- Je crois…elle reste une énigme pour moi…je n’arrive jamais à vraiment savoir ce qu’elle pense. En tout cas, elle…elle n’a pas l’habitude que je lui mente. Je suppose donc qu’elle ne se doute de rien…même si ça veut aussi dire que je ne suis pas très douée pour les mensonges.
- C'est pas un mal d'être foncièrement honnête, tsais.
- Elle pense que je suis malade et s’inquiète de ne pas pouvoir m’amener à mes « tests » demain matin.
- Tsss... Ryan a un petit claquement de langue sur son palais. Tant qu'on sait pas exactement à quel degré elle est impliquée, vaut mieux la tenir à l'écart.
- Ca va aller pour toi ?
- Pourquoi ça irait pas ?
- On ne va pas s’inquiéter de ton absence ?

Ryan déglutit.
Si, évidemment que si. Katie doit être tellement mal qu'on doit retrouver tous les objets disparus de la baraque sous son oreiller. Jolhane doit être au mieux furieuse au pire déçue. Il réprime l'envie de répondre un "c'est pas tes oignons" sec et sans appel à Alexia. Ce serait injuste : la jeune fille s'est confiée à lui, et son intérêt parait sincère.
L'adolescent plisse le regard et après un court silence se laisse aller à une confidence.

- Je ne sais pas. Ca fait plusieurs jours que je découche et que je crèche dans la forêt....

Korrigan Crossroads se dresse alors devant eux. Ryan attrape sa compagne par la manche et la force à s'accroupir dans un fourré. Les rondes militaires ont commencé. Le respect du couvre-feu est à géométrie variable selon les secteurs et les patrouilles.
Une voiture franchement pourrie, genre tacos mainte-fois rafistolé, se pointe et se gare sur le bas côté. Ryan reconnait la tête de poireau de Ciulin.

- C'est notre gus.

Ryan sort prudemment de sa cachette en zieutant à droite comme à gauche. Il tire Alexia à découvert et fait quelque pas, quand celle-ci tire sur son bras.

- Ryan…attends…
- Qui ? Qu'est-ce qu'il y a ? fait-il en se retournant inquiet. Il se penche vers elle pour constater qu'elle est effrayée.
"Evidemment, tu t'attendais à quoi ?"
- Tu…tu es certain…que…qu’on peut lui faire confiance ?
- Sûr et certain. Te fie pas à ses faux airs de bad boy, c'est un vieux genre qu'y se donne mais il est vraiment réglo.
"Même si ça me fait chier de l'admettre."

Obéissant à une impulsion soudaine de tendresse un peu gauche, il lui caresse la joue, comme pour en chasser une poussière du pouce. Faible sourire qu'il essaie de rendre convainquant.

- Ca va aller, j'te promets.
"T'en sais rien. Pourquoi tu dis ça !?"
- Hey l'tombeur, on a pas toute la night ! Ramène ta belle! lance Ciulin, clope éternelle au bec, sa dégaine de rockeur à la petite semaine immuable et quelque part, fichtrement rassurante dans le paysage.
- ça va ! On arrive ! Pas ma faute si tu la fais flipper!
- Moaaa, j'la fait flipper ? C'est pas plutôt ton stress perso qui lui pollue son groove ?

Sans réfléchir spécifiquement aux conséquences, Ryan grimpe à l'arrière de la voiture avec Alexia. Ce n'est qu'une fois que le moteur démarre et qu'il est pleinement embarqué loin de sa forêt qu'il réalise qu'il vient de réellement fuguer lui aussi.

- Alors c'est toi la "sorcière bien aimée" de Ryan!
- Va te faire foutre.
- Ahahah! Moi c'est Ciulin (Prononcé comme Chouline, ce qui frappe Ryan à chaque fois, de part le ridicule) Enchanté, belle gosse ! Bon, Ryan m'a fait un p'tit résumé un peu foutraque d'la situation, mais j'aimerais avoir plus d'infos... Dis-moi tout!

Tout en fixant la route, Ciulin fait un petit mouvement de poignet qui libère sa cigarette. Celle-ci lévite dans les airs en faisant des tourniquets.

- Chuis comme toi, cousine, t'as pas à t'inquiéter.

Sa cibiche retourne se coincer entre ses lèvres comme mue par sa propre volonté. Sur la peau de leur conducteur, il a semblé à Alexia voir les tatouages bouger.

- Tu…tu es certain…que…qu’on peut lui faire confiance ?
- Sûr et certain. Te fie pas à ses faux airs de bad boy, c'est un vieux genre qu'y se donne mais il est vraiment réglo.
- Des airs de bad boy, hein…c’est…c’est très rassurant.

Son doigt a machinalement trouvé une boucle qu’il entortille sans même y penser. Dans un geste intime auquel elle ne s’attendait pas, Ryan vient caresser doucement sa joue et lui sourit avec une certaine assurance. Incapable de faire le moindre geste, elle l’observe simplement, les yeux grands ouverts presque sans ciller. Elle voudrait savoir quoi faire, quoi dire, se montrer moins godiche et plus vivante qu’une poupée.

- Ca va aller, j'te promets.
- D’a…d’accord, souffle-t-elle en esquissant un geste pour venir couvrir sa main de la sienne. Mais elle suspend son geste quand on les interpelle.
- Hey l'tombeur, on a pas toute la night ! Ramène ta belle!

L’énergumène qui les attends a effectivement la dégaine d’un loubard et très clairement, Alexia ne serait jamais allée vers lui seule. Mais sous ses airs de « mauvais garçon » il émane de lui une décontraction et une sympathie certaine. Etrange mélange… Mais si Ryan lui fait confiance…eh bien elle allait devoir faire avec.

- Ca va ! On arrive ! Pas ma faute si tu la fais flipper !
Alexia lui donne spontanément une tape sur le bras et lui fait les gros yeux. Inutile de crier partout qu’elle est une petite chose fragile qui a peur de tout et de tout le monde.
- Moaaa, j'la fait flipper ? C'est pas plutôt ton stress perso qui lui pollue son groove ?
- Ca va aller…c’est…la situation qui est un peu…difficile à digérer. Mon groove va s’en remettre.

Alexia monte à l’arrière d’une voiture qu’elle regarde d’un air soupçonneux. Elle est à deux doigts de demander au conducteur si son tacot à passer des contrôles récemment, mais elle ne va pas jouer l’ingrate. Elle retire son sac à dos et écarquille carrément les yeux quand Ryan grimpe à ses côtés.
Elle ne l’a pas interrogé sur ses raisons de découcher, espérant qu’il en parle de lui-même, mais quoi que ce soit, il n’a pas tellement envie de faire face à ce qu’il fuit. Et la vague de soulagement qui la submerge provoque un sourire éclatant sur son visage qui s’illumine carrément.

- Tu…tu viens avec moi ? demande-t-elle d’un air mi-surprise, mi-soulagée.
- Alors c'est toi la "sorcière bien aimée" de Ryan !
- Va te faire foutre.
Alexia rit, allégée d’un poids certain. Elle a quitté sa mère, fait un doigt d'honneur à son sursis. Plus de décompte, mais un grand point d’interrogation sur le reste de sa vie.  
- Je m’appelle Alexia.
- Ahahah! Moi c'est Ciulin Enchanté, belle gosse !
- Enchantée Ciulin, elle fronce le nez tellement la prononciation lui parait étrange. Merci…de…euh nous avoir récupéré.
- Bon, Ryan m'a fait un p'tit résumé un peu foutraque d'la situation, mais j'aimerais avoir plus d'infos... Dis-moi tout !

La cigarette de Ciulin s’envole dans les airs pour décrire quelques courbettes dans les airs…
- Chuis comme toi, cousine, t'as pas à t'inquiéter.
…avant de regagner les lèvres de son propriétaire. Alexia aurait pu jurer avoir vu les dessins de ses tatouages bougés pendant l’opération. Elle fixe le phénomène, les yeux pétillants, ravie de découvrir qu’elle n’est pas unique ni malade. Juste différente.

- Whoua ! s’exclame-t-elle avec enthousiasme. J’adorerai savoir faire ça. Il n’y a… pas grand-chose à dire, commence-t-elle en retriturant à nouveau sa boucle. Ma mère et moi habitions Londres jusqu’à il y a deux ans. J’étais petite quand mes …pouvoirs se sont manifestés pour la première fois. Personne ne m’a jamais expliqué d’où ça venait alors j’ai juste …supposé que j’avais...que quelque chose clochait chez moi, dans mon cerveau. Ma mère a fait comme si ça n’existait pas. Et je l’ai gardé pour moi pendant des années, m’en servant juste quand j’étais seule… A part…des maux de tête, il ne faisait de mal à personne.

Elle s’arrête, ne sachant pas exactement ce qu’elle pouvait confier à ces deux inconnus.
Deux inconnus qui veulent l’aider.

Si tu ne leur fais pas confiance, il n’y a aucune raison pour qu’ils le fassent.

- Jusqu’à…un accident il y a deux ans, pendant ma dernière année au lycée. Mon pouvoir m’a échappé…complètement… elle inspire profondément en observant le paysage défiler, elle n’arrive toujours pas à prononcer les mots fatidiques. Elle a provoqué la mort de deux personnes et a brisé la vie d’une troisième. Je suis tombée dans le coma pendant presque deux mois. Depuis… j’ai parfois du mal à le contrôler, surtout quand j’éprouve des émotions fortes… Bref. Ma mère a décidé de déménager à Tir Na Nog parce qu’elle connaissait des gens capables de m’aider, l'institut de Cryptozoologie du Vatican. Elle disait s’inquiéter pour moi…mais je crois qu’elle a simplement peur que je recommence. Ils m’auscultent sous toutes les coutures depuis qu’on est là sans aucun résultat probant, c’est même…pire. Il a donc été décidé que je serai « prise en charge » à cent pour cent par l’ICV à la fin de ma première année d’étude. Cinq mois, trois semaines et bientôt trois jours, ajoute-t-elle en croisant le regard de Ciulin dans le rétroviseur. C’est le temps qu’il me reste.
Un silence s’installe dans l’habitacle et elle se penche soudain vers le siège passager devant elle.

- Oh vous voulez peut-être voir ce que je sais faire du coup ? Elle leur adresse un petit sourire malicieux. Garder les yeux sur la route, le pied sur la pédale et n’ayez pas peur…

Elle cherche un mouchoir en papier qu’elle garde en main au cas où et se concentre jusqu’à ce que son corps perde en consistance. Le chemin devant eux s’étale en ligne droite, elle en profite pour modifier leurs perceptions proches. Soudain ils ne sont plus dans une voiture brinquebalant mais dans un vaisseau spécial de petite taille qui aurait toute sa place dans Star Wars. La nuit et la forêt qui les entourent s’est transformé en voie lactée où ils filent à toute allure. Entourés par les étoiles, même les sons sont différents. Elle ne fait pas durer l’illusion trop longtemps, juste une poignée de seconde avant de l’arrêter complètement pour éviter tout accident.

Elle a sans doute poussé le bouchon trop loin, emportée par son enthousiasme et en paie un peu les conséquences. Une grimace lui échappe alors qu’elle recule sur son siège. Sa main cherche déjà ses anti-inflammatoire.

- Juste…une illusion, c'est moins pratique que la télékinésie mais...ça occupe quand on est seule, précise-t-elle. Où…où est-ce qu’on va exactement, Ciulin ? demande-t-elle une fois le comprimé avalé.

- Whoua ! J’adorerai savoir faire ça.

Ryan effectue une rotation complète de ses globes oculaires dans ses orbites. Evidemment, qu'il fallait qu'il fanfaronne. Le jeune homme s'agace sans vraiment comprendre pourquoi. Ce sont deux sorciers, il n'est qu'un mec banal, déjà écarté du tableau

- Il n’y a… pas grand-chose à dire....

Alexia déroule malgré tout son histoire : un récit qui fait écho à la vie de Ryan, la partie Harry Potter en moins. Tous deux sont issus de familles monoparentales, tous deux ont eu une enfance solitaire et chacun s'est coulé dans l'expectative des adultes pour ne jamais décevoir, ne jamais faire de bruit, de vague. Alexia comme Ryan ont pris sur eux jusqu'à s'étouffer.

- Cinq mois, trois semaines et bientôt trois jours. C’est le temps qu’il me reste.
- J'vois mieux l'topo. Ecoute, j'vais être clair-e, l'ICV roule pour les humains. Peu importe que les créatures aient eux aussi des familles, que les sorciers soient également des humains, que les démons fassent juste leur boulot... Nous sommes des aberrations à leur yeux, des menaces qu'il faut éradiquer. Leurs façons d'faire sont hyper sournoises : Y's'font passer pour les gentils, endorment la population avec des fake news et de rond'lettes donations, et prêche la soi-disant bonne parole. Moi chais c' qui s'trame dans leurs sous-sol : Heydrich et son p'tit pote Goebbels auraient kiffé! Crois-moi! C't'un groupuscule sectaire avec des moyens colossaux et une image proprette inattaquable de front. Tu fais bien d'te tirer; c'est la meilleure chose à faire. T'as eu d'la chance d'tomber sur Ryan! Bien'vnue dans la résistance ma belle !
- Oh vous voulez peut-être voir ce que je sais faire du coup ?
- Chais pas si.... Commence Ryan prudemment.
- Vazy ! Fais-toi plez! coupe Ciulin sans égard pour les craintes du gamin.
- Garder les yeux sur la route, le pied sur la pédale et n’ayez pas peur…

L'illusion ne dure qu'une poignée de secondes mais est d'une crédibilité incroyable. Ryan enfonce ses ongles dans le cuir du siège et Ciulin pousse un "Youhouuuuuuuuuuu" exalté.

