Installée dans le creux d’un arbre qui lui a servi de refuge à de nombreuses reprises, Alexia croque la pomme qu’elle a pensé à apporter distraitement. C’est devenu en quelques sorte son petit coin, là où elle se sent bien et en relative sécurité, un peu à l’abri des regards grâce à un appointement rocheux.

Le soleil de la fin d’après-midi accroche ses derniers rayons dans sa chevelure bouclée, penchées sur un livre d’anatomie qu’elle est sensé apprendre par cœur pour les prochains examens de fin de semestre. Emmitouflée dans un large plaid, Alexia révise paisiblement depuis deux bonnes heures. Chaque jour, elle profite au maximum de la liberté toute relative dont elle bénéficie encore. A condition de ne s’approcher de personne. Heureusement que sa mère garde une certaine confiance en elle. Alexia doit simplement lui envoyer un sms toutes les demi-heures pour la rassurer.

« Maman, je suis toujours en forêt, tout va bien. »
Sous-entendu : je n’ai tué personne.

Elle relève la tête et ferme les yeux, savourant la caresse du soleil. Six mois…un peu moins. C’est ce qui lui reste encore à vivre en tant que jeune étudiante en première année de médecine. Après…après elle ne sait pas. L’ICV saura-t-elle l’aider un jour ? Elle en doute. Ils n’ont rien pu faire pour elle en plus d’un an et elle ne croit pas au miracle. Alors pourquoi se laisser enfermée docilement ? Parce que c’est la meilleure solution pour tout le monde. A-t-elle d’autres choix ? Elle ne sait même pas ce qu’elle est exactement. Sa mère refuse toujours catégoriquement de répondre à ses questions et lorsqu’elle passe des examens à l’ICV, les médecins et autres professeurs restent parfaitement muets.

Peut-être…peut-être pourrait-elle forcer ses réponses grâce à ses pouvoirs ? Non… non elle n’en aurait jamais le courage… et si un autre accident provoquait une nouvelle mort par sa faute, elle ne s’en remettrait pas…

Il doit pourtant bien y avoir quelqu’un, quelque part qui puisse m’aider ?
Je ne suis certainement pas unique dans mon genre…sinon l’ICV n’existerait pas. Pure logique.

Alexia pense simplement que sa mère est fatiguée. Fatiguée de fuir, de se cacher, de mener un ersatz de vie, de craindre pour sa vie si sa fille « malade » venait à s’en prendre à elle.
Elle pourrait s’enfuir au cœur de la forêt, construire une cabane en rondin et y vivre paisiblement, en liberté, seule. Comme une vieille sorcière de conte de fées. Elle deviendrait au fur et à mesure du temps la menace que les parents emploieront pour faire obéir leurs bambins.
« Mange ta soupe ou la sorcière de la forêt viendra te montrer des horreurs dont tu n’as pas idée ! ».
Sauf qu'elle ne tiendrait pas une journée seule en forêt, et même en étudiant la théorie du survivalisme, la mise en pratique risque d'être un peu compliqué pour elle qui n'a connu que la vie citadine.

Elle secoue la tête pour empêcher son imagination fertile de s’emballer et tente de se reconcentrer sur son écorché.
Peine perdue, qu’elle n’arrive pas à visualiser correctement les choses en deux dimensions.
Une troisième ne serait pas du luxe. Elle triture l’ongle de son pouce, tergiverse un moment mais après tout, elle est seule. Personne ne court le moindre risque… elle se relève soudain, le plaid paré sur ses épaules comme une cape. Après une brève inspection autour d’elle, elle se concentre quelques secondes, son corps devenant presque flou alors qu’elle provoque l’apparition d’un écorché à taille humaine. La vision pourrait être troublante, mais Alexia a lu, vu et regardé tellement de films d’horreur et de livre sur le corps humain qu’il ne le rebute plus tellement, peu importe son aspect. Et puis elle est bien placé pour savoir qu’il n’est pas vraiment là mais une pure invention de son esprit qu’elle vient de matérialiser.

La pointe cruelle d’un mal de tête pointe le bout de son nez et Alexia met un comprimé anti-inflammatoire dans sa bouche sans même y penser tellement le geste est habituel.
Mains sur les hanches, elle contemple son œuvre, plutôt satisfaite.

- Parfait ! Ca va être plus simple comme ça ! Un grand merci monsieur l’écorché.
Son illusion lui fait une petite courbette qu’elle lui commande mais l’incongruité de la scène lui arrache un petit rire cristallin malgré elle.
Alexia attrape son livre dans une main et tourne autour de l’écorché pour comparer les dessins avec la réalité, comprendre les mécanismes de ce si fascinant corps humain sans même noter qu’elle n’est plus seule.

Le coup de feu fait un bruit infernal dans la tranquillité de cette fin d’après-midi.
Alexia en lâche son livre et se bouche machinalement les oreilles en se postant à genoux, terrifiée, le cœur battant si fort qu’elle a l’impression qu’il va exploser. Elle se rend compte à quel point les films et les séries aseptisent les sons. Ca hurle encore dans ses oreilles alors qu’on lui agrippe le bras pour la relever. Un peu hébétée, elle met quelques secondes avant de se débattre. Pourquoi lui tire-t-on dessus ? Est-ce que l’ICV a changé d’avis et veut l’abattre comme un animal en pleine forêt ?

Non ! NON pas encore ! Laisser-moi vivre encore un peu !

Réfléchis Alexia ! C’est impossible. Ce genre de chose n’arrive pas dans la réalité.
Pas plus que de se faire tirer comme un lapin en pleine saison de la chasse, cela dit… et pourtant…

Elle se dégage de la poigne de son agresseur en le frappant et recule pour le dévisager.
Le choc est profond.
Il ne semble pas plus âgé qu’elle, assez grand, comme presque tout le monde pour elle, la silhouette fine et une couronne de cheveux bruns et bouclés.
Pas un homme de l’ICV. Tout va bien.
Son cœur fait encore des embardées incontrôlables.
Elle va pour l’invectiver mais croise soudain son regard paniqué et s’arrête. Il a des yeux hantés, vieillis prématurément, cerclés de violet qui débordent d’une souffrance qu’elle a rarement vu chez les garçons de sa génération.  
Manque de sommeil. Traumatisme profond.
- Tu n'as rien ?!

Non. Mais toi oui ! Qu'est ce qui te fais souffrir à ce point ?

Elle revient à la réalité et se secoue un peu.
Oh. Bien sûr. Il a dû voir l’écorché et penser qu’elle était en danger.
Il a essayé de la sauver !
Étrangement cette pensée la fait sourire mais elle se reprend aussitôt et baisse les yeux.

Ne fais pas de vague Alexia.
- Je…je vais bien merci…
Elle prend le temps d’observer son corps à la recherche de la moindre blessure mais le jeune homme semble être bon tireur. Il n’a touché que son illusion.
- T.. vous... Il a l’air complètement perdu et Alexia s’en veut de s’être allée à utiliser sa magie ici, quand bien même elle se croyait seule. C'est quoi ce bordel ...?
La jeune fille se mord la lèvre, indécise, et son index vient triturer machinalement une longue boucle.
- Je suis désolée…hum…vous…tu…elle n’a tellement plus l’habitude d’interagir avec des jeunes gens qu’elle se sent particulièrement gênée et bête. Je sais que ça va sembler…compliqué à concevoir mais euh…l’écorché que tu…vous avez vu n’était pas réel. C’est moi qui…euh eh bien je l’ai créé. J’avais…elle triture la manche de son pull et esquisse un geste vers ses livres. J’avais besoin d’aide pour mes leçons d’anatomie et les dessins ne me suffisaient pas alors je l’ai…fait apparaitre…
Elle ose relever les yeux vers les siens. Elle sait bien que l’explication qu’elle vient de lui donner n’en ai pas vraiment une, mais elle n’a rien de mieux à lui proposer. Dire la vérité sur ce qu’elle est capable de faire va à l’encontre de ce que sa mère lui impose et de ce qu’elle aurait fait dans d’autres circonstances. Mais le jeune homme semble tellement incrédule qu’elle a préféré l’honnêteté. Que pouvait-elle dire d’autre de toute façon ?

Elle récupère son livre laissé à l’abandon parmi la mousse et se redresse en passant la mèche mise à  mal derrière son oreille. Elle esquisse un doux sourire et serre le manuel contre sa poitrine.

- Merci en tout cas… d’avoir…hum voler à mon secours ? C’était très chevaleresque. Elle rit un peu, tintement de clochette dans ce petit coin reculé. Et désolée de vous avoir frappé. J’ai cru que…elle triture à nouveau une mèche puis s’arrête lorsqu’elle s’en rend compte…bref je vais arrêter de parler…je crois.
Toute cette situation la met incroyablement mal à l'aise...

La jeune femme bourrine de ses petits poings ridicules contre son torse. Il le remarque à peine. Katie cogne bien plus fort, et il gère les bagarres des plus petits dans des mêlés bien plus sauvages.

- Je…je vais bien merci…

Alors seulement, Ryan s'autorise à la lâcher. La chose a disparu, comme volatilisée. Pas de corps.

-T.. vous... C'est quoi ce bordel...?
-Je suis désolée…hum…vous…tu…

Il la regarde comme s'il prenait conscience à nouveau de sa présence. Elle est minuscule, blonde et éthérée. S'il ne l'avait pas concrètement palpée précédemment, il l'aurait prise pour une illusion, elle aussi. La Brume en génère de tellement meurtrières qu'il a mis du temps à apprendre à fermer son esprit à leurs appels indécents. Après son parricide, il a vu Jarvis s'agiter dans les volutes traitres du brouillard pour lui empoisser les oreilles de remords.

- Je sais que ça va sembler…compliqué à concevoir mais euh…l’écorché que tu…vous avez vu n’était pas réel. C’est moi qui…euh eh bien je l’ai créé.

Ryan écarquille les yeux puis les plisse avec défiance.

- Pourquoi ? questionne-t-il un peu plus sèchement que désiré.
- J’avais… J’avais besoin d’aide pour mes leçons d’anatomie et les dessins ne me suffisaient pas alors je l’ai…fait apparaitre…
- ..... Une sorcière qui étudie la médecine moderne ? Pas courant, ponctue-t-il.

Il n'en a jamais vu à l'œuvre de ses propres yeux. Des sorciers. Il sait que Ciulin en est un, de ce que lui a rapporté Squirrel, mais il n'a jamais vu ses fameux chardons bouger et fouetter l'air comme des tentacules.
La demoiselle devant lui -dont il remarque enfin la beauté délicate- n'a pas l'air vindicative ni dangereuse. Néanmoins, il est bien placé pour savoir que l'apparence n'est pas un critère fiable : tout le monde ment.
Sauf Magni. Cet abruti recrache directement ce que sa cervelle a à peine mâché. Foutrement usant.

- Merci en tout cas… d’avoir…hum voler à mon secours ? C’était très chevaleresque.
- Hein ? ah.. euh... oui.. c'est rien. répond-t-il brusquement embarrassé.

"Chevaleresque".
La bonne blague.
Il a juste réagit d'instinct, comme sur un champ de bataille. Sauf qu'il n'y a pas de bataille et pas plus de guerre. Juste une donzelle avec des cils d'une longueur inimaginable sur des yeux immenses et une mouche au dessus de la lèvre.

"Pourquoi mon cerveau bloque sur ce genre de détails?
Mes neurones sont pétés."

- Et désolée de vous avoir frappé.
- Ah.. hum.. 'pas grave. marmonne-t-il en se grattant machinalement l'arrière du crâne.
- J’ai cru que…Elle a les même tics que Doe avec ses cheveux. Super troublant....bref je vais arrêter de parler…je crois.
-... Euh... désolé d'avoir perturbé ta séance, de...euh.. révisions 3D.  Il se dandine nerveusement. Tu devrais pas trainer dans le coin. La nuit va tomber. Y'a des infestations de vampires en ce moment... Enfin je t'apprends probablement rien. Ton coven a du te prévenir...

- ..... Une sorcière qui étudie la médecine moderne ? Pas courant.

Sorcière…
Même si elle a réussi à poursuivre la conversation, ce mot tourne dans son esprit. Ça serait donc ça qu’elle est ? Une sorcière ? Ou est-ce que c’est simplement ce jeune homme qui extrapole et balance ce mot parce qu’il a adoré Harry Potter ? Si…si c’est ce qu’elle est…sorcière…pourquoi semble-t-il en savoir plus qu’elle ? C’est tellement injuste ! Frustrant ! Pourquoi cela semble trop demandé de comprendre d’où viennent ces…ces pouvoirs qui lui pourrissent la vie ?
Sorcière…

Elle sourit malgré elle. Ca a quelque chose d’assez…cool ! Et mystérieux. Comme une héroïne de roman. Sauf que son histoire à elle va se terminer prématurément… Son sourire tremblote et disparait comme ses illusions.

-... Euh... désolé d'avoir perturbé ta séance, de...euh… révisions 3D.  
Alexia revient à la conversation présente et écarquille ses grands yeux bleus.
- Oh ! Non ce n’est pas grave ! J’avais…presque fini de toute façon. J’avais du mal à visualiser la place exacte de certains muscles, c’est plus facile de les voir bouger.

