Epuisé est une belle définition de mon état actuel et de ma tronche. Je suis épuisé par toute la merde qui tombe du ciel. On se croirait sous une machine d’épandage, c’est un bonheur. J’ai dormi, pas le choix, j’ai une petite vampirette et un.e amoureux.euse sur le cul et aucun ne me laissera passer plus de 72h sans sommeil. Imaginez que j’ai négocié ces 72h âprement. Bref, le café est dégueu, j’ai rendez vous avec Simone pour faire le point sur les nouveaux arrivants de la ville.
C’est important, surtout depuis que les Sang-Coureurs sont partie en live comme des frères roumains psychotiques.
Kaelig va forcément finir par calmer le jeu. Pas spécialement pour faire moins de morts par parce qu’à force de constater que ça ne fait rien du tout, il ne va pas continuer à utiliser sa force vive à quelque chose qui n’a pas d’impact.
Il est loin d’être con malgré l’apparence de bûcheron qu’il peut se balader.
En parlant de Kaelig, je me demande s’il a entendu parler des exploits de sa chérie. Elle aussi, elle me fout la rate au court bouillon et d’un coté, ça me fascine et d’un coté, ça va être si compliqué de la sortir des fosses et du Pandemonium si elle continue comme ça.
Putain, ce que je donnerais pas pour devenir absolument con, là, maintenant.

Bref, c’est l’heure du café. Un bon gros café. J’ai pas la gueule défaite, face au miroir. Un bonus. Je rajuste mon col, j’ai viré la cravate y a un moment. J’entreprends un rangement sommaire du bureau quand la porte s’ouvre et que les talons de ma belle Simone tintinnabulent sur le parquet.
Je me retourne vers elle, souriant, comme d’habitude. Je m’approche d’elle et lui claque cette bise à la française.

-Bonjour, Elskan. Magnifique comme d’habitude.

Je m’écarte pour la laisser entrer. Elle est belle, Simone. Toujours élégante, toujours incroyablement incroyable. J’écarte son siège pour qu’elle s’asseoit à coté de moi à mon bureau. Je vais chercher ma tasse à café et m’asseoit à coté d’elle.

-Comment tu vas, Elskan?

Sourire tranquille.

-Tu m’apportes quoi, cette fois?

Madame rajuste ses lunettes de soleil d'une main leste, geste gracieux et parfaitement exécuté  sous son chapeau à larges bords.  Madame se fiche bien de savoir que le ciel est couvert et que de soleil, il n'y a point. Sa mise est impeccable, comme à l'accoutumée. La rectitude des lignes met en valeur ses courbes. Aujourd'hui, Simone s'est parés de son tailleur-fourreau de cuir lie-de vin, comme on enfile une armure. Ses talons aiguilles agressent le parvis avec une volonté suave d'en découdre. Coco Chanel avait coutume de dire :"Si vous êtes triste, mettez plus de rouge à lèvre et attaquez!". Simone Montespan n'est pas triste, elle est furieuse, vengeresse et implacable : sa lippe est d'un carmin sanglant.

La porte s'ouvre sans fracas, ni heurt, et pourtant, c'est comme si il l'avait entendue claquer. Asmodée se retourne. Malgré la fausse décomplexion, Madame n'est pas dupe. Monsieur est éreinté.

Je vais directement lui envoyer Ciulin.
Au moins, je suis persuadée qu'il finira par s'endormir
à force de se vider les bourses.

Elle retire son chapeau -qu'elle abandonne sur un coin de sofa - puis se déleste de ses rayban outrageuses. Les joues s’effleurent familièrement. Asmodée empeste un mélange d'aftershave et de caféine.

- Bonjour, Elskan. Magnifique comme d’habitude.
- Je te remercie, fait-elle sans lui retourner le compliment. Il sait déjà  bien assez qu'il est beau, même avec une barbe de cinq jours - surtout avec une barbe de cinq jours. Presque inconsciemment, elle corrige l'amidon du col de chemise du démon. Il lui tire une chaise avec courtoisie. Habitudes ancrées à travers les âges.
- Comment tu vas, Elskan?
- Je dors mieux que toi, visiblement, même la rage au ventre. Quand comptes-tu te raser et prendre une douche ? Son sourire se fait sibyllin. Ce voyage en Islande t'aurait-il donné l'envie de communier avec les traditions tribales vikings ? Je suppose que le musc plait à tes conquêtes mais il irrite mon nez délicat...

De sa pochette de strass et de velours,  Simone sort une tablette qu'elle allume avec l'enthousiasme efficace d'un collecteur d'impôts.

- Tu m’apportes quoi, cette fois?
- Un certain nombre de désagréments. Sois gentil, et sers nous à boire. Nous allons en avoir besoin.

Simone a un bref soupir. Elle hésite encore sur la manière d'aborder son propre traumatisme.

- Il y a peu de temps, j'ai subi une drôle de mésaventure. J'ignore encore dans quelle mesure ce que j'ai vécu est réel, ou simplement "suggéré". Mais on s'en est pris à moi, personnellement. Elle lève une paume comme pour devancer les inquiétudes de son partenaire et ami. Tout va bien, je gère pleinement les retombées. Je suis en train de subir des analyses pour mieux cerner et comprendre la menace. Quand j'en saurais d'avantage, je te ferais part de mes conclusions.

Son ton est sec, contenu, il est pourtant évident que l'épisode l'a affectée. Sa pudeur, sa dignité et surtout son incommensurable fierté précipitent le sujet vers sa conclusion. Seule sa loyauté envers lui l'a poussée à effleurer le phénomène.

Ne me pose pas de questions,
par pitié !

- Quoi qu'il en soit, j'ai mené une étude pour savoir si j'étais la seule à avoir subi cette... "mésaventure". J'ai pris la peine de lancer une petite équipe  constitué de "nettoyeurs" et d'éléments de ta volière pour croiser les informations et sonder les habitants de Tyr Na Nog. Un premier chiffrage rapporte que le taux de cauchemars, de récits délirants sur des mondes parallèles et d'internements psychiatrique a augmenté juste... Juste après les "faits". La collecte de témoignages est encore trop "jeune" pour en tirer des hypothèses tangibles, néanmoins, c’est loin d'être anodin. J'ignore à quoi rattacher ce phénomène pour le moment. Peut-être qu'une conversation avec Mademoiselle Leviathan poserait quelques lumières sur tout ceci....

Un silence s'ensuit. L'expression de Simone est proprement indéfinissable.

- Ceci étant mon initiative a fait surgir un autre phénomène visiblement concomitant, mais pas nécessairement corrélé.... Il y a des zones de la ville qui concentre un bon nombre de récits hallucinatoires sur... une flamme irradiante ou une silhouette féminine enflammée qui galvaniserait les coeurs, rendrait l'espoir au plus désespérés et plonge parfois dans une démence. Les humains qui l'auraient entre-aperçue l'aurait même entendue susurrer avant de sombrer dans un sommeil comateux...

Simone montre plusieurs points sur une carte de la ville. Les zones sont toujours limitrophe d'Eastside et de ses brumes, au nombre de deux ou trois.

- Les démons grouillent et affluent comme des mouches exactement aux mêmes endroits. Je ne sais pas encore ce que c’est ni ce que ça signifie, mais j'aimerais y jeter un œil moi-même. Si il s'agit de la chose qui s'en ait prise à moi, je veux pouvoir la confronter.....

Le regard de la vampire se fait dur et froid comme les pointes de pics à glace.

- Tu me laisseras y aller, n'est-ce pas ?

Ça n'est pas une question malgré le point d’interrogation.

Hmmm… Simone est énervée. C’est assez rare pour être noté. La dernière fois qu’elle a été énervé j’ai pris une tarte et une sacrée engueulade. Je suis assez sûre de n’avoir rien à me reprocher cette fois, si ce n’est le fait que je dors pas beaucoup. Ca n'expliquent la flamme que je sens chez ma belle Simone. Je prends des nouvelles, donc.

