Ca fait tellement longtemps que j'ai pas gardé d'enfants.
Probablement depuis que j'ai quitté les Avalon's Girl.
J'ai rangé le chalet et j'ai préparé un petit coin pour que la petite Sizreis puisse dormir tranquillement.
J'ai pas vu Kaelig depuis quelques jours, j'ai cru comprendre qu'il se passait des choses de son coté. J'ai mes p'tits messages. Enzo est en tournée ou en tournage, je sais plus bien... Du coup, bah, j'préfère encore être dans le chalet. C'est plus agréable pour bosser et aussi pour s’entraîner.
En attendant, la petite est dans mes bras, toute en fleurs et en rires. Je m'amuse à lui faire de grandes grimaces comiques, posée sur le canapé confortable. Je tire la langue, je fais le poisson, je fais des petits bruits rigolos. La petite a l'air de bien s'amuser. Moi aussi.
J'aime bien les gamins, c'est toujours rigolo.
Je la laisse attraper mes vêtements, dégage doucement mes créoles de ses mains histoire de ne pas me faire arracher le lobe malencontreusement. Oui, oui, je cicatrise à la vitesse de l'éclair, maintenant mais bon.
Au dehors, j'entends une voiture qui se gare. Gros moteur, pas un tas de boue. A mon stade, ça peut être n'importe qui. Kaelig, Asmo, Ciulin ou même Salomon et Dysdérie qui viennent chercher la petite. Ca pourrait même être Gontrand, de ce que je sache.

-On a un invité. La chance. j'espère qu'il a des pizzas.

Je rigole en la regardant crapahuter à quatres pattes. Quand la porte s'ouvre, je récupère la petite boule d'énergie et de fleurs.

-Hop là! Tu viens, on va dire bonjour?

J'ai une putain de gueule de bois.

Je me suis réveillé, bavant sur le torse d'Asmodée, limite en train de lui téter son col amidonné. Lui, en revanche, avait l'air frais comme un gardon avec sa tronche goguenarde. Visiblement, j'ai une gueule impayable quand je pionce après une cuite.
Les souvenirs de la veille sont confus. J'ai bu, pleuré, bu, encore pleuré et j'ai l'image assez nette et humiliante de moi en train de le renifler comme une marguerite, tout en lui baragouinant des "tu sens trop bon" en boucle.
Loin d'être le fragment le plus glorieux de mon existence.

Je ne sais pas où il m'emmène, là, dans son 4x4 dernier cri. J'ai pas posé de questions. Une paire de lunettes de soleil sur le pif pour cacher mes cernes et mes yeux rougis, j'ai le front collé à la vitre et les godasses sur le panneau conducteur. J'ai plus la gerbe mais le sentiment qu'une boule de bowling rebondit sur les parois de mon crâne dès que j'ai le malheur de bouger.
On s'engouffre en pleine forêt. Ass a tenu à faire un crochet par le super marché pour faire quelques courses. Je suis resté comme un clebs dans la bagnole, la langue pendante en moins.

On se retrouve bientôt au milieu de nulle part, sous des kilomètres de canopée obscure. Et là, telle une maisonnette de sorcière de conte, se tient un charmant petit cottage qui tient du chalet de bûcheron, le côté rustre en moins. Ass coupe le moteur et sort de la caisse.

- Où s'qu'on est ?

Je l'imite, en slow motion, en me grattant le crâne. Par réflexe, je tire une clope de mon paquet et farfouille dans mes poches à la recherche du briquet qui va avec. Et là, qui c'est que je vois apparaître devant moi?.... Belle-maman ! Une fraise tagada dans un océan de verdure !

- Eliiiiiie! Je lui claque une bise sonore et joviale. Je kiffe cette meuf d'amour vrai. Qu'est-ce que tu fous dans c'trou paumé ? Et c'est qui ça ? Je montre  la gosse dans ses bras du menton. Tu m'as déjà pondu une frangine ?

Brusquement, la gosse produit un drôle de bruissement et de sa barboteuse sortent un tas de tiges et de fleurs carnivore prêtes à me croquer le museau. J'ai un mouvement de recul effrayé.

- Bordel! C'est quoi ça ?

Je sais pas combien de temps Ciulin a ronflé mais honnêtement, j'ai tout d'enregistrer sur mon téléphone, ça et mes rires etouffés en prime, c'était incroyablement drôle. Iel s'est reveillé.e dans un état second, le cerveau collé au fond des chaussettes, une haleine d'éboueur et des pupilles prêtes pour le fond des caves.
La cuite, cette enemie redoutable. Après les émotions de la veille, je me dis qu'il serait plutôt productif d'introduire un peu de douceur dans la vie de Ciulin et de l'emmener voir Elie, dans le fin fond de sa forêt. Parce qu'elle habite un chalet à mi-temps, apparemment.
J'ai pas encore compris le système, j'ai comme l'impression que y  a un chouïa de planque à amoureux et aussi une bonne retraite de tous les soucis qu'elle peut avoir.
Ça tombe bien, Ciulin aussi a besoin de ça.
Je l'embarque en voiture et comme j'ai dans l'idée que c'est pas prévu pour recevoir des gens, j'vais faire quelques courses. Trois fois rien : à manger, à boire, une babiole décorative genre un plaid à motif rustico-décoratif.
On roule un moment dans la forêt avant que je m'arrête devant la cabane qu'on m'a indiqué. Plutôt cosy. Assez grand, comparé à ce que j'avais compris. Six fois plus grand que tout ce qu'à connu Elie de salubre, en tout cas. Ca me met le sourire.

-Où s'qu'on est?
-Tu vas voir.

Que je lance en récupérant les courses.

La porte ouvre et ça manque pas.

***

**Elehiel**

-Eliiiiiie!

Y a un Ciulin sauvage qui me saute dessus et qui me claque la bise. Je ris en lançant.

-Ciuliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin!

Asmodée arrive derrière en souriant.

-Salut. Bah dis donc, ça change de chez Enzo, hein?
-Hey Asmo! Grave! Mais j'aime bien.
-Qu'est-ce que tu fous dans c'trou paumé ?
-C'est ton père qu'a acheté ça! C'est cool, hein?
-Et c'est qui ça ?
-Sizreis!
-Ca fait un choc, dis donc!
-Tu m'as déjà pondu une frangine?
-Soyez pas cons tout les deux! J-

Y a une erruption de fleurs carnivores et je cligne des yeux. Je regarde la petite en  la berçant et en calinant les petites fleurs.

-Bordel! C'est quoi ça?

-Ca va, c'est ma famille. Ca, c'est Ciulin. Iel a plein de tatouage de chardons, presque comme toi! Et ça c'est Asmodée, c'est le grand frère de Salomon et c'est mon oncle!

Asmodée regarde la petite et lui tire la langue avant de lui lancer un clin d'oeil. Il détaille les grosses fleurs et lance.

-Tu joues les babysitter à mandragore toi?
-Ouais! Dysdérie m'a demandé de la garder quelques heures.
-Ooooh, c'est pour ça que Simone m'a dit qu'elle prenait sa journée...

-Probable!

Je réalise soudainement qu'on est toujours sur le pas de la porte. Je m'écarte.


-Hey mais rentrez! On a pas besoin d'être dehors.

Asmodée rentre et siffle un peu. La décoration est chaleureuse même si elle est pas terminée. Elle est dans les tons chauds. La chambre, à l'étage n'est pas complètement fermée et les plafond du salon sont couverts de guirlandes lumineuses. La petite dans mes bras gigote.

-Joli!

-Merci! On a pas fini encore mais ça prend forme. Et j'ai enfin un vrai atelier! si c'est pas la classe!

Je ferme la porte et pose la petite au sol pour la laisser s'amuser sur le tapis. Je la garde à l'oeil évidemment cependant... Je chourre les lunettes de Ciulin et hausse un sourcils.

-Eh beh! Ca va, choupi?

Asmodée s'écarte un peu après avoir poser un baiser sur le front de Ciulin. Moi, j'ai glissé ma main dans la sienne.

-J'ai ramené des trucs. Vous avez un frigo.

-Ouais, la cuisine est derrière, ferme la porte derrière toi. Sizreïs se faufile super vite et c'est une dalleuse.
-Ok!

Il s'éclipse comme il sait si bien faire et je surveille la petite qui s'amuse follement avec une peluche que j'avais oublié que j'avais gagné y a un long moment de ça. J'attire Ciulin sur le canapé.


-Alors, raconte moi.


J'attrape la peluche quand les petite fleurs carnivores commencent à tenter de la grignotter.


-Oula, non! Choupette! Ca s'mange pas ça.

Le petit machin qui gazouille et qui claque de toutes ses mâchoires semblent écouter pleinement les explications d'Elie. Je pense qu'elle y pine que dalle mais au moins ses fleurs se détournent pour cajoler la silhouette de sa nounou. Je hausse un sourcil en me disant que la maternité irait plutôt bien à "Belle-Maman".

- Tu joues les babysitter à mandragore toi?
- C'quoi une mandragore?
- Ouais! Dysdérie m'a demandé de la garder quelques heures.
- Qui est Dysderie ?
- Ooooh, c'est pour ça que Simone m'a dit qu'elle prenait sa journée...
- Simone prends des congés ????!!! On est si proche que ça de l'Apocalypse et personne m'a rien dit ?
- Probable!

Tout ça ne répond pas à mes questions et j'ai la nette impression que la gosse me fixe en se foutant de ma gueule. Je lui tire la langue pour la peine. Elle rigole. Je le savais ! Petite saloperie en couches-culottes.
La baraque a de la gueule. Je reconnais bien là les goûts du Pater : pierres apparentes et poutres de bois brut vont bien avec ses chemises en flanelle. Mais il y a également quelques touches d'Elehiel qui font que l'ensemble de sonne pas vieux et rustique mais, chaleureux et agréable.
J'ai le nez en l'air quand on me chaparde mes Ray-ban.

- Heeey...
- Eh beh! Ça va, choupi?
- ... Joker ?

On me plante un bécot sur le front, on me prend par la main et soudain je suis sur un canapé moelleux avec une gosse qui batifole entre mes guibolles et une Elie qui me regarde avec toute la commisération du monde au fond des yeux. Ass, lui, s'est éclipsé comme un saligaud, me laissant seul face au regard inquisiteur d'une amie.
Échecs et mat.

- Alors, raconte moi.
- Qu'est-ce tu veux que j'te raconte... J'ai fait d'la merde comme d'hab'.

Vaste soupir.
On pourrait ravager tout le continent avec.

- J'ai failli faire "un break" hier avec ton tonton, ma belle. J'en suis là de stupidité. J'me fatigue...

