Un carré de chocolat lait coco entre les dents. Les cheveux remontés en un chignon improvisé à l’aide d’un crayon. Assise en tailleur, Aislin finissait de pianoter sur le clavier de son ordinateur à la recherche de petites annonces. Certes, elle était toujours au sein de l’orchestre philarmonique de la ville mais depuis la quarantaine, les représentations avaient diminué, ne pouvant plus avoir lieu à l’extérieur de la ville. Il fallait donc trouver de quoi arrondir les fins de mois. Tout en laissant fondre le chocolat sous sa langue, savourant l’arôme délicat, elle prenait quelques notes quand une éclaircie apparut et les rayons du soleil vinrent lui lécher la peau du dos. Une partie d’elle avait envie d’en profiter pour se mettre en boule près de la fenêtre et de faire une sieste sous les rayons. Une autre souhaitait profiter du beau temps dehors. Une troisième, enfin, se sentait inspirée et voulait s’entrainer. Un regard vers l’extérieur et un sourire s’afficha.
Elle avait décidé d’aller en forêt pour y jouer loin de l’agitation de la ville. Certes, elle aurait pu aller à l’orchestre, mais au lieu de céder à une seule de ces envies, elle les avait combinées. Aislin avait donc trouvé une petite clairière tranquille et inondée de soleil où elle pourrait jouer. Assis sur une pierre à la bonne taille, elle avait fini par s’installer et resta un instant immobile, respirant autour d’elle pour s’imprégner de son environnement. Elle faisait toujours ça avant de jouer, écoutant les sons autour d’elle pour s’en inspirer. L’archet en main, elle entra dans sa bulle et le monde autour d’elle s’effaça pour la laisser seule avec son art, sa musique.
Quelques notes commencèrent alors à raisonner. La virtuose s’éveillait et les cordes vibrait, puissantes et douces à la fois. Elle avait la sensation que son instrument était un prolongement de son être alors que les vibrations des cordes se répercutaient dans tout son corps. Les yeux fermés, elle commença délicatement un air léger et calme, lui rappelant les massifs de sa Bohême natale. Elle aimait jouer ce morceau de son cru, pour sa variété et l’invitation au voyage. Les notes évoquant les pays de l’Est allèrent ensuite vers quelques choses de plus occidental, rappelant les musiciens français. Puis vint les tonalités asiatiques, rappelant le Japon et sa culture qu’elle avait pu apercevoir lors d’un voyage pendant ses études. D’abord douce, la musique se fit un peu plus sauvage tandis que ‘Lin s’autorisait à glisser un peu de son humeur dans la mélodie. Ce n’était pas une sauvagerie brutale comme on pouvait l’entendre dans certains opéras évoquant des batailles, non. C’était un air espiègle et joueur, comme ces petits quadrupèdes s’amusant joyeusement dans les premières neiges.
La musique continua ainsi plusieurs minutes, laissant apercevoir le talent d’Aislin mais aussi son tempérament, à la fois délicat et fort, vif, plein d’espérance et de bienveillance. Elle se laissait porter pour sa mélodie qu’elle n’osait toujours pas jouer en public, préférant pour le moment cette nature sauvage aux regards humains.
Date d'inscription : 23/02/2021 Messages : 206 Localisation : Paumée
Jeu 29 Juil - 16:59
La forêt, dense, profonde, impénétrable. Il y a longtemps qu'elle ne s'y ai pas promenée. Seule. Sous cette forme. D'ordinaire Ghimbir conduit sa course, la promène accrochée à son esprit. Les sensations éprouvées sont alors si simples, si candides. Le clapotis d'une flaque, une brindille qui casse, la caresse de la mousse sous ses pattes... Jolhane lève les yeux vers les frondaisons dénudées. L'hiver a dépouillé les fées de tout espoir de cachette dans les hauteurs. Depuis combien de temps marche-t-elle ? Peu importe. Elle se laisse vagabonder, la Nature choisissant le chemin pour elle.
Ce qu'elle a dû faire pour protéger son terrier la hante. Les Chrysalides n'ont plus d'âmes, plus de pensées propres : les tuer est un acte de commisération. Mais les vampires ? Les loups-garous ? Ces chasseurs humains ? Une vie après l'autre, elle a fauché sans discernement, elle a défendu ses enfants, son ours de compagnon, mais cela ne l'a pas soulagée pour autant. Cela ne l'excuse nullement. Aria étaient un de ces chasseurs sanguinaires, éprise d'épuration. Si un jour elle rencontrait la femme qui porte son visage, la tuerait-elle ou lui offrirait-elle son pardon ?
