Sakar - Avouons que le nom avait au moins le mérite d'être mélodieux, à défaut de lyrique. Mais comment s'attendre à mieux sur une terre remplie d'humains ? Le Majlis fait vraiment chier avec ses affectations débiles. L'Irlande quoi. Il fait froid. Il pleut. Pire, il neige même parfois. Pourquoi les destinations n'étaient jamais les Caraïbes ? Hein ? Pourquoi ils pouvaient pas se passer un désastre occulte sous le soleil avec des cocktails avec des petites ombrelles colorées ? Maiiiis non, il faut toujours TOUJOURS qu'il fasse un temps pourri.

La Mission ? Les habituels poncifs :  Déterminer la menace, consigner, contenir ou éliminer si ça peut faire du mal aux nôtres, empêcher les petits djinns curieux de se faire tuer ou remarquer, surveiller les plus âgés pour éviter le Sheitan, … Plus les missions spécifiques à la proximité d'éléments éventuellement problématiques.

"Éventuellement problématiques"

Tu parles. Le Majlis envoie pas un vieil efrit quand ils pensent que ça va se faire sans violence et que les possibilités de "problème" s'approchent du néant. Ma seule présence ici signifie déjà que la situation est nauséabonde.

- Je prendrais un thé au jasmin avec …

Mes yeux roulent dans leurs orbites.  Vrai j'oubliais la couverture débile. Me voilà serveur dans le salon de thé local. J'affiche mon sourire le plus charmant vers la cliente qu'on qualifiera aimablement de bobo qui veut donner dans le mélange culturel de fluides. Je lui glisse mon numéro de smartphone sur sa serviette avec un clin d'œil. Elle rougit. Hé ! Je suis supposé être jeune… et il faut bien se réchauffer !

L'établissement d'Hasan n'est certes pas un palais byzantin mais il mélange avec goût les clichés orientaux pour les marier avec sobriété et modernité. Les clients s'attendent à un minimum d'arabesques, de dorures, de mosaïques en faïence et de miroirs, il faut donc lui donner ce dépaysement attendu ou cette touche rappel du pays. Mais promis, pas de fichue lampe à huile. Outre le lieu agréable, les pâtisseries d'Hassan attirent de nombreux clients. Les autres viennent pour les narguilés du petit salon ou le hammam traditionnel. Et ce fameux hammam est probablement la raison pour laquelle l'endroit est parfait pour les Djinns : Il permet faire voyager plus ou moins toutes les castes et les nourrir rapidement.

Hassan m'offre naturellement l'hospitalité et me loge dans un studio au-dessus de l'établissement. Rien de mirobolant non plus, ça correspond parfaitement aux revenus d'un serveur. Un écran plat trop grand, un lit, une grande armoire mural pour dressing, une salle de douche/wc minimaliste, une petite kitchenette avec un îlot avec quatre tabourets hauts pour faire office de table. Même pas de bureau, mon ordinateur portable trône encore sur le comptoir avec les miettes du petit déjeuner, le bouquin en cours de lecture et la tasse sale.  Néanmoins, ça suffit amplement, je ne compte pas y passer beaucoup de temps.

Les humains défilent. Je sers le thé avec un charmant tablier d'un bleu uni avec mon nom sur une petite étiquette comme si j'étais dans un Starbucks. Un groupe de petits cons au chômage et donc trop de temps sur les bras tente de se foutre de ma gueule. Je résiste à l'envie de leur mettre mon poing dans la figure. Je suis assez vieux pour ne pas m'emporter si vite. L'un d'eux se crame la langue avec le thé. Je ris sous cape. Quoi ? J'ai jamais dit que ça empêchait de s'amuser un peu !

Si Hassan m'a bien renseigné, l'une des personnes à garder à l'œil ne devrait pas tarder à pousser la porte de son établissement. Quoi de mieux qu'un bon thé pour faire connaissance ?