La chimio… C’est vraiment un truc que je deteste mais que je me suis promise de faire jusqu’à la fin.
Pourtant, je suis à deux doigts de renoncer parce que Kaelig ne peut pas venir et que je lui ai dit que c’était pas grave et que je pouvais me débrouiller sans soucis.
C’est vrai, je pourrais demander à Even de venir me chercher. Il m’a déjà dit de ne pas hésiter si la situation se présentait.
Je pourrais demander à Enzo, aussi…
Mais comme à chaque fois, j’ai pas envie d’y aller parce que ça va me vider de toute énergie et que je vais être malade comme un chien et que ça dure un temps incroyablement long. J’ai pas vraiment envie d’aller m’enfermer dans un endroit que je déteste pour faire couler un poison dans mes veines qui ne changera rien à la finalité de cette maladie de merde.
Mais j’ai dit que je le ferais, j’ai dit à Kaelig que j’irais et que je me débrouillerais.

Je prends mon téléphone et j’envoie un message Even, tout simple :

“Hey chat!
Est-ce que tu pourrais m’accompagner à l’hopital? J’ai personne pour m’emmener à ma séance de chimio et j’ai peur de pas pouvoir me ramener en sortant.
Ca sera l’occasion de discuter un peu entre nous, en plus! <3

Oh, tkt si tu peux pas, je me débrouillerais!
<3”

La réponse ne se fait pas attendre et je fais mon petit sac : ma peluche toute moche que je balade depuis x temps. Je ne sais plus qui me l’a offerte mais elle m’a suivi depuis New York. J’y mets aussi un plaid et un paquet de bonbons. J’y rajoute un soda pour moi et pour Even, une paire d’écouteurs et mon chargeur.
Quand ca toque à la porte, quelques minutes plus tard, j’ouvre la porte de mon squat. Il fait un froid de canard chez moi mais c’est pas grave. J’éteins le chauffage en passant, un petit pétrole qui marche H24 quand je suis dans l’appartement. Je fais un calin à Even et un bisou sur sa joue.

-Salut! Merci d’être venu! Tu vas bien? Faut qu’on file, j’ai rendez-vous dans pas longtemps.

Je frotte son bras en souriant.
Oui. Je sais, j’ai maigri… Oui, je sais, je commence à avoir le teint cireux… oui… je sais, ça commence à franchement se voir que je suis pas complètement en forme (bel euphémisme).

-T’as pas trop froid, ça va?

Je ferme ma porte avec l’énorme cadenas et empoche la clé en me dirigeant vers la sortie. Je suis enterrée sous 4 sweater, deux manteaux, un bonnet et deux écharpes. Je n’attraperais pas froid, Irlande! Not today!

“Ah ben super, je vois que tu me demandes de venir parce que t’as personne alors ?
Non, je plaisante, je viens te chercher dis-moi juste l’heure p’tit coeur !”

Je relâche le téléphone sur mon lit et m’étire, faisant craquer mes os et me détendant les muscles dans un profond soupire. Je rabats la couverture sur moi pour me mettre au chaud et ferme les yeux quelques instant pour me réveiller en douceur. Je décide ensuite de me lever et d’aller prendre une douche avant de me préparer à sortir.

Au volant de ma petite Dudge, j’arrive chez ma meilleure amie qui n’est pas encore sortie de chez elle. Je pars donc frapper à sa porte et lorsqu’elle ouvre, je sens le froid venir geler ma peau. “Ouais pas de soucis on y va. Mais c’est quoi ce frigo où tu vis ?” Je la regarde d’un air inquiet. Je la garde un peu dans mes bras, sa peau est aussi froide. Cette sensation me provoquerait presque un frisson. “T’es un vampire ou quoi ?” Je ris légèrement tandis que nous nous dirigeons vers le véhicule. “C’est à moi que tu demandes ça ? Tu vis littéralement dans un glaçon ! Pourquoi tu viens pas à la maison, au moins tu serais mieux pour te rétablir.” Je l’observe refermer la porte avant de venir me rejoindre vers la voiture. Nous montons, direction l’hôpital.

“Ouais pas de soucis on y va. Mais c’est quoi ce frigo où tu vis ?”

J’ai un sourire un peu gêné. Je sais pas bien quoi lui dire, le fait est que j’ai pas les moyens de chauffer plus. L’année dernière, j’avais de quoi allumer trois chauffages, aujourd’hui, je rationne sur un seul. La maladie a engloutit la totalité de mes économies et j’ai plus la force de travailler comme je le faisais avant. Even est inquiet et ça me touche mais j’ai pas trop d’autre solutions. Je squatte à l’Arena, je squatte au Eden, mais des fois, j’ai juste pas envie d’être avec des gens et je reviens à la maison.
Je reste contre Even, ça fait du bien les calins.

-T’es un vampire ou quoi?
-Merde, tu m’a percée à jour!

