Je suis au bout du rouleau.
J’ai atteint mes dernières limites, et j’sais plus si j’ai plus besoin de manger ou de dormir. Dommage qu’on puisse mécaniquement pas faire les deux en même temps.
Je m’extraie de Christine avec difficulté. Retour du vieillard ambulant… Va falloir que je demande à dieu l’père s’il a pas une amélioration possible pour ça aussi. Foutrement marre d’être perclus de partout après chaque grosse transe.

J’rentre et retire mes godasses, ma hache et ma veste. Les plus grands sont encore aux abonnés absents et je vais j’ter un coup d’œil dans la chambre des garçons pour constater que Scott joue tranquillement. Il lève à peine les yeux vers moi et je lui souris simplement avant de m’éclipser, rassuré sur son état. J’entends les enfants qui chuchotent à l’étage et Jolhane est pas dans le salon.

Deux options :
Un : je file là-haut pour prendre un bon bain…ou une douche et je dors jusqu’à l’année prochaine.
Deux : je vais l’affronter elle et le gouffre qui s’est creusé entre nous depuis hier dans la cuisine.
Mais non Magni ! Soit malin. Je vais la voir pour lui dire que je fuis prendre un bain et dormir !
Parfait.

Je me traine donc jusqu’à la grande pièce et la trouve en train de boire un thé encore fumant, habillée cette fois. Je me gratte maladroitement la gorge et une émotion que je décrypte pas tout à fait – la culpabilité, mon grand – me la noue. Je finis le café que j’avais laissé d’une traite, pour ce que ça va me faire…et en plus il est tiédasse…l’enfer. Putain même boire me fait mal au bras.

- C’est fait… je lâche tout à fait inutilement. Si j’suis là c’est que Colgan a été raccompagné chez lui, enfin en ville, il a pas voulu me donner son adresse. Drôle de type ce mec, mais je le sens pas foncièrement mauvais. C’est déjà pas mal dans cette ville de fous furieux où on envoie des tueurs dans une maison remplie de gosse.

- Ca a l’air d’être un gars réglo…c’est Ciulin qui nous a indiqué l’personnage.
Dans la voiture, l’idée que j’arriverai p’t-être à apaiser les choses si j’me rendais au Vulpe m’a effleuré l’esprit. Plusieurs fois… mais j’sais que ça sera sans doute un sacrifice inutile maintenant.
- Euh… pour la première fois depuis…pfiou un moment… j’suis à court de mots. Totalement. J’vais me doucher et me coucher. J’suis vanné.    
Je sais pas comment gérer cette situation de merde. Est-ce que je dois la faire parler ? Ou je dois attendre qu'elle le fasse d'elle même ? C'est pas un peu trop tôt pour ça ?

Trop.de.questions.

Mes méninges, déjà pas au top d'habitude, moulinent dans le vide. En plus de la fatigue de la transe, je sens que toute la tension et la trouille quitte mon corps comme un gaz s'échappe d'un ballon. Voyez la gueule du ballon après ? Bah voilà c'est mon cerveau
J’passe devant elle et pose doucement ma main sur son épaule que je sers.
- C’est bien que tu sois revenue. Les enfants ont besoin de toi. Faut qu’ils retrouvent…une certaine normalité. Et ils le pourront que si t’es là. Ca…ça aurait pu être bien pire…je conclue d’une voix tendue, sans arriver à sourire.

Les blessures émotionnelles
sont le prix à payer pour être soit même.
[Haruki Murakami]

Assise sur le rebord de la terrasse, elle contemple son jardin et au delà la forêt et son calme souverain. La nature imperturbable aux aléas des êtres de chair, continue d'exister, paisiblement, qu'on la gorge de soleil ou de sang. Le potager devrait tirer profit de ce compost humain et donner de beaux fruits cet année.
Les enfants jouent et rient parmi les plans de légumes comme si de rien n'était. Le résilience spectaculaire est-elle le bénéfice de leur jeunesse ou une absence de cœur de son fait. Ils côtoient la mort et la violence depuis si longtemps, qu'ils s'y sont habitués.

Voilà sans doute, pourquoi personne ne veut plus d'eux.

Jolhane baisse le regard sur sa tasse de thé chaud qui fume entre ses doigts rougis de froid. Malgré le plaid de laine qui recouvre ses épaules, elle continue de frissonner. Elle est glacée à l'intérieur. Elle ne regrette pas ses actes, elle a agit comme elle le devait, cependant, son coeur est meurtri de l'avoir fait. Elle a perdu un pan d'une histoire qu'elle n'a jamais connue. Une partie de son mystère. Cela, elle pourra s'en remettre et s'y résigner. Elle a perdu Magni, elle le sait. Son regard a changé. Jamais plus il ne la regardera avec cette lumière dans les yeux.

