Rien n’aurait pu préparer Anja à la cohue qui règne dans les bunkers. Mais bien vite, elle peut apprécier la mise en place d’une organisation efficace et professionnelle. Voir la façon dont opère Madame, l’aide beaucoup à comprendre quel genre de dirigeante elle est et comment fonctionne la vampire à la réputation étrange parmi les siens.

Excentrique diront certains, novateurs, s’exclameront d’autres, contre-nature avait jugé sa Mère en Ténèbres.

Anja réserve son jugement pour l’instant. La sorte de véganisme qu’elle a mis en place pour les vampires de sa cour intrigue la jeune femme, lui plait même, tout comme cette volonté de vivre en harmonie avec les autres, Humains et Créatures. Elle n’a jamais beaucoup apprécié les manières de sa Mère qui se sert d’humains-esclaves pour étancher sa soif.

En tous les cas, elle est consciente de son devoir. Elle est restée au chevet de Viggo le temps que celui-ci se rétablisse et lorsque la panique des premiers instants s’est complètement dissipée, Anja a décide qu’il est tant qu’elle présente ses respects à Madame en sa qualité d’ambassadrice non officielle. Mais ça elle ne le saura pas tant que les connexions avec l’extérieur ne seront pas rétablies.

Elle sait exactement où se rendre et s’apprête à frapper lorsqu’un homme imposant ouvre la porte. Il est tellement happé par ce qu’il se passe à l’intérieur de la pièce qu’il ne la voit pas tout de suite.
- Bye, draga. Je repasse plus tard.
Il referme la porte avant qu’Anja ait pu dire un mot et le sourire sur son visage se fige soudain pour devenir un masque de suspicion lorsqu’il remarque enfin sa présence. Le colossal vampire la toise de haut en bas en plissant les yeux comme s’il jugeait de la menace qu’elle représentait.
- C’est pourquoi ?
Malgré l’abrupte question sans aucune courtoisie, Anja ne se départie pas de son air poli et mesuré.
- Eh bien, je souhaite voir Madame Montespan.
- Si c’est pour d’autres emmerdes ou problèmes, pas aujourd’hui. Madame en a ras le tailleur. Nouveau regard suspicieux. Je vous ai encore jamais vu dans le coin.
- C’est le but précis de ma visite. Je venais de débarquer à Tir Na Nog quand…et bien lorsque l’Apocalypse m’a obligé à revoir mes plans.
- Qui sont ?
Elle sourit face à ce féroce chien de garde.
- Ecoutez, inutile de montrer les crocs, je ne cherche absolument pas les ennuis. Au contraire.

Le vampire a un reniflement qu’elle imagine sceptique. Elle le sent jeune mais non moins déterminé à protégé Madame. Dans d’autre circonstances, elle agirait sans doute de la même façon pour sa Mère. Est-il un Infant de Madame ? Elle allait rapidement devoir saisir les liens qui unissent les personnes qui gravitent dans les hautes sphères.
Ses pensées dérivent un instant vers le vampire aux airs de viking qui lui a semblé si familier quelques instants, dans ce centre commercial de toutes les horreurs. Est-il toujours debout ? Quelque part ?
Anja se secoue pour revenir à l'instant présent.

- Ok, consent finalement le vampire en retirant sa haute carrure de devant la porte. Mais si j’apprends que vous me l’avez stressée, je vous retrouverai, menace-t-il par-dessus son épaule en s’éloignant.
Anja ne peut s’empêcher d’afficher une grimace amusée.
Enfin, elle se tourne vers la porte et frappe, entendant de pouvoir entrer.
La pièce est plutôt vaste si on la compare aux autres, mais Anja n’a d’œil que pour la femme qui s’y trouve. Altière, élégante, capable, la mise impeccable... le genre de femme que l’on suit aisément les yeux fermés.
Cela n’empêche pas Anja d’avancer avec une assurance tranquille et une mine qu’elle espère amicale.
- Navrée de vous déranger, Madame. Votre…excellent garde du corps à laisser entendre que vous étiez très occupée mais il me semblait nécessaire de me présenter à vous et de vous remercier d’avoir soigner mon compagnon. Lui et moi venions tout droit de la Cour de Norvège avant que le Brouillard ne s’étende. Anja Almen, Infante de la Reine Inge de la cour d’Oslo.  

