◈عرق◈
"La Sueur"
You can holler, you can wail
You can blow what's left of my right mind
You can swing, you can flail
You can blow what's left of my right mind

I don't mind

Comme la première fois où j'ai foulé le pas de l'Eden's rest, je suis happé par l'ambiance virevoltante des lieux. Il est quatre heure de l'après-midi et chacun s'affaire en bonne fourmi ouvrière. Le grand soir du bal costumé est au tournant: une soirée de couleur, de paillette et d'ivresse pour oublier l'actualité déprimante nous confinant sous la cloche de verre de la quarantaine. Visiblement, mon signalement et mon nom ont été donnés comme simple passe droit. J'entre sans complication et je croise même quelques danseurs qui me reconnaissent et me saluent avec un petit rire. Ma performance ridicule de danseur d'un jour a laissé un bon souvenir. Mieux vaut cela, après tout.

Je cherche Elie du regard.

Elle est l'objet de ma présente quête. Je la repaire sur scène en pleine séance d'entrainement avec son partenaire tatoué. Leur duo est fascinant, leur danse à la fois désordonnée et subtilement chorégraphiée. Ils donnent l'impression de se battre tout en s'enlaçant langoureusement. Leurs corps nerveux mêlés s'apparentent à deux lianes s'enroulant l'une à l'autre puis fouettant l'air dans la brusquerie et la fureur. Je reste un moment en contemplation de leur couple et de ce cycle de rupture et de réunion.
La musique s'arrête et le temps reprend ses droits. Les deux danseurs échangent en riant, le visage en sueur mais pétri de satisfaction. J'entends leurs coeurs pompant avidement, le sang qui déferle et reflue dans les canots submergés de leur veines. Le grand tatoué longiligne attrape une serviette qui claque sur ses épaules et empoigne une gourde. Il s'abreuve goulûment, l'eau ruisselant sur son menton. Son regard s'arrête soudain sur ma personne et me perce comme deux poignards. Un félin repérant une proie. Je sursaute presque quand il saute souplement de la scène pour aller à ma rencontre. Inconsciemment mes mains gantées serrent la bandoulière de mon sac sur mon torse.

- Salut beau gosse, j't'ai jamais vu ici... Il a un fond d'accent un peu chuintant que je ne parvient pas à replacer. De près, il m’apparaît plus androgyne encore que sur scène. Comment tu t'appelles ?
- Euh.. hum.. Nathan.
- Nathan, c'est grave cute... Moi c'est Ciulin!

Il (Elle ?) amorce un geste vers ma joue comme pour la caresser. Je recule vivement, sur la défensive. J'ai assez peu l'habitude qu'un (ou une ?) inconnu-e pénètre ainsi ma sphère personnelle. Iel (C'est perturbant à la fin !) a une expression un peu surprise qui s'adoucit lentement.

- Bah, faut pas flipper comme ça, pisoi. J'vais pas t'bouffer... pas sans ton consentement en tous les cas, ajoute-iel d'air coquin.
- Très rassurant, merci, dis-je un poil pincé. Oui, bon.. euh.. Je suis venu voir Elie, si c'est possible.
- Suffit de demander ! Il pivote et hèle la concernée occupée à discuter avec un technicien. HEY BELLE-MAMAN ! Y'a un adorable p'tit cul pour toi ! Tu veux pas v'nir j'crois que j'l'effraie....
- Non, vous ne m'effrayez pas. Pardonnez-moi si je me suis montré impoli... Fais-je embarrassé avant de hausser un sourcil. ("belle maman" ???!!!)

Ciulin s'accoude sur mon épaule et coule une oeillade moqueuse vers moi.

- Détends-toi, Pisoi.... Laisse c'vilain "vous" au placard. Tout va bien s'passer...

Je détourne les yeux, le rouge au joues, très mal à l'aise de cette trop forte proximité.

Et ça veut dire quoi "Pisoi", à la fin ?

On est bientôt à la soirée. C'est la dernière que j'organise avant de retourner à mes premiers amours. Tout le monde sait ce qu'il a à faire donc je m'entraine avec Ciulin. On danse, on rigole et on sue. Je pense que ça nous fait du bien à tout les deux.
Une fois la répète finie, je prends le temps de discuter éclairage et mise en scène avec un technicien. J'aimerais que notre arrivée avec Ciulin soit parfaite. Qu'elle en jette.
Ca nous fera du bien, je pense, de faire un petit coup d'éclat comme ça. On sous-estime souvent la nécessité de se la péter de temps en temps.
Une leçon pourtant répétée maintes fois par Enzo.

-HEY BELLE-MAMAN !

Je tourne la tête, surprise.

-OUIIIIII?
-Y'a un adorable p'tit cul pour toi !
-De quoi?


J'avise Nathan qui... Euh... N'est ni roux, ni petit.... Bordel de merde, mon cerveau fait n'importe quoi. OU BIEN, il s'est teint les cheveux... Ou bien - probablement la bonne solution - j'ai halluciné ça. Super. Ca me fout un p'tit coup, j'avoue. Bon ok, un gros. Je prends quelques secondes pour m'enraciner, je suis les méthodes que j'ai apprise.

-Tu veux pas v'nir j'crois que j'l'effraie.

Je descends de l'estrade pour voir un Nathan pas à l'aise du tout. Ciulin, ellui, est super détendu.e.

-Détends-toi, Pisoi...
-Ciuuuu! Il aime pas trop qu'on l'touche. Arrêteuuuuh.

Je l'attire à moi et lui fais un calin. Je fais claquer un bisou sur sa joue.

-Laisse c'vilain "vous" au placard. Tout va bien s'passer...
-Mais ouiiiii! J'm'occupe de caliner le chaton. Salut Nathan! J'étais persuadée que t'étais roux, putain. C'est ouf, non?

Je rigole en penchant la tête.

-Tu viens danser avec nous, finalement?

J'embarque la petite troupe vers le carré VIP désert.

-Qu'est-ce qui t'amène? AH ATTA! Ciu, c'est Nathan, le chéri de Amon - oui, oui. Nathan, c'est Ciulin, lae amoureuxeuse de Asmodée! Bon en vrai, ils sont marié et tout. Bon, voilà, la présentation, c'est fait. Du coup, qu'est-ce que j'peux faire pour toi?

