tu te sens, ma Nymphette ?
- Fatiguée, lui confie-t-elle après une muette réflexion. Triste... soulagée, aussi. Un peu vide....Mais étrangement sereine. Elle le fixe de ses prunelles d'or vert, ses doigts caressant le dru de sa barbe et les angles escarpés de son visage. A ma place...

"Avec toi."

Je dors quasiment pas de la nuit.
Je sais pas pourquoi.

La cérémonie pt-être ? Tous ces préparatifs et cette espèce de tension qui vient de se conclure mettent sans doute mes nerfs à cran.

La perspective de la chasse prochaine ? Avec Jolhane et la trouille que ça engendre de savoir que j’aurais bientôt plus aucun secret pour elle.

Ou alors tout simplement la façon qu’elle a de me regarder ? Comme si je valais quelque chose…comme si j’étais important.

J’suis franchement heureux pour elle si elle pense trouver sa place dans cette réalité-là, loin de ce putain de brouillard. Bordel rien pourrait me faire plus plaisir. Moi, la mienne me parait encore super flou. Si j’arrive à régler mon souci avec l’Ours, pt-être que les perspectives s’ouvriront un peu…ou pas…
Putain c’est compliqué.

J’ai la caboche pleine. Au moins j’ai la satisfaction d’être avec ma Nymphette et de pouvoir la mater dans son sommeil une bonne partie de la nuit. J’me permets même quelques caresses légères pour pas la réveiller. Elle est épuisée la pauvre mais elle a une façon absolument adorable de se serrer contre moi. J’suis pas complètement con et j’sens bien que plus j’reste là, plus j’m’attache à elle…aux gosses…à cette vie de sédentaire que j’connaissais plus depuis longtemps. Ca me fout une trouille d’enfer et j’me fais violence pour pas réveiller Jolhane, l’embrasser à perdre haleine et tout oublier comme ça.

Du coup j’ressasse. Du coup j’me lève, confiant Nymphette aux bras de Morphée, alors que les premiers rayons du soleil inondent la pièce. J’ai sans doute l’air d’un zombi mais quand ça veut pas ça veut pas… Douche rapide, et je descends m’activer dans la cuisine.
Les gosses descendent petit à petit et j’leur prépare la bouffe. A force, je sais qui mange quoi et j’me gourre même pas ! J’m’assure qu’ils vont tous bien après la soirée d’y hier et embrasse Nymphette sur le front quand elle descend. Le petit déj se déroule presque comme d’habitude et on prépare doucement nos affaires pour les quelques jours de chasse que j’lui impose.

Finalement, j’mets tout ça dans Christine (ouais je sais ça fait super louche dit comme ça mais c’est en tout bien tout honneur et j’suis presque sûr à cent pour cent qu’elle est consentante) et c’est l’heure du départ.
J’ai un p’tit mot ou un geste pour chaque môme. J’crois qu’Ikorna est plus triste de voir ma bagnole se barrer que moi et Jolhane. Pour tester, j’tends une main à Ryan mais j’peux pas m’empêcher de lui fournir une p’tite recommandation de mon cru.

- Je sais qu’tu gères mais s’ils te font trop chier p’tite tournée d'infusion au houblon et ils vont tous roupiller comme des biens-heureux ! J’espère que j’vais pas trop te manquer mon Riri ?
J’me penche ensuite pour soulever Marnie dans mes gros bras.
- Viens là ma poupette ! J’lui fais un gros câlin et souffle dans son oreille. On revient bientôt d’accord ? T’inquiètes pas, j’ai demandé à Doudou de mettre les bouchées double pour te protéger la nuit en attendant ton deuxième garde du corps.
J’finis par me glisser au volant de la voiture et démarre le moteur qui ronronne agréablement à mes oreilles. J’me tourne vers Jolhane et lui lance un regard coquin en faisant monter et descendre mes sourcils de manière très très subtile.
- On dirait bien que ça va être que toi et moi pendant quelques jours, Nymphette... j’espère que t’as pas peur de rencontrer le vilain méchant ours ! J’laisse délibérément trainer mon regard sur son corps, comme un mec bien lourd. Il s’pourrait bien qu’il te dévore toute crue…
Quand on est con, on est con hein …
Je chausse mes lunettes de soleil et enclenche la première.
Que la chasse commence… !

Elle a dormi comme un bébé. L'épuisement moral y est pour beaucoup, sans aucun doute, mais pas seulement. Pour la première fois depuis leur retour, Jolhane n'a pas rêvé des Disparus. C'est comme si leurs âmes, apaisées par les offrandes et les sépultures, avaient cessé de visiter son sommeil. Les bras protecteurs de Magni ont fait le reste. Aussi, c'est avec une certaine surprise qu'elle ne le trouve pas à ses côtés le lendemain matin.
L'odeur d'œufs brouillés et de bacon frit explique son absence.
En bas, la plupart des enfants arborent la mine un peu chiffonnée de ceux qui ont trop dormi et qui appellent de leur vœux un prompt retour au lit. Eux aussi, semblent avoir gouté au repos comme rarement ils ont connu. Magni évoluent au milieu d'eux, avec l'aisance d'un berger au centre de son troupeau. Il est effarant de constater à quel point il est à sa place dans le décor, avec cette poêle à la main ou prenant William ou Marnie sur ses genoux. Ce tableau attendrit l'humaine comme la renarde.

Vient ensuite le paquetage de leurs affaires et des munitions. Ils ne vont pas très loin, mais cela prendra peut-être du temps. Jolhane dispense conseils, directives et injonctions à la prudence. Elle confie la maison à Ryan, Katie et Scott, le tiercé gagnant relayant son autorité.

- Faites attention à vous et méfiez-vous des inconnus. Les Heksens raident un peu trop près de chez nous en ce moment, je suppose que c'est l'approche du Solstice d'Hiver qui les rend festifs. Normalement, le frigo est rempli pour une semaine. Katie, tu sauras faire la classe à ma place ?
- Ouais, t'inquiète! Et puis Ryan va m'épauler.
- Je sais qu’tu gères mais s’ils te font trop chier p’tite tournée d'infusion au houblon et ils vont tous roupiller comme des biens-heureux !
- Et se retrouver avec la cervelle en gruyère, comme toi ? raille le jeune homme.
- J’espère que j’vais pas trop te manquer mon Riri ?
- Autant qu'Unseelie.
- Mani, un câlin!
- Viens là ma poupette ! On revient bientôt d’accord ? T’inquiètes pas, j’ai demandé à Doudou de mettre les bouchées double pour te protéger la nuit en attendant ton deuxième garde du corps.
- Tu protèges Doe, hein ? Promis-promesse !

Les aurevoirs s'éternisent un peu, chaque gamin sollicitant une étreinte ou un petit mot de la part des deux adultes. Finalement, le duo montent enfin en voiture.

- C'est la première fois que je les laisse vraiment tout seuls... réalise Jolhane avec une inquiétude toute maternelle. J'éspère qua ça ira...
- On dirait bien que ça va être que toi et moi pendant quelques jours, Nymphette... j’espère que t’as pas peur de rencontrer le vilain méchant ours !