Je fais semblant d’essayer de le vampiriser. On descend de mon squat pour aller à la voiture.

-C’est à moi que tu demandes ça ? Tu vis littéralement dans un glaçon !

Nouveau moment gênant. Je hausse les épaules.

-Je sais… J’voulais juste savoir si t’étais bien.

-Pourquoi tu viens pas à la maison, au moins tu serais mieux pour te rétablir.

Je ne viens pas pour que tu n’ais pas à me découvrir morte dans la chambre d’ami, un matin. Je ne viens pas parce que tu crois que je vais me rétablir. J’apprécie cependant le fait que tu veuilles prendre soin de moi, le fait que tu es prêt à m’ouvrir ta maison.

-C’est un glaçon mais c’est chez moi et puis j’ai des endroits où aller quand il fait super froid, t’inquiète pas.

Je dépose un bisou sur sa joue et monte en voiture. Le trajet n’est pas long et une fois devant le batiment, je me sens incroyablement petite. Je sors de la voiture et j’ai très envie de faire demi tour. J’attrape la main d’Even dans la mienne puis la presse doucement. Je me cache un peu derrière lui.

-Bon… Ben… C’est partie. Ah. Attends, j’ai oublié mon sac…

Je retourne à la voiture et récupère mon sac à dos. Je reviens attraper sa main et me dirige vers l’hopitale.
Une fois à l’intérieur, je guide mon meilleur ami jusqu’à la salle de chimio. Une infirmière nous accueille aussi aimablement que possible étant donné qu’il y a deux mois j’ai provoqué une véritable apocalypse. Je peux pas leur en vouloir. Elle nous amène face à un des fauteuils confortables munie de l’éternelle tringle métalique. Elle apporte une chaise à Even pendant que je m’attache à retirer mes treize couche de vêtements. Je sors le plaid et ma peluche, je me roule dedans et me pelotonne dans le fauteuil. J’agrippe la main d’Even une nouvelle fois et en voyant mon bras, je réalise à quel point je suis devenue chétive. Je frissonne et regarde mon meilleur ami d’un air suppliant.

-Parle moi. N’importe quoi…

Je veux juste pas penser à la perfusion qu’on va me foutre dans les bras. Alors je demande.

-T’avais pas l’air content à la soirée, y a quelques jours… tu… Tu veux en parler?

Une fois dans l’hôpital, je suis la belle à travers les couloirs. Elle sait mieux que moi où elle doit se rendre après tout. L’infirmière son conduit dans une salle avec des fauteuils et je laisse ma meilleure amie prendre place, s’installant avec son plaid et sa peluche ce qui me fait esquisser un sourire tendre.

“Trop mignonne !”

Je sers sa main dans la mienne alors qu’elle me demande de parler de n’importe quoi. Parler de n’importe quoi, c’est facile à dire, mais j’ai pas envie de lui poser des questions sur son état de santé. Je suis pas là pour m’apitoyer sur son sort, mais au contraire lui faire passer un meilleur moment que ce que ça aurait pu être.

“J’ai pas trop envie d’en parler… Je sais que tu vas te sentir possiblement coupable et j’ai pas envie que tu te sentes mal par rapport à ça.”

Je baisse la tête, triturant mes doigts nerveusement et bougeant ma jambe sur place. Après une grande inspiration, je la regarde d’un air un peu triste. Elle mérite de savoir la vérité.

“C’est juste que… J’ai l’impression qu’Enzo a pris ma place. Je sais que j’ai pas trop mon mot à dire la dessus, comme je suis parti plusieurs mois, mais voilà je me sens pas très bien quand on est tous les trois. En plus je vois bien que ton état se dégrade et je me sens coupable de pas avoir été là… Et quand ton mec me l’a foutu dans les dents ça m’a blessé… Mais je sais que j’ai rien à dire là dessus, comme c’est rien par rapport à ce que tu as du ressentir. Et j’ai l’impression d’être un putain de gros égoïste à te sortir ça pendant que t’es dans cet état à l'hôpital…”

Je la regarde et pose ma main sur la sienne, lui souriant tristement. Je m’en voulais de lui infliger ça, je sais déjà que malgré ce que je lui ai dit, elle va se sentir coupable et je m’en veux déjà d’avoir ouvert ma gueule. Je sors de ma poche intérieur un paquet de carte et je le montre à Elehiel, histoire de changer ses idées.

“Ca te tente une p’tite partie pour faire passer le temps ? On en parlera plus tard, j’ai envie que tu te détendes, pas que tu te prennes la têtes avec des choses futiles comme ça…”

“Trop mignonne !”