Sizreïs ouvre soudainement toutes ses corolles pour les refermer sur un ours en peluche qu'Elie a juste le temps de lui soustraire avant qu'elle ne déchiquette le jouet. Ce marmot me colle de suées.

- Oula, non! Choupette! Ca s'mange pas ça.
- Meuf, elle fait ses dents là... Elle a besoin de foutre des trucs à la bouche.... que je m'entends dire. Cristian suçait mes grolles. Il avait un délire avec les lacets... J'ai jamais compris.

Pour m'occuper les mains, j'attrape la petiote et la pose sur mes genoux. Je lui tends mon bras et une multitude de petites bouches viennent mordiller le cuir de mon blouson.

- Faut que ça se fasse....

Silence.

- Ass pense que je suis dépressive. Il veut que j'vois un thérapeute....

Je fais une sale grimace.

- J'ai pas spécialement envie, vois-tu...

- Qu'est-ce tu veux que j'te raconte... J'ai fait d'la merde comme d'hab'.
-Comment ça?

Le soupire en dit long et je me roule en boule sur le canapé pour écouter Ciulin qui a l'air d'en avoir gros sur la patate.

-J'ai failli faire "un break avec ton tonton, ma belle. J'en suis là de stupidité. j'me fatigue...
-Mais non! T'es pas stupide...

Et là, Sizreis commence à machouiller. Donc je sauver la peluche.

-Meuf, elle fait ses dents là.
-Ooooh.... J'ai gardé des gamins mais j't'avoue j'tatonne un peu sur certains trucs.
-Elle a besoin de foutre des trucs à la bouche.. Cristian suçait mes grolles. il avait un truc avec les lacets... J'ai jamais compris.
-Bah, chai pas, c'est super apaisant de machouiller des lacets.

Je laisse Ciulin récupérer Sizreis, la petiote s'attaque au cuir de Ciulin avec un enthousiasme débordant.

-Faut que ça se fasse....
-ok. J'dois avoir des stimtoys au pire, si tu veux pas te faire boulotter le perfecto.

Je vais farfouiller dans un tiroir et sort  un collier à mordiller que j'ai pas encore utilisé. De l'avantage d'avoir de la thune, j'peux le dépenser dans des trucs pour mieux vivre, c'est fou.

-Ass pense que je suis dépressive. Il veut que j'vois un thérapeute...
-Oh...

Décidément, les deux tontons flingueurs sont sur la même longueur d'ondes...

-J'ai pas spécialement envie, vois-tu...
-Ok... Pourquoi t'as pas spécialement envie d'essayer?

Je tends le stimtoy à la petite qui semble le bouder royalement. Bon. Ok, échec critique pour le moment. Je le laisse pas loin, histoire qu'elle puisse l'attraper si jamais ça finissait par l'intérésser. Je réfléchis à ce que me dit Ciulin et je finis par dire.

-... Tu sais... Kaelig m'a demandé de me faire aider aussi... Depuis que j'suis revenue de l'enfer, c'est... compliqué...

Mes mains tracent les dessins de mes cicatrices, j'arrête quand je capte ce que je suis en train de faire.

-Et...Honnêtement... Ciulin, toi et moi, on va pas bien... On passe notre temps à encaisser toute la merde environnante. On a fait les putes suffisamment longtemps et dans des endroits suffisamment douteux pour avoir des séquelles... C'est ok. J'pense que t'es pas stupide, j'pense que tu paniques souvent quand t'es confronté à des trucs et que la stabilité, t'essaie de la saborder parce que faudrait pas s'habituer quoi... Qu'est-ce qui se passe le jour où ça s'arrête? Parce que ça va forcément s'arrêter.

Je soupire un peu.

-C'que j'veux dire... C'est... tu crains rien à essayer... Ca fait pas de toi quelqu'un de moins fréquentable et, en vrai, parler à un psy - quand c'est pas dans un hôpital - c'est pas si mal. Ca aide des fois à démêler tout le bordel qu'on a dans la tête. Et je sais que dans ta famille, la maladie mentale, c'est un peu le gros tabou à cause de Lavinia... Mais c'est pas du tout le même délire. T'as juste besoin d'un coup de pouce pour y voir plus clair, t'es pas dans une grosse neuro-atypie.

Je pose la main sur le visage de Ciulin.

-Je sais que tu flippes. honnêtement, j'suis pas plus rassurée mais... En vrai, ça va quand même un peu mieux depuis que j'ai essayé. Après si c'est pas ton truc et que ça t'apporte rien de positif, bah on s'en fiche arrête.


Je hausse les épaules. J'arrive pas à croire que je prône le bénéfice d'une thérapie alors que j'suis pas foutue de rentrer dans une salle de médecin sans faire une crise d'angoisse...

-Mais on vit pas les vies qu'on a vécu sans garder des séquelles et c'est pas des séquelles qui se referment en faisant comme si elles étaient pas là et en les confrontant jamais.

Je souris avant de dire.

-Et Asmo est un p'tit con, j'vois exactement comment tu pourrais vouloir faire un break. Genre... Parce qu'il écoute aux portes


Je suis sûre à  200% qu'Asmodée est tranquillement en train d'attendre dans la cuisine en jouant sur son portable pour nous laisser discuter... Le p'tit filou. Mais je tiens à donner une porte de sortie à Ciulin si jamais la conversation lea mettrait vraiment dans le mal. C'est pas mon but.

-Ok... Pourquoi t'as pas spécialement envie d'essayer?

Ricanement grinçant.

- J'ai pas envie qu'on découvre qu'chuis tarée et qu'on m'interne comme ma reum : dans un chambre capitonnée et scellée magiquement.
-... Tu sais... Kaelig m'a demandé de me faire aider aussi...
- C'est lui qu'aurait besoin d'un psy, pas toi...
- Depuis que j'suis revenue de l'enfer, c'est... compliqué...
- Ouais.. Ouais ça, j'veux bien te croire...
- Et...Honnêtement... Ciulin, toi et moi, on va pas bien... On passe notre temps à encaisser toute la merde environnante. On a fait les putes suffisamment longtemps et dans des endroits suffisamment douteux pour avoir des séquelles... C'est ok. J'pense que t'es pas stupide, j'pense que tu paniques souvent quand t'es confronté à des trucs et que la stabilité, t'essaie de la saborder parce que faudrait pas s'habituer quoi... Qu'est-ce qui se passe le jour où ça s'arrête? Parce que ça va forcément s'arrêter.

J'ouvre la bouche pour répliquer quelque chose, mais rien ne sort. On reste muet face à la vérité brute. Mon sugar daddy vampirique, mon coach, Shiobhan, Antoine...

- L'expérience m'a pas prouvé l'contraire... J'ai fini par prendre les d'vants avant que ça pique. Je triture une des tiges de Sizréïs. En vrai...A chaque fois j'ai espéré qu'on m'retienne.... Mais les gens ont pas envie d'être testés sans arrêt. Chuis déjà en train de perdre Vesper et un jour Asmo finira par m'abandonner parce qu'j'l'aurais trop usé...

Elie essaie de me faire valoir les bienfaits d'une thérapie. Je suis estomaquée que ce discours sortent de sa bouche.C'est dans ce genre de moment que je mesure que dans ce couple chelou, ce n’est pas seulement elle qui a de l'influence sur mon père, l'inverse est tout aussi valable.

- Ouais... T'as p'têt raison.
- Et Asmo est un p'tit con, j'vois exactement comment tu pourrais vouloir faire un break. Genre... Parce qu'il écoute aux portes
- J'me fais pas d'illusions, Chuis certain qu'il a fait ses p'tites emplettes pour avoir l'excuse d'aller s'planquer en cuisine pour m'laisser seul avec toi. Si j'te connaissais pas aussi bien, j'dirais même qu'il t'a rencardée pour qu'tu m'tiennes ton p'tit laïus.

J'ai un sourire que j'imagine fatalement mièvre et dégoulinant comme du sirop de sucre.

- N'empêche, y'a une part d'moi qui s'demande toujours pourquoi il m'aime, pourquoi un gars aussi bien perd son éternité avec quelqu'un comme moi. Rire gêné, regard accaparé par les gesticulation de Sizreïs. J'l'aime beaucoup trop c'est terrifiant...

- J'ai pas envie qu'on découvre qu'chuis tarée et qu'on m'interne comme ma reum : dans un chambre capitonnée et scellée magiquement.

Je souris un peu et je hausse les épaules.

-On 'découvre' pas qu'on est taré... Crois en mon expérience. Tu l'sais avant même d'avoir un diagnostic ou quoique ce soit. Tu l'sais. T'es pas tarée, Ciu. Y a aucune raison de t'interner. T'es pas un danger pour autrui ou pour toi. T'es juste en souffrance.

On se ressemble beaucoup toi et moi. Et je sais exactement comment tu te sens parce que parfois, quand tout part en couille, je me sens comme ça. On a l'expérience des gens qui partent et qui s'en foutent et ça, ça se grave dans notre ADN.

-L'expérience m'a pas prouvé l'contraire... j'ai fini par prendre les d'vants avant que ça pique.
-Je sais, bébé...
-En vrai... A chaque fois j'ai espéré qu'on m'retienne... Mais les gens ont pas envie d'être testés sans arrêt. Chuis déjà en train de perdre Vesper et un jour Asmo finira par m'abandonner parce qu'j'l'aurais trop usé...
-hmmm. Je sais pas ce qu'il se passe avec Vespichou mais... C'est le risque et y a pas si longtemps que ça ton père m'a dit "l'amour ne suffit pas" et j'vais pas te mentir, ça m'a foutu en PLS de manière assez violente mais depuis quelque temps, j'y réfléchis et j'commence à comprendre...

J'inspire doucement et je ferme les  yeux.

-Asmodée et Kaelig peuvent pas faire beaucoup plus que nous aimer de manière inconditionnelle et nous soutenir de leur mieux... Mais si on travaille pas à leur facilité la tâche, si on continue à se battre contre eux parce qu'ils nous font du bien ben... Au bout d'un moment, ça devient plus portable, même pour eux et malgré l'amour qu'ils nous portent...

Je me tourne vers Ciulin et caresse distraitement les cheveux de Sizreïs.

-Et c'est pas une fatalité. Tout ce qu'il y a à faire, parfois, c'est juste faire un pas dans la bonne direction. Accepter d'être vulnérable. Accepter qu'on est pas un poids et que faire confiance et s'exposer juste un peu, ça peut tout changer. Être vulnérable, c'est jamais une faiblesse, c'est une preuve de force parce que ça va à l'encontre de nos instincts de protection les plus basiques...

On discute un peu plus et j'essaie vraiment fort de lui faire tenter la thérapie. Et je suis choquée moi-même, vraiment. Parce que j'ai la trouille de tout ce système. Vraiment très fort. Et j'suis pas au bout de mes peines. Ciulin aussi sait comment fonctionne Asmodée, on sait tout les deux qu'il attend comme un con dans cette cuisine en jouant à Bejeweled ou en harcelant  Simone à coup de Gif...

