La forêt se reveille! Elle le sent dans chaque centimètres carrés de son être. Les corolles qui s'ouvrent en chantant. Les petits bruissements de l'air entre les feuilles. la respiration des arbres qui s'agite. Les couinements des petits prédateurs qui s'étirent long et fort avant de partir trottiner dans la forêt.
Ses amis, les oiseaux de jours, qui se mettent à chanter et à se répondre. Ca discute, ça papote et ça répond par écho.
Trille ouvre de grand yeux et s'étire, son pelage roux de renard bruissent et se meut. Il change pour devenir une peau blanche avant de se couvrir d'écaille. Une fois qu'elle a finit son étirement, c'est une petite fée au pelage clair, si clair qu'on dirait de la peau blanche. Il n'y a que dans ses cheveux, où vivent quelques lianes de lierres et sur ses pomettes où se sont invité quelques plumes colorés de canard qu'on constate qu'elle n'est pas humaine. Au moins de loin.
La petite porte des vêtements qui la laisse libre de ses mouvements, elle n'aime pas tout ce tissus, ça tire, ça coince et elle a sa fourrure.
Elle glisse le long de son arbre sous le bruissement amusé de l'arbre qu'elle chatouille puis file à travers l'air pour reveiller les dormeurs.
Elle fait le tour de son domaine. Elle ne sait pas grand chose sur le monde mais son domaine, elle le connait par coeur. Elle en a le gardiennage et elle prend sa tache très au sérieux. Elle aime tout ce qui s'y trouve. Elle aime, aime aime chaque centimètres carrés, chaque touffes de mousse, chaque petite brindille, chaque insecte.

Alors qu'elle joue avec un petit crapaud en croassant avec lui, elle aperçoit un Numain. Le Numain court et court vite.
Les yeux de Trille deviennent ceux d'un félin, des moustaches poussent soudainement et elle s'élance à tire d'aile pour faire la course avec le Numain. Elle est verte, aussi verte que les feuilles. Elle est JOYEUSE! Elle pépie et rit et tournoie et fait des galipettes dans l'air.
Elle est contente de faire la course avec le Numain.

Godasses attachées. Mitaines serrées. Oreillettes mains-libres, parées.
Je dénoue mes épaules, roulis régulier des muscles sous le sweater.
Étirements. Ligaments qui chauffent et s'assouplissent.
Inspiration.
Il est 4h30 du mat'.
Expiration.
J'ai pas bu, ni baisé depuis une semaine.
Inspiration.
Puisque c'est là, mes points de fuites.
Expiration.
Autant, me barrer la route.

Craquements dans la nuque. Gauche, droite. Reniflement.

ON.

Le son déferle en vagues rythmées, sèches. Des mandales. Je trace la route comme un lévrier. Foulée qui se décuplent, amples. Chaque morsure de mes semelles sur le sol soulève une volée de terre et de feuilles mortes. Je gagne en vitesse, en puissance aussi. Le paysage défile, dilué. J'accueille la sueur de mon corps à l'effort comme une bénédiction.

Et si je compliquais le parcours ?

Brusque déviation. J'emprunte un sentier qui bientôt disparaît sous les branchages et les reliefs accidentés. Je sautille entre les racines, puis, avisant un large tronc, je prends mon élan pour un faire un bon. Je prends appui sur l'écorce.
Vrille acrobatique.
Réception.
Roulade.
Ruade pour revenir sur mes pieds.
Je repars à l'assaut du tronc mais cette fois, je pousse vers les hauteurs. J'attrape une branche à deux mains. Grimace. Douleurs logique dans les bras, mais les tendons résistent.

Ne pas s'arrêter.
Ne pas penser.
Comme à la bonne époque.

J’enchaîne en me la jouant Tarzan, balancement de branche en branche, traction par traction. Puis ça me pique de grimper jusqu’au sommet de cet énorme chêne centenaire. Une fois à la cîme, la vue me coupe la chique. J’interromps le morceau qui joue en boucle sur mon téléphone et je contemple ruisselant et souriant, la forêt qui s'en bat les bulbes de la quarantaine.

J'aimerais être comme elle.