- Excellent ! Ryan avait dit qu't'étais balèze mais là ça tabasse !
- Juste…une illusion, c'est moins pratique que la télékinésie mais...ça occupe quand on est seule.
- Tu déconnes ! ça peut être carrément ouf si tu maitrises correctement ton don.

Ryan lorgne Alexia avec une certaine inquiétude. la prise de médication ne lui échappe pas.

- T'étais pas obligée d'lui montrer, Alex. T'as mal au crâne là ?
- T'as régulièrement des migraines comme ça ?

Les pouvoirs à caractère psychiques sont parfois dévastateurs. Le manipulateur psychique le plus puissant que Ciulin ait connu avait une tumeur cérébrale. Est-ce une règle ? Iel n'en est pas certain-e. Son pli soucieux est cueilli par un Ryan scrutateur.

- C'est pas normal ?
- Chaurais pas t'dire avec exactitude, mais j'connais un gars qui pourrait.
- On va chez lui là ?
- Nope !
- Où…où est-ce qu’on va exactement, Ciulin ?
- Dans un endroit sûr ! J'vais vous présenter des gens d'vo't....

Une sirène se met à vibrer et des phares clignotent dans leur dos.

"Putain de merde !"
- Putain de merde c'est les bidasses !

Une jeep de patrouille leur demande de se ranger sur le bas côté et Ciulin obtempère, détendu du slip.

- Tout doux Ryan. Cache moi ton fusil sous vos fesses.... Vous me laissez causer. Restez cool, tout va bien se passer. Ok ?

- Excellent ! Ryan avait dit qu't'étais balèze mais là ça tabasse !
- Juste…une illusion, c'est moins pratique que la télékinésie mais...ça occupe quand on est seule.
- Tu déconnes ! ça peut être carrément ouf si tu maitrises correctement ton don.
- Vraiment ?
Alexia a les yeux brillants, le sourire aux lèvres et pivote vers Ryan, comme pour partager sa joie avec lui. Jamais on ne lui a dit que ce qu’elle faisait était « ouf » ou qu’elle était « balèze ». Globalement on ne l’a jamais vu comme quelque chose de positif d’ailleurs.

- T'étais pas obligée d'lui montrer, Alex. T'as mal au crâne là ?
Son inquiétude la touche plus qu’elle ne le devrait. Qu’il l’appelle à nouveau Alex bien plus encore.
- Ca va, c’est bien plus supportable que les douleurs qui apparaissent quand je contrôle rien.
- T'as régulièrement des migraines comme ça ?
- Oui. L’intensité varie. Parfois je saigne simplement du nez. J’y fais plus tellement attention maintenant. Ca va avec le package. J’ai demandé à l’ICV les résultats de mes scanners mais j’ai eu le droit à une petite tape sur l’épaule et un sourire condescendant. Apparemment ils considèrent que les blondes ne savent pas lire des rapports médicaux...peut-être bien lire tout court d’ailleurs…  
- C'est pas normal ?
- Chaurais pas t'dire avec exactitude, mais j'connais un gars qui pourrait.
- On va chez lui là ?
- Nope !
- Où…où est-ce qu’on va exactement, Ciulin ?
- Dans un endroit sûr ! J'vais vous présenter des gens d'vo't....

La sirène la fait sursauter sur son siège et elle tourne la tête vers la vitre arrière. Un véhicule de l’armée les ont pris en filature.
- Ciulin … ! Son prénom sort dans un filet angoissé.
Elle agrippe d’instinct la main de Ryan. Fort. Et échange un long regard avec lui.

Ne me ramenez pas chez moi. Pitié…Pas maintenant !

Elle imagine déjà la scène, encadrée par deux militaires avec son sac à dos, sa mère réveillée en sursaut, le sermon lorsqu’elle comprendra ce que sa fille a tenté de faire... Elle sait d’instinct que si sa mère est de mèche avec l’ICV, son enferment adviendra bien plus tôt que prévu.  
- Putain de merde c'est les bidasses !
- Ils…ils vont m’enfermer… hoquète-t-elle dans un excès de panique incontrôlé.

Obligé d’obtempéré, Ciulin, très détendu, se gare sur le côté et Alexia sent la vague de panique sur le point de la submergée. Ryan a resserré son autre main sur son fusil.

- Tout doux Ryan. Cache-moi ton fusil sous vos fesses.... Vous me laissez causer. Restez cool, tout va bien se passer. Ok ?
Alexia déglutit, essaie de contrôler son imagination galopante qui s’échine à imaginer les pires scénarios.
Ciulin a l’air de maîtriser la situation et ne semble pas si alarmé que ça…Elle croise le regard de Ryan, tente d’y trouver un peu de force et de courage. Son pouce caresse machinalement la main qu’elle garde toujours prisonnière dans la sienne.
- Je suis désolée…murmure-t-elle, c’est de ma faute… je ne veux pas que tu aies des problèmes à cause de moi…Ciulin, je…je peux peut-être nous faire disparaitre de la voit… ?
Un pic de douleur traverse son cerveau de part en part. Elle tente bien de maitriser ses émotions mais l’angoisse de finir entre quatre murs à attendre d’être charcutée par l’ICV est plus forte. Elle crispe les mâchoires mais ses illusions lui échappent. La tête à l’agonie, elle se recroqueville vers l’avant, sans avoir la moindre idée de ce qu’elle est en train de provoquer comme image. Elle sert simplement les dents pour ne pas hurler de douleur.

- Putain de merde c'est les bidasses !
- Ils…ils vont m’enfermer…
- On les laissera pas faire ! ok ? Je les laisserais pas t'emmener, t'entends!?
- Tout doux Ryan. Cache-moi ton fusil sous vos fesses.... Vous me laissez causer. Restez cool, tout va bien se passer. Ok ?
-Je suis désolée... c’est de ma faute… je ne veux pas que tu aies des problèmes à cause de moi…Ciulin, je…je peux peut-être nous faire disparaitre de la voit… ?
- Non ! Tu restes tranquille et tu la boucles!

Ryan encercle les épaules d'Alexia, gagné par la panique de la jeune fille. Il la sert contre lui et tente de l'apaiser, comme il parvient parfois à le faire avec Dairine en pleine crise. Il lui chuchote en boucle des :0]] "Tout va bien.... Tout va bien, Alex..."[/i] et des "Je suis là, calme-toi...."

Ciulin abaisse la vitre et offre un sourire charmeur à son interlocuteur.

- Bonsoir, vous circulez après le couvre-feu, vos papiers s'il vous plait.
- Chuis pas tenu-e de t'les donner, Jenson.
- Ciulin ?!
- C'est moi...
- Merde... C'est quoi ça !?

Le jeune sergent observe avec des yeux ronds un énorme banc de saumons remontant la route en plongeant dans une asphalte aussi mouvante qu'une rivière. Les poissons de taille gigantesque passe à coté des deux véhicules en faisant trembler les parebrises. Le coéquipier de Jenson sort en trombe de la jeep comme s'il venait d'assister en direct à l'ouverture de la Mer Morte par Moïse. Il en tombe sur le cul.

- PUTAIN DE PUTAIN DE MERDE ! JENSON T'AS VU CA !?

Ciulin et le dit "Jenson" échange un long regard éloquent. Ce dernier lève les yeux au ciel et soupir.

- Non, de quoi tu parles ?!
- SERIEUX MEC! LES POISSONS !!!?
- Tu délires, Sullivan. T'es sûr que t'as pas de la fièvre ?

Le pauvre Sullivan a l'air complétement déboussolé.

- Vous pouvez circuler, mais dépêchez-vous de rentrer !
- On se grouille, sergent! Merci beaucoup!
- Tu m'en dois une , p'tit con. murmure Jenson en donnant une tape sur le toit de la bagnole. Passe le bonjour au Lieutenant Finglas pour moi, ajoute-t-il avec un fin sourire.
- Elle te manque, avoue...
- Va pas lui claironner....

L'échange s'est fait à voix basse. Ciulin redémarre, fenêtre ouverte.

- Ca, c'était pas ce que j'appelle, "rester cool"! Il jette un oeil dans le rétroviseur et observe Jenson poser une main sur le front de Sullivan. Mais c'était que'qu'chose ! Ce trip de dingo ! POUhahahah !
- C'est pas drôle, merde ! Elle souffre là !
- On s'détend Roméo! Elle est pas en sucre ta meuf, rétorque Ciulin, d'une voix tranquille.
- C'est pas ma...
- T'en fais pas poulette ! La première fois que j'ai fais usage de ma télék, j'ai littéralement dévasté la cuisine de mon frate! Y'avant des couteaux plantés dans tous les murs et des casseroles en fonte pliées en deux. Chuis tombé-e dans les vapes en me fracassant sur le carrelage. Le bordel intégral. Faut dire aussi que j'avais une forme de "bouchon magique" dans la caboche. Tu te plains d'ta reum, mais la mienne a pactisé avec un démon pour annihiler la magie d'sa progéniture. Faut dire que quand t'es mariée à un chef de clan d'chasseurs, ça la fout mal d'être une sorcière renégate. Les mères font des trucs zarbis pour protéger leurs gosses des fois. Enfin, j'pense qu'elle l'a fait plus pour elle qu'pour nous. Manque d'bol, ont peut pas recoder entièrement la génétique d'une personne. Résultat : toute ma fratrie s'découvre des pouvoirs, genre, d'puis deux ou trois ans. J'te raconte pas le boxon.

Iel se marre alors que l'histoire n'a franchement rien d'hilarante. Ciulin a comme Magni, cette sale habitude de rire de tout et de jacter à tord et à travers.
"De gros relous tous les deux."
Se faisant, ils arrivent en ville et Ciulin se gare devant un bâtiment imposant entre vieilles pierres et nouvelle construction moderne. Il y a un panneau au dessus d'une porte à deux battants : "L'Arena, salle de sport" Tout est plongé dans le noir, sauf plusieurs lumière dans le loft à l'étage.

- On y est ! Tout le monde descend !

Alexia sent un bras lui entourer les épaules et se retrouve bientôt calée contre un torse solide. Pas besoin de relever la tête pour savoir qui c’est. Elle s’agrippe des deux mains au manteau de Ryan et pose son front contre son épaule. Elle tente de se concentrer sur sa respiration puis sur les mots qu’il lui chuchote, doux, apaisants. Elle souffre toujours atrocement et craint à un moment d’avoir de la fièvre.

Allez Alexia ! Tu n’aides personne là ! Fait un effort ! Tu ne voulais plus être prise pour une demoiselle en détresse, ça commence maintenant.

Elle ne suit rien de l’échange entre Ciulin et les militaires, ne sait même pas comment s’est fini leur discussion qu’elle perçoit comme des bourdonnements lointains. Tous ses efforts sont tournés vers la reprise en main de son pouvoir et donc de ses douleurs. Son univers se résume pour l’instant au bras de Ryan, sa voix et à la perceuse qui tente de lui perforer le crâne. Finalement, la souffrance faiblit signe que son illusion aussi et elle devient même supportable. Elle redresse doucement la tête, les yeux encore froncés et tombe sur ceux, inquiets, du jeune homme. Alexia lui souffle un « merci » et tente un sourire pour le rassurer.

- Ca, c'était pas ce que j'appelle, "rester cool" !
- Pardon… comme je l’ai dit…plus de contrôle…
Sa main se porte d’elle-même vers son sac mais elle se souvient brusquement avoir déjà pris un comprimé il y a quelques minutes…elle risque de graves effets secondaires si elle en abuse. Résignée, elle soupire et se dégage délicatement de l’étreinte de Ryan pour venir masser ses tempes encore douloureuses.
- Mais c'était que'qu'chose ! Ce trip de dingo ! POUhahahah !
- C'est pas drôle, merde ! Elle souffre là !
Elle pose l’arrière de son crâne sur le siège arrière et inspire à fond l’air frais qui entre par la fenêtre ouverte.
- Ca va aller. J’ai l’habitude…ça…ça finit par passer.
- On s'détend Roméo! Elle est pas en sucre ta meuf.
- C'est pas ma...
- T'en fais pas poulette ! Même à moitié KO par sa migraine, Alexia doit pincer les lèvres pour ne pas rire. Même elle sait que Ciulin ne fait que le taquiner mais Ryan semble partir à chaque fois au quart de tour. Ce qui ne fait sans doute que redoubler l’envie de le titiller.
- Merci de ne pas me comparer à Juliette…moi je ne foire pas mon plan d’évasion. Enfin…j’ai failli le faire… Je suis vraiment désolée…
- La première fois que j'ai fais usage de ma télék, j'ai littéralement dévasté la cuisine de mon frate !

