Nuit noire,
Esprit sombre,
Explosion.

Seul, enfin, c'est que tu crois. Seul mais à deux. Le diagnostic est enfin tombé, il est sans appel. Celui que tu appelles l’Autre, Moi, celui qui souffle tes histoires, qui les raconte. La voix au fond de ton esprit, n’es en rien une partie de ta magie qui a pris conscience, non. C’est quelqu’un d’autre, une autre conscience, présente depuis si longtemps, muselé par toi, enchaîné tel une bête en cage. Il est temps pour toi de me laisser enfin jouir du droit qui me reviens, tu as le devoir de me laisser la place, d’enfin me laisser vivre ma vie.
« Nooooon ! »

Ton hurlement résonne dans le sous-bois, tu ne me laisses pas prendre le dessus, tu te bats pour ta place ne voulant pas me laisser vivre la mienne. Notre peau se craquelle, illuminé d’une part d’un feu flamboyant, et de l’autre restant noir, profond, comme si la lumière y était absorbée, nos yeux changent, un devenant rouge sang, brillant comme un brasier et l’autre noir, comme absent de son orbite. La dualité entre nous est puissante, chacun tentant de prendre le dessus sur l’autre. Un combat mental violent, le sol tremble sous tes pieds, tu commences à flotter dans les airs alors qu’une aura vaporeuse rouge et noire s’échappe de notre corps.
« Laisse-moi tranquille ! »

Tu pousses ton propre corps le propulsant avec violence, d’un geste de la main je l’arrête, avant qu’il ne s’écrase contre le tronc d’un pin.
Ma voix plus rauque, lourde, puissante explose :
« Morgänn ! Putain ! Laisse-moi ! J’en ai tout autant le droit que toi ! »

Un nouveau rugissement de ta part et les arbres autour de nous se couche sur le sol, écraser par une onde de choc, propulser par ton corps.
« Dégage ! Tu n’es rien ! Personne ! Laisse-moi en paix ! »

Des larmes de sang coulent de l’œil droit, alors que des larmes de goudrons coulent du gauche. Ta peur de l’inconnue, de ne pas savoir où nous allons, je la comprends, mais tu devrais savoir que je ne ferrais rien contre toi. Contre nous. Je veux juste moi aussi connaître la vie…

Tu te bats contre moi ! Essayant de me repousser loin de tout, m’enfermer encore une fois dans une cage de chair et d’os. Mais tu as voulu prendre contact avec moi, tu as voulu me connaitre, voir qui j’étais. Je suis toi, tout autant que tu es moi. Séparé, nous sommes diminués, tu as besoin de moi. Quand plus rien ne va, tu ne peux plus fuir ou tout faire exploser. Tout le monde serait que c’est toi ! As-tu pensé à Lucy ? Elie ? Et tous ceux qui te sont cher ? Comme Taurus, Scorpio, Capricio ? Et moi ? Tu as pensé à moi ? J’ai passé ma vie enfermée dans ce corps, j’ai passé ma vie à attendre que tu m’appelles. Maintenant, c'est trop tard. Je ne veux plus disparaître, je ne veux plus partir, je veux pouvoir vivre, moi aussi.

La bataille fait rage, qui de toi ou moi en sortira vainqueur ? De notre corps explose une vague télékinétique qui renverse les arbres autour de nous, le ciel commence à se couvrir alors que nos hurlements résonnent dans le sous-bois. Le sol tremble sous la force énergétique que dégage notre enveloppe charnelle. Notre corps subit les assauts mentaux successifs de nos deux esprits, il se recroqueville, nos mains dans nos cheveux, les tirants avec force. La haine et la colère, la peur et la tristesse. Tout ce mélange dans un maelstrom d’information neuronale complexe.

Aucun de nous deux l’a vu arrivé, ni même entendue, comme volant dans la nuit, une douce rouquine vient poser ses mains sur tes joues, éteignant nos deux esprits…

Noire absolue.
Calme particulier.
Ciel dégagé.

J’ouvre les yeux et la lumière m’aveugle, transperçant mes rétines, elle me brûle sans retenue que je suis obligé de les refermer. Je t’entends grogner, la même douleur ayant surement eu raison de toi. De toi ?
J’ouvre à nouveau les yeux et je me retrouve face à moi, non toi. Tes yeux rouges brillent comme si un feu ardent brulait dans tes prunelles. Ta peau craqueler laisse voir le brasier d’énergie qui illumine ton corps. Il ne m’en faut pas plus pour comprendre que les miens doivent être totalement noir et mes crevasses doivent être aussi noir que la nuit.
Une voix, féminine, claire, douce résonne, nous tournons la tête, en un seul mouvement, presque irréel. Devant nous se tient deux jeunes femmes, une aux prunelles vertes comme les champs au printemps et l’autre aussi noire que les miennes. Par instinct, tu te mets en garde prêt à laisser ta magie opérée, une aura rouge émanant de ton corps comme une brume de sang. Je tends ma main vers toi, t’intimant de ne rien faire. C’est elle. Ce sont ses yeux que j’ai vus avant d’apparaître ici.
Ma voix sort de mes lèvres, calme, posé, cachant la peur et la colère qui vibre dans mon esprit.
« Qui êtes-vous ? Et comment… »

