Maybe there’s a savior
A cowboy with the right mind

Maintenait qu'ils y sont, il trouve que c'est une idée à la con.
Il n'a pas dormi depuis l'attaque. Il porte encore ses fringues souillées d'hémoglobine sous son blouson. Il pue le fennec, la poudre et l'argent. Il a une gueule de mec à cran qui pourrait se dégoupiller façon grenade à tout moment. On repassera pour inspirer confiance.
Mais que pouvait-il faire d'autre ? L'inaction le consume aussi sûrement que la colère.

Ryan observe l'arrière court du musée à travers le parebrise de Christine. Il est tôt, quelques ouvriers s'activent sous la houlette d'une dame brune en tailleur pantalon et aux mains gantées. Parmi eux, le mec qu'il vise.

- T'es sûr que c'est lui ?

En même temps c'est le seul rouquin baraqué et barbu du secteur. Simone leur a décrit comme taiseux, difficile d'approche, pas franchement commode, mais sur le moment ça ne les a pas découragé. Ni lui, ni le crétin assis à ses côtés et qui tripote le volant de sa tire comme on caresse un gros chat ronronnant ne compte renoncer.
Ryan s'essuie les yeux et baille.

Ils ont veillé Scott presque toute la nuit. Il a sué et gémi, grelottant de souffrance pendant qu'Alexia lui épongeait le front et que Katie lui tenait la main, faisant la conversation dans le vide. Ghimbir s'est lovée contre Scotty.
Jolhane n'est jamais reparue.
Pas après avoir découpé les têtes de leur agresseurs et demandé à Magni de la conduire en voiture à la Milkyway parade pour les ramener aux Vulpe. L'islandais est revenu avec la renarde dans les bras et pas un mot d'explication. Les Enfants perdus se sont entassés autour du lit de leur frère et ont attendu son retour en sachant qu'il ne serait plus jamais le même.

Les ouvriers s'éloignent avec la femme en costard. Magni, lunette de soleil sur le pif, sort de la caisse avec un mouvement décidé et Ryan lui emboite le pas. Le duo est franchement atypique tant par leurs dégaines que leur différence d'âges. Ryan prend les devant avant que l'Ours n'ouvre sa gueule. Une fois le clapet ouvert, il a du mal à le fermer.

- Bonjour. Vous êtes Colgan Murtagh ? fait-il sans détour. On a un problème et on nous a dit qu'vous étiez l'homme de la situation. On peut s'parler en privé ? fait l'adolescent avec une assurance d'adulte.

S'il se montre récalcitrant, il a toujours son flingue planqué dans le revers de son jean et bourré ras la gueule de balles en argent. Ryan veut faire bonne impression, mais il a pas non plus le temps de niaiser. Alpha de meute ou pas, il sera obligé de les écouter.

Ryan a une gueule de déterré et j’dois pas être plus net.
La nuit a été horrible. A tous les niveaux possibles et imaginables. On a failli perdre Scott et même s’il a passé la nuit, ça change rien à la putain d’épée de Damoclès (ouais je connais mes classiques aussi) qui plane sur sa trop jeune tête d’ado.
Et on a perdu Jolhane.
Pour l’instant.
Je sais bien qu’elle a besoin de prendre ses distances, j’ai vu son état. Mais…mais je peux pas m’empêcher de me dire que j’ai failli. Non seulement j’ai été un protecteur de merde mais je suis même pas fichu d’être le soutien dont elle a besoin. Alors je patiente, le nœud au ventre, le cœur en berne. J’encaisse et j’fais comme si tout allait bien, j’essaie d’être une sorte de roc dans l’adversité.  
« Mais ouais, z’inquiétez pas pour Scott, c’est un guerrier dans l’âme !  Et Jolhane va pas tarder à revenir, z’en faites pas les mômes. Elle m’a juste dit qu’elle était très fatiguée. »
La vérité c’est que j’en sais foutrement rien quand elle reviendra… Certains m’ont cru, d’autres non… j’essaie de faire au mieux. Mais le ciment de cette famille c’est Jolhane.
Putain Nymphette…reviens-nous vite…

Jusqu’à ce que Ryan vienne me voir en me disant qu’il sait où trouver un Loup qui pourra nous aider, aider Scott…
Je sais qui lui a donné le tuyau, je suis pas con à ce point, mais franchement je crache pas sur une solution. Pas quand il s’agit des gosses… Cruella a beau être ce qu’elle est, j’pense pas qu’elle veuille du mal à ma tribu. C’est tout ce qui compte.
Et puis rien faire allait probablement me tuer. Alors on a confié Scott et les gosses à Katie et Alex.
Voilà pourquoi on attend comme des abrutis devant le musée. J’ai repéré le grand rouquin de suite. En même temps il se fond pas tellement dans le paysage…  

- T'es sûr que c'est lui ?
- A ton avis ? Tu vois d’autre grand roux dans le secteur ? Putain Ryan tu sens le Loup-Garou faisandé à des kilomètres… pas certain que ça joue en notre faveur.
Bon, peut-être que je suis un peu de mauvaise foi… peut-être que je sens moi-même pas franchement la rose…  
- S’il se passe un truc, tu joues pas au con et tu files à couvert hein ! Hors de question qu’il t’arrive quoique ce soit à toi aussi, ok ?

Cette fois je plaisante pas ! Va falloir qu’il passe sur mon corps poilu avant de toucher à un autre de mes gosses…enfin des gosses de la maison. Ca sera pas le premier Loup que je me farcie…

- Allez Rayanou…en piste ! Cool ok ? On veut l’aide de ce mec… pas lui sauter à la gorge pour l’obliger à nous suivre hein…
Je regarde une dernier fois le rouquin par-dessus mes lunettes avant de sortir de la voiture et on s’approche ensemble vers Mister Loup. Ca aurait presque pu avoir de la classe comme image si on n’était pas un peu beaucoup débraillé et qu’on avait pas l’air hagard des gens qui viennent de passer un sale moment. Ce p’tit con de gosse me passe devant et débite à un rythme de mitraillette.

- Bonjour. Vous êtes Colgan Murtagh ? On a un problème et on nous a dit qu'vous étiez l'homme de la situation. On peut s'parler en privé ?
J’abaisse mes lunettes sur le nez et lance une œillade désolée au pov’ gars qui doit pas comprendre grand-chose. Je sens clairement le Loup en lui et il doit sentir ma nature aussi. Je fourre mes mains dans les poches et oblige mon visage à sortir mon air « Coucou je suis sympa n°2 » qui fait en général un carton.

- Salut ! Magni Oxärsson, Ryan O’Brien. Comme a dit le gosse qu’a oublié ses bonnes manières, je fusille Ryan du regard…on avait dit cool merde ! Impossible de décrypter la gueule du Loup. Jamais vu quelqu’un avec un visage aussi fermé… On aimerait bien vous parler en privé. C’est…hum à propos d’un des gosses dont je m’occupe…pour faire simple. S’il vous plait.

J’ai l’air désespéré ? J’le suis.
Je veux pas foirer cette mission-là.
Je veux plus ne pas me montrer à la hauteur encore une fois.

Colgan observe Theo s’éloigner, l’air songeur, avant de regarder ses mains.
Il vient vraiment d’accepter de travailler sur la restauration et la préservation d’objets archéologiques ? C’est pas du tout son domaine de compétence.
« Mais du bois reste du bois ! » lui a dit l’égyptologue. « Et franchement ça n’est pas comme si j’avais les moyens de faire la fine bouche. Je  t'en crois totalement capable. »

Elle a pas tort… alors il a dit oui. Parce que toucher la matière qu’il aime par-dessus tout lui a fait un bien fou. Peut-être bien qu’il n’est plus capable de créer de ses mains… mais il peut au moins restaurer, reboucher, colmater…
Il sait que Marisol en sera heureuse, il faudra pourtant qu’il calme ses espoirs. Ca changera rien…

Si seulement on pouvait faire la même chose avec des organes…

Son odorat sensible est soudain harcelé par différentes odeurs, toutes très fortes et il se retourne.
Un ado, grande tige aux cheveux bouclés qui lui rappelle le Doc’ et un gars baraqué et plus grand que lui d’une bonne tête, presque colossal donc, à la chemise bariolée tâchée et qui a été largement malmenée. Tous deux sentent le Loup, le sang et la sueur et une odeur animale, plus musquée, chez le grand gaillard. Il plisse les yeux, se concentre…
Ours ?
Il dirait bien que c’est impossible…mais il a largement revu le domaine du possible depuis quelques années maintenant.
Il plisse à peine les yeux quand ils l’approchent, intériorisant complètement sa surprise et surtout sa méfiance. Qu’est-ce que ces deux énergumènes lui veulent... ? Si se sont des chasseurs, ils vont être servis ! Parce que ses mains sont aussi largement capables de les tuer, sans même sourciller.