-N'empêche, y a une part d'moi qui s'demande toujours pourquoi il m'aime.
-Pourquoi y aurait une raison?
-Pourquoi un gars aussi bien perd son éternité avec quelqu'un comme moi.
-...Ciulin... J'pense que tu mets Asmo sur un piedestale. C'est pas un gars "si" bien que ça. Il est adorable, hein. j'dis pas l'inverse... Mais il est pas parfait, il est pas mieux que toi.  Et j'suis assez sûre qu'il te voit comme toi tu le vois et du coup, vous êtes deux couillons à vous mirer le cul en pensant que l'autre est trop parfait quand... Ben c'est pas le cas...

Son sourire fait plaisir à voir, ça fait du bien de voir de l'amour et un peu de bonheur.

-J'l'aime beaucoup trop c'est terrifiant...
-Tu l'aimes, tout simplement. Et tu l'aimes assez pour l'accepter en entier mais Choupi. Il est pas mieux que toi ou parfait. Il te complete juste suffisamment bien pour que ça soit parfaitement naturel entre vous, malgré vos accrochages. Arrête de classifier toutes tes émotions intenses comme "trop" ou négativement. C'est pas un drame ce qu'il t'arrive.

Je fais un calin à Ciulin.

-Il perd pas son éternité avec toi. Il est super heureux depuis qu'il est avec toi. Il bosse vachement moins, il parle de toi tout le temps. Tu l'aides à garder l'humain dans son viseur et tu l'aides à réviser un peu ses priorités et sa manière de vivre. t'es pas un poids mort, chéri.e. Ca a jamais été le cas...

Je chatouille un peu Sizreïs.

-T'es pas une personne sans valeur, Ciulin. T'es un très bel humain, un merveilleux compagnon de vie et t'as un coeur gros comme ça. Tu veux toujours faire au mieux et des fois, t'y arrive pas et c'est ok. Laisse toi être humain, laisse toi être vulnérable et de temps en temps, fais confiance à Asmo quand il te dit que t'as d'aller mieux. J'te jure que ça vaut le coup.

Les mots d'Elie sont tout doux, comme un baume au beurre sur des plaies escarpées. Cette nenette a changé, mûri peut-être. Les Fosses j'imagine, ça vous transforme. Malgré les traumatisme qu'elle a évoqué, j'ai l'impression que c'est en bien. Elle aussi a trouvé une forme de stabilité. Et elle n'a pas l'air de se débattre avec.

- Tu l'aimes, tout simplement. Et tu l'aimes assez pour l'accepter en entier mais Choupi. Il est pas mieux que toi ou parfait. Il te complète juste suffisamment bien pour que ça soit parfaitement naturel entre vous, malgré vos accrochages. Arrête de classifier toutes tes émotions intenses comme "trop" ou négativement. C'est pas un drame ce qu'il t'arrive.
- Ça d'mande de la confiance, beaucoup de confiance. J'ai pas l'habitude de relâcher ma vigilance, comme ça... Mais j'ai compris... Etre vulnérable c'est pas une tare.. tout ça...

Elehiel me fait une accolade tendre et la petite fleur en barboteuse gazouille d'amusement. Plus de vêtement à mâcher ! Youpi !

- Il perd pas son éternité avec toi. Il est super heureux depuis qu'il est avec toi.
- Tu crois ?
- Il bosse vachement moins, il parle de toi tout le temps.
- A.. Ah bon ?
Merde, je sens ma gueule chauffer à blanc, genre tomate farcie.
- Tu l'aides à garder l'humain dans son viseur et tu l'aides à réviser un peu ses priorités et sa manière de vivre. t'es pas un poids mort, chéri.e. Ça a jamais été le cas.......Laisse toi être humain, laisse toi être vulnérable et de temps en temps, fais confiance à Asmo quand il te dit que t'as d'aller mieux. J'te jure que ça vaut le coup.

Je viens lui flanquer une bise sonore sur la joue. Sourire de canaille

- Quand est-ce que t'es devenue aussi mâture, m'dame la Daronne ? Vazy! T'as grave gagné du galon!

Je tente de lui mordiller le nez pour rire et Sizreïs pense que l'heure du quatre-heure est arrivé. La mâchoire d'une de ses dionées se referme sur mon pif.

- Aïe! p'tain , mais p'tire morue ! La gosse éclate d'un rire musicale. Quoi c'est le mot "morue" qui t'fait rire. Elle repart de plus belle pendant que je retire ses petites dents florales de mon tarin. "Morue, morue, moruuuue"

Festival d'hilarité sur les genoux. Toutes les petites fleurs caquettent en même temps.

- Graine de troll va ! Je lorgne vers sa nounou infernale. J'regrette de pas t'avoir eu dans ma vie avant, meuf. C'est le genre de chose que j'aurais voulu entendre à l'âge de Sorin et Viorea. Tu leur f'rais du bien, tsais ? et à ma futur fraterie aussi! oui oui oui... je fais les gros yeux à Sizreïs. "Moruuuue"

La gosse continue de se bidonner.
Je baisse la voix.

- Tu crois qu'il joue à Candy Crush ou qu'il bassine Simone de gifs à la con ?.... Continue de la faire rire...

Je pose la mandragore dans les bras d'Elie et je me glisse discrètement vers la porte de la cuisine, téléphone dégainé en mode "photos". J'ouvre brusquement, découvrant Asmodée, le cul sur le carrelage, les joues gonflées d'une poignée de curlys qui lui dépasse de la bouche. Il a une main dans le paquet et une autre occupée à tapoter du pouce sur son smartphone.
Immortalisé en un clic!

- Ça va comme vous voulez votre altesse de l’Orgueil et des Fascination? On vous dérange pas trop ?

Je suis pétée de rire. Il est absolument trop mignon, ce couillon à cornes.

**Elehiel**

- Quand est-ce que t'es devenue aussi mâture, m'dame la Daronne ? Vazy! T'as grave gagné du galon!

Je rigole mais ça me touche. Je sais pas quand je me suis posée comme ça mais je pense que ça a à voir avec Les Dormeurs. Quand j'ai commencé la lutte, je me suis soudain retrouver à devoir veiller sur des dizaines de personnes puis encore plus et il a bien fallu apprendre à gérer tout ça. Et puis y a eu Owen, aussi, il était redevenu tout petit quand il m'a trouvé et il a aussi fallu que je l'aide. En attendant Sizreïs venge ma morsure de pif et ça me fait rigoler.

-Aïe! P'tain, mais p'tite morue !

Elle rit. J'adore quand cette petite rigole, on dirait qu'elle chante.

-Quoi c'est le mot "morue" qui t'fait rire.

Elle rit encore et toutes ses petites fleurs rient avec elle. Elle est vraiment adorable.

-Graine de troll va!
-Olala, c'est une dionée. Je crois... chui pas sûre. J'suis parfaitement nulle en plante.
-J'regrette de pas t'avoir eu dans ma vie avant, meuf. C'est le genre de chose que j'aurais voulu entendre à l'âge de Sorin et Viorea. tu leur f'rais du bien, tsais ?
-Ahah... Kaelig m'a ouvertement dit qu'il voulait assumer notre relation et il m'a aussi ouvertement demandé de m'impliquer dans votre vie de famille. Et vu que j'ai vraiment zéro instinct de survie, j'ai dit oui. Bon en vrai, j'me doutais que ça arriverait. Et j'suis déjà tombée sur Vioréa... Ca va être euh... Complexe.
-Et à ma future fraterie aussi!
-Quoi? Quoi? Quoi?
-Oui oui oui!
-Mais qu'est-ce que tu racontes?

C'est la panique au bord de mon cerveau.

-Moruuuuuue.

La p'tite se remet à rire et je me contente d'un sourire mal fagoté, ça m'a pris au dépourvu.

-Tu crois qu'il joue à Candy Crush ou qu'il bassine Simone de gifs à la con?...
-Chai pas mais ça sent les curly.

Que je lance en souriant.

-Continue de la faire rire...

Je récupère la petite et continue de jouer avec elle et de l'amuser. L'avantage de la petite Sizreïs, c'est qu'elle est super bon public.

***

**Asmodée**

On peut plus jouer tranquille comme un gros sac... J'entends le clic de l'appareil alors que dans mon ENORME gentillesse, j'ai pris le des devants pour laisser Ciulin discuter avec Elie, parce qu'iel a besoin de discuter... ET VOILA COMMENT ON ME REMERCIE. Je m'étouffe avec mes curlys et finis par survivre à cette prise en traitre.

-Ca va comme vous voulez votre altesse de l'Orgueil et des Fascinations?
-Tranquille, petit traitresse!
-On vous dérange pas trop ?
-Ben si, j'suis au niveau 185, là, c'est difficile.

Je range le téléphone, je me relève. Elie, derrière, est morte de rire en voyant le tableau ce qui fait s'exciter la petite mandragore dans ses bras.

-Alala, c'est ça d'être trop gentil... On profite de ma faiblesse, après.
-Oh, ça va, Monsieur parfait! Tu t'mets dans d'ces postures, aussi!

Je lui tire la langue avant d'épousseter la poudre de curly de ma veste.

-Bon vous voulez à boire ou bien, j'vous laisse crever de soif?
-Ciu, ça y est on l'a vexé! Mais quelle princesse tu fais.
-Prince, en fait, mais presque. J'sais bien qu'on peut pas trop t'en demander.

Elie fait semblant de défaillir, en entrainant la petite dans sa chute. Je rêve ou j'viens de la voir lever ses petits bras en riant comme une folle?
Je secoue la tête avant d’enlacer Ciulin.

-Tu veux un bisou à la cacahuète?

Je hausse plusieurs fois les sourcils en souriant. Dehors une nouvelle voiture se fait entendre.

-C'est un hall de gare, cette forêt ou quoi?
-Beh, j'en sais rien. J'suis déjà pas remise que vous vous soyez paumés en forêt pour mes beaux yeux.

Elie se lève, j'en profite que les quatre paires d'yeux innocentes soient pointés ailleurs pour tripoter de la fesse roumaine en toute sérénité.

-Ca va, Ast min?

-Ben si, j'suis au niveau 185, là, c'est difficile.
- Oooh attends, je sors mon mini-mouchoir pour éponger ma minuscule larmichette...

Les gazouillements de Sizreïs et les rires d'Elie ponctue ma tirade. Moi, je me contente de sourire comme un petit con. L’atmosphère est si légère d'un coup, j'en ai des bulles dans la poitrine. Après quelques chamailleries de bon ton avec sa nièce, Ass se tourne vers moi. Je souffle sur son costume plein de miette de curly.