La jeune femme soutient le regard lubrique de son partenaire.

- C'est plutôt lui qui devrait avoir peur de moi... fait-elle avec un haussement de sourcil.
- Il s’pourrait bien qu’il te dévore toute crue…
- Qu'il vienne, souffle-t-elle, le timbre langoureux. Il constatera que moi aussi je sais mordre...

Elle a un pouffement de rire alors que Christine démarre en trombe. Elle secoue la main pour dire aurevoir jusqu'à ce que la silhouette des enfants ne soit plus que des petits points minuscules et indiscernables sur la ligne d'horizon. Prenant l'habitude, elle ouvre la boite à gants et en retire le petit carnet de Magni, où ce dernier consigne les informations sur ses chasses en court.

- Donc on poursuit un loup-garou qui aurait été aperçu en dehors de la pleine lune ? Curieux... Et qui aurait commencé par croquer des moutons, puis les canassons du ranch en bordure de forêt. On le soupçonne d'être l'auteur du meurtre d'un braconnier dans la lande... Hum... Y'a une sacrée escalade. Tiens... pourquoi tu as noté ça ? "Pas bouffé la viande". Tu veux dire qu'il a tué pour tuer et pas pour dévorer ses proies ? De plus en plus bizarre......... T'es sur que c'est un loup garou ?

Elle marque un temps.

- Ceci étant, si c'est bien un loup-garou, l'une des explications possible serait qu'il soit atteint du mal du brouillard. Le dégout de la viande rouge est un des symptômes à un stade plus avancé...

J’adore quand on flirt comme des ados bien lourds… et j’emmerde la subtilité. Notamment parce que j’ai jamais su faire avec. Comme je la sens quand même un peu inquiète pour les gosses, je pose ma main sur sa cuisse et serre légèrement.

- Ca se passera bien. Ils sont tous plus féroces les uns qu’les autres, que je déclare avec assurance. Et puis si y’a le moindre soucis, j’te ramène. On sera pas loin.

J’la regarde attraper mon carnet dans la boîte à gant avec un p’tit sourire. Elle a retenu mes habitudes faut croire.

- Donc on poursuit un loup-garou qui aurait été aperçu en dehors de la pleine lune ? Curieux...
- J’te le fais pas dire ! C’est pour ça que la moitié des chasseurs de la ville veut même pas en entendre parler.
- Et qui aurait commencé par croquer des moutons, puis les canassons du ranch en bordure de forêt. On le soupçonne d'être l'auteur du meurtre d'un braconnier dans la lande... Hum... Y'a une sacrée escalade.
- Un cas d’école. Sauf que comme tu dis, à la place de maturer pendant des années, Loulou a pris des leçons en accélérer du parfait p’tit psychopathe. On est à deux doigts du massacre si tu veux mon avis. L’attaque du braconnier date d’avant-hier. Comme il a pas plu y’a peut-être des traces encore même si je doute pas que la police à saloper le terrain. J’pensais commencer par là.
- Tiens... pourquoi tu as noté ça ? "Pas bouffé la viande". Tu veux dire qu'il a tué pour tuer et pas pour dévorer ses proies ?
- C’est ça ! A peine s’il a joué avec. J’sais pas c’qu’il chercher exactement, mais y’a un truc qui tourne pas rond avec ce Loulou.
- De plus en plus bizarre......... T'es sur que c'est un loup garou ?
- Ah bah c’est soit ça, soit un salopard qui se déguise vachement bien ! Mais j’en suis pas certain à cent pour cent non. J’me suis juste basé sur les descriptions des témoins. Qui sont pas très nombreux faut dire…et je soupçonne le proprio des moutons de picoler vu ses déclarations à la police. C’était pas clair, clair on va dire… Mais tant que j’aurais pas reniflé le machin ça reste des suppositions.

On est tous les deux plongés dans nos réflexions pendant un moment jusqu’à ce que je finisse par me garer sur un bout de lande pas trop loin de là où le crime a eu lieu. J’vais pour défaire ma ceinture quand Jolhane déclare soudain.

- Ceci étant, si c'est bien un loup-garou, l'une des explications possibles serait qu'il soit atteint du mal du brouillard. Le dégout de la viande rouge est un des symptômes à un stade plus avancé...
J’m’arrête aussitôt et pivote vers elle.
- Bordel ! …un loup-garou aurait pu chopper cette saloperie ? Bah on est pas dans la merde… Je fixe un moment le bout des falaises au loin puis j’me gratte la gorge en passant une main dans mes cheveux. Comment…comment ça se passe cette saloperie ? J’ai zéro info sur le bousin. C’est contagieux ? Ça induit des changements de comportement à quel stade ? Si c’est ça…vaudrait p’t-être mieux pas que tu m’accompagnes, non ? J’ai pas envie que ça remonte des souvenirs pas cools pour toi alors que ça commence à aller un peu mieux, non ? A toi de voir… On a deux jours avant la pleine lune. Et s’il est déjà costaud à ce stade, j’imagine même pas ce que ça sera à ce moment-là…
Sauf que si c’est un malade, elle est bien mieux placée que moi pour savoir comment gérer le truc …

- Bordel ! …un loup-garou aurait pu chopper cette saloperie ?
- Il semblerait que cela n'épargne pas les créatures, ni même les démons. Même si les cas sont moins répandus que chez les humains ou les sorciers.
- Bah on est pas dans la merde…

Un silence pesant s'installe dans l'habitacle. Jolhane se sent happée par des souvenirs nimbés de brumes et hantés de papillons.

- Comment…comment ça se passe cette saloperie ? J’ai zéro info sur le bousin. C’est contagieux ?
- A priori, non, sinon moi et les enfants serions hautement pathogènes. Ce que je sais, c'est que les chrysalides peuvent contaminer par griffure, morsure ou.... ponte. Mais les malades ne le sont pas avant d'avoir atteint ce stade. Je ne sais pas pourquoi....
- Ça induit des changements de comportement à quel stade ?
- C'est compliqué à dire. De ce que j'ai pu observer le premier stade s'accompagne d'anxiété, de crises d'angoisse et de cauchemars. Il n'y a pas encore de fièvre mais la viande, surtout la viande rouge, n'est plus supportée par l'organisme. La phase suivante ressemble à une grosse gastro couplée d'hallucination visuelles et auditives. Ensuite ça peut soit stagner extrêmement longtemps voir, pour toujours, soit dégénérer. Il n'y a pas vraiment de logique. Mais je pense que la présence de papillon accroit fortement les risques d'aggravation. Je suis assez choquée de constater que les infectés hors du brouillard que j'ai pu croisé sont plutôt stables... dans le brouillard, ils se sont tous transformés en chrysalides assez rapidement. Soit le corps explose pour libérer des phalènes contaminantes, soit la chrysalide garde son corps mais perd toute trace de son individualité : elle ressemble à une sorte de zombie mi-humanoïde, mi-papillon avec un fort esprit "de ruche". Elle cherche à pondre dans des corps chauds ou à fusionner avec d'autres chrysalides. A ce stade, leur contact est synonyme de condamnation.
- Si c’est ça…vaudrait p’t-être mieux pas que tu m’accompagnes, non ?
- Pourquoi ? demande Jolhane froidement.
- J’ai pas envie que ça remonte des souvenirs pas cools pour toi alors que ça commence à aller un peu mieux, non ?