Ciulin lui raconte un peu son histoire et Alexia l’écoute avec attention. Effectivement à la loterie des mères abusifs, iel a largement gagné…même si ça n’a jamais été un concours. Pourquoi font-elles ça ?
- C’est…c’est carrément horrible. Cela dit, je laisse encore le bénéfice du doute à la mienne. Elle se redresse un peu et fait tourner une mèche autour de son doigt. J’aurais peut-être dû lui laisser un mot au moins… peut-être qu’elle pense vraiment me protéger. Ryan, tu peux me repasser mon portable ? Je vais juste lui envoyer un sms pour lui dire que je vais bien…
Elle pense soudain à quelque chose alors qu’ils se garent devant une grande bâtisse.
- Mon portable ! L’ICV serait capable de le traquer ? Elle se penche vers la fenêtre pour lire l’inscription "L'Arena, salle de sport".
Etrange mais pourquoi pas après tout. Tant qu’elle est en sécurité…
- On y est ! Tout le monde descend !
Ciulin sort en premier et Alexia se tourne vers Ryan et l’arrête avant qu’il ne puisse ouvrir la portière, agrippant sa manche. Elle vrille son regard dans le sien et prend une profonde inspiration.
- Je ne pourrais jamais te remercier assez pour ce que tu fais pour moi mais je ne veux pas que tu te sentes…responsable de moi ou quelque chose comme ça… Si tu penses que je serais en sécurité ici alors…alors je te fais confiance. Je ne veux pas t’attirer d’ennuis…
Cette fois elle ose caresser sa joue du bout des doigts avant de retirer bien vite sa main, embarrassée de s’être laissée aller.
- Peut-être…peut-être que tu devrais rentrer chez toi ? … je suis certaine qu’on t’attend.
Ses lèvres s'étirent dans un petit sourire triste. Elle aimerait égoïstement qu’il reste mais elle ne veut pas devenir un boulet.

- C’est…c’est carrément horrible. Cela dit, je laisse encore le bénéfice du doute à la mienne. J’aurais peut-être dû lui laisser un mot au moins… peut-être qu’elle pense vraiment me protéger.
- Et si c'est pas le cas ?
- Ryan, tu peux me repasser mon portable ? Je vais juste lui envoyer un sms pour lui dire que je vais bien…
- Certainement pas. Les mères sont des conasses, crache Ryan abruptement.
- Mon portable ! L’ICV serait capable de le traquer ?
- Fort possible! estime Ciulin en sortant.

Ryan est interrompu dans son élan pour lea suivre.

- Je ne pourrais jamais te remercier assez pour ce que tu fais pour moi mais je ne veux pas que tu te sentes…responsable de moi ou quelque chose comme ça… Si tu penses que je serais en sécurité ici alors…alors je te fais confiance.
- J't'ai déjà dit de pas m'faire confiance. Survie élémentaire, tu t'souviens ?
- Je ne veux pas t’attirer d’ennuis…

Ryan a un rire sans joie.

- J'en ai déjà et t'es loin d'être le pire. Un sourire s'esquisse fugacement sur son facies marqué. Il a une petite mimique amusée en hochant la tête d'un côté puis de l'autre, en balancier. J'dirais même que t'es l'plus mims d'entre eux.

"Mais... tu fais quoi là ?
Tu flirtes ?
T'as oublié où t'étais ou bien ?"
D'une part ce n'est pas le moment, mais franchement, imaginer ce que Ciulin a pu faire sur cette banquette arrière , rend le tout encore plus dégeu. Pourtant, la jeune fille balaie tout ses aprioris en lui effleurant la joue. La douceur éphémère de la caresse le fige. Il la fixe droit dans les yeux.

- Peut-être…peut-être que tu devrais rentrer chez toi ? … je suis certaine qu’on t’attend.
- Tu veux que je m'en ailles, Alex ? fait-il d'une voix qu'il a lui même du mal à reconnaitre tant elle lui parait pénétrante.  L'absence de réponse est une réponse en soit. C'est bien ce que je pensais. Viens, intime-t-il. Et t'inquiète pour ton portable, on va régler ce problème vite fait.

En sortant de la voiture, Ryan jette le smartphone par terre et le défonce à coups de talons sur le bitume.

- Radical, ponctue Ciulin après un sifflement appréciateur. Mais ceci-dit, c'était l'mieux à faire. J'te ramène un neuf demain, princesse. Leur conducterice gratifie la joue d'Alexia d'une pincette amicale de la joue et d'un sourire canaille à rendre complétement barge le bon dieu.

Ils grimpent des escaliers en colimaçon jusqu'à une porte à l'étage. Ciulin y sonne et attend, puis réitère avec un rictus de sale con. Une fois, deux fois, trois fois.

- Ca va ! ça va! MERDE ! J'arrive ! Calme ta joie, curva !

La porte s'ouvre à la volée sur une adolescente brune, la chevelure ondulée, les yeux clair et la mine constellée de quelques tâches de rousseur, mais c'est loin d'être ce qui est le plus notable chez elle. Elle est d'une maigreur assez notable, la peau pâle tirant sur le gris, les yeux cernés et violacés. elle est en mini-shirt de pyjama, un débardeur baillant sur sa poitrine menue, un énorme chandail blousant sur ses petit bras décharnés.

- Ma frangine préférééééée ! Dans mes bras !
- T'en a qu'une, connasse! Putain, non .. NON ! Pas de câlins !!!

Trop tard. Ciulin soulève de terre l'adolescente qui se débat mollement et lui colle plusieurs bécots sonores.

- T'es vraiment chiante, sérieux ! bougonne Viorea en s'essuyant la joue comme une gamine boudeuse. Repose-moi maintenant...
- Sorin est pas là ?
- Il est avec Leonard. Soirée en amoureux...
- Avec deux cerbères en chaperon, ça va être l'enjoie!
- J'avoue... bon c'est qui ça ? , qu'elle désigne du menton.
- Ta nouvelle coloc et son prince charmant!
- Je suis pas son... tente d'objecter Ryan avant de se faire couper la chique.
- Sora ! tu déconnes là ! T'as la même sale habitude que le tatăl  à ramasser tous les chat errants qu'tu trouves ....
- Ryan, Alexia, je vous présente ma petite soeur : Vioréa. L'est-y pas la plus mignonne des bitchasses ?

L'intéressée lui file un coup de poing dans le bide et Ryan a la sensation très nette de revivre ses prises de bec avec Katie.

- J't'ai déjà dit de pas m'faire confiance. Survie élémentaire, tu t'souviens ?
Alexia fronce son nez romain, seul trait de son visage qui dénote avec son air poupin et lui donne un peu de caractère et hausse les épaules.
- Je me souviens oui… ce qui ne veut pas dire que je vais appliquer tous tes conseils à la lettre monsieur le survivaliste. Je… Je ne veux pas t’attirer d’ennuis…
- J'en ai déjà et t'es loin d'être le pire. Petit sourire fugace. J'dirais même que t'es l'plus mims d'entre eux.

Est-ce que…est-ce qu’il vient de dire qu’il la trouvait jolie ? Ses joues rosissent presque immédiatement.

- Peut-être…peut-être que tu devrais rentrer chez toi ? … je suis certaine qu’on t’attend.
Sa caresse à peine esquisser lui vaut un regard pénétrant.
- Tu veux que je m'en aille, Alex ?
Alexia ouvre la bouche alors même qu’aucun son ne sort. Elle serait bien incapable de parler, ses cordes vocales refusent de faire leur travail. Est-ce que c’est l’intensité qu’elle lit dans ses yeux ? Le timbre profond de sa voix ? L’utilisation de ce surnom ? L’ensemble provoque de drôles de chose dans son corps, traversé par une sorte de courant électrique suivit d’une vague de chaleur. La chair de poule envahit son derme, son cœur s’accélère, ses pupilles se dilatent alors que son ventre se noue. C’est à la fois fascinant à vivre et … troublant. Très troublant.
- C'est bien ce que je pensais. Viens. Et t'inquiète pour ton portable, on va régler ce problème vite fait.

Elle reste quelques secondes de plus dans la voiture pour retrouver ses esprits.
Secoue-toi enfin ! Un garçon te parle et tu pars déjà au quart de tour !
Peut-être, sauf que la sensation est trop agréable pour qu’elle la rejette en bloc. Surement de la dopamine. Il va juste falloir qu’elle ne laisse pas son imagination déborder et déformer la réalité. Garder à l’esprit qu’il se montre simplement gentil parce qu’il a pitié d’elle.  
Et qu’il te trouve mims !
Elle pousse un profond soupir et finit par s’extirper de la voiture pour trouver Ryan en train d’écraser son portable à coup de talon.

- Hey mais … ! J’avais bossé pour payer ce portable, déplore-t-elle tout en sachant pertinemment qu’il a sans doute agit pour le mieux.
- Radical. Mais ceci-dit, c'était l'mieux à faire. J'te ramène un neuf demain, princesse.
Alexia recule la tête après le geste de Ciulin sans pour autant pouvoir réprimer une moue amusée devant son sourire.  
- Après Juliette c’est donc princesse…condamnée à jouer les godiches alors...

Ciulin les guide vers un escalier sur le côté et s’acharne sur la sonnette comme un sale gosse ce qui ne semble pas plaire à l’occupante de l’appartement.

- Ca va ! ça va! MERDE ! J'arrive ! Calme ta joie, curva !

L’adolescente qui leur ouvre n’a pas l’air commande mais ce que note Alexia ce sont surtout les signes évident d’une maladie qu’elle estime à un stade avancé.

- Ma frangine préférééééée ! Dans mes bras !
- T'en a qu'une, conasse ! Putain, non .. NON ! Pas de câlins !!!
Oh c’est donc la sœur de Ciulin. Le reste de la conversation lui échappe un peu mais elle regarde leurs chamailleries avec une certaine fascination mêlée d’envie. Avant de comprendre que sa mère ne semblait éprouver aucune envie de rencontrer quelqu’un, elle rêvait d’avoir une petite sœur. Entre les deux, ça semble être l’amour vache…peut-être qu'être fille unique n'est pas si mal finalement...

- Ta nouvelle coloc et son prince charmant !
- Je suis pas son...
- Oh non ! Je ne veux…
Ils se font tous les deux couper net par l’adolescente qui ne semble pas vraiment ravie à l’idée de les accueillir, ce qu’elle conçoit totalement.
- Sora ! tu déconnes là ! T'as la même sale habitude que le tatăl à ramasser tous les chat errants qu'tu trouves ....
- Ryan, Alexia, je vous présente ma petite soeur : Vioréa. L'est-y pas la plus mignonne des bitchasses ?
- Salut Vioréa… elle tente un sourire engageant… euh désolée d’arriver à l’improviste… c’est que provisoire t’inquiète pas…je sais me faire toute petite et je fais des cookies d’enfer !!

- Salut Vioréa...
L'adolescente la toise de toute sa superbe sans lui décrocher un seul mot.
-... euh désolée d’arriver à l’improviste…
- Tu peux.
- c’est que provisoire t’inquiète pas…
- Ouais c'est ça, du provisoire qui va durer des mois. J'connais la chanson...
- Nous fais pas ton numéro de pétasse et sois un peu cool... Ca t'f'ra de la compagnie. Une meilleure que ton motard chelou.
- Fous lui la paix, c'est un super plan cul.
- C'est un Heksen.
- ET.. un très bon plan cul.
- Je sais me faire toute petite et je fais des cookies d’enfer !!!

Vioréa fait la moue et après une évaluation  d'une poignée de minutes, elle rend son verdict.

- C'est un bon argument. Et y sait faire quoi le taiseux avec sa pétoire ?
- Il peut te tirer entre les deux yeux le jour où tu te transformeras en chrysalide, déclare Ryan, le regard mauvais et verrouillée sur la malade. Joignant le geste à la parole, il met Viorea en joue. T'es infectée par les papillons et t'es condamnée.
- Sympa tes potos, frangines. Mon Heksen, au moins y m'insulte pas quand y me baise, réplique Vioréa avec un cynisme tranquille.
- T'es un danger pour toi même et les autres.
- Ryan...Tu comptes réellement abattre ma soeur , là, d'vant moi ? questionne calmement Ciulin. Iel pose une main sur le canon de son fusil. Ryan... Elle ne finira pas comme ton père.
- T'en sais rien ! Absolument rien !

Le jeune homme a un regard fiévreux et hanté, le visage fermé. Il déglutit.

- Ryan... On est pas dans l'brouillard.
- Et j'compte pas crever comme une merde, merci ! Mais deal, Fogboy : si j'déraille, éradique moi. Maintenant, si tu veux crécher chez moi c'soir, tu ranges ton substitut d'bite dans ton falsard et tu files doux. Chuis queen en mon royaume, dude!

Ryan reste quelque peu interloqué par le mélange dépotant de cette Vioréa : son attitude de reine du bal de promo, sa verve décomplexée et son regard flamboyant de volonté dans un corps aussi frêle. Il baisse lentement son arme.

- Vous êtes tous chelou dans cette famille...
- Tu m'blesses, rétorque Ciulin avec un air cabotin de chiot triste.
- Ce soir, j'avais prévu de m'faire "Legally Blond" 1 et 2 avec des pizzas et un max de crème glacée. Qui m'aime me suive, "my new mignons"!

Et avec une démarche de starlette  de cinéma, elle s'éloigne vers la cuisine.

- J'crois qu' z'avez pas d'autre choix que d'l'aimer. .. Bon ! J'vous laisse avec elle. Elle est moins chiante qu'elle en l'air. Je r'passe demain pour  qu'on s'organise un peu moins à l'arrache. Ici, t'es en sécurité, Alex'. C'est le fief des Dormeurs. Personne osera v'nir te chercher des poux sans déclarer ouvertement une guerre à Kaelig Taur.

Sur ces derniers mots, Ciulin ouvre la porte et disparait dans la Nuit, les laissant à la merci de sa cadette.