La jeune femme se décide à rentrer et tombe alors sur cette paire de prunelles tant redoutées.

- C’est fait…
- Très bien.
- Ca a l’air d’être un gars réglo…c’est Ciulin qui nous a indiqué l’personnage.
- Je suppose qu'il l'est alors.
- Euh…  J’vais me doucher et me coucher. J’suis vanné.
- Ok...

Jolhane baisse les yeux, incapable de cacher sa tristesse. Ce sera comme cela désormais ? Il y a plus qu'une distance entre eux, il y a les prémices d'une tumeur maligne. Magni lui sert l'épaule et elle lève vers lui deux billes d'or pleine d'espoir.

- C’est bien que tu sois revenue. Les enfants ont besoin de toi. Faut qu’ils retrouvent…une certaine normalité. Et ils le pourront que si t’es là. Ca…ça aurait pu être bien pire…
- Et toi ? Toi tu as besoin de moi ? Elle se mordille la lèvre avant d'ajouter dans un souffle..... Est-ce que je te dégoute, Magni ?

- C’est bien que tu sois revenue. Les enfants ont besoin de toi. Faut qu’ils retrouvent…une certaine normalité. Et ils le pourront que si t’es là. Ca…ça aurait pu être bien pire…
- Et toi ? Toi tu as besoin de moi ?

Je me fige, la main toujours sur son épaule. Evidemment putain ! Evidemment que ce qui s’est passé efface en rien ce que j’éprouve pour elle ! Alors pourquoi les mots veulent pas sortir ? D’habitude c’est la déferlante et quand j’en besoin de ma tchatche légendaire, madame a foutu le camp ?

- Est-ce que je te dégoute, Magni ?

Là j’en suis tellement surpris que je tombe sur la chaise à côté d’elle qui en grince de mécontentement.
- Quoi ? Mais non enfin !
Ah bah c’est pas trop tôt ! J’retrouve finalement la parole. Pas pour des arguments hyper construits, mais qui ont le mérité d’exprimer une sincérité et une franchise qui me ressemblent plus. Doucement, je viens chercher l’une de ses mains et la serre dans ma grande poigne. On a les mains aussi couvertes de sangs l’un que l’autre. Je serai bien le dernier des connards et surtout le plus mal placé pour lui reprocher sa violence.
Du coup j’agite les deux neurones qui fonctionnent encore dans ma caboche et rassemble mes mots histoire de formuler quelque chose d’un peu plus concret et argumenté que ça.

- J’suis un Berserker Nymphette…le guerrier et l’ours en moi comprennent parfaitement ce que tu as fait. Putain ! Pour la première fois depuis longtemps l’Ours et moi on était parfaitement d’accord sur un point : ils nous ont attaqué chez nous… on devait riposter. Mais…l’homme, tu vois… celui que toi et les enfants ont fait revivre…Il…il a une trouille bleue que ça recommence. Quand on a failli…perdre Scott, je me suis rendu compte à quel point vous êtes tous devenus indispensables dans ma vie. Je sais pas ce que j’aurais fait s’il était…bref c’est pas le propos… Et surtout… je prends une profonde inspiration…l’homme…il…il se sent foutrement coupable. De pas avoir su vous protéger tous…pire d’avoir provoqué tout ça… Peut-être que si j’avais pas tuer leur Loup…si je leur avais laissé l’opportunité de régler ça à leur façon…ils auraient pas choisi l’attaque pure et simple.

Parler à la troisième personne fait sans doute super pompeux mais ça me semble plus facile de révéler ce que j’ai sur le cœur comme ça aussi.

- J’suis pas… je lâche sa main pour croiser les miennes devant moi, sur la table que je fixe comme si elles détenaient tous les secrets de l’univers. C’est la haine que Matyas éprouve pour moi qui l’a poussé à se venger sans aucune pitié.

Après un long silence je me décide enfin à aborder un autre sujet. Un sujet plus délicat que je prends soin d’éviter en général et que je regarde passer en lui faisant coucou de la main.

- Eh puis… je sais bien que ma place dans cette maison est pas claire et que c’est toi la chef de cette famille mais… t’es plus dans le brouillard Jolhane… t’es plus toute seule… Je suis là ! Et j’veux essayer de faire partie de cette famille mais je sais pas où me mettre. T’as…t’as agis comme si tu devais porter tout ça toute seule. On aurait pu…on aurait pu discuter de la marche à suivre avec les Vulpe, tu vois ? Partager la charge de cette décision. Et ça veut pas dire que je suis pas derrière tes choix, mais tu m’as pas impliqué…j’ai même pas pu te consoler…après. Je suis pas là que pour les moments plaisants Jolhane. C’est à ça que sert une famille aussi. Epauler quand ça va mal. C’est sans doute très con… j’ai plus le cerveau bien en place.