-Tu veux un bisou à la cacahuète?
- Faut bien que je teste si je suis allergique ou pas...

J'attrape chaque pan de son col et je le tire à moi pour chatouiller son palais avec ma langue. Vaguement, en bruit de fond, un crissement de pneu soulève des mottes de terre.

-C'est un hall de gare, cette forêt ou quoi?
-Beh, j'en sais rien. J'suis déjà pas remise que vous vous soyez paumés en forêt pour mes beaux yeux.
- T'as vachement une gueule de Mère-Grand, c'est sûr...

Je ricane toujours pendu au cou de mon beau diable qui me chuchotte une prévenant "Ça va, Ast min?" tout en me pelotant allègrement le cul. Collé à lui, caché à la vue d'Elie et de la petiote, je glisse mes doigts contre son entre-jambe. "... Mieux." Je lui roule une galoche pour lui prouver.

La porte claque et la lumière de l'encadrement de la porte est obstrué par une ombre massive.

- Qu'est-ce que vous foutez chez moi ?!

Kaelig nous lorgne d'un air revêche, un énorme paquet de couches sur une épaule, une barrique de lait en poudre sous l'autre bras. Je suis prise d'un putain de fou-rire devant la gueule du "Chasseur" (ou bien du "Loup" va savoir).

- Tire la bobinette et la chevillette cherra ....  que je balance, hilare, devant la tronche déconfite de mon père.

Kaelig passe la porte et je m'en vais lui voler un bisou avec la petite dans les bras. Son sourire serein dure juste le temps à son cerveau de réaliser que la berline hors de prix risque pas d'être la mienne. D'aviser le cuir de Ciulin puis la veste en peau de licorne (probablement) d'Asmodée puis d'aviser Ciulin et Asmodée en train de se tripoter (très certainement).

-Qu'est-ce que vous foutez chez moi ?!

Qu'il lance et je hausse un sourcil en souriant.

-J'crois que tu voulais dire "chez nous", nan?

Ciulin se marre, Asmo se mord un peu les lèvres pour ne pas rire. Moi je me contente d'avoir l'air innocemment concernée par ce fourché de langue quand dans l'absolu je sais parfaitement qu'il est juste mécontent que sa cachette soit découverte.
Asmodée s'écarte de Ciulin pour revenir dans le salon.

-Ciu voulait voir Elie.

Il laisse un temps de silence.

-Et honnêtement, vous êtes pas très cachés. Si c'était le but de la manoeuvre, j'veux dire.

Je hausse les épaules. J'ai honnêtement pas la moindre idée de quelle est la manoeuvre. Je sais que la cabane est pour se cacher un minimum avant le grand changement de position de Kaelig, enfin, officiellement quoi. Pour le reste, je laisse gérer. J'ai du taf, des maladies mentales qui se soignent pas seules (hélas), des gens à faire sortir de l'Enfer, des gens à protéger pour Malsheem. Vioréa et Sorin, sans compté tout les autres de la famille Taur sur lesquels je tombe par hasard parce que le destin est un enfoiré. J'peux pas gérer plus sans imploser en vol à part du babysitting pour la p'tite peluche fleur que j'ai dans les bras.

-C'est cool, non? Les premières visites dans notre maison.

Moi, ça me fait plaisir de pouvoir recevoir des gens ailleurs que chez Enzo même si ces fourchés de langue ne m'aide pas à me sentir "chez moi". Le fait est que je suis contente d'avoir un toit au dessus de la tête et un endroit définitivement bon pour mon mental, mais c'est loin d'être chez moi d'un point de vue très basique. Je ne peux pas m'empecher de penser que je squatte chez Kaelig qui a simplement eu la bonté de dire que c'était chez nous quand en fait, c'est chez lui et que ce lieu existe principalement pour me planquer. Je sais que ce lieu lui fait du bien, qu'il y trouve un apaisement qu'il n'a pas chez lui... Donc, j'en sais rien.
J'apprécie d'y vivre, j'apprécie d'y bosser mais j'ai mon ami le syndrome de l'imposture qui débarque de temps en temps et qui me dit que j'vis encore au crochet de quelqu'un. Bref, parfois, je me sens juste nulle et ingrate.

En même temps, c'est un peu le cas.
Jamais contente.

Je grimace légèrement avant de lancer.

-Pose tout ça, bébé. On allait boire un verre.

Sizréis se rappelle à mes bons souvenirs par une morsure du bout du nez avec ses petites fleurs. Elle gazouille et je la chatouille un peu.

-P'tite crapule! J'fais pas assez attention à toi, c'est ça?

Elle se met à gazouiller de plus belle comme si elle allait me faire une dissertation de philosophie en babillage, j'écoute et je hoche la tête avec un intérêt marqué. J'pose des questions en babillant aussi.

Joue donc la normalité...

Je vais m'asseoir et pose la petite sur le tapis.

-Ciu, tu veux bien ramener le petit matelas de la mezzanine, s'teuplé? Tu vas voir, il est juste à coté de la barre.
-Bien sur qu'elle est dans la chambre, la barre de poledance...

Asmo lance un sourire de petit con à Kaelig. Je lui lance un coussin à la gueule et ça fait mourir de rire la petite.

-Oh attends, j'recommence, Siz'.
-T'as pas intérêt! Fais gaffe, hein. J'ai l'pouvoir de te faire cramer l'cul.
-T'aimerais bien. Moins d'flex, plus de verres. Ciuuuuu! Y a ton mari, il veut même pas servir des verres!

Le deuxieme coussin s'envole.

-Au secours, prince démon violenté!

-Bah t'as qu'a servir les verres, aussi, là.

Asmo pouffe de rire et tire la langue, une petite langue de serpent à la gamine. Qui trouve ça parfaitement hilarant. Cette enfant est une bonne pate à l'appétit particulièrement prononcé. Je tapote à coté de moi pendant qu'Asmo prépare tout ça.

-Amour. Viens t'poser. Laisse le prince servir à boire.

-J'crois que tu voulais dire "chez nous", nan?

Au regard d'Elie, ma mine renfrognée se décompose. J'ai lâché une ânerie parce que l'invasion de mon espace vital me rend affreusement bougon.

- Evidemment que je voulais dire "notre". C'est chez toi ici, tu invites qui tu veux.
-Ciu voulait voir Elie.
- Ah bon ? Fait l’intéressé. J'ai pas su où tu m'emmenais avant d'y être...
- Et honnêtement, vous êtes pas très cachés. Si c'était le but de la manœuvre, j'veux dire.
- Le but de la manœuvre en achetant un maison en pleine forêt loin de la ville c'est d'être peinard chez soi sans qu'on y entre dans un moulin !
- C'est cool, non? Les premières visites dans notre maison.
-Trop.Cool. Je suis extatique.

Ça ne m'empêche pas de lui claquer une bise de bienvenue à cet abruti gominé. C'est étrangement devenu naturel quand on se voit, comme si ce foutu démon et moi étions les plus vieux amis du monde. Je suppose que se cuiter régulièrement ensemble, ça rapproche. Je fais un pas vers Ciulin, sans doute par réflexe, et je sens à son regard de chat aux abois, que si je lui colle un bécot, je vais me prendre une mandale. Je jette donc le paquet de couches à Asmodée et vais ranger le lait en poudre avec les bouteilles d'eau minérale. Quand je reviens c’est pour me prendre une vanne dans la barbe. Heureusement que ma Dame le remet délicatement à sa place. Les piaulements rieurs de la gosse me tire un petit sourire amusé.

- Oh attends, j'recommence, Siz'.
- T'as pas intérêt! Fais gaffe, hein. J'ai l'pouvoir de te faire cramer l'cul.
- T'aimerais bien.
- Et moi de t'éxorciser, "beau-fils".
- Si tu fais ça je te ratiboise à la cire chaude, gronde la voix de ma progéniture depuis le parquet où iel installe le parc de jeu de Sizreïs.
- Moins d'flex, plus de verres! Ciuuuuu! Y a ton mari, il veut même pas servir des verres!

J'ajoute en prenant place dans le canapé auprès d'Elie, alors que la petite mandragore me grimpe sur le buste (Elle aime fourrer ses petites mains dans ma barbe.)Je fanfaronne :

- Pour le biberon, c'est une mesurette par 30 ml d'eau...
-... pour un bib' de 250ml, et chauffé à 37°. On sait , on sait...

Je regarde Ciulin avec une expression de sincère surprise.

- J'préparais ceux de Cristian quand vous étiez tous trop occupés pour vous carrer l'autiste.
- Oh.. euh.. Je ne pensais pas que tu t'en souvenais, fais-je gêné.
- C'est plutôt étonnant que toi tu saches faire des biberons, vu ton peu d'XP paternelle.

Je me prends - et c'est sans doute un peu mérité- un coup de godasse dans le tibias alors qu'iel s'éloigne vers la cuisine.

- AïE !!! Zdreanta rotter !
- Papagal, Creier de maimuta!
- Taca-ti fleanca, mucos venit cu oile în Bucuresti !

Je l'entends se marrer depuis l'autre pièce, cette petit trou du cul.

- Să ţi-o trag, vânzator de iaurt !
- C'est très bon pour la santé les yaourts, j'te ferais dire ! Je me tourne vers les autres comme si j'attendais un assentiment de leur part. Comme rien ne semble venir, je me tourne vers Sizreïs qui gazouille en me bavant sur la chemise. C’est bon pour le calcium de tes petits os. Puis comme si de rien n'était je lance à mon gendre. Y'a du  Johnny Walker dans le buffet derrière toi, Asmo, si jamais...

- Evidemment que je voulais dire "notre". C'est chez toi ici, tu invites qui tu veux.

Qu'est-ce que tu voulais qu'il dise de plus...?
Tu n'es qu'une invitée.
Tolérée.

J'ai froid, un peu... J'écoute les conversations depuis la frontière de ma conscience. Ca me demande un effort surhumain de rester là, présente. Je souris, je suis contente qu'il y ai des gens autour, contente de voir Kaelig claquer la bise à Asmodée et respecter l'espace de Ciulin. Contente.

--Trop.cool. Je suis extatique.

Tu l'emmerdes.
et
Tu ne fais pas partie de cette petite danse.

Vraiment froid. Je frissonne un peu et je me rapproche de Kaelig quand il s'assoie. Je souris et regarde Sizreïs jouer pour donner le change. Les taquets échangés m'échappent, Asmo qui range les couches n'importe où pour servir les verres, m'échappe. Quelques minutes disparaissent je ne sais où et j'emerge au beau milieu d'une langue étrangère.
Y a un flash de panique qui se calme à l'odeur, celle de Kaelig.
Y a une inquiétude d'avoir perdu la faculté de comprendre le langage - ça serait pas une première - qui s'évanouit sur :

-C'est très bon pour la santé les yaourts, j'te ferais dire !