Alexia voit plus ou moins ce qu’est un bon plan cul (enfin de très loin, aussi loin que son imagination le lui permette), elle n’a aucune idée de ce qu’est un Heksen.
- C'est un bon argument. Et y sait faire quoi le taiseux avec sa pétoire ?
- Il peut te tirer entre les deux yeux le jour où tu te transformeras en chrysalide.
Alexia tourne la tête vers lui, alertée presque aux aguets, prête à filer au moindre problème et souffle doucement.
- Ryan ? Qu’est-ce qu’y se passe ?
Le jeune homme garde les yeux braqués sur Vioréa.
- T'es infectée par les papillons et t'es condamnée.
Alexia fixe alors l’adolescente avec une compassion presque professionnelle. Mieux que personne, elle sait que le corps n’est au final qu’une machine qui peut se gripper et tomber hors-service. Elle a donc attrapé cette maladie qui touche de plus en plus de personnes et semble être apparue mystérieusement en même temps que le brouillard. Condamnée…
- Sympa tes potos, frangines. Mon Heksen, au moins y m'insulte pas quand y me baise.
- T'es un danger pour toi même et les autres.
- Ryan...Tu comptes réellement abattre ma soeur , là, d'vant moi ?  Ciulin essaie de tempérer la situation sans grand succès. Ryan... Elle ne finira pas comme ton père.
- T'en sais rien ! Absolument rien !

Son père ? Oh mon dieu…est-ce le sort qu'il a subi ? Est-ce que Ryan a du l'abattre ? Alexia le regarde avec une compassion qu'elle ne contrôle même pas. Tendu, hanté par des visions qu’elle aimerait pouvoir adoucir, Ryan a le regard de celui qui en a trop vu dans sa courte existence. Elle s’approche de lui et pose sa main dans son dos.
- S’il te plait Ryan, tu veux bien abaisser ton fusil… ?
- Ryan... On est pas dans l'brouillard.
- Et j'compte pas crever comme une merde, merci ! Mais deal, Fogboy : si j'déraille, éradique moi. Maintenant, si tu veux crécher chez moi c'soir, tu ranges ton substitut d'bite dans ton falsard et tu files doux. Chuis queen en mon royaume, dude!

La verve de Viorea lui plait, même si elle fait aussi remonter de désagréables souvenirs de Reines de popularité qui adoraient particulièrement faire de sa vie un enfer. Sauf qu’elle détecte chez la jeune malade quelque chose d’autre que de la simple méchanceté gratuite.
- Vous êtes tous chelou dans cette famille...
- Tu m'blesses.
- Ce soir, j'avais prévu de m'faire "Legally Blond" 1 et 2 avec des pizzas et un max de crème glacée. Qui m'aime me suive, "my new mignons"!
Alexia ne peut s’empêcher de la trouver drôle et cache son rire contre sa main.
- J'crois qu' z'avez pas d'autre choix que d'l'aimer...
- C’est un…sacré personnage. Mais ça va aller. J’ai connu pire…
- Bon ! J'vous laisse avec elle. Elle est moins chiante qu'elle en l'air. Je r'passe demain pour qu'on s'organise un peu moins à l'arrache. Ici, t'es en sécurité, Alex'. C'est le fief des Dormeurs. Personne osera v'nir te chercher des poux sans déclarer ouvertement une guerre à Kaelig Taur.
Alexia arrête Ciulin avant qu’iel ne s’éclipse.
- Ciulin ? Merci pour tout…c’est…ça fait du bien de savoir qu’on est pas seule…si…si tu veux un autre « trip » gratuit, n’hésite pas, ajoute-t-elle avec un petit sourire taquin passant spontanément au tutoiement.

Une fois parti, Alexia se tourne vers son compagnon. Elle regarde un instant son fusil, qu’il tient toujours fermement, avec une certaine appréhension puis remonte vers ses yeux qui ont à peine perdu de leur …sorte de fièvre. Elle voudrait le toucher à nouveau mais n’ose pas, alors elle vient simplement se poster devant lui et murmure d’une voix douce :
- Ca va aller ? Tu…si tu veux qu’on trouve un autre plan pour ce soir…ça me va hein ! Même la forêt si tu préfères…
Cette fois elle ne lui propose pas de partir sans elle. Il ne semble pas décider à la laisser et elle n’a aucune envie qu’il parte. Cette nuit ils resteront ensemble même si ça veut dire mourir de froid dans un arbre creux à la merci de vampires ou autres bestioles tout droit sorties d’une bonne histoire fantastique. Demain…demain est un autre jour.
Finalement, ses doigts viennent frôler ceux du jeune homme encore agrippé à la crosse de son fusil.
- C’est toi qui vois…j’m’adapte… le « à toi » ne sort pas mais il est sur le bout de sa langue. Mais…ça serait bête de partir non ? Ca a l’air chouette ici…et puis, ajoute-t-elle en souriant, t’as entendu le programme ? « Legally Blond » 1 ET 2 ! Un film avec une blonde débile comme héroïne ! C’est tout à fait mon genre. Elle rejette ses propres cheveux clairs derrière son épaule et papillonne exagérément des cils en faisant une petite moue stupide. Je pourrais même apprendre un ou deux trucs qui sait ?
Sa tentative d’humour est peut-être faiblarde mais tout ce qu’elle veut c’est qu’il délaisse cet air hagard et lui sourit à nouveau.

Ciulin gratifie Alexia d'un clin d'oeil en réponse à sa proposition avant de claquer la porte. Ryan ne remarque même pas son départ, le regard encore fixé sur la place laissée vacante par Vioréa.

"J'ai déconné."
Menacer la parentèle d'un mec à qui il en doit une, c'était pas son idée la plus lumineuse. C'est la peur qui a parlé. Il les a connu ces malades, tombés un à un ; Il a vu leurs corps et leurs cervelles se détériorer jour après jour ; Il a constaté la métamorphose irréversible de ce qui fût autrefois humain en une chose dépourvue de conscience, seulement guidée par l'esprit de ruche. Pondre et contaminer, c'est tout ce dont une chrysalide est capable.
Peu importe la volonté du sujet.
Peu importe sa pugnacité.
Son père était fort, valeureux, déterminé et Unseelie l'a fauché comme les autres...

- Ca va aller ?
- Hein.. quoi ?

Ryan papillonne des paupières , comme s'il revenait de loin, perdu dans son brouillard intérieur. La voix fraiche et limpide, féminine, lui fait tourner la tête. Alexia est là, ses yeux immenses et bordés de cils soyeux posés sur lui.
"Elle est belle."

- Tu…si tu veux qu’on trouve un autre plan pour ce soir…ça me va hein ! Même la forêt si tu préfères…

Il la regarde comme s'il n'arrivait pas à fixer son esprit, comme si la jeune femme lui paraissait lointaine. Un mirage incertain. Une sublime et apaisante illusion.

- C’est toi qui vois…j’m’adapte…
- Tu t'adaptes... Répète-t-il d'un timbre atone, l'air hagard.
"Comme un gros teubé, quoi.... Tu te secoues, O'Brian ? Faut se concentrer là !"
- Mais…ça serait bête de partir non ? Ca a l’air chouette ici…et puis, t’as entendu le programme ? « Legally Blond » 1 ET 2 ! Un film avec une blonde débile comme héroïne ! C’est tout à fait mon genre.

Ryan écarquille les yeux en la regardant mimer la blonde décérébrée typique.

-Je pourrais même apprendre un ou deux trucs qui sait ?
- Quoi?!!!!?

Il est pris d'un vieux fou rire à la fois nerveux, attendri et un peu paumé. Cette fille a le don précieux d'être réellement charmante en toutes circonstances. C'est profondément déstabilisant et hyper rassurant en même temps. Un drôle de mélange. C'est la deuxième fois qu'il pense à l'adjectif "Adorable" pour la qualifier.
"Je déconne à plein tube..."

- Si vous radinez pas vos culs , j'ratiboise les pizzas sans vous !

Le salon de ce loft décoré avec gout, ménageant à la fois les vieilles pierres tout en les sublimant par un modernisme dernier cri, pue le fric à plein nez. Viorea est vautrée sur un canapé confortable et luxueux face un écran plasma XXL. Deux cartons de pizzas king size sont ouverts devant elle, uniquement des végétariennes, et elle a sorti trois verres à limonade pour servir le coca qui barbotte dans un seau à champagne rempli de glaçons. La jeune fille brandit la télécommande comme on manie une baguette

- Ayez, Ryan ? Ta copine t'as fait suffisamment de papouilles pour te calmer ?
- C'est pas ma...
- Ouais ouais ouais, on s'en fout ! J'avais pas prévu votre venue alors j'ai pris une quatre saisons vegan et une quatre fromages. Faudra faire avec!

Sur une assiette à part, Viorea a réservé une part de chaque et un verre de lait à la grenadine. pourtant, elle a bien précisé qu'elle n'attendait personne.

- Prêts ? Je lance !

Le film démarre et Ryan se trouve bien obligé de s'asseoir gauchement sur le divan, le plus loin possible de leur hôtesse. Il n'a pas regardé de film depuis plus de deux ans. Il ne sait même plus quel effet cela fait d'être devant la télévision, cet élément étant fondamentalement absent du cottage. Les écrans ne lui manquent pas.

Le rire de Ryan la rassure au point où elle en lâche un petit soupir de soulagement. Elle préfère largement le voir comme ça et s’autorise un sourire satisfait. Il semblait si loin … Mais il est là à nouveau. Avec elle.
- Tu ferais peut-être mieux de laisser ton fusil dans l’entrée non ?
- Si vous radinez pas vos culs, j'ratiboise les pizzas sans vous !
Son ventre se met à grogner de mécontentement, comme si, muni d’oreille, il rappelait à sa propriétaire que lui ne cracherait pas sur les pizzas. Embarrassée, Alexia rougit et pose une main sur son bruyant estomac.
- Je suis pas contre les pizzas. J’ai rien avalé depuis ce matin, croit-elle bon de se justifier. On arrive ! ajoute-t-elle plus fort.  

Ils se dirigent ensemble vers le salon et Alexia ouvre des yeux étonnés devant la modernité et l’élégance de la décoration. Sa mère a toujours été adepte des endroits « plein du charme de l’ancien » ce qui signifiait en général, petite pièce, parquet grinçant, escalier grinçant et …globalement maison grinçante. Ici tout est si…grand ! La pièce est immense, le canapé surdimensionné et Viorea y trône comme une Reine dont la télécommande serait l'attribut royal.

- Ayez, Ryan ? Ta copine t'as fait suffisamment de papouilles pour te calmer ?
- C'est pas ma...
- Ouais ouais ouais, on s'en fout ! J'avais pas prévu votre venue alors j'ai pris une quatre saisons vegan et une quatre fromages. Faudra faire avec !
- T’inquiète pas…c’est parfait.
-  Prêts ? Je lance !
- Bah…si c’est obligé hein, allons-y ! lance bravement la jeune femme.

Pendant que Ryan va s’assoir comme un automate un peu raide, Alexia se débarrasse de ses affaires, retire ses chaussures par politesse et vint s’installer entre Viorea et le jeune homme. Plus près de Ryan évidemment. Pourquoi évidemment d’abord ?
Bref, elle s’installe aussi confortablement que possible et pique une part de quatre fromages. L’ambiance est…étrange…un peu surréaliste. Alexia se sent un peu nerveuse mais finit par se détendre devant l’absurdité du film.
- Pourquoi elle pourrait pas avoir envie de changer pour elle ? Non, faut que ça soit pour un mec évidemment…et un connard par-dessus le marché ! Merci Hollywood… commente-t-elle à voix basse en engloutissant une deuxième et dernière part. Elle a toujours eu un appétit d’oiseau. Elle roule très fort des yeux, ricane à l’occasion mais finit par s’attacher à cette héroïne cruchasse, s’animant devant le film comme si elle le vivait. Elle a toujours fait ça…ayant une facilité déconcertante pour rentrer dans les histoires même aux scénarios les plus terribles, pour les vivre à fond. Substitut à sa vie trop morne et sans fantaisie.

Elle observe leur hôtesse du coin de l’œil… elle semble fatiguée. Elle-même commence à sentir le contre-coup de la journée et surtout de la soirée. Elle finit par se désintéresser du deuxième film – franchement est-ce qu’il y avait besoin d’en faire un second ? L’humanité s’en serait-elle sortie sans ? Non et Oui. Du coup elle épie discrètement le profil de son compagnon – son chevalier.

Arrête ça ! Tu es dans la vraie vie maintenant. Va falloir commencer à penser comme une adulte et stopper les gamineries.

Peu importe.
Elle le trouve beau. Pas communément beau mais il dégage quelque chose qu’elle ne sait pas expliquer, un charme propre, une fragilité à fleur de peau mélangée à une solidité rassurante.

Tu rêvasses encore !

Et alors ? Pourquoi elle ne pourrait pas rêver un peu ? Elle ne fait de mal à personne…Mieux vaut ça que de penser à sa situation, elle risquerait de faire une attaque de panique encore...

Tu fuis !

Peut-être...Rêver c'est comme ça qu'elle a toujours affronté les choses...
Elle se rencogne contre le dossier du canapé et tente de se reconcentrer sur le film… peine perdue, elle dodeline de la tête, les yeux fermés, et trouve un appui contre lequel se pelotonner. C’est chaud, c’est agréable et même si une partie de son cerveau lui envoie de multiples signaux d’alarme pour lui dire qu’elle vient de s’effondrer sur l’épaule de Ryan, l’autre partie bien plus sonore refuse catégoriquement de quitter cet abri apaisant.