Pourquoi babille-t-elle de cette façon ? Sans doute les nerfs. Lui aussi semble nerveux, il danse d’un pied sur l’autre. Est-ce à cause de ses capacités ? Les mots se précipitent hors de sa bouche plus vite que sa pensée.

- Tu n’as rien à craindre de moi ! Elle se mord la lèvre, gênée d’avoir parlé trop vite et d’être passé naturellement au tutoiement. Je veux dire…mes illusions…elle ne peuvent rien te faire. En théorie. Tu… n’as pas à être...sur le qui vive.  
Elle lève le nez vers l’endroit dont il semble avoir déboulé et redescend son regard vers la place où se tenait son écorché. Les yeux pétillants, elle le regarde avec un petit sourire en coin.

- Et toi alors ? Il t’arrive souvent de tirer sur des trucs en forêt ?
- Tu devrais pas trainer dans le coin.

Il élude et veut mettre fin à leur semblant de conversation. Alexia fronce le nez et ses traits s’affaissent un peu. Elle l’ennuie aves ses questions. Evidemment qu’elle l’ennuie…

- Eh bien…je viens ici depuis presque un an alors…euh il est un peu tard pour ce genre de recommandation mais merci quand même. Oui je ferais mieux de rentrer.
Elle se baisse pour rassembler ses affaires dans son vieux et grand sac à dos en cuir.
- La nuit va tomber. Y'a des infestations de vampires en ce moment... Enfin je t'apprends probablement rien.
Nouveau rire, un peu blessée celui-ci.
- C’est bon, je n’ai plus dix ans. Tu n’es pas obligé de me mentir sur des « vilains » vampires pour que je rentre.
Elle se redresse et constate qu’il semble très sérieux. Elle scrute son regard mais n’y décèle pas une seule once d’ironie ou d’humour.
- Tu…tu es sérieux ?  
- Ton coven a dû te prévenir...
- Mon coven ? De sorciers ? Comme…comme dans les séries donc…Oh mon Dieu… tu es vraiment, vraiment sérieux ???

Elle lâche son sac et se précipite vers lui. Emportée par son élan et son enthousiasme, elle lui attrape le poignet comme pour l’empêcher de fuir et le fixe avec un espoir palpable. C’est peut-être sa solution !

- Tu…tu connais d’autres sorciers ? Un …coven ? Tu sais où je pourrais les trouver ?

Autour d’eux un champ de fleurs sauvages sort soudain de terre, éclaboussant les lieux de leurs couleurs vives. Nouvelle illusion provoquée par l'envolée d'espoir qui gonfle son coeur. Nouvelle preuve que son pouvoir lui échappe. Alexia plisse les yeux de douleur et grimace face au nouveau pic de douleur, cependant elle ne lâche pas le jeune homme et ne baisse pas les yeux. Elle veut…elle doit savoir.

- Tu n’as rien à craindre de moi !

Ryan a un haussement de sourcil.

- Pourquoi...? T'avais l'intention de m'attaquer ?
- Je veux dire…mes illusions…elle ne peuvent rien te faire. En théorie. Tu… n’as pas à être...sur le qui vive.  
- J'le suis pas.... se renfrogne-t-il.

"Si complétement."

Tout son corps s'est naturellement mis en posture préventive de fuite, et il tient son fusil de manière à pouvoir en faire usage rapidement. Il est complétement à cran, oui.
Pourquoi elle le regarde comme ça ?
Elle a les yeux qui brillent comme Katie devant une vitrine de chaussures. Elle est bizarre cette fille. Une droguée peut-être ?

- Et toi alors ? Il t’arrive souvent de tirer sur des trucs en forêt ?
- Pas que dans la forêt....Tu devrais pas trainer dans le coin.

Là encore, il s'est montré plus abrupte que voulu. Sa recommandation sonne comme un reproche condescendant. La suite de la conversation est du genre surréaliste. Ryan a la sensation de causer à un mur, une débile mentale, ou... une parfaite civile qui ne sait rien du surnaturel. Se serait-il royalement planté ?

- Mon coven ? De sorciers ? Comme…comme dans les séries donc…Oh mon Dieu… tu es vraiment, vraiment sérieux ???
- Attends.. euh.. t'es bien une sorcière ?
- Tu…tu connais d’autres sorciers ? Un …coven ? Tu sais où je pourrais les trouver ?

L'adolescent commence à paniquer intérieurement à l'idée d'avoir non seulement trop parlé, mais de devoir , en sus, continuer. Elle a beau être vraiment très jolie quand elle s'illumine de joie, comme ça, mais on est pas dans "Vampire Diaries" ou "Twilight" !

- O.. ok... Bon écoute j'ai visiblement dis une connerie et...

En débutant cette phrase, il avait la ferme intention de la planter là sans la moindre explication. Après tout, il n' est pas payé par l'office du tourisme de la magie et il se fout bien de cette gonzesse inconnue au bataillon. Malheureusement sa volonté s'est voilée après une oeillade sur son visage poupon et son sourire excité de gosse devant un arbre de noël bien garni. Ce regard, il ne le connait que trop bien : c'est celui de quelqu'un qui a soif de réponses aux grands questionnement de la vie; C'est le sien, parfois, dans le reflet du miroir de la salle-de-bain.
Et puis, elle s'accroche. Littéralement.
Le jeune homme n'a pas envie de paraitre plus malpoli qu'il ne l'est déjà. Ryan pousse un profond soupir et se masse l'arrête du nez.

- Chuis pas vraiment un expert dans le domai... hé?! ça va ?!  

La jeune femme a l'air de souffrir atrocement, comme si on lui vrillait le crâne à la perceuse. Ryan la retient par un coude un peu inquiet (pas trop, il ne la connait pas après tout. Merde.) Il remarque alors la floraison brutale de la clairière. Certain trouverais ça sublime et poétique (bon ça l'est un peu. C'est vrai.) mais lui trouve ça complétement flippant.

-Wokaaay bon...euh... Il ne connait même pas son nom... Boucles d'or, tu te calmes! Je vais.. je vais répondre à tes questions, d'accord ?Enfin si je peux... Mais d'abord tu respires un bon coup et.. et t'arrête ton.. ton machin là. ("Trop sec Ryan, trop sec.")... Steplé.

"Boucles d'or".
N'importe quoi...
Il a l'impression d'entendre Magni appeler Doe "Nymphette". Ecœurant.

- Je m'appelle Ryan. Et toi ?

- Chuis pas vraiment un expert dans le domai... hé?! ça va ?!  
- Je me fiche que tu sois…oh…

La souffrance provoque un vertige léger et elle porte une main à son crâne douloureux. Elle a l’impression qu’on lui cisaille sa boite crânienne. Ça pulse à un rythme de marteau-piqueur. Elle se sent tenue par une main ferme par le coude. Mais la douleur ne diminue pas, s’intensifie au contraire, signe que l’illusion se renforce.

-Wokaaay bon...euh... Boucles d'or, tu te calmes !
- Boucle d’or ? C’est…c’est à ça que je ressemble hein ? Une stupide héroïne de conte de fées… trop idiote pour qu’on daigne répondre à ses questions.
Mais son murmure ne semble pas l’atteindre alors que la végétation grandit, s’épaissit et qu’un saule pleureur sort de terre.
- Je vais.. je vais répondre à tes questions, d'accord ? Enfin si je peux...
- Mer…merci…

Un soulagement certain l’envahit. Enfin.
Enfin des réponses.

- Mais d'abord tu respires un bon coup et.. et t'arrête ton.. ton machin là... Steplé.
- J’essaie…

Respirer. Oui. Elle redresse la tête, inspire, gonfle ses poumons d’oxygène et rejette le dioxyde de carbone dont son corps ne sait que faire. Elle doit faire cesser son illusion, la maitriser. Sauf qu’elle ne fait qu’empirer. Une volée d’oiseau sortie tout droit de son imagination, sorte de croisement entre un Phoenix et un perroquet aux multiples couleurs, tournoient autour d’eux, tandis que les contours de son propre corps commencent à nouveau à perdre de leur fixité.

- Assez…souffle-t-elle. J’ai dit… STOP !

Tout disparait alors d’un coup et elle se penche vers l’avant, se rattrapant de justesse aux bras du jeune homme avant de s’effondrer. Fébrile, elle tente de se redresser et lâche avec précaution sa prise sur la veste de son « sauveur au fusil » en bafouillant des excuses.
Les maux de tête sont toujours là, mais refluent un peu. Ses mains tremblantes retrouvent son sac dans lequel elle pioche sa boite de comprimés. Elle en ravale aussitôt en fermant les yeux, se soutenant à l’écorce de l’arbre, attendant pendant quelques secondes que le pic vert dans sa tête cesse sa torture.
- Désolée… je… elle était assez intense celle-ci. Les émotions fortes ont tendance à les provoquer…comme si…elle s’arrête, se rappelant à temps qu’il se fiche sans doute de ce qu’elle a à dire.
- Je m'appelle Ryan. Et toi ?
La question la surprend un peu mais elle croise à nouveau son regard troublant et sourit.
- Alexia. Alexia Davis. Tu…tu vas vraiment répondre à mes questions, Ryan ?

Elle pousse un profond soupir et se rassoit dans le creux de l’arbre, là où elle a passé l’après-midi, là où elle se sent absurdement en sécurité.

- Personne n’y répond jamais… on a jamais mis de mot sur ce que j’avais…ou plutôt…ce que je suis ? Je croyais que j’avais quelque chose de détraqué dans mon cerveau… elle le fixe avec un petit air triste…que j’étais juste… une anomalie. Sorcière… ? C’est ce que je suis, alors ? Elle le noie dans la pureté de ses yeux bleus. C’est…c’est génétique ? Ça expliquerait que je ne sache rien sur mon père. Elle semble réfléchir à voix haute et s’en rend subitement compte. Ses joues se colorent de rose. Pardon, je t’ennuie avec tout ça. Mais… tu en connais d’autres ? Des sorciers ? Ils seraient capables de m’aider ? A…à contrôler mes…mon pouvoir ? Comment ça se fait que tu en saches autant ? Sur…sur les vampires et puis…elle a un geste vague de la main…sur …tout ça ?

- Boucle d’or ? C’est…c’est à ça que je ressemble hein ? Une stupide héroïne de conte de fées… trop idiote pour qu’on daigne répondre à ses questions.

Ryan jette des œillades inquiètes à la végétation qui s'enjaille et prend des proportions dithyrambiques. Il vont finir étouffés par ce trop plein de fleurs, de lianes, de troncs. Dans cinq minutes, peut-être, son corps sera empalé sur un bouleau jaillissant sous ses pieds, façon kebab.

- Arrête de t'exciter! la secoue-t-il hyper anxieux. Je vais.. je vais répondre à tes questions, d'accord ? Enfin si je peux...
- Mer…merci…
- Mais d'abord tu respires un bon coup et.. et t'arrête ton.. ton machin là... Steplé.
- J’essaie…
- Essaie plus fort !

Plus les illusions se font colorées et persistantes, plus la sorcière semble devenir transparente. Va-t-elle complétement disparaitre sous ses yeux ? Ryan essaie de garder son sang-froid ( avec plus ou moins de réussite) et lui attrape le visage sans douceur.

- On s'évapore pas, ma grande! Oh ! Reste avec moi ! Il mobilise ce qu'il a appris pour se prémunir des spectres d'Unseelie. Inspire doucement par le nez, expire par la bouche et concentre toi sur... sur le chemin de l'air au travers de ton corps, sur la manière dont tes poumons enflent puis dégonflent. Tu as le contrôle. C'est ton pouvoir, l'extension de ta volonté. C'est toi qui décide quand ça s'arrête, ok ? Ca s'arrête maintenant, parce que tu le veux. Dis-le.
- Assez…
- Dis le fort!
- J’ai dit… STOP !

Les images de forêt vierge fantasmatique s'évanouissent comme un soufflet. Machine (puisque "Boucles d'or" ça la vexe.) vacille et Ryan la rattrape un peu comme il peut. Elle s'écarte, baragouine des trucs qu'il a du mal à décrypter, titube jusqu'à son sac pour y piocher frénétiquement un truc. Les vieux réflexes paranoïaques de Ryan sont titillés. Il reprend son fusil en main. Si elle sort une arme, il lui colle une bastos en premier. Fausse alerte : il s'agit juste de comprimés. L'adolescent abaisse son canon, aussi fébrile que la jeune fille.

- Désolée… je… elle était assez intense celle-ci. Les émotions fortes ont tendance à les provoquer…comme si…

"Comme si quoi ?
Jamais elle finit ses phrases cette meuf ?"
Il a pas la patience , là, de jouer aux devinettes.

- Je m'appelle Ryan. Et toi ?
- Alexia. Alexia Davis.
- Ca m'évitera de t'appeler Boucles-d'or, lâche-t-il laconique.
- Tu…tu vas vraiment répondre à mes questions, Ryan ?
- T'emballe pas, Alexia. Chuis pas une encyclopédie sur le sujet. Mais .. oui... au mieux, on va dire.
- Personne n’y répond jamais… on a jamais mis de mot sur ce que j’avais…ou plutôt…ce que je suis ?