- Quoi ? Mais non enfin !

Jolhane a un petit gémissement de soulagement. Ses épaules s'affaissent et le plaid chute en vague de laine dans les creux de ses coudes. Elle est si rassurée qu'elle en a les larmes aux yeux. Magni lui prend la main et la sert dans sa paluche immense. Jolhane se mordille la lèvre.

- J'ai cru... articule-t-elle, des châtaignes dans la gorge.
- J’suis un Berserker Nymphette…le guerrier et l’ours en moi comprennent parfaitement ce que tu as fait. Putain ! Pour la première fois depuis longtemps l’Ours et moi on était parfaitement d’accord sur un point : ils nous ont attaqué chez nous… on devait riposter.

La jeune femme se laisse mollement tomber à genoux sur le carrelage de la cuisine et vient se caler contre les cuisses de Magni. Elle se pelotonne comme un petit animal transi, tout contre lui.

- Mais…l’homme, tu vois… celui que toi et les enfants ont fait revivre…Il…il a une trouille bleue que ça recommence. Quand on a failli…perdre Scott, je me suis rendu compte à quel point vous êtes tous devenus indispensables dans ma vie. Je sais pas ce que j’aurais fait s’il était…bref c’est pas le propos… Et surtout… Jolhane lève le regard vers lui.…l’homme…il…il se sent foutrement coupable. De pas avoir su vous protéger tous…pire d’avoir provoqué tout ça…
- Non.. Non ça n'est pas toi.... Elle secoue fermement la tête.
- Peut-être que si j’avais pas tuer leur Loup…si je leur avais laissé l’opportunité de régler ça à leur façon…ils auraient pas choisi l’attaque pure et simple. J’suis pas… C’est la haine que Matyas éprouve pour moi qui l’a poussé à se venger sans aucune pitié.
- Ils auraient trouvé un autre prétexte, Magni. Tout ça... c'est.. C'est pour moi.... Pour Aria. Sa lèvre tremble. Toute cette haine date d'avant ton arrivée dans nos vies. Ils m'ont en voulu dès qu'ils m'ont retrouvée à sa place. Ils la veulent, quitte à tout détruire. Elle sanglote. C'est de ma faute. Tout ça....
- Eh puis… je sais bien que ma place dans cette maison est pas claire et que c’est toi la chef de cette famille mais… t’es plus dans le brouillard Jolhane…
- Je.. je comprends pas ?
- T’es plus toute seule… Je suis là !
- Je sais... Elle le regarde, incrédule qu'il puisse en douter.
- Et j’veux essayer de faire partie de cette famille mais je sais pas où me mettre.
- Je... Magni... Tu es comme un père pour ces enfants. Tu le sais n'est-ce pas ?
- T’as…t’as agis comme si tu devais porter tout ça toute seule. On aurait pu…on aurait pu discuter de la marche à suivre avec les Vulpe, tu vois ? Partager la charge de cette décision.

Cette fois, elle ouvre la bouche frappée par la véracité de ses affirmations. Elle ne trouve rien à rétorquer.

- Je.. je suis désolée, fait-elle penaude.
- Et ça veut pas dire que je suis pas derrière tes choix, mais tu m’as pas impliqué…j’ai même pas pu te consoler…après. Je suis pas là que pour les moments plaisants Jolhane. C’est à ça que sert une famille aussi. Epauler quand ça va mal. C’est sans doute très con… j’ai plus le cerveau bien en place.
- Non, tu as raison souffle-t-elle. J'ai été... J'ai pas l'habitude, Magni. Je sais pas faire... comme tu dis. Mais j'ai besoin de toi. Les larmes coulent plus abondamment cette fois. J'ai besoin de toi... Ce monde... Ce monde est fou et j'ai peur..... Je ne me suis jamais sentie aussi triste....

- Et j’veux essayer de faire partie de cette famille mais je sais pas où me mettre.
- Je... Magni... Tu es comme un père pour ces enfants. Tu le sais n'est-ce pas ?
- Non pas vraiment… un tonton sympa à la rigueur mais pas un père… surtout pas pour les plus grands…et puis, c’est pas comme si je décidais quoique ce soit pour eux…T’as…t’as agis comme si tu devais porter tout ça toute seule. On aurait pu…on aurait pu discuter de la marche à suivre avec les Vulpe, tu vois ? Partager la charge de cette décision.
- Je.. je suis désolée.

Ma paume vient se coller contre son visage et mon pouce caresse lentement sa joue toute douce.