Alexia produit un bourdonnement ventrale digne d'un sketch. Ryan prend conscience que lui aussi, crève la dalle et qu'il n'a pas ingurgité de pizza depuis des siècles. Il se marre encore un peu et, contre toute attente, décide de laisser son fusil sur la table de la salle à manger, à porté de regard -certes- mais pas à porté de mains. C'est, pour lui, un compromis colossal.

- Moi aussi j'ai les crocs.

Le luxe de cette baraque, l'attitude désinvolte de Viorea, et sa simple présence mettent Ryan extrêmement mal à l'aise. Heureusement, il y a Alexia, son sourire lumineux, sa joie de vivre qui parait, en cet instant, indéboulonnable. Ryan s'assoie sur le bord du divan, comme s'il rechignait à clairement s'y installer. Il suffit que sa compagne se pose à côté de lui, en rempart contre leur hôtesse pour qu'il se détendent un peu. Il a faim, il se concentre donc sur la bouffe. Assez peu galant, il se sert sans en proposer à sa comparse. Celle-ci trouve très bien le chemin vers sa pitance toute seule.
Le film est couillon. Littéralement. Une comédie de gonzesses rose-bonbon. Néanmoins, Ryan se prend à sourire quelques fois, à rire même. Le rythme est punchy et l'ensemble assez frais et léger.

- Pourquoi elle pourrait pas avoir envie de changer pour elle ? Non, faut que ça soit pour un mec évidemment…et un connard par-dessus le marché ! Merci Hollywood…
- Grave d'accord, heureusement qu'elle s'en rend compte assez vite et qu'elle se tape l'autre sexyboy.
- Wouah... Objectisation du mâle pas super respectueuse. Rappelez-moi de jamais participer à des conversations de meufs lors de soirées pyjamas... oooh Wait... ironise Ryan.
- Good one Fogboy, good one ! On va p't'êt te garder après tout ! ricane Viorea avant de ponctuer par une vilaine quinte de toux.

Le sourire en coin de Ryan fane aussitôt. Il avait presque oublié qu'elle était malade. "Son naturel de poufiasse". Le reste du visionnage est plus silencieux, presque surréaliste. L'adolescent se demande bien ce qu'il fout là, à mater des comédies romantiques avec deux inconnues, de la pizza et du coca. Entre les deux films, Viorea se lève pour aller chercher deux énorme pots de glace, vanille-noix de macadamia et fraise avec morceaux. Elle s'accapare celui à la fraise dans lequel elle pioche directement à la cuillère avant de le faire passer. Ryan louche sur la cuillère qu'elle a certainement contaminé avec sa salive de pestiférée qui trone au milieu de la crème glacée onctueuse. Viorea lève les yeux au ciel.

- Chuis pas contagieuse...
- Qu'est-ce que t'en sais ?
- Mais quel pisse-froid, sérieux !!! Blondie tu veux de la fraise ?

Le deuxième film débute, bien moins sympathique que le premier. Ryan, raide comme un "i" pioche mollement dans le pot de vanille en train de se transformer en mélasse. En réalité, il est complétement affolé par la présence décomplexée d'Alexia, somnolent sur son épaule. Il n'ose plus bouger, la respiration courte, les narines envahies par le parfum subtile de sa chevelure. Elle est si délicate, si menue, ses cils sont si longs et sa bouche si vermeille en gros plan... La panique monte lentement le long de ses afflux nerveux.
"Une fille pionce contre moi. Une fille que j'connais presque pas! Une fille bien trop jolie pour moi..."
Tournant malencontreusement la tête vers Vioréa, il remarque que celle-ci l'observe en mordillant sa cuillère, l'air franchement amusée. En captant son regard, elle lui fait un clin d'oeil et un pouce en l'air moqueur. Il rétorque d'une grimace silencieuse qui signifie vaguement "va te faire mettre, connasse". Elle glousse franchement mais prend finalement le jeune homme en pitié. Arrêtant le film en plein milieu, elle se lève et s'approche d'eux.

- Si tu peux la porter, je vous montre où vous pouvez dormir... chuchote-t-elle en lui débarrassant les doigts de son encombrant pot de glace.
- Ok...

Ryan se dandine le plus imperceptiblement possible pour glisser son bras sous les cuisses d'Alexia. Il se hisse debout avec elle et constate qu'elle est plus légère qu'il ne l'aurait cru. Katie est bien plus lourde. Elle pèse presque comme Squirrel.
Viorea les guide dans le couloir et leur désigne une pièce avec un lit unique et double, clairement une chambre parentale.

- Ma mère vit plus ici et mon père découche chez sa nouvelle meuf. Ce lit est à vous! Profitez-en... minaude-t-elle en donnant une pichenette sur le pif de Ryan qui le fronce d'irritation.

Le jeune homme dépose Alexia avec soin sur le matelas et... se trouve ensuite très embêté.
"J'fais quoi maintenant ? Je la déshabille ? Bordel de merde, quelle drôle de soirée... "
Après une profonde, inspiration, il ose finalement lui retirer au moins ses pompes.
"On va commencer par là, hein..."

De très loin, Alexia sent qu'on la soulève mais ses yeux refusent de s'ouvrir. Elle baigne dans une bulle de coton et elle est trop bien pour en bouger. Elle s'accroche vaguement à un tissu sans savoir si ce sont des draps ou autre.

La chaleur contre laquelle elle était installée s'est retirée et elle frissonne soudain ce qui a pour conséquence de secouer un peu son cerveau. Elle s'éveille en sursaut ne reconnaissant ni l'odeur de sa literie, ni son environnement. Un instant de panique, elle n'a aucune idée de l'endroit où elle est et se redresse rapidement. Elle est toujours habillée et on lui a retiré ses chaussures. Bref oeillade autour d'elle avant de tomber sur le visage de Ryan. Tout lui revient d'un coup, la fuite de chez elle, la virée avec Ciulin et puis...lui. Elle offre un sourire ensommeillée au jeune homme et remarque enfin qu'ils sont dans une grande chambre au lit double.

- Pardon de m'être endormie...le film était pourtant si bien, déclare-t-elle avec un soupçon d'ironie. Tu...euh...tu m'as portée jusque là ?
Il lui est de plus en plus difficile de le voir autrement que comme son sauveur et le pire c'est qu'il n'a pas l'air de se rendre compte à quel point tout ce qu'il fait pour elle, le moindre petit geste désintéressée à de l'importance pour elle et ne va pas de soi.

- Merci Ryan. Merci pour tout.

Elle glisse jusqu'au bas du lit et sans trop réfléchir vient déposer un baiser sur sa joue. Un baiser innocent de gratitude. Un baiser tout de même. Rouge de honte elle se recule et attrape une mèche à entortiller autour de son doigt en cherchant n'importe quel sujet de conversation. Elle se sent terriblement gauche, consciente de sa naïveté et de son "innocence" dans une époque où la plupart des ados ou déjà embrasser quelqu'un voire coucher avec. Elle en est encore au stade zéro. Elle a soudain envie de disparaître sous terre pour s'être laisser guider par son instinct et ses envies.

- C'est la chambre que nous a allouée Viorea ? Je suppose qu'elle sait qu'on est pas...oui évidemment qu'elle sait.

Il le crie assez à la face du monde.
Elle esquisse un sourire en contemplant le lit, de plus en plus rougissante à l'idée de dormir avec lui. Elle n'a jamais dormi avec personne en dehors de son tyrannosaure en peluche, Mister Hug… passer la nuit avec Ryan, même en tout bien tout honneur lui donne des palpitations.

- Au moins le lit est grand ! Et y'a tellement de cousins qu'on a de quoi faire une sorte de barricade au milieu si tu veux !

Bravo Alexia ! Sous entend que toi tu t'en fiches. A ce rythme il va croire que tu vas lui sauter dessus pendant la nuit…

- Je...hum...je vais récupérer mes affaires. Je reviens.

Prétexte parfait pour retrouver une couleur de peau normale et pour reprendre un peu ses esprits. Elle file dans le couloir et retrace son chemin jusqu'au salon rapidement. Son sac à la main elle parvient même à trouver seule la salle de bain. Elle se verse un peu d'eau fraîche sur le visage et contemple son reflet dans le miroir.
Elle se reconnait à peine. Portant les changements sont subtiles. La légère coloration de ses joues, ses yeux brillants, son attitude globalement plus légère...plus libre. Alexia aime ce début de nouveau elle autant qu'il l'effraie.
Elle se change rapidement et enfile son pyjama, un mini short et un débardeur. Sombre. Simple. Elle a néanmoins l'impression d'être nue. Trop de peau découverte. Elle enfile à la va vite un large gilet à grosses mailles sensé la recouvrir sauf qu'il n'a pas de boutons.
Évidemment.
Elle regonfle du bout des doigts et sans y penser sa chevelure dans un geste coquet et l'arrête en cours de route. Qu'est-ce qu'elle fait au juste ?

Tu vas dormir Alexia, pas à un rendez vous galant ! Tu fais n'importe quoi ! Va falloir te reprendre !

Il doit certainement penser qu'elle est idiote et débile. Elle aimerait avoir la gouaille et l'assurance de Vioréa. Mais elle n'est qu'elle...

Elle se morigène intérieurement, fait une brève toilette et tente de retrouver son chemin mais se trompe quand même une fois de côté. Elle a froid à ses jambes nues et resserre son gilet autour d'elle. Lorsqu'elle revient dans la chambre la barricade est posée. Pas bien haute mais elle fera l'affaire. Elle n'a aucune idée de quoi faire ou dire…et se dandine maladroitement d'un pied sur l'autre.

Tu...hum...tu préfères quel côté ?

Elle ne sait pas encore si cette nuit va être la plus embarrassante de sa vie ou la plus exaltante. La situation lui apparaît soudain dans son entièreté...surtout son caractère précaire. Ryan va devoir partir tôt ou tard...Que va-t-elle devenir ? Quel genre de vie elle aura-t-elle à présent ? Et ses études ? Est-ce qu'elle ne vient pas d'échanger une prison avec une autre finalement si sa mère la fait rechercher. Elle n'a fait qu'agir sans réfléchir, mûe par la peur, par l'excitation de l'aventure qu'elle voulait continuer avec lui...la seule personne qui se soit inquiété pour elle et elle uniquement. Elle tourne la tête vers Ryan, un peu perdue et lui demande doucement.

- Ca...ca va aller hein ?

- Pardon de m'être endormie...le film était pourtant si bien.
- Ahaha.. hum ... un chef d'oeuvre ! déclare-t-il un peu embarrassé.
"Heureusement que j'étais pas en train de lui retirer son froc... Le malaise !"
- Tu...euh...tu m'as portée jusque là ?
-... Euh... ouais.

Il se gratte la nuque gauchement en regardant ailleurs. L'impact de quelque chose de moelleux , doux et mouillé sur sa joue lui fait brusquement tourner la tête. Mauvais calcul. Alexia est tout près de lui -Singulièrement trop près- et elle vient de lui bécoter la couenne.

- Merci Ryan. Merci pour tout.

Il écarquille les yeux, incapable de répondre quoi que ce soit, complétement pris au dépourvu.

- C'est la chambre que nous a allouée Viorea ?
- Ouais.
- Je suppose qu'elle sait qu'on est pas
- A ton avis ? raille-t-il. Casser du sucre sur Viorea lui semble plus simple sur l'instant que de réfléchir à la perspective de cette nuit, dans ce lit, avec elle.
- ...Oui évidemment qu'elle sait.
- Bizutage de coloc, j'imagine...
- Je...hum...je vais récupérer mes affaires. Je reviens.
- ... Ouais... Ok....

Et lui ?
Que va-t-il faire ?
Continuer à rester assis sur ce bord de lit comme un gland ?
Il devrait aller sur le canapé, ça lui parait évident. Pourtant Alexia n'a exprimé aucun rejet à l'idée qu'il partage ce pieux kilométrique. Les riches ont des matelas hyper confortables, c'est incroyable ! Tout en écrivant mentalement un mémoire sur les disparité sociale au travers de la qualité de la literie, il se dessape mécaniquement, ne laissant que son boxer et son t-shirt. Au moment où il se décide que finalement, le divan sera plus safe, la jeune sorcière apparait sur le pas de la porte, lui coupant toute retraite.

- Tu...hum...tu préfères quel côté ?
"Je suis fait comme un rat..."
- Celui qu'tu veux... qu'il baragouine en la laissant prendre place en premier.

Quand Alexia a le dos tourné, il ferme les yeux et prend une grande inspiration. Il a déjà dormi de nombreuse fois avec Katie et même Murielle. Il n' y a pas de quoi en faire une montagne. Il s'allonge à ses côtés, à une distance respectable puis regarde fixement le plafond. A quelques pas de là, le film "Legaly Blond 2" a repris, ponctué de quelques crise de toux de Viorea.

- Ca...ca va aller hein ? murmure Alexia dans l'obscurité.

Il tourne la tête vers elle et tombe nez à nez avec son grand regard plein de folles espérances, de reconnaissance, d'autre mot en "ance" qui s'embrouille dans son esprit.  Alexia le fixe et Ryan déglutit.

- Je sais pas... Il tend la main vers elle et lui touche la pulpe des lèvres du pouce. Je sais pas du tout...

Mu par une pulsion inexplicable, il se rapproche d'elle, s'appuyant sur son coude, surplombant son visage poupin et ses joues pleines. Elle est vraiment très belle, laiteuse et chaude sous ses doigts. Il se penche, lentement, comme attiré inexorablement par sa bouche taillée pour sourire et pour embrasser...... avant de brusquement revenir à ses sens, de fermer les yeux et de refluer. Il s'écroule sur son oreiller et se cache le visage avec ses mains.