- Bonjour. Vous êtes Colgan Murtagh ? On a un problème et on nous a dit qu'vous étiez l'homme de la situation. On peut s'parler en privé ?
- Salut ! Magni Oxärsson, Ryan O’Brien. Comme a dit le gosse qu’a oublié ses bonnes manières, on aimerait bien vous parler en privé.
Cette fois, Colgan s’autorise un haussement de sourcil dubitatif. Le piège est si grossier que ça en est ridicule. Cela dit, il ne nie pas que leur duo fonctionne bien : l’ado revêche et le baraqué avenant. On sent même une réelle complicité entre ces deux-là…mais…
- Non.
Colgan est un homme de peu de mot et ce non claque comme une porte sur leur faciès fatigués. Il va pour les planter là quand le grand…Magni donc, l’arrête.  

- C’est…hum à propos d’un des gosses dont je m’occupe…pour faire simple. S’il vous plait.

L’Alpha s’arrête. Il ne sait pas si c’est la mention du gamin ou la supplique soufflée avec un rien de désespoir mais il sent confusément qu’ils ne cherchent pas spécialement à lui mentir. Il se tourne à nouveau.

- Touche pas à ton flingue dans le dos, petit. Sinon ça risque de mal se passer… Je sens l’argent d’ici.

Il les scrute avec plus t’attention. Ils ne semblent pas avoir dormi depuis des heures, sont tous les deux pâles, les yeux légèrement exorbités. Sans compter les meurtrissures, le sang, et leurs dégaines de clochard…ou de combattants qui viennent d’être recrachés par une bonne lutte.
Les enfants… ça restera toujours son point faible…maintenant plus que jamais.

- Ok, finit-il par céder. Vous m’offrez le petit-déj et je vous laisse dix minutes pour m’exposer votre problème.

Il leur tourne le dos sur ses paroles et les guide vers un petit bar du centre déjà ouvert où ils s’installent tous les trois. Colgan commande trois cafés et de quoi manger pour trois avant de les regarder tour à tour. Un coup d’œil vers sa montre puis il lâche.

- Dix minutes.

- Non.

"Comment ça "Non".
Juste comme ça, sans sourciller ?"

Ryan sent monter en lui une vaste envie d'envoyer tous les "connards" d'adultes de cette "putain de ville de merde se faire bien foutre. Le Brouillard n'a qu'à tout recouvrir, y'a rien à sauver !"

- C’est…hum à propos d’un des gosses dont je m’occupe…pour faire simple. S’il vous plait, lâche Magni sur un ton que Ryan ne lui a jamais entendu, un ton désespéré.

Visiblement, ça fissure la muraille hermétique en face.

- Touche pas à ton flingue dans le dos, petit. Sinon ça risque de mal se passer… Je sens l’argent d’ici.
- Je préférais qu'il reste au chaud dans mon futal, mais je sais aussi m'en servir au cas où vous en douteriez, qu'il lui répond sur le même ton.
- Ok. Vous m’offrez le petit-déj et je vous laisse dix minutes pour m’exposer votre problème.

Ryan lance une oeillade en biais à son "partenaire", certain qu'il n'a pas une thune avec lui.

- Autant dire que c'est moi qui paye quoi... fait-il en roulant des yeux.

Leur duo comico-tragique suit le loup dans un des rares cafés encore ouvert malgré la quarantaine. Murtagh s'empare d'emblée du menu et commande large. Ryan voit mentalement les biftons s'envoler de son porte-monnaie en lui chantant "Bye Bye" avec leurs tronches de smiley. Si l'adolescent sirote son café, il ne touche pas à la nourriture. Il a l'estomac encore trop noué pour ça.

- Dix minutes.
- On nous a rencardé à votre sujet. On sait que vous êtes un loup-garou et que vous êtes l'alpha de la seule meute active de la ville. Mon frère a été mordu par ... sa mâchoire se contracte... par un chasseur-loup de chez les Vulpe. Il a passé le premier cap, mais maintenant on a besoin de quelqu'un qui pourrait le guider dans... ben.. dans ce que vous êtes. On a pas survécu à c'foutu Brouillard pour qu'il finisse canardé lors de sa première pleine lune.

Ryan a une brusque bouffée d'émotion qu'il réprime aussitôt. Il claque sa tasse un peu trop fortement sur sa soucoupe et le café s'écoule contre les bord après avoir valsé. Reliquat d'une éducation de petit garçon bien élevé, il essuie sa bourde avec les serviettes en papier.

- Vous nous aidez ou pas ?

- Autant dire que c'est moi qui paye quoi...
L’ado a une mine chiffonnée qui ne s’arrange pas quand le grand gaillard lui tapote l’épaule avec un petit air désolé.
- J’te rembourserai Riri.

Colgan n’arrive pas franchement à établir une connexion entre ces deux-là… Clairement ils n’ont aucun lien de parenté, où alors il est bien caché. Pourtant, ils semblent plutôt complices…
Une fois installée dans le café, ni l’un ni l’autre ne mange, ce qui ne l’empêche pas lui de faire honneur au plat servi.
- On réfléchit mieux le ventre plein. Mangez.
Magni lui jette un coup d’œil mauvais mais fini par enfourner un croissant. Finalement, il se demande qui est le plus immature des deux.
- Toi aussi le môme. Même si ça a le goût de cendres.
Il prend le temps de finir ses œufs au bacon puis lâche.
- Dix minutes.
Comme s’il attendait que ça, Ryan sort des starting block et débite à nouveau.

- On nous a rencardé à votre sujet. On sait que vous êtes un loup-garou et que vous êtes l'alpha de la seule meute active de la ville. Mon frère a été mordu par ... par un chasseur-loup de chez les Vulpe. Il a passé le premier cap, mais maintenant on a besoin de quelqu'un qui pourrait le guider dans... ben.. dans ce que vous êtes. On a pas survécu à c'foutu Brouillard pour qu'il finisse canardé lors de sa première pleine lune.

Colgan le laisse parler tout en l’observant lui et son drôle de compagnon qui pue l’Ours. Si le gosse semble particulièrement ému tout en le cachant à merveille – il sait reconnaitre le chagrin quand il le voit – il a la fébrilité et l’impatience des enfants qui veulent que tout s’arrange tout de suite. Pourtant il a une dureté dans le regard qui indique clairement qu’il a dépassé le stade de l’innocence depuis un moment.
Pour le grand c’est différent. Il pue la culpabilité d’ici. Tout dans son attitude traduit celui qui a failli. Mais lui aussi le dissimule. Beaucoup moins bien cela dit.

Et puis la situation ne le laisse pas entièrement indifférent. Le môme a été attaqué par un putain de chasseur…encore eux… que ça soit un Loup l’enrage encore plus. Comment on peut faire ça à un gosse ? Ca le dépasse totalement. Rien que pour ça, il reste les fesses sur la chaise à continuer à les scruter de son regard qui vous cloue sur place. Et puis il y cette histoire de Brouillard… ça l’intrigue. Non pas à cause de lui mais sur ce que ça raconte sur ce garçon et son frère. Des survivants…
Le duo lui apparait touchant sans qu’il se l’explique. Peut-être que c’est la lueur dans les yeux de l’ado ? Ou l’attitude de Magni qui lui rappelle un peu la sienne…après…
Une bouffée de chagrin le submerge. Elles sont de plus en plus fréquentes en ce moment, arrivant à surmonter ses barricades personnelles.
« Ou alors elles commencent à faiblir… »  

- Vous nous aidez ou pas ?
- T’emballe pas…Ryan. Ca fait que deux minutes et j’ai pas fini de poser mes questions.
Il se tourne vers Magni et plisse les yeux.
- T’es quoi ? J’arrive pas à mettre le doigts sur ton animal.
Le gaillard a un bref sourire et se gratte la tête.
- Ours, j’suis un Berserker, lâche-t-il avec une tranquillité et une honnêteté confondante.
Colgan arque un sourcil, seul signe de sa profonde surprise. Jamais il n’a entendu parler de Berserker, hormis dans les histoires.
- Qui vous a rencardé sur moi ? Vous savez au moins de quelle meute je suis l’Alpha ?
Il pousse un bref soupir.
- Vous étiez dans le brouillard et vous y avez survécu ? Il n’a l’air ni sceptique, ni curieux. Il cherche simplement à comprendre l’ensemble du tableau avant de se lancer. Parce qu’une fois qu’il engage sa parole, il n’y a plus de retour en arrière possible selon lui.
- Pas moi, précise Magni. Les mômes ouais.
Une sorte de fierté presque paternelle filtre dans la voix du Berserker et en même temps son expression lui signifie clairement de pas les emmerder avec ça.  
- Quel âge à ton frère ?