La jeune femme regarde son compagnon avec une expression indéchiffrable.

- A toi de voir… On a deux jours avant la pleine lune. Et s’il est déjà costaud à ce stade, j’imagine même pas ce que ça sera à ce moment-là…
- Raison de plus pour que je sois là. Je suis sans doute la seule "spécialiste" connue à ce jour du Brouillard et de ses créatures.

La chasseuse marque un temps. Elle cherche doucement le contact de Magni, d'une façon où d'une autre. Une fois connectée à lui, elle pousse un léger soupir.

- Nous savions les enfants et moi que tout ça n'est finalement que temporaire. Il n'y a qu'une chose qui retient le brouillard, c'est Unseelie, elle-même. Quand elle décidera de le lâcher sur l'ensemble de la ville et ... le monde. Nous devrons nous battre à nouveau. Voilà pourquoi, nous nous entrainons tous les jours Magni. On nous a offert un intermède, mais il ne sera pas éternel. Je le sens au fond de mes trippes, et je en suis pas la seule. Ryan, Katie, Scott... C'est pour ça qu'ils s'empêchent de vivre réellement. Sourire un peu triste. C'est pour ça que je savoure tous ces précieux moments que tu nous offres... Demain, ...Elle déglutit... Demain ce sera peut-être la fin du monde.

- Raison de plus pour que je sois là. Je suis sans doute la seule "spécialiste" connue à ce jour du Brouillard et de ses créatures.
Je pousse un gros soupir.
- Ouais je sais… Bon va falloir que j’évite que ce truc me griffe ou me morde… Merde, ça va pas être simple au corps à corps. Comme tu peux le deviner, la défense c’est pas tellement la spécialité des Berserkers. Fais chier, putain !
J’donne un p’tit coup sur le volant. Ce qui me ressemble absolument pas mais ce brouillard commence à sérieusement me casser les burnes. J’devrais sans doute renoncer à cette cible ou en tout cas ne pas laisser le Berserker sortir tout de suite. Sauf que j’peux pas laisser c’te bestiole trainer dans le coin et infecter les autres impunément tout comme j’pourrais pas retenir la violence qui bouillonne en moi.
J’passe une main dans ma tignasse et attrape la main tendue de Nymphette.

- T’inquiètes, ça va aller, on va se débrouiller.

J’me gare au milieu de nulle part dans la lande battue par le vent hivernal.
- Nous savions les enfants et moi que tout ça n'est finalement que temporaire.
- Eh oh c’est moi le fataliste de la bande hein… que je lance avec un sourire un peu faiblard.
- Il n'y a qu'une chose qui retient le brouillard, c'est Unseelie, elle-même. Quand elle décidera de le lâcher sur l'ensemble de la ville et ... le monde. Nous devrons nous battre à nouveau. Voilà pourquoi, nous nous entrainons tous les jours Magni. On nous a offert un intermède, mais il ne sera pas éternel.

C’qu’elle dit m’angoisse à un niveau étonnant. J’veux dire pour quelqu’un qui se croit de toute façon au bout du chemin. Faut croire que finalement j’commençais à penser que j’pouvais m’en sortir… J’la regarde quelques longues secondes dans les yeux, inquiet, tendu. J’essaie de faire bonne figure.  

- T’en sais rien Nymphette. J’suis certain que toutes les grandes pontes surnaturelles de la ville sont en train de chercher comment vaincre cette merde. P’t-être que ça sera pas suffisant, mais p’t-être que si…
- Je le sens au fond de mes trippes, et je ne suis pas la seule. Ryan, Katie, Scott... C'est pour ça qu'ils s'empêchent de vivre réellement. C'est pour ça que je savoure tous ces précieux moments que tu nous offres... Demain ... Demain ce sera peut-être la fin du monde.
J’me penche soudain, attrape sa nuque et l’embrasse comme un perdu.
- Dis pas ça…putain dis pas ça, Jolhane. Tu m’as dit de croire en l’avenir. Bah t’as gagné j’y crois, rien qu’un peu mais c’est tout ce qui m’reste. Alors me le retire pas. Vous le retirez pas alors qu’il s’offre aussi à vous.
J’prends une profonde inspiration et vrille des yeux déterminés dans les siens.
- Tu sais quoi ? Qu’elle vienne cette crevure ! Qu’elle nous foute tous dans la même merde et elle se retrouvera avec tous les gens de cette putain de ville sur la gueule. On la laissera pas mettre tranquillou ses charentaises et refaire la déco…Vous vivrez plus l’enfer. Pas si j’peux l’éviter, ok ? J’pose un baiser sur son front. Chaque emmerde à la fois steuplé… On a un loup à flairer…

J’lui souris et sors de la bagnole. Me repérer dans ce paysage morne ou rien ressort est pas évident mais je finis pas retrouver l’endroit indiqué dans les rapports de police. La terre à déjà avaler le sang et le vent a dû balayer les indices qui sont passer sous le nez de la police. Pourtant j’finis par trouver des traces un peu plus loin dans un sol plus meuble et boueux. J’inspire à fond, laisse de côté l’iode qui a tendance à tout camoufler pour repérer autre chose. Y’a clairement des fragrances canines. Pas récentes. Franchement ça ressemble grave à un loup-garou…J’vais pour me tourner vers Jolhane quand l’odeur musqué du loup me frappe de plein fouet sans que je sache d’où ça sort.

Le Berserker a senti sa proie.

J’veux prévenir Nymphette, lui dire de se barrer mais tout mon corps se tend comme une corde et je rejette la tête vers le ciel, les muscles du cou contractés à l’extrême. La transe est si violente et soudaine que j’ai du mal à la contenir. J’ai les mains qu’ont la tremblotte et je grince des dents pour éviter de tout lâcher maintenant.
- Putain ! Saloperie ! Tu peux pas…attendre !

Le baiser lui noue brutalement les trippes. L'émotion l'étreint avec une telle force qu'elle sent ses larmes monter sans prévenir. Elle est encore trop fragilisée parce qu'ils ont vécu hier, trop émotive. Pour cacher son trouble, elle l'embrasse encore plus fort et de manière tout aussi désespérée.

- Dis pas ça…putain dis pas ça, Jolhane. Tu m’as dit de croire en l’avenir. Bah t’as gagné j’y crois... La jeune femme a un petit rire étranglé, piteux. Le bout de ses doigts effleurent la bouche de Magni... rien qu’un peu mais c’est tout ce qui m’reste. Alors me le retire pas.
- ... Pardon... Timbre fêlé.
- Vous le retirez pas alors qu’il s’offre aussi à vous.
-... Je suis désolée...
- Tu sais quoi ? Qu’elle vienne cette crevure ! Qu’elle nous foute tous dans la même merde et elle se retrouvera avec tous les gens de cette putain de ville sur la gueule. Elle a ce sourire tremblant des âmes qui ont déjà trop vu. Beaucoup trop vu. On la laissera pas mettre tranquillou ses charentaises et refaire la déco…Vous vivrez plus l’enfer. Pas si j’peux l’éviter, ok ?