- Chuis désolé! Je.. je... sais pas ce qu'y m'a pris ! lance-t-il tout haut, complétement perdu. J'voulais pas te faire flipper. Chuis pas ce genre de gars qui.. qui attend c'genre de trucs... Je.... Chuis pas un connard !....  Putain de merde, cette nuit est si bizarre! J'comprend rien à c'que j'branle !

Ryan est terrifié, mortifié et honteux. Il se redresse vivement.

- J'vais aller dormir sur le canapé, t'as pas b'soin d'un mec chelou et anxieux qui t'empêche de dormir. T'as eu assez de chamboulement pour aujourd'hui.

"J'ai failli l'embrasser. Je suis un sale déglingué!"

- Je sais pas...
Elle se fige lorsque son pouce caresse sa lèvre, gardant ses grands yeux dans les siens, comme hypnotisée.
- Je sais pas du tout...

Il bouge soudain se rapproche, se penche vers elle. Elle voit tout ça au ralenti le cœur battant si fort dans sa poitrine qu'elle a peur qu'il explose. Fascinée par cette attente qui lui paraît beaucoup trop longue mais qui lui permet de ressentir tous les changements qui s'opèrent en elle, elle ne quitte pas son regard. Elle se pince légèrement la peau pour s'assurer qu'elle n'est pas encore endormie sur le canapé ou pire...dans son lit chez elle... mais non...
Il est toujours là, une lueur étrange dans le regard qu'elle est incapable de déchiffrer.

Il va m'embrasser.

Elle finit par fermer les yeux, attendant l'impact, l'appelant de ses voeux…
Mais il ne vient jamais et elle le sent s'éloigner. Elle a envie de crier sa frustration dans un "Non" impérieux mais se tait évidemment.
Est-ce qu'elle a fait quelque chose de mal ?
Ou est ce qu'elle aurait, au contraire, du faire quelque chose ?
Elle est perdue, frustrée et aimerait soudain avoir un peu plus d'expérience en la matière pour savoir quoi faire.
Elle reouvre les yeux et se redresse à son tour en se tournant vers lui. Il a le visage caché et semble mortifié. Pourquoi ? Elle voulait qu'il l'embrasse !

- Chuis désolé! Je.. je... sais pas ce qu'y m'a pris ! J'voulais pas te faire flipper. Chuis pas ce genre de gars qui.. qui attend c'genre de trucs... Je.... Chuis pas un connard !....  Putain de merde, cette nuit est si bizarre! J'comprend rien à c'que j'branle !

Elle est encore tellement abasourdie qu'elle n'arrive même pas à parler.

- J'vais aller dormir sur le canapé, t'as pas b'soin d'un mec chelou et anxieux qui t'empêche de dormir. T'as eu assez de chamboulement pour aujourd'hui.

Alexia si tu ne te bouges pas maintenant il s'en va ! Décide toi !

Elle veut qu'il reste. Ca c'est une certitude. Sa main agrippe fermement son bras avant qu'il ne puisse quitter le lit et elle cherche à nouveau son regard.

- Non ! Reste !
Cri du coeur, elle n'a pas vraiment dosé son ordre qui claque dans le silence de la pièce.

- S'il te plaît…Je...sais que tu n'es pas un connard… reste…

Être l'héroïne de sa propre histoire ca commence par agir pour obtenir ce qu'on veut et c'est bien ce qu'elle compte faire. Y'en a marre d'être passive et spectatrice. Elle s'approche doucement de lui avec une certaine grâce féline et d'une sensualité dont elle n'a même pas conscience. Elle se hisse vers lui et s'enhardit à passer une main derrière sa nuque nichant ses doigts dans ses épaisses boucles foncées avec la délicatesse qui la caractérise. Lentement elle approche à nouveau son visage du sien et ne s'arrête que lorsqu'elle sent la pression de ses lèvres contre les siennes.
Un baiser timide, inexpérimenté et d'une extrême douceur mais qui exprime une réelle envie, un réel besoin. Elle recule au bout de quelques secondes, la poitrine secouée par un souffle irrégulier, le corps bouillonnant de multiples émotions et envies la première étant l'envie de recommencer. Mais elle sait bien qu'elle n'ira pas plus loin que ça.

- Je ne l'ai pas fais par gratitude...mais parce que j'en avais envie, souffle-t-elle d'une voix qu'elle reconnait à peine, en vrillant ses yeux dans les siens. Et puis...j'aime quand c'est toi qui me chamboule Ryan.

Soufflée par sa propre audace, elle a les joues rouge mais ne se dégage pas pour autant.

- Non ! Reste !

Ryan retombe mollement sur le lit. Il se retourne et la contemple avec une expression entre stupeur et incrédulité.

-.. Tu.. T'es vraiment sûre ?
- S'il te plaît…Je...sais que tu n'es pas un connard… reste…

Le spectacle qui s'offre à lui et aussi saisissant qu'inédit (pour ses mirettes de puceau coincé.) Alexia s'approche de lui, son gilet ouvert sur un débardeur baillant sur la voluptueuse naissance de sa poitrine, la laine lui tombant négligemment sur une épaule. Elle s'approprie sa tignasse, puis sa nuque de ses doigts pâles et fuselés. Elle n'est plus seule jolie, elle également foutrement désirable.
"Merde, Merde, merde,..."
Incapable du moindre mouvement, il louche sur sa bouche qui s'approche au ralenti. Impact dans trois, deux, un... C'est étrangement moins saisissant que dans les films ou les BD, étrangement plus gracieux aussi. Pas désagréable.
Adorable.
"Encore putain !"

- Je ne l'ai pas fais pas par gratitude...mais parce que j'en avais envie.

Ryan le couve d'un regard éberlué et un peu ému aussi.

- C'est bien la première fois qu'on a envie de m'embrasser.

Il tente d'évacuer la tension soudaine, d'une toute autre nature que l'anxiété, par un peu de dérision. Simplement, Alexia ne lui en laisse pas le luxe: elle le dépiaute avec son regard de licorne, jusqu'à la substantifique moelle de son âme.

-Et puis...j'aime quand c'est toi qui me chamboule Ryan.

Ryan se fait la réflexion que c'est comme ça que les Merrows se tapent leur diner. L'adolescent a un pauvre sourire.

- On.. On est pas nous même. J'ai pas dormi correctement depuis plusieurs nuit et toi, t'a été assommée de nouvelles sidérantes et ta fugué de chez toi. Il pince ses lèvres et lui caresse la joue, maladroitement. Chuis pas en train de te rejeter... du tout... Tu.. t'es hyper ... je veux dire.. quel mec serait assez con pour repousser une fille aussi incroyable que toi ?.... Mais, tu  me connais pas, et là, dans ton univers tout sans dessus dessous, je suis une sorte de bouée, quelqu'un auquel s'accrocher. Il déglutit. Je veux que le jour où t'auras à nouveau envie de m'embrasser, c'est parce que tu me connais bien, et que tu m'apprécies..

"Ce qui n'arrivera donc jamais." Il est la banalité incarnée, la banalité "control-freak-nervous-breakdown" comme dirait Katie.

- Je vais rester avec toi cette nuit et je te sers contre moi, si tu veux, pour te rassurer, ok ? Mais je vais pas que tu fasses un truc que tu vas certainement regretter.... tu comprends ?

Elle l'a gêné. Elle le voit dans son sourire un peu piteux, elle l'entend dans le ton qu'il emploie. Sa main retombe, son visage recule. Elle regrette terriblement de s'être laissée emporter par ses pulsions.

- On.. On est pas nous même. J'ai pas dormi correctement depuis plusieurs nuits et toi, t'a été assommée de nouvelles sidérantes et t'as fugué de chez toi.

Si...si elle se sent plus elle-même depuis quelques heures que pendant le reste de sa vie. Pourquoi lui retire-t-il la seule chose qu'elle a sciemment décidée de faire depuis son entrée en première année de médecine ?
Elle sert les mâchoires quand il lui caresse la joue et détourne les yeux.

- Chuis pas en train de te rejeter... du tout... Tu.. t'es hyper ... je veux dire.. quel mec serait assez con pour repousser une fille aussi incroyable que toi ?....

Toi. Toi apparemment…
Mais c'est sa frustration qui parle.

- Mais, tu  me connais pas, et là, dans ton univers tout sans dessus dessous, je suis une sorte de bouée, quelqu'un auquel s'accrocher. Je veux que le jour où t'auras à nouveau envie de m'embrasser, c'est parce que tu me connais bien, et que tu m'apprécies.
- Ah ? Parce que là je le faisais juste parce que je suis bouleversée et que tu est le seul mec que j'ai sous la main, c'est ça ?

Son ton est sans doute plus sec qu'elle ne l'aurait voulu. Elle ravale avec difficulté la boule qui oppresse sa gorge. Elle sait qu'elle devrait plutôt trouver son attitude honorable et dans le fond elle a conscience qu'il a en partie raison. En partie seulement.
Mais elle ne peut pas s'empêcher de se sentir blessée et oui...rejetée.
Malgré tout.
Sa seule initiative envers le sexe opposé vient de se solder par un râteau dans les règles, administré avec beaucoup de gentillesse. Ce qui est presque pire. Peut-être qu'il cherche juste des excuses pour la repousser en douceur... Elle se trouve ridicule et retourne précipitamment à sa place, ses doigts s'activant déjà dans ses boucles.

- Je vais rester avec toi cette nuit et je te sers contre moi, si tu veux, pour te rassurer, ok ?

Il dit ça comme si c'était quelque chose qu'il faisait souvent. Un simple service en somme. Pas parce qu'il en a envie.

Par un miracle qu'elle n'explique pas, elle réussit à lui sourire en fixant son menton incapable d'affronter son regard.

- C'est gentil ça va aller.
- Mais je vais pas que tu fasses un truc que tu vas certainement regretter.... tu comprends ?
- Oui. Oui j'ai compris. Je suis désolée. C'est toi qui a raison. C'est...j'aurais pas dû faire ça. Bonne nuit, Ryan.

Elle se tourne sur le côté opposé et s'allonge aussi raide qu'une bûche. Les doigts crispés sur les draps, elle tente de contrôler le flot d'émotions qu'a engendré cette journée et essuie rageusement les quelques larmes silencieuses qui se sont frayées un chemin sur ses joues du plat de la main.

C'est pas faute de t'avoir prévenue...voilà où ça mène de se faire des films...

Ryan ne comprend pas les filles. Il n'a jamais eu le mode d'emploi et Katie n'est pas le spécimen le plus courant qui soit, pas plus que Jolhane, Dairine et celles qu'il a longuement côtoyées dans le Brouillard.
Vient-il de repousser la première et sans doute la dernière qui a bien voulu l'embrasser ?
"Oui comme un gros con."
S'en veut-il de ne pas avoir profité d'elle ?
"A mort ! Chuis un crétin fini !"
Oui mais voilà, Ryan O'Brian est un homme de principes et dans sa longue liste de codes moraux inattaquables il y a la règle suivante : ne pas abuser d'une fille qui vient de subir un choc moral et émotionnel.

Il l'entend nettement réprimer ses sanglots pour passer inaperçue. Cela le rend encore plus misérable et bouffi de culpabilité. S'il y a une chose qu'il ne voulait pas voir flétrir c'était son si joli sourire. Il s'allonge à nouveau dans les drap et fixe le plafond. Impossible de passer outre les reniflements étouffés d'Alexia.
Ryan en a marre d'être nul. Vraiment nul.
Alors il se déporte vers la jeune fille et caresse doucement ses cheveux (Elle a les cheveux si doux qu'on dirait du cachemire.)

- Hey.... Alex... Pleure pas, s'il te plait... Je suis désolé, d'être... Il a une boule dans la gorge, soudain. Un véritable oursin. Je suis lâche, tu sais... J'ai.. j'ai du mal ... à....

Rire pathétique et voix un peu éraillée. "Merde. j'vais chialer... " réalise-t-il alors que la première larme coule.

- Chuis un pauvre gars.. et j'ai fais des choses horribles et.... et j'ai pas l'habitude qu'on me choisisse pour quoi que ce soit...Essaie de pas trop m'en vouloir, ok ?....... Il dégouline de partout comme un imbécile. Putain... Je te fais chialer et en plus je chiale, la totale loose... Nouveau rire merdique alors qu'il s'essuie le pif et les yeux avec un revers de main nerveux. Ok. ok.. bon... Je vais te foutre la paix maintenant...

Il lui embrasse le front délicatement.

- Sache que c'était mon premier....

Il se penche et après une courte hésitation, dépose un baiser maladroit sur sa merveilleuse bouche.

- Et ça ce sera le deuxième du coup... ponctue-t-il avec un rictus triste.

Il s'apprête à sortir du lit pour aller se pieuter quelque part, n'importe où qui ne soit pas une gêne pour l'humanité.

Alexia tente de cacher ses pleurs comme elle peut et se déteste de se montrer si…fragile. Comme si elle n’avait pas déjà l’air d’une poupée de porcelaine…mais les émotions de la journée, clôturée par sa pathétique tentative de… - elle ne sait même pas quoi, séduction ? – ressortent toutes d’un coup, et le torrent est trop violent pour être maitrisé. Elle sent soudain une douce caresse dans ses cheveux et enfouie encore plus son visage dans l’oreiller.
Elle n’a aucune envie de sa pitié ou de sa compassion là tout de suite.

- Hey.... Alex... Pleure pas, s'il te plait... Je suis désolé, d'être...