-Ciuuuu! Il aime pas trop qu'on l'touche. Arrêteuuuuh.

Elie apparaît soudain comme un diable sorti de sa boite (mais n'est-elle pas une démone après tout ?) et enlace mon interlocuteurice avec une effusion de bécots sonore. Ciulin -puisque tel est son nom- éclate de rire et se laisse faire malgré la bonne tête de plus qui le fait surpasser sa "belle-mère".

-  Salut Nathan! J'étais persuadée que t'étais roux, putain. C'est ouf, non?
- ... Un effet d'optique, sans aucun doute, fais-je avec un haussement de sourcil.
- Est-ce que j'dois dire au daron de t'emmener chez l'ophtalmo ? questionne son acolyte qui dépose un baiser tendre sur sa tempe. Je remarque le bras entourant familièrement les hanches de la chorégraphe. Je reste perplexe quant à la relation que ces deux là entretiennent.
- Tu viens danser avec nous, finalement?
- Non ! Non pas du tout même si ma requête est peut-être d'ordre similaire ?
- Ta "requête" ? C'que t'es formel, Nath.... Déééteeends toi !
- Qu'est-ce qui t'amène?

Ciulin se vautre dans un des canapé de l'espace VIP tel un roi surplombant son royaume de son trône.

-  AH ATTA! Ciu, c'est Nathan, le chéri de Amon
- LE QUOI ?! AMON A UNE VIE SEXUELLE ?!
- Oui, oui.
- J'croyais que la seule chose qui pouvait l'émoustiller c'était sa foutue flotte infusée...
- Nathan, c'est Ciulin, lae amoureuxeuse de Asmodée! Bon en vrai, ils sont marié et tout.
- Un mariage "libre" je présume, dis-je non sans ironie. Quant à Amon il est sexuellement parfaitement actif, merci.
- Tu m'en diras tant......

Le rictus moqueur de Ciulin, achève de colorer mes joues déjà fortement échauffée.

- Bon, voilà, la présentation, c'est fait. Du coup, qu'est-ce que j'peux faire pour toi?
- Vous voulez peut-être que je vous laisse ?

Ciulin s'enfonce pourtant dans le cuir de son siège et je lea vois, à ma grande surprise, effectuer un geste de la main pour ouvrir la porte du minibar et faire venir à ellui une bouteille de bière fraîche. Cependant, là n'est pas le plus spectaculaire. J'ai la certitude d'avoir vu les chardons tatoués sur ses bras bouger tels des serpents.

- Fascinant, fais-je en m'approchant, la curiosité l'emportant sur ma réticence du contact rapproché. Ce sont de vraies plantes sous la peau ou de l'encre magique ?
- Ni l'un ni l'autre, lui répond tranquillement lea roumain-ne. C'est ma marque de sorcier.
- J'ai entendu parlé de ça ! J'en avais jamais vu jusqu’ici. Le seul sorcier que je connais a toujours refusé de me la montrer.
- J'peux t'en montrer plus, s'tu veux.... susurre-t-iel à mon oreille ce qui a pour conséquence mon recul brutal et le frottement intempestif de mon lobe.
- Nan-c'est-bon-merci, que je balbutie déstabilisé. Ciulin s'en amuse. Je me réfugie presque derrière Elie. Ah.. hum.. J'ai besoin que tu m’entraînes. J'dois gagner en endurance impérativement sous deux semaines.

Ciulin nous observe avec l’acuité d'un chat, assis en tailleur et aux aguets, comme si la conversation venait de prendre une tournure passionnante.

-... Un effet d'optique, sans aucun doute.

Je rigole pendant que Ciulin me pose un bisou sur la tempe.

-Est-ce que j'dois dire au daron de t'emmener chez l'ophtalmo?
-Nan et nan. Probablement mes hallu qui font des leurs... Faut juste que j'oublie pas d'en parler à Sal...C'tout. Ca t'va vachement mieux le chatain.

J'rigole mais bon ça me fait une petite bouffée d'anxiété quand même. La présence de Ciulin et de sa chaleur contre moi aide grandement mon cerveau à ne pas partir en criant dans un recoin de mon crâne. Je demande si Nathan vient danser, parce que ça serait cool quand même.

-Non ! Non pas du tout même si ma requête est peut-être d'ordre similaire ?
-Ta "requête" ? C'que t'es formel, Nath.... Déééteeends toi!

La façon qu'a Nathan de parler me fascine parce que j'arrête pas de me dire qu'elle est entre Amon et Salomon. Je sais pas exactement ce que ça dit sur Nathan mais ces trois là ont une manière classieuse de parler. Ils sont capable de tailler le bout de gras version bouquin avec un naturel qui me laisse comme deux ronds de flans. Il me reste plus qu'à présenter les deux opposés.

-LE QUOI?! AMON A UNE VIE SEXUELLE ?!
- Mais on peut être en couple et pas en avoir lààààà!
-Oui, oui.
-Ah bah, au temps pour moi.
-J'croyais que la seule chose qui pouvait l'émoustiller c'était sa foutue flotte infusée...
-Pourquoi ils iraient en cours de pilates, si c'était vrai. BREF. Nathan, c'est Ciulin, lae amoureuxeuse de Asmodée ! Bon en vrai, ils sont marié et tout.
-Un mariage "libre" je présume.
-Oui! Ils sont poly! que je lance sans aucune ironie parce que c'est la vérité....
-Quant à Amon il est sexuellement parfaitement actif, merci.

Je hausse les sourcils. Bah alors j'ai envie de dire que j'm'en fous. C'est vraiment la dernière image que j'ai envie d'avoir en tête. Amon suant à poil en train de jouir de plaisir. Merci mais non merci et surtout, trop tard.

-Tu m'en diras tant......

Je regarde Ciulin avant de lui tirer les joues.

-Vilaaaaaaaaaaaaain!