- Et ça veut pas dire que je suis pas derrière tes choix, mais tu m’as pas impliqué…j’ai même pas pu te consoler…après. Je suis pas là que pour les moments plaisants Jolhane. C’est à ça que sert une famille aussi. Epauler quand ça va mal. C’est sans doute très con… j’ai plus le cerveau bien en place.
- Non, tu as raison.
- Ah ouais ?

J’en suis étonné moi-même. Bizarrement je me sens soulagé qu’elle le pense. Parce que j’ai l’impression de dire des trucs pas super cohérents… et soulagé d’avoir pu lui dire ce que j’avais sur le cœur. L’impression d’avoir un gouffre entre nous s’est estompé. En tout vas j’ai l’impression.

- J'ai été... J'ai pas l'habitude, Magni. Je sais pas faire... comme tu dis.
- Je sais…c’est pas grave Nymphette. On va apprendre ensemble… laisse-moi simplement t’aider, d’accord ? Laisse-moi faire partie de cette famille et réfléchir avec toi à ce qui est le mieux pour elle. Ou pas d’ailleurs. Je comprendrais aussi mais dans ce cas… je serai toujours qu’un grand enfant de plus dont t’as la charge. C’est juste … pas de ça dont j’ai envie moi…
- Mais j'ai besoin de toi. Mon pouce vient nettoyer ses larmes. J'ai besoin de toi... Ce monde... Ce monde est fou et j'ai peur... Je ne me suis jamais sentie aussi triste...

Lentement et surtout douloureusement, je me plie en deux pour venir la soulever de terre et l’installer sur mes genoux avec une grimace de souffrance. Je la serre avec force dans mes bras, passe mes doigts épais dans ses cheveux. C’est p’t-être monstrueux mais la voir pleurer m’enlève aussi un poids de la poitrine. Elle est toujours ma Nymphette, forte quand il le faut, mais qui se laisse aussi aller…au moins avec moi, à plus de sensiblerie. Je l’ai pas perdue dans la bataille. Elle est toujours là…
Je prends son visage en coupe et vient poser mon front sur le sien pour vriller mon regard dans ses prunelles dorées.

- Dis-moi… tout ce qui te rends triste. Partage-le avec moi … et je vais essayer d’effacer ta tristesse.  Moi…si tu veux tout savoir, malgré tout ça…je suis putain d’heureux. Vous allez tous bien, même Scott va s’en sortir et c’était pas gagné. Je suis toujours là avec vous tous et même si je me sens coupable, vous êtes vivants et moi aussi. C’est tout ce qui importe. A mes yeux c’est tout ce qui compte…

Tout doucement je viens récolter ses larmes du bout des lèvres que je dépose ensuite contre les siennes. Un baiser tout doux qui se prolonge et j’y puise une force nouvelle, une détermination à toute épreuve. J’ai senti l’Ours et sa volonté de protéger son territoire. Si les Vulpe ou qui que ce soit tente quelque chose contre ma famille, je le laisserai gérer les choses à sa manière, peu importe les conséquences sur moi.
Plus jamais.

- Tu devrais te reposer un peu aussi Nymphette. Ca te ferait du bien...

- Tes.. tes blessures.... proteste mollement Jolhane en se laissant malgré tout, hisser sur les cuisses du berseker.

Son étreinte est tellement bénéfique, pourtant que la jeune femme cesse vite de renâcler et sanglote tout son soul lovée contre le géant islandais. Ses caresses font naitre des soupirs hachurés, bouffées de chagrin qui s'échappent par poignées. Magni englobe son visage entre ses pognes croutées de sang et sa vision s'emplie de lui et uniquement de lui.

- Dis-moi… tout ce qui te rends triste. Partage-le avec moi … et je vais essayer d’effacer ta tristesse.
- D.. Dans le Brouillard, je tuais des êtres dépourvus de leur humanité, des choses sans âme, pour survivre. Je me suis toujours, toujours, promis de sauver une vie si je le pouvais. Mais ici.... Ici... On me pousse à prendre des vies, à supprimer des existences, des gens qui pourraient être sauvés : des jeune vampires qui ne savent pas ce qu'ils font, des loups-garous que leur chef envoie au combat sans même y prendre part, des chasseurs humains.... Je protège mon terrier, ma famille, je défend ma vie.... Mais tout cela me rend vide. Un vide douloureux. Pourquoi... ? Pourquoi ne comprennent-ils pas qu'aux yeux du Brouillard tout le monde est une proie!? Créatures, humains, sorciers, démons... tout le monde....Mais non... Ils préfèrent s'entre-dévorer.......
-Moi…si tu veux tout savoir, malgré tout ça…je suis putain d’heureux. Vous allez tous bien, même Scott va s’en sortir et c’était pas gagné. Je suis toujours là avec vous tous et même si je me sens coupable, vous êtes vivants et moi aussi. C’est tout ce qui importe. A mes yeux c’est tout ce qui compte…
- Oui...

