Lucien sait qu'il est temps. Il le sent. Appelez ça la truffe du chien ou bien l'instinct animal mais il sait que le secret de sa maîtresse va être mis à jour. C'est une question de temps. Ca a toujours été une questions de temps. Il ne pensait pas qu'elle tiendrait si longtemps et il est fier d'elle parce qu'elle a supporté l'ennui et la solitude comme jamais il ne l'a vu faire. Elle a oubliée bien des choses, dans le processus et parfois, elle ne se souvient plus de qui elle était. Parfois, elle joue à être une princesse démon et souvent elle l'est.
Lucien a laissé faire car il lui a sembler que c'était le moins douloureux pour elle. Que cet oubli, si proche de sa nature profonde, était une forme de clémence qu'elle s'offrait à elle-même.
Lucien, lui, n'a pas oublié. Il a été confié à Léviathan dans le but de prendre soin d'elle et de ne jamais la laisser seule. Il l'a accompagné partout, il l'a vu changer, se transformer.
Aujourd'hui, il sort du palais de sa maîtresse pour aller voir un humain. L'idée est incongrue mais Lucien sait l'humain touché par sa maîtresse et il sait aussi qu'il est voué, comme le petit Chabalach à devenir un être éternel. Il sait que sa maîtresse a confiance en lui et qu'il existe un lien entre eux deux.
Son flair de chien et son temps aux cotés de Léviathan lui font préssentir que cet humain est destiné à Léviathan, d'une manière ou d'une autre. Il a des allures de gardien imperturbable et un instinct paternel envers un être sans âge qui défie toutes les lois de l'univers. Il l'a vu.
Il se demande souvent si Destin sait quelque chose mais il se souvient que Destin ne révèle rien de ce qui se trouve dans son livre.
Il n'aime pas vraiment Destin, il en a une peur prudente et il sait que Destin apprécie peu les cabrioles de sa maîtresse.

Lucien se rend à l'Arena, chichement habillé de son complet à queue de pie, de son monocle et de son merveilleux chapeau haut de forme. Il dénote dans le paysage de l'Arena à la porte de laquelle il se matérialise sans problème.
Il en pousse la porte et aucune des protections de l'endroit ne grincent. Il observe l'endroit des yeux, pendant que son nez s'occupe de repérer Kaelig "Gros Monsieur" comme sa maîtresse l'appelle. Il n'est pas loin, il avance en faisant tournoyer sa canne. Il ne se préoccupe pas des regards autour de lui. Il monte les escaliers, sur la piste de Kaelig. Il toque à la porte, n'attend pas qu'on lui réponde et s'invite. Il sourit, cabotine et enlève le haut de forme en un salut antique auquel il trouve toujours du charme.

-Kaelig, salutations. Nous avons beaucoup de choses à nous dire, c'est à propos de Ma Dame.

Il pose un regard sur l'interlocuteur de Kaelig et d'un geste un peu désinvolte lui fait signe de sortir en ponctuant d'un "hop! hop!" qui lui semble convenir.

L'Arena a fermé, le temps des rénovations. La peinture a été écaillée et les protections gravées dans la pierre, poncées pour être effacées. Il a fallu trouver des sigils plus subtiles, des sorts de répulsion moins généraux. Désormais, les démons ont leur droit d'entrée à l'Arena.

Comme n'importe quel Dormeur.

Il n'empêche que même si ce sont des Infernaux qui bossent sur la peinture fraîche (J'ai parfois l'impression d'embaucher des repris de justice dans le cadre de travaux d'intérêt général) voir débouler un ponte des Enfers en costume trois pièces fait toujours son petit effet. Surtout quand ce dernier a une tête de clébard. Voilà l'escogriffe qui fait irruption dans mon bureau, faisant tomber son chapeau bien bas, tel les dandys d'autrefois.

- Kaelig, salutations.
- Bien le bonjour, Lucien. Vous êtes bien élégant, par la Nuit! ...C'est inhabituel de vous voir ici en pleine journée.
D'ordinaire, nous nous organisons une partie d'échecs ou de shogi à l’avance, avec quelques bières au frais.
- Nous avons beaucoup de choses à nous dire, c'est à propos de Ma Dame.
- Je vois...

Je lui présente un siège.