Posée dans le carré VIP où Ciulin fait croire qu'iel est poli.e alors qu'en fait iel est beaucoup trop curieuxeuse pour partir. Je prends le temps de faire le point sur tout ce qu'il vient de se passer. Est-ce que ces deux-là viennent vraiment de faire un concours de bites par mecs interposés.... Bonne question. Je vois la bière s'envoler et la chope au vol.

-Merci!

J'offre un grand sourire à Ciulin pendant que la curiosité de Nathan lui fait oublié les règles élémentaires de sa propre phobie. Je les regarde faire tranquillement, c'est apaisant des scènes normales comme celle-ci. Pas de drama, pas d'explications, pas de thérapie ou de trucs d'adulte, juste des discussion qui coulent d'elle-même. Bien entendu, c'est sans compté sur Ciulin qui, en bon chat, s'amuse avec la nouveau proie qu'il s'est trouvé. Nathan s'ejecte de sa position pour se replier derrière moi. Je lui tapote gentiment la tête en souriant.

-Fais pas gaffe, iel fait ça rien que pour t'embêter.

-Ah..hum... j'ai besoin que tu m'entraînes.
-Tu as besoin que, moi, je t'entraînes?

Je l'observe, interloquée, la bière à mi-chemin entre mes lèvres et la table.

-J'dois gagner en endurance impérativement sous deux semaines.

Mes yeux s'écarquillent encore un peu.

-Attends.... Quoi?

Je lance un coup d'oeil à Ciulin avant de me tourner vers Nathan.

-On rembobine, là. tu veux que je t'entraînes à quoi et pourquoi exactement? Parce que l'endurance, tu peux juste aller courire dans la forêt pour la travailler. C'est quoi l'objectif, exactement, que je sache? Parce qu'en deux semaines, chaton, on fait pas des miracles...

Ciulin, qui s’est fait usurpé sa bière, s'en décapsule une autre à distance avec le même phénomène télékinésique précédemment mis à l'oeuvre. L'époux(se?) d'Asmodée est un drôle de phénomène et, si le terme polyamoureux m'est connu, son sens comme son application me semble obscurs. Une futilité qui n'a pas sa place dans la présente conversation.

-On rembobine, là. Tu veux que je t'entraînes à quoi et pourquoi exactement? Je me dandine maladroitement en jetant des oeillades obliques à Ciulin ...Parce que l'endurance, tu peux juste aller courir dans la forêt pour la travailler. C'est quoi l'objectif, exactement, que je sache?
- Hé bien c'est à dire que...
- Parce qu'en deux semaines, chaton, on fait pas des miracles...
- J'en ai bien conscience, fais-je, en serrant mâchoire et poings. Le cas est assez désespéré, mais il est pourtant impératif que je puisse améliorer ma cardio et avoir quelques rudiment de self-défense.
- Tu veux te battre ? lance Ciulin avec un haussement de sourcil et un sourire que je n'aime pas du tout.
- ... Juste me défendre.

Ciulin ne me demande pas contre qui ou quoi, mais il n'en sera peut-être pas de même pour Elie.

- Ecoute, Elie... Tu me dis oui, ou non. Je ne t'oblige à rien. J'avais simplement pensé qu'une professionnelle saurait me faire progresser plus vite que simplement galoper seul en forêt. je n'ai que deux semaines devant moi, ni plus, ni moins.
- T'es prêt à en chier ? suinte Ciulin entre deux rasades au goulot de sa bière. On ne ne te fera pas de cadeaux.
- Comment ça "on" ?
- Chuis un ancien catcheur et je chasse depuis mes douze piges. J'pense que chuis suffisamment qualifié pour m'joindre à la fête... Chais pas qui tu veux défoncer, mais j'aimerais pas être à sa place...
- Je.. je ne veux défoncer personne, fais-je prudemment.
- Pas avec un r'gard comme ça. C'est des mirettes de killer, ça, Nath...

Ma bouche s'entrouvre sur une expression coupable. Je lorgne Elie comme pour m'excuser. Cependant, quelque chose en moi réfute la possibilité de mentir. Après tout, n'est-ce pas là une vérité crue ?

Je vais assassiner mon père.

J'écoute l'échange silencieusement. Mon regard passe de Ciulin à Nathan. Il veut apprendre le self-defense, il veut améliorer sa cardio. Il veut "juste se défendre". Personne ne veut "juste" se défendre. C'est une joli phrase qu'on se répète pour se donner une bonne conscience. Oh non, non, je n'apprends pas à être violent dans le but d'etre violent, simplement, si on est violent avec moi, alors je pourrais répondre par la violence.
Notez que je ne blame pas, je suis capable d'être violence quand je l'estime nécéssaire et sans doute aussi quand ça l'est moins...

-Ecoute, Elie... Tu me dis oui, ou non. Je ne t'oblige à rien.

Ca me fait sourire malgré moi. Je vois mal à quoi il pourrait bien m'obliger de toute façon. Il évite un sujet, ça se sent et un simple regard à Ciulin me permet de constater qu'iel n'est pas dupe non plus.

-T'es prêt à en chier ? On ne te fera pas de cadeaux.
-Comment ça "on" ?
-Chui un ancien catcher et je chasse depuis mes douze piges. J'pense que chuis suffisamment qualifié pour m'joindre à la fête... Chais pas qui tu veux défoncer, mais j'aimerais pas être à sa place.
-Je.. je ne veux défoncer personne.

Mon visage se peint d'un regard indulgent. Bien sûr que si, Nathan. Il y a une rage dans le fond de tes yeux qui ne fait aucun doute.

-Pas avec un r'gard comme ça. C'est des mirettes de killer, ça, Nath.

J'observe la reaction de Nathan. Bouche ouverte, traits tirés. Aucun doute, il me jette un regard désolé et je pose la main gentiment sur son épaule, je fais bien attention à la laisser sur son vêtement.

-Me fais pas ces yeux, chaton. C'est un peu évident pour nous que tu veux péter des culs, on va pas en faire un drame. Ciulin pratique la chasse, j'ai soulevé les fosses. On a tout les deux du sang sur les mains.

Je hausse les épaules et vide ma bière.

-Relax. Chui un poil vexée que tu aies essayé de me rouler, mais j'survivrais.

Je lance un coup d'oeil souriant à Ciulin.