Elle fait l’effort de répondre d’une voix étranglée.
- C’est pas ta faute…c’est…c’est la journée, tout ce qui s’est passé…et …et …j’suis vraiment désolée pour tout à l’heure…
- Je suis lâche, tu sais... J'ai.. j'ai du mal ... à....

Son rire la fige. Elle renifle un bon coup et essuie son visage pour se tourner vers lui, les yeux rougis et constate que lui aussi pleure. Ca lui brise le cœur. Elle ne voulait pas en arriver là…
Qu’est-ce qui se cache derrière ce chagrin ? Les épreuves qu’il a traversé certainement… elle voudrait les connaitre. Elle se redresse sur un coude alors que son pouce vient effacer les larmes sur son visage.

- Chuis un pauvre gars…
- Dis pas ça…murmure-t-elle
- Et j'ai fais des choses horribles et.... et j'ai pas l'habitude qu'on me choisisse pour quoi que ce soit...Essaie de pas trop m'en vouloir, ok ?...
Elle secoue la tête avec énergie.
- Je t’en veux pas Ryan…j’t’assure… tu…tu t’es montré exemplaire, d’accord ? Elle lui sourit à travers ses larmes. Tu m’as montré plus de respect et d’égard que n’importe qui dans ma vie, t’entends ?
- Putain... Je te fais chialer et en plus je chiale, la totale loose...Ok. ok... bon... Je vais te foutre la paix maintenant...
- Non…lâche-t-elle dans un souffle.
Ses lèvres viennent se poser sur son front et elle ferme les yeux.
- Sache que c'était mon premier...
Elle frisonne mais n’ouvre pas les yeux, pas encore. L’aveu lui noue la gorge et elle sent à nouveau ses lèvres contres les siennes, un baiser humide de leurs larmes. Elle réouvre le rideau de ses longs cils, surprise, pour tomber sur son sourire triste.
- Et ça ce sera le deuxième du coup...
Il fait le geste de partir, lui tourne le dos.

Le laisse pas faire !

Avec une vivacité qu’elle ne se connaissait pas, elle se colle dans son dos et passe ses bras autour de sa taille pour le retenir. Elle love sa joue contre son tee-shirt et lui ordonne d’une petite voix qui manque cruellement d’autorité mais pas de détermination.
- Je t’interdis de quitter ce lit ! S’il le faut je transforme la pièce en labyrinthe qui te ramènera forcément vers moi, compris ? …s’il te plait ? ajoute-t-elle, presque suppliante.
Il ne lutte pas et elle l’entraine lentement vers le matelas, se débarrassant presque rageusement des oreillers/barrières en les jetant au sol. Ses larmes à elle se sont taries et cette fois c’est elle qui le surplombe. Ses doigts caressent doucement son visage alors qu’elle lui sourit.
- Ta proposition de me serrer contre toi tient toujours ?
Elle s’installe contre son flanc, niche sa tête dans le creux de son cou et pose sa main contre son torse. Un silence s’installe, ni inconfortable, ni gênant. Alexia brouille les contours de la pièce et ils sont soudain dans la clairière qui les a réunis ce matin, éclairée par une lune haute dans un ciel piqueté d’étoiles. Un endroit sécurisant pour tous les deux. Elle encaisse la légère migraine qui en résulte. Elle a connu bien pire.
- Tu as raison, je ne sais pas qui tu es, Ryan. Mais je voudrais apprendre à te connaitre … si tu es d’accord…
Sans qu’elle s’en rende compte, sa main a trouvé la sienne et elle joue distraitement avec ses doigts tout en observant les étoiles.
- Pour moi aussi c’était le premier… avoue-t-elle finalement avant de s’endormir, bercée par des battements de cœur qui ne sont pas les siens.

Ryan sursaute. Il ne s'était pas attendu à ce qu'on le retienne, pas de manière si adorable.

- Je t’interdis de quitter ce lit ! S’il le faut je transforme la pièce en labyrinthe qui te ramènera forcément vers moi, compris ? …s’il te plait ?

Alexia fait preuve de davantage de courage qu'il n'en a jamais eu. Elle ose affirmer ce qu'elle veut, le verbaliser, même si c'est avec une adorable voix de toon. Pourquoi les filles sont-elles taillée dans cette sorte de roche qui ne parait jamais friable ? Lui s'émiette. Il perd des bouts de lui même inexorablement, depuis deux ans. "Même avant." En effet, il a toujours été renfermé, peureux, et servile.

- D.. d'accord.

Le jeune homme se laisse faire, se laisse porter. Il n'en a pas l'habitude et c'est un sentiment assez paradoxale. Est-il seulement capable de lâcher prise ?

- Ta proposition de me serrer contre toi tient toujours ?
- ...Oui...

Il a encore la gorge nouée et le timbre un peu rauque. Alexia le domine totalement avec sa petite carrure de crevette et ses boucles d'or. "Drôle de gonzesse... Sacré petit bout de femme...". Il enroule son bras autour de ses épaules et colle sa joue contre le sommet de son crâne duveteux. Il fixe le plafond qui se pare peu à peu d'un manteau d'étoiles. La chambre se transforme soudain en forêt, réconfortant habitat pour la bête craintive qu'il est. Cependant, il ne peut s'empêcher de venir poker le front de la sorcière du pouce et de masser circulairement entre ses deux sourcils.

- Fais pas ça idiote.. tu vas t'faire mal à la tête....
- Tu as raison, je ne sais pas qui tu es, Ryan. Mais je voudrais apprendre à te connaitre … si tu es d’accord…
-... ça me va, consent-il toujours un peu surpris, malgré lui, qu'une jeune fille lui porte autant d'intérêt. Leurs phalanges jouent distraitement à cache-cache les unes avec les autres.
- Pour moi aussi c’était le premier…

Ryan se fige, le regard écarquillé, les joues soudain brulantes. Son coeur a fait une embardée et malgré les ruades, Alexia s'endort comme un bébé. Lui, en revanche, est déserté totalement par le sommeil. Trop de choses empilées, trop d'émotions en une soirée... Il ne trouve le repos qu'aux première lueurs de l'aube.

... Pour à peine une paire d'heures.

Une bonne odeur de beurre et de sucre chatouille les narines des marmottes. Le soleil est vibrant au travers des rideaux et des conversations bruissent dans la cuisine américaine ouverte sur le salon. Un homme d'une corpulence spectaculaire (un bestiau barbu et grisonnant de deux mètres de haut et d'une musculature saillante sous sa chemise en flanelle) prépare des pancakes épais et molletonneux.
Viorea est debout, assise au comptoir et sirotant un thé.

- J'peux pas avoir du café ? marmonne-t-elle.
- Tu sais bien que tu ne le digère pas, draga. tu te sens comment aujourd'hui ?
- Bouarf, comme si on m'avait roulé dessus avec un tractopelle. J'ai rien pu garder de c'que j'ai bouffé hier.
- Tu veux quand même des pancakes ?
-.... On va essayer.....
- J'en fais pour Sorin et Levi tu penses ?
- Chais pas à quelle heure rentre So'. Levi est passé bouffer un peu de pizza hier. Elle a trempé toute une part de quatre fromage dans de la glace à la fraise avant de finalement m'sortir que ça manquait de mangoustes, mais qu'elle comprenait parce qu'c'était super dur à aller chercher sur le suricarbre.

L'homme pouffe dans sa barbe, ce qui équivaut à un grondement de moteur ronronnant.

- M'enfin la fin du film a semblé lui plaire... Mais elle a jugé que l'héroïne devait s'appeler Peppa parce qu'elle aimait la couleur du jambon. J'te jure elle m'défrise c'te meuf....
- Je suis content que vous arriviez à mieux vous entendre.
- T'emballe pas, l'daron. Je tolère tes marmots adoptifs... On va dire qu'êt' en train de crever m'a émoussée un peu...
- C'est ça... Répond son père avec un sourire tranquille tout en posant deux crêpe dodue et moelleuse en face de sa fille. Mange au lieu de râler, ça occupera ta bouche... et prend bien la décoction que t'a prescrite Salomon.
- ça pue le gazon, c'machin...

Il lève le nez en voyant apparaitre les nouveaux squatteurs de son domaine.

- Salut les enfants ! Pancakes ?
- Faut pas t'étonner qu'tout les animaux errants du quartier reviennent si tu leur files systématiquement à bouffer !

Alexia se réveille doucement, étonnée d’avoir plutôt bien dormi. Elle met quelques secondes à se rappeler exactement où elle est et pourquoi elle se trouve contre un corps chaud qui ronfle doucement. Elle relève lentement la tête pour tomber sur le visage de Ryan, profondément endormi et baigné de lumière. Il la tient encore tellement serrée contre lui qu’elle se dit que même dans le sommeil il ne se détend jamais vraiment.

Sa première nuit avec quelqu’un.
Sa première nuit avec un garçon.
Qu’elle connait depuis la veille.
C’est dire combien sa vie a changé en moins de vingt-quatre heures.

L’expérience fut aussi troublante que délicieuse, s’endormir en écoutant son cœur battre a eu un effet apaisant sur ses angoisses.
A priori, elle n’a pas bougé de la nuit. D’agréables effluves de cuisine parviennent jusqu’à ses narines mais elle n’a aucune envie de se lever pour le moment. Encore toute ensommeillée, elle se permet de l’observer un peu, trace les contours de son visage, joue avec ses boucles brunes en souriant tranquillement. Ce réveil semble hors du temps, hors de toute logique. Jamais elle n’aurait pensé pouvoir agir de cette façon…

Ses actions de la soirée lui reviennent soudain en mémoire. Alexia rougit profondément et replonge la tête dans le tee-shirt du jeune homme. Elle s’est comportée comme une…une espèce d’obsédée…pas étonnant qu’il l’ait repoussée ! Les lueurs du jour ont chassé sa pseudo-assurance et son audace et elle ne se sent soudain plus à sa place dans ses bras, aussi agréable que ce soit. Elle se dégage sans doute un peu trop vivement du confort de ses bras, la partie plus primaire de son cerveau lui hurlant de retourner contre cette merveilleuse chaleur. Son gilet glisse sur ses bras, révélant l’énorme bleu qui s’est formé sur l’intérieur de son coude. Alexia grimace en touchant la zone abimée – même elle sait mieux faire une prise de sang que ce pseudo scientifique – et lève la tête pour constater que le jeune homme est réveillé.

- Bon…bonjour… Pardon…je ne voulais pas te réveiller. Elle constate qu’il a encore de vilains cernes sous les yeux et fronce légèrement les sourcils. Je t’ai empêché de dormir correctement hein…j’ai l’impression d’avoir jouer les sangsues toute la nuit…désolée. Ca sent super bon ! On ferait mieux de rejoindre notre charmante hôtesse… Elle a soudain du mal à se rappeler comment se comporter normalement avec lui, ose à peine le regarder dans les yeux et bafouille misérablement. Je… euh… je vais m’habiller…

Elle se déporte vers son côté du lit et s’étire pour réveiller un peu son corps avant de s’éclipser presque sur la pointe des pieds.
Après avoir rapidement enfiler quelque chose, elle retrouve son chemin vers le salon/cuisine et rattrape Ryan, lui aussi habillé.
- Salut les enfants ! Pancakes ?
- Faut pas t'étonner qu'tous les animaux errants du quartier reviennent si tu leur files systématiquement à bouffer !
Alexia reste un moment bouche bée devant la stature du colosse qui les accueille avec bonhomie. Il est…gigantesque…et impressionnant. Les quelques traits communs qu’il partage avec ses enfants lui fait dire qu’il s’agit sans aucun doute du père de Ciulin et Vioréa.
- Euh…bonjour…oui des pancakes, ça serait…super !
Les deux jeunes gens s’approchent du père et de la fille. Alexia se glisse sur un tabouret tout en observant toujours l’homme d’un certain âge qui dégage une aura naturelle de leader et…franchement paternelle. Pour elle qui n’a jamais connu de père, c’est déconcertant à souhait.
- Merci de nous avoir prêté votre lit.
Elle rougit soudain en comprenant qu’elle vient explicitement de lui révéler que Ryan et elle ont dormi ensemble. Elle se met aussitôt à triturer ses boucles emmêlées.
- Ciulin n’est pas encore là ?

Le réveil est inorthodoxe, pour ne pas dire complétement bizarre. Habitué à ne dormir que d'un oeil et à réagir en cas de danger, il découvre que ce n'est pas Katie qui se trouve avec lui mais une créature féerique proche de la licorne. Il lui faut de longue et pesantes secondes pour remettre les choses dans leur contexte.

- Alex ?
- Bon…bonjour… Pardon…je ne voulais pas te réveiller.

Il se passe une main sur le visage. Il a l'impression de s'être endormi il n'y même pas dix minutes. Consternant.

-...' pas grave...
- Je t’ai empêché de dormir correctement hein…j’ai l’impression d’avoir jouer les sangsues toute la nuit…désolée.
- Non, c'pas de ta faute... baragouine-t-il d'une voix pâteuse. J'dors mal en général. L'habitude d'être toujours prêt en cas d'emmerdes...
-Ca sent super bon !

Il se redresse sur les coudes et constate qu'elle a raison.

- On ferait mieux de rejoindre notre charmante hôtesse…
- Oh putain.. Joie !

Il retombe comme un paquet sur l'oreiller et soupire. Il la contemple, gracieuse et nubile, dans son pyjama léger. Heureusement que la couette cache ce qu'il soupçonne être une érection matinale.
"Parfait, ce sera pas malaisant du tout de se lever maintenant..."

