◈الغيرة◈
"La Jalousie"
And I don’t think I can stop the jealousy
When it comes, it comes like waves
I can’t breathe

Jusqu'à aujourd'hui, je n'avais jamais éprouvé les affres de la jalousie. Sentiment complexe, honteux qui fait bouillir le sang des amoureux. Je ne me serais jamais cru possessif. Je pensais cette opprobre propre à mon père. Visiblement, j'ai hérité de ce penchant mauvais, qui fait tourner le vin en vinaigre.

Je suis jaloux.
Jaloux de Nadim qui a eu toutes les premières fois d'Amon.
Jaloux de ce Balthazar qui a droit à toutes ses confessions.
Jaloux de Simone et de leur complicité silencieuse.
Et de cet inconnu là, avec le quel il rit, détendu.

Je suis anxieux.
A force de vivre caché, le doute me titille, insidieux. Amon ne me confie rien de sa vie en dehors de l'appartement. Je ne sais rien de ses amitiés, de ses hobbys, de ses activités en dehors de l'école et du cabinet. Il a élevé l'art du secret au rang de maestria. "Suis-le." m'a un jour dit sobrement Enyo. Elle ne s'encombre pas de moral ou de sentimentalisme : elle va au plus efficace. Je l'envie parfois pour cela. Le mathématicien en moi apprécie sa pertinence, toujours effective.

Je suis horrible.
Voilà pourquoi je me trouve dans cette position peu enviable d'espion. "De stalker, quoi !" me susurre ma conscience au timbre de Hui. C'est ridicule, j'en conviens, mais je ne comprends pas pourquoi il se trouve devant les portes de ce club, fameux de la ville pour être un haut lieu des nuits Noguiennes, à glousser aux plaisanteries d'un inconnu beau comme un dieu.

Je suis stupide.
L'Amour pousse à la bêtise. Le genre de bêtises qui fait que je me retrouve comme un imbécile dans le ventre de l'Eden's Rest, pour poursuivre ma filature, avec aucune bonne excuse pour justifier ma présence ici bas.

Il me manque un danseur.
Ca la fout mal.
Il est nouveau, j'l'ai jamais vu mais il est en retard.
Bon le truc qui est chiant, c'est que Asmo est là, sans déconné. J'aimerais bien que ça fasse un peu pro. Donc on s'étire en attendant, on répète quelques chorés... Les portes s'ouvrent, Asmo et Amon entrent.
Ca fait plaisir de les voir sourire un peu décontractés les deux, là. J'observe de loin avec un sourire.
La porte s'ouvre à nouveau sur un jeune homme plutôt mignon, fin, il a des allures de danseurs.
Je m'approche de lui en souriant.

-Salut! T'es l'nouveau danseur? Faut faire gaffe à l'heure, la prochaine fois.

Je le dis clairement pas méchamment. Je tends la main.

-Moi, c'est Elie. C'est moi qui chorégraphie. On t'attendait pour vous montrer les moves. T'es déjà changé ou t'as besoin d'aller backstage?

Planqué dans l'alcôve d'entrée qui sert de dépose-manteau, j'observe Amon et l'inconnu traverser la salle principale. Je les suis, en catimini, en essayant de rester discret. Peine perdue.

- Salut!
- Ah ! .. Euh...saaaalut... fais-je incertain.

Je me suis fait surprendre par une toute petite demoiselle à la tignasse rose et à la tenue aussi moulante que colorée. Je regarde par dessus elle pour voir mon djinn disparaître avec l'homme dans un bureau privé.

- T'es l'nouveau danseur? Faut faire gaffe à l'heure, la prochaine fois.
- .. P.. pardon, quoi ? Le nouveau.. euh.. Oui.. oui c'est ça....!

Rire nerveux. Le nouveau "quoi" au juste ? Je n'ai pas du tout écouté.

- Moi, c'est Elie.
- Nathan, enchanté. Je sers sa pogne tendue de mes doigts gantés. Elle a une sacrée poigne.
- C'est moi qui chorégraphie. On t'attendait pour vous montrer les moves.
- Les.. moves.

Je la contemple, d'un air parfaitement ahuri. Suis-je en train d'être enrôlé comme danseur ? Qui va croire à cette supercherie..."Pas moi... T'as la souplesse d'une planche à repasser." se gausse Jimini-Hui.

- T'es déjà changé ou t'as besoin d'aller backstage?
- Ahahah... hum... Non, non.. je vais faire ça comme ça.

Je passe mon sac en bandoulière par dessus ma tête, tout en fixant la porte du bureau fermé. Dans quoi me suis-je embarqué...?

Il a l'air timide, le nouveau danseur. Boh, c'est pas très grave. Au moins, il est mignon et il passera bien sur scène. J'ai du mal à comprendre pourquoi il danse en Jean mais admettons. Je peux pas la ramener vu les tenues dans lesquelles je teste des choré, parfois.

Les... moves.
-Ouais. La chorégraphie, quoi.

je plisse les yeux. Il a fumé ou quoi?

-Tu t'sens pas bien?

J'ai pas trop trop le temps d'insister. Il va bien falloir qu'on travaille cette ouverture de bal. Je veux un truc puissant et rigolo. Une partie des Dormeurs sont là, j'avais besoin de quelques extras pour emplir la pièce et créer un énorme mouvement de foule.

-T'es déjà changé ou t'as besoin d'aller backstage?
-Ahahah... hum...

Il est vraiment étrange, ce garçon...

-Non, non... Je vais faire comme ça.
-Comme tu sens. Va rejoindre les autres alors.

Je lui lance un clin d'oeil avant de retourner devant les groupes.

-Bon, les amis! On va pouvoir commencer! Dans quelques jours, ce tiendra l'évènement du Eden's Rest : OMG! You're Divine!

Y a des applaudissements, des petits claquements de doigts. Je ris un peu.

-On va voir les choses en grand, c'est pour ça qu'on est aussi nombreux. La choré en elle-même est pas compliqué, ça sera la première. On va passer en revu trois choré aujourd'hui donc familiarisez vous avec les mouvements et concentrez vous sur la généralité du mouvement. On verra pour la technique demain.

Je frappe dans mes mains.

-Sans attendre plus! On passe à la première, l'ouverture. Ca sera sur Din Da Da. On sera dans le noir et on aura des trucs phospho pour être vu. Gardez ça en tête.

Je fais un signe de tête et trois de mes meilleurs danseurs avec qui j'ai mis la choré au point se placent. La musique se lance et la danse dure un peu plus d'une minutes.



Une fois finie, je bois une gorgée d'eau en féilicitant mes danseurs puis je me retourne vers ceux qui vont devoir mémoriser.

-Quelques mots avant de passer en revu les pas : la précision ne m'intérésse pas... Si vous l'avez, c'est cool. Mais si votre bras est là au lieux d'être ici. Honnêtement pas grave. Ca sera pas le cas des prochaines alors profitez de ma clémence!

Ca les fait marrer. Chui contente, l'atmosphère est détendue.

-Ce qui m'intéresse surtout, c'est l'attitude de la deuxieme partie, forcément. Soyez des sassy queens! Et aussi le timing. Surtout au début, il est important, c'est ce qui donne tout son délire à la choré. bon allez! En place!

Et commence l'heure de répétition.

Je glisse avec un certain malaise au milieu des "autres" danseurs. Ils dégagent tous quelque chose de profondément inhabituel. Je mets ça sur le compte d'un milieu que je ne fréquente pas. J'évite les boites de nuit pour avorter le contact, de peur d'assécher un fêtard par inadvertance. Là, je vais devoir frétiller sciemment au milieu de futurs pruneaux. Cela ne m'enchante guère.

Le discours de la jeune femme "Elie" est galvanisant et plein d'enthousiasme. La petite troupe l'acclame et applaudit. Elle irradie de volonté et d'énergie, si bien que même lmoi, j'ai l'impression que je vais pouvoir me déhancher sans trop de soucis.
Je déchante brutalement en observant la chorégraphie.
Je n'ai pas de mots pour la décrire : c'est à la fois technique, sportif, théâtrale. Tout est dans la grâce et le sur-jeu, la sensualité lascive et la brusquerie tonique. Je songe à fuir tant qu'il est encore temps. Mais le groupe s’est resserré autour de moi si bien que je me retrouve dans une nasse malgré moi. Déglutition.

- Bon allez! En place!
"Adieux, Nath... Je t'aimais bien."


J'essaie.
On ne pourra pas me reprocher d'essayer. Mais il s'avère très vite que, outre la précision (dont je suis dépourvu) et l'attitude (qui me donne l'impression d'être un mérou travesti hors de son aquarium) je manque cruellement de rythme. Je suis en retard sur pratiquement tous les mouvements effectués, en décalage total de l'ensemble harmonieux de mes camarades. Je sue tant et si bien que ma chemise est bientôt trempée et que mon jean accroche mes cuisses humides. Je suis écarlate comme un homard cuit à l'étouffée et je souffle comme un bœuf sur le grill.