- Je m'attendais à avoir cette discussion à un moment donné ou à un autre. C'est une aubaine que vous soyez le premier à dégainer. Je vous offre quelque chose à boire ?

Il est temps d'éclaircir ces histoires de "Sœur aînée".

-Volontiers. Fort de préférence. Servez-vous donc la même chose, vous risquez d'en avoir besoin, très cher.

J'accueille l'assertion avec un haussement de sourcil. J'empoigne immédiatement la bouteille de Tuiça planquée dans les tiroirs de mon bureau -en cas de coup dur- et deux godets. Le cul des verres claque sur le bois laqué.

- Les choses pressent, voyez-vous, Kaelig. Et je me retrouve en fâcheuse posture.
- Les choses se précipitent, en effet. Je plisse les yeux tout en dévissant le bouchon de la liqueur. Je vous écoute.
- Où ai-je mis ces petites pestes.... Un instant, je vous prie. Elles parviennent à faire bouger le bocal. C'est insupportable.

Je nous sers le temps de son manège, non sans un regard curieux vers son chapeau qui lui gobe le bras jusqu'à l'épaule. Il n'en sort pas un lapin blanc, mais un bocal où s’ébattent des phalènes.

Unseelie.

- Ah! Voilà
- Vous savez ménagez vos effets, Lucien...
- Ces sacrés petites bestioles... N'est-ce pas...? Fâcheuse posture, vous disais-je, Kaelig... Fâcheuse, fâcheuse posture.

Je sais l'exclamation rhétorique. J'attends simplement qu'il crache explicitement le morceau. Je glisse simplement son verre de tuiça vers lui. Plein.

- Voyez-vous. Il est de mon devoir de garder un oeil sur Ma Dame. C'était là la volonté de son frère, mon ancien maître.
- Elle a donc une large fratrie. Je l'ai déjà entendu babiller à ce sujet. Elle considère Unseelie comme sa grande soeur, le saviez-vous ? Je suppose que oui...
- Or, sa présence en Pandémonium et sa couverture est primordiale, n'est-ce pas? Non pas pour eux, mais pour elle.
- Je vois. Une sorte de "programme de protection des témoins" pour puissance divine. J'ai toujours su confusément qu'elle n'était pas un démon pas au sens que nous connaissons en tout les cas. Ses pouvoirs sont trop... vastes et protéiformes. Vous non plus, vous n'êtes pas "commun". Lucien, si je puis me permettre, qui de ses "frères" était votre ancien maître ?

Il ne répond pas immédiatement, poursuivant le fil de sa colère contenue.

- Et ces petites crapules viennent de tout mettre à l'envers. Véritablement. C'est inouïe. Ma Dame est allée dans le brouillard, une nouvelle fois. Et une nouvelle fois, elle s'est vue attaqué par la puissance à l'oeuvre sur votre petit caillou. La "Grande Soeur", je ne vous apprends rien.
- Hum... J'ai été témoin à plusieurs reprise de ses tentatives de communication avec la Brume. Une première fois, je l'ai retrouvée prostrée dans ma chambre : se syeux avaient été grignotés par je ne sais quelle bestiole. Elle m'a clairement dit que sa sœur l'avait rendue aveugle et qu'elle ne pourrait plus jamais voir. J'ai du la convaincre que cela n'était qu'une vue de l'esprit et sa vue lui est revenue une fois qu'elle m'a crue. Et la seconde..... J'étais avec elle.
-Bien. Le fait est que cette fois, la vilenie ne s'est pas arrêté à des dommages physiques de peu d'importance...
- C’est à dire ?
- Elle a tenté de corrompre. Actuellement, Dame Léviathan lutte contre l'exact même poison qui contamine votre race. Seulement, elle n'est pas un être de chair et de sang. Et surtout, elle n'est pas au même... Niveau, si j'ose dire.

Cette fois, j'accuse le coup. J'avale le contenu de mon gobelet d'une traite et je me ressers dans la foulée. Je ponctue d'un chapelet d'injures roumaines. La violence de mon courroux a explosé d'un coup. Je bouillonne comme si on venait de s'attaquer à ma propre fille.

- Je vais buter cette immonde saloperie....que je gronde comme un taureau furieux. Comment a-t-elle osé faire ça à sa propre famille !?