Jolhane sourit et pleure de plus belle. Magni boit ses larmes et sa bouche. Les deux s'enlacent et trouvent du réconfort dans les bras l'un de l'autre.

- Tu devrais te reposer un peu aussi Nymphette. Ca te ferait du bien...
- On va faire ça, oui... renifle-t-elle. Elle se redresse et essuie posément le reste d'humidité sur ses joues. Mais je te coule un bain chaud d'abord et je te masse avec le baume de Salomon ensuite, ok ?

- Tu devrais te reposer un peu aussi Nymphette. Ca te ferait du bien...
- On va faire ça, oui…
- J'vais surveiller les gosses en attendant qu'les grands se réveillent, s'ils y arrivent un jour évidemment... Dairine aussi a besoin de souffler, elle a pas pris beaucoup de repos non plus.
- Mais je te coule un bain chaud d'abord et je te masse avec le baume de Salomon ensuite, ok ?

J'lui fais un bisous sur le bout du nez.

- Après...je m'occuperai de moi après. T'inquiète pas j'peux encaisser encore.

C'est faux mais je vais faire en sorte que si. J'ai plus ou moins été fait pour ça de toute façon.

- C'est pas négociable ! File là-haut.

C'est le moment que choisit la p'tite poupée de Ryan pour pénétrer dans la cuisine. Quand elle note la présence de Nymphette, son visage hagard et ses yeux rouges, elle se fige sur le seuil.

- Tout va bien ? S'inquiète-t-elle aussitôt. Comment va Scott ?
Elle lance quelques coups d'œil en direction de Jolhane comme si elle s'attendait à tout instant à ce qu'elle lui hurle dessus. P't-être bien qu'elle se sent aussi coupable la pov' gosse...

- Au poil. Tant fais pas pour lui. Et tout va aller mieux...enfin on espère hein ?
- Oh tant mieux…
- Qu'est-c'tu fais déjà debout toi ? T'as besoin de récupérer.
Elle a encore de sacrés cernes et l'air tout chiffonné.
- Cauchemars... avoue-t-elle en serrant ses bras contre son petit corps. J'arrive plus à dormir autant que je me rende utile non ? Elle nous observe avec cette gravité qui me plaît jamais dans les yeux de gosses aussi jeunes. Vous avez l'air épuisés tous les deux. Prenez votre tour de repos, je vais m'occuper des enfants. Enfin...je vais essayer. Vous avez un mode d'emploi quelque part ?  ajoute-t-elle avec un petit air malicieux qui lui donne des airs de fée farceuse. Trognonne.

Je lance un clin d'œil à Nymphette.

- J'espère pas parce que j'y ai pas eu droit moi ! T'es sûre que ça va aller ?

Je sais pas pourquoi j'ai autant de scrupule à prendre du repos. Possible que j'ai la trouille qu'ils reviennent alors que je sais bien que c'est improbable. Alex active ses zygomatiques.

- Certaine ! Allez-y …
J'échange un regard avec Nymphette et hausse les épaules en grimaçant et soupirant en même temps.
- OK...dans ce cas…
Je soulève Jolhane dans mes bras et la dépose sur une épaule. Foutu pour foutu. Je lui tapote les fesses pour la gronder.
- Chut ! Tu vas réveiller les gosses ! Et arrête de t'agiter ça me fait encore plus mal !
Je passe devant Alex et lui glisse un clin d'œil et une petite caresse sur la joue.
- Merci poupée ! Essaie de pas te faire manger ! Ils sont voraces ces gamins !
La p'tite blonde glousse derrière ses doigts qui cache son large sourire.
- Promis ! Reposez-vous bien !

Je grimpe difficilement les marches mais nous ramène sain et sauf d'une démarche pas très sûre dans la salle de bain ou je dépose mon fardeau remuant sur le tapis en soufflant.

- Voilà...arrivés… à destination et le bain on le prend...à deux !

Enfin je retire mes vêtements dégueulasses et à moitié déchirés pendant que l'eau coule. Je regarde l'état de ma chemise avec une tristesse infinie…

- Eh merde… tu crois que Matyas serait d'accord pour me repayer des chemise ? Franchement ça serait que justice…

Prendre les choses à l'auto-dérision je connais que ça.

Jolhane n'est absolument pas d'accord pour aller se reposer alors qu'elle le sait perclus d'hématomes, de courbatures et de plaies. Elle va pour protester quand Alexia montre le bout de son nez.