Une pause est décrétée, et je m'écarte de la piste, les poumons en feu. Il faut que je m'hydrate. Maintenant, ou c’est la syncope! Je m'échappe de la mêlée en traînant les savates vers ce qui me semble être des toilettes. Je bois abondamment au robinet, puis je m'asperge le visage. L'eau me donne l'impression de regonfler l'éponge de mes alvéoles pulmonaires. Mes muscles sont tellement brûlants qu'il me donne la sensation d'être en coton. Je retire jusqu'à ma chemise pour m’inonder le torse. On dirait un têtard malheureux hors de sa marre ou un saumon qui vient d'échapper à la poêle. Dans tous les cas, je suis ridicule.
J'observe le miroir.


- Nathan, mon grand, t'as vraiment l'air d'un abruti....

"T'es juste amoureux, mon pauvre vieux..."
C'est presque pareil.

Dix secondes.
C'est le temps que ça me prend de repérer que Nathan n'est absolument pas un danseur. Je l'observe essayer de reproduire les pas avec l'application d'un gamin qui apprend à écrire. Certains des danseurs ont remarqués aussi et je les vois, discrètement, essayer de lui donner un coup de main.
Qu'est-ce qu'il fabrique là...? Et pouquoi il m'a dit oui...?
J'avoue que ça me fait sourire de le voir se démener avec autant de ferveur à donner le change. Il a l'air d'une volonté à toutes épreuves, reste à savoir ce que la volonté en question veut.
Je le regarde galérer avec un certain amusement pendant une bonne demi-heure avant de proposer une pause de quelques minutes. Nathan est en train de cuir dans son Jean, il est tout dégoulinant dans sa chemise et dans son jean - qui lui rentre depuis près de dix minutes dans les fesses, le pauvre. Il mérite une pause et que je mette fin à ses tourments.
Il s'eclipse dans les vestiaires des "filles" du club, ça aussi ça me fait sourire... Juju vient me demande ce que ce type fiche là en rigolant. J'en sais rien. Je suis la grande tige.

-..Vraiment l'air d'un abruti...
-J'trouvais que tu t'en sortais pas mal pour un mec qu'a jamais danser de sa vie.

Je pouffe de rire en me dévoilant.

-Tu t'es même donné à 200%, bien joué. Bon par contre, j'suis désolée. T'es adorable mais j'vais pas pouvoir te garder.

Je m'approche en pouffant un peu. Je lui fais signe de s'asseoir.

-tends tes jambes, pieds pliés et penche toi. Aussi loin que tu peux, pour étirer tes muscles.

Je m'asseois par terre et fait le mouvement pour l'aider et m'étirer aussi.

-Bon... Nathan. Qu'est-ce que tu fais là, si t'es pas danseur? J'veux dire, si tu veux danser, pas de soucis, hein. Mais bon. T'es pas super à l'aise.

Je lui montre ses bras et fait les mouvements.

-Fais des cercles avec tes coudes, ça va détendre un peu tout ça. Allez, allez. Respire profondément.

Je plisse les yeux.

-Tu suivais quelqu'un?

-J'trouvais que tu t'en sortais pas mal pour un mec qu'a jamais danser de sa vie.

Je tourne la tête vers l'embrasure de la porte. Elie la chorégraphe, me regarde avec une expression amusée qui me tire une petite grimace.

- Tu t'es même donné à 200%, bien joué. Bon par contre, j'suis désolée. T'es adorable mais j'vais pas pouvoir te garder.
- Mon style d'avant-garde est encore mal compris de mes paires... fais-je avec un soupir un peu surjoué. Quelle tragédie !

Je la regarde avec un petit sourire. Autant abdiquer devant ma propre stupidité. Je mérite amplement cette honte qui me pince les joues. Elie m'indique de m'asseoir et jamais plier les jambes ne me parait manœuvre plus ardue. J'en bave salement juste pour que mes fesse entre en collision avec le carrelage.

- Bordel!* que je lâche en français.
- Tends tes jambes, pieds pliés et penche toi. Aussi loin que tu peux, pour étirer tes muscles.

Je m’exécute docilement. Ma colonne vertébrale produit des cliquetis inquiétant.

- Bon... Nathan. Qu'est-ce que tu fais là, si t'es pas danseur?
- A part me faire humilier, pas grand chose de constructif, je t'avoue...
- J'veux dire, si tu veux danser, pas de soucis, hein. Mais bon. T'es pas super à l'aise.

J'éclate de rire et je prends un air très sérieux, trahi parfois par l'ombre d'un sourire. Je lisse mes cheveux vers l'arrière d'un geste inconscient.

- Je ne vois vraiment pas ce qui vous fait dire ça, madame la chorégraphe. Ma souplesse est pourtant légendaire.... Après tout c'est vous qui avez décrété que j'étais le danseur que vous attendiez! Je n'ai pas spécialement démenti, c'est tout... bien que j'aurais sans doute du vu les courbatures que je vais récolter.
-Fais des cercles avec tes coudes, ça va détendre un peu tout ça. Allez, allez. Respire profondément.

J'obéis, encore une fois.

- Tu suivais quelqu'un?
- Hé bien... Mauvais danseur et espion raté. J'en perds toutes mes pistes de reconversion... Je laisse retomber mollement mes bras et mes jambes se replient en tailleurs. Long, très long, soupir. Je suivais quelqu'un, oui. Parce que je suis un petit con anxieux particulièrement débile. Sur le papier, ça ne me semblait pas une mauvaise idée : moralement douteux, je le reconnais... Je la regarde avec des grands yeux, réalisant soudain la porté possible de mon aveux. Je t'arrête tout de suite : je ne suis pas un pervers ! Un pauvre type, éventuellement, ça se discute. Je suis coupable d'être un piètre danseur, un crétin et un amoureux transi, mais ma liste de crime s'arrête là ! Je ne suis pas dangereux, c'est promis !

Je toise Elie avec un rire au coin de la bouche et une expression quelque peu piteuse.

- Et entre nous, si je l'étais, George Kranz s’est assuré de me mettre hors d'état de nuire...

Nathan doit faire autant de sport qu'un vieil homme arthritique. Il se plie avec une difficulté comique qui me fait autant rire que ça me serre le coeur. Allez savoir pourquoi. Il exécute mes étirements sans maugréer et fait preuve d'humour et d'esprit sur sa petite expérience de danse.
Je souris et ris à ses traits d'esprit. C'est un garçon agréable dont je sens les espoirs frétiller au coeur de sa cage thoracique. Des beaux espoirs d'amour, grignotés par l'inquiétude de l'inconnu, peut-être?

Je finis par lui demander ce qu'il fait là et il pirouette.

-Après tout c'est vous qui avez décrété que j'étais le danseur que vous attendiez !
-Euuuuh...
-Je n'ai pas spécialement démenti, c'est tout...
-Chez moi, ça s'appelle mentir, Monsieur souplesse légendaire.

J'éclate de rire.

-Bien que j'aurais sans doute du vu les courbatures que je vais récolter.
-Ah bah, ça... T'es bon pour marcher en pingouin demain. Bois beaucoup d'eau. Ca aide à éliminer l'acide chaipuquoi. Lactique? Bref. De l'eau, ordre de madame la chorégraphe. Et pitié, fais des étirements demain. Ton corps de boud'bois te diras merci.

Je lui lance un clin d'oeil avant d'enchainer les étirements. Il ne met pas longtemps à valider ma théorie: oui, il suivait quelqu'un.

-Je suivais quelqu'un, oui. Parce que je suis un petit con anxieux particulièrement débile.
-Soit pas si dur avec toi-même.
-Sur le papier, ça ne me semblait pas une mauvaise idée : moralement douteux, je le reconnais....

Il se fige me regarde avec des grands yeux soucoupes. On dirait qu'il vient de chier une pomme de pin.

-Je t'arrête tout de suite : je ne suis pas un pervers !

C'est à mon tour d'ouvrir grand les yeux et d'éclater de rire. Ca ne m'avait même pas traversé l'esprit!

-Ah bah merci! J'avais vu!
-Un pauvre type, éventuellement, ça se discute.
-Maiiiis arrête lààààà! Pourquoi tu t'insultes! Y a pas mort d'homme. bon au pire y a mort par canard demain, mais on y est pas.
-Je suis coupable d'être un piètre danseur, un crétin et un amoureux transi, mais ma liste de crime s'arrête là !

Je souris. Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaw! Il est amoureux! Mais de qu-.... OH!

-Je ne suis pas dangereux, c'est promis !
-Ah ben merde alors!!!
-Et entre nous, si je l'étais, George Kranz s'est assuré de me mettre hors d'état de nuire...