Je souris timidement. Je sais que ça fait gamin, je sais que ça fait un peu lubie absurde. J’ai entendu les infirmières se moquer de moi et puis elles se sont rendues compte que de plus en plus de patients venaient avec des peluches, eux aussi. Des oursons, des chiens, des lapins à longues oreilles, tous gardiens de nos angoisses. Un vieux monsieur avait ramené une peluche d’oiseaux et avait passé un long moment à expliquer à tout le monde sa passion de l’ornithologie.
Je reviens vite à la réalité quand l’infirmière vient préparer ma perfusion de poison. Je commence à sentir mon coeur s’emballer, j’ai les mains moites et je me tasse sur mon fauteuil. Je pose des questions sur la soirée. Ma dernière, en fait. J’ai bien vu que Even n’avait pas l’air à son aise, pas super content.
Kaelig n’y a pas été de main morte.

“-J’ai pas trop envie d’en parler… Je sais que tu vas te sentir possiblement coupable et j’ai pas envie que tu te sentes mal par rapport à ça.”

Je le sens mal, nerveux presque. Il joue avec ses doigts, tête en berne. J’attends silencieusement qu’il continue, je sais que ça va venir. Ses yeux, tristes, captent les miens et j’attrape sa main pendant que je sens l’aiguille s’enfoncer dans mon autre bras, je grimace un peu. La solution brûle mes veines, en un point précis pour le moment mais je sais que la brûlure va envahir tout mon corps.

“C’est juste que…”

Suspension dans l’espace. Je te connais, Even. Je sais que tu as le coeur gros, je ne sais simplement pas encore pourquoi.

“J’ai l’impression qu’Enzo a pris ma place. Je sais que j’ai pas trop mon mot à dire là-dessus, comme je suis parti plusieurs mois, mais voilà, je me sens pas très bien quand on est tous les trois.”
-Oh…

Je ne me sens pas coupable, je me sens simplement triste parce que j’apprécie énormément d’avoir Enzo et Even avec moi, ensemble. C’est ce qui se rapproche le plus d’une famille pour moi. Je presse ses mains doucement dans les miennes. J’en oublie qu’on est à l’hopitale.

“En plus, je vois bien que ton état se dégrade et je me sens coupable de pas avoir été là… Et quand ton mec me l’a foutu dans les dents ça m’a blessé… Mais je sais que j’ai rien à dire là-dessus, comme c’est rien par rapport à ce que tu as du ressentir.”

Je fronce un peu les sourcils. Y a beaucoup de choses, en fait. C’est pas du tout rien. Y a un silence pesant qui s’étire et puis.

“Et j’ai l’impression d’être un putain de gros égoïste à te sortir ça pendant que t’es dans cet état à l’hôpital…”

Ton sourire triste me brise le coeur, Even, plus surement que le cancer.
Quand tu sors le paquet de cartes de ta poche, je souris et arrête ton geste.

-Even… T’es ma famille, tu sais. Toi, Enzo et Kaelig. Vous êtes les seules personnes qui me restent. Alors, c’est pas futile du tout, ok? Et moi, j’ai envie de parler de ça parce que j’ai pas envie que tu te sentes mal.

Je le chatouille gentiment avec la truffe en tissus de ma peluche. Je te souris un peu.

-Enzo ne t’a pas remplacé. Enzo a fait une Enzo, il a traversé les Etats-Unis sur un coup de tête pour venir se paumer au Canada. Et je suis heureuse qu’il l’ai fait. C’est comme un frère pour moi. Mais… Toi aussi, Even. T’es comme un frère pour moi. T’as accepté de roadtriper avec moi…

Je dessine du bout des doigts ses tatouages.

-Moi, j’t’en veux pas d’être parti. J’t’aurais botté le cul si t’avais pas suivi la piste de ton frère.

Je le regarde, tu as été honnête, je vais l’être, je le suis toujours de toute façon.

-Kaelig… est un vieux con, parfois. Il ne sait pas tout, il prend des raccourcis… Je l’aime de tout mon coeur mais des fois il se rend pas compte de l’impact que ses mots peuvent avoir. Il est très… binaire parfois. Il ne sait pas que tu cherches ton frère. Il ne sait pas ce qu’on a vécu tout les deux. Il sait rien de tout ça. Il a juste déduit un truc faux sur toi. J’vais lui en parler, d’ailleurs, parce que ça m’a fait chié qu’il te parle comme ça. T’es pas son punching ball.

Je m’arrête un instant et caresse ta joue gentiment.

-Faut pas t’en vouloir comme ça, chaton. Vraiment. Moi, j’t’en veux pas et je suis contente que tu sois là, avec moi, maintenant. Je suis contente qu’on discute de tout ça. T’es pas un égoïste, vraiment pas. Je t’aime fort, Even.

Je pose ma tête sur son épaule et frissonne à la morsure de la chimio, je ramène le plaid sur nous. Je tremble comme une feuille et j’arrive pas à me contenir.

-Fais moi un calin, j’ai froid.

Je lance ça avec un sourire mignon.