La poussière retombe.
Unseelie a gagné cette bataille, pas la guerre. En témoigne le nombre de vies sauvées par Malsheem et ses bunkers. Comme elle voudrait pouvoir dire à Asmodée que son oeuvre a été menée à bien, qu'ils ont réussi en grande partie à mettre la population à l'abri. Sans lui, Amon ou Salomon, Madame se sent démunie de ses précieux compagnons d'armes. Elle aurait bien besoin de leur relais d'autorité pour gérer le marasme organisationnel de ces refuges. Répartir la population, soigner les blessés, rassurer les humains déboussolés, répondre aux questions... Elle est épuisée.
Heureusement, Bertus est là pour lui rappeler de respirer. Ils ont beau ne pas avoir de poumons, sa présence est toujours une bouffée d'air frais dont elle a amplement besoin. Sans doute est-ce la raison pour laquelle elle reste pendue à sa bouche pendant ces quarts d'heure volés à la folie de son emploi du temps. Elle échange une pluie de baisers sur ses lèvres, avant de le laisser s'échapper.

- Je t'aime*.
Simone écrase la cigarette qu'ils viennent de consommer à deux et libère ses genoux pour se rasseoir à son bureau.
- Bye, draga. Je repasse plus tard.
- A plus tard, mon coeur.*

Madame s'absorbe à nouveau dans les dossiers de regroupements familiaux. Un pur casse-tête. On frappe à sa porte et elle intime à la personne d'entrer. Une vampire blonde au sourire étudié. Ah. L'étrangère. Celle qui perturbe le fils d'Asmodée. Simone ne laisse rien paraitre de sa curiosité.

- Navrée de vous déranger, Madame.
- Vous ne me dérangez pas, Asseyez-vous je vous en prie. Simone arbore son sourire de Joconde difficilement déchiffrable.
- Votre…excellent garde du corps à laisser entendre que vous étiez très occupée mais il me semblait nécessaire de me présenter à vous et de vous remercier d’avoir soigner mon compagnon.

Le sourire de la vampire se fait plus amusé et sincère.

- Il excelle à me préserver, effectivement. Comme se remet votre ami ? Les blessures solaires sont complexes à soigner.
- Lui et moi venions tout droit de la Cour de Norvège avant que le Brouillard ne s’étende. Anja Almen, Infante de la Reine Inge de la cour d’Oslo.  
- Enchantée, Anja. Simone Montespan, Reine de la cour de Tir Na Nog, si ce titre a réellement une valeur. Rire feutré. Comment se porte cette chère Inge ? Je suis surprise qu'elle m'envoie des diplomates. Elle a toujours refusé de me recevoir lorsque je séjournais en Islande. Je ne la connais pas personnellement mais ma mère-en-ténèbres a fréquenté votre cour un temps : la Comtesse Isidora Rossakov. Cela vous dit quelque chose ?

Anja s’assoit obligeamment en face de Madame. Elle ne peut s’empêcher de comparer cette femme à sa propre mère. Quand bien même celle-ci est sans nul doute bien plus âgée, elles dégagent toutes deux quelque chose de l’ordre du royal, une prestance imposée sans doute par leur fonction de dirigeante qu’Anja n’a jamais eu et n’a jamais voulu. Elle reste une excellente agente néanmoins, de celle qui agit dans l’ombre  
- Il excelle à me préserver, effectivement.
- J’ai pu le constater. Un homme charmant.
- Comme se remet votre ami ? Les blessures solaires sont complexes à soigner.
- Bien mieux que l’on pouvait l’espérer. Viggo est un homme…têtu. Mourir une deuxième fois n’est pas dans ses plans.