-Je dors mieux que toi, visiblement, même la rage au ventre. Quand comptes-tu te raser et prendre une douche ?

Mon sourire répond au sien.

-Ce voyage en Islande t’aurait-il donné l’envie de communier avec les traditions tribales vikings ? Je suppose que le musc plait à tes conquêtes mais il irrite mon nez délicat.
-Tu y vas fort, j’ai pris une douche y a 4h, je te ferais dire.

Je croise les bras d’un air gamin avant de pouffer de rire. Après, je demande les nouvelles et au froncement que je vois apparaître sur le nez de Simone, je déduis qu’il est particulièrement stupide de penser qu’il y aura de bonnes nouvelles.

-Un certain nombre de désagréments. Sois gentil, et sers nous à boire. Nous allons en avoir besoin.

Je hausse un sourcil avant d’aller nous chercher une bouteille de vin et deux verres. Je le sais excellent. Je sers d’abord Madame et j’écoute sans un mot tout ce qu’elle a à me dire. Ca fait beaucoup de chose.
Une attaque dirigée contre elle, des hallucinations et autre cauchemars dans toute la ville. Sans compter les fameuses apparitions dont mes oiseaux m’ont parlé et les internements psychiatrique étonnamment haut. J’écoute dans un silence religieux jusqu’à ce qu’elle me parle des démons qui affluent et de son envie d’y aller. Ce n’est pas une question, je le sais. Je l’observe un moment, sérieux.

-Pas seule, en tout cas. Prends Lois avec toi. J’irais voir l’un d’entre eux également, celui qui se trouve à coté de la brume.

Je reste silencieux un moment avant de demander.

-Quand tu dis attaquer personnellement, on parle de quel niveau de personnel? Les bars à sang, toi directement?

Je plisse les yeux.

-Je doute que Léviathan, elle est très occupée à suivre Kaelig Taur comme son ombre. J’ai jamais été aussi content de son existence, à celui-là.

Long soupire. Je la regarde, pose la main sur son visage un bref instant.

-je sais que ça t’emmerde que je te pose des questions mais j’ai besoin de plus de données.

Je détaille Simone et ferme les yeux un instant.

-J’ai entendu parler des apparitions. J’ai plusieurs théories sur le sujet. Surtout si les démons s’y agglutinent. Pour la vague de folie et de cauchemar. Je pense qu’elle vient avec la brume et ce qui l’a créé. Beaucoup de témoins parlent de la légende urbaine d’Unseelie mais après ça, les témoignages divergent trop. D’un autre côté, on va avoir un autre problème, plus réel, plus rapidement : les tueries préventives des Sang-Coureurs ont déclenché une merveilleuse réaction chez les créatures. Les Hurlants… Déjà, parlons de ce nom… Ils ont déjà ravagé deux ou trois appartements remplis de chasseurs et de sympathisants chasseurs. Ils sont extrèmement proactifs et particulièrement bien organisé pour un groupe de quelques semaines. C’est géré par une entité qui plannifie parfaitement bien. Je me suis rendu sur place, tout a été fait pour que personne ne sorte vivant de là.

Je regarde Simone.

-Ils vont finir par venir nous chercher les poux, c’est sure.

Je me redresse et attrape un dossier.

-Et tiens pour ta collecte… Ca fait quelques temps que je monitore tout ça.

J’ai un petit sourire fatigué.
Je tends mon verre pour trinquer avec Simone.

- Pas seule, en tout cas. Prends Lois avec toi. J’irais voir l’un d’entre eux également, celui qui se trouve à coté de la brume.
- Entendu, mais tu n'iras pas. Tu as d'autres préoccupations de premier ordre. Entre ta nièce qui attire un peu trop la lumière sur elle et les agissements d'Astaroth, tu dois te confronter sur le front démoniaque. Le Pandémonium est agité. Tu dois maintenir notre couverture pour nos protégés.
-Quand tu dis attaquer personnellement, on parle de quel niveau de personnel? Les bars à sang, toi directement?

Simone prend une longue inspiration, semblant peser ce que sa loyauté incombe de révéler et ce que sa pudeur refuse de dire. Le contact de la chaleur de son compagnon de route l'interrompt dans ses longues délibérations internes.

-Je doute pour Léviathan, elle est très occupée à suivre Kaelig Taur comme son ombre. J’ai jamais été aussi content de son existence, à celui-là. Je sais que ça t’emmerde que je te pose des questions mais j’ai besoin de plus de données.
- C'était moi...personnellement, concède-t-elle, mais...

Asmodée l'interrompt pour poursuivre sur un long monologue. Simone se tait. Elle a pris l'habitude dans ces moments introspectifs de n'être que le témoin silencieux des réflexions du démon. Elle y glane les informations nécessaires qui recoupent déjà ses propres hypothèses et présomptions.

- Ils vont finir par venir nous chercher les poux, c’est sure.
- C'est possible. Cependant, je crois.. Je ne suis pas persuadée d'avoir été ciblée précisément. Nous étions deux à... Elle en a déjà beaucoup trop dit. Elle souhaite pour le moment que tout cela reste en dehors de l'équation. Il y a beaucoup trop de flou à interpréter. Il semblerait que j'ai été frappée au hasard. Rien n'affirme que cela ait été commandité par une faction particulière.

Soudain, un dossier atterrit sur le bureau , entre eux. Simone baisse le regard dessus, n'offrant à Asmodée que le spectacle de ses longs cils noirs sur la banquise de ses yeux.

- Et tiens pour ta collecte… Ça fait quelques temps que je monitore tout ça.

Madame a un tressaillement imperceptible : un haussement de sourcil fugace, un tressaillement de mâchoire fugitif. Ses iris remonte lentement la verticale pour venir poignarder le Prince Démon de l'Orgueil.

- Oh, fait-elle avec un ton calme polaire. Je vois que tes efforts devancent les miens et se satisfont d'eux même. Bien. Il semblerait que la réunion d'aujourd'hui est inutile puisque tu n'as pas réellement besoin de moi.

La vampire se lève , lisse les coutures de sa jupe et range sa tablette. Le zip de son sac à main a quelque chose de la housse mortuaire.

- "Monitorez" à votre guise, Maitre. Il est normal que je n'en sache rien : je ne suis qu'une subalterne après tout.

Le sourire est pincé, alors qu'elle ramasse le dossier et fait mine de se diriger vers la porte. C'est puérile, sans doute, et elle en est parfaitement consciente. Cependant, même Simone Montespan possède des limites : être parfaitement superfétatoire en est une.

- Entendu, mais tu n'iras pas. Tu as d'autres préoccupations de premier ordre. Entre ta nièce qui attire un peu trop la lumière sur elle et les agissements d'Astaroth, tu dois te confronter sur le front démoniaque. Le Pandémonium est agité. Tu dois maintenir notre couverture pour nos protégés.

Je souris tranquillement à Simone et penche la tête.

-Si les démons s’agglutinent à des points d’influences spécifiques, Simone, c’est mon rôle de prince démon d’y aller et de faire un rapport détaillé de tout ça. Imagine que ça soit quelque chose qui puisse affecter le Pandémonium?

Je hausse les sourcils tranquillement et bois mon verre.

-C’est donc décidé! J’irais voir également. Pour ce qui est d’Elie, elle peut toujours faire pire et je ne peux pas intervenir, quoiqu’il arrive. Kali saura immédiatement et ça poserait plus de problèmes que ceux que je pourrais potentiellement résoudre. J’arrangerais juste nos plans pour la faire revenir. Possible qu’on l’a fasse revenir ailleurs qu’en Irlande, dans un endroit très peuplé… New York peut-être. Et Astaroth est toujours dans un coin de ma tête, ne t’en fait pas.