Le soulagement jusqu'à ce que je sente sur moi le regard d'Asmodée. Il a l'air et la manière de toujours regarder où il faut au moment où il se passe un truc, c'est super agaçant.

-C'est bon pour le calcium de tes petits os.
-Vraiment? Non mais j'veux dire oui. C'est bon pour les os. Mais euh... Beh, c'est une fleur.

Asmodée hausse un sourcil et détaille Kaelig puis Ciulin. Je hausse les épaules en regardant la petite.

-Y a du Johnny Walker dans le buffet derrière toi, Asmo, si jamais.
-Ok, qui en veut? Ps : je savais qu'tu m'adorais, Kaekae.

Je souris un peu pendant que notre prince démon nationale rit de sa propre bétise.

-Moi, s'il te plait.

Je hausse les épaules en pointant le biberon.

-Non mais c'est vrai. Est-ce qu'elle a vraiment besoin de protéines comme nous? Est-ce qu'il faut lui filer des bouches? L'arroser? Et le lait végétal, est-ce que c'est du cannibalisme? Tant de questions... Sérieux.

Si ça se trouve tu la tues.

-... Trop de question, peut-être?
-Bah sans doute mais imagine, c'est pas bon pour elle. Pire nounou du monde, du coup. Alors que si c'est ok, bah ok nounou du monde, tu vois?

Asmodée tend un verre à Kaelig et moi que je pose sur la table. je sais pas pourquoi j'ai dit oui alors qu'en vrai j'ai pas spécialement envie de boire du whisky... Puis la petite tige d'une petite dionée se faufille jusqu'au verre et du coup, j'me jette dessus pour le vider cul sec.

-aaaaaaah! C'était pas prévu ça! P'tite fripouille!

Ca.. Brule. UN PEU. J'ai avalé de travers avec tout ça. Je tousse en m'appuyant sur l'épaule de Kaelig.

-j'ai un conseil pour vous, les gens. Aspirer de l'air et boire même temps, combo nul.
-Ah? L'alcool dans les poumons, c'pas top?
-Pas trop non.

Asmodée ricane en s'installant sur une chaise confortable après avoir servi Ciulin. Il lève son verre.

-Ben à votre nouvelle et première maison ensemble.
-Au changement et à ce connard de bonheur qu'on traquera jusqu'à l'choper.

Kaelig

-Ok, qui en veut? Ps : je savais qu'tu m'adorais, Kaekae.
- Va mourir.
- Moi, s'il te plait.

Je pause un regard interrogatif sur Elie. Elle n'est pas spécialement adepte de whisky en général. Alors que Ciulin revient avec le biberon qu'iel teste sur son avant bras, Elie poursuit la conversation qu'elle a visiblement commencé bien plus tôt en amont, toute seule dans sa tête.

-Non mais c'est vrai. Est-ce qu'elle a vraiment besoin de protéines comme nous? Est-ce qu'il faut lui filer des bouches? L'arroser? Et le lait végétal, est-ce que c'est du cannibalisme? Tant de questions... Sérieux.

Tu n'as pas été assez attentif.

J'enrobe ses épaules et la tiens contre moi.

-... Trop de question, peut-être?
-Bah sans doute mais imagine, c'est pas bon pour elle. Pire nounou du monde, du coup. Alors que si c'est ok, bah ok nounou du monde, tu vois?
- Tu t'en sors très bien. Tu es naturellement à l'écoute et c’est tout ce qu'un enfant a besoin. C'est une fleur avec un corps de bébé humain. Et puis Dysderie ne nous a donné aucune consigne spécifique. La connaissant, si la gosse doit ingurgiter de l'engrais, on le saurait ! Sizreïs s'est ruée sur le biberon qu'elle siffle à la vitesse de la lumière et.. qu'elle croque carrément ensuite avec une voracité meurtrière. Visiblement c'est une enfant qui a un solide appétit...

Je dois forcer pour lui arracher le pauvre morceau de plastique et de caoutchouc lacéré et percé de toute part. Inutilisable.

- Je doute qu'elle se contente uniquement de soleil et d'eau fraîche....
- Visiblement la bibine ça lui plait aussi...raille Ciulin sans bouger le petit doigt.
- aaaaaaah! C'était pas prévu ça! P'tite fripouille!

***

Ciulin

Elie fait le show en s'étouffant brusquement. Le Père lui frotte le dos avec une prévenance qui me fait bizarre en dedans. Je suis toujours très inconfortable quand je les vois tous les deux si tendres et aimants, l'un envers l'autre. Mes sentiments sont confus et un peu mitigés : je les trouve mignons, je trouve que Kaelig est bien plus décent depuis qu'Elie partage sa vie, je suis content pour Elie qu'elle ait enfin un vrai chez elle,... et puis, systématiquement, je pense à ma mère. J'ai des images qui remontent, des souvenirs que je croyais enfouis, de mon paternel jouant de la même manière avec mon petit frère, de ses sourires barbus, de ses regards plein d'amour pour sa famille sauf qu'à la place, c'est Lavinia que je vois.
Pas Elie.

Et je m'en veux de ressentir ça.

Je m'en veux d'être restée coincée quelque part dans un passé qui ne m'appartient même plus. J'aimerais parfois être vraiment une orphelin. Ce serait tellement plus simple. Les morts ne se relèvent pas pour contredire vos ressentis de l'époque. Votre mémoire est votre seule bible.
J'aimerais détester mon père, mais je n'y arrive pas.
J'aimerais être ami avec cet homme capable d'autodérision et de gentillesse, mais je n'y arrive pas.
J'aimerais avancer.
Mais le moteur est grippé.

Je suis juste un boulet qu'il faut traîner,
accroché à la jambe d'Asmodée.

- Ben à votre nouvelle et première maison ensemble.
- Au changement et à ce connard de bonheur qu'on traquera jusqu'à l'choper.
- Aux parasites qui s'invitent sans prévenir mais qu'on aime bien garder quand même avec nous !
- Ben .. à tout ça !

Cerveau moisi.
Tu fais chier.

- Je vais fumer une clope...

Je finis mon verre cul-sec et je sors sans demander mon reste.

Ciulin

Le temps est passé vite. On approche de la fin d'après-midi. La luminosité faiblit et donne aux arbres des airs inquiétants. Je tire une clope de mon paquet et cherche mon briquet. Je paume toujours mon briquet. Je le retrouve dans la doublure de mon perfecto. La poche a du crever. Marrant comme même les trucs les plus anodins paraissent compliqués quand on a le moral au fond du puits.

Claquement de zippo.
Grésillement du papier.
Nicotine qui afflue.

J'expulse la fumée comme la loco d'un film de cowboy.

-...Ciu'. Ca va?

Je lui lance un petit sourire navré tout en me dandinant sur mes guibolles. C'est que ça caille quand même un poil.

- Question nulle...  Chui désolée. Je peux faire quelque chose pour aider?
- Tu fais déjà pas mal. T'y peux pas grand chose, t'sais ? Je gère toujours mal la présence de mon père, s'tout.
- J'aurais dû faire attention.

Je l'attrape par la taille et lui colle un bécot sur la joue. Je cale ma tête contre son épaule. Deux chaton sur le rebord d'une fenêtre.

- Attention à quoi ? T'as rien à te reprocher. C'est moi qui suis merdique. Kaelig est chouette avec toi et c'est bien. C'est juste... C’est encore compliqué pour moi de dealer avec "ce" Kaelig là. Je le connais pas et j'arrive pas à le faire coller avec celui de mes souvenirs. Du coup, ça me fait un peu bader, j'crois... Mais y'a pas que ça. En vrai, je crois que je lui en veux d'avoir réussi à positivement avancer dans la vie. Moi j'ai juste la sensation d'être un foutu trou noir. J'avale l'énergie des autres. Appelle-moi pacman, steplé...

Rire désabusé.

- Je devrais être heureux. Pourquoi je suis pas heureux ?

***

Kaelig

Bon.
Bon, bon bon.
Je sens bien que c’est de ma faute. J'ai juste du mal à mettre le doigts sur laquelle. Avant que j'arrive tout ce petit monde avait l'air détendu. Je suis l'élément perturbateur. Sous mon propre toit.
J'ai l'impression que ma fille et moi se sera à jamais inconciliable.

Asmodée arbore une mine déconfite et un regard cave. Je connais bien cette air là, je l'ai croisé dans mon propre reflet chaque matin durant toute la période précédent le retour d'Elehiel.

- Des guerriers, hein ? Regard en biais.
- Je sais que tu vas me demander ce qui se passe avec Ciulin et j'pense pas que ça soit ma place d'en parler. Sincèrement. Je ne moufte pas, je me contente de calmement  l'observer. Disons juste que j'admets être inquiet et qu'on cherche des solutions. Me pousse pas à en dire plus, j'en ai un peu marre, là, de parler des problèmes. Quels Qu'ils soient..... Alors tu as rencontré Salomon, je suppose?

Entre mes bras, Sizreïs a cessé de s'agiter. Ses fleurs se sont lentement refermées et repliées sur elles-même et ses paupière tressaillent, luttant vainement contre son envie de dormir.

- Ok... J'imagine que t'as pas envie de causer de "ça" avec son père de toute façon. Mais je ne suis pas que son géniteur, t'sais. Je suis aussi ton ami. Je le coupe avant toute blagounette. Ou un collègue si tu préfères, un partenaire, bref... penses-en ce que tu veux... Mais t'as la gueule d'un mec qui a trop lourd à porter et qui n'y arrive plus. Je connais bien ça. Et sache que je suis là si tu veux vidanger un trop plein avec un gars qui partage la même galère. Maintenant, c’est dit, t'en fais ce que tu veux.... Et pétard, ton frate est un sacré énergumène. Il m'a serré la main en me disant qu'il avait une très bonne pommade contre la peau sèche et les cales puis il a fait tout un discours sur l’héritage génétique capillaire qui fait que je ne souffre pas de calvitie à mon âge. Je crois que c'était un compliment, mais j'ai eu une terrible envie de le tarter. Après il a déclamé du Ronsard pour évoquer les mystères de l'Amour puis carrément des tirades de Roméo et Juliette. Il m'a qualifié de "Beau-beau-neveu" et puis il est parti... en oubliant ses chaussures. Elle sont là, d'ailleurs.

Je montre du menton , les deux mocassins à glands en daim vert.

- Me voilà avec une sacrée famille de doux-dingues...

Asmodée ouvre les valves et je me retrouve noyé d'un flot d'informations que ma cervelle enregistre aussi vite que possible pour pouvoir trier ensuite.

- Hé ben.... J'attrape mon verre plein de ma main libre et je sirote une lampée. Tu te sens mieux, maintenant que c'est sorti ? Rictus sous le poil. Viens on va coucher la petite...