Trille caracolle et fait la course. Elle reproduit et suis le parcours du Numain. Elle se demande bien pourquoi il ne l'entend pas mais c'est beaucoup plus marrant de jouer à s'accrocher au branches!
Elle le suit sans aucune difficulté, tantôt courant, tantôt volant. Elle tournoie, fait des saltos, rit aux éclats. Il est fort le Numain, il monte, monte, monte avec ses bras. Alors, elle monte, monte, monte avec les siens, dans un arbre pas loin. Griffes sortie comme un chat. L'arbre rouspète un peu alors elle opte pour une approche moins douloureuse. Elle grimpe et grimpe aussi jusqu'à arrivé à la cime des arbres et elle voit le Numain s'émerveiller devant sa forêt! Celle qu'elle garde! Et elle est toute contente!
Elle pépie de plus belle à trente bons centimètre de la cime des arbre. Elle circonvolue autour du Numain en chantant comme un oiseau.

Hein qu'elle est belle ma forêt! Hein qu'elle est jolie,gentille,belle et heureuse!

Elle finit par faire face au Numain un grand sourire plein de dents de chat, des yeux de félins bleus azur. Sa belle couleur verte, ondoie au gré du vent.
Elle ne porte pas grand chose. Cocöon lui fait de joli tenues mais elle boude quand y a trop de tissus. Elle aime bien celui là, c'est tout doux contre sa peau.
Elle volette et tressaute devant le Numain.

Moi, c'est Trille! Trille Numain! Trille! Tu joues encore? Dis? Tu joues?

Immense inspiration. Mes poumons se gorgent de cette nature sauvage et mystérieuses. J'en viens même à croire que la cigarette a cessé de saloper ses alvéoles. Ça me fait rire comme un con, de m'acheter une nouvelle virginité avec un petit jogging et une semaine de purge.

Si c'était si facile...

Pas de mauvais esprit. Je savoure cet instant de joie simple dans l'effort. Bordel, ça fait tant de bien ! Visiblement, je ne suis pas la seule emballée par le spectacle. Y'a un oiseau sous coc' qui piaille comme un mec beurré dans la rue de la soif un samedi soir, juste dans les branches du dessous.

- Ben écoute, vis ta meilleure vie j'ai envie d'te dire...

Brusquement un truc fait irruption devant moi. Je dis bien "un truc" parce que je suis incapable d'identifier le machin. Je manque de me casser la gueule et de dévaler la hauteur façon toon tragique. Sauf qu'en bout de course ce sera de la bouille d'os qu'il y aura !

Et j'aurais l'air con ,
avec mes bonnes résolutions !

Heureusement pour ma gueule, j'ai de bons réflexes et je me rattrape tant mien que mal. Enlaçant le tronc de mes bras, je fixe mon regard sur la bestiole humanoïde et poilue. C’est ELLE qui pépie comme une dératée.
Je n'ai jamais observé pareille créature de ma vie ! On dirait une fillette avec du pelage blanc, un peu miroitant, à moins que ce ne soit de la peau. Ses yeux bleus sont aussi cristallins que ceux d'Ass. Elle a l'air diablement excitée de me voir.

- Euh.. Salut ? T'es quoi au juste, hein ?

Est-ce que j'ai un peu trop forcé sur le sport au point de m'évanouir ou d'halluciner ?

La petite fée a enfin l'attention du Numain et ça, ça la rend heureuse. Elle applaudit à deux mains quand il fait semblant de vouloir tomber! Elle tournoie sur elle-même en riant. Le Numain ressemble à un petit singe, accroché comme ça sur son arbre.

-Euh... Salut?
Bonjour! Bonjour Numain!
-T'es quoi au juste, hein ?

Trille fait apparaître deux petites ailes de papillons dans son dos en pépiant d'autant plus. Une fae! Un fae! Numain! C'est ce que dit Cocöon!
Elle l'observe avec l'envie de courir encore comme une folle alors elle file dans les airs, fait un grand cercle et un grand huit avant de revenir au Numain. Allez quoi! Tu viens? Viens jouer! Viens jouer, je vais te montrer d'autres endroits beaux de ma forêt.
Elle plonge dans la cime des arbres, fait bouger toute les feuilles pour réapparaître et se glisser en ronronnant sur le dos du Numain. Elle lui lèche la joue et pépie à nouveau. Elle montre un point indéterminé du doigt et s'agite sur le dos de Ciulin. Là-bas! Là-bas! Tu vas voir!

