Elle détestait le jour et encore plus le soleil. Elle haïssait la plèbe qui allait et venait dans la Milky pour s'extasier devant les attractions et les bêtes de foire dont Lune faisait partie, sans exagération. Assise dans un rocking chair devant une tente qui affichait un large panneau de bois dans laquelle était graver une paire de main autour d'un œil tel un symbole mystique, la chasseresse restait là à se balancer d'avant en arrière, pipe entre les lèvres. Elle ne voyait rien, mais elle entendait tout. Elle sentait tout, la moindre odeur de sueur, de parfum, de sucrerie. Un vrai mélange qui lui donnait parfois la nausée. Bien qu'elle semblait sereine, elle sentait le regard des passant sur elle, si pâle, les yeux blancs et vide, les bras décoré de bijoux clinquants, une parure aux cranes d'oiseaux entourant ses cheveux blancs.... La gitane entrouvre ses lèvres sombres, libérant un long nuage de fumée âcre alors qu'une voix, masculine, ne la salut d'une façon bien trop familière. Peu importe l'homme qui lui fait face, il semble bien sûr de lui, presque trop ravie de se trouver ici. Lune garde le silence un instant, se penchant sur sa chaise qui grince durement. Elle se demande, celui là, sera t-il le premier pigeon de la journée ou bien son avenir sera assez tragique pour qu'elle s'en délecte en lui collant la vérité sous le nez ?

« J'ai tout le temps qu'il faut l'ami. »

Elle ne le salut pas, de toute façon, elle ne parle pas cette langue qu'il baragouine si bien. Lune se lève de son rocking chair doucement, faisant tinter sa ceinture orné de petits grigris métallique en tout genre et lui tourne le dos. Elle écarte le tissus de la tente et entre la première avant de venir près de la table qu'elle effleure de ses doigts. L'endroit est petit, sombre et sent l'encens. L'air est saturé d'une énergie étrange donnant au lieu son aspect presque inquiétant. D'un mouvement lent, Lune vient s'asseoir dans le siège avant de dardé ses yeux mort dans le vide face à elle.

« Assis-toi, je te prie. »

Pas même un sourire, elle se contente d'inspirer, posant sa pipe dans un vieux cendrier de bois présent sur la table puis lentement elle se penche, tendant la main vers son client alors que la fumée lui sort par le nez comme un dragon pâle et menaçant qui attend le moindre faux mouvement pour se jeter sur sa proie.

« Donnes-moi ta main... Et voyons ensemble ce que l'avenir te réserve.... »

Enfin, l'ombre d'un rictus émerge sur ses lèvres charnues et maquillées de pourpre, donnant à son faciès l'expression d'une hyène affamée. Rien de bienveillant dans ce quelle dégage soudainement. Le bellâtre serait son goûter de l'après midi.

Il restait à savoir une chose... Allait-elle lire son véritable avenir ou jouer les charlatan contre quelques billets ? Lune reste immobile, sentant la lourde main de son client se glisser dans la sienne. Lourde mais surtout chaude. Elle referme ses doigts sur sa paume, caressant son derme de son pouce, effleurant les lignes de cette même main. Il y en avait des choses ici, beaucoup... mais pourtant elle avait la sensation que cet homme n'avait pas encore vécu le plus gros de sa vie. Une vie riche, palpitante mais pas forcément heureuse, ni dans le sens dont on espère la vivre.

« Cancer. »

Lâche t-elle lourdement comme une guillotine viendrait trancher la tête d'un condamné à mort. C'était de cela qu'il s'agissait ? La maladie ? Il avait tomber malade ? Ou bien se relèverait-il de cette épreuve ? Bouche entrouverte, la femme prend une longue inspiration, émettant un râle sifflotant alors que toutes ses énergies se mêlent à ceux de son client au visage impossible à voir.

« Tu l'accueilleras comme un frère, ce cancer. » ajoute t-elle toujours sur ce ton sinistre tout en pressant un peu plus la main de l'homme entre les siennes, l'empêchant de la retirer, de reculer. « Tu n'en souffrira pas, tu n'en mourra pas mais le cancer sera bien là ! »

Lune se tend comme la corde d'un arc, son dos se cambre, sa tête bascule en arrière. Son esprit est envahit par des images, flous, sombres. Elle ne reconnaît ni les visages, ni les silhouettes mais peut voir un cercle constitué de douze personnes, mains dans la mains, attendant patiemment.

« Le sang ! Je vois le sang ! Ton cancer s'en nourris ! Inhumain qui brise la Nuit entre ses pinces ! »

Elle entend les sifflements, les cris d'agonies puis plus rien. Sa tête retombe en avant, les épaules tremblantes, le souffle haletant. Pourquoi tout était-il si chaotique quand elle avait besoin de voir et savoir les choses clairement. Ses petits doigts aggripent la puissante main de son client, griffant sa peau.

« C'est TOI qui sera le premier à toucher le cancer, à le voir. Tu le trouvera avant les autres, Bélier que tu es, tu iras les cornes la première... prends garde à toi tout de même... Le trouver ne veux pas dire le soumettre... Il te faudra faire preuve de patience et d'intelligence... »

Elle le relâche, l'épuisement se lisant sur ses traits. Lune soupir longuement, ramenant ses mains vers elle, tâtant le bois de la table pour venir reprendre sa pipe qu'elle glisse entre ses lèvres. Tabac et opium font vite leur effet alors qu'elle s'enfonce dans son siège, croisant les jambes, les bras et murmure avec nonchalance.

« Es-tu satisfait... ? » Elle esquisse un sourire. « cela fera 50€. »