Il sent bien qu’il est en train de flancher. Peu importe son âge au final. Un gosse reste un gosse et il ne peut pas le laisser affronter l’horreur de la première transformation tout seul. Surtout en sachant tout le mal qu’il pourrait causer autour de lui.
Cette fois, son soupir sonne presque résigné.

- Il reste dix jours avant la pleine lune. Si j’accepte de vous aider, il va falloir faire exactement ce que je dis, à chaque étape. C’est clair ? On a pas le temps pour la démocratie.
Il les scrute avec intensité, le visage toujours aussi fermé. Magni effectue un geste bref vers Ryan, comme pour lui éviter de protester.
- On fera ce qu’il faut...
Ouais…ce type à tout du papa inquiet. Colgan hoche la tête.
- C’est à votre p’tit Loup que j’aurais besoin de parler, avant de prendre une décision.

- T’emballe pas…Ryan. Ca fait que deux minutes et j’ai pas fini de poser mes questions....T’es quoi ? J’arrive pas à mettre le doigts sur ton animal.
- Ours, j’suis un Berserker,
- Qui vous a rencardé sur moi ?
- Une vampire. Une meuf super influente dans cette ville.
- Vous savez au moins de quelle meute je suis l’Alpha ?

Ryan soupire.

- Franchement oui, et on s'en bat les couilles. Vos bisbilles à la con, c'est de la pisse d'âne à côté de ce qui vous attend dans le Brouillard. On a pas le temps de se bouffer le râble avec vos conneries. On emmerde autant les chasseurs que les Hurlants. L'adolescent attrape un pain au chocolat et croque dedans d'un air  courroucé sans quitter Colgan des yeux. Ce qui, avouons le, désamorce un tantinet l'agressivité de sa tirade. Entre nous, "les Abyssaux" ça pue du cul comme blaze. On dirait un vieux groupe de gothrock périmé. Pensez à changer si vous voulez un peu de crédibilité. Bref.... Simone a dit que t'était réglo envers les gosses. Je me fie à son jugement.
- Vous étiez dans le brouillard et vous y avez survécu ?
- Pas moi, précise Magni. Les mômes ouais.
- Lui, il a survécu à Jolhane et aux citrouilles.

Pour la première fois Ryan esquisse un semblant de sourire -presque un début de ricanement- qui fane presque aussitôt. Il repose sa viennoiserie à peine entamée.

- Jolhane c'est l'équivalent de notre alpha, si tu veux. Elle nous a tous réunis et on a pu survivre grâce à ce qu'elle nous a enseignée pendant les deux ans qu'on y est restés coincés. Les Vulpe en ont après elle et lui ... Il désigne Magni du pouce. C'est un gros couillon, mais c'est NOTRE gros couillon. Personne touche aux nôtres...
- Quel âge à ton frère ?
- Seize ans dans deux semaines.

Le rouquin semble peser le pour et le contre. Ryan le dévisage longuement : il est aussi hermétique que Magni est un livre ouvert au quatre vents qui perd ses pages.

- Il reste dix jours avant la pleine lune. Si j’accepte de vous aider, il va falloir faire exactement ce que je dis, à chaque étape. C’est clair ? On a pas le temps pour la démocratie.

Ryan est sur le point d'ouvrir la bouche mais Magni le fait taire avec une fermeté inhabituelle.

- On fera ce qu’il faut...
- Si tu nous la fait pas à l'envers, y'a pas d'raisons.

"Sinon, sache qu'on a beau être des gosses,
on sait tous comment tuer un loup-garou."

- C’est à votre p’tit Loup que j’aurais besoin de parler, avant de prendre une décision.
- Pour ça faut qu'tu nous suives au cottage.

Ryan se lève et va payer le serveur en demandant à faire un doggybag de la bouffe restante. Il emportent le tout dans la bagnole où Colgan se tasse à l'arrière au milieu du petit bordel de Magni.
Le cottage est une charmante bicoque en vielles pierres en bordure de la Seelies'Wood, grignotée par la verdure et un abondant potager. Sur le palier, trois gosses de moins de dix ans semblent monter la garde avec des casseroles sur la tête. En voyant Christine se garrer en trombe, ils se précipitent vers la bagnole et sautent sur les occupants.

- Bordel z'étiez où ? clame Tyron avec ses airs de petite frappe.
- Scott l'est réveillé maintenant ! claironne William non loin de lui en agitant une pique à rôtie.
- On a ramené de la bouffe dit simplement Ryan. Tiens apporte ça à l'intérieur.
- Trop bien ! y'a des croissants !
- Fais voaaaar ! j'en veux un !
- Wow ! Vous partagez avec les autres les deux affreux ! légifère aussitôt Ryan en bon grand frère
- T'eki toaaa ? demande une petite blondinette qui tire derrière elle un ours en peluche déglingué tout en levant la tête vers Colgan. T'es un zenti ou un méssant ? T'as les chveux oranj' comme Ni'....

Pendant que Marnie interroge le nouveau venu, à l'intérieur, Squirrel s'active en cuisine tandis que Declan et les Ninies terminent de passer une serpillière là où il reste des tâches de sang.

- Ah z'êtes là ! fait Dairine en finissant de servir un petit déj copieux et pas franchement équilibré.
- Où sont Katie et Alex ?
- On les a envoyées à la pioncette. Elle z'avaient vos gueules en trouzemille pire. Tenez! c'est ma tournée d'caféine ! fait la gamine dégingandé aux cheveux châtains ébouriffé tout en jetant un torchon sur son épaule façon vieux taulier de taverne.
- Jolhane est toujours pas revenue, précise Norah, dont le teint foncé ressort admirablement bien avec ses gants mappa vert pistache. Mais Ghimbir veille toujours sur Scotty.
- Vous êtes qui vous ? Demande Neeve, une gamine avec la même dégaine que Norah sauf qu'elle a une tignasse frisée rousse et une peau laiteuse tachetée de son en lieu et place de la touffe afro et du derme noir. Elle le fixe avec un air suspicieux.
- Un mec qui va aider Scott.
- Bah bienv'nu  chez les enfant perdus "Mec-qui-va-aider-Scott"! Lâche Dairine en prenant une grosse voix de tenancier de pub et en lui donnant un mug de café qui déborde.

Il apparait évident que cette "fratrie" n'a aucune parenté de sang. C'est davantage une meute disparate mais soudée menée par une renarde, un ours et qui compte désormais un jeune loup dans leurs rangs.

Coincé à l’arrière de la voiture, bien occupé par des affaires en tout genre mais étonnement propre, Colgan se demande ce qui lui a prit d’accepter au juste. Il a des choses à faire, notamment une réunion de mission à préparer pour le soir même.
Son regard contemple cette forêt qu’il connait bien mieux depuis ces dernières années, son nouveau terrain de chasse, alors qu’il ne perd pas une miette de la conversation entre l’ado et l’ours. Celui-ci jette de fréquents coups d’œil vers son passager et vers Ryan, un grand sourire sur les lèvres.
- C’est sympa d’venir.
Il tempère aussitôt l’enthousiasme de l’Ours.  
- J’ai pas dit oui…
- Oh bah j’sais comment ça finit avec ces mômes, ricane Magni. J’parie ma chemise que tu finiras par nous aider. J’peux te tutoyer dit ? Ça me saoule les simagrées. Oh ! Au fait j’ai bien entendu tout à l’heure mon Riri ? T’as dit que j’étais VOTRE grand couillon c’est ça ? J’suis ému t’as pas idée. Ça me fait bien plaisir de voir que t’ose déclare ton amour pour moi aussi franchement.

Le Berserker éclate d’un rire tonitruant en voyant l’air de l’adolescent, un rire qui sonne un peu forcé aux oreilles de Colgan. En tout cas, il est du genre expansif et direct. Amical ça c’est certain. Pas de quoi modifier l’expression impassible de Colgan qui lui lance un regard ennuyé par en-dessous et un haussement d’épaules nonchalant.
Ils arrivent finalement devant une maison en lisière de forêt dont le charme est indéniable. Trois enfants les attendent devant la porte, de drôle de casques sur la tête. L’image aurait de quoi faire rire mais Colgan a une brève vision de Charly et Eliott en plein jeu et ses traits se plissent un instant de chagrin qu’il ravale rapidement. Dès qu’ils sortent de voiture, ils se font sauter dessus par les trois gamins.