Cet enfoiré commence sérieusement à me pomper l’air et j’ai grand hâte de lui éclater la gueule à coup de Morgenstern. Il croit que je ne le vois pas venir avec ses gros sabots… Belle erreur. A moi de l’exploiter au maximum.

- C'est possible. Cependant, je crois.. Je ne suis pas persuadée d'avoir été ciblée précisément. Nous étions deux à... Il semblerait que j'ai été frappée au hasard. Rien n'affirme que cela ait été commandité par une faction particulière.

Je penche la tête. Simone est troublée, quoiqu’il se soit passé ça l’a profondément marquée. Je n’ai pas l’habitude de la voir desarçonner comme ça. Alors je n’insiste pas plus. Elle m’en parlera quand elle voudra. Ce que j’avais besoin de savoir est là : c’était elle qui était visé, à priori et jusqu’à preuve formelle du contraire, c’était une frappe au hasard.

-Alors on peut mettre ça sur le dos de ce qui a crée le brouillard, je suppose… Jusqu’à ce qu’on ai plus d’informations, en tout cas. Je t’embête plus avec ça.

Et je bourde.
Comme un très gros con.
Avant même qu’elle parle et qu’elle me défonce du regard, je pousse un long soupire.

-Oh.
-Simone…
-Je vois que tes efforts devancent les miens et se satisfont d’eux même.

Putain… Mais bordel. Des fois, il faudrait que je la ferme.

-Bien.
-Attends….
-Il semblerait que la réunion d’aujourd’hui est inutile puisque tu n’as pas réellement besoin de moi.

Long soupire. Je suis une buse. Elle se lève et mon front communie avec le bord de mon bureau.

-”Monitorez” à votre guise, Maitre.

Je grimace en entendant ça. Ca me hérisse toujours le poil de l’entendre m’appeler comme ça. MAIS.QUEL.CON.

-Il est normal que je n’en sache rien : je ne suis qu’une subalterne après tout.

Nouveau long soupire.

-Atteeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeends! S’il te plait.

Je redresse la tête et la regarde.

-Ecoute, je suis crevé et con et c’est pas ce que je voulais dire. Ca fait des mois que je compulse les trucs étranges qui se passent dans cette ville. C’est dans ce dossier, je ne sais pas ce qui pourrait te servir dedans mais ça te fera des données en plus. J’ai pas fait le tri mais quand j’ai parcouru ça, y avait des choses qui correspondaient à ce que tu me décris...

Je me masse les tempes.

-Désolé Elskan, ton travail est loin d’être superflu et tu le sais. Il est plus qu’apprécier et toujours irréprochable. Est-ce qu’on peut reprendre où on en était, s’il te plait? J’essaierais de garder ma connerie contenue et il reste du vin.

Je me lève pour venir la rejoindre, lui faire faire demi tour avec un sourire un peu miséreux mais un peu charmant aussi. Je pose un baiser sur sa joue.

-M’appelle pas maitre, c’est trop bizarre, j’ai l’impression d’entendre Balam et c’est incroyablement stressant.

Je me pose de nouveau sur mon fauteuil ou plutôt, je m’y laisse tomber.

-Je commence à me dire qu’on devrait faire plus que se pencher sur cette histoire d’Unseelie… C’est super cliché mais d’un côté… J’suis un démon et j’ai ouvert un bar qui s’appelle l’Eden’s Rest juste parce que je trouvais ça super marrant tellement c’était de mauvais goût… Ciulin est allé voir ce qu’il s’est passé au port, avec un peu de chance ça donnera quelque chose. Pour l’Enfer, y a un truc qui cloche. Le Pandemonium bouge mais ça n’a pas l’air d’avoir grand chose à voir avec nos luttes internes. Que ça soit entre princes démons ou entre princes démons et Dormeurs. Ah oui, parce qu’ils se font appeler les Dormeurs, les rebelles d’Elie. T’sais pourquoi? Bah moi non plus. Mais ils l’appellent la Rêveuse. J’sais pas ce qu’elle cherche à accomplir. Je suis pas sûr qu’elle cherche à accomplir quoique ce soit à part se battre parce que faut s’battre. Cette gamine va me faire faire mes premiers cheveux blancs…

Je sers un nouveau verre à ma belle coéquipière.

-En parlant de fosse, j’ai un fun fact : le petit protégé de Kali s’est occupé de Antoine, il a pas duré très longtemps. En même temps, c’est chaud, les tache de rousseur à la perforeuse…

-Atteeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeends! S’il te plait.

Simone s'arrête, lui offrant son dos sculptural et pourtant foutrement digne. Asmodée s'excuse. Il essaie d'expliquer sa maladresse, son absence de doigté manifeste, sa condescendance involontaire. Madame ne sait que trop à quoi tout cela tient : Il ne dort pas suffisamment.

Et je suis bien trop énervée.

- Est-ce qu’on peut reprendre où on en était, s’il te plait? J’essaierais de garder ma connerie contenue et il reste du vin.

La vampire pivote de bonne grâce vers son éternel compagnon. Elle ne lui accorde pas de sourire, mais ses prunelles ont prit de cette lumière qui réchauffe leur bleu. Elle se laisse bécoter avec un petit tressaillement de lippe que son comparse ne connait que trop bien. Elle n’est plus fâchée, elle fait simplement en sorte de conserver sa constance.

-M’appelle pas maitre, c’est trop bizarre, j’ai l’impression d’entendre Balam et c’est incroyablement stressant.
Elle n'aime pas cela non plus.
- Ne me compare pas à tes bidasses démoniaques. En plus, celui là donne toujours l'impression de sortir de sa boite. Il faudrait lui interdire de pouvoir se rendre invisible c'est incroyablement discourtois.

Les deux malsheemiens reviennent à la table de travail et Simone savoure son vin par petites gorgées distinguées.

- Je commence à me dire qu’on devrait faire plus que se pencher sur cette histoire d’Unseelie…
- Je vais faire des recherches auprès de nos érudits.
- ... Ciulin est allé voir ce qu’il s’est passé au port, avec un peu de chance ça donnera quelque chose. Pour l’Enfer, y a un truc qui cloche.

La vampire observe le profil pensif du démon.

- Le Pandemonium bouge mais ça n’a pas l’air d’avoir grand chose à voir avec nos luttes internes....

Il poursuit posément son exposé. Simone prend des notes.

- En parlant de fosse, j’ai un fun fact : le petit protégé de Kali s’est occupé de Antoine, il a pas duré très longtemps. En même temps, c’est chaud, les tache de rousseur à la perforeuse…
- Charmant... Est-ce le même qui a torturé Elehiel ? Auquel cas, j'imagine que sa révolution n'est pas dénuée de motivations. Cependant... Cela retarde nos possibilités de l'invoquer en bonne et due forme. On ne peut pas se permettre de l'exfiltrer des Enfers maintenant, alors que tout le Pandémonium a les yeux rivés sur son groupe de rebelles. Elle les ressert tous deux. Poétique... "Les Dormeurs et la Rêveuse." Très Chateaubriand..., ponctue-t-elle en lui rendant son verre plein.

Simone laisse flotter un silence.

- Crois-tu que cette entité, "Unseelie", soit responsable de tous ces remous ? Que tout cela soit le fruit d'une même cause ? Auquel cas, quel est le but caché ?

Elle revient vers moi. Je suis soulagé. Tellement, en fait, que je laisse échapper un long soupire qui se finit en bécot barbu sur ses joues. Je vois l’esquisse de sourire. Ok. Elle n’est plus en colère, c’est tout ce que je voulais.
Ce maître m’a foutu des frissons étrangement déplaisants. J’en fais la remarque à Simone.

-Ne me compare pas à tes bidasses démoniaques.

Je pouffe d’un rire complice. Mes bidasses, si seulement…

-En plus, celui-là donne toujours l’impression de sortir de sa boite. Il faudrait lui interdire de pouvoir se rendre invisible c’est incroyablement discourtois.
-Tu dis ça uniquement parce qu’il manque à chaque fois de te faire perdre ton flegme.