Je me lève avec une lenteur calculée et je monte les escaliers de la mezzanine en essayant de ne pas faire grincer les marches. Sizreïs ronflotte contre mon torse, ses petits poings fermés sur les tiges de ses plantes. Je l'installe dans le lit parapluie près du notre avec les peluches qu'elle a déjà à moitié bouffées. Sa bouille adorable se fronce un peu au contact du matelas. Elle babille, produisant quelques bulles de baves et repart dans un profond sommeil.
Je reste un moment à la regarder avec mon comparse, puis je lui chuchote :

- Apprendre à vivre et à être ce que l'on est c'est une démarche compliquée à trente ans comme à soixante... comme à plus de milles. Si j'ai bien compris un truc au contact d'Elie puis de Leviahan et du tien, c'est que créatures ou humains personne n'est épargné par le surmenage, le burnout, le deuil ou la dépression. On va prendre les choses une par une, ok ? Si on commence à tout mélanger, on ne va pas s'en sortir...

Je lui pause une paluche sur l'épaule, l'invitant à redescendre.

- Ecoute, concentre-toi sur toi et Ciulin. J'ai l'impression que vous avez besoin de temps que ni toi et iel vous n'arrivez à vous donner. Je sais que ton programme est chargé, mais tu n'es pas tout seul. Aussi tourmenté soit Amon, il n'en reste pas moins fiable. Il tient debout depuis des centaines d'années. Simone est une femme secrète mais solide qui essaie de t'épargner. Elie fait d'énorme progrès avec Salomon. Je travaille moi même à être un homme et un allié meilleur. Ce que j'essaie de te dire, Asmodée, c'est que tu n'es pas seul à devoir te fader toute la misère du monde. Aussi fragiles et fatigués soient tes proches, ils sont aussi capables de porter leur propre charge en cas de situation critique. Ils l'ont déjà prouvé.

Je pousse un soupir.

- Il y a beaucoup de dossier à gérer de front... Mais on peut se les répartir. Je vais bientôt annoncer mon projet de réforme des Sang-coureur. J'ai déjà rallié une bonne partie de mes hommes et des Corb. Ce sera plus mitigé en ce qui concerne les Vulpe. Et sans doute plus délicat pour les Sarpe. Mais c’est le bon moment pour une grande alliance frontale face à Unseelie. Il faut rallier les Covens, les Syphons, les Heksens, les meutes éparses de loups. Il faut qu'on fasse front commun.

Je reprend mon verre et fait jouer le liquide ambré à la lumière du feu.

- Mais pour que ça tienne faut qu'on soit en pleine forme et pour ça , tu dois accepter de te reposer, pour toi et pour ma fille. Sérieux... Partez en balnéo. Je ne pense pas qu'on est à un week-end près vue l'état apocalyptique de cette foutue ville.

Silence.

- Je ne peux pas te garantir que tu ne te foiras pas. T'as beau être un prince démoniaque, double espion-mes couilles, t'es amoureux d'iel et ça te rend aussi vulnérable et faillible que n'importe quel être humain. Et c’est pas un mal, en vérité. Tu peux pas la préserver de tout, mais tu peux lui tenir la main et être là. C'est déjà beaucoup. C'est même primordial. Le chemin, Elie comme Ciulin doivent l'entamer par leur seule volonté. On peut pas avoir le déclic ou les épiphanies à leur place. Mais faut qu'on soient là malgré tout, tu comprends ? Enfin, j'vais pas apprendre la vie à un vieux grigou. C'est moi le plus blanc-bec d'entre nous.

Petit rire.
Elehiel et Ciulin font finalement irruption. Il est évident que ma gamine a pleuré mais je fais mine de ne rien en voir.

- Sizreïs pionce comme un loir, mais faudra sans doute la changer et lui redonner à bouffer dans quelques heures. On vous garde avec nous pour dîner...
- Merci pour l'invitation, mais je préférais rentrer, déclare Ciulin d'une voix un peu éraillée. On va vous laisser peinards jouer au papa et à la maman, hein!
- Ok. Je me tourne vers mon gendre avec un regard entendu. Je t'appelle bientôt pour causer crémerie.  D'ici là, fais-moi le plaisir de glander.

Ciulin enlace Elie pour lui dire au-revoir. C’est un long câlin que je me prends à envier. Je salue Asmodée d'une accolade amicale et je les raccompagne à la porte. Au moment de remonter dans la voiture, Ciulin marque un arrêt puis rebrousse chemin. Elle dépose un baiser fugace sur ma joue et repart aussi vite. Je reste là un peu interloqué. Mes doigts effleurent instinctivement l'endroit de l'impact en regardant la berline démarrer et s'éloigner tout phares allumés.

Kaelig

- Amour...
- Hum ?
- J'pourrais m'habituer à avoir de la famille... J'vous aime tous vraiment très fort.

J'enlace ses petite épaules et la presse contre moi.

- Une sacrée famille de zozos..; M'enfin , les repas du dimanche n'en seront que plus animés. Je rigole un peu.

- Ça va?
- Je crois... Et toi ?

La porte se referme sur la chaleur de notre douillet.

***

Ciulin

Le silence s'installe dans l'habitacle. Je regarde les troncs sombres défiler par la fenêtre sur fond indistinct de feuillage, menton dans la paume, esprit dans le vague. Les doigts d'Ass se faufilent contre les miens. Je me tourne vers lui avec un sourire épuisé.

-Partons en vacances, j'rêve d'une balnéo. Massages, orteils en éventails, ressourcement, tout ça.
- J'avoue, ça sonne plutôt cool.
- Est-ce que tu veux qu'on discute de tout ça?
- Chais pas...
- Ou on peut passer à la pizzeria, rentrer à la maison et se poser tranquillement.

Je le fixe un moment : sa belle gueule savamment mal rasée, suffisamment pour que ça reste sexy, ses prunelles bleues glacier, sa tignasse sauvage mais domptée... Je tire sur sa main pour en embraser amoureusement la pointe des métacarpes. J'en frotte le plat contre ma joue.

- Je t'aime...

Je regarde un moment la route.

- C'est ok... C'est ok pour me soigner. Je veux bien essayer.

Ça m'angoisse.
Ça me renvoie à Lavinia.
C'est une épée de Damoclès qui me terrorise.

Mais je dois avancer.

-Je ne sais pas vers qui je pourrais me tourner, mais je pense pas que je devrais passer par ton frère. Est-ce qu'Amon serait une bonne alternative ? Mordillement nerveux de la lèvre. Et.. J'aimerais que tu m'aides, à maîtriser notre ben.. "notre "mariage". Mieux comprendre ce que ça implique. Et m’entraîner pour la télékinésie, avec toi. Peut-être... peut-être que la rune peut m'aider à me stabiliser, à mieux gérer les aléas émotifs.... Énorme inspiration, gros soupir. Je veux reprendre le contrôle sur ma vie, tu comprends ?

J'affiche un sourire timide mais volontaire.
Elie a dit que j'étais forte.
Ass l'a dit aussi.
Je vais tenter de me le prouver.

Mais j'ai besoin de toi...

- J'aimerais aussi.... m'renseigner sur le truc qu'a Vesper. T'as l'air de maîtriser mieux l' sujet que moi. Bouquiner d'ssus, ça m'aiderait peut-être à mieux appréhender, et à moins flipper.... et.. par enchaînement d'idées je me suis rendue compte que j'avais peut-être envie de.. ben.. d’apprendre des trucs... de r'tourner à l'école. En fait, j'ai jamais su c'que c'était d' faire des études. A part la baston et la culbute -ce que je fais comme un dieu, hein- je sais pas à quoi j'peux bien être bonne... Je me triture la lèvre. Tu trouves ça con ?

***Elehiel***

Kaelig a l'air calme. Je suis contente malgré le froid, la fébrilité. Je me cale contre lui et joue avec le tissus de sa chemise.

-Je crois... Et toi?
-Tant mieux...

Je reste un instant silencieuse avant de dire.

-Je... sais pas? Je sais plus si j'ai pris le truc de Sal et les voix sont revenues tout à l'heure... J'l'ai pris quand t'es parti, non?...

Vu que j'ai du mal avec le temps et que phase de psychose j'ai tendance à oublier, je note. Systématiquement. Quand je prends ou pas. J'ai tout un systeme en place. Là où mes placards et mes fringues sont un foutoire permanent, tout ce qui touche à l'hygiene de vie est rigoureusement réfléchie pour limiter les risques d'une crise stupide.

-Mais sinon, ça va... J'suis juste inquiète pour Ciulin et Asmo. Ils sont fatigués.

***
***Asmodée***

Je laisse Ciulin venir tranquillement. Il parle un peu, même si c'est pour dire qu'il ne sait pas. Je note de m'occuper de nous préparer des vacances. Ca sera le mieux. Ca soulagera sans doute Simone, aussi...

Un baiser sur la main me tire de mes rêveries conductrices.

-Je t'aime...
-Moi aussi, Asti min.

Je lea laisse s'approprier l'espace et le silence. Aucune raison de brusquer quoique ce soit.

-C'est ok... C'est ok pour me faire soigner. Je veux bien essayer.

Je hausse les sourcils. Je suis heureux de l'apprendre, réellement. Je hoche doucement, j'écoute.

-Je ne sais pas vers qui je pourrais me tourner, mais je pense pas que je devrais passer par ton frère.
-Non, je pense pas non plus.
-Est-ce qu'Amon serait une bonne alternative ?

J'en sais rien, le fait est que je suis réticent.

-Peut-être... En tout cas, rien n'empeche de voir si ça colle avec lui. Je lui en parlerais avant si tu veux. Pas en détail, juste pour m'assurer qu'il a encore de la place dans sa patientèle.
-Et... J'aimerais que tu m'aides, à maîtriser notre ben... "notre mariage". Mieux comprendre ce que ça implique. Et m'entraîner pour la télékinésie avec toi. Peut-être... peut-être que la rune peut m'aider à me stabiliser, à mieux gérer les aléas émotifs...
Pendant qu'iel soupire, je refléchis à plein régime.
-Pas ces runes là mais un autre Galdr, c'est possible...
-Je veux reprendre le contrôle sur ma vie, tu comprends.

Je me tourne vers ellui pour voir un sourire timide mais tellement plein de force que ça me fout un peu les larmes, j'avoue. Je souris et hoche doucement la tête.