Un bruit. Un signe ? La brise hivernale lui rapporte quelques notes vives, hors du temps. Déplacées. Curieuse, elle suit la musique. Son cœur s'emballe inexplicablement, comme si ce sentier musical devait l'amener à une réponse. Sa folle échappée la conduit à une clairière dégagée, un puits de lumière qui baigne une chevelure rousse miroitant comme de l'or. Une très belle jeune femme joue du violoncelle, les yeux fermés sur son instrument, ne voyant pas les fées virevoltantes qui dansent en farandoles au rythme de son archet. Subjuguée, Jolhane reste en retrait, n'osant s'approcher davantage de peur de briser l'instant.
Le visage de la jeune fille, lui est étrangement familier. Elle ne saurait dire pourquoi. Il émane d'elle une quiétude et une bienveillance qui l'émeuvent au plus profond d'elle-même. Ghimbir le ressent elle aussi. Sans s'en rendre compte, ses pieds avancent tout seuls. Les joues humides et le regard mouillé, elle se retrouve à quelque enjambées de l'inconnue, une fois que celle-ci ouvre les yeux.
Depuis combien de temps jouait-elle à présent ? Probablement un moment et pas assez à la fois. Isolée au milieu de cette nature hivernale, cela avait un goût de sa Bohème natale. Plusieurs mouvements vibraient dans l’air autour d’elle alors que les sons se répercutaient dans toutes les directions. Aislin ressentait les présences autour d’elle mais ne s’en inquiéta nullement. Il y avait quelque chose dans leurs vibrations qui entrait en échos avec sa musique et son âme. Instant d’irréel et de poésie dans un monde qui devenait un peu plus fou chaque jour.
La mélodie approcha de sa fin et la jeune femme finit par ouvrir les yeux pour voir les fées qui dansaient. Elle sourit puis continua un instant de faire vibrer les cordes. Elle remarqua alors que les fées n’étaient pas seules et une truffe rousse s’était invitée au spectacle, attirée elle aussi par la musique. La dreige ne put que sourire en voyant ce petit animal si familier.
– Bonjour, toi.
Sa voix était aussi mélodieuse que l’on pouvait se l’imaginer et elle sourit à l’animal. Elle acheva sa petite symphonie et posa délicatement son archet avant de venir poser son regard dans celui de l’animal à la fourrure aussi rousse que ses cheveux. Son sourire s’élargit lorsqu’elle capta quelque chose, accentuant cette aura de bienveillance et de douceur qui émanait d’elle.
– Tu peux rester encore un peu.
Elle avait perçu l’humaine derrière le regard de la renarde, du moins elle en avait l’impression. De là à y reconnaître une semblable, voire cette semblable, il n’y avait qu’un pas qu’elle se réservait, pour le moment, de franchir. Après tout, il existait bien des créatures étranges et diverses dans cette forêt. Puis, comme un signe, Aislin vit un flocon passer devant elle, puis deux, trois, elle leva alors les yeux vers le ciel pour voir la neige arriver et tomber sur le petit groupe atypique.
Délicatement, elle se redressa, quittant sa posture assise pour admirer plus en détails ce spectacle. La neige, elle en avait l’habitude mais à chaque fois elle s’en émerveillait. Levant les bras, elle laissa la brise faire virevolter les flocons entre ses doigts. Imprégnée de cet instant, elle se laissa porter et entreprit de faire vibrer de nouvelles cordes : les siennes. Sa voix s’éleva alors dans un chant de sa langue natale, une mélodie qu’elle avait pris pour habitude d’entonner en hiver. Une mélodie qu’elle avait inventée avec sa mère et qu’elles appelait le chant de la neige.
Doucement, les fées se laissèrent aller à cette nouvelle performance, accueillant dans leur cercle la dreige qui menait la danse par son chant. D’un mouvement vers la renarde, Aislin l’invita à rester, et si elle se sentait de rejoindre la danse, elle pouvait se laisser porter, qui que soit cette étrangère au regard familier. Ses mouvements étaient aussi gracieux que ceux des fées présentes, indice non négligeable sur sa vraie nature. Avec la neige qui tombait, la scène pouvait sembler des plus surréalistes.