- Tout va bien ?
- Oui , fait pudiquement Jolhane avec un faible sourire avant de se détourner pour essuyer son reste de larmes.
- Comment va Scott ?
- Au poil.
- Sans mauvais jeux de mots... assure  Doe.
- Tant fais pas pour lui. Et tout va aller mieux...enfin on espère hein ?
- Il va être accompagné par un vrai Alpha et une meute. ça devrait faciliter la transition vers... sa nouvelle nature.
- Oh tant mieux…
- Qu'est-c'tu fais déjà debout toi ? T'as besoin de récupérer.
- Cauchemars...
- Je... je suis navrée... pour tout ça, répond Jolhane, consciente qu'elle a infligé à la jeune femme un spectacle affreux en plus des traumatismes dus à l'attaque.
- J'arrive plus à dormir autant que je me rende utile non ? Vous avez l'air épuisés tous les deux.
- Lui, surtout. Il faut qu'il récupère mais il fait sa tête d'ours...
- Prenez votre tour de repos, je vais m'occuper des enfants. Enfin...je vais essayer.
- Alexia, tu n'es pas obligée...
- Vous avez un mode d'emploi quelque part ?
- J'espère pas parce que j'y ai pas eu droit moi !
- Ne me regardez pas comme ça!  Jolhane se met à rire. J'ai aucune recette miracle !
- T'es sûre que ça va aller ?
- Certaine ! Allez-y …
- Bon... Ok, mais tu hésites pas à mettre à contribution Dairine et Declan, ok ?
- OK...dans ce cas…
- Magni ! Qu'est-ce que tu fais !?

Jolhane se retrouve à chevaucher le dos de Magni tout en rouspétant fort.

- Fais moi descendre, couillon de toi ! T'es déjà en miette !
- Chut ! Tu vas réveiller les gosses ! Et arrête de t'agiter ça me fait encore plus mal !
- Hmpf ! D'où que tu me donnes la fessée! T'es vraiment un crétin, tu le sais ça ? Désolée Alexiaaaa!

Mais la voilà kidnappée vers la salle de bain à l'étage.

- Voilà...arrivés… à destination et le bain on le prend...à deux !

Il la pose enfin sur le carrelage et elle lui donne une tape sur l'épaule qu'il n'a pas volé.

- OK! Mais viens pas te plaindre de grincer comme un vieux débris en te glissant dans la baignoire ! fait-elle la moue boudeuse en se déshabillant avec de grands gestes énervés. A mis parcourt, elle est soudain prise d'un fou rire qu'elle étouffe avec difficulté. Non mais... regarde-nous...
- Eh merde… tu crois que Matyas serait d'accord pour me repayer des chemise ? Franchement ça serait serait justice…
- Désolée, j'ai pas glissé de note de pressing dans mon sac poubelles à têtes.... Elle repart d'un rire nerveux. C'est beaucoup trop tôt pour en rire mais elle n'arrive cependant pas à s'arrêter. Chuis horrible !

Elle arrête Magni avant qu'il ne rentre dans l'eau.

- Désolée mais tu n'iras pas pourrir cette belle eau translucide si on doit y barboter! Elle s'arme d'un gant, d'une brosse à crin et de savon. On va décrasser le plus gros avant.

Jolhane le savonne à grand renfort de mousse. Si ses manières sont un peu brusques au départ, elles s'adoucissent  lentement pour pétrir les muscles endoloris de son idiot de berseker zélé. Surtout, lorsqu'elle s'attarde dans des zones plus intimes de son anatomie.

- Va... Va te rincer... suggère-t-elle à mi-voix. Je t'attends dans l'eau.

Elle lui désigne la douche, puis s'attache les cheveux et pénètre dans l'eau brulante la première.

- Eh merde… tu crois que Matyas serait d'accord pour me repayer des chemise ? Franchement ça serait serait justice…
- Désolée, j'ai pas glissé de note de pressing dans mon sac poubelles à têtes...
- T'aurais dû !
Le son de son rire me fait lever la tête et je la regarde à la fois ébahie et émerveillé. Je pensais pas entendre ce son avant un moment ? J’ai conscience que c’est plus ses nerfs qui lâchent qu’autre chose mais ça me colle quand même des papillons dans le ventre. Je finis même pas joindre mon rire au sien et on glousse bientôt comme des idiots à moitié à poil et crasseux comme tout.

- Chuis horrible !
- Mais nooooon. Je la reluque de haut en bas. J’te trouve merveilleuse et parfaite… Ah pardon ! Tu parlais d’autre chose ?
Une fois débarrassé de mes vêtements, je vais enfin entrer dans l’eau quand je me fais sèchement arrêter.  

- Désolée mais tu n'iras pas pourrir cette belle eau translucide si on doit y barboter !
- Mais… on devait prendre un bain ensemble… je lâche sur le ton d’un gamin à qui on vient d’annoncer que le Père Noël existait pas et la triste mine qui va avec. Tu m’exiles dans la douche ? . J'ai même des trémolos dans la voix dis donc !
Elle se tourne vers moi bien équipée.
- On va décrasser le plus gros avant.
- Ah, j’aime mieux ça.