Sourire de petit con.
En attendant, j’aborde cette histoire de Unseelie. On a beaucoup de rumeurs sur Unseelie, beaucoup de mythes mais pas grand chose de concret. Ca remonte à des siècles, voir des millénaires mais je n’ai pas la moindre idée de pourquoi c’est devenu aussi tenace ici et surtout pourquoi cette race de fées est devenu le nom d’une créature mystérieuse qui parcourait les lieux. Tout ce dont je suis sûr actuellement, c’est qu’il y a beaucoup trop d'occurrences pour que je pense à une coïncidence. J’aborde ensuite le Pandemonium et les mouvements internes qui semblent être très en marge de ce que Elie peut faire et de nos guerres internes. Il y a quelque chose d’autre… J’enverrais mes seconds enquêter.

-Charmant… Est le même qui a torturé Elehiel ?
-Oui. C’est lui. Enfin, c’était lui, en tout cas, jusqu’à l’incident…
-J’imagine que sa révolution n’est pas dénuée de motivations.
-Haha… Même avant ça, elle en avait déjà beaucoup. J’ai entendu dire qu’elle a eu un échange charmant avec un des bourreaux à base de “si vous menacez de faire mal alors que c’est ce que vous faites déjà, vos menaces sont vides et donc, je vous emmerde” en substance, j’ai pas le détail.
-Cependant… Cela retarde nos possibilités de l’invoquer en bonne et due forme.On ne peut pas se permettre de l’exfiltrer des Enfers maintenant, alors que tout le Pandémonium a les yeux rivés sur son groupe de rebelles.

Je pousse un long soupire. Ma tête vient reposer sur le dossier de ma chaise.

-Je saiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis. Ca me gonfle. Elle nous facilite pas la tache mais d’un coté, qu’est-ce qu’on pouvait attendre de plus? Bon, j’avoue, je pensais qu’elle foutrait les fosses dans cet état. Kali est tellement furieuse qu’elle a pété la gueule à Astaroth pas plus tard que la semaine dernière. C’était un grand moment, j’ai applaudi.

Je prends mon verre que Madame vient de remplir et le sirote tranquillement.

-Poétique… “Les Dormeurs et la Rêveuse”. Très Chateaubriand…


Ca me fait sourire. C’est vrai mais Elie ne doit absolument pas savoir qui est Chateaubriand. La légende du petit groupe révolutionnaire dit qu’ils l’ont appelés comme ça parce qu’elle continuait à avoir des rêves, des projets, de l’espoir… Je plisse les yeux un moment, une connexion incongrue s’effectue malgré moi mais Simone me coupe en pleine réflexion.

-Crois-tu que cette entité, “Unseelie”, soit responsable de tous ces remous ? Que tout cela soit le fruit d’une même cause ? Auquel cas, quel est le but caché ?

Je prends le temps de réfléchir un petit instant. Je ne suis pas sûr de grand chose à ce stade, j’ai des hypothèses, des liens de causalité et ce que me disent mes tripes.

-A ce stade, j’en sais encore rien…

Je reste silencieux un petit instant.

-Mais… Je trouve qu’on se donne beaucoup de mal. Beaucoup, beaucoup de mal pour déclencher une guerre à tous les niveaux. J’ai beaucoup de mal à me dire que ça ne vient pas du même endroit. Ca fait beaucoup trop d’occurrences : Les Hurlants, le pandémonium qui réagit peu ou pas au petit jeu d’Astaroth, à la rébellion d’Elie, les cas étranges qui éclatent aux quatres coin de la ville.

Je me tais une nouvelle fois.

-Tu vois, Elskan, j’ai l’impression qu’on utilise un écran de fumée. On nous distrait de quelque chose. Simplement, on ne sait pas encore ce que c’est. Pourtant, les sources sont diverses et c’est inquiétant. Parce que si j’ai raison, si ça émane du même endroit.. Il est capable de manipuler des êtres antédiluviens et des guerriers capables de lutter contre le surnaturel depuis des générations sans qu’aucun ne calculent.

Je soupire et vide mon verre.

-Imagine un peu la puissance phénoménale qu’il faut pour parvenir à faire ça.

Je médite ça un moment avant de dire.

-Je trouverais ça assez incroyable que ça soit pas lié.

Je soupire et souris à Simone.

-C’est un peu pour ça que j’suis sur tous les fronts. Dans l’absolu, j’ai aucune preuve mais j’arrive pas à me sortir de la tête que c’est la même chose.

Je laisse courire le silence et repasse ce qu’on s’est dit depuis le début et de nouveau, un lien se crée. J’avais presque oublié.

-Qu’est-ce que tu m’as dit déjà…? A propos des lieux qui attirent les démons?...

J’ai une soudaine impression de répétition.

Simone écoute. Elle a toujours su écouter. Asmodée confirme ce que son intuition et ses méninges lui susurrent déjà depuis quelques temps. A toutes tempêtes, il y a un souffleur de vent.

- Tu vois, Elskan, j’ai l’impression qu’on utilise un écran de fumée. On nous distrait de quelque chose. Simplement, on ne sait pas encore ce que c’est.
- Unseelie, ponctue-t-elle dans un souffle. Elle plisse les yeux, le visage songeur. Elle le teint laiteux de certaine statues grec. Le profil, aussi.
- Pourtant, les sources sont diverses et c’est inquiétant. Parce que si j’ai raison, si ça émane du même endroit, il est capable de manipuler des êtres antédiluviens et des guerriers capables de lutter contre le surnaturel depuis des générations sans qu’aucun ne calculent. Imagine un peu la puissance phénoménale qu’il faut pour parvenir à faire ça. Je trouverais ça assez incroyable que ça soit pas lié. C’est un peu pour ça que j’suis sur tous les fronts. Dans l’absolu, j’ai aucune preuve mais j’arrive pas à me sortir de la tête que c’est la même chose.
- Hum.......Manipuler les esprits, le temps, le destin même... la réalité... Créer du concret à partir de rien. Tu vas sans doute me dire que j'y reviens, mais je ne connais que Léviathan avec ce "genre" de pouvoirs. Certes les papillons, la malignité et le degré d'élaboration d'un tel plan ne lui correspond pas. Cependant, c'est troublant de similarités avec sa capacité à moduler les cauchemars.

Simone plisse les paupières avant de formuler l'idée qui vient de naître.

- Tes Aînés sont pour le moment inatteignables, cependant, Leviathan est sur terre, attachées aux basques du père de Ciulin et... elle est suffisamment vieille pour savoir des choses sur le monde que nous ignorons. Cela vaudrait peut-être le coup de lui poser quelques questions, si toutefois nous parvenons à mobiliser sa mémoire et ses connaissances...

Madame laisse à Monsieur le soin d'infuser cette piste. Il choisit ensuite de bifurquer sur un tout autre sujet.

- Qu’est-ce que tu m’as dit déjà…? A propos des lieux qui attirent les démons?...
- Qu'ils concentraient également des témoignages d'hallucinations concordantes : vision d'une flamme qui parle, d'une femme enflammée, sensation d'avoir le coeur qui chauffe, euphorie passagère, etc... Certains après avoir subit une sorte de transe bienheureuse, sont tombés dans un sommeil catatonique ensuite.

Silence.

-.... Diable, Chateaubriand était pompeux, mais nous, nous sommes des aveugles incultes. Les "Dormeurs", la "Rêveuse", la révolte, la flamme.... ça ne te dit rien ? Tu étais en France en 1789 et en 1848 ! Que brandit la statue de la Liberté ? Que nous raconte le mythe de Prométhée ?! Elle claque des doigts à chaque point d'interrogation. Le feu ! Le symbole de progrès et d'espoir, la victoire de l'humanisme sur l'autoritarisme !