Elle a beau savoir que c'est faux, la volonté farouche de Magni nourri un fol espoir qu'elle avait enfoui sous la cendre. Tout son espace est empli par lui, par sa présence, par son énergie. Tout son être vibre au gré de ces quelques mots inconscients. "Je l'aime" réalise-t-elle soudain, épiphanie limpide et sans retour possible.

-Chaque emmerde à la fois steuplé…
- O.. ok... bredouille-t-elle. Elle appuie les coussinets de ses paumes sur ses yeux pour refouler les larmes qui voulaient s'épancher.
- On a un loup à flairer…
- Ouais!

Jolhane se gave de ce sourire barbu et solaire, en fait un nutriment actif pour son courage et quitte l'habitacle de la voiture l'esprit clair et sans nuage. Elle s'empare de son arc à poulies sur la banquette et harnache son carquois sur sa maigre poitrine. Alors qu'elle attrape la hache de Magni pour la lui donner, la brise côtière lui apporte une toute autre odeur que les embruns. Ghimbir s'arque sur ses quatre pattes, aux aguets, affûtant ses sens au maximum.
Le fumet est pénétrant, presque âcre.
Vicié.

- Magni tu as se....

Elle se fige. L'air autour du guerrier d'Odin est électrique. Ghimbir grogne et gratte dans sa tête, sentant la présence de l'Ours qui se manifeste. Son essence agite l'atmosphère, rendant la renarde excitée comme jamais. Inconsciemment, Jolhane retrousse les lèvres sur ses dents serrées, comme le ferait un animal. Puis elle secoue la tête en soufflant à plusieurs reprise, chassant l'instinct primal qui la pousse à attaquer ou fuir. Elle se contraint à feindre le plus grand calme, à franchir les quelques pas qui les séparent et à se poster près de lui, par devant, en ennemi, mais sur le flanc, en alliée. Elle lui tend sa hache pour qu'il la lui prenne.

- Dans la bruyère... dit-elle, la voix si basse qu'elle en est presque inaudible.

Une fois que le berseker a son arme au poing, elle disparait à grande enjambées lestes et silencieuses dans les hautes herbes battues par le sel.
Et c'est comme si elle s'était soudain volatilisée.

- Magni tu as se....

Nos têtes se dressent quasiment en même temps, le fumet canin est proche. Putain de proche. Avec une vilaine odeur que moi j’connais pas encore mais que Nymphette doit connaître par cœur. Ça pue la chair pas fraîche. On pourrait se demander pourquoi ce couillon revient sur les lieux de son crime…ou  alors il crèche pas loin et le braconnier s’est trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment.

Mais le Berserker se fout de tout ça.

J’le contrôle encore un poil avant de lâcher prise. J’veux m’assurer que Jolhane est sur ses gardes et prêtes à intervenir que ça soit sur moi ou sur le loup. Elle est plus que prête.

Ma fière guerrière.

J’empoigne ma hache avec une grimace plus proche du rictus jouissif que d’un sourire charmant. J’attrape sa nuque au passage et la force à regarder mes yeux blanchis.
- On se voit après, Nymphette. Ok ? que je souffle avant de la laisser.
J’baise rapidement ses lèvres, autant pour me donner du courage que pour lui rappeler que derrière ce putain de Berserker j’suis toujours là.
- Dans la bruyère...
- Je sais. Va.

Elle se glisse dans les hautes herbes et disparait littéralement. Cette fois je laisse tout partir. L’air s’appesantit autour de moi. Un souffle étrange coule depuis la forêt, apportant des chants guerriers que je répète à voix basse puis de plus en plus fort à mesure que la transe se finit. La nature se tait soudain. Sa façon à elle d’accueillir la venue de nouveaux prédateurs.
Mon corps se fortifie, j’me redresse de toute ma haute taille, mes os craquent un peu et j’les fais bruisser. Mes narines se dilatent, cherchent l’odeur de l’ennemi.

J’éclate de rire. Un rire dément.
- Trouvé mon Loulou ! Allez sort de ta cachette ou j’viens te chercher !
Il sort et j’vois plus que lui. Je jubile si fort que je ris à nouveau.
Le loup charge et j’cours à sa rencontre. Nos courses soulèvent des mottes de terre. La rencontre est inévitable. Brutale. Le Berserker n’a aucune stratégie, aucune méthode de défense. C’est donc plus ou moins par miracle que j’évite son coup de griffes. Lui par contre se prend mon coup de tête en plein museau et couine. J’ai la tête dure. Pourquoi avoir utiliser mon crane plutôt que mon arme ? J’sais pas. Parce que ça nous fait mal à tous les deux et que la douleur signifie qu’on est toujours en vie. J’profite qu’il soit désorienté pour lui foutre un bon coup de poing dans les naseaux.

- Ca fait mal ducon hein ?
Il cherche à mordre en représailles mais un vieil instinct guide les pas du Berserker qui semble comprendre que son haleine est celle d’un malade et j’recule. Ma hanche siffle enfin, et frôle ses oreilles avant qu’il le loup ne bondisse sur le côté. J’repars aussitôt à l’attaque. J’le harcèle de coups, il esquive à chaque fois, contre-attaque parfois, mais le Berserker aussi a des putains de réflexe.
On dirait une sorte de danse sans grâce. Un duo mortel.
J’suis une machine de guerre infatigable quand j’suis comme ça. Rien ne m’arrête. Alors je continue jusqu’à avoir la faille. Et j’la trouve putain. J’fais lourdement tomber Loulou sur le cul d’un coup de pied bien placé et j’perds pas de temps. Ma hanche s’enfonce dans son épaule et il hurle de douleur. J’visais le cou. Il a de sacré reflexes c’t’animal. Un ennemi à ma…notre mesure ! Vicieux, j’fais un petit mouvement de scie puis la retire d’un coup sec.

- On va jouer un peu toi et moi...

Ca pisse le sang alors j’y vais joyeusement. Avec une précision dont je s’rais pas capable en temps normal, la lame retrouve la plaie, presque au même endroit et je taillade une fois, deux fois, trois fois
Ouais. J’suis pas super beau à voir dans ces cas là. On dirait vraiment que j’ai pété un boulon. Parce qu’on plus de ça je ris à nouveau. Comme si sa douleur, ses hurlements me faisaient un bien fou.