Je me laisse docilement faire et doit y avoir un paquet de crasse vu l’énergie qu’elle met à me frotter de partout. Je savais que j’étais dégueu mais à ce point. J’dois me retenir de grimacer ou de laisser filtrer mes gémissements d’inconfort et mes mains se crispent sur la faïence du lavabo.
Et puis au fur et à mesure de ses passages, j’sens ses gestes moins virulents et qui ressemblent plus à un massage. Quand elle s’attarde sur mes fesses j’me raidis un peu…de partout. Ohhhhh trop dangereux et puis elle a sans doute pas la tête à ça.
Putain Magni arrête de penser avec ta queue franchement ça fera des vacances à tout le monde.
Ouais mais c’est pas comme si j’pouvais assouvir mes envies quand j’veux aussi… Eh merde… !

- Va... Va te rincer... Je t'attends dans l'eau...
- Très bonne idée !! Je saute aussitôt sur l’occasion pour me foutre sous l’eau froide. Je laisse filtrer un juron quand l’eau glacée ou presque ruissèle sur mes muscles fatigués et endoloris. J’y reste pas plus d’une minutes ou deux mais l’effet est immédiat. Franchement plus propre, je rejoins Nymphette et m’ébroue comme un animal, foutant des gouttelettes d’eau froide partout et l’éclaboussant au passage. Comme toujours très fier de mes conneries, j’arbore un large sourire.

- Tu me fais une tite place ?

Je me glisse dans l’eau chaude avec délice et je m’installe en attirant Nymphette contre moi, son dos callé contre mon torse. Enfin à l’aise je m’autorise à me détendre. Un bras en appui sur le rebord de la baignoire, l’autre enroulé autour de la gorge de Nymphette, j’ai presque l’impression que tout ça a été qu’un long et pénible cauchemar… presque. Juste que je commence à avoir la tremblote quoi…
Je viens câliner la joue de Nymphette avec le bout de mon nez et déposer quelques baisers sur son épaule.

- Tu te sens mieux ? Tu sais… j’me suis jamais vraiment rendu compte encore, à quel point vous étiez costauds et résilients. Enfin j’avais une idée hein… mais j’ai l’impression que chaque nouvelle épreuve vous rend plus forts. J’aimerais pouvoir vous dire que y’en aura plus mais on sait toi et moi qu’c’est faux. Mais on s’en occupera demain...là on est bien…  

- Tu me fais une tite place ?

Jolhane rétracte sa longue silhouette et lui sourit en guise d'invitation. Elle se redeplie avec langueur en s'adossant à son torse. Puis, attrape l'un de ses bras pour l'enrouler en écharpe autour de son cou. Soupir d'aise.

- Tu te sens mieux ?
- Oui.... Ronronne-t-elle sous ses baisers barbus.
- Tu sais… j’me suis jamais vraiment rendu compte encore, à quel point vous étiez costauds et résilients. Enfin j’avais une idée hein… mais j’ai l’impression que chaque nouvelle épreuve vous rend plus forts. J’aimerais pouvoir vous dire que y’en aura plus mais on sait toi et moi qu’c’est faux. Mais on s’en occupera demain...là on est bien…
- Parfois, je regrette de les avoir élevé comme des survivants et... Et non comme des enfants. Les plus grands porteront leur traumatisme à vie, quant aux plus petits... La violence, le sang et les horreurs sont devenus leur cadre de vie normale.... Elle soupire. Heureusement, depuis que tu es là ils s'autorisent à être davantage des enfants.

Elle redresse le nez pour capter son regard.

- Tu sais ce que Scott a dit devant Colgan ? "Si Jolhane et Magni sont d'accord, j'accepte." Il t'a inclus directement comme élément d'autorité. Que tu le veuilles ou non, tu es un père pour ces enfants. Tu les écoutes, tu leur consacres du temps et de l'attention à chacun d'entre eux. Katie a réduit considérablement ses crises de cleptomanie, Scott a moins d'éruptions colériques et Ryan est bien moins renfrogné et paranoïaque... Tu fais du bien à ces enfants et tu me fais du bien à moi...

Elle lui caresse la joue avec amour. Ses prunelles immenses scintillent d'une affection sans borne.

- C'est ça ta place Magni. Sans toi, on ne serait que des survivants, pas des vivants....

- Parfois, je regrette de les avoir élevés comme des survivants et... Et non comme des enfants.
Je fronce les sourcils et pivote son visage vers le mien.
- Dis pas ça ! Tu les as sauvés Nymphette. Et on sait bien que les circonstances…elles permettaient pas vraiment qu’ils soient des enfants comme les autres. Tu leur a donné une force hors du commun et qui les aidera à travers cette vie de fou.
- Les plus grands porteront leur traumatisme à vie, quant aux plus petits... La violence, le sang et les horreurs sont devenus leur cadre de vie normale... Heureusement, depuis que tu es là ils s'autorisent à être davantage des enfants.