La Gosse -je n'ai pas d'autre mot- virevolte et chavire en lévitant dans les airs. J'ai un peu l'impression de voir Leviathan sous cocaïne qui se prend pour un piaf. Lorsqu'elle fait apparaître une paire d'ailes insectoïdes et chatoyantes dans son dos, je sen bien la sève de l'angoisse me grimper le long des tripes. Unseelie.  Pourtant, il n'émane pas de la Gosse cette impression toxique et pesante, ce malaise suintant qui t'empêche de respirer, qui oppresse. La Gosse est fraîche comme une bruine de printemps, joyeuse et sans doute un peu écervelée. Visiblement ma présence la rend positivement dingue.

Je fais souvent cet effet.

Mon instinct me dicte de faire confiance à la Gosse (à la fée ?). D'autant qu'elle lui rappelle, d'une certaine manière, les créature croisées en Islande : essence pure de nature et d'imaginaire.

- T'es.. une fée ? Je crois que j'ai bon vu ses pépiements extatiques.

Je reçois brusquement une pluie de feuilles sur la gueule et une petite langue râpeuse de félin -ou d'écureuil ?- vient m'asticoter la joue.

- A.. Aahahah! Arrête tu me chatouilles ! Ok ! Ok ! J'ai bien deviné ! Elle me pointe brusquement une direction du doigt et je suis son indication vers un point indéterminé dans l'opacité des feuillages. Tu.. veux qu'on aille là bas ? Pourquoi pas. Je m'autorise à lui  ébouriffer les cheveux comme on flatte l’encolure d'un petit animal adorable. Vas-y, emmène moi, mais chais pas voler, je te préviens !

Le Numain est gentil. Elle l'aime bien. Il est rigolo le Numain. Il a l'air tout perdu et il est dans les branches et il fait le petit singe et il a pas peur d'elle. Et ça, ça la ravit au-dela des mots.

-T'es.. une fée?

La petite fée s'agite et pépie de plus belle. OUI! Oui! Numain! C'est ça! UNE FAE! Une fae et toi tu es un Numain! Un gentil Numain!

Trille est extatique. Le vert de son pelage s'intensifie en conséquence et se pare des couleurs du soleil. Ses pupilles félines, dilatés à l'extrême comme un chat joueur cherche ceux du Numain. Elle veut l'emmener voir un endroit qu'elle adore parce qu'elle est sûre que ça lui plaira.

-Tu.. veux qu'on aille là bas ?

Oui! Oui! Numain! Dans ma forêt! Là où c'est plus joli et que c'est rigolo et qu'on peut courir dans la terre et dans l'eau!

Le Numain lui ébouriffe les cheveux et, joueuse, Trille s'envole, plonge pour réapparaitre soudainement et lui booper le nez d'un petit coup de patte.

-Pourquoi pas.

Elle réapparait dans les airs, bras et jambes propulsés dans les airs. Elle exulte littéralement. Le Numain est un gentil Numain et le Numain est son AMI! Comme Cocöon!

-Vas-y, emmène moi, mais chais pas voler, je te préviens !

Trille se fige et observe le Numain avec l'expression sérieuse d'un enfant tentant de reproduire la concentration sans parfaitement réussir se prodige. Elle finit par tendre le plat de ses mains face au visage du Numain et souffle, souffle, souuuuuuffle sur ses paumes. Une nuée de petites particules scintillantes et dansante sont propulsées vers le visage du Numain.
Trille a un hochement de tête satisfaite et sans plus d'explication, un grand sourire sur sa frimousse, tire sur le bras du Numain. le déséquilibre.... Et.... il ne tombe pas. Le Numain flotte, gigote de droite à gauche.

Ca fait rire Trille. Elle s'envole à son tour, sa main dans celle du Numain et l'entraine droit devant. Elle lui fait faire des petits loopings et s'amuse avec les courants d'air.

Il y a un froissement presque imperceptible dans la matière alors qu'ils entrent dans un coin replié de l'espace. Un endroit qui est là, mais juste assez là pour être presque invisible.
Une gigantesque cascade se dresse, féérique, avec sa forêt d'un vert irréel, parcouru de champignons de taille disproportionnés et son eau irisée et miroitante. Elle fait descendre le petit convoi et, de l'intérieur des arbres, des petits êtres sortent, les observent et font cliqueter leur petites têtes de bois. Trille passe proche d'eux, à tel point que certains s'accrochent au Numain et à elle. Ils se courent après sur le fée et le Numain, font du surf, des montagnes russes, leur petits bras en l'air.
Elle se pose et pépie de plus belle.

Tu vois! C'est ma forêt! Elle est tellement belle, hein! Hein qu'elle est belle ma forêt!