Et c’est le cas.
Voilà ma nature.
Et seule sa mort m'apaisera. Enfin...normalement.
Mais le Loup qu’j’ai en face de moi est vieux, expérimenté. Il reprend ses esprits et arrive à choper mon bras entre ses crocs. Ça devrait m’inquiéter mais j’ris plus fort. Cela dit j'sens pas ses dents sur ma peau. Merci mon cuir.
- C’est ça putain ! Débats-toi ! Lutte ! Encore !
J’vais pour lui donner un nouveau coup de poing sur le museau mais il me lâche au dernier moment, me fait chuter à mon tour et se met soudain à courir.
Il s’enfuit !
Ma proie s’enfuit.
J'pense pas à Nymphette. Faut pas que j'y pense. J'veux pas qu'il...je...putain j'sais plus...passe sa frustration sur elle.
- Tu veux jouer au Loup, connard ?
Sauf que j’reste hyper calme. Je me redresse, remets ma hachette dans son étui …

- Oh putain non… tu nous échapperas pas !

…et m’élance à sa poursuite. Y’a qu’à suivre la piste de son sang vicié. Facile. En théorie.

Que la chasse commence Loulou !

Jolhane s'est postée en tant qu'observatrice, sur un point culminant lui permettant de mieux assister au combat. Elle souhaite laisse le champ libre au Berseker, que Magni ne se sente pas freiné par sa présence. Il doit lui lâcher la bride autant qu'il le peut, pour qu'il puisse ensuite retrouver un peu de paix et elle, un peu de lui.
Alors elle guète, attentive aux menaces extérieures sans détourner le regard des passes effectuées entre la créature -qui s'est vite montrée- et le guerrier. Jolhane absorbe le spectacle qui fait jour sous ses yeux, elle s'imprègne de cette vérité. Il n'y a ni forme, ni loi, ni la moindre règle régissant la violence de Magni : elle éclate de la manière la plus pure, la plus brute, la plus viscérale. Son instinct lui hurle de fuir cet animal déchainé, dangereux pour elle-même et pourtant, le déferlement de rage la fascine. Il fait écho à quelque chose de lointain, d'effacé.
A la présence fantôme d'Aria.
Oui, Aria débordait de la même violence, elle en est sûre à présent. Voilà pourquoi la scène a des atours familiers. Pourtant, c'est comme si on l'avait amputée de cette agressivité pour n'en laisser que la fougue.

le Berseker domine nettement son adversaire, il joue même avec, délayant la plaisir infligé par sa propre supériorité. Il n'y a qu'une issue logique à ce combat perdu d'avance : la fuite. Jolhane n'est pas étonnée de voir le loup choisir prestement cette option et  s'engouffrer dans la forêt. La jeune femme galope à sa suite, camouflant toujours sa présence parmi les fourrées, en filant sous le vent. La bête s'arrête brusquement en pleine clairière, comme frappé parce qu'il voit. Il couine, piétinant les feuilles mortes, jetant autour de lui des œillades terrifiées. Ses pupilles dilatée traduisent un état de transe hallucinatoire.

"Il est réellement malade." se dit Jolhane en son fort intérieur.
"Son odeur trop faisandée l'atteste" confirme Ghimbir, méfiante. "Tue-le".
"Magni le fera. Il en a besoin."
"Qu'il cesse de jouer avec sa proie en ce cas! " grogne la renarde avec dédain.

L'arrêt involontaire du loup-garou, en prise avec ses propres vision, permet à Magni de le rattraper. Le combat reprend et a pour vertu de ramener le bestiau au moment présent et à la hache qui manque de lui sectionner une oreille.
Jolhane reprend sa posture attentiste, prête à intervenir au cas où... Quand soudain elle perçoit le sifflement caractéristique d'une flèche qui fend l'air. Le carreau file et se plante au dessus de l'omoplate du berseker.

- Non ! s'entend-t-elle crier.

Elle ne les a pas senti venir, ces fumiers! Ils sont quatre, peut-être cinq, sans compter l'archer dissimulé dans les buissons. Ils déboulent des fourrés et encerclent les deux combattants. Le loup est à l'agonie, le Berseker très certainement irrité de cette intrusion. Leurs odeurs est bizarre, étrangement mixte. Elle n'arrive pas à savoir si l'essence est humaine ou animale.

Une seconde flèche perce le cuir et la couenne de Magni.

La jeune femme oublie toute prudence, toute injonction à la survie élémentaire. On s'en prend à son homme et c'est inadmissible ! Avec une brutalité vengeresse, elle perce la cuisse d'un premier assaillant à distance et déboule comme une comète pour lui arracher la hampe des chairs, emportant un beau morceau de viande avec. Elle s'apprête à embrocher un autre type avec quand une voix de stentor la fige.

- ARIA ! ARRETE !

Le cinquième larron, celui qui cherchait à transformer son compagnon en hérisson, sort de sa cachette, mains tendues en avant. Il poursuit sur un ton apaisant tout en retirant lentement sa capuche. C'est un homme très brun, la mâchoire carrée, la peau burinée et constellée de tâches de rousseur, le nez busqué, d'une trentaine d'année. Il pose sur Doe deux prunelles très noires serties dans deux amandes un peu tombantes. Jolhane plisse les paupières frappé par une sensation de "déjà-vu".

- Aria, je t'en prie... C'est moi, Matyas !

Evidemment que j’le rattrape...

Comme s’il pouvait NOUS échapper. J’fonce à nouveau sur lui sans me préoccuper de stratégie, sans même faire attention à l’état apathique de mon ennemi. Il reprend du poil de la bête quand ma hanche frôle son crâne. Et la danse continue. Ses esquives sont de moins en moins rapides mais j’accélère pas le rythme. J’me nourris de sa peur, de sa pseudo combativité, de la douleur qui déforme son facies animal alors que le mien reste crispé sur une grimace souriante de triomphe. Je savoure ma supériorité, notre combat.

Encore une fois, ON a vaincu. ON reste debout. J’finis par mettre le loup au sol et j’appuie ma godasse sur son torse pour l’empêcher de bouger, pressant assez fort contre son poitrail pour l’enfoncer un peu dans le sol plus meuble de la forêt. J’le toise de toute ma hauteur alors qu’il jappe et vrille ses yeux dans les miens. Curieux, on dirait presque qu’il me supplie de le tuer.  

- Fini de jouer maintenant…

J’lève ma hache et m’apprête à l’abaisser sur la créature au moment où une odeur étrange parvient à mes narines. Légère, que j’perçois simplement parce que le vent vient de tourner. J’ai pas le temps de m’appesantir sur la provenance de ses nouveaux ennemis sur mon chemin parce qu’une flèche vient s’enfoncer dans mon dos. J’pousse pas une plainte mais mon corps a un soubresaut vers l’avant. Pendant un bref instant j’me dis que finalement Jolhane a décidé de mettre fin à ma misérable vie. Mais ma théorie fait pas long feu quand j’entends son cri.
Fou de rage, j’me retourne, prêt à faire la fête à mon assaillant invisible. Une seconde flèche s’enfonce dans mon épaule et j’serre les dents.

- V’nez vous battre comme des hommes, putain de lâches !