Il me fait marrer ce garçon! J'arrête pas de me marrer. Je hoche la tête et me redresse. Je lui tends la main.

-Allez debout! J'vois que t'as du gout, ça t'sauvera. Et j'comprends ce qu'Amon te trouve.

Je secoue la tête. Maintenant que ça a cliqué dans ma tête, j'comprends pas que j'ai pas vu ça avant.

-C'est lui que tu suivais non? Amon. Ou alors t'es pas le même Nathan dont il m'a parlé et du coup, d'un coup cette conversation devient complètement chelou. Mais j'veux dire, pas vraiment possible. T'es rentré, quoi... 15secondes après eux. Et tu t'appelles Nathan. C'trop gros.

Je hausse les sourcils.

-Attends, attends. Pourquoi tu suis Amon? T'es anxieux? De quoi?

Tant de questions, si peu de réponses...

-Pas obligé de réponse mais t'as l'air d'avoir besoin de vider ton sac, chaton. J'peux aider?

-Allez debout!
- Humpf... Merci ! J'attrape la main tendu avec le peu de dignité qu'il me reste.
- J'vois que t'as du gout, ça t'sauvera.
- Ah, oui, l'animation de dîners mondains c’est plus "mon truc"*
- Et j'comprends ce qu'Amon te trouve.
- Qu.. Quoi ?

Je lâche brusquement sa pogne et manque de tomber à la renverse. Je me rattrape au mur juste à temps.
"Adieu dignité!"

- C'est lui que tu suivais non? Amon.
- Je.. euh.. Oui... Comment as-tu su ?
- Ou alors t'es pas le même Nathan dont il m'a parlé et du coup, d'un coup cette conversation devient complètement chelou. Mais j'veux dire, pas vraiment possible. T'es rentré, quoi... 15 secondes après eux. Et tu t'appelles Nathan. C'trop gros.

Je pique un fard qui n'a plus rien à voir avec l'effort. Je balbutie d'une voix bien moins assurée.

- Il.. Il t'as parlé de moi ?

Pourquoi ?
Qui est cette demoiselle-fraise tagada pour lui ?
"Moi, moi je ne sais rien de toi Elie"

-Attends, attends. Pourquoi tu suis Amon? Je me mordille la lèvre inférieure, le regard fuyant. T'es anxieux? De quoi? J'ouvre la bouche, puis la referme préférant remettre ma chemise humide qui me colle un effet désagréable sur l'échine. "Ma fortune pour un T-shirt propre..."Pas obligé de réponse mais t'as l'air d'avoir besoin de vider ton sac, chaton. J'peux aider?
- Oh, double casquette chorégraphe et conseillère du cœur ? C'est avisé de ne pas mettre tous ses œufs dans le même paniers... dis-je en jouant les petits malins. La vérité c'est que je n'en mène pas bien large. Et que j'ai le coeur un peu serré. Amon ne m'a jamais parlé de toi, Elie. En fait, il ne me parle jamais de rien. J'attrape des noms au vol, des bribes d'informations, mais il reste opaque et insupportablement secret. Je... Je ne sais rien de lui. Je me tortille les doigts. Je sais juste qu'il est ami avec un certain Balthazar et j'ai rencontré Simone, une fois.

Je frémis malgré moi. Simone me flanque la trouille. Je regarde Elie, penaud, risible.

- Il est plus âgé que moi ... Doux euphémisme... Ses premières fois sont déjà loin derrière lui, pas les miennes, tu vois ? Et puis... J'ai l'impression qu'il n'assume pas vraiment notre relation ou alors il me garde sous cloche, je n'en sais rien. Rire pitoyable. J’arbore une petite grimace. Je l'ai vu s'esclaffer avec cet inconnu, et ça m'a fait un espèce de coup au coeur. Ahaha....Je me cache le visage dans les mains. Je ne sais pas pourquoi je te raconte ça, je suis ridicule, on dirait une vieille romcom à deux balles....

J'ai le nez qui coule. En retirant mes mains je remarque du rouge sur les paumes.

- Mince.. Je saigne du nez...

Excès d'excitation physique, sans doute.

-Il... Il t'as parlé de moi ?
-Bien sur qu'il m'a parlé de toi! T'es son amoureux!

Il est écarlate et sa question me fait mal au coeur parce qu'elle s'accompagne de cette expression de surprise douloureuse. Je me demande si j'ai gaffé, s'il aurait mieux fallu feindre l'ignorance. Du coup, je pose des questions pour mieux comprendre. Sa gêne se matérialise. Je lui laisse un peu d'espace quand je le vois enfiler sa chemise. Je farfouille mon casier à la recherche d'un T-shirt noir, beaucoup trop grand pour moi. Y a un gros logo d'une fête obscure Londonnienne dessus. Je reviens pour lui virer sa chemise alors qu'il fanfaronne comme il peut. Je lui fais enfiler le T-shirt.

-Oh, double casquette chorégraphe et conseillère du coeur ?
-Mieux comme ça non...
-C'est avisé de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même paniers.

Il finit par faire tomber cette apparence de petit gars futé - et il a l'air futé, c'est loin d'être le soucis.

-Amon ne m'a jamais parlé de toi, Elie.
-Oh...

Je commence à voir où ça va aller.

-En fait, il ne me parle jamais de rien. J'attrape des noms au vol, des bribes d'informations, mais il reste opaque et insupportablement secret. Je... Je ne sais rien de lui.

Je le regarde tortiller ses doigts comme un ado transi d'amour. Je l'attrape gentiment par le bras et je nous fais asseoir sur le petit canapé rapé. Il a besoin de se poser. Il me parle de Simon et de Balthasar. Je remets quelques unes de ses mèches en place.
J'écoute, pour le moment. Il a besoin de lacher un peu de pression, ça se sent dans tous ses mouvements.

-Il est plus âgé que moi... Ses premières fois sont déjà loin derrière lui, pas les miennes, tu vois ? Et puis... J'ai l'impression qu'il n'assume pas vraiment notre relation ou alors il me garde sous cloche, je n'en sais rien.

Son rire me fait du mal à l'ame, j'ai l'impression que mon palpitant s'accorde à sa douleur et se serre en rythme avec le sien.

-Je l'ai vu s'esclaffer avec cet inconnu, et ça m'a fait un espèce de coup au coeur. Ahaha...
Un peu de jalousie, quoi...

Il cache son visage et je récupère tranquillement ses mains pour l'en dégager.

-Non, non, chaton. Pas besoin de te cacher. C'est ok. T'as le droit.

Je l'attire dans mes bras et je le serre doucement. Il a besoin d'un peu de douceur, Nathan. Il a besoin qu'on lui dise que ça ira. Je ne sais pas si mes "ça ira" auront de la valeur pour lui mais tant pis, j'essaierais quand même.

-Je ne sais pas pourquoi je te raconte ça, je suis ridicule, on dirait une vieille rom com à deux balles...

Il a remis les mains sur son visage, moi, je l'ai toujours dans les bras.

-Mince.. Je saigne du nez...

Je hausse un sourcil.

-Bah dis donc, y a vachement de gens qui saignent du nez en ce moment, c'est dingue... Allonge toi, tête sur mes jambes, lève le nez.

J'en profite pour récupérer des mouchoirs que j'entreprend de rouler tranquillement.

-Tu sais... Je comprends tout ce que tu dis... Amon est un putain de bunker... Je le connais pas tant que ça, c'est juste que j'étais là et que ben... je sais pas pourquoi, les gens me parlent facilement. Et c'est cool, parce que souvent, ça fait du bien de juste dire ce qu'on a sur la conscience, tu crois pas?

Je glisse un mouchoir dans son nez.

-Garde la main dessus... Ca fait pas si longtemps que vous êtes ensemble et ça fait encore moins longtemps qu'il est vraiment... libre. Ses premières fois sont déjà loin mais tu rates le plus important. C'est avec toi qu'il expérimente la plus importante : regagner sa liberté. Et, je pense pas qu'il t'assume pas. Il parle de toi à littéralement tout les gens qui lui sont proches. Balthy arrête pas de le vanner à ce sujet, gentiment. D'ailleurs, l'inconnu qui était avec Amon? C'était Balty.

L'opération digue du nez est terminé. Je regarde Nathan en souriant.

-Ca ira tu sais. Amon est simplement quelqu'un de lent et j'imagine comment t'as galéré pour en arriver à être avec lui et qu'il soit ouvert un peu avec toi... T'es pas ridicule. T'es amoureux et c'est humain d'avoir peur de donner sa confiance et son amour à quelqu'un qui ne va pas au même rythme que soi. La différence d'âge n'aide pas. J'vois déjà le délire avec un mec de plus de soixante ans, alors avec un mec de 600 balais... Ils ont pas le même rythme.