- Je… euh… je vais m’habiller…
- Ouais.. ouais fais ça...!

Alexia sort de la pièce à son grand soulagement et il pousse un juron en essayant de se calmer. Il saute dans son jean et son hoodie défraichi. Pas besoin d'un miroir pour savoir qu'il a une sale gueule. L'expression de Viorea vaut tout les indicateurs du monde. Il sent la présence d'Alexia lui chauffer le dos.

- Salut les enfants ! Pancakes ?
- Faut pas t'étonner qu'tous les animaux errants du quartier reviennent si tu leur files systématiquement à bouffer !
- Euh…bonjour…oui des pancakes, ça serait…super !
- M'sieur Taur.
L'adolescent s'ébouriffe les boucles mal à l'aise.
- Ryan ! Comment vas-tu ?
-... 'fait aller.
- Comment ça se passe avec Magni ? Et Jolhane ? Ils savent que tu es ici ?

Il hausse les épaules.

- C'pas leurs oignons...bougonne-t-il le visage fermé.
- Je vois... fait Kaelig avec un froncement de nez.
- C'est qui Magni? s'enquiert Viorea en mâchonnant un morceau de pancake imbibé de sirop d'érable.
- Le nouveau compagnon de Jolhane.
- Jolhane....? AH ! Tu veux dire Aria ?
- Elle s'appelle Doe! tranche sèchement Ryan.
- Jolhane Doe, appuie Kaelig en servant une nouvelle assiette de pancake à Alexia. Tiens ma grande! Le sirop d'érable est retenu en otage par ma fille et tu as de quoi te servir du jus de fruit ici...
- Merci de nous avoir prêté votre lit.

Le père de Viorea a un haussement de sourcil et un discret regard vers sa fille avant de répondre.

- Je t'en prie, y'a pas de quoi...
- Il est généreux comme ça... ironise sa progéniture.
- Ton médicament...
- Ouais ouais ouais.... Elle roule des yeux dans leurs orbites si bien qu'on dirait qu'ils vont s'échapper de leur cavité. Pourtant, elle attrape l'ampoule en verre devant elle et la casse pour en verser le contenu dans son verre.
- Ciulin n’est pas encore là ?
- Je ne suis jamais prévenu à l'avance des agissement de Ciulin. J'ai appris votre présence ce matin. Je me suis permis de ne pas prévenir Jolhane que tu étais chez moi, Ryan. Chaque homme a son jardin secret. Je te propose néanmoins de te ramener chez toi après le petit déj. Ils doivent très certainement s'inquiéter...
- J'ai pas besoin de votre sollicitude. J'vous ai rien demandé.
- Comme tu voudras, répond le vieil homme en déposant un assiette de pancakes devant lui.
- Ah lui tu lui dis pas se rincer la bouche avec ta cuisine ! Deux poids, deux mesures, vraiment ! s'offusque Viorea. Elle grimace en avalant sa mixture. Pouaaaah dégeulasse! T'inquiète Fogboy, moi aussi j'ai détesté la nouvelle meuf de mon vieux. Elle a moitié moins d'son âge et ma mère a tourné tarée une fois que le divorce a été foutu sur l'tapis. Ca a foutu un boxon monstre dans cette famille...
- Je suis là Viorea, dans la pièce... Tu peux éviter de causer de moi comme si je n'y étais pas.
- Doe est pas ma mère et MAGNI SERA JAMAIS MON PERE!

Le verre de jus de fruit qu'il tenait dans la main a éclaté en morceaux, lui entaillant profondément l'épiderme. Ses pancakes baignent dans le nectar multifruits 100% bio et l'hémoglobine. Il reste là, prostré, avec le même regard de rage contenu que hier soir.

Alexia suit la conversation avec attention et tente de recoller les morceaux seule car elle n’ose pas les interrompre pour poser des questions. Si elle a bien saisi, cette Jolhane Doe (qui s'appelle Doe ?) ou Aria... et ce Magni seraient…en charge de Ryan ? Tout est très confus pour elle. Elle arrose copieuse son assiette de sirop d’érable et sert deux verres de jus de fruit dont un qu’elle tend naturellement à Ryan.
Elle observe la décoction de Vioréa d’un œil  « professionnel » mais l’ampoule ne comporte aucune marque de laboratoire ni aucun nom.
- Il existe donc des médicaments contre cette maladie ! Bizarre je n’en ai jamais entendu parler… A quel point il est efficace ? Quel labo est sur le coup ? Elle se rend soudain compte qu’elle manque cruellement d’empathie et est encore une fois trop intrusive. Pardon, s’excuse-t-elle en plongeant le nez dans son assiette…déformation professionnelle… Ciulin n’est pas encore là ?
- Je ne suis jamais prévenu à l'avance des agissements de Ciulin. J'ai appris votre présence ce matin. Je me suis permis de ne pas prévenir Jolhane que tu étais chez moi, Ryan. Chaque homme a son jardin secret. Je te propose néanmoins de te ramener chez toi après le petit déj. Ils doivent très certainement s'inquiéter...
Alexia lance une brève œillade en direction du jeune homme. Cette nouvelle ne l’enchante pas tellement, pas du tout même. Mais elle va bien devoir faire face à ses décisions seule un jour ou l'autre. Ryan ne va pas pouvoir lui tenir la main tout du long comme une enfant. Elle craint qu’une fois parti et sa vie retrouvée, il l’oublie complètement. Comme un interlude. Comme une illusion. Comme la fille transparente qu’elle s’est toujours efforcée d’être.
- J'ai pas besoin de votre sollicitude. J'vous ai rien demandé.
- Comme tu voudras
- Ah lui tu lui dis pas se rincer la bouche avec ta cuisine ! Deux poids, deux mesures, vraiment ! Pouaaaah dégeulasse! T'inquiète Fogboy, moi aussi j'ai détesté la nouvelle meuf de mon vieux. Elle a moitié moins d'son âge et ma mère a tourné tarée une fois que le divorce a été foutu sur l'tapis. Ca a foutu un boxon monstre dans cette famille...
- Je suis là Viorea, dans la pièce... Tu peux éviter de causer de moi comme si je n'y étais pas.
- Doe est pas ma mère et MAGNI SERA JAMAIS MON PERE!

Le verre qui éclate subitement fait sursauter la jeune femme autant que son haussement de ton. Le regard de Ryan exprime la même rage que lorsqu’il a évoqué son père hier soir. Voyant sa main dégoulinante de jus et de sang, elle prend aussitôt la situation en main.
- J’ai vu votre pharmacie dans la salle de bain, je m’en occupe. Elle se lève et s’approche doucement du jeune homme, comme figé sur place.
- Ryan ?
Comme il ne semble pas l’entendre, elle l’oblige à tourner la tête vers elle, une main sur sa joue.
- Viens…il faut nettoyer ça.
Elle s’empare d’un torchon et le glisse au-dessous de la main blessée pour éviter de mettre du jus et du sang partout tout en gratifiant…quel est le nom que Ryan a utilisé déjà ? Ah oui M. Taur d’un sourire rassurant. Gentiment, elle guide le jeune homme dans le loft et le fait entrer dans la salle de bain.
- Assis toi sur le bord de la baignoire, commande-t-elle sur un ton doux mais ferme prouvant qu’elle a les choses bien en main.
Elle sort rapidement ce dont elle a besoin dans une pharmacie qu’elle a rarement vu aussi complète chez un particulier et vient déposer tout ça au sol. A genoux devant l’adolescent, elle lui fait ouvrir délicatement la main et commence par retirer les morceaux de verre coincés dans son épiderme avec beaucoup de douceur. La plupart des plaies sont sans gravité sauf une qui semble plus profonde. Elle l’examine de près puis déclare.
- Tu as de la chance, tu vas échapper au point de suture. Ne t’inquiète pas je ne suis peut-être qu’en première année mais je sais ce que je fais…Je me suis entrainée sur mes peluches, déclare-t-elle avec un petit sourire malicieux tout en guettant sa réaction du coin de l’œil.
Avec des gestes assurés, elle nettoie les plaies en tapotant un coton imbibé de désinfectant dessus.
- Désolée, ça va piquer quelques secondes.
Tout en s’occupant de panser sa main, elle se dit qu’elle aimerait lui demander ce qui s’est passé exactement. Mais elle a bien conscience de ne pas en avoir le droit. Finalement, elle opte pour une autre approche alors qu’elle bande la plaie avec application.
- Je sais qu’on se connait techniquement depuis moins de vingt-quatre heures mais…si tu veux me parler…je suis là. Elle lève la tête, vrille ses yeux aux siens et lui adresse un doux sourire. D’accord ?

- J’ai vu votre pharmacie dans la salle de bain, je m’en occupe.
- Attends... Alex!

Kaelig pose une main sur l'épaule de sa fille et secoue lentement la tête pour lui intimer de se taire et de laisser faire. Pour la première fois depuis qu'ils l'ont rencontrée, Viorea arbore une expression sincère d'inquiétude. Loin de son surjeux de Queen Bitch de Prom Night, elle semble capable d'une réelle commisération.

Ryan ne le voit pas. Il a le regard voilé par la fureur.
Il en veut à Magni d'avoir suggéré cette idée merdique de cérémonie funéraire.
Il en veut à Katie d'avoir trouvé l'idée bonne et à Jolhane d'avoir accepté.
Il en veut aux autres enfants de s'être laissés berner par cette proposition.
Il en veut à Ciulin de l'avoir mené ici, à Kaelig de ne pas l'avoir laissé pourrir dans le Brouillard.
Au même Kaelig d'être un père encore en vie alors que le sien est mort.
Il en veut à Jarvis d'avoir laissé la maladie gagner quand Viorea se bat encore.
Il en veut au monde entier de tourner comme il tourne.

Il se déteste d'avoir appuyé sur la gâchette ce jour là.

- Ryan ?

Un contact, frais, doux, sur sa joue. Une brise d'oxygène inespérée. Le jeune homme tourne la tête vers Alexia. Il revient du plus profond de lui même, là où tout est si obscure et sale que les lumières y meurent.

- Viens…il faut nettoyer ça.

Il se laisse docilement conduire, les prunelles vides, les émotions amorphes. Il a l'impression d'être une marionnette à bout de fils.

- Assis toi sur le bord de la baignoire. Il obéit et se laisse examiner. Il se sent creux. Morne. "J'en ai tellement marre d'être moi...". Tu as de la chance, tu vas échapper au point de suture. Ne t’inquiète pas je ne suis peut-être qu’en première année mais je sais ce que je fais…Je me suis entrainée sur mes peluches.
- Une licorne qui soigne des nounours ça fait sens.... qu'il répond d'une voix cassée.

Dérision. Encore. Il n'a que ça qui semble le maintenir en vie ces derniers temps. Il a tellement de colère en lui qu'il ne sait pas exactement s'il y a de la place pour d'autres choses dans sa carcasse efflanquée.

- Désolée, ça va piquer quelques secondes.

Si elle savait comme il s'en fout. Il connu bien pire.

- Je sais qu’on se connait techniquement depuis moins de vingt-quatre heures mais…si tu veux me parler…je suis là. D’accord ?

Alexia est délicate, gentille, attentionnée. Tout ce qu'il crève d'envie d'avoir et tout ce qu'il ne mérite pas. "T'as d'autres chats à fouetter, Alex. Je suis juste un pauvre type qui a tué son père."

- J'veux pas parler devant elle.

Du menton, il désigne Viorea qui se tient silencieusement contre l'encadrement de la porte. Cette dernière avance vers eux. Elle s'est défaussée de tous ses atours arrogants.

- Je suis désolée pour ton père, Ryan. Et pour causer à tord et à travers. Elle a un rire un peu fêlé. Etre condamnée, ça m'a gommé tous les filtres. Avant j'faisais attention à tout : maquillage parfait, tenues fashion, être gentille avec tout le monde, bien élevée, disciplinée, bonne élève, populaire.... Mais j'ai plus l'temps pour ces conneries , ni l'énergie de maintenir les apparences. Je suis une garce, je l'ai toujours été.
- Super discours de repentance. Ryan lève un pouce en l'air avec une mine dégoutée. Viorea hausse les épaules avec un sourire.
- Tu sais, je reconnais la rage qui t'anime. Elle m'a bouffée pendant des années, elle a explosé quand ma mère a été internée en hôpital psy en me laissant avec un père que j'connaissais presque pas, des pouvoirs que j'comprenais pas et la sensation horrible que j'avais merdé quelque part pour que ça en arrive là. J'ai haï le monde entier, mais en vrai, c'est moi que j'déteste le plus pour avoir rien vu et laisser faire... Donne-moi ta main.

Ryan observe la malade, un peu désarçonné et cherche auprès d'Alexia une forme d'approbation.

- OOOh aller ! J'essaie de me faire pardonner là !

Après une longue hésitation, il lui confie sa pogne. Viorea retire le pansement fraichement posé et agite ses doigts au dessus de la plaie. Ses prunelles perdent leur coloration pour des nuances subtiles de diamant défragmenté. Sa chevelure brune se dépigmente de la même façon et s'anime de reflets multi chromes arc-en-ciel. Le spectacle est aussi saisissant que fugace. La jeune Taur perd ses parures magiques une fois les plaies résorbées.

- Wow.... Deux licornes et un pauvre type qui sait pas boire du jus de fruit dans une salle de bain. On dirait le début d'une mauvaise blague.

Viorea éclate de rire qui se meut vite en quinte de toux. Elle se précipite pour dégueuler dans le lavabo et saigner du nez.