Du coin de l’œil j’vois Jolhane s'occuper de deux gars. Mon aura s’intensifie alors que j’me concentre pour repousser l’Ours prêt à sortir pour venir défoncer tous ceux qui se trouvent dans les parages. En commençant par celui qui m’a pris pour un mannequin d’entraînement. Le tireur vient de se rappeler qu’il a des couilles finalement puisqu’il sort des fourrés. Le loup a profité de mon inattention pour essayer de ramper au sol loin de moi et a trouvé le moyen de se relever.

- ARIA ! ARRETE !

J’vois littéralement rouge !

- Aria, je t'en prie... C'est moi, Matyas !

Non seulement cette ordure me prive d’une mise à mort bienfaitrice et m’attaque mais en plus il semble connaitre NOTRE FEMME et j’aime pas la façon dont il la regarde tout comme le prénom qu’il vient d’utiliser. J’balance négligemment ma hache dans le dos du loup -  j’reviendrai finir le travail plus tard - et j’fonce littéralement sur le gars avec un cri de rage guerrier et féroce. J’reçois une autre flèche mais j’m’en cogne. L’autre a pas le temps de réagir et j’suis en plein transe.
Ils peuvent pas m’arrêter maintenant.
J’commence par un bon uppercut pour défouler mes nerfs et j’l’attrape par le collet pour le soulever devant moi comme une poupée. J’approche son visage du bien et le regarde dans les yeux.

- C'est ma Jolhane que t'appelle Aria connard ? Y'a pas de Aria ici ! Alors vous mettez pas sur mon chemin toi et tes potes, sinon j’vous massacre.

J’hausse même pas la voix, ça sert à rien j’crois. La pression de ma poigne sur son cou suffit. Il aspire l’air avec difficulté. D’une main j’arrache la flèche de mon épaule, faisant piser le sang. Crantée la pointe. Ça fera mal plus tard, après la transe. Sans prévenir, j’balance ma proie devenue bleue par terre avec violence et jette la flèche sur lui. L'homme tousse et j'vois clairement des marques de doigts sur sa gorge.
P'tits souvenirs.  

- Reprends tes merdes et casse-toi !

Jolhane fixe l'inconnu de ses prunelles d'or. Son immobilité a quelque chose d'animal. Elle hume l'inconnu, perturbé par une sensation de familiarité qui ne lui vient de nulle part. La mémoire de sa chair reconnait son parfum. Elle n'explore pas cette piste plus loin. Magni rue sur ce "Matyas" avec une rage débridée. La brutalité du possessif sur sa personne fait naitre une fleur de feu dans sa poitrine dont les pétales s'étendent dans les moindres parcelles de son corps. Son expression a beau rester de marbre alors que le berseker tabasse et strangule l'étranger, une flamme de jubilation sauvage anime son regard.

"Ma Jolhane" a-t-il dit.
Cette simple affirmation la fait vibrer d'un plaisir fauve.

- Aria.. kof.. Kof.... gémit l'archer une fois au sol. Alors.. t'as vraiment tout oublié.... ?

Ses comparses la zieutent tous avec des expressions de stupeur, d'incompréhension, voir de tristesse. Comme Nardus. Comme L'albinos. Elle se sent soudain cernée par toutes ses œillades qui griffent sa peau de Jolhane pour tenter de la déchirer, de retrouver Aria. Un colère sourde alimentée par la panique monte en elle. Ghimbir feule et retrousse les babines pour découvrir ses crocs. Par mimétisme inconscient, son âme soeur humaine fait de même.

- Aria... Ou Jolhane... nous sommes du même côté, tente de pacifier l'homme qu'elle a faillit égorger à coup de pointe de flèche. Nous sommes des Vulpe. Il désigne le loup-garou immobilisé au sol par la hache de Magni. Tout comme Boran.
- Il est malade... poursuit Matyas qui s'est remis debout non sans glavioter un mollard sanglant au sol. Il ne contrôle plus sa transformation. Mais c'est un chasseur, un frère de notre clan.
- C'est une menace.
- Aria....
- JE NE SUIS PAS ARIA ! Jappe-t-elle avec hargne. D'un coup sec, elle plante sa flèche dans le torse du médiateur. Celui-ci pousse une plainte terrible et flanche, genoux à terre. Pourtant le coup n'avait rien de mortel. Jolhane arme calmement une nouvelle flèche qu'elle pointe vers le crâne du malheureux. Loup-garou, n'est-ce pas ? Ce sont des flèches en argent. Faites encore usage de ce prénom et je lui rends toutes les flèches que tu as pu tirer sur Magni...
- A.. Jolhane! Tu te rends compte de ce que tu fais ?! Tu t'attaques à ta famille
- Vous n'êtes pas ma famille. J'ai déjà une famille. Oeillade incandescente vers Magni ..... Vous, vous n'êtes personne! Maintenant, écartez-vous et laisser mon homme achever son combat.

Le visage de Matyas a perdu toute couleur. Il contracte la mâchoire.

- Ca... ton homme, ce jigodie ?! Aria! Tu vas revenir à la raison maintenant ! On te rendra la mémoire, de force s'il le faut !
- Je t'avais prévenu.

La corde de son arc se détend, les poulies font claquer leur mécanisme, la flèche fuse... mais ne se plante que dans la cuisse du malheureux à terre. Aussi furieuse, soit-elle, Jolhane n'est pas Aria. Elle ne tue que si s'est strictement nécessaire à sa propre survie.

- Votre ami est déjà mort. Laissez-le achever sa vie sur un combat qui a du sens, plutôt qu'en devenant une niche pour les papillons d'Unseelie et l'idée qu'il vous contaminera tous...
- Hors de question de laisser ce salopard le massacrer !

Les chasseurs restant tentent de désarmer Jolhane. Matyas se jette sur Magni. Les marques sur son cou ont blanchi. Sa force est herculéenne. Il n'est pas plus humain que lui.

Ce Matyas me gonfle sérieusement mais j’suis trop concentré sur mon Ours pour suivre vraiment la conversation. Il a tellement envie de sortir putain ! Et j’suis à deux doigts de le laisser, histoire qu’il leur ferme leurs gueules à tous une bonne fois pour toute. Mais y’a Jolhane. Faut pas que j’me laisse totalement aller. Tout ce que je sais c’est que le gus j’le sens pas et j’veux me le faire. D’une façon ou d’une autre. J’m déplace lentement sur le flanc de Nymphette. J’veux pas non plus lui couper sa ligne de visée.
- A.. Jolhane! Tu te rends compte de ce que tu fais ?! Tu t'attaques à ta famille.