Lucien continue son exposé avec un flegme exemplaire.

- Vous avez du faire des recherches sur Ma Dame. Qu'avez-vous donc pu trouver qui ne vous ai pas semblé dissonant, hmm? Avez-vous trouver quelques références aux éternels?
- Lucien, arrêter de me prendre pour un con ! Ça commence à me fumer menu. Je vous l'ai dit, ça fait un moment que je soupçonne Leviathan de ne pas être ce qu'on prétend d'elle. Léviathan ne doit même pas être son nom. Quel rapport peut-il y avoir entre le monstre biblique dévoreur d'âme et cette demoiselle, si ce n'est le coté chimérique ? Et puis les démons ne sont pas des créateurs... ils détruisent ou transforment. J'ai scrupuleusement noté certains de ses éléments de langage, à propos de ses soit disant frères et soeurs. Il s'agit de.. De grand principe fondateurs : la Vie, la Mort, le Destin, le Jour, la Nuit, le Temps.... Et qu'est-ce que toutes les religions et les mythes ont en commun, si ce n'est une tentative d'explication et de compréhension de ces grands principes ? Hein ?

J'ai un petit rire usé qui me grince en bouche. Il n'empêche que je fixe le cabot avec toute la témérité que j'ai en réserve.

- Levie est lequel d'entre eux ? Le Rêve... L'Imagination peut-être ? Accouchez, bordel ! Peu importe ce qu'elle est, je la considère comme ma gamine. Vous avez cru quoi ? Que découvrir sa nature allait tellement me retourner le cerveau que j'allais m'accrocher à mon slip et fuir en courant. Si vous êtes venu jusqu’ici c'est bien parce que vous êtes convaincu du contraire. Épargnons-nous les devinettes, voulez-vous ? Quel est le plan d'action ?

Plus personne ne fera souffrir mes enfants. Jamais.

- Je vais buter cette immonde saloperie....

Lucien ne peut s’empêcher de rire. Buter ce qu'est Unseelie est aussi drôle que de tenter de noyer un poisson. Il sait bien que Kaelig ne le sait pas mais peu importe, l'image seule prête à sourire. L'homme est furieux et cela confirme à Lucien ce qu'il soupçonne depuis leur rencontre. La seule raison pour laquelle il entretient une relation amicale avec un humain, à vrai dire.

-Comment a-t-elle osé faire ça à sa propre famille !?
-Oh, nous n'en sommes pas aux premières guérillas familiales...

Malgré tout ça, il se doit d'agir avec prudence. Une prudence probablement excessive et qui ne fera rien pour ménager la colère de l'humain. Il questionne à nouveau, ses yeux canins scrutent la colère dans les yeux de l'humain. Il observe en tenant toujours le bocal d'une main.

-Lucien, arrêtez de me prendre pour un con! Ca commence à me fumer menu.
-Oh, croyez bien que ce n'est pas mon intention. Bien au contraire.
-Je vous l'ai dit, ça fait un moment que je soupçonne Léviathan de ne pas être ce qu'on prétend d'elle.
-Comme je m'y attendais, commente-t-il en dodelinant de la tête.
-Léviathan ne doit même pas être son nom.
-Effectivement. Il lui a été donné.
-Quel rapport peut-il y avoir entre le monstre biblique dévoreur d'âme et cette demoiselle, si ce n'est le coté chimérique ?
-D'aucun disent que c'est une bête de cauchemars.
-Et puis les démons ne sont pas des créateurs... Il détruisent ou transforment.
-Dites ça à votre étoile, cher ami. Ce n'est pas moi qu'il faut convaincre. se permet-il de sourire.
-J'ai scrupuleusement noté certains de ses éléments de langage, à propos de ses soit disant frères et soeurs. Il s'agit de...

Lucien se redresse, son acuité se démultiplie. Il sent chaque effluves, capte chaque vibrations et voit avec une netteté nouvelle l'humain devant lui. Il le sait intelligent mais il sait que les humains franchissent rarement ce pas.

-De grand principes fondateurs : La Vie, La Mort, le Destin, le Jour, la Nuit, le Temps...
-Entre autre. ponctue-t-il avec un sourire s'étirant d'une oreille à une autre. Il halète, langue pendante. Tout se confirme peu à peu.