-Note ma magnanimité... Magnamitude? Chai pu. Bref, note. C'est la seconde fois qu'il essaie de m'rouler.

Je tire la langue à Nathan.

-P'tit con.


Je ris avant de redevenir sérieuse.

-On va t'entrainer. Oui, "on. Ciulin est aussi qualifié.e que moi, voir probablement plus. T'as quinze jours et tu vas rien faire d'autre que ça. Pas de cours, pas de Poudjinn, juste l'entrainement et ta préparation. Ta vie se met sur pause pour les deux prochaines semaines, ormis ton objectif de défoncer cette personne, qui qu'elle soit.

Je ne demanderais pas, il est assez grand pour me le dire seul s'il le souhaite. J'ai besoin d'une seule donnée concernant cette mystérieuse cible.

-Humain, démon, vampire, loup-garou, sorcier ou Djinn? C'est tout ce que j'ai besoin de savoir, ça sera important. Tu combats pas un humain comme tu combattrais un vamp'. Le reste, si t'as pas envie d'en parler, t'en parle pas.

Tu es l'amoureux de Amon et j'ai comme dans l'idée, depuis ma conversation avec Amon, que cette personne que tu veux buter, c'est le fameux ex revenu du fond des ages. L'homme violent et sanguinaire.

-Et il va falloir qu'on s'trouve un endroit ou s'entrainer. Ciu, t'as une préférence? J'veux pas t'imposer l'Arena... On peut squatter chez Asmo ou j'peux voir avec Cathair si on peut squatter leur gymnase... Comme tu sens.

-Me fais pas ces yeux, chaton. C'est un peu évident pour nous que tu veux péter des culs....
- A... A ce point là ?
- On va pas en faire un drame. Ciulin pratique la chasse, j'ai soulevé les fosses. On a tout les deux du sang sur les mains. Relax. Chui un poil vexée que tu aies essayé de me rouler, mais j'survivrais. Note ma magnanimité... Magnamitude? Chai pu.
- Magnanimité, que je corrige par réflexe.
- Bref, note. C'est la seconde fois qu'il essaie de m'rouler. P'tit con.

Je pique un fard tel que me tartiner le visage avec de la sauce tomate n'aurait pas donné plus bel effet. Ciulin ricane. Je déteste le son de son rire.

- Je suis navrée, Elie. Je ne souhaitais simplement pas te compromettre.

Souhait fort naïf de ma part.

- On va t’entraîner. Oui, "on". Ciulin est aussi qualifié.e que moi, voir probablement plus. Je jette un regard sévère à l'épouse de Baltazar. Iel me répond par un clin d'oeil et un bécot silencieux. Je pince les lèvres. T'as quinze jours et tu vas rien faire d'autre que ça. Pas de cours, pas de Poudjinn, juste l'entrainement et ta préparation. Ta vie se met sur pause pour les deux prochaines semaines, hormis ton objectif de défoncer cette personne, qui qu'elle soit.
- Oublie pas l'plus important..., susurre Ciulin la fouine.
- Humain, démon, vampire, loup-garou, sorcier ou Djinn? C'est tout ce que j'ai besoin de savoir, ça sera important. Tu combats pas un humain comme tu combattrais un vamp'. Le reste, si t'as pas envie d'en parler, t'en parle pas. Et il va falloir qu'on s'trouve un endroit ou s'entrainer. Ciu, t'as une préférence? J'veux pas t'imposer l'Arena... On peut squatter chez Asmo ou j'peux voir avec Cathair si on peut squatter leur gymnase... Comme tu sens..
- Va pas faire chiez les Heksens, j'aime pas quand tu leur d'mandes des services, y font jamais rien gratuitement, ces connards. J'aim'rais autant foutre la paix à mon mari quand y rentre du taf. C'est son chez lui. L'Arena ça m'va, ça f'ra plus chier mon daron qu'aut'chose. Sinon, j'me suis fait un p'tit parcours dans la forêt et j'ai même copiné avec une fée....
- Une.. fée?! fais-je abasourdi. Une vraie "seelie" ? Elles existent ? A quoi ressemble-t-elle ? Quel âge a-t-elle ? A-t-elle un genre ? un nom ?
- WOWOWOWOW! Tu t'calmes tout d'suite gadjo! J'répondrais pas à une seule d'tes questions tant que t'auras pas lâché c'que tu veux buter.
-..... Un djinn, fais-je lentement, un éfrit, pour être précis. Je froisse nerveusement le tissus de ma chemise au pli du coude. C'est un très vieux djinn atteint du Sheitan, l'ex-amant d'Amon qui a abusé de lui...

Je prends une longue inspiration, le visage grave.

- C'est également mon père.

- Je suis navrée, Elie. Je ne souhaitais simplement pas te compromettre.

Je pouffe de rire.

-Oh, tu sais... A mon stade, un peu plus, un peu moins... Ca changera que dalle à ma vie.

Il rougit et Ciulin se moque. Je doute que Nathan apprécie beaucoup Ciulin pour le moment. Ils sont à l'exact opposé. J'espère que cette petite collaboration permettra au moins à Nathan d'éprouver un certain respect pour Ciulin. Parce que Ciulin est un.e sacré.e guerrier.ère. Iel est probablement meilleur.e que moi à bien des égards même si je travaille à réduire le gouffre.

-Va pas faire chier les Heksens, j'aime pas quand tu leur d'mandes des services, y font jamais rien gratuitement, ces connards.
-Vrai, mais Cathair m'en doit une. En fait, plus qu'une, cette espèce de trou d'balle... C'la dit, t'as raison...
-J'aim'rais autant foutre la paix à mon mari quand y rentre du taf. C'est son chez lui.
-C'est chez toi aussi, hein. Tu t'souviens, que je raille en souriant gentiment et en poussant doucement l'épaule de Ciulin.
-L'Arena ça m'va, ça f'ra plus chier mon daron qu'aut'chose. Sinon, j'me suis fait un p'tit parcours dans la forêt et j'ai même copiné avec une fée...

Je hausse les sourcils, les yeux pleins de paillette mais je suis doublée par la curiosité véloce de Nathan.