-Bien sûr. Et je serais là pour t'aider.

y a un nouveau court silence pendant lequel je bifurque en ville, je nous arrête sur une place de parking. Je l'écoute faire des projets d'avenir ou juste des ébauches de projets d'avenir et ça me fout le coeur en feu. Je souris comme un connard qui aurait vu le soleil pour la première fois. Crois bien que je ne laisserais pas ce moment mourir et le mouvement qu'il crée en toi. Il est trop beau. Il est trop important. Tu veux comprendre mieux le trouble de Vesper. Tu veux peut être apprendre des trucs mais tu sais pas encore quoi, tu veux te découvrir et je trouve ça absolument merveilleux.

-Tu trouves ça con?
-Non. Même pas un instant. Pour le truc de Vesper, j'peux te raconter ce que je sais et pour le reste, on pourra faire des recherches. Pas de doute que y a mille trucs à ce sujet sur internet. Et pour ce qui est de peut-être reprendre des études. L'idée est brillante, Asti min. C'est l'occasion de tester des choses et d'en apprendre plus sur ce que tu aimes, ce que tu sais faire ou veux savoir faire. J'trouve que c'est une très bonne idée. Y a de bonnes écoles dans cette ville, y a aussi d'excellent artisants dans plein de domaines et ils recherchent souvent des apprentis. Y a plein de portes à pousser et faut pas te priver de les pousser.

Je me tais un instant avant de dire.

-Ok... J'ai une idée... Je propose que la semaine prochaine, on parte. On va se foutre au vert. On va Inchydoney Island, le meilleur spa de cette île, on y va deux semaine. Entre deux massages, on travaille la suite, tout les deux. On fait des p'tites recherches et essaie de te défricher le chemin pour le retour. Est-ce que ça te va?

Je l'embrasse doucement avant qu'iel ne réponde et je caresse sa joue.

-Pour ce qui est de Vesper, du mariage et de la télékinésie on peut commencer dès ce soir ou demain, si tu veux.

J'ai l'impression de respirer à nouveau. C'est un peu comme si j'avais été en apnée depuis cette fameuse dispute. Là, c'est un début vers l'avant et comme d'habitude, Ciulin le fait avec un courage monstre.

-Chui fier de toi, Asti min.

Ciulin

On s'est garé pour mieux se parler. Ça prouve qu'Ass est attentif et m'écoute pleinement. Sans lâcher sa main, je me suis recroquevillée en position foetale sur le siège, mes godasses en appui sur le rebord du tissus. Je tiens sa paluche tout contre ma poitrine, comme une espèce de doudou.

- Tu trouves ça con?
- Non. Même pas un instant.
- C'est quand même vachement décousu... et super effrayant... Rire nerveux. Pas dit que dans quelques heure, demain ou plus tard, je rétropédale pas comme une merde!
- Pour le truc de Vesper, j'peux te raconter ce que je sais et pour le reste, on pourra faire des recherches. Pas de doute que y a mille trucs à ce sujet sur internet. Et pour ce qui est de peut-être reprendre des études. L'idée est brillante, Asti min.
- T.. tu penses vraiment ?
- C'est l'occasion de tester des choses et d'en apprendre plus sur ce que tu aimes, ce que tu sais faire ou veux savoir faire. J'trouve que c'est une très bonne idée. Y a de bonnes écoles dans cette ville, y a aussi d'excellent artisants dans plein de domaines et ils recherchent souvent des apprentis. Y a plein de portes à pousser et faut pas te priver de les pousser.
- Chais juste pas par où commencer... Ça fout un peu les j'tons... Et si j'étais trop con pour ... ben.. pour apprendre des trucs?
- Ok... J'ai une idée... Je propose que la semaine prochaine, on parte. On va se foutre au vert. On va Inchydoney Island, le meilleur spa de cette île, on y va deux semaines.
- T'y tiens à ton spa.... Je me marre, mais ça me fait du bien cette perspective de partir tous les deux. Le voyage en Islande avait été salvateur.
- Entre deux massages, on travaille la suite, tout les deux. On fait des p'tites recherches et essaie de te défricher le chemin pour le retour. Est-ce que ça te va?
- Ça m'va... J'embrasse à nouveau ses phalanges et je lui ouvre la main pour glisser ma joue dans sa paume. Je m'y bouine comme un chaton.
- Pour ce qui est de Vesper, du mariage et de la télékinésie on peut commencer dès ce soir ou demain, si tu veux.
- Avec une bonne pizza double pepperoni, et des bières fraîches, ça m'semble être un bon plan pour la soirée.. ouais...
- Chui fier de toi, Asti min.
- Chais pas encore pourquoi, mais j'vais tenter d'savoir....Du moment qu't'es avec moi....

Je me sens pris à la gorge par une détresse soudaine. Bordel, me dites pas que j'vais encore chialer ?

- Quand t'as dit que j'te d'mandais beaucoup plus que ce que t'étais capable de donner. J'ai cru qu't'allais m'abandonner... J'ai cru qu'j'allais mourir, là, comme ça, pour d'vrai... S'tu m'laisses , j'y survivrais pas, j'crois....

***

Kaelig

- Hum... je me disais bien que t'avais pas l'air absente. Je suis désolé si j'ai déclenché des trucs sans m'en rendre compte. Viens... On va aller vérifier ton carnet de prises.

Je lui embrasse la tempe et je nous guide vers là où elle a l'habitude de poser son petit bordel. En général les choses marchent par piles. C'est un petit foutoir organisé dont je suis incapable de comprendre les arcanes labyrinthiques. Cependant, Elie s'y retrouve et c’est bien là l'essentiel.

- Mais sinon, ça va... J'suis juste inquiète pour Ciulin et Asmo. Ils sont fatigués.
- Ouais... Il est pas rentré dans les détails pour Ciulin, mais lui, il charge la mule comme jamais. Je lui ai conseillé de prendre un peu du temps pour eux et de faire un peu confiance à son entourage pour la gestion des merdiers en cours... Il a tendance à se prendre un peu pour Atlas portant le poids du monde... Je la regarde avec un sourire un brin malicieux. Je sais....C’est l’hôpital qui se fout de la charité... Tu sais, j'espère qu'un jour Ciulin arrivera à me refaire suffisamment confiance pour .. ben.. pour me causer..... Petit soupir bref. Bon, t'as envie de quoi ce soir ? Je me sens bien de te mitonner un bon petit plat ce soir !

***Asmodée***

- C'est quand même vachement décousu... et super effrayant...  Pas dit que dans quelques heure, demain ou plus tard, je rétropédale pas comme une merde!
-C'est un début, Asti min. C'est normal. On verra.

Je lui souris, ma main logée comme une peluche contre iel. J'ai l'impression d'observer Ciulin tenter de déployer ses ailes pour la première fois. Et c'est réellement merveilleux.

-Chai juste pas par où commencer... Ca fout un peu les j'tons... Et si j'étais trop con pour... ben.. pour apprendre des trucs?
-T'es pas trop con pour apprendre des trucs et tu viens tout juste de te dire que tu voulais essayer. C'est normal. T'as le temps de te poser pour trouver un point d'entrer et je serais là pour t'aider.

Une idée brillante me vient. Allions spa et utile.

-T'y tiens à ton spa...
-Oui. Et toi aussi quand tu seras là bas, tu vas voir.

Je lui lance un clin d'oeil amusé. Le plan a l'air de plaire à Ciulin. Je l'embrasse doucement et je lui propose de commencer dès ce soir.

-Avec une bonne pizza double pepperoni, et des bières fraîches, ça m'semble être un bon plan pour la soirée.. ouais.
-Parfait. Chui fier de toi, Asti min.
-Chai pas encore pourquoi, mais j'vais tenter d'savoir... Du moment qu't'es avec moi...

Je m'apprêtais à redémarrer mais je stoppe mon geste pour me tourner à nouveau vers ellui. Ses yeux sont remplis de flotte. Je lea fait doucement coulisser de son siège à moi pour lea serrer contre moi.

-Quand t'as dit que j'te d'mandais beaucoup plus que ce que t'étais capable de donner.

Mon coeur se fige. Ca a été un moment de désespoir assez violent.

-J'ai cru qu't'allais m'abandonner...
-Jamais.
-J'ai cru qu'j'allais mourir, là comme ça, pour d'vrai... S'tu m'laisses, j'y survivrais pas, j'crois.

Je lea presse contre moi avec tendresse.

-Asti min... Je ne te laisserais pas. Je n'ai aucune raison de te laisser. Je t'ai promis de ne pas t'abandonner et je tiendrais cette promesse. Sous l'émotion, je me suis peut-être mal exprimé. Je ne peux pas te forcer à vouloir changer ou aller mieux ou juste avancer. Ca ne peut que venir de toi. Tout ce que je peux faire, et avec une certaine sexitude, t'en conviendras, c'est être à tes cotés, t'aider sur le chemin que tu as choisi. Cette nuit-là... Nous étions tout les deux à bout, tout les deux écorchés vifs mais ne crois pas un seul instant que j'ai l'intention de te chasser de ma vie. Tu en es le soleil depuis que tu y es rentré et j'ai beaucoup trop lezardé pour te chasser.

Je l'embrasse doucement puis pose mon nez dans ses cheveux.

***Elehiel***

- Hum... je me disais bien que t'avais pas l'air absente. Je suis désolé si j'ai déclenché des trucs sans m'en rendre compte. Viens... On va aller vérifier ton carnet de prises.

-C'est pas ta faute. Tu sais bien. La dernière fois, j'ai crisé parce que l'eau gouttait dans la baignoire... C'est le problème des triggers, tout peut les déclencher...

Je me laisse guider parce que c'est juste agréable de sniffer son odeur pendant qu'on marche. Sur le plan de travail, je récupère mon carnet et entreprend de le parcourir en discutant. Ca me change les idées de l'angoisse montante.

-Ouais... Il est pas rentré dans les détails pour Ciulin, mais lui, il charge la mule comme jamais.
-J'ai cru comprendre, oui...
-Je lui ai conseillé de prendre un peu de temps pour eux et de faire un peu confiance à son entourage pour la gestion des merdiers en cours...

Je me retourne vers lui un sourcil haussé et un sourire amusé.

-Il a tendance à se prendre un peu pour Atlas portant le poids du monde...

Pas la moindre idée de qui est Atlas, mais hey, j'ai compris ce qu'il voulait dire et j'avoue j'peux pas m'empecher de pouffer un peu de rire; un peu plus encore quand tu te mets à sourire comme ça.

-Je sais... C'est l'hôpital qui se fout de la charité...
-Si peu. Mais c'est quand même une bonne chose que tu aies pu lui dire ça.
-Tu sais, j'espère qu'un jour Ciulin arrivera à me refaire suffisamment confiance pour.. ben.. pour me causer...

Je prends sa main et pose un baiser sur sa paume.

-Je sais... Ca va être compliqué longtemps. Iel a beaucoup de chose à régler, beaucoup de choses à se prouver et à exorciser. A la fin, la décision lui reviendra. Mais j'espère aussi qu'un jour, tout les deux vous serez amis.
-Bon, t'as envie de quoi ce soir ? Je me sens bien de te mitonner un bon petit plat ce soir !