Miss Davis s'assoie dans son arbre creux. Le voilà spolié de sa planque pour la nuit. Fabuleux.

- Je croyais que j’avais quelque chose de détraqué dans mon cerveau… une anomalie.
- Nan. T'a pas de pet au casque. T'es juste une sorcière, à priori.
- Sorcière… ? C’est ce que je suis, alors ? C’est…c’est génétique ?

Elle a des yeux bleus d'une incroyable intensité, et que la lumière rasante dorée du soleil couchant rend davantage limpides. Ryan ironise intérieurement avec lui-même sur le fait que c'est peut-être un gros cageot qui sait mieux manier son pouvoir qu'elle ne le dit pour paraitre canon. Il entend la gifle mentale de Katie comme si elle était présente à ses côtés.

- Ouais.
- Ça expliquerait que je ne sache rien sur mon père.... Pardon, je t’ennuie avec tout ça.

"Non, cette meuf est naturellement jolie."
Ryan hausse les épaules.

- Pas vraiment.
Il a conscience de sonner comme un trou-du-cul peu engageant. Il ne sait juste pas quoi lui dire d'autre.
- Mais… tu en connais d’autres ? Des sorciers ?
- D'autres, c'est beaucoup dire... J'en connais un.
- Ils seraient capables de m’aider ? A…à contrôler mes…mon pouvoir ?
- Euh... Chais pas trop comment ça marche pour vous autres. Mais, si t'as pas de coven pour t'encadrer, j'imagine que oui, t'a besoin d'un mentor extérieur. Je peux te mettre en relation avec. Ellui a découvert son don sur le tard et apprend toujours à le maitriser. Iel s'est fait aidé par un vieux gars dans un cimetière.. Bon ça a l'air nébuleux dit comme ça, j'avoue. Mais j't'assure, c'est pas des conneries , ni un vieux plan, hein ? Faudra juste que tu me files ton numéro pour que je lui pa...

Il pique un fard en réalisant qu'il lui réclame bel et bien son "06".

- C'est juste pour lui passer ok ? Juste...j't'appellerais pas...Promis...Je....Chuis pas ce genre de gars....

"Ta putain de gueule , Ryan.
Tu t'enfonces comme un gland."

- Comment ça se fait que tu en saches autant ? Sur…sur les vampires et puis…sur …tout ça ?

La diversion est trop belle pour ne pas être saisie.

- Y'a deux ans, chavais absolument que dalle. Et puis je me suis retrouvé coincé dans le brouillard.

- Euh... Chais pas trop comment ça marche pour vous autres. Mais, si t'as pas de coven pour t'encadrer, j'imagine que oui, t'a besoin d'un mentor extérieur.

Elle repense soudain à ce qui vient de se passer, ses mains légèrement caleuses mais chaudes contre ses joues…ses mots pour l’aider à reprendre le contrôle sur son pouvoir… Elle rougit en se disant que c’est la première fois qu’un garçon la touche… en dehors des médecins de l’ICV évidemment. Elle est ridicule de penser à ça maintenant. Ridiculeusement niaise. A force de vivre à travers ses livres et sa télé, elle en oublie que la vie n’est pas aussi simple et ne suis pas un scénario conçut à l’avance et qui mène vers une fin heureuse.  

- Ça serait…miraculeux ! Au fait, elle plante ses yeux dans les siens et lui adresse un sourire sincère. Merci. Pour tout à l’heure. Ce que tu m’as dit…ça m’a beaucoup aidée je crois. Tu aurais pu t’enfuir en courant, j’aurais compris… mais tu es resté… Hum… donc non manifestement je n’ai pas de coven. Tu connais quelqu’un qui pourrait jouer ce rôle de mentor ?

- Je peux te mettre en relation avec. Ellui a découvert son don sur le tard et apprend toujours à le maitriser. Iel s'est fait aidé par un vieux gars dans un cimetière...
Iel ? D’accord. C’est le cimetière qui la fait grimacer.
- Un vieux gars dans un cimetière ? Ça ressemble vaguement à un mauvais plan sataniste ou un truc dans le genre non ?
- Bon ça a l'air nébuleux dit comme ça, j'avoue. Mais j't'assure, c'est pas des conneries, ni un vieux plan, hein ?
Alexia pouffe et met sa main devant sa bouche pour cesser de glousser. Son mal de tête la rappelle à l’ordre et elle esquisse un rictus en se frottant la tempe.
- Merci de préciser, c’était effectivement pas forcément très clair.
- Faudra juste que tu me files ton numéro pour que je lui pa...

Il rougit soudain sans qu’elle en comprenne vraiment la raison.
- C'est juste pour lui passer ok ? Juste...j't'appellerais pas...Promis...Je....Chuis pas ce genre de gars...
- Ce genre de gars ? Oh ! Ne t’en fais pas je ne suis pas le genre de fille a attiré ce genre de gars non plus… elle hausse les épaules. Je suis la nana bizarre qui reste toute seule dans son coin, alors ça ne m’a même pas traversé l’esprit.

Elle se dit soudain que ça ne la dérangerait pas qu’il l’appelle…juste pour parler avec quelqu’un d’autre que des gens virtuels ou sa mère. Quelqu’un d’ancré dans cette vie, de son âge. Elle tend la main.
- Passe moi ton portable, je vais l’inscrire dedans. Comment ça se fait que tu en saches autant ? Sur…sur les vampires et puis…sur …tout ça ?
- Y'a deux ans, chavais absolument que dalle. Et puis je me suis retrouvé coincé dans le brouillard.
Elle le fixe, les yeux ronds et descend sa main sans même y penser. Elle le regarde comme si elle le voyait pour la première fois, avec un respect nouveau. Ça explique son attitude refermée, maladroite, sa nervosité, son fusil qu’il tient avec assurance mais comme une bouée de sauvetage et puis surtout ses yeux… eux qui ont dû voir tellement... Dès que ce brouillard est apparu, elle s’y était intéressée, lisant tout ce qu’elle pouvait dessus. Le phénomène la fascinait, inexplicable, étrange. Comme elle…
- Mon dieu ! Tu étais…là-dedans ? C’est… tout le monde disait qu’on ne pouvait pas y survivre. Personne n’en est jamais revenu… il est vraiment ...surnaturel alors !
Elle se lève sans y penser, sa longue jupe noire pleine d'aiguilles de pins et s’approche de lui. Si le mystère du brouillard la fascinait, que dire de celui qui lui a survécu. Sa curiosité maladive aurait une folle de questions à lui poser mais elles lui paraissent toutes irrespectueuses et dépourvus du moindre tact. Elle esquisse un mouvement vers le visage du jeune homme mais se reprend à temps. Elle ne sait même pas pourquoi elle a voulu faire ça…
- C’est ça…ce que tu as vu là-bas…qui t’empêche de dormir, Ryan ? Elle baisse soudain les yeux comme si elle sortait d’une sorte de transe. Pardon. C’est… très intrusif comme question. Je suis désolée que tu te sois retrouvé bloqué là-dedans…tu…tu en es sorti il y a longtemps ?

- Ce genre de gars ? Oh ! Ne t’en fais pas je ne suis pas le genre de fille a attiré ce genre de gars non plus…
- Ah... bah cool! Coolcoolcool.... Il se tamponne la cuisse avec le poing, ne sachant que faire de ses mains. Je suppose.
- Je suis la nana bizarre qui reste toute seule dans son coin, alors ça ne m’a même pas traversé l’esprit.
- Ah ouais ? Marrant... Comme t'es super jolie, j'me suis dit qu'on devait te faire chier tout le temps.

Il écarquille les yeux, surpris par la phrase qui vient de sortir de sa bouche.
"Chuis con ou bien ?!"
Fort heureusement, Alexia ne rebondit pas sur sa tentative maladroite et déplacée de converser comme un être humain normal. Sociabiliser, quelle connerie.

- Passe moi ton portable, je vais l’inscrire dedans.
-.... Euh... J'en ai pas. Il fouille ses poche : il n'a même pas de papier sur quoi la faire noter. Loose totale. Tu.. tu peux l'écrire sur ma main.... C'est tout ce que j'ai bah... sous la main.. ahah.......
- Comment ça se fait que tu en saches autant ? Sur…sur les vampires et puis…sur …tout ça ?
- Y'a deux ans, chavais absolument que dalle. Et puis je me suis retrouvé coincé dans le brouillard.

Il regrette immédiatement cette confession. La lueur qui s'allume dans le regard d'Alexia lui colle une suée désagréable. Curiosité malsaine pour monstre de foire : voilà ce qu'il traduit de cette oeillade. Lorsqu'elle approche, il recule, tel un animal sauvage prêt à mordre. Il n'a pas besoin de pitié, de condescendance ou de cette sorte de voyeurisme crasse. Qu'est-ce qu'elle lui veut avec sa main ? Toucher la bête curieuse qu'il est ?

- Arrête. crache-t-il le regard noir. Arrête ça immédiatement. Cause pas du Brouillard comme si c'était un truc intriguant et magique, un truc mystérieux qui émoustille ton imagination... Des gens y deviennent fou, y crèvent... et ça c'est dans le meilleur des cas.

Sa voix n'est plus qu'un filet rauque, assourdie par sa mâchoire contractée. Il flambe de colère rentrée.

- Evidemment, que j'en dors plus. Qui pourrait ?!
- Pardon. C’est… très intrusif comme question. Je suis désolée que tu te sois retrouvé bloqué là-dedans…tu…tu en es sorti il y a longtemps ?
- Quelques mois...Un peu avant Noël.

Pourquoi lui précise-t-il ? Il n'en a pas la moindre idée. Il a du mal à construire un dialogue qui fait sens. Il est nulle au grand jeu de la causette et cette meuf est déstabilisante avec ses grands yeux liquides.
Il a juste envie de se rouler en boule et de dormir.
Un sommeil sans rêve.
Le vœux pieux.

- Arrête.
La virulence de son ton la fige totalement.  
- Arrête ça immédiatement. Cause pas du Brouillard comme si c'était un truc intriguant et magique, un truc mystérieux qui émoustille ton imagination... Des gens y deviennent fou, y crèvent... et ça c'est dans le meilleur des cas.
Elle s’en veut terriblement d’avoir provoqué ce flamboiement de colère parfaitement justifié. Elle a parlé sans savoir, trop vite. Pour elle ça n’est que quelque chose qu’elle a imaginé de nombreuses fois. Pour lui ça a été son quotidien. Tu parles d’un premier contact…elle fait tout de travers…comme d’habitude quand il s’agit d’interagir avec les autres.
- Evidemment, que j'en dors plus. Qui pourrait ?!
- Pardon. C’est… très intrusif comme question. Je suis désolée que tu te sois retrouvé bloqué là-dedans…tu…tu en es sorti il y a longtemps ?
- Quelques mois...Un peu avant Noël.

Mon dieu ! Il y a presque passé deux ans ! Etrangement, elle voudrait être capable de dire ou faire quelque chose qui puisse apaiser un peu le poids de son vécu. Mais elle n'a su que provoquer sa colère alors elle refreine tout commentaire de peur de commettre un autre impair et se triture la lèvre. Elle se rend soudain compte qu’elle n’a pas pris de stylo. Elle en récupère un et revient vers lui, sans oser le regarder dans les yeux.
Elle se sent bête.
Stupide.
Est-ce qu’à force d’être isolée des autres, elle en aurait perdu son empathie et son humanité ? Elle espère que non…cela dit…peut-être qu’elle vivra alors son prochain enferment plus sereinement…

Avec des gestes lents et délicats, elle attrape la main de Ryan et la retourne pour commencer à écrire son numéro avec son écriture appliquée.
- Excuse-moi. Je ne voulais pas te blesser. Tu as raison…c’était très mal placé de ma part de parler du brouillard comme si…comme si c’était qu’un phénomène magique fascinant. La vérité, c’est qu’on ne sait rien de ce qui s’y passe et …que j’ai beau avoir l’imagination fertile, je n’ai pas la moindre idée de ce que c’est que d’avoir vécu une chose pareille. A vrai dire, il y a beaucoup de choses qui m’échappent un peu… je ne suis même pas fichu de savoir qui je suis !

Elle a un petit sourire désabusé et relève ses yeux pour s’arrêter à sa mâchoire, qu’elle note carrée, séduisante. Pourquoi remarquer ce genre de chose ? Ca n’a aucun sens. Parce qu’elle est anatomiquement bien proportionnée, voilà tout !

- Je ne suis pas très douée…pour les interactions sociales. Au cas où ça n’était pas évident. Elle relâche sa main presque à regret et triture son stylo un moment, passe une boucle blonde derrière son oreille, avant d’oser redresser le menton.
- Tu… tu veux bien me promettre que tu ne te moques pas de moi pour cette histoire de sorcier ?
Elle se rend compte qu’elle veut tellement croire à son histoire qu’elle ne l’a même pas remise en question un instant. L’instinct peut-être ? Non. Plutôt une soif de savoir que la logique n’arrête pas. Même s’il lui promet, qu’est-ce que vaut sa parole après tout ? Mais à quoi bon lui mentir ?