Je l'aide à se redresser.

-Ce que j'essaie de te dire, je crois, c'est que Amon a passé six cent ans à être une boite de Pandore et elle s'ouvre enfin. Et elle s'ouvre pour toi. Peut-être que le mieux, autre que la patience, c'est d'en parler ouvertement avec lui. Tes inquiétudes sont légitimes, ton ressenti est valable. Il ne sera pas ouvert et exactement comme tu voudrais qu'il se comporte avec toi tout de suite mais... y a beaucoup de choses qui se passent en ce moment et si ça se trouve, il ne s'est pas rendu compte que tu vivais cette relation exclusivement à deux et dans une petite bulle rien qu'à vous uniquement si mal. Et j'veux dire, Amon, pour un psy, c'est vraiment un type qui calcule pas du tout ce que les gens pensent.

Je l'approche du lavabo et souris.

-Allez débarbouille toi. J'vais te présenter à Balty et on va voir Amon. Fais moi confiance, on va faire passer le message, crème, t'en parlera avec lui après. Ca t'va?

Elie est tactile. Quand elle tripote mes cheveux, je me dégage instinctivement. Quand elle me prend la main isolée par les gants en cuirs, je la retire. Pure réflexe rompu par l'habitude de tenir à distance toute victime potentielle de mon contact. Son prêt de T-shirt est providentiel. Jamais la sensation d'être propre et sec ne m'a parue si délectable. Mais la voilà qui me sert dans ses bras et je me crispe, veillant maladroitement à empêcher le "peau à peau". Je ne sais pas comment m'en défaire sans paraître odieux.

Je ne souhaite nullement lui faire du mal.

Le hasard choisit ce moment précis pour me faire saigner du nez. Échappatoire providentiel. Elie s'écarte, en quête de mouchoir.

- Allonge toi, tête sur mes jambes, lève le nez.
- Pas sur tes cuisses... Je.. J'préfère pas. Pardonne-moi, ça n’est pas contre toi... mais j'ai peur quand on me touche, que je souffle , je regard rivé vers le plafond. Cela ne l'empêche pas de me glisser des papillotes de kleenex dans les narines. "T'as le look coco!"
- Tu sais... Je comprends tout ce que tu dis... Amon est un putain de bunker...
- A qui le dis-tu.... J'ai courtisé la serrure pendant près d'un mois avant d'arracher mon laisser-passer.
- Je le connais pas tant que ça, c'est juste que j'étais là et que ben... je sais pas pourquoi, les gens me parlent facilement. Et c'est cool, parce que souvent, ça fait du bien de juste dire ce qu'on a sur la conscience, tu crois pas?
- Ahaha... tu prêches un converti. Ironique quand on sait que c’est un psy...
- Garde la main dessus... m'ordonne-t-elle et j'obéis, la caboche renversée sur le dossier du canapé. Ça fait pas si longtemps que vous êtes ensemble et ça fait encore moins longtemps qu'il est vraiment... libre. Ses premières fois sont déjà loin mais tu rates le plus important. C'est avec toi qu'il expérimente la plus importante : regagner sa liberté. Et, je pense pas qu'il t'assume pas. Il parle de toi à littéralement tout les gens qui lui sont proches. Balthy arrête pas de le vanner à ce sujet, gentiment.
- Balty.. C’est Balthazar ?
- D'ailleurs, l'inconnu qui était avec Amon? C'était Balty.
- Oh... J'ai l'air d'autant plus d'un crétin maintenant....
- Ça ira tu sais. Amon est simplement quelqu'un de lent et j'imagine comment t'as galéré pour en arriver à être avec lui et qu'il soit ouvert un peu avec toi... Je ponctue d'un petit rire qui fait tressauter les papier rougis. Je l'ai carrément mis au pied du mur. T'es pas ridicule. T'es amoureux et c'est humain d'avoir peur de donner sa confiance et son amour à quelqu'un qui ne va pas au même rythme que soi. La différence d'âge n'aide pas. J'vois déjà le délire avec un mec de plus de soixante ans, alors avec un mec de 600 balais... Ils ont pas le même rythme.
- Attends....Quoi ?

Je pivote la tête vers elle avec une expression stupéfaite.

- Tu connais son âge véritable.... J'en déduis que tu sais que c’est un djinn ?... Fichtre... Tu es aussi une créature surnaturelle, comme Simone ?

La chose ne semble pas l'interpeller: Elie continue sur sa lancée, dispensant des mots rassurants tout en me faisant lever. Pourtant ma cervelle tourne en rond sur cette nouvelle donnée. Est-ce que les danseurs de tout à l'heure étaient aussi des êtres magiques ?

- Allez débarbouille toi. J'vais te présenter à Balty et on va voir Amon. Fais moi confiance, on va faire passer le message, crème, t'en parlera avec lui après. Ça t'va?
- Tu ne penses pas préférable de cacher cette pénible mésaventure et de me laisser repartir comme si de rien n'était ?... nan...?... Bon. Je retire les tampons de mes narines toutes coagulées et je nettoie délicatement les cavités à l'eau fraîche. Je tente une autre stratégie. Tes danseurs ne vont pas te réclamer ? Ce serait terrible pour le show "OMG! Gorgous... truc", non ?

"T'essaie de te défiler, Nath ?"
Absolument, je suis mortifié à l'idée de dévoiler ma jalousie à Amon.

- Pas sur tes cuisses... Je.. J'préfère pas. Pardonne-moi, ça n’est pas contre toi... mais j'ai peur quand on me touche.

Je finis de lui mettre les mouchoirs dans le nez et je hausse les sourcils. Mon coeur rate un battement. J'ai même pas capté. Putain, je me sens débile.

-Ah! Merde! Désolée! Chui hyper tactile alors j'ai pas capté! J'ferais gaffe. T'excuse pas! C'était super déplacer de ma part. Haha...

On discute, on discute et je le retraumatise. Quand je parle de l'age d'Amon il  me regarde avec des gros yeux ronds.


-Tu connais son âge véritable... J'en déduis que tu sais que c'est un djinn?
-Grillé à ma première consultation, en fait...
-... Fichtre... Tu es aussi une créature surnaturelle, comme Simone ?
-Aloooors... Oui. Mais non. Le seul point qu'on a en commun, c'est qu'on est morte à  un moment... Moi, chui un démon... Depuis quoi... Un an? Autant dire que j'suis un bébé aussi.

Quand vient le moment de la proposition, j'ai l'impression que Nathan se transforme en gélatine. J'ai tout le mal du monde à me retenir de lui tirer les joues en rigolant et à le chatouiller pour l'embeter. C'est débile mais j'ai un besoin constant de contact.

-Tu ne pense pas préférable de cacher cette pénible mésaventure et de me laisser repartir comme si de rien n'était? ... nan...?..
-Bah, dans l'idée, c'est toi qui décide, j'suis pas ta mère. Mais tu vas faire quoi exactement à part rentrer chez toi et te sentir tout nul sans raison?
-Tes danseurs ne vont pas te réclamer ? Ce serait terrible pour le show "OMG! Gorgous...truc", non?

Je fais semblant de m'affoler avant d'éclater de rire. Je m'apprête à lui tapoter l'épaule mais j'arrête mon geste avant. Putain, j'aurais jamais cru que c'était aussi DUR de pas toucher.

-Lulu a déjà pris le relais. Ca fait quoi, un bon vingt minutes qu'on discute. Ils sont autonomes, je corrigerais quand on aura fini.

J'inspire doucement.

-Je te propose ça. On y va. On dit juste que tu viens voir Amon et je fais ma moi habituelle : "oooh mais tu nous l'a caché si longtemps ce Nathan! Il est trop sympa, venez, on boit un verre!" Avoue, c'est dans le caractère. A toi de voir après si tu décides d'être sincère avec lui ou si tu préfères noyer le poisson. Ce que tu vis, c'est du domaine du privé entre Amon et toi. Ca a pas besoin de sortir là, avec Balty et moi. Là, on va juste te faire rencontrer Balty et tu viens voir ton mec dans un autre contexte que tout les deux, parce que ça te fait plaisir. Ok?

Elie est un démon. Un "bébé-démon". C'est assez raccord avec la couleur bonbon de ses cheveux et sa frimousse de petite fille. Par ailleurs, bien qu'il me serait facile de contrer ses arguments avec une rhétorique imparable de mon cru, j'ai du mal à me soustraire à son enthousiasme. Elle a le pouvoir d’attraction des astres autour du quel les planètes font leur révolution. Je suis happé bien malgré moi, par sa volonté.