-Une.. fée?! Une vraie "seelie" ? Elles existent ? A quoi ressemble-t-elle ? Quel âge a-t-elle ? A-t-elle un genre ? un nom?

Wouaaaaah, la gatling est de sortie... Je tourne la même tête surprise vers Nathan.

-Wouaaaaaah, mais comment tu fais pour parler aussi viiiiiite....
-WOWOWOWOWOW! Tu t'calmes tout d'suite gadjo! J'répondrais pas à une seule d'tes questions tant que t'auras pas lâché c'que tu veux buter.

Y a un moment de flottement visiblement inconfortable pour Nathan, il avale une petite boule épineuse avant de lâcher.

-Un djinn.

Mon attention se focalise sur lui. Je sais exactement quel Djinn, toutes mes tripes me le disent et se répètent "le connard de Amon, le connard de Amon, le connard de Amon".

-Un éfrit, pour être précis.

La tension dans le corps de Nathan est palpable.

-C'est un très vieux Djinn atteint du Sheitan, l'ex-amant d'Amon qui a abusé de lui...

J'avais vu juste.

-C'est également mon père.

Mon cerveau effectue une pause blasée, mon sourcil se hausse alors que j'observe la mine grave de Nathan avant ma mine grave blasée de cette ville et de ce monde à la con.

-Est-ce que cette putain de ville à une seule personne - UNE SEULE- dont le père a pas été un parfait abruti, connard ou je sais pas quoi? Est-ce qu'on a VRAIMENT tous des daddy issues? Sérieusement?

Je me tourne consécutivement vers mes deux interlocuteurs d'un air outré avant pouffer de rire et de redevenir sérieuse.
Je hoche la tête.

-Je me doutais bien que c'était machin, là... Atta, c'est quoi le nom de c't'enfoiré...

Je me creuse la cervelle mais ça me revient pas. Il a juste été rangé dans les catégories 'personne vraiment merdique' et j'ai oublié son nom.

-On s'en fout... Amon m'en a parlé, en fait. C'est moi qui l'ai récupéré après que sa fille lui ai dit que le syndrome du sauveur ça allait cinq minutes... On a beaucoup parlé des relations amoureuses euh... Toxiques avec des compagnons violents. Je suis donc tout à fait ravie de t'aider à lui botter cul jusqu'à la tombe la plus proche.

Je me retourne vers Ciulin.

-Et quelle fée? Elle ressemble à quoi? Est-ce que t'as eu un bisou? Est-ce qu'elle est gentille? Le peuple veut savoir. C'est l'heure de la storytime. Hein Nathan, j'ai raison.

-Est-ce que cette putain de ville à une seule personne - UNE SEULE- dont le père a pas été un parfait abruti, connard ou je sais pas quoi? Est-ce qu'on a VRAIMENT tous des daddy issues? Sérieusement?

Ciulin a un ricanement équivoque qui me fait hausser un sourcil.

- Tir Na Nog haut lieu d'tourisme pour pères indignes. C'la dit, Belle-maman, toi et moi on f'rait mieux d'fermer nos mouilles. On sort tous les deux avec d'magnifiques millésimes de daddies qui se sont foirés. Lea chasseur-se se tourne avec un air narquois vers moi. Amon a pas d'gosses planqués dans ses boites à thés, d'fois ?

Je pince les lèvres pour éviter un rictus amusé, parfaitement involontaire. Ciulin est dépourvu de la moindre gêne, mais je reconnais qu'il a le sens de la formule. Je ne vais pas lui montrer tout de suite que j’apprécie.

- Une fille adoptive. Un silence ponctue ma phrase. Je repense à nos échanges avec Enyo. Je me remémore l'attitude d'Amon et l'agacement de mon ainée..... Ok ! Trois, me semble un bon chiffre pour ouvrir un club de joyeux compagnons partageant la vie de Papas en délicatesse avec leur paternité. Où signe-t-on ?

Elie recentre le sujet loin de nos digressions.

- Je me doutais bien que c'était machin, là... Atta, c'est quoi le nom de c't'enfoiré...
- Nadim Anthem.
- Il est pas chez les Hurlants c'type ?
- Peut-être.... fais-je prudemment. J'ignore qui sont les Hurlants.
- On s'en fout... Amon m'en a parlé, en fait. C'est moi qui l'ai récupéré après que sa fille lui ai dit que le syndrome du sauveur ça allait cinq minutes...
- Daddy issues... balance Ciulin, avec son air malin.
- Daddy issues, que je répète avec une petite grimace qui en dit long.
- On a beaucoup parlé des relations amoureuses euh... Toxiques avec des compagnons violents. Je suis donc tout à fait ravie de t'aider à lui botter cul jusqu'à la tombe la plus proche.
- J'ignorais qu'Amon se confiait à se point à toi.
- T'es jaloux ?
-... Peut-être un peu.

Cette fois le chat sauvage sur le canapé et moi échangeons une oeillade amusée. Néanmoins, je ne suis pas encore totalement convaincu par l'individu.
Brusquement, Elie percute -trébuche serait plus juste- sur la fée. Je l'observe s'animer comme une gamine toute excitée. Son comparse n'a pas l'air de s'offusquer du train de retard.

-Et quelle fée?
- Une fée.
- Elle ressemble à quoi?
- A un écureuil qui pépie comme un moineau.
- Est-ce que t'as eu un bisou?
- Jamais au premier rendez-vous,J'ai des manières p'tain !
- Est-ce qu'elle est gentille?
- Est-ce que me faire voltiger ça compte comme "être gentille" ?
- Le peuple veut savoir. C'est l'heure de la storytime. Hein Nathan, j'ai raison.
- Oui, le club des amoureux des Daddy issues veut savoir si Peter pan existe, dis-je faussement sérieux.

Ciulin éclate de rire et je me sens gagné par cette ambiance détendue. Certes, je n'aime pas ses attitude de petite frappe à la moquerie facile, mais je reconnais qu'il est....drôle.