“Comme si tu avais vraiment besoin de demander…”

Je réponds à son sourire par un petit rire tout en passant mon bras derrière ses épaules pour la ramener contre moi. Je pose le menton sur sa tête, formant avec mon corps une sorte de cocon dans lequel elle est à l'abri de tout et bien au chaud. Je ferme les yeux quelques instants, profitant de cet instant unique entre elle et moi. Ca fait du bien d’être au centre de son univers juste quelques instants sans avoir de parasites quelconques dans les parages.

Je brise malheureusement se moment de paix pour rebondir sur ce qu’elle a dit précédemment.

“Tu sais Lilie, même si mes parents t’auraient sans aucun doute rejetée comme ils l’ont fait avec moi, t’es ma petite soeur. Et j’ai envie de te protéger de tout le monde. J’ai pas envie qu’il t’arrive quelque chose, je sais pas ce que je ferais sans toi dans ma vie, ni ce que je deviendrais.”

J’embrasse son front, signe de protection, avant d’ajouter.

“Et t’en fais pas pour Kelly, c’est pas grave. Genre vraiment. Il me connaît pas, je le connais pas, personne n’est fautif dans cette histoire donc va pas t'engueuler à cause de moi. T’as autre chose à penser et je préférerais que tu passes de bonnes journées à te reposer plutôt que de te prendre la tête à cause de moi.”

J’étais un peu rassuré de ce qu’elle a pu me confier par rapport à mon départ, mais toujours est-il que je n’arrive pas à me pardonner moi-même. Ni tes sourires, ni tes gestes et ni tes mots ne pourront changer ce sentiment de culpabilité Elie. J’aurais pu ne jamais le revoir de ma vie, tout ça pour une piste sans issue. Non. Ca n’arrivera plus. Je préfère tout mettre en suspend pour me préoccuper du présent plutôt que de courir après un passé douloureux.

Even m’enveloppe de sa présence, à tel point qu’on tient tout les deux sur le fauteuil. Je cale ma tête sous son menton, posée contre son torse. La sensation est agréable. Ca me réchauffe autant de l’extérieur que de l’intérieur. J’ai de la chance de l’avoir, Even. Tellement gentil, tellement prévenant.
Je l’aime fort.
On reste comme ça un moment, le silence est loin d’être pesant. Il nous tisse un cocon agréable et moelleux. Si la chimio me brûlait pas l’intégralité du corps, je serais sans doute en train de m’assoupir. Au lieu de ça, je frissonne et tremble, grimace et m'agrippe à sa veste.
Ca fait un mal de chien, tu sais. Je sais pas pourquoi je m’échine à faire cette chimio alors qu’elle servira à absolument rien. Le final sera le même, quoiqu’il arrive.

-Tu sais Lilie, même si mes parents t’auraient sans aucun doute rejetée comme ils l’ont fait avec moi, t’es ma petite soeur.
-Tes parents ont l’air aussi pourris que les miens. Chui une meuf fantastique, pourtant!

Ca me fait sourire, je me blottis contre lui.

-Et j’ai envie de te protéger de tout le monde.

Et tu n’arrives pas à admettre que je vais mourir, malgré l’évidence. Mon état ne se dégrade pas, je suis mourante. Je crame mon énergie par les deux bouts pour avoir l’air au mieux, pour continuer à vivre et ça me demande beaucoup beaucoup de travail. Moi aussi, Even, je te protège, je crois. Peut-être par lacheté, cela dit.

-J’ai pas envie qu’il t’arrive quelque chose, je sais pas ce que je ferais sans toi dans ma vie, ni ce que je deviendrais.

J’accuse le coup. Barbara me revient en tête, elle et sa manière douloureuse de me dire qu’elle ne veut pas me voir mourir. Je me sens honteuse. C’est une des raisons qui me fait dire, parfois, que je devrais rester seule : je vais faire souffrir des gens. Peut-être pas beaucoup mais ce sont les gens que je n’ai pas du tout envie de faire souffrir. Je me redresse, regard fiévreux dans prunelle clair. Je pose un baiser sur son front avant de chercher à nouveau son regard.

-Dis pas ça. Tu deviendras exactement ce que t’as toujours été. Un mec qui aide les gens, un mec gentil et prévenant. Te laisse pas devenir autre chose. Je t’aime forte et t’as pas le droit de devenir un petit con triste, ok? Y en a suffisamment comme ça.

Le bisou sur le front est répliqué par Even alors que je me love contre lui. L’exercice me tire des larmes, à moins que ça soit l’idée de mourir et de te laisser briser. J’en sais rien.

-Et t’en fais pas pour Kelly, c’est pas grave.
-Kelly…? Hahaha!

J’éclate de rire et me tient les côtes. La douleur atteint des sommets.

-Genre vraiment. Il me connait pas, je le connais pas, personne n’est fautif dans cette histoire donc va pas t’engueuler à cause de moi.
-Oh! Je vais pas m’engueuler mais, tu vois, Kaelig sur certains points et surtout avec les autres gens, c’est un peu la masculinité toxique dans son âge d’or. Donc, j’vais lui en parler parce que c’est important qu’il apprenne.