J’ai une légère crispation de tout mon corps. J’pense aux gosses qu’attendent et qui sont devenus sa famille par la force des choses.
- Vous n'êtes pas ma famille. J'ai déjà une famille. J’sens son regard sur moi et j’lui rend. Vous, vous n'êtes personne ! Maintenant, écartez-vous et laisser mon homme achever son combat.
- Ca... ton homme, ce jigodie ?!
J’dis rien. J’me contente de lui lancer un sourire féroce. Eh ouais connard ! Si tu crois que j’ai pas capté tes regards sur elle…
- Aria! Tu vas revenir à la raison maintenant ! On te rendra la mémoire, de force s'il le faut !
Je bouille de rage mais j’ai les mâchoires tellement crispées de me retenir de tous me les faire que j’arrive même pas à parler.
- Je t'avais prévenu.
Elle plante une flèche dans le gars déjà blessé. Putain ma meuf est géniale !
- Votre ami est déjà mort. Laissez-le achever sa vie sur un combat qui a du sens, plutôt qu'en devenant une niche pour les papillons d'Unseelie et l'idée qu'il vous contaminera tous...
- Hors de question de laisser ce salopard le massacrer !
- Ca me dérange pas de changer de cible, connard !  que j’arrive enfin à articuler, rictus de requin sur les lèvres, plus que prêt à en découdre.

J’le vois me regarder avec une haine qui me fait littéralement frémir de bonheur. Il va se lancer.
Viens ducon, sois pas timide.
C’est limite si j’lui ouvre pas les bras quand il se jette enfin sur moi. Plus rien n’existe en dehors de mon ennemi, de ce combat. Il me décoche un coup de poing dans la gueule et ça fait un mal de chien ! Loup-Garou aussi si j’en crois son odeur beaucoup plus nette depuis qu’on s’est lancer dans un tango enflammé. Je secoue la tête et le regarde avec une sorte d’insolence tranquille.
- C’est tout c’que t’as ?

Ca le titille un peu apparemment. Il redouble de force et de vitesse et me passe à tabac comme il faut.
Plus il me tape et plus j’me marre.
Plus il me tape et plus j’me sens fort et je jubile carrément.

J’réplique mollement histoire de l’endormir un max. Il s’arrête finalement, sans doute un peu fatigué de m’harceler de coups. J’crache un flot de sang par terre et lui lance un sourire ensanglanté parfaitement flippant.

- Encore putain ! ENCORE ! Allez viens, P’tit Loup ! Tu voulais me montrer qu’t’en avais plus dans le pantalon non ?

Ça le relance. J’ferais une parfaite pompom girls ! Et la danse continue, même si j’le sens moins vif et moins rude. J’esquive un peu plus, réplique plus fermement alors que l’autre s’est bien agité pendant tout ce temps, me bourrinant le torse et les mâchoires de ses poings et de ses pieds. Finalement j’en ai marre de rester inactif et j’suis tellement gonflé à bloc qu’il faut que j’évacue un peu. Alors qu’il allait encore me frapper, j’arrête son coup avec une certain facilité et fluidité. Matyas me jette un coup d’œil surpris et j’lui tords violemment le poignet. Heureusement pour lui il a les os solides. Un humain aurait eu l’articulation retournée.

- A mon tour, que j’lui susurre à l’oreille avec une grimace féroce.

Et j’lâche tout, sauf la cage de l’Ours. J’lui balance toute ma colère, ma rage, ma fureur divine. Poings, pieds, dents j’utilise tout c’que j’ai pour lui faire mal, le faire plier. Tout ça en riant comme un dément. Et ça marche. Il souffre le connard. J’le balance contre un tronc épais tête la première et il vole sur quelques mètres avant de s’écraser sur l’écorce. J’lui laisse pas le temps de se relever, j’le massacre au sol, j’l’écrase de mes semelles comme un insecte jusqu’à ce qu’il arrête de vouloir se relever. Il respire encore, mais il est plus tout frais. J’pousse un hurlement de triomphe vers le ciel à en secouer les oiseaux qui s’envolent à tire d’ailes sauf une nuée de corbeaux qui croassent au-dessus de ce pseudo-champs de bataille.

Odin est avec moi aujourd’hui !

- FYRIR ODIN, que j'hurle à plein poumons. Même s'il s'habille en Prada.

J’me penche, attrape la tignasse de l’autre connard et l'oblige à lever la tête vers les corbacs.
- Tu les vois Mannfýla…ils sont là pour toi aujourd’hui.
Lentement, j’essuie mes yeux plein de sang et j’vais récupérer ma hache dans le dos du Loup malade qu’a pas bougé. Dans un puissant mouvement j’le décapite d’un coup. Voilà problème réglé avec lui. Ca m'emmerdait de toute façon toutes ses discussions autour de son sort.

Ahhhh putain ça fait du bien !

Demain j'aurais mal. Aujourd'hui j'me sens invincible.
Le pas tranquille, j’retourne vers Matyas qui tente de se remettre debout. D’un coup d’godasses, j’le revois au tapis.
- Au sol, connard ! C’est là qu’est ta place. Si tu te relèves j’vais être obligé de te tuer.
En temps normal j’aurais pas hésiter. Mais même si ça me fais chier de l’admettre, Aria a connu c’type et Jolhane voudrait peut-être pas le tuer. J’lève enfin mon regard vers elle et j’la fixe de loin. Même là, en plein milieu d’une bataille, j’la trouve incroyablement envoutante. Assez pour me faire oublier le trou du cul à mes pieds pendant quelques secondes. J’lève ma hache un peu plus haut que mes haches et attend de savoir ce qu’elle veut faire ensuite.

Ca te fait chier l’Ours hein ? Mais c’est comme ça, le Berserker est à ses ordres aujourd’hui et tant que j’serais aux commandes.

Les deux mâles alpha s'élancent l'un contre l'autre avec fureur, laissant Jolhane aux mains des deux Vulpe encore debout. L'un traine sa patte folle; L'autre est animé d'un ressentiment tenace. Ils sont humains, tous les deux : elle le sent au fumet que dégage leur sueur.
Commence alors une danse fluide pour la renarde. Ses mouvements sont lestes, souples, d'une étonnante rapidité. Ses adversaires ont beau être deux et entrainés, elle évite facilement les coups sans jamais paraitre acculée. Au contraire, elle donne l'impression de jouer avec eux.

"Toi aussi tu t'amuse avec tes proies ?"
" Pas toi ?"
Ghimbir ricane en goupil, et un rictus folâtre fleurit sur les lèvres de Jolhane.

Lorsque l'un d'eux parvient à la saisir par la chevelure, elle décide qu'il est temps de cesser de batifoler. Elle fait mine de basculer en arrière et perdre son équilibre pour mieux dégainer son couteau de chasse et le planter dans le mou du bide de son adversaire. La poigne sur sa queue de cheval se relâche. Elle se redresse vivement et balance un coup de talon dans la blessure ouverte à la cuisse de l'autre puis en une pirouette précise et sans merci, elle les assomme tous deux avec son arc. Dédaigneusement, elle retire l'élastique de ses cheveux qui se répandent en pluie d'or roux sur ses épaules.

Elle n'a pas la moindre égratignure.

Magni a la gueule en sang et le sourire ravi.  Jolhane est parcourue d'un frisson d'excitation qui agite frénétiquement son pouls. Le berseker domine pleinement le fameux Matyas à demi-transformé en loup-garou. Le Vulpe exhale des phéromones lupines, âcres et désagréables.  Son guerrier attend son bon vouloir pour savoir s'il achève l'arrogant ou pas. La jeune femme prend son temps pour approcher des deux adversaires. Malgré sa tenue pratique et peu flatteuse, sa démarche n'est pas sans rappeler la langueur de la renarde qui partage son âme.
Elle porte une main au visage maculé d'hémoglobine de son compagnon, puis une autre. Elle lape le sang qui dégouline sur sa tempe et ses joues et l'embrasse ensuite à pleine bouche.  Matyas assiste impuissant à cette étreinte et son coeur se noircit un peu plus. Lorsque Jolhane reflue, son derme pâle est barbouillé de rouge.