-Et qu'est-ce que toutes les religions et les mythes ont en commun, si ce n'est une tentative d'explication et de compréhension de ces grands principes ? Hein ?
-Leur incroyable besoin d'attention?

Il cabotine le temps de laisser le temps à Kaelig de souffler. Il vide son verre en attendant. Kaelig le fixe et il fixe Kaelig. Cette attitude lui plait au delà des mots.

-Levie est lequel d'entre eux ? Le Rêve... L'imagination peut-être ? Accouchez, bordel !

Il attend encore. Il le pousse consciemment car il attend toujours d'entendre la phrase magique.

-Peu importe ce qu'elle est, je la considère comme ma gamine.

Lucien penche la tête.

-Nous y voilà... Bien.
-Vous avez cru quoi ? Que découvrir sa nature allait tellement me retourner le cerveau que j'allais m'accrocher à mon slip et fuir en courant.
-Vous n'auriez pas été le premier. Cela dit, j'avais de grands espoirs pour vous, à vrai dire. Que vous venez de confirmer.
-Si vous êtes venu jusqu'ici c'est bien parce que vous êtes convaincu du contraire.
-En quelques sorte, oui. Mais il me faut me montrer prudent, voyez vous.
-Epargnons-nous les devinettes, voulez-vous ?
-Parfait.
-Quel est le plan d'action ?

Lucien hausse un sourcil.

-Oh. Il n'y en a pas. Comprenez bien que cette corruption est relativement inédite.J'ai mes inquiétudes à ce sujet, mais nous y reviendrons.  Avant cela, vous méritez que je réponde à vos questions...

Il inspire doucement.

-Vous n'êtes pas si loin en ce qui concerne ce qu'elle est. Léviathan a pour nom réel Délire. Elle a une place particulière au sein des Eternels. Elle est l'éternel cadette mais ce n'est pas l'unique raison. Elle est capable de changement : avant votre monde, elle fut Félicitée, puis Plaisir. Elle est devenu Délire par la suite. Elle a récupéré l'intendance du Rêve, récemment. Il y a quelques miliers d'années, ce me semble...

Lucien observe Kaelig.

-Ma Dame est bien des choses, comprenez bien. Mais ce n'est pas une divinité. Les divinités existent à travers la croyance. Les éternels existent. Votre Mère Nuit en diffère quelque peu, cependant, car elle est la Nuit. Au nombre des éternels s'ajoutent : Désir, Desespoir, les jumeaux. Rêve et Destruction. Imagination n'est que la création conjointe de Rêve et Délire, si vous voulez... A moins que je ne sois pas au courant. Mes connaissances sont limités, voyez-vous. Je ne suis qu'un ajout à la famille. Et mon ancien maître était Destruction.

Il reprend son souffle un moment et observe Kaelig.

-Unseelie, quant à elle, et bien...

Il se tait soudainement et soupire. Le fameux verrou. Il offre un sourire contrit à Kaelig.

-Il ne m'appartient pas d'en divulguer la nature. Vous parliez de protection des témoins. Je parlerais de...hmm... protection des mineurs?Dame Léviathan est pas essence enfantine et oublieuse. Les choses lui échappent très facilement. Mais c'est également une petite soeur. Elle n'aime pas à ce qu'on lui rappelle, cependant... Elle tient Rêve en haute estime et son...décès à laisser à  Ma Dame une responsabilité beaucoup trop lourde pour ses épaules. Elle a tenté de la remplir pendant bien des années avant que, nécessité faisant loin, nous devions déménager en Pandémonium.

Lucien renifle un moment avant de dire.

-Nous n'avons toujours pas discuté de ce qui me met en facheuse posture. Et c'est là le point majeur. Elle est retourné dans le Royaume de Rêve. Elle y a ses entrées, comme vous vous en doutez. Je suppose que la corruption la pousse dans ses travers plus... eh bien... Destructeurs. Et je me questionne, voyez vous. Si cette corruption était moins un moyen de mettre Ma Dame à terre qu'une nouvelle manière de diffuser ce poison. Imaginez un instant que l'ensemble des terriens se mettent soudainement à rever de ces papillons. Elle ne m'écoute pas. Vous et elle êtes liés d'une manière qui dépasse ma compréhension. Votre rencontre est trop parfaite pour ne pas avoir été orchestrée par l'un des Eternels. Du moins, le crois-je. Je voudrais vous faire pénètrer le Rêve pour que vous la rameniez afin qu'elle ne se rende pas coupable des agissements d'Unseelie.