Je rigole un peu en retournant à mon carnet, je suis les lignes et grimace un peu. Je sens la bonne douche froide de la crise d'angoisse arriver. Je me sens me crisper et ma respiration s'accélérer

-J-...J'ai rien écrit... Merde.

Je réfléchis à toute allure alors que je me sens dissocier. J'arrive plus vraiment à me concentrer sur ce qui se passe. Du coup, je demande le plus tranquillement possible.

-Tu..euh... Tu peux m'apporter le...

J'ai perdu le fil de ma pensée, là... Qu'est ce que.... Ah oui.[/color]

-Le jus d'orange avec la pulpe... Oui. C'est ça que j'cherchais.

J'ai besoin d'enraciner ma conscience et les gouts et le toucher sont important. Le jus d'orange a un gout puissant et la pulpe chatouille la langue. Ca a déjà marché plusieurs fois. Quand le verre apparait, je l'observe un instant. parce que l'espace d'un instant, je me souviens plus. Je le prends. Je souris à Kaelig, un sourire dissocié à n'en pas douter.

-Merci...

Je me laisse glisser contre son torse. Chaud. Le gout de l'orange envahit ma bouche, la pulpe tournoie. Sucré. Rugueux. La table en espèce pierre.

-Tu... T'avais fait un truc euh...

Je plisse un peu les yeux.

-C'était marrant à manger et t'avais dit que je pourrais t'aider la prochaine fois...

Je secoue la tête, vide le verre et me tourne vers lui pour l'enlacer.

-Ca va aller...

Je me sens revenir. C'est toujours une sensation étrange, de se rendre compte qu'on s'est retirer tout au fond de son esprit.

-J'ai juste eu peur... Mais... Y a pas de raisons, dans le pire des cas Sal et Dysdérie vont passer un peu plus tard et j'pourrais voir avec lui... J'ai l'impression que j'deviens meilleure à gérer mes crises... Chuppose que c'est une victoire...

Je me tourne vers Kaelig.

-C'est cool en tout cas que vous soyez bro avec Asmo.

Ciulin

- Asti min... Je ne te laisserais pas.
- Tu promets ?

J'ai la voix cassée d'un gosse qui n'arrive pas à repousser ses hoquets de sanglots. Assez pathétique, on ne va pas se voiler la face. Depuis quand je ne suis plus capable de vivre seule ? A quel moment je me suis ouvert jusqu'aux parties saignantes comme ça ?  J'avais l'impression d'être plus blindé avant...

- Je n'ai aucune raison de te laisser. Je t'ai promis de ne pas t'abandonner et je tiendrais cette promesse. Sous l'émotion, je me suis peut-être mal exprimé. Je ne peux pas te forcer à vouloir changer ou aller mieux ou juste avancer. Ça ne peut que venir de toi.
- O.. okay, ça j'ai compris.
- Tout ce que je peux faire, et avec une certaine sexitude, t'en conviendras,... Je me mare comme un idiot... c'est être à tes cotés, t'aider sur le chemin que tu as choisi.
- J'veux plus jamais qu'on s’engueule comme ça... J'avais l'impression d'être comme mes darons. C’est une horrible sensation....
- Cette nuit-là... Nous étions tout les deux à bout, tout les deux écorchés vifs mais ne crois pas un seul instant que j'ai l'intention de te chasser de ma vie. Tu en es le soleil depuis que tu y es rentré et j'ai beaucoup trop lézardé pour te chasser.
- C'est ton côté ganguro ça... Je ricane, blotti contre lui, respirant son odeur. J'adore son odeur. C'est le parfum le plus rassurant du monde. Je me redresse. P'tain, mais pourquoi tu sens bon comme ça ?

En observant sa réaction, j'ai l'impression d'un running gag à mes dépends.

***

Kaelig

J’observe son adorable minois s'affaisser. Un poigne glacée vient agripper mes tripes.

Une crise.
Elle va faire une crise.

Pourtant, je me force à rester à l'écoute sans interférer. Il faut qu'elle trouve ses propres ressorts, ses propres méthodes pour les éviter. Salomon a été clair sur ce point : J'accompagne mais je ne me substitue pas. Putain de facile à dire...

-Tu..euh... Tu peux m'apporter le...

Je passe une langue sur mes lèvres. J'ai la bouche sèche en la regardant tendre la main vers une cible indistincte. Sur la table, entre les couches, les doudous et le relief du petit déjeuner de ce matin, j'ignore ce qu’elle cherche exactement. Je lui propose plusieurs objets, en silence, la laissant prendre son temps. Elle n'est pas encore totalement "partie". Je dois être patient, prévenant mais pas étouffant. Finalement son esprit s'arrime sur la bouteille de jus de fruit.

- Le jus d'orange avec la pulpe... Oui. C'est ça que j'cherchais.
- Ok... fais-je d'un ton qui ne trahit pas mon inquiétude, bien présente pourtant. Je luis sers un verre.
- Merci...Tu... T'avais fait un truc euh... C'était marrant à manger et t'avais dit que je pourrais t'aider la prochaine fois...
- Euh...

Merde, Merde, Merde.... C'était quoi déjà ?
Rappelle-toi, couillon c’est peut-être primordial !

Alors que je commence à sincèrement paniquer, je sens ses bras menus autours de mon cou.

- Stea mea.. ?
- Ça va aller...
- Tu es sûre ?
- J'ai juste eu peur... Mais... Y a pas de raisons.
- Non.. Fais-je doucement en lui caressant le visage.
-...dans le pire des cas Sal et Dysdérie vont passer un peu plus tard et j'pourrais voir avec lui... J'ai l'impression que j'deviens meilleure à gérer mes crises... Chuppose que c'est une victoire...
- C’est est une, et pas une petite ! J'ai envie de gratin de macaronis au cheddar... C'est pas le plus raffiné, mais franchement, ça me donne faim. Promis y'aura de la salade avec!

Je ricane, mais au delà de la moquerie, mon soulagement est palpable.

- C'est cool en tout cas que vous soyez bro avec Asmo.
- Dans tes rêves ! que je crache en tournant casaque dignement en direction de la cuisine. Les loups-garous deviendront vegans le jour où ça arrivera !

***Asmodée***

Ciulin est paralysé à l'idée de ressembler à ses parents. Iel l'est tellement qu'iel n'a plus de distance pour voir les différences notables qu'il y a pourtant. Je me fais aussi rassurant que possible. Je l'embrasse, lea caresse tendrement... Je fais ce que je peux pour être un havre de paix pour cette petite boule d'angoisse.

-C'est ton côté ganguro ça...

Iel rit et ça m'ouvre le coeur en corolles colorées. Je pouffe de rire

-C'est mon coté chaud comme la braise surtout...
-P'tain, mais pourquoi tu sens bon comme ça ?

Je hausse un sourcil avec un sourcil amusé. Je suis assez persuadé de sentir le Curly mais admettons. Je passe la main dans ses cheveux.

-Tu sens pas mal non plus, malgré la bave de mandragore sur ton cuir!

Je l'embrasse doucement avant de reprendre la route jusqu'à la maison. Je laisse Ciulin gérer la pizza. On a déjà des bières fraîches à la maison. Je ne lache pas sa main de tout le trajet.
Une fois au loft, je vire mes chaussures et m'étale un peu dans le canapé.

-Bon, alors, par quoi tu veux commencer? Vesper? Le mariage? La télékinésie et les runes?

***

*** Elehiel***

La crise reflue à grand renfort de techniques trouvé auprès de la grande communauté des Neuro Atypiques. Ca fonctionne. Pas à chaque fois, mais ça fonctionne.
Et je me sens con. Con de pas voir vraiment chercher tout ça avant, con d'avoir perdu autant de temps à me battre seule.
Je suis pourtant consciente que ces recherches sont possibles uniquement parce que j'ai maintenant une certaine stabilité. Je la dois à Kaelig, à Enzo et à Owen. Je réalise que je ne les ai toujours pas présentés... En attendant, j'ai réussi à revenir et je l'ai fait presque seule.

-C'ent est une, et pas une petite !

Je souris de toutes mes dents, toujours accrochée à son cou.

-J'veux ma médaaaaaille! Et mon bisou!
-J'ai envie de gratin de macaronis au cheddar...
-Ou mon gratin. je suis prête à négocier. le bisou est hors négociation.
-C'est pas le plus raffiné, mais franchement, ça me donne faim.
-M'en fous!
-Promis y aura de la salade avec!
-En vrai me faudrait un peu plus qu'une salade...

Je souris.

-J'ai vu passé qu'un régime alimentaire varié ça pouvait aider. Bon, ça remplace pas tout l'bordel de la thérapie et des médocs et tout mais vu que c'est plein de gouts différents, ça aide à s'enraciner dans le présent...

J'enchaine sur la complicité de Asmodée et Kaelig et... Bah, j'me retrouve avec un dos dans les bras. pas marrant.

-Dans tes rêves !
-Oh mais arrête! Vous vous confiez l'un à l'autre! Si c'est pas de la bromance!
-Les loups-garous deviendront vegans le jour où ça arrivera!
-Figure-toi, monsieur j'suis trop fière pour l'admettre, que ça existe déjà et qu'on en a plein à Malsheem! Et toc!

Je lui chatouille un peu les cotes puis me pose à coté de lui sur le comptoir. Généralement, je me contente de passer les ustensils parce que je suis absolument mauvaise en cuisine et aussi parce que c'est chiant.

-... Dis. Je t'avais dit que j'allais aller chercher quelqu'un en-bas.

J'ai pas besoin de préciser, il sait de quel "en-bas" je parle.

-J'l'ai fais et, un de ces quatre, j'aimerais que tu le rencontres. Owen, il s'appelle. Je sais plus si je t'avais vraiment parler de lui parce que ben... C'est relié à plein de souvenirs un peu déclencheurs de crises... Mais, y a deux trois choses qu'il faut que tu saches sur lui et sur en bas et tout ça avant de le rencontrer... Entre autre.

Je triture un malheureux bout de plastique.

-Owen est un chien de l'Enfer... Qui... Euh... appartenait à Kali... Il a rompu son lien avec elle pour le créer avec moi... J'en ai parlé à personne... Même Asmodée est pas vraiment au courant... Il sait juste que un des chiens de Kali a disparu... Il est gentil, hein... Il est un peu... cassé... mais il a été là pendant presque les quatre ans où j'ai été en bas.

Mes cicatrices me démangent alors pour empêcher l'arrivée d'une nouvelle crise, je glisse ma main dans les cheveux de Kaelig. Je joue avec, doucement.

-Je t'en avais pas parlé, je crois? Je savais plus...