« A quoi bon l’insulter ? A quoi bon la racketter ? Pas d’explication. Juste des adolescents qui jouent au petit tyran, qui se nourrissent de la puissance qu’ils pensent avoir acquise sur elle. »

Il peut très bien avoir décider de jouer avec elle. Pourtant, elle veut croire que ses yeux qui semblent avoir déjà vécu mille vies ne lui mentent pas.
- J’ai… j’ai besoin que ça soit vrai… J’ai besoin de te faire confiance ? Tu comprends ?
Sa voix se serre, ses yeux se font suppliants. Elle ne veut pas que tout s’arrête bientôt. Elle veut croire qu’une solution existe et qu’il en est la clé.

Le silence se fait pesant. Alexia est un livre ouvert et sa commisération dégoulinante égratigne la fierté de Ryan. C'est ça, qu'elle ait pitié du pauvre petit traumatisé qui a buté son paternel et vu tous ses potes crever comme des rats. La jeune fille fouille à nouveau dans son sac et Ryan jugule avec peine son envie de braquer son arme sur son crâne.

"Elle n'est pas dangereuse,
C'est juste une meuf qui peut te retourner la tête en trois secondes.
Keep cool, mon vieux......"

Son cerveau est vraiment un gros bâtard.

Alexia tente une nouvelle approche. Ryan la regarde faire, raide comme un piquet. Il se répète en mantra "pas dangereuse" mais a sincèrement du mal à dissimuler sa défiance. Pourtant, le contact de ses doigts contre sa peau abimée par le froid est délicat comme la caresse d'une plume, comme les fourmis lui grimpant dessus dans les fougères. La bille du stylo le chatouille un peu. Il louche sur la tête blonde d'Alexia. Elle est vraiment petite. Ses cils sont démesurément long et soyeux. Elle sent hyper bon.

"Elle est beaucoup trop près."

Ryan congestionne dans son inconfort. Les gens beaux lui collent le malaise.
Les filles surtout.
Les gens en général, réflexion faite.

- Excuse-moi. Je ne voulais pas te blesser. Tu as raison…c’était très mal placé de ma part de parler du brouillard comme si…comme si c’était qu’un phénomène magique fascinant. La vérité, c’est qu’on ne sait rien de ce qui s’y passe et …que j’ai beau avoir l’imagination fertile, je n’ai pas la moindre idée de ce que c’est que d’avoir vécu une chose pareille.
- Toutes les vérités sont pas bonnes à savoir. Dis-toi juste que c'était "Silent Hill" en plus crade. C'est une chance que ce soit contenu dans un seul quartier... pour le moment.
- A vrai dire, il y a beaucoup de choses qui m’échappent un peu… je ne suis même pas fichu de savoir qui je suis !
- "Ce que tu es", corrige-t-il machinalement. Savoir que tu es une sorcière t'aidera pas forcément à savoir quelle personne tu es. Ca... malheureusement, y'a que face à l'adversité que tu l'apprends.
- Je ne suis pas très douée…pour les interactions sociales. Au cas où ça n’était pas évident.

Ryan a un petit ricanement.

- Si ça c'est vu. M'enfin, à ta décharge, on peut pas dire que tu sois tombée sur le spécimen le plus sociable de l'univers pour t'entrainer, hein ?

Elle lui rend sa main (Dommage !Enfin !) et Ryan mémorise me numéro en remuant les lèvres inconsciemment. Il a moins foi en ses paumes moites qu'à sa mémoire.

- Tu… tu veux bien me promettre que tu ne te moques pas de moi pour cette histoire de sorcier ?

L'adolescent hausse un sourcil. Il la regarde et s'en mord les doigts aussitôt. Elle a l'air aux abois (Ce qui la rend encore plus belle. Comment est-ce possible ? lé génétique est d'un ridicule, franchement.) et il se sait faible face à la détresse d'autrui. Son côté boyscout lui fait présentement horreur, là tout de suite, parce qu'il sait que laisser tomber Alexia lui sera désormais inconcevable.

"Fais chier..."

- J’ai… j’ai besoin que ça soit vrai… J’ai besoin de te faire confiance ? Tu comprends ?
- Tu devrais faire confiance à personne. C'est une règle de survie élémentaire, surtout dans le coin. Mais... non. j'ai aucune raison de te mentir. J'ai un peu autre chose à foutre...

Genre, dormir dans cet arbre creux.
Ryan soupire.

- Ecoute... Je vais la faire courte : le surnaturel existe. Il y a tout un monde qui évolue en parallèle du notre. Les créatures comme les vampires, les loup-garous, les fées et j'en passe, ça existe. Les gens dotés de pouvoirs fantastiques, ça existe. Et les humains au courant que ça existe, sont plus nombreux qu'on ne croit. Comme dans notre société de merde, tout ce petit monde est sujet à des prises de becs politico-économico-ideologico-mes couilles. Ils ont leurs propres lois, leurs propres codes, leurs propres bisbilles. Il marque un temps. Ce qui n'obéit à aucune logique par contre, c'est le Brouillard...

- Tu devrais faire confiance à personne. C'est une règle de survie élémentaire, surtout dans le coin.
Elle a un petit sourire.
- Je sais...je ne suis pas naïve à ce point. Je n'ai pas confiance en l'ICV, ni en ma propre mère...et pas franchement plus en moi. Ce qui me laisse...hum mathématiquement plus personne...on peut donc dire que j'ai suivi les règles jusque là. Du coup...il ne me reste plus que toi...d'où ma question.
- Mais... non. j'ai aucune raison de te mentir. J'ai un peu autre chose à foutre...
- Ah ? Comme tirer sur des trucs en forêt…ah oui c'est vrai ! Pas que en forêt !
- Ecoute... Je vais la faire courte : le surnaturel existe. Il y a tout un monde qui évolue en parallèle du notre. Les créatures comme les vampires, les loup-garous, les fées et j'en passe, ça existe. Les gens dotés de pouvoirs fantastiques, ça existe. Et les humains au courant que ça existe, sont plus nombreux qu'on ne croit. Comme dans notre société de merde, tout ce petit monde est sujet à des prises de becs politico-économico-ideologico-mes couilles. Ils ont leurs propres lois, leurs propres codes, leurs propres bisbilles.

Alexia fronce les sourcils, pensive. Elle ne sait pas trop ce qu'elle doit penser de tout ça mais s'étonne de ne pas douter plus que cela de cette "vérité". Comme si elle l'avait toujours su...ou elle est simplement assez désespérée pour croire en n'importe quoi.

- Oh...je vois...je veux juste...trouver des personnes qui ne me regardent pas comme un monstre.

Et arrêter d'être un cobaye. Elle se gratte machinalement l'intérieur du coude, là où on lui a prélever du sang. Encore. Pour rien. L'infirmier lui a charcuté le bras et elle porte déjà un bleu gros comme son poing.

- Je ne pensais pas que c'était possible ici. Je n'ai sans doute pas rencontré les bonnes personnes. Ce qui n'est pas difficile puisque je ne rencontre personne, elle lui coule une regard en coin, sauf toi aujourd'hui. Je suppose que je vais devoir saisir le sens de toutes ces magouilles si j'espère survivre dans ce monde. Enfin encore faut-il que j'y entre...
- Ce qui n'obéit à aucune logique par contre, c'est le Brouillard…

Encore une fois, elle aimerait lui poser des questions sur ce qu'il entend par là, mais se contente d'une seule.

- Tu...tu penses qu'il va s'étendre ?

Elle le regarde avec ses grands yeux bleus plein d'une réelle inquiétude. Si le brouillard paraissait fascinant au début, elle n'a pour autant aucune envie d'aller voir ce qui s'y cache. Surtout pas après avoir entendu un survivant en parler. Elle sait parfaitement qu'elle ne tiendrait pas plus d'une seconde en milieu hostile. Elle n'a pas été taillée pour ça.
En même temps qui l'est vraiment ? Ryan n'était sans doute qu'un lycéen sans histoire avant d'être pris en otage par le brouillard. Elle pousse un profond soupir. Pourquoi tout est toujours si compliqué ?

- Tu...tu crois qu'elle me contactera rapidement ? La personne qui doit m'aider ? Je...elle triture la manche de son gros pull...je n'ai pas tellement le luxe du temps… il me reste cinq mois, trois semaines et quatre jours pour être précise. Ca paraît long dit comme ça, mais en réalité ça passe très vite.

Elle a un calendrier dans sa chambre où elle barre chaque jour un nœud dans le ventre, comme un condamné qui attend sa peine.

- Vu que tu n'as pas de portable...ca t'ennuie de me dire où je peux te trouver ? Au cas où ?

Au cas où quoi ? Juste pour savoir qu'elle a quelqu'un quelque part qui sait qui elle est. Ce qu'elle est. Quelqu'un qui ne cherchera pas à lui nuire. Enfin elle l'espère. Elle rougit un peu elle aussi mais émet un petit rire.

- On est toujours dans l'optique que tu n'es pas ce genre de gars et que je ne suis pas ce genre de fille, hein… tu sais quoi ? Oublie ça…c'est...c'était intrusif encore je crois.


Elle repart ranger ses affaires et retire les aiguilles de sa veste qu'elle enfile avant d'enrouler son écharpe autour de son cou.

- Je pensais être la seule à connaître cet endroit. Je n'ai jamais croisé personne en un an. Je vois que j'avais tort. Tu y viens souvent ? T'inquiète pas...je ne suis pas du genre territoriale. Je veux bien partager mon arbre, déclare-t-elle avec un petit sourire malicieux..

- Tu...tu penses qu'il va s'étendre ?
- J'vois pas pourquoi il le ferait pas. s'il se cantonne à l'Eastside c'est juste parce qu'il le veut bien, pas parce qu'on l'y oblige. On maitrise que dalle dans cette histoire... La vrai question c'est : "quand va-t-il s'étendre?"...
- Tu...tu crois qu'elle me contactera rapidement ? La personne qui doit m'aider ?
- Je... Je sais pas trop....

Il pourrait appeler Ciulin directement du portable d'Alexia. Elle aurait ainsi son interlocuteur et son numéro d'enregistré dans son portable. D'une part, il préfère demander la permission à l'intéressé-e, de deux l'idée que finalement la jeune fille puisse se passer de ses services le chagrine un peu. Quelque part, il n'est pas déplaisant d'être "chevaleresque" quelque heures de plus.

- Je n'ai pas tellement le luxe du temps… il me reste cinq mois, trois semaines et quatre jours pour être précise. Ca paraît long dit comme ça, mais en réalité ça passe très vite.
- Avant quoi ? s'enquière-t-il. Que tu te transformes en citrouille ? Il arbore un sourire en coin.
- Vu que tu n'as pas de portable...ca t'ennuie de me dire où je peux te trouver ? Au cas où ?
- Ca m'ennuie, oui.
- On est toujours dans l'optique que tu n'es pas ce genre de gars et que je ne suis pas ce genre de fille, hein…
- Euh... Oh.... ouais... Enfin j'veux dire non... euh...

Il s'est surtout dit qu'il n'allait pas filer l'adresse des seuls survivants du Brouillard connus à une parfaite étrangère, pas qu'elle allait jouer les groupies collantes. "Attend elle me drague, là ? Je suis perdu."

- Tu sais quoi ? Oublie ça…c'est...c'était intrusif encore je crois.
- Je.. j'peux pas te dire où j'habite, parce que j'te connais pas. Petite grimace fugace. Il s'est montré une nouvelle fois trop rude. J'veux dire... Pas encore assez. Enfin.. faut.. euh.. Tu vois...

"Bien sûr que non, elle ne voit pas,
T'es tellement explicite ducon..."

- On trouvera... finit-il en désespoir de cause. Si ça te fait pas flipper, bien entendu.

Ryan O'Brian a des principes !
Ryan O'Brian n'est pas un forceur.
"Ryan O'Brian s'évoque à la 3ème personne.... C'est super."

- Je pensais être la seule à connaître cet endroit.
- Faut croire que non.
- Je n'ai jamais croisé personne en un an. Je vois que j'avais tort. Tu y viens souvent ?
"Seulement quand je découche de chez moi parce que y'a un Ours qui se prend pour mon père, pourquoi ?"
- Beiin....
- T'inquiète pas...je ne suis pas du genre territoriale. Je veux bien partager mon arbre
- Genre y'a ton nom gravé dessus ? T'as un acte de propriété pour prouver que CE tronc creux est à toi ? J'ai pas l'impression, Miss Davis, qu'il fait en se penchant vers elle, employant le même ton qu'il utilise pour tenir tête aux caprices des petiots. Y'a rien à partager quand c'est en accès libre, mademoiselle "je révise mon anat' en pleine forêt parce que c'est bucolique".

Il affiche un sourire amusé dont il n'a pas réellement conscience, le premier peut-être qu'il offre à son regard. La nuit est tombée à présent et on n'y voit à peine entre les arbres.

- Je vais te raccompagner. C'est préférable. T'as eu du bol pendant un an, inutile de pousser ta chance plus loin...