- Bon...bon, puisqu'le public est en émois, j'm'en vais l'satisfaire : J'faisais un jogging ultra matinal parc'qu'en c'moment j'fais ceinture et ça m'fous méchamment sur les nerfs. J'ai commencé à m'faire mon parcours d'obstacles en sprintant dans les bois. Puis ça m'a pris comme une envie d'pisser, j'ai fait d'la grimpette au sommet d'un pin. J'vous dis, j'baise pas assez et du coup j'ai trop d'énergie à dépenser. Et là t'as un machin genre, d'la taille d'un gosse de six piges, tout blond et poilu qui voletait autours de moi et secouait les branches. J'ai grave failli m'gameller ! Son pelage changeait un peu d'couleur parfois, et s'transformait un peu en plume j'crois.. bref c'était assez chelou. Elle parlait qu'en "oiseau" et elle était super rapide. En tout cas j'ai compris qu'cétait une fae parc'quelle avait des ailes et aussi qu'elle était hyper contente de me voir, parce qu’elle m'a emmenée en balade dans les airs. Voilà, stout.

Ciulin hausse les épaules, nous laissant ébahis et sur notre faim.
Moi, en tous les cas.

-Comment ça "c’est tout" ?!"

-J'ignorais qu'Amon se confiait à se point à toi.
-T'es jaloux ?
-... Peut-être un peu.

Les deux s'échangent un sourire. Nous sommes officiellement en train de fonder un trio! YES! Je pouffe de rire.

-Il se confie pas à moi, spécialement, en vrai. Mais j'fais ça aux gens. Y'm'parlent facilement. Chai pas pourquoi, mais c'est cool!

Je souris de toute mes dents avant de revenir soudainement sur la fée.
Je réclame l'histoire car on parle d'une putain de fée, merde.

-Oui, le club des amoureux des Daddy issues veut savoir si Peter pan existe.
-J'y crois, j'y crois!

Que je lance en souriant comme une gamine. J'adorais Peter Pan, petite. J'adore toujours. J'sais pas combien de fois j'ai espéré qu'il vienne me chercher pour aller au Pays Imaginaire... Je me cale tranquillement dans les fauteuils super moelleux.

-Bon... bon, puisqu'le public est en émois, j'm'en vais l'satisfaire.

Je pouffe de rire.

-J'faisais un jogging ultra matinal parc'qu'en c'moment j'fais ceinture et ça m'fous méchamment sur les nerfs.

Je hausse les sourcils. Ca, c'est loin d'être habituel. Je suppose que Ciu tente des choses diverses et variées pour avancer et aller mieux. Pas sûr que ça soit une super méthode mais c'est en essayant qu'on trouve la bonne. Je suis à peu près dans cette phase-là, moi aussi. J'essaie un millier de trucs pour trouver un équilibre convenable et capable de tenir sur la durée.

-J'ai commencé à m'faire mon parcours d'obstacles en sprintant dans les bois. Puis ça m'a pris comme une envie d'pisser, j'ai fait d'la grimpette au sommet d'un pin.
-Moi, j'connais l'pin à qui tu pensais pendant la grimpette!

Je pouffe de rire comme une nouille et écoute la suite.

-J'vous dis, j'baise pas assez et du coup j'ai trop d'énergie à dépenser. Et là t'as un machin genre, d'la taille d'un gosse de six piges, tout blond et poilu qui voletait autours de moi et secouait les branches.
-ooooooooooooooooooooh.... que je lance, parfaitement captivée et émerveillée.
-J'ai grave failli m'gameller ! Son pelage changeait un peu d'couleur parfois, et s'transformait un peu en plus j'crois... Bref c'était assez chelou. Elle parlait qu'en "oiseau" et elle était super rapide.
-Elle faisait cuicui?

j'ai l'impression d'avoir deux ans et demi.

-En tout cas j'ai compris q'c'était une fae parc'qu'elle avait des ailes et aussi qu'elle était hyper contente de me voir, parce qu'elle m'a emmenée en balade dans les airs. Voilà, stout.

J'ouvre la bouche, parfaitement rincée.

-Comment ça "c'est tout"?!

Je cligne des yeux avant de lancer un beaucoup trop fort.

-T'AS EU DROIT A DE LA POUSSIERE DE FEE? MAIS T'ES UN GROS CHATARD!

Je réalise soudainement que j'ai crié et je me tasse un peu.

-Oups! Pardon! Je. Oui, comment ça, c'est tout? J'veux dire. On veut des impressions, des détails, des bouts d'trucs! Elle avait l'air trop chouuuuuuuuuu! Haaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan, j'suis trop jalouse! T'es pas jaloux, Nath? Putain, j'suis jalouse fois mille! UNe fée! trop la classe!

Je sursaute quand Elie hurle, je tremble presque quand Ciulin recouvre son insulte d'éclats de rire sonores. Je me dis qu'ils sont sans doute un peu dingues. C'est ce qui les rend d'autant plus charmants aux yeux de ce moi intrépide que j'ai quelque peu oublié. Inutile de le nier. Les coins de ma bouche rebiquent, mes lèvres se dérobent à ma volonté. Le sourire est là, timide mais présent.

- Oups! Pardon! Je...
- C'est pas grave.. ahah.. que je pouffe malgré moi.
- Oui, comment ça, c'est tout? J'veux dire. On veut des impressions, des détails, des bouts d'trucs! Elle avait l'air trop chouuuuuuuuuu! Haaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan, j'suis trop jalouse! T'es pas jaloux, Nath?
- Je suis jaloux, ça va sans dire. fais-je avec beaucoup d'un sérieux qu'il est difficile de conserver.
- Putain, j'suis jalouse fois mille! UNe fée! trop la classe!
- Ahahaha z'ête rincés, avouez! Ben quand on ira turbiner demain, on la verra p'têt... assure lea chasseur-se.
- Q...Quoi ?
- Ben ouais, demain, 5h! Ton adorable p'tit cul moulé dans un jogging et tu viens suer avec nous.

J'ouvre la bouche sur une riposte muette, mais à vrai dire, je ne vois aucun argument à lui opposer. C'est un entrainement que je suis venu quémander. Lea roumain-e me lance un sourire malicieux.

- Alors nous avons un deal, gadjo!