- Ah....hum....Soupir embarrassé.
- Je te propose ça. On y va. On dit juste que tu viens voir Amon et je fais ma moi habituelle : "oooh mais tu nous l'a caché si longtemps ce Nathan! Il est trop sympa, venez, on boit un verre!" Avoue, c'est dans le caractère.
- Quel talent, je trouve que tu te joue très bien toi même ! Qui l'eut cru ? que je fanfaronne en petit cabotin consommé.
- A toi de voir après si tu décides d'être sincère avec lui ou si tu préfères noyer le poisson.
- Deux maritins noient un poisson.. On dirait le début d'une mauvaise blague Carambar... Pardon, tu ne dois pas savoir ce que c’est! Je ne peux pas m'empêcher de dévoyer la conversation sur une note d'humour qui cache bien mal mes appréhensions.
- Ce que tu vis, c'est du domaine du privé entre Amon et toi. Ça a pas besoin de sortir là, avec Balty et moi. Là, on va juste te faire rencontrer Balty
-... Qui va peut-être me détester....
- et tu viens voir ton mec dans un autre contexte que tout les deux, parce que ça te fait plaisir.
- Parce que je l'ai suivi comme tout bon petit ami abusivement jaloux qui se respecte!
- Ok?

Je regarde ce petit boit de femme qui ne s’est pas laissé démonté une seule seconde par mes démonstration de mauvaise foi. Énorme soupir.

-... Ok! Nous sortons des toilettes... pour filles. Qu'importe, au point où j'en suis. L'abattoir est en haut de l'escalier, je présume ? Tu sais, Elie, tu devrais songer à faire carrière en tant V.R.P. : tu es hyper persuasive comme nana ! Je souris à demi tout en sentant l'angoisse monter. A propos, Tu peux me toucher, juste.. pas la peau directement. Je ne maîtrise pas vraiment la manière dont j'influence les fluides du corps. J'aimerais éviter de te transformer un raisin sec.... D'où les gants.. du coup... hum..... Il est vraiment plein de marches cet escalier!

-Deux maritins qui noient un poisson... On dirait le début d'une mauvaise blague Carambar... Pardon, tu ne dois pas savoir ce que c'est!
-Nan, pas la moindre idée! Mais chuppose que c'est ce que toi et Amon êtes.. Et Maritins, ça sonne comme marin... Alors chai pas, ça a à voir avec la mer?

Je demande ingénuement. Kaelig m'a laissé l'accès à ses bibliothèques et sans déconner, y a beaucoup de livres. Alors j'avance LENTEMENT.
Il finit par se laisser convaincre, malgré lui. Je hausse les sourcils. J'ai un peu la sensation de le contraindre mais bon... C'est un grand garçon capable de dire non, j'imagine...

-L'abattoire est en haut de l'escalier, je présume?
-Balty est pas si terrifiant que ça, tu sais. En vrai, une fois que tu l'auras vu chanté "All by myself" complètement torché, tu verras plus jamais le gars sous le même angle.

Je l’emmène tranquillement vers le bureau d'Asmodée.

-Tu sais, Elie, tu devrais songer à faire carrière en tant que V.R.P. : tu es hyperpersuasive comme nana !
-Haha! Chai pas c'que c'est un V.R.P mais merci du compliment. Après, te sens pas forcé, hein.

En le sentant flipper comme s'il allait faire sa demande en mariage, je commence à me demander si les "distances" prisent par Amon n'ont pas à voir avec cette sourde angoisse... J'en sais rien mais j'ai l'impression que Nathan devient aussi petit qu'une souris au fur et à mesure qu'on monte les marches.

-A propos, tu peux me toucher, juste.. pas la peau directement.
-Oh. Ok!
-Je ne maîtrise pas vraiment la manière dont j'influence les fluides du corps.
-M'en parle pas...
-J'aimerais éviter de te transformer en un raisin sec... D'où les gants.

Je fais volte face en le regardant d'un air faussement choqué.

-AH NON HEIN! J'ai fait mon masque ce matin! Viens pas m'friper!

Je ris un peu. je reprends plus sérieusement.

-Je comprends, t'inquiète...Si jamais c'est trop, dis le moi. J'influe sur l'espoir des gens et vu que je maitrise pas non plus tout et que c'est lier à mes émotions. ET que je suis quelqu'un de très émotif. Ca part en couille assez vite aussi. Ca et le goudron, j'en peux plus de dégouliner et de niquer tout mes fringues. J'espère que tu vas trouver un moyen de gérer ça. J'compatis en tout cas.

-Du coup... hum... Il est plein de marches cet escalier !
-... C'est parce que t'as arrêté de les monter, en fait!

Je lui souris gentiment et lui fait signe de la tête. On monte, je toque à la porte en retenant Nathan par la poche de son fute.

-teuhteuhteuh, c'est trop tard. Allez!

Asmodée vient ouvrir la porte et nous dévisage. il a un grand sourire, autant dire que ça devait bosser super dur là-dedans.

-Elie? Ca va pas?
-Ah sisi! Ca va super! J'ramène Nathan avec moi. Il est venu voir Amon!
-Nathan?

Le sourire de Asmodée s'aggrandit un peu plus. Il s'écarte pour nous laisser entrer.

-Entrez, entrez! Amon! Y a notre sujet de discussion depuis une heure et demi qui vient d'arriver.

Il se retourne vers Nathan et lui tends la main.

-Nathan, ravi de te rencontrer. Je suis Baltasar et j'ai BEAUCOUP entendu parlé de toi.
-Mais ouais! Il fait qu'en parler et il nous l'planque alors qu'il est adorable! T'es vilain Amon!

Les deux compères étaient installés dans un des sofas confortables autour de boites de traiteurs chinois et quelques dossiers qu'Asmo fait se ranger d'un mouvement de main. Il nous fait signe de nous asseoir.

-Venez, venez! Amon était en train de faire du thé!
-Aaaaaah oui! du thé chaud! Ca fera du bien.

Je lance un clin d'oeil à Nathan et lui tapote gentiment l'épaule en faisant gaffe de rester sur son T-shirt. Je me laisse tomber à coté d'Asmodée avant de me servir en nourriture chinoise sous le regard outré de mon oncle.

-Me regarde pas comme ça, j'me casse le cul à rendre ton bal potable. Tu peux bien me laisser piquer dans tes plats.
-T'es payée pour ça.
-Pas assez pour tes caprices de princesse. J'devrais reprendre mes anciens tarifs, tiens.

Je lui tire la langue et Asmodée téléporte la bouffe dans sa propre main avant de dire.

-Alors Nathan, c'est toi la raison pour laquelle je ne peux plus parler beaux culs pendant les cours de Pilates?

Je me tourne vers Asmo avec de grands yeux ronds. Je... Il fait du pilates.... Attends... Amon FAIT DU PILATE? Pourquoi on m'a caché ça?

Une soirée prometteuse en perspective. Comme chacune qui s'annonce quand je passe à l'Eden et que je m'accorde de passer du temps dans l'univers de Malsheem, en bonne compagnie. J'ai du mal à rester seul, depuis que mes angoisses sont devenues disparates. Elles ne prennent plus le dessus mais les souvenirs sont capricieux. La présence de mon ami démon m'apporte un réconfort que j'ai trop négligé, ces derniers temps.
J'ai besoin d'être entouré. Je ne suis pas aussi seul que ce que mon anxiété a pu me dicter.

Aussi, ce soir, il est temps de travailler, à deux, pour plus de convivialité. J'échange, entre deux sujets de conversation et bouchées de nems, des recommandations de nouveaux candidats potentiels pour le réseau. Les temps qui courent veulent bien démontrer à quel point certains sont résolus à agir. Les convictions sont aussi vibrantes que les actions sont importantes, et renforcer Malsheem semble prioritaire avec les combats à venir. Les Hurlants n'attendent pas, ils agissent déjà.

Nous dérivons pourtant, comme souvent. Il est difficile de ne pas badiner avec lui, quand le boulot se termine et qu'il revêt tout ses attraits d'ami fidèle. Les sujets se sont multipliés : sa relation, la mienne – surtout la mienne, j'avais à cœur de tout lui raconter -, cette histoire de sorcière qu'il héberge, mes propres problèmes... nous nous en sommes même venus à cette obscure soirée de beuverie dont les traces sont encore floues quand quelqu'un interrompt le fil de notre discussion et frappe à la porte.

Je relève la tête lorsqu'il ouvre, curieux. Elie ? Il est vrai qu'il me semble l'avoir aperçue en arrivant, occupée avec toute une troupe près de la scène principale.

« Bons- », que j'aborde, d'une salut de la main, avant de me figer de surprise. Je cligne des yeux, pris au dépourvu. « Nathan... ?? »

Je trahis mal un sourire mué d'étonnement et d'agréable sensation de joie. C'est plus fort que moi. Je suppose que c'est l'Amour qui fait ça.
Mais une myriade de questions me viennent en tête alors qu'Elie et Asmodée tissent le fil de la conversation de manière toute naturelle.