Sourire de chat malicieux amoindrie par ma soudaine envie de vomir.

-T’as autre chose à pesner et je préférerais que tu passes de bonnes journées à te reposer plutôt que de te prendre la tête à cause de moi.
-C’est pas à cause de toi, chat. C’est surtout que Kaelig sait pas trop se canaliser. J’pense il était soulé et t’étais une bonne cible, et ça devrait jamais se passer. Que ça soit toi ou n’importe qui. C’est pas un bon comportement.

Je triture ma peluche, toujours lovée dans tes bras.

-Y a quelques semaines, j’suis allée à l’Arena - c’est là où bosser Kaelig - et il a débarqué en lachant des vieux propos sexistes et homophobes. Le cauchemar. En plus, y avait des clients à moi, dans la salle. Avec sa petite sortie, j’ai bien vu que ça allait mal se passer.

Je soupire en repensant à Jason.

-Me suis pris une main au cul, j’ai pété un nez et j’ai défié Kaelig devant touuuuuut ses gars. Fallait que je mette au clair que je pouvais me défendre, tu vois. Comme à New York, en fait. Bref, on s’est engueulé -une grande première - et après on en a parlé calmement, il se rendait pas compte du tout, en fait… Donc depuis ce moment, j’ai promis que je lui dirais quand il a des comportements problématiques.

Je souris doucement et fais faire un bisou sur le nez de Even à ma peluche.

-Je m’engueulerais pas avec lui. Je lui dirais simplement que c’était déplacé alors qu’il n’a aucune idée réelle de la situation. On en discutera tranquillement autour d’un verre ou je sais pas. Mais c’est important.

Je ferme les yeux un moment. J’y tiens plus, j’ai les yeux qui sont pleins de larmes, les tremblements augmentent.

-... J’ai mal…. Ca fait super mal…

Grimace torturée, impression d’être sur une grande grille de barbecue….

Je sers ma meilleure amie entre mes bras, comme pour la protéger contre cette merde qui la ronge au fil des jours, mais dont elle se sortira. Il n’y a pas de raison que ça ne se passe pas comme ça, j’ai quand même pas une vie de merde à ce point-là, si ? Sa peau est glacée, mais vu où elle vit, ce n’est pas étonnant. Elle aurait pu venir chez moi, merde ! Elle sait bien que je ne peux rien lui refuser toutes façons.

La salle se plonge dans un silence paisible qui semble me faire autant de bien qu’à elle. On reste comme ça, dans les bras l’un de l’autre, la sentant tremblotter à quelques moments, alors je ressers mon étreinte pour lui montrer que tout ira bien. Puis la conversation s’ouvre à mon plus grand désaroie sur la soirée qu’on a passé ensemble.

“Pour ça qu’on est de la même mif !” ris-je légèrement alors qu’elle se blottit contre moi. Je lui dis ce qui me pèse sur le coeur, que je serais là pour elle, que je ne supporterais pas qu’il lui arrive quelque chose de mal. Mon monde s’effondrait littéralement si elle n’était plus là. Elle est mon pilier et même si je me dois d’être fort pour qu’elle se rétablisse au plus vite, je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’il adviendrait si tout ça tournait mal.

Elle se redresse pour me regarder de ses yeux fatigués avant d’embrasser mon front ce qui me fait sourire. “Ouais mais je serais un p’tit con triste ET canon. Il paraît que la tristesse rend sexy, tu vois… le côté artiste maudit, tout ça, tout ça !” Tenté-je de plaisanter. Puis elle éclate de rire. “Bah quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?” Elle me parle alors de comment son ””””mec””””, plutôt son truc, semble être le symbole du machisme. “Parfait, encore quelqu’un que je vais apprécier je sens.” Dis-je d’un ton ironique, me retenant de lui demander qu’est-ce qu’elle fout avec ce déchet.

Je l’écoute d’une oraille attentive. “Machiste, sexiste, homophobe, mais quel grand homme ! Et si non il en des qualités ce type ?” Elle sent certainement que je commence à monter en pression puisqu’elle me met sa peluche sur le nez ce qui a le don de me calmer un peu. J’ai pas envie de gâcher notre moment. Alors qu’elle tremble de plus en plus, je la sers davantage contre moi, mes lèvres contre son front moite. “Ca va aller p’tit ange…”

Even est au petit soin et ça me fait un bien fou. Il me câline, me couvre de petits bisous tout doux… C’est tellement bien. Tellement, tellement bien. Le silence s’étire et je ne peux pas m'empêcher de me demander si Even tiendra le choc quand je serais partie. Je me pose la même question pour Kaelig et Enzo. La seule différence avec Kaelig, c’est qu’il a déjà encaissé bien des choses. Even et Enzo aussi mais… C’est différent.