Simone prend une inspiration et fixe Asmodée droit dans les yeux.

- C'est "elle".

- Hum.......Manipuler les esprits, le temps, le destin même... la réalité... Créer du concret à partir de rien. Tu vas sans doute me dire que j'y reviens, mais je ne connais que Léviathan avec ce "genre" de pouvoirs. Certes les papillons, la malignité et le degré d'élaboration d'un tel plan ne lui correspond pas. Cependant, c'est troublant de similarités avec sa capacité à moduler les cauchemars.Tes Aînés sont pour le moment inatteignables, cependant, Leviathan est sur terre, attachées aux basques du père de Ciulin et... elle est suffisamment vieille pour savoir des choses sur le monde que nous ignorons. Cela vaudrait peut-être le coup de lui poser quelques questions, si toutefois nous parvenons à mobiliser sa mémoire et ses connaissances…

On est sur la même longueur d’onde, c’est plutôt agréable. L’idée de devoir aller parler à Léviathan ne m’enchante pas. Ca fait sens, cependant, avec le résumé de Simone mais c’est loin d’être la première fois que j’essaie de tirer des infos de la gamine.

-... Oui, c’est pas faute d’avoir essayé de mobiliser tout ça… La dernière fois que j’ai essayé c’était à propos de ces séismes, tu te souviens que j’avais disparu trois jours? Ouais, ben j’en ai pas parlé parce que y avait pas grand chose à dire…On pourrait tenter à nouveau, ne serait-ce que pour avoir des informations précises sur ce qui se passe ou simplement des itérations antérieures ou même une absence d’itération. A notre stade, ça nous donnerait des pistes.… Mais on a deux soucis : elle a pas de mémoire et le peu dont elle se souvient sort comme une soupe incompréhensible… En tout cas, ni toi, ni moi n’arrivons à quoique ce soit de concluant avec cette gamine….

J’inspire doucement, c’est bien notre veine qu’elle se soit entiché du chef des Sang-Coureurs.

-Elle est collée au Patriarche, hein... J’vais appeler le père Taur… Il arrivera bien à la faire causer. Le mec, il est chasseur, Père des Sang-Coureurs, il a adopté la mère de tous les cauchemars. Je sais pas si c’est une blague ou pas… En tout cas, si on parvient à un deal, on aura des infos. Au pire on fourre sa barraque ras-la-gueule de micros et on en parle plus.

Et puis on en revient à l’espoir. On en revient à ces choses qui me triturent les méninges depuis tout à l’heure.

-Qu’ils concentraient également des témoignages d’hallucinations concordantes : vision d’une flamme qui parle, d’une femme enflammée, sensation d’avoir le coeur qui chauffe, euphorie passagère, etc… Certains après avoir subit une sorte de transe bienheureuse, sont tombés dans un sommeil catatonique ensuite.

Bordel de merde. J’ai comme une soudaine idée. Je lance un coup d’oeil à Simone, silencieuse, elle aussi. Si ça attire les démons et que ça confère de l’espoir, je vois qu’une seule personne qui, actuellement réuni les deux. Bordel de bordel de merde. Je me revois dire au facteur mortuaire que ce qui définit Elie, c’est l’espoir.

-... Diable, Chateaubriand était pompeux, mais nous, nous sommes des aveugles incultes.

J’écoute la suite distraitement en me mordillant le pouce.Chaque mot, même à peine écouter, enfonce un clou dans la réalité de ma tentative d’enlever de la gueule de Kaelig son air de taureau mourant.

-C’est “elle”.
-C’est “elle”.

Que je répète en miroir d’un air absent.

-...J’me vois encore expliquer à son mec que l’espoir, c’était ce qui définissait Elie.

Mon crâne copule de nouveau avec la table dans un bruit mat.

-Tu vois, c’est là que je me dis qu’il faudrait que j’arrête de parler, putain. Enfin… Ca explique pas comment elle fait. J’veux dire, j’ai déjà entendu parlé d’apparitions du style mais ça venait pas des Enfers, en fait, ça venait de Djinn. J’dois avoir ça dans un bouquin. Bref...

Elie et sa petite rebellion traverse le voile entre les mondes.
Décidément, cette petite est un phénomène.
Je lance un vague regard à Simone et pousse un long soupire.

-Il va falloire régler ça. Avant qu’elle ne transperce sans vouloir. Je ne pense pas qu’elle réalise un seul instant qu’elle crée des points sensibles.

J’ai un rire distrait.

-Déjà parce qu’aucune âme des fosses ne devraient en être capable et qu’elle le sait. Il faut confirmer cette hypothèse.

Je tends la main avant que Simone ne m’hurle dessus avec ses yeux glaciers que c’est l’évidence même.

-Ca serait pas le premier piège qu’on nous tend ces derniers mois. Tu iras à celle qu’on avait dit avec Lois, j’irais….

Et je m’en veux déjà pour ce que je vais dire.

-Avec Kaelig. Je sais! Je sais! Mais tu l’as pas vu avec son air de canard boiteux malheureux quand il me parlait d’elle, là!

Je prends un tête de gamin boudeur.

-Accessoirement, ça nous évitera des désagréments par la suite et ça aidera le retour d’Elie, avec un peu de chance. Donc… En résumé : on a deux entités surpuissantes, une qui a pas de mémoires, l’autre qu’a l’air d’avoir un très gros fun sans qu’on sache pourquoi. Un groupe de terroriste procréatures prêt à bouffer du bébé humain. Un groupe de rebellion des fosses conduits par ma nièce dont les pouvoirs sont déjà incontrolable alors que c’est pas encore un démon...Toi qui te fait attaqué pour on sait pas pourquoi. Des putains de papillons dans toutes la ville. Quoi d’autres?

Je nous ressers un verre de vin à tout les deux.

-Donne moi une bonne nouvelle, Elskan, ou un meilleur café, je sais pas.

Simone sirote son verre de vin, la mine pensive. Ils n'arrivent plus à anticiper convenablement les événements. Ils les subissent, ils les encaissent au coup par coup. Le destin les accule volontairement pour les pousser à la faute, à la décision irréfléchie, prise en urgence.

Je déteste qu'on me mène par le bout du nez....

-Il va falloir régler ça. Avant qu’elle ne transperce sans vouloir. Je ne pense pas qu’elle réalise un seul instant qu’elle crée des points sensibles. Déjà parce qu’aucune âme des fosses ne devraient en être capable et qu’elle le sait. Il faut confirmer cette hypothèse.
- N'as-tu pas l'impression d'agir exactement tel qu'on l'attend de nous ? Je refuse de croire que tout cela n'est pas savamment liés. C’est la première fois que j'entends parler de ces points de pressions et ce même après l'étude de plusieurs siècles de livres théorisant le surnaturel. Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ?
- Ça serait pas le premier piège qu’on nous tend ces derniers mois.
- Ça n'est pas une raison pour s'y jeter....  Bien évidemment, Le prince de l'Orgueil n'écoute pas.
- Tu iras à celle qu’on avait dit avec Lois, j’irais….Avec Kaelig.

Simone pousse un profond soupir de lassitude. Son compagnon ne cesse de s'acoquiner avec les Taur. Un jour, cela causera peut-être leurs pertes.

-Je sais! Je sais! Mais tu l’as pas vu avec son air de canard boiteux malheureux quand il me parlait d’elle, là!
- Par pitié, ne parle pas de canards ! Fait-elle avec un frisson brutal et parfaitement incontrôlé. Elle siffle son ballon de rouge cul-sec avant de se resservir dans la foulée. Elle n'en dira pas davantage.
-Accessoirement, ça nous évitera des désagréments par la suite et ça aidera le retour d’Elie, avec un peu de chance. Donc… En résumé : on a deux entités surpuissantes, une qui a pas de mémoires, l’autre qu’a l’air d’avoir un très gros fun sans qu’on sache pourquoi. Un groupe de terroriste procréatures prêt à bouffer du bébé humain. Un groupe de rebellion des fosses conduits par ma nièce dont les pouvoirs sont déjà incontrolable alors que c’est pas encore un démon...Toi qui te fait attaqué pour on sait pas pourquoi. Des putains de papillons dans toutes la ville. Quoi d’autres? Donne moi une bonne nouvelle, Elskan, ou un meilleur café, je sais pas.