- Je.. j'peux pas te dire où j'habite, parce que j'te connais pas.
- Non te justifie pas ! Tu as raison on ne se connait pas...c'est juste que si jamais je n'avais pas de nouvelles, ça m'aurait rassurer de savoir que je peux quand même te retrouver d'une façon ou d'une autre. Mais je comprends.
- J'veux dire... Pas encore assez. Enfin.. faut.. euh.. Tu vois...

Elle le regarde un peu perdue...non elle ne voit pas tellement...est-ce que le encore signifie qu'il pense qu'ils vont se revoir. Cette idée la fait sourire. Peut-être qu'elle ne l'ennuie pas après tout ? Ou peut-être qu'il n'ose pas la rembarrer en face.

- On trouvera…
- Oh...tu veux dire qu'on apprendra à communiquer par télépathie ? Pas de problème ! Elle sourit tranquillement l'air d'une jeune fille sage et obéissante comme si ce qu'elle venait de proposer était tout à fait logique. Seul le pétillement amusé dans ses yeux la trahit.
- Si ça te fait pas flipper, bien entendu.
- Quoi donc ? D'être inventive ? Non c'est ma spécialité.

Elle clame ensuite sa propriété sur son arbre et est surprise de contempler un vrai sourire sur le faciès renfrogné de l'adolescent.

- Genre y'a ton nom gravé dessus ? T'as un acte de propriété pour prouver que CE tronc creux est à toi ? J'ai pas l'impression, Miss Davis.

Il se penche un peu vers elle de sorte qu'elle puisse contempler les différentes nuances de ses yeux noisette. Elle se surprend à penser qu'il est...charmant quand il se laisse aller à être plus détendu.

"Encore une fois ridicule Alexia. Charmant comme quoi ? Un prince de conte de fée… ? Grandis un peu ! Tu ne vas pas te laisser charmer par le premier garçon de ton âge que tu croises depuis des mois juste parce qu'il est assez gentil pour t'aider."

- Y'a rien à partager quand c'est en accès libre, mademoiselle "je révise mon anat' en pleine forêt parce que c'est bucolique".
Son ton autoritaire et un peu condescendant l'amuse. Elle plisse les yeux et penche la tête de côté.
- Eh bien je n'ai pas à proprement parler écrit mon nom dessus mais c'est tout comme...démonstration.

Elle lui attrape d'autorité le poignet et le guide vers son arbre. D'un geste, elle l'invite à s'installer dans le creux comme une hôtesse de maison inviterait son hôte à s'asseoir. Une fois satisfaite elle s'agenouille devant lui et attrape son portable dont elle allume la lampe de poche et éclaire la cavité qui sert de toit au trou naturel de l'arbre.

- Regarde vers le haut, lui intime-t-elle triomphante.
Elle y a gravé très légèrement mais avec une grande application le tableau périodique des éléments.
- Je parie que tu ne l'avais jamais remarqué, je me trompe ? C'est mes anti-sèches. Et si tu penses que c'est une illusion tu regarderas plus tard...elle s'évapore avec le temps et quand je ne suis plus à proximité. Donc...techniquement cet arbre est un peu à moi.

Trop occupée à lui prouver qu'il a tord, elle ne se rend compte que tardivement de leur proximité. Gênée, elle rougit, remerciant silencieusement l'obscurité qui tombe sur la clairière et se redresse. Bonne joueuse, elle tend sa main pour l'aider à se relever. A nouveau face à face elle remarque une petite bête perdue dans les boucles sombres du jeune homme et se hisse sur la pointe des pieds pour la retirer délicatement, découvrant au passage qu'il a les cheveux étonnamment doux. Prenant conscience de sa familiarité, elle toussote et explique maladroitement.

- Tu...euh...tu avais une araignée dans les cheveux...
Heureusement il change rapidement de sujet.
- Je vais te raccompagner. C'est préférable. T'as eu du bol pendant un an, inutile de pousser ta chance plus loin…

Alexia hisse son sac sur son épaule et le suit docilement, secrètement heureuse de ne pas mettre fin tout de suite à cette rencontre.Elle fait un bref geste du menton vers son fusil qu'il sert toujours précieusement contre lui.
- Ca arrêtera les...vampires et loups-garous ça ? C'est pas balles en argent et pieu normalement ? J'ai encore du mal à croire que tout ça est vrai ! En tout cas merci… Chevaleresque jusqu'où bout hein, le taquine-t-elle. On en fait plus des comme toi Ryan …est-ce que j'abuse si je te demande de porter mon sac "excessivement" lourd ?
Elle se surprend elle-même à badiner de cette façon. Ca n'a rien de désagréable...au contraire.
- Je...suppose que tu n'as pas repris ta scolarité… à quel niveau tu t'étais arrêter ?
Manière sans doute peu subtile de connaître son âge difficile à évaluer, envie réelle de converser avec lui comme des jeunes adultes presque normaux.

Cette fille est beaucoup, beaucoup, beaucoup trop tactile. A-t-elle seulement une notion de ce qu'est la "sphère personnelle" ? Il a beau penser que cela l'horripile, il se laisse malgré tout empoigné et conduire dans l'antre étroite de l'arbre creux. Son malaise grandit lorsqu'elle s'agenouille devant lui et approche son visage de poupée. Elle a beau clamer qu'elle n'est pas "ce genre de fille", Ryan la trouve super entreprenante.
Il déglutit.

"Il se passe quoi là au juste ?"

- Regarde vers le haut.
- Ah.. euh.. oui...ok. bredouille-t-il en roulant des yeux vers le point désigné. L'espace d'une demi-seconde, il a cru qu'elle allait... Il ne sait pas exactement quoi. Mieux vaut ne pas y penser.
Des tableaux avec des abréviations flottent sur l'écorce.
- Je parie que tu ne l'avais jamais remarqué, je me trompe ?
- En générale je viens ici pour pioncer la nuit, à couvert, donc.... je ne vois pas grand chose dans le noir et les yeux fermés, non.
- C'est mes anti-sèches. Et si tu penses que c'est une illusion tu regarderas plus tard...elle s'évapore avec le temps et quand je ne suis plus à proximité. Donc...techniquement cet arbre est un peu à moi.
- Donc techniquement que dalle ! Il ricane. Sérieux, c'est comme signer un doc officiel avec de l'encre invisible. Tu vois ça que dans Roger Rabbit !

Ils se défient du regard à une distance qui n'a rien de sécuritaire. Un silence bizarre s'étale entre eux. Ryan a la gorge un peu sèche et paradoxalement la sensation de suer comme une éponge. C'est quand la dernière fois qu'il a pris une vraie douche ? Angoisses!
Finalement elle reflue, se lève et lui tend une main. Il louche dessus une poignée de secondes avant d'accepter de la prendre. Traquenard! Alexia plonge ses doigts de fée graciles dans sa chevelure. Le jeune homme recule vivement, le teint ébouillanté.

- Qu'est-ce que tu fais ?
- Tu...euh...tu avais une araignée dans les cheveux...
-Ah... Okay.

Il s'ébroue la tignasse de manière un peu brusque tant pour chasser la bestiole que sa gêne.
"C'est quoi son problème, sans déc'!"

- Je vais te raccompagner. C'est préférable. T'as eu du bol pendant un an, inutile de pousser ta chance plus loin…
- Ca arrêtera les...vampires et loups-garous ça ?
- Pas tout seul, non.
- C'est pas balles en argent et pieu normalement ?
- L'argent c'est effectif sur les loup-garou mais pas sur les vampires. Et les pieux c'est de la connerie. Y'a que la lumière du soleil qui bute un vamp. Par contre les cartouches imprégnée de verveine, ça ralentit leur régénération. Après suffit de trancher la tête et on a la paix jusqu'au lever du soleil.
-J'ai encore du mal à croire que tout ça est vrai ! En tout cas merci… Chevaleresque jusqu'où bout hein?
- C'est ça.. désolé j'ai laissé mon poney chez moi, avec mon armure, princesse.
- On en fait plus des comme toi Ryan …est-ce que j'abuse si je te demande de porter mon sac "excessivement" lourd ?
- Navré, Boucles-d'or mais chacun sa croix. Chevaleresque mais féministe, t'as vu ?

Il se déride une nouvelle fois. La pénombre naissante ne parvient pas à masquer totalement les fossettes de ses joues, ni les tâches de rousseur qui les éclaboussent. Ryan est capable de faire usage de ses zygomatiques, ça n'arrive pas souvent, mais c'est toujours un spectacle gratifiant. Il y a longtemps qu'il n'a pas eu une conversation simple et agréable avec un autre enfant de son âge. Une fille autre que Katie.

"Qu'est-ce que je suis en train de foutre au juste ?"

- Je...suppose que tu n'as pas repris ta scolarité… à quel niveau tu t'étais arrêté ?
- J'étais au lycée. Comme cela lui parait loin. Une autre vie. Un autre lui. Je suis sensé passer mon diplôme de fin d'année en juin... Mais à quoi bon, franchement ? Il a un pauvre sourire, sardonique à souhait. Je vois d'ici le tableau : le redneck chelou qui vit dans sa petite communauté d'orphelins en marge de la ville qui se pointe au milieu d'ados plus jeunes que lui, le fusil en bandoulière. Cocasse.

Il soupire en enjambant une grosse racine. Il l'aide machinalement à franchir l'obstacle en lui tenant la main.

-Je me sens plus vraiment en phase avec tout ça. Je sais pas si je pourrais un jour retrouver une vie normale et l'envie d'apprendre quoi que ce soit. De toute manière... A quoi ça sert ? On pourra jamais aller à l'université en dehors de Tyr Na Nog. Cette ville est une bulle coupée de tout. Vaut mieux apprendre à user d'une arme. Ce sera certainement plus utile à l'avenir.

Il la regarde en se rendant compte qu'il vient tout bonnement de lui jeter à la gueule que ses études étaient vaines. Il ouvre la bouche, puis la referme. Inutile de s'enfoncer davantage. Il pirouette maladroitement sur un tout autre sujet.

- C'était pourquoi le décompte, alors ? Tes fameux cinq mois ? Il se passera quoi après ?

Alexia l’observe à la dérobée à travers ses longs cils. Les sourires de Ryan provoquent les siens par mimétisme ce qui est assez…étrange. Il a l’air de se détendre au fur et à mesure de leur marche. Elle le trouve sarcastique mais drôle et leur conversation a des accents de normalité qui lui font du bien. Enfin si on oublie ses explications sur comment tuer un vampire ou un loup-garou.

- Je...suppose que tu n'as pas repris ta scolarité… à quel niveau tu t'étais arrêté ?
- J'étais au lycée. Je suis sensé passer mon diplôme de fin d'année en juin...
- Oh c’est une bonne nouvelle non ? s’enthousiasme-t-elle.
Rapide calcul dans la tête d’Alexia, il a donc un an de moins qu’elle. En quoi est-ce important au juste ? Ça ne l’est pas…
- Mais à quoi bon, franchement ?
Son bel enthousiasme retombe comme un soufflet.
- Eh bien, c’est une sorte de sésame qui va te permettre d’envisager sérieusement ton avenir.
Il a un sourire plein d’amertume qu’elle trouve étrangement triste.
- Je vois d'ici le tableau : le redneck chelou qui vit dans sa petite communauté d'orphelins en marge de la ville qui se pointe au milieu d'ados plus jeunes que lui, le fusil en bandoulière. Cocasse.
Alexia analyse ses paroles et saisit instinctivement qu’il a surtout peur. De quoi ? Elle n’est pas bien certaine. Elle lève la tête pour observer le premier ballet de quelques chauves-souris et entortille une boucle autour de son doigt signe qu’elle est en pleine réflexion.
- Et pourquoi pas ? Enfin sauf pour le fusil bien sûr. J’ai appris il y a longtemps à ne pas me préoccuper de ce que disent ou pensent les autres. Tu devrais essayer c’est bien plus reposant. Et pourquoi tu n’irais pas justement pour leur montrer que votre marginalité n’a jamais été choisie, que vous êtes comme les autres avec un …passif différent ? Mieux, vas-y pour toi. Pour te prouver que le Brouillard n’a pas défini celui que tu veux être…celui que tu es. Si…si tu as besoin d’aide pour te remettre à niveau, je pourrais t’aider…

Alexia a parlé sans trop réfléchir mais sa proposition est sincère. Et l’idée de le revoir plus souvent lui plait secrètement. Elle lui sourit lorsqu’il l’aide à passer un obstacle. Ses dents parfaitement blanches ressortent dans la lueur du soir, entre chien et loup. La galanterie naturelle de Ryan est –

Ne dis pas charmante !

- appréciable et forme un contraste intriguant avec sa mine bougonne.
- Je me sens plus vraiment en phase avec tout ça. Je sais pas si je pourrais un jour retrouver une vie normale et l'envie d'apprendre quoi que ce soit.
- Pourquoi ? Tu as bien appris à tirer au fusil non ? Ca te semble si compliquer t’étudier ? Tu râles contre ton statut de marginal mais tu ne fais rien pour en sortir non plus ! Elle garde le silence, un peu choquée de s’être laissée aller à le réprimander de cette façon. Il est libre et presque majeur ! Il fait bien ce qu’il veut. Pardon… je…c’était très malpoli.
- De toute manière... A quoi ça sert ? On pourra jamais aller à l'université en dehors de Tyr Na Nog. Cette ville est une bulle coupée de tout. Vaut mieux apprendre à user d'une arme. Ce sera certainement plus utile à l'avenir.