On parle de la soirée, c’est obligé, j’ai pas envie qu’il se sente mal et j’ai aussi besoin de comprendre ce qu’il s’est passé. On blague un peu sur ses parents de merde et les miens. Et puis…  On discute de la mort. Il pense que je vais m’en sortir alors mon emphase sur le sujet le fait blaguer et ça me donne envie de rire. Le coté artiste maudit…

On parle de Kaelig. Enfin, je parle de l’engueulade que j’ai eu avec Kaelig. Des évolutions qui ont suivi aussi. Il l’appelle Kelly et ça me fait mourir de rire.

Parfait, encore quelqu’un que je vais apprécier je sens.
-Laisse-lui une chance, il est pas aussi perdu qu’on pourrait croire.

Et je sais qu’il sera là pour toi, tu sais. Quand tout s’éffondrera. Quand t’auras l’impression que ton univers s’écroule. Je rougis un peu, je me donne trop d’importance mais si, toi, tu devais mourir, c’est l’effet que ça me ferait, je pense. Je continue de lui raconter. J’omets le moment où je pars en couille complètement. Pour le moment. La réaction ne se fait pas attendre.

-Machiste, sexiste, homophobe, mais quel grand homme ! Et sinon il en a des qualités ce type?

Il s’énerve, doit se demander ce que je fais avec un mec pareil. Quand ce truc est arrivé, c’est un peu ce que je me suis demandé : est-ce que je viens de me mettre en danger? Moi la pute neuro-atypique et queer? Moi qui regroupe tant de “”tares””... Et puis… Je fais faire un bisou à ma peluche sur le nez de Even et ferme un peu les yeux.

-Il en a. Il en a même tout plein. Enfin, moi, j’trouve qu’il en a tout plein. Il est pas safe, c’est vrai mais il veut apprendre à l’être et sincèrement, ça me va. Quand on a eu fini de s’engueuler, il m’a demandé ce qu’il pouvait faire pour corriger le tir, pour arrêter de transformer les mecs qu’ils forment en oppresseurs et depuis, il fait gaffe. Il reprend ses gars quand ils disent de la merde. C’est pas parfait mais vu d’où il vient on part de loin.

Je joue avec les manches d’Even. J’ai mal. J’aurais de la lave en fusion dans les veines que je verrais probablement pas la différence. Even me presse contre lui, je presse mon front contre ses lèvres. J’ai les larmes aux yeux et je ne sais pas si j’vais les retenir bien longtemps.

-Ca va aller p’tit ange…

Je hoche la tête avec un sourire un peu tordu.

-Tu vas me trouver fleur bleue ou je sais pas mais… Kaelig, derrière tout ça, c’est un mec plein de gentilles attentions. Il est plus observateur qu’on croit et… il est… Je sais pas comment expliquer. C’est… comme si ça coulait de source qu’il soit là, tu vois?

Je regarde Even, un peu rouge.

-C’est juste un mec cassé par une famille à chier qui se rend compte qu’il est dans le faux et qui essaie d’apprendre. Alors… Sois pas trop dur avec lui. J’l’aime, tu sais. Quand j’suis malade, il veille jusqu’à ce que ça aille mieux. On passe des heures à discuter de tout et de rien. Depuis qu’on s’est rencontré, il a toujours été là quand j’ai eu besoin. Et même aujourd’hui, il a fallu que je lui tire les joues pour qu’il passe la journée avec son fils parce qu’il m’avait promis d’être toujours là. J’suis d’accord que ça efface pas son coté oppressif mais il apprend à être autre chose.

Je sens les larmes couler un peu. Je réalise en parlant à quel point je l’ai dans la peau. J’arrive même pas à sourire tellement la réalisation me semble con.

-J’pensais pas… J’pensais pas que j’pourrais aimer quelqu’un comme ça, tu sais.

Je viens me cacher contre Even pour pleurer en silence. Je me calme au bout d’un moment qui me parait atrocement long. Je renifle.

-Aaaah…. J’suis trop con d’pleurer comme ça putain… Quelle mauviette...

“Tu m’étonnes, il doit bien en profiter d’avoir une belle jeunette comme toi à portée de mains. Fais attention à toi quand même. Il doit savoir comment profiter des proies affaiblies. Et vu ton état pour le moment, ça m’inquiète je t’avoue.”

Mes yeux plongent dans ceux d’Elie. Elle est tout ce que j’ai, je ne peux pas m’empêcher d'être aussi surprotecteur avec elle.

“Bon okay, j’essaierais de faire des efforts. Mais je peux rien te promettre, tu me connais. On ne change pas quelqu’un Elie, faut que tu le réalises…”

J’embrasse son front et la resserre un peu plus contre moi. Je l’entends renifler et je me sens mal tout à coup, j’ai peut-être été un peu trop dur et je n’ai pas agi comme j’aurais du.

“Désolée… je voulais pas te faire de la peine tu sais…”

Elle m’avoue les sentiments qu’elle éprouve pour lui et je vois bien qu’elle est sincère, mais lui, l’est-il ?