J'encaisse la révélation sur les Eternels avec une étrange sérénité. C'est comme si tout cela n'était que l'expression verbale d'une réalité déjà acquise depuis des lustres. Ils sont. Ils demeureront. Ainsi soit-il. Peut-être que la radiance de Mère-Nuit m'a préparé à cette évidence cosmogonique.

Il y a également l'intime conviction
que j'ai un rôle à jouer
dont moi même j'ignore les arcanes.

- Unseelie, quant à elle, et bien...Il ne m'appartient pas d'en divulguer la nature.
- Tenons-nous en à "Saloperie de soeur ainée Eternelle". ça me suffit pour le moment.

Lucien poursuit son exposé et la mention de l'entité "Rêve" et de sa disparition produit chez moi un trouble dont je ne mesure pas pleinement les racines. Sur l'instant, je mets cela sur le compte de la mortalité possible des Éternels, et du danger que cela représente pour Levi : ce que je m'empresse de formuler.

- On peut donc tuer un éternel ? Comment ?

Le majordome y vient à grand renfort de tournures de phrases ampoulées.

- Je voudrais vous faire pénétrer le Rêve pour que vous la rameniez afin qu'elle ne se rende pas coupable des agissements d'Unseelie.
- Il y a donc bien un plan ! fais-je avec une pointe d'ironie gentiment moqueuse. Je me lève faisant grincer la chaise sous mon poids. Bien, quand partons-nous ? Et comment dois-je me préparer à cette petite excursion ?

- On peut donc tuer un éternel ? Comment ?

Lucien s'interrompt et détaille Kaelig. Difficile de répondre à cette question. En tout cas lorsqu'elle est posé par cet homme. Il a une prédisposition pour les affaires des Eternels que Lucien ne saisit pas totalement. Sa langue vient humecter sa truffe pendant qu'il cherche comment aborder le sujet. Mieux vaut, pour le moment, simplement répondre comme il répondrait à n'importe quel humain. C'est ce qu'est Kaelig pour le moment, un simple humain avec une affinité pour sa maîtresse qui le pousse à la voir comme sa fille adoptive.

- "On" ne peut pas tuer un éternel, très cher. Un dieu assisté d'un eternel ou un eternel pourrait y prétendre, je suppose... et encore... J'avoue ne pas comprendre comment ce tour de force a été accompli, ni véritablement pourquoi. Mais l'univers n'aime pas voir ses concepts fondateurs ainsi détruits, croyez-moi.

Son ancien maître l'avait payé cher jusqu'à finalement décider de ne plus essayer d'être quoique ce soit, de vivre une vie de reclus jusqu'à même le donner à sa jeune soeur.
Le majordome fait finalement par de sa requête. Elle est accueillie par un sourire gentiment amusé de l'humain qui ne refléchit pas longtemps - pas du tout, même, note Lucien - avant de se lever pour agir.

-Il y a donc bien un plan!

Lucien gronde d'un rire de gorge qui lui fait tressauter les épaules.

-Plus une requête qu'un plan, voyez vous.
-Bien, quand partons-nous ?
-Immédiatement.
-Et comment dois-je me préparer à cette petite excursion ?

Lucien ajuste ses binocles et son sourire s'élargit alors qu'il désigne le canapé du bureau.

-Eh bien, c'est très simple, Kaelig. Pour pénétrer le Rêve, il vous suffit de.... Dormir.

Lucien se lève et retire à nouveau son chapeau pour y plonger la main. Il farfouille jusqu'à sortir une petite fiole si polie et si finement ouvragée qu'il ne fait aucun doute quant à ses origines. La petite étiquette, irisée de couleurs mouvantes, stipule sobrement dans une calligraphie alambiquée : Rêve Lucide.

-Buvez ceci, allongez-vous et dormez. Je vous retrouverai dans le Songe et vous guiderai jusqu'à ma Dame. Ensuite... Eh bien... Je me reposerais sur votre initiative et votre imagination, mon cher Kaelig. Le Rêve en dépend.