Ca fait un moment que Simone esquive nos petits entrevues à deux, en dehors du travail... Difficile de dire que ça me plait. Ca m'inquiète beaucoup, en fait. Je la vois courir partout, refuser de se poser et refuser de me parler comme si nous étions des inconnus et je la connais assez pour savoir que ça ne va pas. D'ailleurs, ce doit être très éloigné de la réalité parce que Simone est quelqu'un de très capable quand il s'agit de cacher derrière une allure tranquille, les milles tracas qui la dévore.

Je la connais assez pour savoir que si je souhaite la faire venir à moi, sans qu'elle ne trouve mieux à faire, sans qu'elle ne m'évite sans même s'en rendre compte, il va falloir que je la piège.
Ca ne me plait pas trop parce que je n'aime pas spécialement piéger ceux que j'aime mais la situation de Simone, quelle qu'elle soit, semble spiraler vers un fond sans fin.
Ca me plait encore moins que d'avoir recours à un petit stratagème pour finalement la faire se poser et parler d'elle, très honnêtement.
Depuis quelques temps, je remarque  qu'elle se comporte avec moi comme si j'étais un enfant en bas âge. Elle m'a toujours donné l'espace de laisser libre cours à mes forçage d'humanité mais la voir aller mal sans venir me voir, en s'imaginant peut-être qu'elle devait encaisser pour m'épargner m'attriste vraiment.
Il est temps de sortir de cette image d'enfant capricieux dont elle doit s'occuper parce qu'elle lui est devenu trop réelle et parce que ce n'est pas ce dont elle a besoin, actuellement.

Je me contente d'un message bref : "Viens au Hangar 7, vite."

Le Hangar 7 est notre nouvelle acquisition Malsheem, il devrait être réhabilité en une Brasserie artisanale servant de couverture à certaines de nos recrues. Je sais qu'elle s'imaginera qu'il y a un problème, je sais aussi que la petitesse de mon message, le manque d'explication, la fera venir plus vite que tout.

Comme prévu, elle ne met pas longtemps à arriver, parfaitement appretée, elle m'observe et détaille les lieux en cherchant immédiatement le problème. Je m'approche d'elle.

-Elskan. Je suis désolé.

Je lui souris gentiment puis pose une main sur son épaule. Téléportation direction mon domaine en Islande. Le feu y est allumé, une bouteille de vin nous attend, deux verres et un grande discussion.

-Qu'est-ce qui se passe, Elskan?

Je me repose sur le canapé et l'observe avec bienveillance et inquiétude. Elle a l'air mal, ça se voit.

L'Urgence est devenue une compagne. Elle maintient son esprit occupé à milles tâches nécessaires qui lui font oublier l’inéluctable de sa condition. Madame est désormais la Mère de Sang du jeune Leonard, qu'elle a installé chez elle et qu'elle instruit comme elle protège. Peut-être est-ce pour cette raison qu'elle s’est lancée dans l'entreprise délicate d'être l'entremise entre Asmodée et son fils. Ce serait se mentir que de le croire pleinement.
La survenue brutale d'Alrune, au moment où elle se sent le plus amoindris fait resurgir des démons qu'elle pensait depuis longtemps disparus. Simone craint d'être devenue inutile. Outil cassé, émoussé, et donc faillible, elle sent l'angoisse poindre d'être bientôt mise de côté.

Malsheem est toute sa vie.
Asmodée est toute sa vie.

Simplement, il faut se rendre à l'évidence, le démon n'est plus seul et il est entouré d'alliés solides qui ont gagné sa propre confiance. Monsieur n'aura bientôt plus besoin de Madame. Et Madame est condamnée.

La sonnerie de son téléphone la happe hors de ce sombre tourbillon de pensée. L'Urgence, encore et toujours, se fait son alliée. Elle ajuste le boléro de son tailleur-pantalon sur son chemisier en dentelles ajourée noires, vérifie la bonne tenue de son rouge à lèvres dans un miroir et glisse ses doigts dans des gants en cuir. Rien ne trahit la faiblesse dans sa mise.