“Et pourquoi t’aurais pas le droit au bonheur toi aussi ? Tu verras, dans quelques années j’arracherais les yeux des petits mecs qui feront pleurer mini-Elie à l’école !”

Je ris pour tenter de la faire rire à son tour face à cette idée.

-Tu m’étonnes, il doit bien en profiter d’avoir une belle jeunette comme toi à portée de mains.
-Ah oui, c’est sur que me ramasser dans mon vomis fait partie de ses plus grand rêves.

Je pouffe de rire.

-Fais attention à toi quand même. Il doit savoir comment profiter des proies affaiblies.
-Il sait pas faire ça. En vrai, il est beaucoup plus paumé que moi dans cette histoire d’amour bizarre… Et pourtant, j’bite rien à ce qui se passe, c’est grandiose.
-Et vu ton état pour le moment, ça m’inquiète.

Je me redresse un peu en grimaçant à cause du feu qui s’empare de mes veines depuis tout à l’heure. J’embrasse Even sur le front et cale ma tête contre son cou. Il est toujours trop inquiet. C’est mignon.

-Te fais pas de bile. Il profitera pas de moi, j’t’assure. En vrai, c’est moi qui profite de lui. J’vis un peu à ses crochets tellement j’ai plus une thune… Il a jamais tenté quoique ce soit - fait rare pour être noté de la part de nos amis les hétéros.

J’rigole avant d’essayer de lui faire comprendre qu’il y a rien à craindre et que Kaelig change petit à petit.

-Bon okay, j’essaierais de faire des efforts. Mais je peux rien te promettre, tu me connais. On ne change pas quelqu’un Elie, faut que tu le réalises.

Je redresse la tête et le détaille sans rien dire. Il ne comprend pas ce qui se joue pour Kaelig, ni même ce qu’il se passe et c’est bien normal, c’est le jardin secret de Kaelig, ce sont ses problématiques et elles ne regardent que lui. J’ai envie de chialer, une belle conséquence de la douleur et d’un trop plein d’émotions.

-Désolé…je voulais pas te faire de la peine tu sais…
-Oh… Je… Non, t’inquiète. J’suis juste… J’ai mal et j’ai la larme facile en ce moment. Ca va passer.

Je me presse contre Even. J’ai la nausée, elle est violente et m’envahit comme la vapeur dans une cocotte minute. Putain de merde. J’explique à Even ce que représente Kaelig pour moi.

-Et pourquoi t’aurais pas le droit au bonheur toi aussi?

J’ai une demi douzaine de raisons qui me viennent à la tête.

-Tu verras, dans quelques années j’arracherais les yeux des petits mecs qui feront pleurer mini-Elie à l’école !

J’éclate de rire malgré moi et je sèche mes yeux d’un revers de manche. Même le contact vaguement rugueux du tissus sur mes paupières me fait mal…

-Tain, il est pas venu le jour où j’aurais des mini-moi. J’sais déjà pas me gérer toute seule et mon chat. Haha.

J’étouffe dans l’oeuf mon envie de préciser que de toute façon, j’vais crever et que je risque pas d’avoir de gosses.

-Bon, au fait! Raconte moi tout, toi! J’t’ai vu avec Asmo, vous vous tourniez autour quand Enzo te draguait pas! Chavai pas que tu sortais avec moi! Chui sûre que j’suis la dernière au courant!

Je prend un air vexé avant de sourire et de tirer gentiment les joues d’Even.

-Racoooooonte!

Et puis je me retourne pour vomir copieusement dans le baquet. Le sang se mélange à la bile dans le récipient et moi, je suis à bout de souffle, crispée et ça s’arrête pas. Une infirmière s’approche de nous, ferme le petit rideau pour qu’on ai un peu d’intimité et s’affaire autour de moi. Elle me parle mais j’entends à peine ce qu’elle me dit. Je me contente de rendre pendant plusieurs minutes jusqu’à ce que, enfin, ça se calme. L’infirmière me donne tout ce qu’il faut pour me nettoyer la bouche, j’ai à peine la force de porter ce qu’elle me donne alors elle finit par s’en occuper pour moi en demandant de l’aide à Even pour qu’il m’installe le plus confortablement possible. Je me laisse faire, amorphe et le corps trop douloureux pour faire quoique ce soit.

Ah, le doux son de l’esprit défaitiste d’Elie, qu’est-ce qu’on deviendrait sans l’entendre ? Toutefois, elle rit à cette idée. J’ai au moins gagné ça, son sourire. Je la sers un peu plus contre moi tout en l’écoutant avec attention.

“Bah si t’as l’autre tête de bûcheron dans ta vie, ça devrait aller pour te gérer. Et puis tu sais bien que je serais toujours là au besoin.”

Ca me fait du bien de passer un moment comme ça juste elle et moi, à parler à cœur ouvert, sans aucune retenue. C’est pas que l’idée d’être tonton me déplairait qui plus est.
Elie change de conversation pour un sujet auquel je ne m’attendais absolument pas. Son innocence me fait pouffer de rire malgré moi.