Nous y voilà.

Non pas que le reste de la discussion n'ait pas été sans intérêt, mais il y a un point particulier que Madame tenait à aborder à cette séance de débriefing. Elle tapote  élégamment sur sa tablette et fait glisser l'écran vers le démon. Il y a deux photos qui s'affichent sur l'écran, prises à la sauvette.

Photos:

- Tu connais cet homme ?

Simone scrute le visage de son compagnon d'armes, à l'affût de la moindre réaction.

- N'as-tu pas l'impression d'agir exactement tel qu'on l'attend de nous ? Je refuse de croire que tout cela n'est pas savamment liés. C’est la première fois que j'entends parler de ces points de pressions et ce même après l'étude de plusieurs siècles de livres théorisant le surnaturel. Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ?

Bien sur que si, j’ai l’impression d’agir comme on attend… Et je n’aime pas ça plus que Simone. Je ne réponds pas parce que je n’ai d’autre solution que d’agir de la sorte. Ne pas agir risquerait d’être beaucoup plus néfaste : un enfer ouvert à tous et à tout. Il y a déjà assez de problème dans cette foutue ville sans rajouter le déversement de l’intégralité de l’Enfer sur cette réalité. Il faut l’éviter à tout prix.
Je ne sais pas pourquoi Simone réagit si violemment à la mention d’un canard et je l’observe en haussant les sourcils.

-T’as la phobie des palmipèdes, toi, maintenant…?

Elle est étrange depuis tout à l’heure. Cela dit, je peux parler… Je ne dois pas être beaucoup mieux avec mes trois heures de sommeils depuis je sais pas quand. J’imagine Simone aux prises avec un canard zombie ou un canard terminator et ça me fait pouffer de rire avant de pousser un long soupir las.
Enchaînons sur des bonnes nouvelles, par pitié....
Simone se redresse, tapote sur sa tablette avec une prestance qui force le rp. Perso, j’ai l’air d’un gros blob quand je joue sur ma tablette. En même temps, ces derniers jours, je ressemble à un gros blob à peu près tout le temps.
Simone a l’air plus éveillée, plus alerte, je comprends qu’elle attendait ce moment. Madame a commencé par l’emmerdant pour finir sur ce qui l’intéresse réellement.
Ca pique forcément ma curiosité. Je me redresse alors qu’elle me montre l’écran. Deux photos qui me donnent un étrange tournis. Il ressemble à Rafney, les mêmes yeux…

-Tu connais cet homme?

Je l’entends comme étouffée. Non. Je ne le connais pas. Je lance un coup d’oeil interrogatif à Simone. Je ne le connais pas mais une part de moi s’affole, fait vibrer les bibelots. Ca dure quelques secondes avant que je ne me ressaisisse

-J’suis fatigué, putain. J’arrive plus à m’controler… Pas… que je sache…? Familier, peut-être. Il a des faux airs…

Je plisse les yeux.

-Qui c’est, Elskan? Une nouvelle recrue pour les bars à sang?

Je demande ça innocemment mais je ne m’explique pas mon soudain besoin de savoir exactement qui c’est.

Madame ponctue la manifestation sismique d'un haussement de sourcil. Son verre plein sautille jusqu'à l'arrête du bureau, flirtant avec le précipice. D'un geste leste, la vampire lui refuse le suicide. Elle se contente d'une gorgée puis repose contenu et contenant, une fois la crise passée.

- J’suis fatigué, putain. J’arrive plus à m’controler… Pas… que je sache…?
- Ton inconscient semble affirmer le contraire.
- Familier, peut-être. Il a des faux airs…
- ....
-Qui c’est, Elskan? Une nouvelle recrue pour les bars à sang?

Simone laisse courir son majeur sur la cime de son verre à ballon. Cercle concentrique parfait, infini. Un serpent qui se mord la queue.

- C'est un vampire, un adepte tout frais des Hurlants si mes informations sont exactes. Il se montre d'ailleurs très actif au sein de sa petite coterie. Chose amusante : vous êtes compatriotes.

Madame marque une pause étudiée, telle la conteuse qui maîtrise parfaitement les arcanes de sa narration.

- Si je ne m'abuse, vous, les islandais, vous avez cette construction idiomatique particulière qui fait que tous vos noms de famille se résument à  annoncer  de qui vous êtes le fils ou la fille. Ton père, par exemple, se prénommait Haldur, je crois, ce qui donne pour toi le "Hal" de  "Hallsonar". Aussi qu'elle n'a été ma surprise quand j'ai découvert que notre petit hurlant ici présent se baptisait...

Elle fixe le démon de ses yeux bleus perçants.

-... Kolbeinn Assonar.

Madame ébauche un sourire de Joconde.

- La mémoire te revient-elle où dois-je faire appel à Amon...?

J’écoute l’exposé de Simone avec une attention maladive. Compatriote, Hurlant, construction des noms de famille particulière…. Un malaise s’installe profondément dans mes chairs, dans mon cerveau. J’ai soudain une énorme boule d’angoisse qui se forme au fin fond de mon estomac. Je pressens la suite mais je l’occulte. Simone ne dit jamais rien au hasard et quand elle me fait son exposé sur les noms de famille Islandais, je me lève d’instinct pour aller me servir un verre. Pas du rouge, j’ai l’impression que je vais avoir besoin de quelques chose de plus fort. Elle me fixe, je sens ses yeux arctiques coincés sur moi.

-Kolbeinn

La salle entière tremble brusquement. Le bureau grince et se déplace de plusieurs centimètres faisant s’écraser la moitié des dossiers posés dessus. Des bouteilles éclatent dont celle qui se trouve dans ma main.

-Assonar.

Je m’affaisse sur le bar, juste le temps d’encaisser la nouvelle. J’entends diffusément la boutade de Simone.
Kol… La dernière fois que j’ai entendu ce nom, c’était il y a plus de mille ans. La dernière fois que j’ai vu mon fils, c’était sur le ponton du port de mon village natale. Nous partions pour les cotes anglaises.
La pression sur mon thorax s’impose à moi comme un coup de poing. Je secoue la tête.
J’ai prié les dieux qu’ils donnent à mon fils une vie humaine, une vie simple et heureuse… Une vie loin de tout ça, loin de l’éternité. La mortalité est un cadeau merveilleux. Ironiquement, on ne s’en rend compte qu’en la perdant.
Je me retourne vers Simone, les yeux brillants et d’un noir profond.

-Tu es sûre…?

Le ton est sourd. J’encaisse. Sur les photos, mon fils à l’air d’avoir entre 30 et 35 ans…

-...Bordel…

Est-ce que Rafney l’a vu partir? Est-ce qu’elle a dû faire son deuil aussi? J’avais espéré qu’ils avaient été là, l’un pour l’autre. J’éprouve le même sentiment de haine contre moi que lorsque j’ai appris que je ne pourrais jamais retourner les voir. J’aurais du. J’ai été tellement con. J’aurais du.

-Kol est…

Pour la première fois depuis très longtemps, je me sens fébrile, tremblant. Je lance un regard à Simone habillé d’un sourire épuisé. C’est au delà de la fatigue infligée par le rythme de ses derniers jours.

- C’est mon premier né. J’étais… humain.

Je regarde par terre secoué par un rire douloureux.

-Il ressemble à sa mère… J’pensais qu’il était mort, humain…

J’ai même plus envie de boire. Je retourne m’asseoir dans mon fauteuil et entreprend de retirer les éclats de verre planter dans ma main. Je suis tellement sonné que je ne les sens pas.