Alexia s’arrête cette fois. En elle se dispute la colère qu’il puisse réduire son envie, ses efforts, tout ce qu’il lui reste, à néant et de l’autre une certaine résignation qui lui souffle qu’il a raison. A quoi bon ? Elle déglutit et lève pourtant fièrement la tête pour le fixer dans les yeux, malgré l’obscurité.
- Alors tu crois vraiment que le monde n’aura plus besoin de médecin, d’ingénieur, de penseurs, d’historiens et j’en passe ? Que peu importe que nos enfants et les générations futures soient des idiots tant qu’ils auront un fusil pour se défendre ? Ta vision de l’avenir est bien triste Ryan. Même si le Brouillard nous envahie tous, la survie ne dépend pas que d’armes il me semble ? Se nourrir ? Se soigner ? Ca te semble inutile ? Elle désigne du menton son fusil puis son sac de son pouce. Tu as ton arme, j’ai la mienne.

Il semble penaud lorsqu’elle passe devant lui et elle s’étonne encore une fois d’avoir été si sèche.
Ne fais pas de vague Alexia.
Sauf qu’elle en a assez d’être une gentille fille obéissante ! Qu’est-ce que ça lui a apporté de se plier aux règles ? De ne jamais élever la voix ? Rien. Elle est même en train de tout perdre.

- C'était pourquoi le décompte, alors ? Tes fameux cinq mois ? Il se passera quoi après ?

Alexia hésite un instant, mais après tout qu’est-ce qu’elle risque à lui parler. Il la mettra en relation avec ce sorcier (ou cette sorcière, elle n’a pas tout suivi) puis retourna à sa vie de marginal accompagné de son fusil. Les conséquences de leur rencontre s’arrêteront là.
- Après ma première année, l’ICV et ma mère ont décidé qu’il était plus prudent pour moi comme pour les autres – enfin je les soupçonne d’être plus inquiet pour les autres – que je sois enfermée là-bas jusqu’à ce qu’ils trouvent comment me…stabiliser. A cause de ce que je peux faire...et du fait que je ne le contrôle pas toujours... Ca fait plus d’un an qu’ils m’ont étudié sous tous les angles et ça ne fait qu’empirer. Je doute donc qu’ils trouvent quoique ce soit avec plus de temps…mais en attendant, mon pouvoir n’affectera personne. Sa voix n’est plus qu’un souffle à présent. Le prix à payer, c’est ma liberté. Sa gorge se noue à cette perspective. Mais ils ne m'ont jamais dit ce que je suis...

Cinq mois.
J’ai encore cinq mois…  

Alexia réagit avec colère et Ryan ne peut pas lui en vouloir. Il a été non seulement grossier mais également stupide. Il oppose un silence piteux à sa longue diatribe irritée. Il est inutile de tenter de défendre ses position hasardeuses. Cela témoignerait juste de sa mauvaise foi. Il préfère s'éloigner du sujet.

- C'était pourquoi le décompte, alors ? Tes fameux cinq mois ? Il se passera quoi après ?
- Après ma première année, l’ICV et ma mère ont décidé qu’il était plus prudent pour moi comme pour les autres – enfin je les soupçonne d’être plus inquiet pour les autres – que je sois enfermée là-bas jusqu’à ce qu’ils trouvent comment me…stabiliser.

Ryan s'arrête brutalement au milieu du sentier.

- L'ICV ?! Tu as été confiée à l'ICV ?!

Son expression interloquée fait vite place à un froncement de sourcils et affaissement de lippe haineux.

- A cause de ce que je peux faire...et du fait que je ne le contrôle pas toujours... Ca fait plus d’un an qu’ils m’ont étudié sous tous les angles et ça ne fait qu’empirer. Je doute donc qu’ils trouvent quoique ce soit avec plus de temps…mais en attendant, mon pouvoir n’affectera personne. Le prix à payer, c’est ma liberté. Mais ils ne m'ont jamais dit ce que je suis...
- Parce que ce sont des menteurs Alexia !

Le jeune homme l'a brusquement saisie par les épaules.

- Ils tiennent cette ville par les couilles et la maintiennent dans l'ignorance depuis des années. Ils ont acheté toutes les hautes instances de Tir Na Nog, ils manipulent l'information pour tenir la population tranquille. On sait pas ce qu'ils fabriquent dans leur putain de monastère, mais si t'y rentre, sûr que t'en sors plus ! Faut pas que t'y ailles !

Il se rend compte qu'il la presse et la secoue trop fort, qu'avec sa tronche d'ahuri et sa dégaine de vagabond, il a l'air d'un vieux taré complotiste.

- Je.. je plaisante pas, Alexia. Il la relâche doucement, les mains au garde à vous puis qui tombent mollement le long de son corps. Ils sont dangereux. Ils vont pas t'aider, ils vont te disséquer. Si ça fait un an qu'ils t'auscultent, ces bâtards t'ont peut-être déjà collé un traceur ou un truc du genre. Ses lèvres se pincent. Chuis désolée de te le dire, mais si ta mère est impliquée avec eux, tu peux pas t'fier à elle...

A présent, il hésite. Une part de lui a envie de lui venir en aide, de l'empêcher de rentrer chez elle - auprès de gens qui visiblement ne lui veulent pas du bien- et une autre hurle qu'elle n'est personne et qu'il devrait s'en foutre.

"T'as pas envie d'avoir l'Institut au cul !
Imagine que par ta faute ils s'en prennent à Doe ou à Magni ?"
Oui, même lui ne mérite pas un tel traitement.

Il fait une grimace, ferme les yeux, bataille avec lui même. Peut-il seulement laisser cette nana, avec un putain de pouvoir, entre les mains de ces connards ? Peut-il abandonner son minois de poupée fragile en plein désarroi ?  Alexia le regarde avec la même candeur effarouchée que la maman de Bambi. Tout le monde sait comment finit la maman de Bambi ! Finalement Ryan pousse un profond soupir.

- Ils t'ont fait quoi comme examens ?


"Je suis vraiment un boyscout de merde!"

- Parce que ce sont des menteurs Alexia !

Elle le fixe avec étonnement, un peu effrayée par la violence de sa réaction alors qu'il la saisit par les épaules.

- Co...comment ça des menteurs ?
- Ils tiennent cette ville par les couilles et la maintiennent dans l'ignorance depuis des années. Ils ont acheté toutes les hautes instances de Tir Na Nog, ils manipulent l'information pour tenir la population tranquille. On sait pas ce qu'ils fabriquent dans leur putain de monastère, mais si t'y rentre, sûr que t'en sors plus ! Faut pas que t'y ailles !

Il la secoue un peu trop fort et elle recule d'un pas alors qu'elle assimile les informations données avec une hargne qui ne ment pas.
- Ryan arrête ! Je...je n'ai pas le choix !

Elle sait bien que l'ICV est trop propret pour être tout à fait clean mais...ce sont des chercheurs non ? Pourquoi magouilleraient-ils pour prendre possession de la ville de cette façon ? Ce sont des hommes et des femmes de raison...pas des mafieux !

- Je.. je plaisante pas, Alexia. Ils sont dangereux. Ils vont pas t'aider, ils vont te disséquer.
- Me...me disséquer ? répète-t-elle d'une voix blanche.
Elle pâlit sensiblement. Elle n'est pas dupe pourtant, elle sait bien qu'entrer dans cette institut signifie probablement ne plus en sortir avant un moment mais elle pensait qu'ils agissaient pour le bien de la population, pour la science. Qu'ils feraient des recherches plus approfondis tout en la gardant en "sécurité". Pas qu'ils allaient se comporter comme des médecins du III reich. Lui veulent-ils vraiment du mal ?

- Si ça fait un an qu'ils t'auscultent, ces bâtards t'ont peut-être déjà collé un traceur ou un truc du genre.
- Un traceur ?

Elle a sans doute l'air d'une idiote à répéter tout ce qu'il dit mais elle a du mal à concevoir tout ça alors que la panique commence à s'installer en elle. Elle regarde son corps comme un étranger, un ennemi qui abrite peut-être en son sein un mouchard...Non ça n'a pas de sens...il n'y a que dans les James Bond que ce genre de choses existent...

- Chuis désolée de te le dire, mais si ta mère est impliquée avec eux, tu peux pas t'fier à elle...
- Non...non...c'est...pas possible ! Ca a toujours été elle et moi...elle m'a toujours protégée...je...elle ne pourrait pas me faire ça ! Hein ? Je...je dois rentrer... Qu'est-ce que je peux faire d'autre ? ... Je...je n'ai pas le choix...pas d'autres alternative ! Je n'ai pas d'argent, personne qui puisse m'aider...personne...

Son discours est rendu incohérent et peu compréhensible par la panique qui commence à la submerger.
La vérité s'impose à elle avec violence.
S'il dit vrai elle est seule.
Complètement seule.

Mais sa mère ? Elle n'arrive pas à croire qu'elle l'abandonnerait de cette façon. Elle a toujours vu ses capacités d'un mauvais oeil mais de là à la laisser entre les mains de types dangereux ? Et pourtant...elle scrute les yeux plein de colère et de vérité de Ryan. Pourquoi lui fait-elle plus confiance qu'à sa propre mère ?

Parce qu'il ne veut pas t'enfermer….

Résigne toi...tu n'as aucune arme pour lutter de toute façon...pas de fusil pour te défendre et tes livres ne te serviront à rien…

Non...je ne veux pas finir comme ça...il doit y avoir une solution...réfléchis...

Tu merites d'être enfermée...souviens toi du sang sur tes mains…

C'était un accident ! Je peux apprendre à maîtriser mon pouvoir. Je suis douée pour apprendre !

Trop tard…

- Ils t'ont fait quoi comme examens ?

Elle reporte son attention et son regard paniqué vers le jeune homme.

- Des prélèvements de...d'a peu près tout ce qui peut-être prélevé. Mais j'ai toujours été éveillée...j'aurais vu...senti s'ils m'avaient m'inplanté quelque chose, non ? Des prises de sang beaucoup, pas plus tard que...que ce matin...des scanners...ils me demandaient de...d'utiliser mes compétences pour...pour m'observer et…oh mon dieu...

Elle a de plus en plus de mal à respirer et dans l'obscurité qui semble s'épaissir, quatre murs épais et hauts se matérialisent autour d'elle et se rapprochent à mesure que ses angoisses grimpent. Son nez saigne, sa tête la lance comme si son cerveau était en train de bouillir. Elle pousse un léger cri de douleur au regard de la souffrance qu'elle éprouve puis porte une main machinale et tremblante vers sa narine.

Se calmer.
Elle doit se calmer.
Elle n'est pas seule. Ryan est encore là pour le moment.

Tu ne peux pas le mêler à tes problèmes. Il vient à peine de sortir des siens…

Les ténèbres qui les entourent sont anormalement sombres. Comme si Alexia créait du vide autour d'elle.
Dans un geste désespéré, elle attrape la main de Ryan et la serre alors que les murs ne sont plus qu'à quelques mètres. Il est bien là. Il peut l'aider. Mais pour ça il faut qu'elle arrête de paniquer. Ça ne la mènera à rien. Elle s'approche de lui et pose son front contre son torse solide en fermant les yeux pour ne plus voir ses murs physiques et psychiques qui l'oppressent.

Je suis une...une... sorcière...je contrôle tout ça...je peux le faire.


- Allez vous en ! souffle-t-elle avec une autorité nouvelle dans la voix puis en le répétant de plus en plus fort.  
Elle continue jusqu'à ce que les ténèbres faiblissent et que les murs reculent. Alors elle aussi fait un pas en arrière et relâche sa main, embarrassée, vidée soudain, les nerfs encore à vif et le cœur lourd.

- Désolée … ça...ça va aller maintenant...j'ai...j'ai eu un moment de panique...mais je vais me débrouiller, trouver une solution pour que ça n'arrive pas...en attendant… il faut que je rentre...
Que pourrait elle faire d'autre ? Elle n'a nulle part ou aller...personne chez qui se réfugier. Ni famille ni ami.

"Chuis un âne!"

Ryan contracte la mâchoire. Il s'y est pris comme un manche. Complétement désemparé, il observe la panique qu'il vient de générer monter en flèche chez son interlocutrice. "Les émotions fortes" avait-elle dit ! Il est servi.
Des murs opaques en pierres noircies s'élèvent brusquement du néant, prêt à les écraser. Alexia tremble, saigne du nez et son expression de souffrance aigüe alarme le jeune homme. Une fois de plus,  son corps perd de sa consistance, sa peau devient translucide. Il se précipite vers elle de façon complétement désordonnée et attrape sa main fébrilement tendue.

- Chuis là ! Pars pas! Chuis là Alex! Calme-toi ! Calme-toi.. On.. on va trouver une solution, ok ? Il n'a pas la moindre idée de laquelle. Respire.. Faut que tu respires!