« Nathan, ravi de te rencontrer. Je suis Baltasar et j'ai BEAUCOUP entendu parlé de toi.
- Mais ouais! Il fait qu'en parler et il nous l'planque alors qu'il est adorable! T'es vilain Amon!
- Euh... je... plaide coupable ? Ha, ha... »

Je ris, gêné, ne sachant pas réellement où me placer. Je pensais présenter Asmodée un peu plus tard, quand tout serait plus calme. Sans doute parce qu'il occupe une place un peu plus particulière, mais il faut croire que le moment est venu. C'est inattendu, mais loin d'être déplaisant.

Mon regard se pose sur Nathan, me levant, tendant la main pour l'accueillir et venir prendre la sienne. Je ne remarque les gants qu'en les touchant, me rappelant qu'en public, il a encore du mal à s'en défaire. Ce que je respecte. Mon sourire ne disparaît absolument pas, l'invitant à s'asseoir sur la sofa.

« Je ne savais pas que tu connaissais l'Eden... ? Ou que j'y travaillais parfois ?... » Je commence à me demander si je lui en ai même déjà parlé. C'est peut-être tombé au hasard d'une conversation avec Simone ? Peut-être...
Je dois dire que le côté extatique de l'instant me faire un peu perdre la notion du temps. Je caresse sa main du pouce, plus discrètement que chez nous. « Mais ça me fait plaisir que tu sois venu... En fait, hum... je voulais te présenter Baltasar depuis un moment, mais avec tout ce qui se passe... bref ! C'est l'occasion, j'imagine ! Baltasar, Nathan, Nathan, Baltasar. »

Le dit Baltasar reprend de plus belle, alors que je m'empourpre étrangement à la mention des cours de gym. Je bois machinalement ma tasse de thé avant de servir Elie dans une autre que je vais chercher, ainsi qu'une seconde pour Nathan. J'arque un sourcil à la pique démoniaque :

« Je te signale que c'était déjà déplacé avant que je sois en couple, et que tu t'es déjà pris une baffe le mois dernier d'un des animateurs. Je me demande comment tu as bien pu conserver ta carte de membre « golden »... »

La théière en main, j'inspire les douceurs florales qui en émane, avant de la désigner à mon jeune djinn :

« Tu en veux ? C'est un thé vert au jasmin sambac d'Indonésie. »

Figé devant la porte, j'ai un mouvement de demi-tour instinctif. Elie me rattrape par le cul -littéralement- pour stopper ma fuite.

- Teuhteuhteuh, c'est trop tard. Allez!

Trois coups sonne le glas.
Ma bouche imprime une torsion, expression cartoonesque de celui qui va recevoir un piano sur la tête.
La porte s'ouvre sur le très bel homme de tout à l'heure.

- Elie? Ça va pas?
- Ah sisi! Ça va super! J'ramène Nathan avec moi. Il est venu voir Amon!
- Nathan?
- Bons....Nathan... ??

Je toussote en me mordillant la lèvre. Je me lance en apnée sans avoir pris de respiration avant.

- .... Suuuurprise...! que je fais sottement en agitant la main.
- Entrez, entrez! Amon! Y a notre sujet de discussion depuis une heure et demi qui vient d'arriver.

La cuisson de mes pommettes monte de quelques degrés. Amon parle donc bien de moi à tout le monde. Je plisse les yeux en voyant les dossiers voler dans la pièce et s'escamoter tout seul. Sorcier ? Démon ? Baltasar appartient donc également au monde occulte.

- Nathan, ravi de te rencontrer. Je suis Baltasar et j'ai BEAUCOUP entendu parlé de toi.
- Mais ouais! Il fait qu'en parler et il nous l'planque alors qu'il est adorable! T'es vilain Amon!
- Euh... je... plaide coupable ? Ha, ha...

Je sers la poigne ferme -décidément - de Baltasar.

- Venez, venez! Amon était en train de faire du thé!
- Aaaaaah oui! du thé chaud! Ça fera du bien.
- Avec plaisir !

Le sourire d'Amon ne fane pas et il achève de faire fondre mon anxiété. Je retire lentement mes gants pour glisser secrètement mes doigts à l'assaut des siens. Nos eaux se connectent avec la tendresse de deux minuscules ruisseaux à la croisée d'un confluent. En toute discrétion.

- Je ne savais pas que tu connaissais l'Eden... ? Ou que j'y travaillais parfois ?...
- Ah.. euh.. C’est une coïncidence... Je suis venu passer une audition. Bon, je n'ai pas été retenu, mais j'ai gagné un très joli T-shirt... Je tire dessus en jetant une oeillade entendue à Elie, suivi d'un petit rire.
- Mais ça me fait plaisir que tu sois venu... En fait, hum... je voulais te présenter Baltasar depuis un moment, mais avec tout ce qui se passe...
- C'est vrai ? Je le regarde un peu étourdi par l'affirmation. Elie a raison, mon djinn est un peu lent..."Et pas tonique donc..."
- Bref ! C'est l'occasion, j'imagine ! Baltasar, Nathan, Nathan, Baltasar.
- Je suis ravi de pouvoir enfin remercier le pourvoyeur de gueule de bois d'Amon. Sans cela, je serais encore en train de mouliner pour essayer de l'approcher.

Asmodée et Elie se chamaillent comme un frère et une soeur, ce qui me laisse à penser qu'ils sont peut-être de la même famille. L’atmosphère est bon enfant, je me détends peu à peu, bien que la nourriture qui se téléporte froisse le gastronome français que je suis. "Arrêtez de jouer avec la bouffe !"

- Alors Nathan, c'est toi la raison pour laquelle je ne peux plus parler beaux culs pendant les cours de pilates?
- Oh, j'ignorais que j'avais donné mon veto quant au débat esthétique sur les fessiers ? C’est tragique cette amnésie....
-  Je te signale que c'était déjà déplacé avant que je sois en couple... En couple... Ce choix de mots me fait frétiller comme un jeune chiot. Mes yeux brillent et me trahissent bêtement ... et que tu t'es déjà pris une baffe le mois dernier d'un des animateurs. Je me demande comment tu as bien pu conserver ta carte de membre « golden »...
- Sans doute parce qu'il a su téléporter sa main autre part... Il faut que je me calme. J'ai la réparti un peu trop facile. La tension qui s'évacue, peut-être.  Désolé c'est sorti tout seul. J'ai une sorte de syndrome de La Tourette qui m'oblige à faire le malin en toute circonstance.

Je sirote mon thé avec un sourire malicieux en bord de coupe. Puis je décide de changer de sujet.

- Sur quoi travaillez-vous au juste ? Je suis curieux de savoir ce que vaut le partenariat entre un psychologue et le propriétaire d'un club ? Fais-je en toute sincérité. C'est quand même incongru, avouez ?

- Ah.. euh.. C’est une coïncidence... Je suis venu passer une audition. Bon, je n'ai pas été retenu, mais j'ai gagné un très joli T-shirt...

Je souris. C'est à peu près le maximum de ce que je peux faire. Je ne l'ai pas dit à Nathan mais mentir, c'est compliqué et je garde mes cartes crises pour des occasions un peu plus nécéssaire. Je lui lance un clin d'oeil et j'entends Asmo murmuré.

-Une audition, hein...

Je lui souris et lui tapote le genoux.

-Cherche pas.

Il sait parfaitement qu'aucune audition n'est prévu. Par je ne sais quel miracle, il décide de ne pas poursuivre. Il écoute les deux amoureux, qui sont définitivement trop mignons. Nathan a enlevé ses gants, juste pour Amon, et je trouve ça incroyablement adorable. Amon fait les présentations de manière civilisée et Nathan se détend à vue d'oeil.
C'est bien. Je suis contente qu'il constate que l'entourage d'Amon n'est pas aussi terrifiant que ça.

-Je suis ravi de pouvoir enfin remercier le pourvoyeur de gueule de bois d'Amon. Sans cela, je serais encore en train de mouliner pour essayer de l'approcher.

Asmo hausse un sourcil et sourit comme le sale petit con qu'il est.

-Mais y a pas de quoi. Tu vois, Amon, l'alcool, parfois, ça aide. Surtout quand on est... un peu prude.

Je pouffe de rire en finissant le plat d'Asmodée que j'ai récupéré pendant qu'il regardait les deux amoureux. Il est ravi pour son ami, ça se voit.
On parle soudainement de beaux culs en cours de pilates. Bien entendu.

-Oh, j'ignorais que j'avais donné mon veto quant au débat esthétique sur les fessiers ? C'est tragique cette amnésie...
-Hahaha! Tu parles, c'est juste que maintenant Amon a une raison de l'arrêter.
-Je te signale que c'était déjà déplacé avant que je sois en couple...
-Tu vois...
-... Et que tu t'es déjà pris une baffe le mois dernier d'un des animateurs. Je me demande comment tu as bien pu conserver ta carte de membre "golden"...
-Sans doute parce qu'il a su téléporter sa main autre part...