- Bordel z'étiez où ?
- On dit pas bordel, merde Tyron ! Oups… On était parti chercher de l’aide pour Scott.
Honnêteté imparable encore une fois. Comme cet homme a-t-il donc survécu jusque-là ? Un mystère…
- Scott l'est réveillé maintenant !
S’en suit une dispute sur le partage des victuailles que Colgan observe de loin, de très loin. L’ambiance familiale de cette maison va être une véritable épreuve, il le sent déjà.  
- T'eki toaaa ?

Colgan baisse les yeux vers une mignonne petite blonde qui ne doit pas avoir plus de cinq ans et sur son ourson dans un état aussi lamentable que le grand ours.

- T'es un zenti ou un méssant ?
- Ca dépend, petite demoiselle. Toi t’as rien à craindre de moi.
- T'as les chveux oranj' comme Ni'...
Un fantôme de sourire étire ses lèvres alors que Magni proteste bruyamment.
- Bah alors ? Je ramène un autre homme à la maison et déjà j’existe plus ? Un bisou ma poupette ! exige-t-il auprès de la blondinette qui s’exécute en riant. La scène lui fait serrer les poings et il s’empresse de suivre Ryan.
- Vous êtes qui vous ?

La rousseur de la donzelle le laisse un instant interdit et il la dévisage avec une expression totalement ahurie. Charlyne…ça pourrait presque être Charlyne.
Seigneur il faut qu’il détourne le regard ! Il est en train de mettre la gosse mal à l’aise.

- Un mec qui va aider Scott.
Il n’a pas encore ouvert la bouche depuis leur arrivée.
- Bah bienv'nu  chez les enfant perdus "Mec-qui-va-aider-Scott"!
- Merci, se contente-t-il de lâcher avec une sobriété caractéristique. Mais rien n’est décidé. Il tourne son regard vers Ryan et Magni. D’ailleurs j’aimerais le voir.

Ils le conduisent dans une chambre au rez-de-chaussée aux lits nombreux. Sur l’un d’eux est allongé un jeune garçon les traits tirés par la fatigue qui a des écouteurs et semble jouer sur son portable. Aussitôt qu’il entre, la petite renarde qui couve l’enfant se met à gronder et à montrer les crocs. Colgan se fige et hausse un sourcil. C’est Magni qui désamorce la situation.

- Eh, eh ma belle, tout va bien. Il vient au chevet de gamin et insère ses mains dans l’épais pelage de l’animal. C’est un ami, il est là pour aider Scott d’accord ? Nymphette, si t’es là calmez-vous, faites-nous confiance… tu sens ? c’est un Loup aussi, il va pouvoir guider le gosse… Il ébouriffe la tignasse de Scott. T’as l’air d’aller mieux toi ! Il semble sincèrement soulagé et emporte la renarde dans ses bras.

Le fauve calmer, Colgan vient récupérer une chaise et s’assoit à côté de Scott. Il sent le jeune loup et ça lui retourne l’estomac qu’un garçon aussi jeune ait à affronter ça.  

- Trop de bruit hein ? Le secret c’est de se focaliser sur un seul son. Tu t’habitueras à force. Pour les odeurs c’est pareil. T’as survécu alors hein ? T’étais entouré je suppose, ça aide. Ca nous rappelle pourquoi on a pas envie de mourir.
Sa voix est neutre, grave et posée. Il note le bandage sur son bras, qui ressemble à une blessure de défense. Il remonte la manche de sa veste et exhibe la seule cicatrice qui n’a pas disparu.
- J’ai voulu aider une femme qui se faisait agresser par ce que je croyais être un énorme chien, une illustre inconnue qui est peut-être quand même morte par la suite. C’est con hein ? Je m’appelle Colgan Murtagh et je vais pas y aller par quatre chemins Scott. Est-ce que tu as envie que je t’aide à traverser ce qui t’attends ?  

Ghimbir hume immédiatement le fumet lupin qui émane sous la peau de l'homme au poil fauve. Son terrier a vu beaucoup trop de loups ces dernières heures. Elle gronde, montre les crocs, le pelage hérissé et le dos arqué. Personne ne touchera à son petit. Personne!

- Eh, eh ma belle, tout va bien. C’est un ami, il est là pour aider Scott d’accord ?

La renarde est moyennement convaincue, mais son grondement se transforme en jappement indécis.
Scott, les yeux cernés, retire lentement ses écouteurs et pose la main pendue au bras le moins abîmé sur son katana qui dort sous les draps. Alexia a eu beau protester, il n'en a pas démordu. Son katana c'est l'assurance qu'il peut se défendre en toutes circonstances, même en train de tremper ses draps de sang et de sueur. Il grimace en fronçant le nez. Il est brusquement incommodé par ce festival olfactif qui l'agresse autant que le trop plein de bruits qu'il perçoit.

- Nymphette, si t’es là calmez-vous, faites-nous confiance… tu sens ? c’est un Loup aussi, il va pouvoir guider le gosse.
- On le sent tous les deux, fait le gamin avec son air blasé habituel. J'avais jamais remarqué que tu puais l'Ours ce point. C'est une putain d'infection.
-T’as l’air d’aller mieux toi !

Scott se laisse ébouriffer  avec un fond de sourire fatigué.

- Ué. 'Parait.
- Et la première chose que tu fais c'est te brancher à un foutu portable, raille Ryan.
- C'est juste... J'avais b'soin de m'isoler.
- Trop de bruit hein ? Le secret c’est de se focaliser sur un seul son. Tu t’habitueras à force. Pour les odeurs c’est pareil.

Magni emporte Ghimbir dans ses bras et cède la place à l'inconnu que Scott considère toujours avec défiance. L'enfant se montre peu expressif, mais il possède un regard aussi hanté que Ryan.

- T’as survécu alors hein ?
- ... (silence prudent.)
- T’étais entouré je suppose, ça aide. Ca nous rappelle pourquoi on a pas envie de mourir.
- J'ai jamais eu envie de mourir, lâche-t-il laconiquement. Ni hier, ni demain.

L'adolescent est d'un détachement inquiétant, comme si ce qu'il venait de vivre n'était pas plus important qu'une piqure de moustique. Pourtant, son corps raconte autre chose. Il exsude l'angoisse de l'inconnu et des transformations qui s'opèrent en lui. Scott ne reconnait plus sa propre enveloppe ni ce qu'il est. Il a l'impression d'avoir enfilé un vêtement trop grand pour lui et qui le gêne.
Colgan lui montre la morsure qui l'a métamorphosé. Scott a un petit sifflement et une moue appréciatrice.

- Badass.
- J’ai voulu aider une femme qui se faisait agresser par ce que je croyais être un énorme chien, une illustre inconnue qui est peut-être quand même morte par la suite. C’est con hein ?
- Non. Jolhane dit que si on peut aider quelqu'un, on le fait. Tu t'es juste foiré, ça arrive.
- Je m’appelle Colgan Murtagh et je vais pas y aller par quatre chemins Scott. Est-ce que tu as envie que je t’aide à traverser ce qui t’attend ?

Scott le regarde avec une gravité inhabituelle pour un gamin de cet âge.

- ..... J'te connais pas. Tu débarques et j'devrais m'en remettre à toi ? Elle en pense quoi Jolhane ? C'était son idée ?
- Merde Scotty ! Commence pas à faire ton relou ! Magni et moi, on s'est faits chier à ramener l'alpha d'une grosse meute pour t'aider, ok ? On le fait pour ton bien, alors tu remballes ta tête de con et tu dis : "Oui, Monsieur, Merci, Monsieur".
- C'est ça votre plan ? Me larguer à une meute pour pas avoir à gérer le streum que j'm'apprête à devenir.
- Mais t'es un vrai débilos! s'enrage Ryan. J'veux pas t'refourguer au rouquemoute! J'veux qu' y t'tuyeaute pour qu'tu passes ta première pleine lune sans  blesser quelqu'un ou t'faire trouer la peau par un chassou à la con !
- Arrête de crier!!!  feule le jeune loup en se bouchant les oreilles de souffrance. Vous feriez mieux d'm'abattre ! Je suis un danger pour la famille!

Ryan le contemple, heurté par un uppercut invisible. Il en a la lèvre qui tremble et les yeux exorbités. Le silence retombe comme une chappe de plomb.
Alors, une douce lumière chaleureuse et poudreuse  scintille dans un coin dans la pièce et dans les bras de Magni ne se tient plus la renarde du nom de Ghimbir, mais la jeune femme qui a choisi le celui de Jolhane.

- Ne.. redis... jamais ça ! souffle-t-elle.