Elle s'affaisse sur lui et avec une spontanéité naturelle, il entoure ses frêles épaules de son bras libre. Il la berce comme il le fait parfois avec Katie quand Murielle lui manque au point qu'elle ne puisse plus s'arrêter de pleurer.

- Rappelle-toi, c'est toi qui contrôle, pas elles, continue-t-il aussi rassurant que possible malgré son propre stress, le menton dans ses cheveux. C'est toi, rien que toi!
- Allez vous en !
- C'est ça... Plus fort !
- Allez vous en ! Allez vous en !

Les murs on arrêté d'avancer, bloqués net dans leur élan.

- C'est bien !
- Allez vous en ! Répète-t-elle avec force. Ses création disparaissent, réduites en poussière.

Ryan se sent respirer à nouveau.
S'invite alors les fragrance douce et délicate qui émane d'Alexia : le parfum florale de son shampoing, le duvet soyeux de sa chevelure qui lui chatouille la peau,.... L'adolescent prend conscience de tout ce qui est menu chez elle, si différent de Katie.
"Je tiens une fille dans mes bras. Je la connais même pas!"
Obéissant à la même pulsion de gêne les deux jeunes gens se séparent. Ryan déglutit embarrassé et foutrement coupable.

- Désolée … ça...ça va aller maintenant...j'ai...j'ai eu un moment de panique...
- C'est ma faute.. je.. J't'ai fait peur...
- Mais je vais me débrouiller, trouver une solution pour que ça n'arrive pas...en attendant… il faut que je rentre...
- Tu vas rentrer, ouais... mais uniquement pour faire ta valise, discrètement. Ce soir tu fais le mur. Je peux pas te laisser derrière moi en sachant que tu vas peut-être terminer en cobaye. J'pourrais pas me r'garder en face après.

"J'ai pas pu sauver papa,
J'ai pas pu sauver Murielle,
Mais toi.. toi...
Je dois au moins essayer!"

- Désolé si c'est intrusif, mais j'm'en fous que ce le soit. Il tend une main ferme vers elle. Laisse moi t'aider.

Alexia tente de retrouver un semblant de sang-froid et petit à petit ses angoisses s'apaisent. Encore une fois Ryan l'a aidé et elle commence à se rendre compte combien il est agréable de pouvoir se reposer sur quelqu'un. Juste quelques instants. Ne plus se sentir incroyablement seule face à soi.

- Je ne t'en veux pas tu sais...tu voulais juste m'ouvrir les yeux. Et...elle tente un pauvre sourire...c'est chose faite. Mais il faut...il faut vraiment que je retourne chez moi...le couvre-feu...ma mère va s'inquiéter...
Elle le répète comme pour se convaincre elle-même. Comment faire face à sa mère à présent ? Est-ce qu'elle osera lui poser des questions ? Faire front coûte que coûte ?

- Tu vas rentrer, ouais... mais uniquement pour faire ta valise, discrètement.
- Qu...quoi ? Alexia s'approche pour mieux le dévisager dans la pénombre.
- Ce soir tu fais le mur.
Elle écarquille les yeux. Jamais elle n'a même envisager de faire ça ! Alexia est une jeune fille sage, obéissante.

Il m'a appelée Alex.

Elle vient de s'en souvenir...
Personne ne l'a jamais appelée comme ça. Un diminutif induit une intimité qu'elle n'a jamais su trouver avec personne. Mais il lui est plaisant à l'oreille. Il fait bien moins sage. Alex pourrait envisager de faire le mur.

Fuguer ? Pour Alexia, c'est une idée stupide ... incroyablement séduisante aussi.

- Ryan c'est impossible...
- Je peux pas te laisser derrière moi en sachant que tu vas peut-être terminer en cobaye. J'pourrais pas me r'garder en face après.
Un sourire éblouissant et sincère fleurit sur les lèvres de la jeune fille.
- Tu as vraiment l'âme chevaleresque. C'est...merci tu as déjà fait beaucoup pour moi.. bien assez, bien plus que quiconque dans ma vie...mais ne t'en fais pas...j'ai...j'ai encore cinq mois devant moi. En attendant je ferais attention. Et puis tu as dit toi-même que c'est dangereux, je ne veux pas t'impliquer là-dedans. Ce sont mes problèmes...c'est à moi de les résoudre...

- Désolé si c'est intrusif, mais j'm'en fous que ce le soit. Laisse moi t'aider.

Elle est terriblement tentée de saisir cette main tendue, réelle, chaude et veut-elle croire, amicale. Elle la regarde avec une envie mal dissimulée. Mais tout ça est trop précipité pour elle. Si elle part ce soir, que fera-t-elle demain ? Et après-demain ? Elle ne pourra pas passer sa vie à se cacher !
Malgré elle, ses jambes effectuent un pas de plus et elle glisse sa main dans la sienne.

Elle scrute son visage avec attention, vrille ses yeux limpides dans les siens avec gravité.
- Pourquoi ? Pourquoi tu tiens tant à m'aider ? On ne se connait pas… je ne suis personne...
Un nouveau sourire vient éclairer ses traits et chasser l'anxiété et le doute.
- C'est complètement dingue ! Où j'irai ? Pour combien de temps ? Et ma mère...je ne peux pas le quitter sans explication comme ça ! Il existe à peu près un milliard d'objections à cette idée !

Pourtant elle s'anime d'une sorte d'exaltation nouvelle sans jamais quitter le regard du jeune homme et sert plus fort ses doigt autour de sa paume. Ses yeux pétillent à nouveau, ses organes atrophiés par la peur se gonflent d'espoir, d'une perspective d'avenir moins terrifiante et inéluctable.

- Ryan c'est impossible...
- Je peux pas te laisser derrière moi en sachant que tu vas peut-être terminer en cobaye. J'pourrais pas me r'garder en face après.

"Pourquoi elle sourit comme ça ?
Je lui propose pas une escapade romantique..."
Ryan ne comprends pas du tout pourquoi Alexia s'illumine comme un petit soleil. (Même si ça la rend terriblement mignonne. Esthétiquement parlant et en tout bien tout honneur, bien entendu.)

- Tu as vraiment l'âme chevaleresque.
- Ou l'art de plonger dans les emmerdes, ça dépend du point de vue.
- C'est...merci tu as déjà fait beaucoup pour moi.. bien assez, bien plus que quiconque dans ma vie...

Est-elle sérieuse ?
Ryan découvre que même les belles gosses souffrent d'isolement et de solitude.

-...mais ne t'en fais pas...j'ai...j'ai encore cinq mois devant moi. En attendant je ferais attention. Et puis tu as dit toi-même que c'est dangereux, je ne veux pas t'impliquer là-dedans. Ce sont mes problèmes...c'est à moi de les résoudre...
- Avec quels moyens ? T'as dit toi même que tu voyais pas d'autres alternatives. Désolé si c'est intrusif, mais j'm'en fous que ce le soit. Laisse moi t'aider.

La jeune fille hésite, puis finalement accepte la main tendue. Alors qu'il l'entraine à pas vif hors de la forêt, il passe en revue ses options possibles.
Ramener Alexia au cottage est la solution la plus évidente, mais également la plus compromettante. Il ne veut pas mettre en danger les siens. Pas même cet empaffé d'ours islandais.
Il sait que le vieil homme et la fille aux cheveux roses qui mènent les Dormeurs ont une maison près du lac. Elle serait en sécurité, surtout si le chien invisible est là. Mais il ne connait pas la position exacte de la baraque et il fait trop nuit pour chercher.
Reste Ciulin dont il connait le numéro de téléphone par coeur...

- Pourquoi ? Pourquoi tu tiens tant à m'aider ?
- Parce que chuis con ?
- On ne se connait pas…
- Bien vu.
-...je ne suis personne...

Il s'arrête d'un coup et se retourne vers elle. Il a le visage dur, celui du soldat en pleine bataille, forcé dans l'urgence de prendre des décisions difficiles. Ryan est d'une brutalité honnête, sans fard, ni mensonge.

- Et alors ? Qu'est-ce que ça peut foutre ? T'es en danger. Si je peux faire quelque chose, j'le fais.

Son rire est mélodieux. Des gazouillis d'oiseaux de printemps. Ca coupe littéralement la chique de Ryan. Sa brusquerie s'émousse.

- Q.. Quoi ? Pourquoi tu ris ?
"Elle a les nerfs qui lâchent...."
- C'est complètement dingue ! Où j'irai ? Pour combien de temps ? Et ma mère...je ne peux pas le quitter sans explication comme ça ! Il existe à peu près un milliard d'objections à cette idée !
- Pourquoi tu me tiens la main alors ? demande-t-il doucement en pressant ses doigts sur les siens. Moi je crois que t'as déjà pris ta décision et que tu te cherches juste des excuses.

Il prend une inspiration. Les voilà dans une rue pavillonnaire.

- Laquelle est ta maison ? demande-t-il avant de poursuivre. Bon, voilà ce qu'on va faire : tu vas me filer ton portable. Je vais appeler quelqu'un qui va pouvoir nous aider. C'est son job, y fait ça tout le temps. Il enjolive un brin : il ignore exactement ce que fait Ciulin. Ensuite tu vas rentrer chez toi comme si de rien n'était, et surtout rien dire à ta mère. On sait pas exactement quelles sont ses relations avec l'ICV et tant qu'on sait pas, il vaut mieux la laisser dans le flou. Prétexte que t'es crevée et que tu veux aller te coucher rapidement. Ensuite tu vas dans ta chambre et tu prépares discrètement ta valise : le stricte nécessaire. On complétera sur le chemin. Tu saurais gérer une illusion de toi dans ton lit ?... Bon... Une fois que t'es prête, tu passes par la fenêtre et je te réceptionne. Ensuite je t'emmène en lieu sûr. Ok ?

Il pose sur elle un regard franc et intense.

- Tu te sens capable de faire ça ?

- Pourquoi tu me tiens la main alors ?
- Mmmm, c’est une bonne question… peut-être bien parce que je suis conne moi aussi ! Du coup ça fait de nous une belle brochette de vainqueurs non ?
Elle n’a aucune idée de ce qui la met en joie comme ça. Elle devrait être anxieuse, paniquée même à l’idée de quitter ce qui représente son quotidien depuis des mois, à l’idée de mentir et de se séparer de la seule figure stable dans son existence. Mais quelque part, elle ne peut s’empêcher de se dire qu’elle est juste en train d’entrer dans la vraie vie avec ce qu’elle comporte d’insécurité et d’aventures.
- Moi je crois que t'as déjà pris ta décision et que tu te cherches juste des excuses.
- Vraiment ? Lire dans les pensées c’est ton pouvoir à toi ?

Ils arrivent dans sa rue.
- Laquelle est ta maison ?
- Celle avec la petit porche sur le devant, au bout.
Il lui explique ensuite son plan et elle l’écoute avec attention. Il semble si sûr de lui qu’elle n’ose ni l’interrompre, ni émettre la moindre objection.
- Tu saurais gérer une illusion de toi dans ton lit ?
- Oui…oui bien sûr, mais elle ne durera pas...
- Bon... Une fois que t'es prête, tu passes par la fenêtre et je te réceptionne. Ensuite je t'emmène en lieu sûr. Ok ?
- Ok, répond-t-elle à voix basse, se rendant soudain compte des implications de ce qu’elle compte faire. Est-ce qu’elle peut vraiment faire ça à sa mère ? Si ça se trouve tout ça n’est qu’un terrible malentendu…
Elle croise alors le regard acéré de Ryan et sent sa résolution vaciller. Il s’agit de sa vie, elle va devoir la prendre en main si elle veut éviter que d’autres s’en chargent à sa place ou ne la prive de toute liberté.
- Tu te sens capable de faire ça ?
Elle lui offre un sourire un peu piteux.
- Je crois…si je n’essaie pas je ne saurais jamais non ? La fenêtre de ma chambre donne sur le jardin, c’est celle juste au-dessus du toit de la terrasse arrière.
C’est le moment de se séparer pour qu’elle exécute la première partie du plan. Elle se tourne vers le jeune homme, sa main toujours dans la sienne et le fixe de son regard clair et pénétrant.
- Merci Ryan. Tu ne m’abandonnes pas maintenant, hein ? Je vais y arriver. Son ton est ferme et résolu même si elle n’est sûre de rien au final. A toute à l’heure.

Presque à regret, elle lâche la main de Ryan, lui confie son portable et se tourne vers sa maison. Elle prend une profonde inspiration et s’y rend d’un bon pas, non sans avoir jeter un regard derrière elle. Ryan est déjà hors de vue. La voilà seule. Non pas vraiment.  
Lorsqu’elle passe la porte d’entrée, sa mère apparait presque aussitôt, une cuillère en bois à la main, l’air contrarié, comme souvent en ce moment.
- Tu rentres tard ! Le couvre-feu est passé depuis un quart d’heure.
Alexia soupire en retirant sa veste (elle va devoir trouver un moyen de la récupérer…ou en prendre une autre, comme pour ses chaussures).
- Désolée, je n’ai pas vu l’heure passée…
- Tu aurais pu me prévenir ! A quoi ça sert que je te paie un portable, tu peux me le dire ?
- On peut passer à autre chose ?
Talia Davis affiche une moue contrariée sur son visage encore lisse et séduisant, un peu préservé du temps. Peut-être est-ce parce qu’elle sourit rarement…
- Comment se sont passées tes révisions ?