Moi, pendant ce temps, j'en peux plus de rire.

-Désolé c'est sorti tout seul. J'ai une sorte de syndrome de La Tourette qui m'oblige à faire le malin en toute circonstance.
-Ne t'excuse pas, Nathan.

Asmo aussi rigole un peu. Il se penche en avant et ajoute sur le ton de la conversation.

-Soit dit en passant, il m'a foutu une baffe. Notre ami le Djinn a fui dans les vestiaires. L'animateur s'est fait appelé "Monsieur", j'ai été un très gentil garçon et j'ai même eu le droit à une friandise. Quant à téléporter une main ou que ce soit. Je ne dirais rien. Je le laisse à votre imagination.
-Oooouh! Asmo s'trouve un Daddy Dom!
-C'est agréable de temps en temps.
-Si tu l'dis.
-Oh arrête, tu sors avec Kaelig, le plus gros daddy de la ville.
-Alors. Ta gueule, déjà. Et ensuite, j'te rappelle que je suis à peu près la seconde personne la plus Ace que tu connaisses, choupi.
-Comment tu parles à ton oncle, ça me désole.

Amon nous a servi du thé que je bois tranquillement. Les yeux un peu fermés, j'écoute. Asmo, je le sens, apprécie déjà Nathan et a de grands espoirs pour lui et Amon. Je souris.

-Sur quoi travaillez-vous au juste ?

J'ouvre un oeil pour regarder Nathan.

-Je suis curieux de savoir ce que vaut le partenariat entre un psychologue et un propriétaire d'un club ?

Asmodée sourit un peu et prend le temps de boire une gorgée de thé.

-Oh, c'est assez simple. Tu vois, Nathan, Amon et moi aidons des personnes dans les besoins. Je leur trouve un travail, un logement, ce genre de choses. Généralement, avant ça, je demande à ce qu'ils rencontrent Amon afin de ne pas les mettre dans des situations à risques pour eux. C'est une petite lubie qui n'a rien à voir avec le club même si beaucoup sont employés ici.

J'admire la capacité d'Asmo à ne pas mentir à Nathan tout en ne lui disant pas tout. Je me redresse, en tailleurs sur le canapé.

-Bon, on s'en fout de ça. Moi j'ai entendu une histoire de mise en couple post-cuite. Le peuple demande des détails!

Il y a cette atmosphère bon enfant dans l'air, une douceur inexpliquée qui s'imbrique parfaitement avec l'ambiance de la soirée. Un peu comme si tout allait de soi et que les pas, les uns après les autres, ne faisaient qu'avancer dans la bonne direction.
J'avais peur, sans doute à tort, de confronter tout mes mondes ensembles. Peur que le mélange ne prenne pas ou qu'il soit trop fragile pour supporter l'épreuve. Mais j'avais tort, manifestement. Une de mes nombreuses erreurs que je me dois de corriger.

J'observe et écoute tout ce beau monde interagir, mes lèvres vrillées au thé et mes doigts noués à la jeune peau. Les voir parler de tout et de rien, se rabrouer dans leur entente familiale, m'arrache un sentiment voluptueux de rire sans réserve. Je n'ai plus vraiment d’appréhension. Être ici ce soir me fait oublier les difficultés des autres jours. C'est peut-être pareil pour eux, qui sait.

Quand Nathan aborde le sujet de Malsheem sans vraiment le savoir, je me fais plus à l'écoute et pose ma tasse vide. Asmodée prend le parti de répondre.

« Oh, c'est assez simple. Tu vois, Nathan, Amon et moi aidons des personnes dans les besoins. Je leur trouve un travail, un logement, ce genre de choses. Généralement, avant ça, je demande à ce qu'ils rencontrent Amon afin de ne pas les mettre dans des situations à risques pour eux. C'est une petite lubie qui n'a rien à voir avec le club même si beaucoup sont employés ici. »

Je hoche la tête pour confirmer ses dires. Je suis la tangente sans trop en révéler.

« Simone travaille avec nous, c'est une amie de longue date de Baltasar et c'est par son biais que je l'ai rencontrée. Ça va faire quelques années maintenant que nous formons notre trio de choc. Enfin, je connais monsieur depuis le dix-huitième siècle, et surprise, c'est toujours le même depuis... »

Sourire équivoque lancé au duo démoniaque en face de moi, tandis que je me sers à nouveau du thé. Ma personne, en revanche, s'est largement mutée depuis. Peut-être pas intrinsèquement, mais je n'étais qu'un tout petit maritin monastique en apprentissage à l'époque. J'en parlerai sans doute un jour, de cette période. Sans doute l'une des plus édifiantes de toute mon existence...

« Bon, on s'en fout de ça. » Elie coupe court à nos affaires, non sans un haussement de sourcil de ma part. Je porte la tasse à la bouche et en déguste le contenu. « Moi j'ai entendu une histoire de mise en couple post-cuite. Le peuple demande des détails ! »

AH.

Le liquide chaud fait une fausse route à ma surprise manifeste. Je toussote et avale difficilement un peu d'air. Diable, je ne m'attendais pas à ça.
Mes joues s'empourprent étrangement, il n'y a pas vraiment de raison mais je me sens un peu pris au dépourvu. Les circonstances ne sont pas glorieuses mais ont été décisives. Je jette un coup d'oeil à Nathan avant de me lancer.

« Eh bien, euh... hum... »

Par où commencer ? Je ne sais même pas ce qu'il s'est passé ce soir-là. Mais Asmodée sait, évidemment. Il doit s'en souvenir, lui. Je me tourne vers ce dernier.

« C'était après notre soirée, donc... je devais assurer un cours à l'école le lendemain mais j'ai été incapable de me lever. » Un petit rire gêné fait son apparition. « Nathan est venu directement chez moi pour s'enquérir de mon absence et je crois que ma vue d'ivre mort dans mon salon l'a complètement pris de cours. Je ne peux pas lui en vouloir, je me suis moi-même fait peur dans le miroir de la salle de bain. » Un sourire complice avec l'intéressé. « Mais toujours est-il qu'à défaut de pouvoir lui faire cours, nous avons beaucoup discuté, autour d'un smoothie à la poire nachi. C'était peut-être notre réelle première conversation depuis son arrivée en ville... »

Et puis, il y eut le reste. Ce fameux reste que nos mains ont découvert avec une innocence dérisoire, et une tendresse inexpliquée. Mais ce fût ceci, le début de tous. Le début de nous.

« Et de fil en aiguille... Disons que l'on ne s'est plus quittés ? » J'ai cette impression nette de me mettre à nu et que mes joues sont capables de griller une pièce de viande. Un coup d'oeil goguenard et un coup d'épaule léger à mon cher et tendre. « Tu as même emménagé chez moi dés le soir même, avant notre premier rendez-vous ou même une déclaration. On peut dire que nous avons tout fait à l'envers ! »

Je ris, à nouveau. Ce n'est pas si mal de se livrer un peu. Je réfléchis un instant, reportant mon attention sur Elie et Asmodée.

« La soirée que vous préparez... C'est pour bientôt, non ? » Puis, je finis par tilter, un peu étonné tout de même. « C'était pour ça, l'audition ? »

Balthasar et Amon m'expliquent les buts de leur association. Mes yeux s'illuminent d'une épiphanie soudaine.

- Tae'lam c'est vous ? Je veux dire, je viens de comprendre que ça entrait possiblement dans le cadre de vos objectifs : une école pour djinn sans caste ni famille. Je souris en couvant Amon d'un regard pétillant de fierté et de respect renouvelé. Je pense sincèrement que si mon amour était relié sur secteur, il alimenterait une ville entière pendant des siècles. Pensée indécrottablement niaise s'il en est. Si je puis me rendre utile et aider dans vos projets, j'aimerais grandement m'impliquer, dis-je avec une spontanéité idéaliste.

Nous somme des "monstres" inscrits dans une démarche humaniste.
Quelle philosophie poétique !

-Bon, on s'en fout de ça. Moi j'ai entendu une histoire de mise en couple post-cuite. Le peuple demande des détails!

J'éclate de rire tout en rougissant -bien malgré moi- comme un plan de tomates mûres. Amon se lance dans sa version des faits. J'écoute avec un amusement palpable.