Colgan assiste à toute cette petite scène avec une impassibilité presque surnaturelle. Il observe toutefois les expressions meurtries et ébahies de Magni et Ryan à la dernière réplique du jeune loup. Lui-même trouve cette demande complètement stupide et agaçante.

- Conneries ! Marmonne l'ours. T'es pas plus dangereux que moi Scott !

Colgan a à peine un frémissement de sourcil quand la renarde se transforme en jolie rousse dans les bras de Magni. Celui-ci ne semble pas plus surpris que ça mais l'étreint avec force, un profond soulagement inscrit sur le visage.

C'est donc elle l'Alpha de cette meute disparate…? Elle a l'air éprouvée émotionnellement.
Comprenant de moins en moins quel est son rôle dans tout ça, Colgan se remet debout doucement et lève la main pour obtenir le silence. Il fixe l'adolescent dans les yeux et lâche d'une voix atone et dépourvu de toute sensibilité.

- Ça y est ? T'as fini le mélodrame ? Ouais c'est franchement pas de bol ce qui t'arrive. Tu méritais sans doute pas ça, moi non plus, mais t'es au courant que la vie s'en balance. Premièrement il a jamais été question que tu intègres ma meute et je forcerai jamais personne à y entrer. De toute façon t'es beaucoup trop jeune pour ça. Ça n'empêche pas qu'en tant qu'Alpha je pourrais aider à te contrôler. T'es pas la première Pleine Lune que je supervise. Deuxièmement va falloir ajuster ton discours gamin. D'abord tu affirmes que t'as jamais eu envie de mourir et maintenant tu demandes à ta famille de te canarder froidement parce que t'es devenu un Loup ? Figure-toi qu'il y a un entre deux et ça s'appelle se battre. Je pensais que tu le savais. Troisièmement être un Loup-Garou ne veut pas dire que tu n'as aucun moyen de contrôler ce fait. Quand j'ai été mordu… il déglutit, montrant une réelle émotion pour la première fois depuis qu'ils l'ont trouvé devant le musée, je vivais encore avec mes deux enfants...et il était hors de question que je me foute en l'air ni que je leur fasse le moindre mal. J'ai jamais posé un seule patte sur eux et... jusqu'à la fin ils ignoraient même ce que j'étais. Alors j'ai trouvé d'autres solutions. Il y en a, elles existent et je peux te les montrer. Mais ça demande de la volonté. Sans compter que tu va avoir droit à un florilège d'effets secondaires avant et après la première transformation que je peux aussi rendre moins pénibles avec de simples conseils.
Son regard se durcit d'une déception certaine.
-C'est quand même con que tout ta famille semble déployer plus d'effort que toi pour faire face à ça. Sur ce, si tu veux pas de mon aide, j'ai plus rien à faire là. Je préfère apporter mon soutien à des gens qui veulent vraiment s'en sortir, tu vois ? Bonne chance et que la Lune t'accompagne. Si jamais tu changes d'avis tu sauras me retrouver. T'as dix jours.  

Sur ce il se tait lance une dernière et longue oeillade au jeune garçon puis se dirige vers la porte.
-- Tu me ramènes en ville l'ours.
Pas une demande. Pas un ordre. Juste un fait.

Jolhane a longuement pleuré, dans le giron de Ghimbir, dans les replis de sa conscience animale. Elle a pleuré tout son comptant pour ne pas avoir su protéger Scott, pour avoir mis en danger ses enfants. Elle a pleuré la violence de sa colère, et la guerre qu'elle a déclaré ouvertement. Elle ne le regrette pas, tout cela était nécessaire et pourtant, tout cela aurait pu être épargné.
Les conversations ne sont que des échos lointain qui l'effleure à peine. Il y a juste cette voix, inconnue, et cette odeur persistante de loup qui chatouille son esprit. Et puis une phrase -les mots de trop- l'égratignent. Sa retraite a assez duré. Elle doit cesser.

Maintenant.

Pendant la diatribe cinglante du Loup, Magni couvre sa nudité d'une couverture. Les mots, leur sens profonds, pénètrent son esprit, alors qu'elle fixe Scott de ses prunelles d'or fin. Il ne comprend pas ce qu'il lui arrive, davantage que d'ordinaire. Et, si Scott ne l'identifie pas comme tel, il est terrifié non pas de mourir, pas même de devenir un loup, mais de ne plus pouvoir se fier à lui même.

- Tu me ramènes en ville l'ours.

L'homme-loup se dirige vers la porte. Jolhane lui barre la route en posant une main sur son torse, le regard toujours braqué sur Scott. Elle pivote lentement la tête vers lui. Ses yeux expriment une  force sauvage, primitive, encore jamais éprouvé par l'Alpha. Il émane d'elle une autorité souveraine, malgré ses allures frêles, une aura de puissance que l'on ne confronte que les sens submergés par la Nature élémentaire.
Loup et Renarde s'affrontent ainsi du regard un instant qui parait une éternité.

- Magni, fait sortir Ryan avant qu'il ne prenne une autre initiative et laisse-nous.

Elle n'a pas élevée la voix, mais Ryan, la main déjà sur la crosse de son revolver, se fige, l'air piteux. Scott a la même réaction pavlovienne que lui. Jolhane semble s'adoucir et destine un sourire tranquille à son compagnon.

- Tout ira bien.

Une fois la porte fermée, La jeune femme retire  sa main du torse de Colgan et vient s'asseoir au bord du lit de Scott. Elle lui prend la main.

- Viens t'asseoir, Loup, et prend la main de Scott. Il a besoin de gestes concrets pour comprendre que tu peux être un allié. Sinon, il ne comprendra pas. Elle poursuit à l'adresse de Scott tout en lissant une mèche de ses cheveux. Jusqu'à présent, tu ne comprenais pas les émotions qui te traversaient, mais tu faisais confiance à ton corp, à la fiabilité de tes sens, à leurs perceptions... Mais là tu as l'impression de flotter dans le vide, de ne plus avoir aucun appui, aucune ancre auquel te rattacher...

Scott hoche brièvement la tête avec un air franchement hagard.

- Tu ne faisais pas confiance à ton cerveau, et à présent tu as l'impression que le reste de ton corps est comme lui. Est-ce que je me trompe ?

Le jeune garçon secoue la tête à la négative, la lèvre tremblante, une expression de détresse lui froissant le visage.

- Tu as peur, Scott, c'est de la peur que tu ressens, et de la panique.
- J'ai jamais eu peur, murmure l'enfant.
- Je sais. Ecoute, Magni et Ryan sont allé chercher un allié pour rapprivoiser ton corps et tes nouvelles capacités. Elle lève son regard franc vers Colgan. Il n'aurait pas fait tout ce chemin sinon, n'est-ce pas Colgan Murtagh ?

Scott fronce les sourcils et ses lèvres se pincent. Si Colgan lui tient la main, il la sert inconsciemment un peu plus fort.

- Je veux m'en sortir... crache-t-il avec une hargne qui s'exprime par une mâchoire contractée, des muscles tendus à l'extrême. J'ai pas peur d'être un loup.... J'ai peur d'être un tueur. Je savais comment contenir ça, avant. Mais avec ce nouveau moi... chais pas, déclare-t-il avec une honnêteté brutale et limpide.

Jolhane n'a cessé d'observer Colgan durant l'échange.

- Je ne leur ai pas appris à accorder leur confiance facilement, ni à accepter une main tendue. Dans le Brouillard, nous n'avions que nous et c'était suffisant. Si je t'accorde ma confiance, Loup, prendras-tu soin de mon enfant ? Elle se tourne vers Scott. Si tu as veux de son aide, Scotty, tu dois lui dire. Il ne le devinera pas sinon.

Le gamin regarde le loup avec la même défiance d'enfant craintif capable de lui mordre la main, cependant, après un moment il desserre les dents pour laisser passer ces quelques mots :

- Aide-moi.... steplé.

Colgan se fait stopper d'une main ferme sur son torse. Il se crispe et tourne son regard vers la jeune femme aux étranges iris. Il émane d'elle quelque chose d'étranges...féerique lui souffle son instinct. Elle a, en tout cas, une prestance telle quand d'autres circonstances il aurait pu être impressionné. Mais coucher avec une déesse vous fait revoir votre échelle de ce qui est impressionnant de ce qui ne l’est pas. C'est pourquoi il ne baisse pas les yeux mais reste tout de même immobile en attendant de voir la suite.

- Magni, fait sortir Ryan avant qu'il ne prenne une autre initiative et laisse-nous.
Le colosse regarde Ryan puis Colgan avant de passer à sa compagne qu’il observe un moment, comme s’il avait peur qu’elle lui explose à la tête.  
- T’es certaine Nymphette ?  
- Tout ira bien.