Date d'inscription : 23/02/2021 Messages : 206 Localisation : Paumée
Dim 26 Fév - 22:40
Un instant troublé par sa réponse, Jolhane fixe la musicienne sans comprendre. Elle est fort familière d'une humaine à une autre. "Pousse-toi tu prends toute la place !"souffle Ghimbir qui se faufile au devant pour la reléguer au fond de sa conscience animale. Jolhane papillonne, un instant décontenancée d'avoir crue être sous a forme humaine. "C'est à cause de cette renarde. Elle te trouble.." suggère sa compagne d'esprit. "Renarde ?" "Tu ne sens pas cette odeur familière ? Elle est comme nous. Elle est deux." "Laisse-moi la place, veux-tu ? Il faut que..."
Mais la goupil n'écoute plus. Elle est fascinée par les flocons immaculés qu'égraine le ciel gonflé de nuages grisonnants. L'animal, langue pendante s'émerveille, goute le froid fondant sur ses papilles et ne tarde pas à batifoler au milieu des fées. Jolhane n'a pas le coeur de lui refuser cet instant de joie simple, d'autant que la jeune inconnue entonne un chant entêtant qui berce l'humaine tapie au fond du crâne de sa compagne. Soit, elle attendra que Ghimbir ait cessé de s'amuser. Se faisant, elle observe tout à loisir l'étrange demoiselle. Il est vrai qu'elles se ressemblent : longilignes, gracieuses, une chevelure fluide d'or roux... Tout concorde à faire vibrer en son être une note intime et harmonieuse. Leurs destinées sont liées. Incapable de l'expliquer, elle le ressent dans chaque fibre de son essence. Saurait-elle exactement ce qu'elle est ?
"Moi aussi je veux savoir."
Ghimbir s'est subitement arrêtée, à l'écoute des interrogations muettes de sa moitié d'âme. Sous le regard de la violoncelliste, le pelage de la renarde s'illumine et bientôt toute sa silhouette n'est plus que lumière. Elle se gondole, se module, se métamorphose. Jolhane apparait, sauvage et nue au milieu de la clairière, ses prunelles d'or fixées sur celle qui par sa musique fait valser les fées et tomber la neige.
Ce lien particulière avec la nature, Aislin l’avait toujours eu, après tout, ‘Lin avait toujours été là, aussi loin qu’elle s’en souvienne. Deux faces d’une même pièce. Les doigts parcourant les cordes avec grâce tandis que l’archet les faisait vibrer, la dreige garda un œil vers sa semblable qui, au vu de ce qu’elle dégageait, semblait bien jeune. ‘Lin souffla légèrement dans son esprit, amusée, et ce souffle se poursuivi pour sortir de la bouche d’Aislin, répendant une fumée blanche et épaisse. Elles se chamaillaient pour elle ?
L’agitation qui agitait la renarde sembla passer et Aislin en profita pour entamer son chant, laissant son public face à cette mélopée des plus oniriques. Si un randonneur venait à se perdre dans les parages, il pourrait croire être en plein rêve tant la scène semblait irréelle. Bientôt, le chant toucha à sa fin et la violoncelliste acheva les dernières notes. Ce fut ce moment que choisit l’autre dreige pour se révéler. La lumière scintillante et familière engloba la renarde pour laisser place à une humaine. Bien que son intuition ne l’avait pas trompée, c’était étrange de voir la transformation d’un autre point de vue.
Elle observa avec attention le visage de l’inconnue et une étincelle passa dans son regard. Soudainement excitée par cette rencontre fortuite. C’est elle. D’une même voix, tout son être s’exclama et son sourire n’en fut que plus brillante. Elle avait tellement souhaité la retrouver.
– Je me doutais que c’était toi.
Son accent se fit plus chantant et elle percuta que l’inconnue devait probablement ignorer tout d’elle.
– Oh ! J’en oublie les bonnes manière. Je m’appelle Aislin et toi ?
Tête légèrement penchée et sourire qui ne quitta pas ses lèvres, elle finit cependant par se redresser en voyant la nudité de l’inconnue. Non pas que cela la gênât d’une quelconque façon.
– Ne va pas attraper froid surtout. Attends, j’ai toujours une couverture dans mon étui au cas où.
Calant son violoncelle contre elle, elle attrapa son étui et l’ouvrir avant d’en sortir une couverture qui servait aussi bien pour pique-niquer que pour se couvrir après une petite excursion sauvage à quatre pattes. Elle en profita pour ranger rapidement son instrument et tendit la couverture à l’inconnue qui devait avoir mille et une question à en juger par son regard.
Date d'inscription : 23/02/2021 Messages : 206 Localisation : Paumée
Ven 26 Mai - 19:46
– Je me doutais que c’était toi. - Tu.. Tu me connais ?