Elle laisse échapper un petit sourire attendri. Il a beau être impossible, Viggo reste un compagnon loyal et fiable. Exactement ce dont elle a besoin dans cette ville qui est en train de s’effondrer sur elle-même.

- Lui et moi venions tout droit de la Cour de Norvège avant que le Brouillard ne s’étende. Anja Almen, Infante de la Reine Inge de la cour d’Oslo.  
- Enchantée, Anja. Simone Montespan, Reine de la cour de Tir Na Nog, si ce titre a réellement une valeur.
Anja accompagne le petit rire de Madame d’un retroussement de lèvres.
- Je crois bien que non. Mais nous autres, vampires, aimons les traditions, n’est-ce pas ? Et une Reine sans royaume, reste une Reine. Je vous remercie de nous laisser séjourner dans ses installations qui n’avaient certainement pas prévu deux vampires de plus.
- Comment se porte cette chère Inge ?
- On ne peut mieux.
Bien que de plus en plus paranoïaque. Persuadée que l'on en veut à son cher trône.
- Je suis surprise qu'elle m'envoie des diplomates. Elle a toujours refusé de me recevoir lorsque je séjournais en Islande.

Anja a un début de grimace qu’elle réprime tout en sachant qu’elle vient de livrer une information qu’elle n’avait pas prévu de donner. Mais la situation actuelle n’a rien d’ordinaire si elle a bien saisi les informations glanées ici et là, toute communication avec l’extérieure a été rompue.

- Je suis navrée qu’elle se soit montrée si fermée. Elle briguait à l’époque la cour de Norvège et se montrait… excessivement prudente. Court silence. Elle ne m’a pas… vraiment envoyée ici. Je suis à Tir Na Nog de ma propre initiative. Les rumeurs qui courraient sur la ville étant toutes plus folles les unes que les autres et a titillé ma curiosité et mon inquiétude. Ma mère refuse de se mêler à tout cela, considérant que les problèmes de l’Irlande appartiennent aux Irlandais. Je… ne suis pas d’accord avec elle. Notre chère Reine a … une certaine tendance à l’autarcie qui n’est plus envisageable dans le monde dans lequel nous vivons.

Il s’agit là bien de la première fois qu’elle ose aller contre les ordres de sa Mère en Ténèbres. Sans doute bien plus à cause de la dimension personnelle que représentait cette curiosité.

- Je ne la connais pas personnellement mais ma mère-en-ténèbres a fréquenté votre cour un temps : la Comtesse Isidora Rossakov. Cela vous dit quelque chose ?

Anja cherche dans sa mémoire et comme à chaque fois qu’elle tente de faire appel à un souvenir, même récent, son crâne se met à pulser douloureusement. Deux doigts viennent inconsciemment masser sa tempe.

- Oui. Je crois me souvenir d’un bref séjour. Une belle femme, rousse il me semble et … intéressante.

Frivole et prenant tout à la légère. Anja l’avait instantanément prise en grippe sans réelle raison qu’une mauvaise intuition. Maintenant que les présentations étaient faites et le protocole respecté, Anja se sent plus fébrile. Mais elle n’a jamais aimé tourner autour du pot.

- Je sais bien que je ne suis qu’une étrangère et que vous ne me devez rien. Toutefois… j’ai une requête à vous faire. Bien qu’à peine arrivée dans votre ville, j’ai compris que ce qui a provoqué le brouillard s’était alliée à un groupe de … terroristes. Ceux-là même que nous avons affronté dans le centre commercial, j’imagine. Je sais que vous en avez capturé quelques-uns. Dont un vampire… Kolbeinn je crois. Non elle sait parfaitement. Je sais que vous le considérez comme dangereux. Mais… il m’a sauvé par deux fois ce fameux jour et… j’aimerais comprendre pourquoi et donc… lui parler.