-Faut croire que je me plantais… J’aurais dû y retourner… Putain.

Je regarde les photos à nouveau avant de pousser un long soupire.

-Chez les hurlants…. C’est pas vrai…

J’ai une grande envie de chialer toutes les larmes de mon corps, simplement ça ne vient pas.

Madame est une fine psychologue, qui par bien des aspects, a toujours su anticiper les aléas des émotions humaines. Prudente, avisée, elle a toujours su juger gens comme situations. Rares sont ses erreurs de jugements. Plus rares encore sont ses mauvais choix. En une poignée de secondes, elle venait de commettre les deux.
Ce qu'elle avait pris pour un sujet badin, une source de plaisanterie - Asmodée n'était pas à son premier cambion surprise - et un moyen de dérider possiblement l’atmosphère s'avérait , en réalité, un obus dissimulé sous des siècles de déni. Elle venait simplement de marcher dessus.

Une blessure mal cicatrisée demeure à jamais douloureuse.

Lorsque que son compagnon démoniaque fait état ouvertement de ses attributs, Simone pose lentement la tablette sur le bureau. Elle affûte ses sens, prête à  contenir tous débordements. Comme souvent -comme toujours- Asmodée ne se fait mal qu'à lui même. La bouteille éclate avec un bruit sec, bref. L'alcool coule en rigole, se mêle au vermillon d'un sang tourmenté.

- Tu es sûre…?
- Oui, déclare-t-elle d'une voix douce.
- ...Bordel…Kol est… C’est mon premier né. J’étais… humain.

Madame accueille les rires de son compagnon comme autant de tessons que ceux qui entaillent la paume de ce dernier. Ils se fichent au coeur pour ne jamais s'y déloger.

- Il ressemble à sa mère…

C’est une partie de son existence intime qu'il a toujours préservée des confidences. Elle a eu beau dévoué sa vie et sa mort au prince-démon, cela ne la rend pas légitime de pénétrer son jardin secret pour autant.

- J’pensais qu’il était mort, humain…

En le voyant déloger les éclats de verre dans ses chairs tel un bœuf testant la fiabilité d'une clôture, Madame prend d'autorité la direction des soins, balayant les possibles protestations d'un geste d'agacement maternel. Ôtant une épingle de son chignon, elle s'affaire à la besogne méticuleuse de retirer les copeaux minuscules, invisible à l’œil nu.

- Faut croire que je me plantais… J’aurais dû y retourner… Putain.
- Je suis navrée. Je ne m'attendais pas déterrer quelque chose d'aussi... "imposant".
- Chez les Hurlants…. C’est pas vrai…
- Asmodée... Madame, passe ses doigts effilés dans la chevelure en bataille de son ami. Elle dégage quelques mèches poisseuses de sueur et d'insomnies. Tu n'es pas responsable de ses choix. C'est un vampire adulte que nous avons là, pas un enfant. Quelques soient tes actes et tes regrets, c'est du passé. Tu ne peux plus rien y faire... Elle caresse du pouce sa joue rendue drue par une grève prolongée de son kit de rasage. C'est désormais au présent que tu peux agir.

Elle pousse un léger soupir qui se hérisse d'un sourire affectueux.

- Souhaites-tu que je l'approche ?

- Je suis navrée. Je ne m'attendais pas déterrer quelque chose d'aussi... "imposant".

Je hausse les épaules. Ce n’est pas sa faute et ça n’est pas la première fois qu’elle retrouve l’un de mes enfants, pas non plus la première où elle m’en présente un en plein milieu de réunion. C’est un jeu habituel. Quand on vit aussi longtemps et qu’on est aussi actif que moi, malgré les précautions - quand il y en avait - une grossesse surprise arrive. Simone finit par me l’agiter sous le nez et je finis invariablement par contacter la mère pour proposer mon aide, si ce n’est présentiel au moins pécunière. Je reste attentif à ce que chacun d’entre eux deviennent. J’ai aidé à leur donner la vie, il me semble que c’est un minimum d’accompagner ce nouvel être pendant son séjour sur terre que ça soit de près ou de loin.

C’était quoi la probabilité que Kol débarque ici.

Aucune. Pourquoi Tir Na nOg? Pourquoi maintenant?

Je réfléchis pendant que mon coeur déraille sur des voies lointaines. Je laisse Simone retirer le verre de ma main, je ressens à peine la douleur. Je me perds sur les sentiers de la culpabilité. Encore une fois. J’éteins la partie critique de mon cerveau pour réveiller la partie purement émotive. Simone m'empêche d’aller plus loin d’une main dans les cheveux.

-Asmodée… Tu n’es pas responsable de ses choix.C'est un vampire adulte que nous avons là, pas un enfant. Quelques soient tes actes et tes regrets, c'est du passé. Tu ne peux plus rien y faire..

Je souris et hoche la tête doucement. Elle a raison mais ce n’est pas si simple. Ce n’est jamais si simple avec sa progéniture. Il faut pourtant reconnaître que ce n’est pas faux et je comprends la nécessité de me ranger à son avis. Je me laisse flatter la joue et y répond par un baiser dans la paume.

-C’est désormais au présent que tu peux agir. Souhaites-tu que je l’approche ?

C’est à mon tour de soupirer. Je m’avachis dans mon dossier et détaille Simone.

-Pas la moindre idée. Et sans doute que y a de la trouille qui se mélange à tout ça. Possible. J’en sais rien. Mais écoute moi. Kol à Tir Na nOg se retrouve affilié au camps qui représente l’exacte opposé de Malsheem. J’veux dire… Ca fait quoi…? 900ans que c’est un vampire, au bas mot. On s’est JAMAIS croisé. Jamais. Absolument jamais. J’trouve ça un peu fort qu’on tombe dessus maintenant. Comme ça, pouf. Alors que clairement, j’ai pas été aussi atteignable.

Je glisse mes mains dans celles de Simone.

-Ca ferait une piste de plus à suivre et j’ai très très envie de l’approcher mais c’est pas le moment. C’est juste pas le moment. On a pas le temps pour ça. Ca se finira pas bien. Avec Unseelie, la Bête et tout ce qui se passe en ville, on a pas de ressources à perdre dans du personnel. Si on tombe dessus, on tombe dessus. Pour le moment, Kol est chez les hurlants, aucune raisons pour nous de l’approcher. S’il est aussi actif que tu le dis, j’vois mal pourquoi il changerait de camps. Il me tombera pas dans les bras, le mieux à espérer pour le moment, c’est une indifférence amusée au mieux. Et c’est pas grave. Simplement, concentrons nous sur Unseelie et tout ce qu’on a déjà sur le feu avant de se rajouter quoique ce soit d’autre. C’est beaucoup plus mortel que tout ce qui pourrait arriver avec mon fils pour la planète.

J’inspire lentement et ferme les yeux.

-J’vais prendre une pause, j’pense… Après tout ça. J’ai l’impression que c’est la bonne décision mais j’t’assure qu’elle est pas facile à prendre, c’est débile. Mais faut le faire, Simone. Ne va pas le voir derrière mon dos pour me l’amener, on a beaucoup d’autre chose à faire. Malsheem avant tout. Ok?

Je ne donne jamais d’ordre à Simone, jamais. Elle est intelligente, elle est raisonnée, elle fait très rarement autre chose que ce qui a été prévu. Lorsqu’elle change de plan, je suis souvent au courant et lorsqu’elle le fait, elle a souvent raison de le faire. C’est pour ça que notre duo fonctionne si bien depuis tout ce temps.

On dit que les démons n'ont pas d'âme et son incapable de sentiments.
Aucun adage n'est plus faux que celui-ci. Les démons éprouvent leurs sentiments avec violence, brusquerie et passion, dans un tumulte volcanique qui les défigure. Simone Montespan en a été témoin à maintes occasions.