Son sourire semble convaincre Magni qui vient prendre l’adolescent par les épaules et l’entraine hors de la pièce.
- Viens Riri…

Colgan, un peu agacé de se faire trimbaler d’avis en retournement de situation fait toutefois l’effort de rester. Pourquoi ? Peut-être parce qu’il sent malgré tout le gamin paumé et qu’il a été à sa place. Démuni, sans savoir ce qui allait lui arriver et surtout comment protéger les siens du Loup...de lui.
Il se tourne donc et attend … la suite des évènements. Il ne bouge pas de la porte toutefois et croise les bras dans une attitude qui n’a rien de franchement amicale, manière silencieuse de montrer son irritation.

- Viens t'asseoir, Loup, et prend la main de Scott.
- Quoi ? Pour une fois, il laisse filtrer son étonnement. Et puis quoi encore ? Le border le soir ?
- Il a besoin de gestes concrets pour comprendre que tu peux être un allié. Sinon, il ne comprendra pas.

Lui non plus ne comprends la nécessité de tout cet étalage. Et ça le laisse franchement sceptique. Mais un seul regard au gamin suffit à le décider. C’est pour lui qu’il est là. Par pour sa famille bizarre. Et puis… s’il se détourne maintenant, il risque de se sentir coupable tôt ou tard. Et sa jauge est déjà pleine à raz bord. Il vient s’assoir de l’autre côté de lit et sent quelque chose de dur sous sa cuisse. Il hausse un sourcil et trouve un katana sous les draps, comprenant tacitement que l’adolescent n’approuverait pas de s’en séparer il le glisse entre ses jambes et attrape fermement sa main.

- C’est vraiment plus compréhensible pour toi comme ça ? demande-t-il en lui lançant un coup d’œil scrutateur.
- Jusqu'à présent, tu ne comprenais pas les émotions qui te traversaient, mais tu faisais confiance à ton corps, à la fiabilité de tes sens, à leurs perceptions... Mais là tu as l'impression de flotter dans le vide, de ne plus avoir aucun appui, aucune ancre auquel te rattacher...Tu ne faisais pas confiance à ton cerveau, et à présent tu as l'impression que le reste de ton corps est comme lui. Est-ce que je me trompe ?

Aussi étrange qu’elle soit, la rousse semble connaitre l’adolescent qu’elle a à sa charge assez bien pour être dans le juste à chaque fois. Le garçon semble soudain en proie à un désarroi touchant.

- Tu as peur, Scott, c'est de la peur que tu ressens, et de la panique.
- La peur est l’émotion la plus ancienne et la plus puissante qui soit. Y’a aucune honte à avoir peur.
- J'ai jamais eu peur.
- Je sais. Ecoute, Magni et Ryan sont allé chercher un allié pour rapprivoiser ton corps et tes nouvelles capacités. Il n'aurait pas fait tout ce chemin sinon, n'est-ce pas Colgan Murtagh ?
C’est toujours l’adolescent que Colgan observe avec attention. Sa prise sur sa main se resserre.

- Je te l’ai dit. Je suis là si tu as besoin de moi. C’est aussi simple que ça.
- Je veux m'en sortir... J'ai pas peur d'être un loup.... J'ai peur d'être un tueur. Je savais comment contenir ça, avant. Mais avec ce nouveau moi... chais pas…
Colgan fronce les sourcils en se disant qu’il n’a certainement pas chopé le gamin le plus simple au monde… De toute façon il va falloir qu’il en apprenne plus sur lui si jamais il décide de le prendre sous son aile.
- Je ne leur ai pas appris à accorder leur confiance facilement, ni à accepter une main tendue.
- Sage enseignement, mais il a ses limites.
- Dans le Brouillard, nous n'avions que nous et c'était suffisant. Si je t'accorde ma confiance, Loup, prendras-tu soin de mon enfant ?
Il laisse filer un silence.
- Dans la mesure du possible. Je ne donne pas ma parole à la légère et je ne peux pas promettre que tout se passera bien. Il n’a déjà pas été capable de sauver ses propres enfants, il refuse d'engager aveuglément sa protection pour un autre. Ma meute sait qu’elle peut toujours compter sur moi, mais je ne suis pas faiseur de miracle.
- Si tu veux de son aide, Scotty, tu dois lui dire. Il ne le devinera pas sinon.
Colgan vrille ses yeux dans ceux du gamin qui semble toujours aussi méfiant.
- Aide-moi.... steplé.
Colgan hoche doucement la tête.
- Ok. C’est ce que je vais faire. Je vais t’apprendre à être un Loup et à te contrôler. Ça prendra du temps. Beaucoup. Ca sera douloureux. Tout le temps ou presque. Mais… ça a aussi de chouette côté. Il tente un sourire, léger mais véridique. Courir, chasser sous la lune, la sensation de liberté… Tu verras… Pendant la montée de la lune, tu vas avoir envie de viande rouge. Mange-en autant que possible. Tu vas avoir de brusques montées de colère et des sautes d’humeur. Tu peux les gérer en faisant de l’exercice. Personnellement, je frappais comme un bourrin contre un sac. Ta nouvelle nature, l’exercice et la viande vont fortifier ton corps, te rendre plus balèze en gros. Il attrape le portable du gamin et y inscrit son numéro personnel. Si tu as besoin, appel. Peu importe l’heure. En parlera du reste plus tard. En attendant j’ai besoin de parler à ta… « protectrice » ou peu importe comme tu l’appelle... Et évidemment, tu vas devoir m’obéir. Ca te va comme ça, Scott ?

De l’autre côté de la porte, Magni passe une main excessivement lasse sur son visage.
- Va te reposer Ryan. On a fait le maximum, le reste est plus entre nos mains maintenant.
Avant que l’adolescent puisse bouger, il le prend soudain maladroitement dans ses bras, façon étreinte d’ours et ébouriffe sa tignasse bouclée en reniflant. Je suis content que t’es rien. File dormir, ajoute-t-il avant de le relâcher et d’attendre sagement la fin du conciliabule dont il a été exclu. Soudain tout lâche et il glisse pesamment le long mur pour se retrouver les fesses par terre.

Ryan fulmine d'avoir été mis à la porte. Il sert les poings, la mâchoire, tout est contracté chez lui.

- Putain de merde ! Fais chier ! éructe-t-il.
- Va te reposer Ryan. On a fait le maximum, le reste est plus entre nos mains maintenant.

L'adolescent le sait, mais a du mal à l'accepter. L'étreinte soudaine de Magni le prend au dépourvu. Il reste là, bras-ballant, comme un idiot.

- Je suis content que t’es rien.

Une drôle d'émotion comprime la gorge de Ryan. Il a eu la sensation, pendant une poignée de seconde, d'être à nouveau dans les bras de son père. Il rend son accolade à Magni avec une aussi franche maladresse que lui.

- File dormir.

Il regarde ce grand gaillard, ce stupide ours, ce nouveau père avec un regard humide d'enfant sur le point de chialer. Il hoche simplement la tête et monte les escaliers pour emprunter le premier lit qu'il trouvera sur son chemin.

La maison bruisse de la mélodie des frottements aqueux du ménage et des rires des petits qui jouent dehors après s'être rempli le ventre de viennoiserie. La musique de la vie.

***

- C’est vraiment plus compréhensible pour toi comme ça ?
- Je... J'arrive pas à .. piger les expressions des gens, fait-il tout doucement. Là, je sen plus de trucs, et... je comprends

La suite donne quelques éléments de réponses supplémentaires à Colgan qui, finalement, accepte de prendre en charge le garçon.

- Ok. C’est ce que je vais faire. Je vais t’apprendre à être un Loup et à te contrôler. Ça prendra du temps. Beaucoup. Ca sera douloureux. Tout le temps ou presque. Mais… ça a aussi de chouette côté.  Courir, chasser sous la lune, la sensation de liberté… Tu verras…

Scott tourne la tête vers Jolhane.

- C'est vrai ?
- Oui. Ghimbir et moi adorons ça.
- Tu.. Tu viendras avec moi?
- Bien sûr ! Et l'Ours de Magni nous accompagnera quand il sera prêt.
- Ok...
- Pendant la montée de la lune, tu vas avoir envie de viande rouge. Mange-en autant que possible. Tu vas avoir de brusques montées de colère et des sautes d’humeur. Tu peux les gérer en faisant de l’exercice. Personnellement, je frappais comme un bourrin contre un sac.
- Viande rouge, sautes d'humeur, exercices... répète-t-il mécaniquement. Ok.