« Comme si tu en avais quelque chose à faire ? Tu comptes me laisser aux mains de barbares armés de scalpels » a-t-elle envie de répliquer avec hargne.

Pas de vague Alexia.

- Bien. Je crois avoir réussi à faire rentrer mon anatomie.
- Parfait, répond distraitement sa mère en tournant les talons. On dîne dans vingt minutes.
- Euh…je n’ai pas tellement faim. A vrai dire je suis épuisée. Je crois que je vais monter me reposer.
Aussitôt Talia pivote et s’approche d’elle pour venir toucher son front.
- Pas de fièvre. Tu te sens vaseuse ? Tu as mal quelque part ?
D’aucun pourrait penser qu’elle se montre simplement inquiète, comme toute mère avec son enfant, mais le ton qu’elle emploie ne laisse transparaitre aucune sollicitude. Ça a toujours été comme ça. Alexia n’a jamais vraiment su ce que pensait sa mère à son propos.
- Non… non ne t’inquiète pas. J’ai juste la tête pleine et j’ai veillé tard hier soir.
Talia la balaie de son regard incisif.
- Oui…tu as effectivement l’air…bizarre. Tu as les yeux tout brillants. Repose-toi alors. A demain ! N’oublie pas qu’on doit se rendre à l’ICV tôt pour un examen.
Zut elle avait oublié ce détail ! Tant pis. Elle verra de toute façon sa disparition à un moment ou à un autre.
- Non, évidemment que je n’ai pas oublié. Bonne nuit maman !

Elle grimpe mollement les escaliers pour donner le change et pénètre dans sa chambre en poussant un profond soupir. Bon. Etape deux.
En guise de valise, elle récupère un gros sac à dos. Le strict nécessaire hein ? Qu’est-ce que c’est exactement…son pc portable évidemment, elle a tous ses cours dedans. Elle songe avec regret qu'elle ne pourra sans doute prendre aucun manuel, ni aucun livre, enfournant simplement son épais carnet de note. Elle récupère quelques affaires de toilette, piochant dans les réserves quand elle le peut pour ne pas éveiller les soupçons tout de suite, ses boites de comprimés, quelques vêtements, et sous-vêtements et embarque sans y penser l’une de seules photos qu’elle a d’elle alors qu’elle devait avoir six ou sept ans et de sa mère, tout sourire. Non…elle refuse de croire qu’elle souhaite lui nuire…Finalement elle craque pour son livre doudou, Le monde Perdu de Conan Doyle, tellement lu qu’il est en tout écorné. Elle se change ensuite, sa jupe n’étant certainement pas indiquée pour de l’escalade. Elle n’a plus qu’à récupéré sa veste et une paire de chaussure.

Elle cache son sac et patiente sous les couvertures, jusqu’à entendre les pas de sa mère dans l’escalier et la porte de sa chambre se refermer. Jamais le temps ne lui a paru si long. Elle descend sur la pointe des pieds, le cœur battant, évitant au possible les marches les plus grinçantes et empoigne veste et chaussures avant de remonter aussitôt. Une fois vraiment prête, elle se concentre pour faire apparaitre sa propre image dans le lit, tête tournée vers le mur. Elle ne sait pas combien de temps, elle tiendra. Etrangement, lorsque c’est elle qui commande ses illusions, les effets secondaires son bien moins virulents et la douleur dans son crâne largement supportable. Les années l’ont endurcies.

Elle ouvre avec douceur sa fenêtre à guillotine et jette un dernier coup d’œil à sa chambre.

Je peux le faire ! Je dois le faire !

La fenêtre enjambée, la jeune femme atterrit sur les tuiles de petit toit et un coup d’œil en bas la fait légèrement paniquer. Elle ne voit personne. A-t-elle été trop longue ? Peut-être qu’il ne viendra pas ! Et s’il s’était moqué d’elle ou avait finalement décidé qu’elle n’en valait pas la peine ? Soulagée, elle voit soudain sa tête brune apparaitre et elle lui fait un bref signe de la main. Elle analyse la meilleure façon de descendre, prend son sac sur ses épaules et amorce l’escalade avec prudence. Le chemin trouvé est sûr et malgré son large sac, sa taille et son poids lui assure une certaine agilité. Aussitôt le pied posé au sol, elle s’approche du jeune homme et lui adresse un sourire rayonnant. Seule sa timidité l’empêche de se jeter à son cou.

- Tu es là, atteste-t-elle inutilement avec un petit rire heureux et un peu nerveux.  

Je ne suis plus seule.

- Je suis prête.

Alexia a de la répartie, ça l'amuse. Il a beau conserver son expression sévère, Ryan ne peut s'empêcher d'avoir les coins de la bouche qui rebiquent.

- Tu te sens capable de faire ça ?
- Je crois…si je n’essaie pas je ne saurais jamais non ?

Il sert doucement sa main avec un besoin spontané de la réconforter.

- C'est bien, t'es courageuse.
- La fenêtre de ma chambre donne sur le jardin, c’est celle juste au-dessus du toit de la terrasse arrière.
- Ok, je t'attends juste en dessous.
- Merci Ryan.
- Me remercie pas trop vite, j'ai encore rien fait.
- Tu ne m’abandonnes pas maintenant, hein ? Je vais y arriver.
- J'en doute pas.

Il laisse filer ses doigts. L'espace d'une demi-seconde, il a eu envie de la serrer dans ses bras. "Pour lui infuser du courage". Il s'est vite repris. "Parce que je suis pas un pervers chelou..." Tout de même, il est en train d'enlever une jeune femme à sa seule famille, jeune femme qu'il ne connait que depuis une heure, pour la confier aux bons soins de la personne la plus libidineuse qu'il connaisse. "Great Plan, Ryan! Quel géni. A sa place je t'aurais abattu."

- A toute à l’heure.
- A toute à l’heure, répète-t-il en la voyant disparaitre sur le petit chemin de gravier qui mène à sa porte d'entrée.

Ryan prend une inspiration et compose le numéro du portable de Ciulin. La sonnerie pulse dans le vide avant de finir sur le répondeur. La flippe grimpe d'un cran et agite les trippes de l'adolescent. "Réponds, réponds, réponds... Putain!". Au bout de la troisième sonnerie à blanc, une voix de femme décroche, un peu vaporeuse lui répond.

"Huuuumallo?"
- Allo... Ciulin ?
"Tu t'es trompé d'portable chéri t'es sur.... Elle s'interrompt brusquement. Ah merde ! C'pas mon téléphone. Ciuuu... S'pour toi!" *froissement de drap*
- A.. Allo Ciulin ?
" Qui m'demande ?"
- C'est Ryan.
"... Oh... J'savais que t'avais aimé ça, les révisions rapprochées..."
- Pas ce Ryan là, trouduc ! lâche froidement le jeune homme. Ryan O'Brian, Ryan du Brouillard, tu sais ?! Je vis chez Jolhane si tu te rappelles.
La timbre change de ton, se fait net et plus sérieux.
"Ryan ? Qu'est-ce qu'y se passe ? pourquoi t'appelle pas du portable que je vous ai filé ?"
- J'ai .. je me suis mis dans une situation un peu délicate. J'ai rencontré une fille, c'est son téléphone...
"Oouuuuh Ryan, petit cachotier..."
- Sois pas con, merde! fait-il son stress l'empêchant d'être parfaitement réceptif à l'humour de Ciulin. C'est une sorcière qui ignorait qu'elle en était une. Sa mère l'a confiée à l'ICV et il vont bientôt l'enfermer et.. et.. je me rappelle bien ce que tu m'as dit sur eux! On peut pas les laisser la transformer en rat de labo... en plus son pouvoir est démentiel et ...
"Ok! ok... Calme-toi. Dis-moi où tu es ?"
- A la lisière de la forêt, sur... sur Bridgerton Road. Je lui ai demandé de faire le mur et de me rejoindre...
" Je vois. Eloignez-vous au max de chez-elle. Y'a un espèce de carrefour un peu plus au sud. Le Korrigan crossroads. Je viens vous chercher dans ... vingt minutes, le temps de me rhabiller et de chopper une bagnole." *"Tu vas encore me piquer ma caisse ??!" fait la fille du fond.* "On se retrouve là-bas!"

Ciulin raccroche, laissant Ryan à la fois soulagé et inquiet. Cette partie du plan a l'air de rouler, reste à savoir si Alexia a pu assumer la sienne. Il attend, nerveusement, dissimulé dans le jardin et ne se sent respirer à nouveau que lorsqu'il la voit se hisser hors de sa chambre. Son premier mouvement a été de venir l'attraper par la taille pour l'aider à descendre, mais une pudeur singulière l'en a empêché. Au lieu de ça , il est resté comme deux ronds de flan, bras ballants.

- Tu es là.

Elle glousse. Elle n'a pas l'air de se rendre compte de la gravité de la situation. Quelque part, tant mieux, ça lui facilite la tâche, ça rend le poids de ses décisions un peu moins lourdes.

- J'allais pas m'envoler, tsais.
- Je suis prête.
- Ok.

Ryan attrape sa main, moins par necessité que parce qu'il en a réellement envie.

- Filons d'ici. mon contact nous retrouve à Krorrigan Crossroads, tu sais ou c'est ? et un peu plus loin sur le chemin, après qu'il se soient escamotés du jardin. C'est allé avec ta mère ?

Il lui reprend la main et elle se sent absurdement réchauffée de l’intérieur. Mais au bout de quelques mètres, elle fronce soudain les sourcils. Le fait-il parce qu’il la perçoit comme une sorte de petite fille qui a besoin qu’on la guide ? Sûrement… c’est sans doute l’image qu’elle renvoie. Voilà pourquoi il faut que les choses changent.  Elle en a assez d’être la demoiselle en détresse. Malgré tout, elle resserre ses doigts plus fermement sur sa main. C’est un premier pas vers son émancipation, vers sa liberté.
Sans lui, elle ne l’aurait sans doute pas fait. Pas comme ça. Alors peu importe comment il la considère. Il est là, c’est tout ce qui compte.
Elle continue de penser que tout ça est de la folie et elle ne réalise qu’à moitié ce qu’elle est en train de faire mais tant que sa main est dans la sienne, elle sait où elle va et n’a qu’à marcher derrière lui.
Peut-être commet-elle l’erreur la plus grave de sa vie en lui faisant confiance aussi aveuglément mais si elle ne fait rien, elle a conscience d’être tout de même en danger.

- Filons d'ici. Mon contact nous retrouve à Korrigan Crossroads, tu sais ou c'est ?
Elle hoche la tête.
- Oui c’est à moins d’un kilomètre par là. C’est presque à la sortie de la ville. Suis-moi, il vaut mieux ne pas prendre la route, je connais un chemin moins évident.
Cette fois, elle passe légèrement devant avec un petit sourire.

- C'est allé avec ta mère ?
Gros soupir.
- Je crois…elle reste une énigme pour moi…je n’arrive jamais à vraiment savoir ce qu’elle pense.  En tout cas, elle…elle n’a pas l’habitude que je lui mente, avoue-t-elle avec un soupçon de culpabilité. Je suppose donc qu’elle ne se doute de rien…même si ça veut aussi dire que je ne suis pas très douée pour les mensonges. Elle pense que je suis malade et s’inquiète de ne pas pouvoir m’amener à mes « tests » demain matin.
Ils marchent d’un bon pas. Si Alexia n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler une sportive accomplie, elle a de l’endurance et la culpabilité mêlée à l’excitation lui font pousser des ailes. Elle pense soudain à quelque chose et tourne la tête vers le jeune homme.
- Ca va aller pour toi ? On ne va pas s’inquiéter de ton absence ?

Ils finissent par arriver dans Korrigan Crossroads et restent cacher dans les fourrées. Mise à part une voiture militaire, personne ne circule sur cette route pourtant très fréquentée par ailleurs. Si bien que lorsqu’une voiture aborde le carrefour et se gare, ils devinent qu’il s’agit de leur contact. Ryan se redresse un peu et Alexia se fige.
Elle se rend compte soudain de l’énormité de ce qu’elle fait et surtout du fait qu’elle va poursuivre son chemin sans Ryan à ses côtés. Elle a accepté de le suivre parce qu’elle a instinctivement eu l’intuition qu’elle pouvait lui faire confiance, qu’il voulait vraiment l’aider…mais qu’en serait-il de son ami ? Sans cette main solide qui la tire des buissons y arrive-t-elle ? Elle a la certitude que non. La peur la rattrape et la fige.
Entrainée malgré elle hors des buissons, elle s’immobile et freine des quatre fers, retenant le jeune homme en arrière.
- Ryan…attends… regard de biche prise dans les phares d’une voiture… tu…tu es certain…que…qu’on peut lui faire confiance ?

Me laisse pas tout de suite !
Laisse-le reprendre sa vie sans toi.
Je ne sais pas si j’y arriverai seule…
Ne te leurre pas, tu l'as toujours été. Grandis un peu !