Ta voix éclate, plus froide que la mienne, plus aigüe, sèche.
« Qu’est-ce que tu nous as fait ? Ou sommes-nous ? »

Je viens prendre ta main dans la mienne, avec une douceur que tu n’avais jamais sentie, je passe dans ton dos te prenant dans mes bras, murmurant a ton oreille :
« Calme-toi Morgänn, si elle nous voulait du mal nous ne serions pas là et elles ne se seraient jamais présenté. »

Je t’étreins pour te calmer, je te câline avec tendresse, cherchant à apaiser ton esprit en ébullition. Je suis si désolé de t’avoir, mis dans cet état. Si seulement tu étais moins têtue, ma petite bourrique.
« Nous sommes Morgänn et Ewen. Nous sommes là même personne physique, mais deux esprits différents, issus de la scission de notre esprit. »

Tu te détends en sentant mon calme, acceptant ma douceur, écoute ma voix. Parle maintenant.
« À nous deux nous formons un système sans nom encore... »
« Comment nous avez-vous transporté jusqu’ici ? »

Je te relâche la pression de mes bras sur ton corps, gardant toujours ta main dans la mienne, elle me soulage et me calme autant que toi, je l’espère…

Je resserre mes doigts autour des tiens, canalisant ta rage et ta colère, je ne veux pas que tu détruises et puis nous avons en face de nous une sorcière et une déesse. Elles finissent leur présentation alors que nous les rejoignons autour de la table en bois.
« Comme je vous l’ai dit, nous sommes une conscience divisée, un esprit brisé en deux parts égales, vivant normalement en harmonie dans le même corps. Mais depuis peu, Morgänn a compris que je n’étais pas une invention de son esprit mais bien une personne réelle. Et quand je lui ai demandé de me laisser jouir de mon droit de vivre, il n’a pas compris que je voulais juste savoir ce que ça fait d’être au contrôle de notre corps. »

Je tourne mon regard goudronneux vers toi et reprend :
« Je ne compte pas t’enchainer, te mettre en cage… Je veux juste me sentir vivre un peu, et voir le monde de mes propres yeux et non pas par les tiens… »

Tu baisses la tête, honteux. Mais tu n’as pas à l’être, c’est normal, c’est nouveau pour toi comme pour moi, jamais je ne te ferais du mal, je serais toujours là pour te soutenir, nous formons un duo sans lequel Lucy serait en danger…
« Je… Je suis désolé… J’ai du mal à gérer ma colère et mon impulsivité. »

Tu t’excuses auprès de nos hôtes, tes yeux rouges brillant moins fort qu’a l’accoutumé. Je pose une main sur ton épaule mes doigts se refermant avec douceur, un sourire tendre illuminant mon visage… Je tourne mon regard vers la sorcière et la déesse et dis :
« Non sommes un sorcier, issus d’un culte particulier, nous ne sommes qu’une réserve d’énergie magique pour notre sœur jumelle qui puise en nous pour lancer des sorts… Mais notre père nous à modifier, brisé et reconstruit pour que nous puissions puiser dans cette réserve intarissable, avec l’aide de sa magie et de ses connaissances en génétique… Du coup nous pouvons utiliser à la fois la magie du Gémeau et la nôtre qui est basé sur des dons psioniques… De la télékinésie simple au réarrangement moléculaire… »

Nous nous relevons et posons la main sur la table, et une aura rouge se dégage de ton corps, tandis qu’une poie noire et visqueuse coulent de mes mains. La table commence à flotter au-dessus du sol, quelques centimètres, cinq ou dix tout au plus. La fatigue de notre dernière guerre nous ayant fatigué plus que nous le croyons. Et d’un coup la table se fragmente, devenant poussière alors que notre aura vient couper les liaisons entre les atomes et les molécules. Fragmentation progressive de la table qui s’envole portée par le vent chaud qui souffle dans le sous-bois.
Nos voix résonnent à l’unisson :
« Voilà de quoi nous sommes capables, l’un comme l’autre. Mais quand nous sommes avec notre sœur, nous devenons inarrêtables, tous les éléments sont sous notre joug, la matière, l’espace et le temps deviennent aussi tangible qu’intangible. Nous pouvons modifier le Chaos en Ordre, et la Dystopie en Utopie. »


Nous relevons nos yeux vers les jeunes femmes.
« Voilà qui nous sommes ! »