La perspective d'une méthode claire et balisée semble le rassénérer.

- Ta nouvelle nature, l’exercice et la viande vont fortifier ton corps, te rendre plus balèze en gros.
- Je vais ressembler à Magni ? Ryan va être vert.

Jolhane a un petit rire discret et mélodieux. Elle le regarde entrer le numéro dans son portable. Colgan ignore sans doute qu'il vient de pénétrer dans le cercle très fermer de la dizaine de numéros de son répertoire privé.

- Si tu as besoin, appel. Peu importe l’heure. On parlera du reste plus tard.

Encore une fois, en reprenant le portable en main, Scot jette un regard à Jolhane, cherchant son assentiment. Elle lui donne d'un simple hochement de tête.

- En attendant j’ai besoin de parler à ta… « protectrice » ou peu importe comme tu l’appelle... Et évidemment, tu vas devoir m’obéir. Ca te va comme ça, Scott ?
- Si Jolhane et Magni son ok. Je suis ok.
- On va discuter de tout ça... Repose-toi en attendant.

Jolhane se lève, toujours nimbée dans sa couverture sans que cela semble la gêner. Elle invite silencieusement Colgan à la suivre. Scott l'interrompt soudain alors qu'elle a la main sur la poignée.

- Doe ?
- Oui ?
- On est en guerre contre les Vulpes ?
Un silence suivi d'un regard franc.
- Oui.
- Ca implique quoi pour... Kaelig, Elie ou Ciulin et la meuf vampire ?
- .... Qu'ils sont aussi en guerre contre les Vulpe.
- Ok.

Ils sortent et Jolhane trouve Magni le cul par terre comme un chien gardant la porte. Elle le couve d'un regard aimant, malgré ses yeux rougis. Elle lui tend la main.

- Viens papa Ours. On doit discuter de l'avenir de notre louveteau.

Colgan se relève et pendant que l'adolescent questionne la renarde, il laisse clairement traîner ses oreilles. Toute information est bonne à prendre. Il n'a jamais aveuglément délivrer tout ce qu'il sait aux Hurlants et ce qu'il entend restera assurément dans ses archives personnelles. Surtout quand ça parle des Taur et de la nana de Bertus qu'il a à peine recroisé depuis sa "proposition".

Quand ils ouvrent la porte ils découvrent le Berserker affalé au sol, la tête en appui contre le mur. S'il n'avait pas les yeux ouverts on pourrait penser qu'il dort ou s'est évanoui.
Jolhane lui adresse un regard amoureux qu'il ne semble même pas remarqué et lui tend la main.

- Viens papa Ours. On doit discuter de l'avenir de notre louveteau.
- J'suis pas...il soupire et s'appuie contre le mur pour se relever seul. Ça va.
- Un coup de mou ? Demande Colgan avec un regard amusé. Il a vraiment l'air au bout du rouleau.
- J'te le fais pas dire...quel chienlit ces Loups-Garous...sans offense hein…
Il grimace, semblant vraiment souffrir.
- Je prends ça pour un compliment.

Ils le guident vers la cuisine et Magni vire gentiment les enfants de la pièce comme un chien de berger guide des petits agneaux turbulents. La petite blondinette lui fait promettre un jeu avec elle après et Colgan songe qu'elle mène le grand gaillard par le bout du nez. Une fois la porte fermée, le Berserker se débarrasse enfin de son cuir, révélant un peu plus l'état lamentable de sa chemise. Il refait machinalement du café pendant que Colgan s'assoit en vérifiant qu'il n'a pas eu de messages sur son portable. Il envoie rapidement un texto à Marisol.
"Ai trouvé un louveteau égaré. Je te raconte en rentrant."
Magni passe une main dans sa tignasse encore incroyablement noire en attendant que le café coule.

- Alors...c'est quoi le topo.
Colgan les regarde tour à tour.
- Comme je l'ai dit, la prochaine pleine lune est dans dix jours, heureusement vous n'allez pas devoir construire un abri pour Scott. J'ai déjà mis en place un lieu sécurisé pour les nouveaux. Parfaitement sécurisé et appuyé par de la magie.

Il accepte la tasse que lui glisse Magni, qui sert également sa compagne. Il semble étrangement éviter son regard. Étonnant pour un personnage aussi franc.

- Les premiers temps, il passera ses premières lunes seul avec moi. C'est non négociable. J'ai besoin d'établir un lien avec sa forme de Loup. Même s'il ne fera pas vraiment parti de la meute, je serai plus ou moins son Alpha.
- C'est à dire ? Demande Magni en fronçant les sourcils.
- Ça l'engage à rien, ne vous inquiétez pas. C'est plutôt l'inverse. La meute et moi lui devrons assistance. Quoi qu'il arrive. Ça me donnera simplement un ascendant sur sa forme lupine. Pas sur tout évidemment. Il gardera son libre arbitre. Mais certains ordres lui sembleront difficiles à désobéir. Très difficile vu sa jeunesse. Je m'engage à ne pas abuser de ce pouvoir et c'est aussi ce que je lui expliquerai.
- Ça me plaît pas tellement, affirme le Berserker.
- C'est à prendre ou à laisser. Je ne transigerai pas là-dessus. Scott seul vera les autres membres de la meute. S'il veut il pourra leur poser des questions sur ce fameux lien entre un Alpha et le reste des Loups.

Il les regarde tous les deux dans les yeux, sans se dérober, essayant d'être le plus honnête et parant aux craintes qu'il aurait eu si son fils avait été à la place de Scott.

" Sauf qu'il le sera jamais…"

- Une fois qu'il maitrisera mieux sa transformation et ses instincts, on ira chasser une première fois avec la meute, tous ensemble. Après ça seulement vous pourrez vous joindre à lui.

Il laisse filer un silence en buvant son café puis reprend.
- Pour les jours à venir, comme je lui ai dit il faudra faire face à ses sautes d'humeur parfois violentes et qui ne feront que se renforcer à l'approche de la pleine lune. Il va dévorer comme quatre et fera sans doute du somnambulisme pour aller de balader dans les bois. Le laisser pas s'isoler tout le temps mais essayer de sentir avant qu'il vous explose entre les doigts. L'avantage c'est que vous semblez assez costaud pour supporter ça.

Magni hoche la tête.

- Je vais lui apprendre un peu de corps à corps. Ca lui fera pas de mal. Est ce qu'il...il se frotte la barbe...est qu'il souffrira pendant la transformation ?
- Oui. Je lui ai dit. J'imagine que si tu te transforme vraiment en ours tu dois savoir de quoi je parle.

Nouveau hochement de tête du Berserker qui jure tout bas.

- Tous ces symptômes s'atténueront avec le temps et dans un an...quelques mois peut-être, il aura retrouvé une vie presque normale hormis un jour par mois.
Il repose tranquillement sa tasse.
- Vous avez d'autres questions ?

- Viens papa Ours. On doit discuter de l'avenir de notre louveteau.
- J'suis pas...
- Bien sûr que si. Tu l'as proféré toi même devant Odin.
- Ça va. bougonne-t-il en refusant sa main.
- Un coup de mou ?
- J'te le fais pas dire...quel chienlit ces Loups-Garous...sans offense hein…
- Je prends ça pour un compliment.

La cuisine investie et les cafés servis, la vrai discussion commence.

- Alors...c'est quoi le topo.
- Comme je l'ai dit, la prochaine pleine lune est dans dix jours, heureusement vous n'allez pas devoir construire un abri pour Scott. J'ai déjà mis en place un lieu sécurisé pour les nouveaux. Parfaitement sécurisé et appuyé par de la magie.
- Quelle magie... ? demande Jolhane suspicieuse.

La jeune femme sent bien que Magni l'évite. La culpabilité a une odeur bien particulière et le berseker la suinte par tous les pores. Il y a une distance invisible entre elle et lui. Elle se dit que son attitude d'hier doit le dégouter. Elle n'a pas fait dans la dentelle et c'est montrée bien plus Doe que Jolhane. Qu'il refuse de la regarder la rend triste. Profondément.
Néanmoins, elle concentre toute son attention sur le loup.

- Les premiers temps, il passera ses premières lunes seul avec moi. C'est non négociable. J'ai besoin d'établir un lien avec sa forme de Loup. Même s'il ne fera pas vraiment parti de la meute, je serai plus ou moins son Alpha.
- C'est à dire ?

Jolhane a le même froncement de sourcils inquiet que Magni.