Je pose mon front contre le sien et pousse un long soupir à mon tour, la gorge obstruée par un gros oursin. J’sais bien que j’suis prêt de la mer mais quand même…ça arrive vachement souvent depuis que je crèche ici.  

- Tu crois ? Tu peux… j’hésite un instant et murmure un ton plus bas…on pourrait leur montrer ensemble comment…retrouver une vie normale.  
Elle se tourne soudain plus vers moi faisant gicler un peu d’eau par terre.
- Tu sais ce que Scott a dit devant Colgan ?
- Non … je souffle, happé par l’or de ses yeux.
- "Si Jolhane et Magni sont d'accord, j'accepte." Il t'a inclus directement comme élément d'autorité. Que tu le veuilles ou non, tu es un père pour ces enfants. Tu les écoutes, tu leur consacres du temps et de l'attention à chacun d'entre eux. Katie a réduit considérablement ses crises de cleptomanie, Scott a moins d'éruptions colériques et Ryan est bien moins renfrogné et paranoïaque... Tu fais du bien à ces enfants et tu me fais du bien à moi...

Oh bah j’crois bien que mon pote l’oursin a appelé ses potes…j’arrive quasiment plus à déglutir tellement c’est serré. J’devrais peut-être lâcher c’qu’est coincé. Mais j’ai peur que ça fasse beaucoup. Et en même temps j’ai la poitrine qui se gonfle d’un sentiment si puissant qu’il m’empêche presque de respirer. Et ça a rien de désagréable en plus. C’est doux, c’est chaud et ça agrippe fort mon cœur qui bat comme un dératé.

- J’crois bien… je me gratte la gorge parce que vraiment le filet de voix qui m’échappe est hyper ridicule. J’crois bien que c’est la première fois…
Daphné a jamais eu vraiment besoin de moi. Y’a juste Aslaugur p’t-être…mais c’était pas pareil.
- C'est ça ta place Magni. Sans toi, on ne serait que des survivants, pas des vivants....

La caresse sur ma joue, son regard et ses mots, font qu’enfoncer le clou et j’me noue soudain dans le flot d’émotion qui m’dévore complètement. J’ai une sorte de sanglot qui finit en rire et mon visage se barre d’un sourire si large que ça m’en fait presque mal aux zygomatiques. Comme j’ai les yeux qui picotent, je me dépêche de la serrer très fort et d’enfouir mon visage dans son cou.

- Bordel de merde, Nymphette ! Tu vas me faire chialer comme un môme… Donc je me cache pour dissimuler mon émotion mais j’lui dis quand même ? Qui a dit que j’étais quelqu’un de logique… Sans vous, je serais même plus là…Cette fois j’me fous de l’Ours et ce qu’il a à dire ou à grogner, j’me fous de la corde sur laquelle je joue au funambule depuis un moment. Putain j’vous aime si fort que ça me fait mal. J’veux être un bon père pour ces gosses et un bon compagnon pour toi. J’veux vous rendre heureux comme vous l’avez jamais été…J’veux…
J’ai heureusement le souffle coupé à nouveau, sinon j’étais sans doute partie pour déblatérer plein de conneries à la chaine.

Magni rit et pleure en même temps. Jolhane contemple ce magnifique spectacle avant qu'il ne se cache dans le creux de son cou.

- Bordel de merde, Nymphette ! Tu vas me faire chialer comme un môme…
- Il n'y a rien de mal à pleurer mon amour. Mon grand nounours sensible....

Elle lui cajole la nuque d'une main puis se retourne un peu pour mieux le voir. Elle lui gratouille tendrement le poil du menton.

-… Sans vous, je serais même plus là… Putain j’vous aime si fort que ça me fait mal. J’veux être un bon père pour ces gosses et un bon compagnon pour toi. J’veux vous rendre heureux comme vous l’avez jamais été…J’veux…

Jolhane l'embrasse longuement : sa bouche, son nez, son front, ses paupières humides...

- Tu as, lui répond-elle. Douce affirmation de ce qu'il possède déjà et de ce qu'il a déjà accompli. On t'aime... Je t'aime.... Je vais prendre soin de toi et te rendre tout aussi heureux.

Qu'importe les Vulpe.
Qu'importe Unseelie.
Ils sont une famille. Rien ne pourra détruire cette force.
Elle dépose un baiser sur son torse mouillé, au centre du serpent tatoué qui se mord la queue, là où se trouve le cœur. Bénédiction de fée.