- Sa mort ne m'intéresse pas. Si tu veux me satisfaire, ce ne sera pas par ce moyen..., susurre-t-elle, le regard fiévreux. Equivoque.

Jolhane s’approche de nous de sa démarche gracile après s’être débarrassé des deux autres gus sans soucis. J’ai les sens tellement au taquet que j’perds rien du spectacle visuel ou olfactif à mesure que son parfum envahit mes narines qui sentent que l’odeur métallique du sang et le fumet dégueulasse du loup à l’ego ratatiné à nos pieds.
Elle a d’œil que pour moi et ça gonfle franchement mon ego déjà bien booster. Y’a pas que lui qui gonfle d’ailleurs. Elle encadre mon visage et j’sens sa petite langue lécher les gouttes carmines qui dégoulinent depuis mon front. Mon bras s’enroule presque automatiquement autour de sa taille et j’émets un bruit de gorge entre le grondement et le ronronnement.
Elle et moi on a la même idée et nos bouches s’entrechoquent dans un baiser sanguinolant et animal alors que ma main libre parcourt tranquillement son corps et le colle un peu plus contre moi.  

J’pensais le Berserker calmé mais manifestement, tout ça l’excite autant que moi. Lui…moi…on s’en fout au final… On la veut.
On finit par se séparer et son beau faciès est rougi de sang.

Sur une échelle de 1 à 10, à quel point c’est une mauvaise idée de la prendre là ici et maintenant entre des gars dans le gaz, un cadavre et manifestement son ex qui nous jette un coup d’œil plein de haine ?

Putain c’est dégueulasse ! Je viens de remarquer qu’il est à moitié transformé seulement et c’est juste… gerbant quoi ! Aucune tenue ces change-formes. Au moins Nymphette et moi quand on se transforme, on fait pas les choses à moitié.
J’reporte mon attention vers Jolhane quand elle me souffle.

- Sa mort ne m'intéresse pas. Si tu veux me satisfaire, ce ne sera pas par ce moyen...

Bordel de putain de merde, j’ai le sang encore trop chauffé pour résister à ça…son invitation… parce que s’en est franchement une.
J’suis pas finaud comme gars mais j’sais reconnaitre quand on me fait ce genre de rentre-dedans. Et j’suis à bloc, euphorique encore. Peut-être trop confiant…mais j’ai nourris le Berserker de sang et maintenant, lui comme moi on réclame autre chose.
J’presse mon pouce contre ses lèvres, le regard toujours blanc fixé sur elle.

- Je f’rais c’que tu voudras Nymphette.
J’remets tranquillement ma hache dans son étui, prends une photo du cadavre du loup et j’m’accroupis devant le perdant avec un vilain rictus moqueur. J’l’ai dit sinon que j’l’aimais pas ce type ?

- On vous laisse le corps de votre pote… mais sa prime est à nous. Pigé ?

Matyas fait mine de bouger mais j’lui pose une main sur l’épaule.

- Chuuuut bouge pas… j’te conseille de rester allonger jusqu’à ce qu’on soit parti et de…réfléchir au sens de la vie… ? P’tit conseil : tu t’approches pas d’elle, t’arrêtes avec tes conneries sur Aria et on en reste là.

Le pire c’est que si j’étais pas encore sous l’emprise de la transe, j’pourrais avoir un soupçon de pitié pour lui. J’ai plus ou moins été à la place de ce type, le troisième homme, celui qu'on laisse de côté, si j’ai vu juste et qu’y’avait bien un truc entre Aria et lui. Mais tant que j’suis en mode Berserker, les atermoiements purement humains me passent au-dessus. Y’a que les émotions brutes qui me font quelque chose. En parlant de ça…

J’me redresse, décoche un autre baiser sauvage à Jolhane et lance en vrillant mes yeux dans les siens.
- On s’arrache Nymphette ?
J’me penche vers son oreille, lèche à mon tour une trace de sang sur sa peau d’albâtre et chuchote rien que pour elle, me foutant totalement d’avoir un spectateur.
- Le Berserker a encore soif d’action…

Jolhane est dans un état second, comme si chaque fibre de son être réagissait à la bestialité du Berseker. Son désir de lui, en tous les cas est indéniable, un peu comme lors de leur première rencontre ou de leur unique accouplement. Il ne se questionne pas, il ne se cérébralise pas, il n'est qu'instinct brut. Evident.
Elle n'a que peu d'égard pour leurs adversaires. Aucune de leurs blessures n'est mortelle, seul leur égo a subi le plus de dommages. Peu importe qui était Boran, son état a conduit à la mort d'un être humain. L'achever était inévitable. Le berseker s'est repu d'un beau combat et, elle, va pouvoir se nourrir passionnément de lui.

C'est tout ce qu'elle veut en cet instant.
Lui.
Rien d'autre.

C'est ce qu'elle lui signifie en gémissant, impudique, sous l'assaut de sa langue.
C'est ce qu'elle lui rappelle, en silence, alors qu'elle lui prend la main pour se perdre dans le bois en sa compagnie. La végétation les enveloppe et les dissimule comme si soudain elle souhaitait protéger ses membres. L'air est froid et leurs souffles condensent une vapeur brulante et dense. Ce n'est que lorsqu'il sont complétement noyés dans la nature sauvage qu'elle se jette à sa bouche pour y boire ses lèvres. Arc et carquois chutent sur un tapis d'humus. Son blouson de guingois glisse de ses épaules et tombe à son tour. Jolhane est pris dans une tourmente délicieuse et férale. L'odeur de Magni l'enivre. La saveur ferrugineuse de ses baisers décuple ses ardeurs. Elle ne comprend pas pourquoi et de toute manière n'a aucune envie de réfléchir à la question. Elle est guidée par une seule idée, viscérale, celle de s'unir à lui sur le champ. Elle se laisse portée par cet appel naturel impérieux.

Elle mobilise sa volonté pour s'arracher tout de même à son étreinte. Elle recule lentement, sans le quitter des yeux, jusqu'à rencontrer l'écorce d'un tronc sous ses doigts. Un chêne centenaire dont les racines gondolent le sol pour y plonger ses ramifications profondes. Alors elle écarte les pans de son lourd gilet en laine puis ceux de sa chemise, dévoilant son buste d'albâtre, dépourvu de la moindre dentelle superflue. Jolhane, s'offre à Magni de la façon la plus cru. Les basses températures grêlent sa peau et la font trembler, à moins que ce ne soit la fièvre de cette union tant espérée.

- Satisfais-moi, souffle-t-elle sur le même ton qu'un "Fais-moi l'amour".