Lorsque la vampire arrive au hangar 7, elle jette une oeillade alentour avant de questionner son vieux partenaire.

- Que se passe-t-il ?
- Elskan. Je suis désolé.
- Pour quelle....

Simone a à peine le temps de froncer les sourcils qu'elle se trouve entraînée dans un tourbillon qui brouille ses sens. Une téléportation surprise. Sournoise.

- ... Raison?

Le décor familier réveille en elle une émotion un peu vive. Une bouffée de nostalgie l'envahit douloureusement. Elle ferme les yeux quelques secondes pour chasser tout sentimentalisme malvenu.

-Qu'est-ce qui se passe, Elskan?
- Visiblement de quoi motiver ce genre de traquenard... Déclare-t-elle avec un sourire en coin.

Retirant ses gants, elle s'assoie très dignement auprès du démon. Avec un faux air pincé, elle ajoute:

- J'éspère que tu as un grand fromage et du pain frais pour accompagner ce vin, cela pourrait adoucir ma sentence à ton égard en ce qui concerne ce vilain petit coup-fourré. Son expression se détend quelque peu. Ai-je à ce point l'air à l'agonie ?

Ne me dis pas "oui".

-Visiblement de quoi motiver ce genre de traquenard...
-C'est pas faute d'avoir essayer de le faire à la régulière.

Je réponds avec un petit sourire en coin, moi aussi. Pour le moment, elle comme moi restons dans les apparences habituelles, maitrisées, de nos rôles respectifs. Pourtant, j'ai vu son magnifique regard s'embuer légèrement à notre arrivée. J'ai vu cette tentative de maîtrise, ses yeux fermés, pressées à l'extrême pendant une poignée de secondes. Madame me croit-elle dupe? Elle retire ses gants et s'asseoit à coté de moi, en grande dame du monde.

-J'espère que tu as un grand fromage et du pain frais pour accompagner ce vin.

Je lève les yeux au ciel avec un rire amusé.

-Ne les ai-je pas toujours, Elskan...? Je connais tes goûts.
-Cela pourrait adoucir ma sentence à ton égard en ce qui concerne ce vilain petit coup-fourré.
-Je me lasse assez vite des lapins, à vrai dire.
-Ai-je à ce point l'air à l'agonie ?

Je l'observe un moment en silence avant de pencher la tête et de poser ma main sur sa joue, délicatement.

-Elskan, tu me crois aveugle à ce point? Tu as l'air à l'agonie depuis... un moment. Je te connais, tu sais... Faute d'arriver à te faire t'arrêter à Tir Na Nog, il a bien fallu que je sorte l'arme nucléaire des boutons pauses.

Je pose ma main sur les siennes, les serres doucement et les embrasse avec douceur. Qu'est-ce qu'il t'arrive Simone?

-Maintenant que tu ne risques pas de t'envoler... Et qu'on peut un peu prendre de la distance, Simone, qu'est-ce qui se passe? Parle moi, s'il te plait.

Je lui souris à nouveau.

-Je suis là pour toi, elskan. J'aimerais que tu t'en souviennes.

Tout cela est dangereux. Madame est sur la corde raide depuis trop longtemps pour ne pas sentir fleurir à sa peau des émotions que d'ordinaire elle maîtrise parfaitement. La caresse sur sa joue lui fait pincer les lèvres. Elle déglutit et baisse les yeux.

Madame hait perdre le contrôle.
Madame ne l'a malheureusement plus depuis longtemps.

J'ai peur de te le dire.

Pensée sauvage et superflue. Elle sait la chose stupide et infondée : Asmodée ne la déconsidérera jamais. Néanmoins, elle se prend à faire le tri, à tenter de minimiser, à chercher le moindre mal.
Il n'y en a pas.

-... Simone, qu'est-ce qui se passe? Parle moi, s'il te plait.

La vampire ouvre la bouche, la referme, son éloquence naturelle la fuit. Adieux belles et clinquantes réparties. Le mutisme est, elle s'en rend compte, la dernière digue avant les grandes marées.