******

Le réveil est une torture.
J'ai peu dormi, trop d'idées à gamberger, trop de perspectives à diagnostiquer. J'aime les probabilités mais parfois, elle me noyautent la cervelle avec un peu trop d'enthousiasme.
Quitter les bras d'Amon est une torture.
Je m'empiffre de son image, affalée voluptueusement dans les draps, le visage détendu par un sommeil profond. Je le respire tel un junkie en manque de sa dose, le parfum de sa peau, et de ses boucles brunes éparpillées sur l'oreiller.
S'habiller est une torture.
Je déteste les pantalons de survêtements. Je ne fais jamais de sport. J'enfile mollement le pantalon de running neuf, acheté hier sur le chemin du retour. J'ai l'impression d'être déguisé. Je fais réchauffer le café de la veille, le bois sans le savourer, prépare une gourde d'eau fraiche et des barres de céréales énergétiques (elles aussi achetées hier) dans mes poches.
J'allume mon téléphone, branche les écouteurs, tente de mettre une musique festive mais arrête finalement mon choix sur les quatre saison de Vivaldi.

Dehors il fait noir, silencieux et morne.
Ma résolution vacille.
La vision d'Amon s'impose à mes neurones récalcitrants. Il est encore temps de retourner sous la couverture et de se blottir contre lui, peut-être même lui faire l'amour au débotté, comme ça, par surprise, et l'entendre gémir son consentement.

Je pousse un soupir et le claque le visage à deux mains.

- Arrête les conneries Nat'!

Je récite mentalement le nombre pi pour éloigner mon début d'érection.
Les violons du "presto" estival ruent dans mes tympans.
Je me mets en route du lieux de rendez-vous.

Deux semaines a dit Enyo.

Je baille. Ca tire un rire endormit à Kaelig, moi et mon T-shirt troué, on lui tire la langue avant de s'eloigner vers la salle de bain. Rien que pour l'embeter - et aussi parce qu'il est sensé se lever aussi - je fais péter les enceintes avec de la musique pleine d'énergie. J'entends grogner au loin. Un chausson vole et m'atterrit sur mon crâne. Cette cabane manque de plafond anti-chausson parfois...

Douche, médicaments, petit dej, prise de note de la journée. Il est 4h30, je suis en forme pour la journée. Les nouveaux médocs ont l'air de fonctionner. On croise les doigts.
Legging noir gainant, brassière et mini sweat à capuche. Je suis prête pour une super course en forêt mais alors surtout, je suis prête pour la chasse aux fées.

Un p'tit calin à Kaelig, un p'tit bisou aussi. J'appelle Owen et me retrouve avec mon gros molosse à m'échauffer sur le chemin du rendez-vous.

Petites foulées : une, deux. Pas chassés. On fait du zig-zag avec Owen, j'saute par dessus lui puis lui par dessus moi. On est sans doute pas discret entre lui qui aboie et moi qui l'encourage. J'arrive sur place et m'étire en attendant tout le monde.

Personne ne me croira quand je dirais que je suis arrivée en avance. Des pas m'indiquent l'arrivée traînante d'un nouveau sportif récalcitrant.

-Salut Nath! Ca va? T'es prêt? J'te présente Owen. Il vient s'dégourdir les pattes avec nous, si ça te va. Owen : Dis Bonjour!

L'adorable molosse regarde Nathan, jappe un bonjour et caracole sur place en se léchant la truffe d'un air joueur.

-Ciulin va pas tarder, j'pense. Ca va faire trop du bien de courir. Mais alors surtout, c'est l'heure de la chasse aux fées!

Je baille à m'en décrocher la mâchoire. Elie a l'air plus frais que je ne le suis.  Je baragouine un bonjour mollasson. j'ai terriblement envie de partir me recoucher. La maison est beaucoup trop loin à présent, comme les bras d'Amon.

- Salut Nath! Ca va?
- Hummmm....
- T'es prêt?
- ...Mbof....  
- J'te présente Owen. Il vient s'dégourdir les pattes avec nous, si ça te va.
- Gné...

Je plisse les yeux mais je ne vois personne. Tout juste le vent qui soulève des poignées de feuilles.

- Owen : Dis Bonjour!

Je me frotte les yeux mais je ne comprends toujours pas de qui elle parle. Un animal ? Un chien ? Je ne distingue rien.

- Elie ... ? Je suis désolé, je ne suis peut-être pas bien réveillé, mais je ne vois rien.

Brusquement, je sens une énorme masse pousser sur mon torse. Pris au dépourvu -et un tantinet paniqué- je tombe à la renverse.

- PUTAIN D'SA MERE !

J'ai juré dans mon français natal. Mon dos heurte le sol terreux, ma chute est amortie par les feuilles mortes qui craquent sous mon poids. Un truc poisseux me dégouline sur la tronche et je perçois la pression de "quelque chose" sur ma poitrine.
Un énorme molosse me lèche le visage avec une bonne humeur désarmante, comme soudain émergé du néant.

- Qu'est-ce que c'est que ça ?!

Un rire transperce la canopée. Ses éclats viennent des branches au dessus de nos têtes. Ciulin nous surplombe d'un air goguenard. Il descend en faisant le pendu puis une pirouette.

- Un Hell's hound, joli-cul !
- Oh ?! Je n'en avais jamais vu auparavant. On ne peut pas dire qu'il soit farouche... fais-je en lui flattant le flanc.
Ciulin ajoute fielleusement.
- Il a une forme humaine, tu sais.... là c'est presque comme si tu lui f'sais une branlette.

Je me remets debout un peu vite, les joues en feux. Je m'époussète aussi dignement que possible sous la pluie de ricanements de lea roumain-e.

- Formidable. Je suis ravi de l'apprendre. Chaque jour est un jour d'école comme on dit!

Ciulin me tape sur l'épaule.

- T'es trop marrant, mec! Alors, prêt à en chier ?
- Non, mais maintenant que je suis pleinement reveillé...
- Ca c'est not' djinounnet !

Et voilà que mes coachs se mettent en branle.

Je plisse les yeux et répète les mots qu'il vient de prononcer et qui ne sont pas de l'anglais. C'est rigolo à dire mais j'ai pas la moindre idée de ce que ca veut dire. Owen s'amuse à lessiver le pauvre Nathan. Ciulin, perché.e dans les hauteurs nous rejoint avec une apparition digne de ce nom.