“Depuis quand je sors avec des gens moi ? Une bite c’est une bite. Et puis d’ailleurs ? Depuis quand Enzo me drague ? J’ai pas envie de lui faire de la peine, mais il est pas vraiment mon genre de mec. En pote je dis pas, mais pas plus.”

Elle tire mes joues, ce qui alimente mon rire de plus bel.

“Mais arrête là ! Haha. Y a rien à raconter, il est venu un jour pour investir pour le foyer. On s’est vu, on a bu un verre et la suite c’est ça. Après on s’est revu parfois, mais il a jamais été question d’être en couple. J’ai pas le temps de me consacrer à ça en ce moment. Y a que toi qui mérite mon attention.” souris-je en embrassant sa joue avant de la chatouiller un peu.

Ce n'est pas la meilleure idée qui m'ait traversé l'esprit puisque peu de temps après, Elie se met à vomir dans son sceau. Je regrette instantanément d'avoir fait ça alors que j'écoute attentivement l'infirmière qui a accouru pour s'occuper d'elle.

-Bah si t’as l’autre tête de bûcheron dans ta vie, ça devrait aller pour te gérer. Et puis tu sais bien que je serais toujours là au besoin.

J’ai un sourire un peu gêné. Oui, il sera là tant que je serais en vie… Quand je reviendrais… C’est une autre histoire à laquelle je n’ai pas très envie de penser. On change de conversation et la réaction de Even me fait pouffer de rire - ce que je regrette immédiatement.

-Depuis quand je sors avec des gens moi ? Une bite c’est une bite.

A côté de nous, une grand-mère en chimio lache un “ooooh” désapprobateur qui me donne une folle envie de me marrer.

-Et puis d’ailleurs ? Depuis quand Enzo me drague ? J’ai pas envie de lui faire de la peine, mais il est pas vraiment mon genre de mec. En pote je dis pas, mais pas plus.

Je hausse les sourcils en riant un peu.

-Evychou, tu peux pas me dire dans le même monologue “une bite c’est une bite” et enchaîné sur “j’veux pas d’une bite, elle est pas tordue comme j’aime”.

Ca me fait du bien de parler de tout et de rien comme ça avec Even. C’est un drôle de mec, parfois il est super decomplexé et la minute d’après il est tout prude.

-Et j’pense qu’Enzo te trouve beau. Enzo marche surtout au physique en fait. Et il est aro. En vrai, il t’a dragué parce que quand on est allé vomir dehors, il a vu tes textos et il s’est dit que c’était un bon moyen de se faire pardonner. Haha! Il est con.

J’essaie d’extorquer plus d’infos en lui tirant sur les joues et j’ai enfin un bout d’histoire. J’aurais dû me douter que Asmo était donateur pour le foyer, ça lui ressemble bien. Avec Asmo, être en couple veut dire apprendre à le partager, mon oncle étant ouvertement polyamoureux.
Even me chatouille et quelques secondes après je me mets à vomir. Je vois rapidement passer son regard. Il s’en veut comme si ses chatouilles m’avaient poussée à vomir. Ma tête est cotonneuse et étrangement légère. C’est pas agréable, je me sens partir en arrière. Ma tête s’écrase contre l’épaule osseuse d’Even. Ca aurait du me faire mal mais c’est juste l’idée qui me traverse l’esprit. L'infirmière s’agite et parle à mon frangin sans que je comprenne un traître mot. Je sens juste qu’on remonte le plaid jusqu’à mes épaules et je tourne doucement la tête pour me caler contre lui.
Je passe de longues minutes dans un état proche de l’évanouissement. Je m’en veux d’être dans cet état et de lui imposer. C’est étrange que ça le fasse pas avec Kaelig. Peut-être parce que je sais qu’il peut encaisser mon état et ma mort imminente quand je sais qu’aucun de mes deux frères ne peut.

-C’était… C’était pas ta faute. C’est la chimio. Ca fait ça. J’la supporte pas des masses. Me demande si j’vais pas l’arrêter.

Je secoue la tête en fermant les yeux.

-Balty… Balty, il est gentil. Et tu devrais prendre le temps, tu sais. J’te remercie de ton attention mais t’as tout plein de trucs à faire et à voir à part moi, t’sais. Eh, tu t’souviens. Quand on est arrivé ici, on était dans ta vieille cadillac pourrie, celle que t’as mise à la casse après. On est tombé en panne genre, pile à un feu rouge et on était tellement démoli de fatigue et tellement soulés de ce voyage merdique sous la pluie qu’on s’est posé sur le capot à boire des bières même pas bonne pendant que toutes les voitures nous klaxonnaient. J’sais plus combien de fois on s’est fait insulté mais c’était hilarant.

Je souris un peu. C’était des bons moments, tout ça.