- Je suis là pour toi, elskan. J'aimerais que tu t'en souviennes.
- Je sais... murmure-t-elle d'une voix cassée. Elle ose lever un regard d'excuse qui les renvoie bien des siècles en arrière, à l'époque où mourante elle lui susurrait de ne pas se rendre coupable de ses propre choix. Elle n'a jamais regretté troquer son humanité pour une éternité de projets ambitieux avec lui. Jamais. "Je ne voulais pas que tu sois tout seul...".Je ne voulais pas t'accabler, c'est tout.

Un temps, un battement de coeur qu'elle n'a plus, peut-être.

- Je suis malade, Asmodée.

La confession, tombe, abrupte. Une indéboulonnable vérité.

Je ne voulais pas que tu sois tout seul,
Mais tu ne l'es plus désormais.
Si je disparais, tu pourras continuer sans moi.

Le silence et l'incapacité de Simone de pirouetter avec les mots comme elle le fait si souvent me conforte dans l'idée que tout ce qui se passe est grave. Je tente de créer un moment et un environnement susceptible de la faire parler, de la soulager un peu et de me permettre d'être à ses cotés.

-Je sais...

Sa voix vacille en notre rugueuse qui chatouille mon envie grandissante de la serrer dans mes bras.

-Je ne voulais pas t'accabler, c'est tout.
-Je comprends, mais c'est inutile, Elskan. Tu es ma famille, Simone.

Le silence s'épaissit et la sentence tombe.

-Je suis malade, Asmodée.

J'observe Simone avec sérieux. Je doute que ça ne soit les papillons. Je hoche doucement la tête.

-D'accord. De quelle maladie parle-t-on? Veux-tu que je fasse venir Buer?

Je prends le temps de passer la main sur ses cheveux avant de l'attirer à moi et de la serrer dans mes bras.

-Est-ce qu'il y a quoique ce soit que n'importe lequel d'entre nous pouvons faire pour t'épauler?

- D'accord. De quelle maladie parle-t-on? Veux-tu que je fasse venir Buer ?
- Je ne sais pas si il pourra y faire quoi que ce soit... Il s'agit d'une maladie orpheline du sang extrêmement rare qui touche parfois les vampires buvant du sang de créature ou de sorciers. Elle est complexe à diagnostiquer et les cas sont si exceptionnels que les concordances de symptômes sont difficiles à établir.  Madame, triture ses doigts, les mains jointes sur ses genoux. Je l'ai contractée il y a plusieurs mois en ayant été contrainte de me nourrir à même la jugulaire d'un sorcier.

Les circonstances sont encore trop extraordinaires pour comprendre exactement ce qu'il en a été de son voyage avec Earl dans cet autre monde. Reste les conséquences indélébiles.

- Depuis lors, j'ai perdu mon appétence pour le sang en général : j'ai un gout de cendre ou de pierre à chaque fois que je me sustente et un sentiment terrible de ne jamais arriver à satiété. Le seul sang qui a encore du gout est celui du mage que j'ai mordu. Il s'avère suffisamment compréhensif pour me fournir les doses dont j'ai besoin. Cependant, si la maladie évolue, il est possible que cela ne suffise plus. Et si ça n'est pas le cas, le temps m'est de toute manière compté : mon actuelle source de nourriture va simplement vieillir, mourir et disparaître.

Madame arbore un sourire empreint de mélancolie.

- Et moi avec.
- Est-ce qu'il y a quoique ce soit que n'importe lequel d'entre nous pouvons faire pour t'épauler?

Le démon la sert contre lui et ce simple geste sonne le glas de toute retenu. Les larmes perlent à ses cils et coulent lentement sur ses joues pâles.

- Il n'y a rien à faire... Absolument rien.

Je vais me pétrifier à tout jamais.