On a la classe ou on l'a pas.

-Il a une forme humaine, tu sais...
-Ouais, un gros grand gars barraqué.
-Là c'est presque comme si tu lui f'sais une branlette.

Je hausse les sourcils et lance un coup d'oeil à Owen qui plisse ses yeux de chiens avant de s'étaler dans les feuilles pour demander des gratouilles.

-Formidable. je suis ravi de l'apprendre.
-Mais, c'pas du tout pareil, hein.
-Chaque jour est un jour d'école comme on dit!
-On dit ça...?
-T'es trop marrant, mec!

Owen ponctue par un aboiement joyeux avant de venir se poster à coté de moi. Il colle sa gueule contre ma cuisse et je lui gratouille distraitement le crâne.

-Alors, prêt à en chier ?
-Non, mains maintenant que je suis pleinement réveillé...
-Ca c'est not' djinounnet!

On se met en route, un peu doucement pour chauffer Nathan. Je me cale sur le rythme de Ciulin sans difficulté. Owen, lui court devant puis revient, puis repart puis revient en courant. Il ramène des bâtons, des pommes de pins et mille trucs que je lui lance quand il accepte de me les donner pendant qu'on court.
Je lance à coup d'oeil à Nathan.

-Contrôle ta respiration. Concentre toi sur tes foulées et ton souffle, ne penses pas au reste. Concentre toi sur le rythme des deux.

Au loin, dans la cime des arbres, une remue-ménage se fait entendre. Des pépiements, des feuilles qui tombent et comme un vent soudain qui parcoure les branches en tous sens.

-Ah! Ciu'!

je lance ça entre deux respirations.

-Faut qu'tu nous emmènes là où t'as trouvé ta copine la fée!

Les premières minutes me semblent gérables, j'ai l'impression que -peut-être- j'ai plus d'endurance qu'il n'y parait. Pourtant, très vite je m'essouffle, pour ne pas dire que j'expire comme une baudruche percée. Quelle horreur! J'honnis l'inventeur de la course à pieds !

-Contrôle ta respiration. Concentre toi sur tes foulées et ton souffle, ne penses pas au reste. Concentre toi sur le rythme des deux.
- C'toi qui donne le rythme, vieux, essaie pas d'aller plus vite que tu n'peux. Si tu veux intercaler marche rapide et course, fais-le. Tu débutes, ça s'ra plus simple pour toi, ok ? Allez, mec! On vise les 15 minutes pour commencer!

Leurs conseils sont étonnamment pertinents. Je me rends compte avec un certain étonnement que Ciulin comme Elie se sont mis à suivre mes rachitiques petites foulées sans chercher à m'imposer leur tempo. Je leur en suis gré. Je me concentre sur ma respiration, puise au fond de mes poumons fatigués à force de paresser, sollicite d'autres muscles que mon cerveau. Merde à la fin ! Suis-je une créature extraordinaire ou pas ?!

Un pépiement furieux me détourne de ma transe sportive. Ciulin a le nez en l'air et sourit. Je suis frappé de découvrir une expression si juvénile sur sa face escarpée.

- Ah! Ciu'! Faut qu'tu nous emmènes là où t'as trouvé ta copine la fée!
- Inutile, qu'il lui répond en expirant. Elle est déjà là.

Je ne sais pas comment il peuvent ainsi faire causette, j'en suis incapable. La perte de focus sur mon cycle respiratoire occasionne un magnifique point de côté. De toute manière, Ciulin s'est arrêté pour siffler comme un rossignol.
Avec quel oxygène, bon sang ?!
Je brule littéralement à l'excédent de carbone. Je m'étonne de ne pas flamber d'une bonne combustion spontanée tellement j'ai la sensation de cuir. Voilà que notre simiesque compagnon grimpe à nouveau à un des pins sur le bord du sentier.

J'aimerais m'étonner, mais je m'économise.
On ne sais jamais des fois qu'il me demande de le suivre.

-Inutile, elle est déjà là.

Je m'arrête net de courir et Owen me rentre dedans en grondant.

-Comment ça, elle est là?

Les pépiement s'accentuent, on dirait qu'on a des centaines de nids autour de nous. Ciulin siffle et je sautille sur place comme une gamine devant le sapin un matin de noël. Je me tourne vers Nathan et manque de m'étouffer de rire face à sa tronche rouge vive. Il a l'air au bout de sa vie. Je m'approche de lui, le fais se redresser.

-Haha... Dur, dur la course à pied. Inspiiiiiiire, ouvre tes épaules et gonfle. Retiens un peu. Expiiiiiiiiire. Recommence encore et marche en cercle, doucement. On va rencontrer une fée, tu veux pas être une grosse tomate.

Je lui tire gentiment la langue et lève les yeux juste le temps de voir Ciulin disparaitre dans les branches d'arbre. Des pépiement, une pluie de feuilles et je me décide à gravir le tronc du premier arbre à ma portée.

-Parkour!

Que je lance à Nathan.

-Ciuuuuu! Nathan il peut pas grimper, roviens!

Je me prends un missile velu dans le torse, ça me coupe le souffle et je tombe pour m'étaler au sol. Je grimace en ouvrant les yeux pour découvrir deux yeux fauves, une bouille adorable et un carré blondin.

Des ailes de papillons. J'ouvre grand la bouche mais déjà la petite fée file à toute allure dans la cîme des arbres pour attraper le bras de Ciulin occupé à redescendre. La petite fée tourne et tourne autour de lui sans s'arrêter de pépier gaiement.

-Nathan. C'est la fée! C'est la fée! Olalalalalala!

Je gigote au sol et Owen qui regarde la fée, lui aussi d'un air plus qu'étonné et la langue pendante, prend ça pour un appel au jeu et me saute dessus.
Mes cotes.

-oumph. Oweeeeeen! T'es pas un poids plume...

Il se pousse non sans me refaire le portrait à la bave et je me redresse tandis que la petite fée, assise dans les airs, ailes battante, tresses les cheveux de Ciulin avec... De l'herbe?