On dit que le temps est un remède à toutes les blessure.
Aucun adage n'est plus traître que celui-là. Le temps illusionne, il escamote sous un tapis épais qui vous flatte le pas alors que vous avancez sur le sentier de la vie. Mais comme tout tapis, il suffit d'une main pour le soulever et retrouver le chemin de nos vieilles plaies.

Madame sert la main de Monsieur. En deux cent ans, c’est toujours ce qu'elle a su faire de mieux. Dans la joie comme dans la peine.

- Je ne crois plus au hasard. Ces coïncidences sont trop nombreuses pour ne pas attester d'une véritable manipulation à grande échelle. On essaie de nous noyer sous les menaces. Notre intuition à propos d'Unseelie est sans doute juste.

La vampire tranquillise son compagnon par des gestes simples, d'une proximité pudique. Madame est ainsi, maternelle mais digne, aimante mais mesurée. Sa froideur n'est qu'un leurre pour qui sait.

- Ne va pas le voir derrière mon dos pour me l’amener, on a beaucoup d’autre chose à faire. Malsheem avant tout. Ok?
- T'ai-je jamais fait défaut, mon vieil ami ? Il n'y a rien que je ne t'entreprenne sans que tu ne le saches. Je n'ai jamais perdu Malsheem de vue et, ne t'en déplaise, ma volonté est moins poreuse que la tienne. Elle lui pince la joue avec un sourire de biais. Comme à chaque fois, nous agirons sur un problème à la fois : en premier lieu, les "Ecchymoses" dues à Elehiel. Dans un deuxième temps, les renseignements sur Unseelie. Du reste, nous  n'avons pas besoin de dispercer davantage les nôtres. Usons des forces vives de nos alliés. Approfondis tes liens avec les Sang-coureurs. Gagnons-les à nos intérêts communs. Après-tout, ils sont venus en Irlande pour endiguer la menace d'Unseelie très précisément. Leur devin n'a-t-il pas eu une "vision" ? Ils sauront bien mettre leurs petite haine des créatures de côté. Il serait peut-être également judicieux de sonder nos alliances possibles avec des sorciers. ajoute-t-elle, songeuse.

Simone contracte la mâchoire sur un rictus qu'elle ne réserve qu'à l'intimité : le sourire d'une guerrière qui s'engage dans la bataille.

- Ne laissons pas la Brume venir à nous. Allons à la Brume...

Oui, Assmodée.
C’est exactement ce à quoi tu penses.

- En attendant, tu vas me faire le plaisir de rentrer chez-toi, de dormir dans un vrai lit au moins trois jours d'affilée et de prendre un véritable bain. Ne lésine pas sur la mousse à raser, je crois que tu lui manques. Il n'y a pas de débat possible avec ce ton là. J'appelle Ciulin pour y veiller, si tu veux ?

- Je ne crois plus au hasard. Ces coïncidences sont trop nombreuses pour ne pas attester d'une véritable manipulation à grande échelle. On essaie de nous noyer sous les menaces. Notre intuition à propos d'Unseelie est sans doute juste.

-hmm… Ouais… J’vais contacter Lionnel. Son patron a pas mal de documentations et apparemment, c’est un gros chatard, il aura peut-être des ouvrages qui nous font défaut… Je pense que notre intuition est juste et ça veut dire qu’on nage dans un océan de merde.

Cet océan de merde est d’une incroyable précision. Il est calibré pour chacune des personnes capables d’agir contre ce qui se passe. Moi avec Kol, Simone avec son enlèvement, Kaelig avec les failles… Les décisions que nous avons prises ont participés au chaos. On dirait une composition musicale rendue par un chef d’orchestre et comme toutes les compositions...

- Il faut contacter les branches internationales de Malsheem, aussi. J’ai du mal à croire qu’on a à faire à un premier rodéo. C’est trop millimétré, trop parfait. On a mis beaucoup trop de temps à voir l’ensemble pour que ça soit pas déjà arrivé.

J’enterre Kol et son image d’enfant et d’adulte au fond de ma tête sous le travail. Simone s’affaire à m’apaiser pendant que je lui demande de ne rien faire à l’égar de mon fils. Nous n’avons pas le temps.

-T’ai-je jamais fait défaut, mon vieil ami?
-Jamais, Elskan.

Je presse gentiment ses mains.

- Il n'y a rien que je ne t'entreprenne sans que tu ne le saches. Je n'ai jamais perdu Malsheem de vue et, ne t'en déplaise, ma volonté est moins poreuse que la tienne.

Je réponds à son sourire par un rire amusé et las.

-Comme à chaque fois, nous agirons sur un problème à la fois : en premier lieu, les “Ecchymoses” dues à Elehiel.

-J’essaierais de préparer un ou deux rituels, histoires de ne pas juste y aller pour constater qu’elles existent bien…

-Dans un deuxième temps, les renseignements sur Unseelie.

-Hmm… Il faudra lancer les pistes dès demain. Le temps que les informations nous reviennent, on aura très largement le temps de s’occuper des ecchymoses.

-Nous n'avons pas besoin de dispercer davantage les nôtres. Usons des forces vives de nos alliés. Approfondis tes liens avec les Sang-coureurs. Gagnons-les à nos intérêts communs. Après-tout, ils sont venus en Irlande pour endiguer la menace d'Unseelie très précisément. Leur devin n'a-t-il pas eu une "vision" ? Ils sauront bien mettre leurs petite haine des créatures de côté. Il serait peut-être également judicieux de sonder nos alliances possibles avec des sorciers.

Je m’étire en l’écoutant. Je craque de partout et hoche la tête.

-Oui, le fameux Selen, j’attends d’être en meilleur terme avec le beau-papa pour commencer à sonder tout ça… Je pense qu’il ne sera pas dur à convaincre. Il finira par en avoir marre de subir ce qui se passe et une alliance s’avèrera la meilleure chance qu’il aie d’affronter ce qu’il se passe… Pour les sorciers, figure toi que j’ai trouvé un siphon. Anton Virgo, le styliste? Il fait partie du Coven de Lilith…

J’ai un sourire amusé.

-J’l’ai grillé comme un débutant.

L’histoire m’amuse toujours autant et je pense qu’il serait prêt à plaider notre cause après des siens…

-Ne laissons pas la Brume venir à nous. Allons à la Brume…

Je me tourne lentement vers Simone pour découvrir ce sourire que j’aime tant, ce sourire de guerrière. Le mien s’ouvre un peu plus et je viens baiser les mains de ma belle Simone.

-Oh Madame, j’adore quand vous parlez comme ça.

J’avoue, j’ai très envie d’aller voir cette brume de l’intérieur depuis le début. Simone le sait. Elle a refréné mes ardeurs pendant des jours après mon retour. Visiblement, même Madame semble penser que la prudence n’est plus de mise et Monsieur est prêt à y aller. Ca… Je suis prêt de chez prêt.

-En attendant, tu vas me faire le plaisir de rentrer chez-toi, de dormir dans un vrai lit au moins trois jours d’affilée et de prendre un véritable bain.

J’éclate d’un rire sonore qui sonne la fin de la réunion et des tensions. Elle a raison, j’ai besoin d’un vrai lit et d’un vrai bain. La douche, c’est sympa mais j’ai besoin de repos et de détente.

-Ne lésine pas sur la mousse à raser, je crois que tu lui manques.
-Elle me manque aussi, pour être parfaitement honnête.
-J’appelle Ciulin pour y veiller, si tu veux ?
-Non t’inquiète, je vais passer lae chercher en rentrant, ça ira aussi vite.

Je me lève finalement et réunis mes affaires puis coupe mes ordinateurs avant de dire.

-Ca faisait longtemps qu’on nous avait pas donné du fil à retordre comme ça…

Et j’aime les challenges, ce n’est pas nouveau. Je souris à Madame.

-Ca m’aurait presque manqué.