- J'étais quand même venu dans le but de te lâcher une mémorable soufflante, mais te voir tout fripé de la veille dans ton pull trop large m'a coupé subitement l'envie de me mettre en colère. C'est la première fois que je pouvais constater de mes yeux que tu pouvais être... je sais pas... Faillible ? Fragile...? Et sexy, terriblement sexy. Je toussote en le fixant par dessus ma tasse. J'aime beaucoup ce pull, par ailleurs....
- Et de fil en aiguille... Disons que l'on ne s'est plus quittés ? Tu as même emménagé chez moi dés le soir même, avant notre premier rendez-vous ou même une déclaration.
- Je me suis dit que j'assistais à une sorte de miracle millénaire, donc je me suis accroché au phénomène comme une tique. C'est assez peu romantique, en fait, contrairement aux apparences......
- On peut dire que nous avons tout fait à l'envers !
- Oh...Y a-t-il vraiment un protocole pour ce genre de choses ? Mordillements de lèvre inférieure. Je suis persuadé qu'Elie et Baltasar donne également dans le méli-melo.
- La soirée que vous préparez... C'est pour bientôt, non ? C'était pour ça, l'audition ?

Je laisse échapper un petit ricanement gêné.

- Il n'y a jamais eu d'audition, habi... Je t'ai vu entrer dans ce club en riant au bras d'un très bel homme en costume italien. Je t'ai suivi sur un pur coup de tête. Elie m'a attrapé au vol en croyant que j'étais son danseur retardataire. Je me suis laissé piéger par son enthousiasme et j'ai .. hum.. essayé de jouer le jeu. Scoop : je suis bien meilleur en mathématiques appliquées. Je lorgne mon djinn avec une expression embarrassée... Kunt 'asheur bialghirat faqat , ealaa ma 'aetaqid* que j'avoue, utilisant l'arabe par pudeur. En fait je ne sais rien de ce fameux événement qui semble être extrêmement pailleté et hautement éclairé aux néons.

* J'étais jaloux, je pense.

-Tae'lam c'est vous?
-Non, c'est Amon. J'ai simplement aidé au financement.
-Je veux dire, je viens de comprendre que ça entrait possiblement dans le cadre de vos objectifs : une école pour djinn sans caste ni famille.

Je souris un peu, ca n'attend pas vraiment de réponse et Asmo le sait. Il se tait et se contente d'apprécier les regards amoureux que les deux Djinns se lancent. C'est super mignon à voir et je peux pas m'empecher de lancer un "aaaaaw" en secouant le bras de Asmodée qui rigole doucement. Il a l'oeil qui brille. Il est heureux pour son pote et ça se voit clairement.

-Si je puis me rendre utile et aider dans vos projets, j'aimerais grandement m'impliquer.

Asmo sourit et hausse les épaules.

-Chaque chose en son temps. J'apprécie ton enthousiasme, cependant et ta vivacité d'esprit. Mais nous parlerons de tes implications à un autre moment.

Il regarde Amon et penche la tête.

-Amon, la décision t'appartiendra, bien entendu. J'ai décidé d'engager Ciulin sans votre consentement, il est juste que tu aies la même liberté.

Bon, c'est bien sympa ces discusions nulles sur Malsheem mais j'm'en tamponne l'oreille, moi. Je coupe court sous le regard amusé d'Asmodée. Amon et Nathan rougissent comme des gamins. Je vois bien à la gueule de Nathan que la version de Amon est... Amonesque. Obligatoirement. Asmodée écoute son vieil ami et je vois un fond de scepticisme amusé dans son regard.

-C'était après notre soirée, donc...
-La soirée mémory-cul.

Se sent obliger de préciser Asmodée alors que je rigole comme la gamine que je suis.

L'histoire est rigolote et les détails de Nathan sur l'état globale de Amon me fait partir dans un fou rire étouffé.

-On peut dire que nous avons tout fait à l'envers !
-Oh... Y a-t-il vraiment un protocole pour ce genre de chose. Je suis persuadé qu'Elie et Baltasar donne également dans le méli-mélo.
-J'ai baisé la personne que j'ai marié contre un mur du son dans une Rave clandestine sur les docks. On s'était jamais adressé la parole... Techniquement iel m'a baisé aussi... Bref.

Je m'étouffe avec mon thé, parce que rire en buvant du thé est rarement une bonne idée. Asmodée est fier de son coup. Il sirote son thé en prenant la pause spéciale Simone.

-Perso, j'ai du lui dire que je l'aimais le soir même où je l'ai rencontré. Techniquement, il était encore marié mais j'allais crevé, ça compte pas.
- J'crois que ça compte...
-Ah merde.Bah Pwned alors.
-La soirée que vous préparez... C'est pour bientôt, non ? C'était pour ça, l'audition ?

Je me sens soudainement légèrement sous pression mais Nathan décide de dévoiler la vérité.

-Il n'y a jamais eu d'audition, habi...
-Ouuuuuuf.... Putain, j'étais pas prête à mentir pour ça...
-Ah bon, pourquoi?
-Je t'ai vu entrer dans ce club en riant au bras d'un très belle homme en costume italien.

Asmodée ouvre la bouche et je plaque ma main dessus en lançant un long "shhhhhhhhhhhhhhhh". Il me leche l'intérieur de la main que j'essuis vigoureusement sur son costume hors de prix. Il me regarde avec un air outré avant d'entreprendre de me décoiffer.

-Je t'ai suivi sur un pur coup de tête. Elie m'a attrapé au vol en croyant que j'étais son danseur retardataire.

Je ris un peu.

-Je me suis laissé piéger par son enthousiasme et j'ai... hum.. essayé de jouer le jeu.
-Tu as essayé avec beaucoup de coeur, c'était chaleureux à voir.
-Scoop : je suis bien meilleur en mathématiques appliquées.
-Ah ça....

Il se dit un truc dans un langue que je comprends pas. Asmodée pouffe de rire parce que bien sur qu'il a compris... Moi aussi dans mille ans je saurais parler trois cent mille langues à commencer par le Roumain.

-En fait je ne sais rien de ce fameux événement qui semble être extrêmement pailleté et hautement éclairé aux néons.

Je tapote dans mes mains.

-Ca va être trop coooooool!
-C'est un genre de bal à thème. La ville en a chié ces derniers temps donc on fait une petite sauterie pour détendre tout le monde. Le theme de cette soirée exceptionnelle c'est...

Il me designe du doigt.

-OMG! you're divine!
-Les mythologies, les dieux, tout ça. Costume, musique, alcool, danse, animation.
-Faut absolument que vous veniez! Ca va être fou! Nathan, tu pourras rencontrer tout le monde en plus! Ciulin sera là et Kaelig aussi et puis Enzo. Bon Enzo va te draguer mais faut pas t'offusquer, il drague tout le monde. En plus vous seriez absolument canon en costume! J'ai des numéros si vous voulez! Enfin. Si vous voulez pas les costumes, c'pas grave! Mais ça va être une soirée INCROYABLE.

Asmodée hoche la tête, il entourre mes épaules de son bras.

-La fête de l'année. On va faire trembler les murs jusqu'à ce qu'ils s'éffondre et continuer après ça!

L'ambiance globale me ravit le cœur. Je voudrais que ce moment ne s'arrête jamais. Ou mieux, que l'avenir ne soit jalonné que de ce genre d'instant précieux, gravés dans la simplicité. Écouter les explications de Nathan, confiées dans l'intimité de ma langue maternelle, provoque un bond d'amour vivifiant dans ma poitrine. Si Elie et Asmodée n'était pas présents, j'aurais eu bien du mal à ne pas l'embrasser d'une passion à la hauteur de ses doutes à dissiper.
Je craque un rire profondément attendri, ne m'empêchant pas de caresser le velouté de sa joue du dos de la main. Geste tendre, signifiant tout. Inutile d'être jaloux, tu occupes déjà toutes mes pensées.

« Que ne ferais-tu pas, hm, Najmati ?... »

J'ai du mal à me détacher de son expression contrite. Elle fait poindre une myriade d'idées mal placées que je réserve pour des moments plus... propices. Je les grave dans un coin de mon esprit, en attendant.

Je braque à nouveau mon attention sur les deux compères, emportés par la folie à prévoir de leur soirée. J'en ai aperçu quelques bribes moi-même en passant au club, mais je dois bien avouer qu'avec toutes mes affaires en cours, je n'ai pas eu l'occasion de plus m'y attarder. Les entendre la résumer me fait sourire, si bien qu'ils seraient capable de me vendre l'événement. Ce qui semble déjà acté, pour eux. Vraiment ?

« Ma foi... ça m'a l'air d'être tout un programme... ! » Je tourne les yeux vers Nathan. « Qu'en dis-tu, on y va ? Ça pourrait être amusant. Et puis... je meurs d'envie que tu me montres sur quelle danse tu t'es épuisé à ce point ! »

Sous-entendu : tu n'échapperas pas à une démonstration, mon cher.

« Vous avez déjà une idée pour vos costumes ? », lance-je aux deux démons. « Je parie que ça va être dantesque, vous connaissant... »