Nue comme une nymphe des bois, le visage moucheté de la jeune femme affiche une surprise farouche. Des réflexes de prudence, conditionnés par sa vie dans le Brouillard, l'empêchent de se laisser aller pleinement au sentiment de confiance qui l'étreint. Cette inconnue semble si familière, si bienveillante.
"C'est peut-être une Illusion." "Moi, je ne crois pas !" contredit Ghimbir. "Elles nous sont liées, elle et son âme sœur."
- Oh ! J’en oublie les bonnes manière. Je m’appelle Aislin et toi ? -... Jolhane. - Ne va pas attraper froid surtout. Attend, j’ai toujours une couverture dans mon étui au cas où.
Silencieuse et fine observatrice, la jeune femme se tend lorsque la musicienne ouvre son étui à violoncelle. Va-t-elle en sortir une arme ? Aussitôt, elle évalue ses possibilités de repli en cas d'attaque. Mais Aislin lui tend ni plus ni moins que la couverture qu'elle lui a promis. Jolhane s'en drape, avec cette attitude un peu sauvage, toujours sur le qui-vive. Elle est surtout décontenancée.
- Je ne comprends pas. Ghimbir dit que tu es comme nous. Mais... j'ignore ce que nous somme. Est-ce que toi, tu le sais ?
L’incrédulité sur le visage de la jeune dreige n’échappa pas à Aislin tandis qu’elle lui répondit d’un de ses sourires bienveillants avant de se présenter. Bien que prudente, la jeune femme semblait réceptive. Elle, ou du moins une partie de son esprit, sentait le lien qui les unissait. Elle donna cependant son nom et Aislin l’imprima dans son esprit pour ne pas l’oublier, enfin elle n’avait pas toujours la mémoire des prénoms mais elle comptait sur ’Lin pour le lui rappeler.
Face à la nudité de Jolhane, elle s’empressa de lui trouver de quoi se couvrir, non qu’elle éprouvât une quelconque pudeur, mais elle se souciait qu’elle puisse attraper froid. Elle ouvrit son étui à la recherche d’une couverture et quand elle se tourna vers Jolhane, elle constata qu’elle avait une posture des plus… crispées ? Sur la défensive, murmura ’Lin. Elle avait dû en vivre des choses pour être aussi méfiante, et cela donna encore plus envie à la renarde de lui venir en aide.
– Ne t’en fais pas, je ne te ferai aucun mal.
Ayant toujours ce sourire radieux qui la définissait tant, elle accueillit les paroles de Jolhane dans un hochement de tête avant de se redresser un peu plus, levant le regard vers le ciel avant de reposer son regard vers son interlocutrice.
– Nous sommes des dreiges, on partage notre âme avec une entité animale. Du moins, c’est comme ça que ma mère m’a expliqué. Elle était humaine, comme moi quand je suis née.
Aislin réfléchit un instant à comment lui raconter son histoire pour pouvoir lui expliquer ce qu’elles étaient. Finalement, aller au plus simple restait la meilleure solution.
– J’étais bébé quand je suis devenue une dreige. J’étais très malade, condamnée même, et ma mère a sollicité l’aide des faes. J’ai reçu ce qu’on appelle un baisé de fée. C’est un peu comme une bénédiction. Ça m’a sauvé la vie et je suis devenue une dreige. Autant dire que j’ai presque toujours vécu avec ’Lin. Tout ça je le sais de ma mère, c’est elle qui avait reçu le mode d’emploi pour me le transmettre. J’étais trop jeune pour m’en souvenir.
Elle afficha un petit sourire d’excuse, se passant la tête derrière la tête dans un petit geste à la fois ingénue et adorable.
– Chaque dreige a un baiser de fée unique, la capacité de sauver quelqu’un de la mort par sa bénédiction… et…
Soudainement pudique, elle se mit à rougir et vint même tapoter timidement de son index contre le bois de son instrument.
– Je t’ai donné le mien… Je t’ai trouvé et… je ne pouvais pas me résigner à juste passer mon chemin et te laisser simplement…
Le mot, ce terrible mot resta bloqué dans sa gorge et ne sortit pas. Ce genre de chose, elle ne savait pas comment l’aborder, l’appréhender, et encore moins en parler.
– Enfin voilà…
Elle baissa alors les yeux, timide et rougissante, dans l’attente de savoir la réaction de Jolhane. Elle n’était pas sûr d’avoir bien expliqué mais elle était prête à répondre aux éventuelles questions, même si elle devenait aussi rouge qu’une pivoine.
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