- Ça l'engage à rien, ne vous inquiétez pas. C'est plutôt l'inverse. La meute et moi lui devrons assistance. Quoi qu'il arrive. Ça me donnera simplement un ascendant sur sa forme lupine. Pas sur tout évidemment. Il gardera son libre arbitre. Mais certains ordres lui sembleront difficiles à désobéir. Très difficile vu sa jeunesse. Je m'engage à ne pas abuser de ce pouvoir et c'est aussi ce que je lui expliquerai.
- Ça me plaît pas tellement.
- A moi non plus.
- C'est à prendre ou à laisser. Je ne transigerai pas là-dessus.
- Si jamais tu prives Scott de sa liberté, si jamais nous le perdons parce que tu a voulus en faire un de tes guerriers, je viendrais te visiter, Loup, mais nous ne discuterons pas, dit-elle d'une voix calme mais le regard droit et perçant. La menace est on ne peut plus claire. Elle n'est plus à l'abattage d'un loup-garou près.
- Scott seul verra les autres membres de la meute. S'il veut il pourra leur poser des questions sur ce fameux lien entre un Alpha et le reste des Loups.
- Accordé. Ta meute, tes règles pour la protéger. Tant que tu n'oublies pas que Scott appartient à la notre. De fait, je te demanderais de ne jamais prêcher pour tes idées. Toi ou tes hommes. Je me fiche que tu sois un Hurlant mais je ne cautionne pas les doctrines sectaires : Sang-coureurs, Hurlants, c'est la même chose pour moi. Lorsque Unseelie  le décidera, nous seront tous ses proies. Ceci n'est pas négociable, non plus.

Silence autour de la table.

- Une fois qu'il maitrisera mieux sa transformation et ses instincts, on ira chasser une première fois avec la meute, tous ensemble. Après ça seulement vous pourrez vous joindre à lui.
- Pourquoi pas la première fois ? demande-t-elle.

Chacun sirote son café comme dans un film de western : sans whisky, sans colt, et sans vêtements pour certains.

- Pour les jours à venir, comme je lui ai dit il faudra faire face à ses sautes d'humeur parfois violentes et qui ne feront que se renforcer à l'approche de la pleine lune. Il va dévorer comme quatre et fera sans doute du somnambulisme pour aller de balader dans les bois. Le laisser pas s'isoler tout le temps mais essayer de sentir avant qu'il vous explose entre les doigts. L'avantage c'est que vous semblez assez costaud pour supporter ça.

Colgan se tourne logiquement vers Magni.

- Je vais lui apprendre un peu de corps à corps. Ca lui fera pas de mal. Est ce qu'il...est ce qu'il souffrira pendant la transformation ?
- Oui. Je lui ai dit. J'imagine que si tu te transforme vraiment en ours tu dois savoir de quoi je parle. Tous ces symptômes s'atténueront avec le temps et dans un an...quelques mois peut-être, il aura retrouvé une vie presque normale hormis un jour par mois. Vous avez d'autres questions ?
- Magni ? fait-elle en se tournant vers lui. Elle n'en a pas hormis celles déjà posées. De toute manière, nous disposons de ton numéro de téléphone en cas de besoin.

Elle lève alors la main hors de ses multiples arceaux de tissus et la pose délicatement sur le poignet de Colgan.

- Je te remercie, Loup, de nous aider. Tu n'y étais pas obligé, d'autant qu'il doit-être difficile de veiller sur un enfant alors que tu n'as plus les tiens. Je te remercie donc doublement et Ghimbir aussi. Le jour où tu auras besoin de notre aide, nous répondrons présentes, déclare-t-elle avec solennité.

- J'ai déjà mis en place un lieu sécurisé pour les nouveaux. Parfaitement sécurisé et appuyé par de la magie.
- Quelle magie... ?

Il sent parfaitement la méfiance de la jeune femme mais il ne trahira certainement pas le Doc'.
Ça c'est ma tambouille. Elle affecte les murs pas ceux qui se trouvent dedans. Et s'il y avait le moindre risque je ne lui aurait pas fait confiance pour ma première transformation.  

Il explique ensuite le déroulé de ce qu'il se passera pendant les prochaines pleine lune et évidemment les premières marques de défiance ne se font pas attendre.

- Si jamais tu prives Scott de sa liberté, si jamais nous le perdons parce que tu a voulus en faire un de tes guerriers, je viendrais te visiter, Loup, mais nous ne discuterons pas.
Colgan affronte son regard sans sourciller.
- Je comprends ton besoin de protéger Scott mais j'apprécie moyennement les menaces. Rien ne m'oblige à vous aider. Je le fais pour le gamin qui n'a rien demandé à personne, surtout pas à se faire mordre. Mais pour votre gouverne tous les membres de ma meute ont une excellente raison d'y être...et ça n'a rien à voir avec mon argumentaire. Ils sont là parce qu'ils ont choisi d'y être.
- Comprends que vu vos fréquentations c'est une inquiétude légitime, temporise - de façon tout à fait étonnante- le Berserker qui glisse un coup d'œil presque inquiet vers Jolhane.
- Je vous donne ma parole qu'il ne prendra jamais part à aucune mission. Je ne créé pas d'enfant-soldat. Scott seul verra les autres membres de la meute. S'il veut il pourra leur poser des questions sur ce fameux lien entre un Alpha et le reste des Loups.
- Accordé. Ta meute, tes règles pour la protéger. Tant que tu n'oublies pas que Scott appartient à la nôtre.
- J'aurais du mal à l'oublier.
- De fait, je te demanderais de ne jamais prêcher pour tes idées. Toi ou tes hommes. Je me fiche que tu sois un Hurlant mais je ne cautionne pas les doctrines sectaires : Sang-coureurs, Hurlants, c'est la même chose pour moi. Lorsque Unseelie  le décidera, nous seront tous ses proies. Ceci n'est pas négociable, non plus.
- Encore une fois...je ne prêche pas. J'ai pas besoin de rappeler aux mieux pourquoi ils se battent. Crois-moi…

Il la scrute avec un regard hanté mais déterminé.

- Une fois qu'il maitrisera mieux sa transformation et ses instincts, on ira chasser une première fois avec la meute, tous ensemble. Après ça seulement vous pourrez vous joindre à lui.
- Pourquoi pas la première fois ? demande-t-elle.
- Question de lien aussi. La chasse en meute c'est important pour solidifier notre lien. Savoir de quoi l'autre est capable, d'emmagasiner l'odeur des différents loups et les reconnaître et il y a une forme...d'unité chez nous. Une chasse ensemble. C'est tout ce que je demande.

Il en finit enfin avec son exposé
Vous avez d'autres questions ?
- Magni ? fait-elle en se tournant vers lui.
- Ouais...une dernière, lâche l'Ours qui a des spasmes étranges le long de son grand corps. Comment ça se passe les transformation après ? J'veux dire est-ce qu'elles peuvent survenir si vous péter un plomb ou…
- Non, le rassure Colgan avec un demi sourire. Il suppose que sa question est tirée de sa propre expérience. Seule la pleine lune peut nous obliger à nous transformer. Après, chaque transformation sera voulue. Il mettra du temps avant d'y arriver hors pleine lune. La seule difficulté réside dans le fait de maîtriser notre forme animale. Mais c'est toujours nous sous les couches de poil.
- De toute manière, nous disposons de ton numéro de téléphone en cas de besoin.
- Je te remercie, Loup, de nous aider.
Colgan retire délicatement sa main de sous la sienne.
- C'est pour Scott que je le fais. J'aurais aimé avoir un guide dans les premiers moments de ma vie de Loup, même si j'ai été bien entouré...
- Tu n'y étais pas obligé, d'autant qu'il doit-être difficile de veiller sur un enfant alors que tu n'as plus les tiens. Je te remercie donc doublement et Ghimbir aussi. Le jour où tu auras besoin de notre aide, nous répondrons présentes.

Colgan se crispe comme à chaque fois qu'on parle de ses enfants mais réussi l'exploit de sourire tout de même, un frémissement des lèvres plein de mélancolie et de regret.

- C'est bien pour ça que je ne promets plus rien. C'est gentil mais je vous trainerais pas non plus dans mes histoires. J'ai l'impression que vous êtes assez occupés comme ça...par contre moi ça ne m'embête pas de me friter les Vulpe… donc s'ils reviennent vous emmerder, appelez nous.

Il décale son regard vers Magni qui est resté très silencieux, hormis quelques questions très précises.
- Ça va aller pour me ramener ?
- Ouais évidemment c'est pas si loin.
Il enfile son manteau et Colgan se lève.
- A bientôt Jolhane. Je récupère Scott dans quelques jours pour lui montrer l'endroit où il se transformera. Prenez soin de vous.
Il quitte la pièce sans un regard en arrière.