J'écoute Simone, patiemment. Je la laisse m'expliquer qu'elle est atteinte d'un mal incurable alors qu'elle n'a pas encore été voir Buer. C'est qu'elle doit être à bout pour ne pas écumer toutes les possibilités et conclure qu'elle est perdue, quoiqu'il arrive. L'imminence de sa mort m'effleure et forcement, serre mon coeur au point qu'il en est douloureux. Imaginer qu'après tout ce temps, elle puisse disparaître dans le néant, ne plus être là... Je ne suis pas d'accord avec ce cours des choses. Hors de question.

-Il n'y a rien à faire. M'avoue-t-elle en pleurant, serrée contre moi. Absolument rien.
-Ne dis pas ça, Elskan. Il n'y a pas rien à faire... Il y a encore une multitude de chose à essayer.

Je caresse cheveux doucement avant de l'écarter et d'étancher ses larmes avec un mouchoir de soie, tiré de ma poche de veste. Je lui souris doucement.

-Quand tu te sentiras prête, nous irons voir Buer, belle dame, toi et moi. En attendant, ton actuelle source de nourriture va probablement mourir un jour, certes mais la science moderne fait des miracles en clonage et je doute qu'avec nos moyens financiers nous ne soyons pas capable de trouver une solution palliative à la mortalité du sorcier.

J'embrasse son front et la ramène doucement contre moi.

-S'il n'y a rien à faire, alors, nous ferons en sorte que tu tires ta révérence le plus tard possible et avec le panache et la dignité dûe à Simone de Montespan, Reine de la Nuit et des Vampires.

Je lui souris.

-Ne pense pas à tenter de t'esquiver pour me préserver. Je t'aime trop pour te laisser seule, belle dame.

-Ne dis pas ça, Elskan. Il n'y a pas rien à faire... Il y a encore une multitude de chose à essayer.

Elle réalise, alors qu'Asmodée énonce des pistes, qu'elle auraient pu et dû y penser elle-même. Une sourde anxiété a damné le pion à sa lucidité habituelle. Peut-être, simplement, qu'elle ne voulait pas faire face à son mal.

Tant d'années passées,
Toujours aussi faible.

-S'il n'y a rien à faire, alors, nous ferons en sorte que tu tires ta révérence le plus tard possible et avec le panache et la dignité dûe à Simone de Montespan, Reine de la Nuit et des Vampires.

Madame est secouée d'un rire, plus proche de la jeune fille sensible et pudique des premiers temps que de la femme de tête qu'elle est devenue. Malgré la beauté, la prestance, les atours, Simone n'a jamais su se voir autrement que comme cette petite souris de bibliothèque laide et compassée.

-Ne pense pas à tenter de t'esquiver pour me préserver. Je t'aime trop pour te laisser seule, belle dame.

"Belle Dame".
Le doux sobriquet ramène Simone deux siècles en arrière. A l'époque, ce jeune godelureau démoniaque tentait désespérément d'attirer son attention pour la séduire et elle se plaisait à trouver toujours une nouvelle façon de l'éconduire. Un petit jeu fort amusant qui les avaient rendus tous deux terriblement complices, au point d'en provoquer la jalousie d'Isidora. Des souvenirs qui ressuscitent d'autres ombres, bien trop concrètes.

- Il y a autre chose... souffle-t-elle dans le creux de son épaule. Alrune est en ville. Elle s'y installe et est venue me l'annoncer en personne.

Bien malgré elle, Madame est secouée d'un tremblement.

- Je.. Je n'arrive pas... Sa phrase ne se termine pas. La honte ou la retenu laisse les mots en suspend. Simone se trouve indigne, idiote voir carrément puérile. Son coeur ne bat plus et pourtant il refuse de dépasser la douleur du rejet, l’opprobre des accusations. Alrune l'a abandonnée en piétinant sa loyauté.

Je n'arrive plus à l'aimer.
Je ne parviens pas non plus à la haïr.
Mon esprit refuse de se détacher.

Je n'ai de cesse que de caresser ses cheveux avec douceur. Je l'entends rire et cet éclat à les couleurs humides du passé. J'embrasse sa tempe délicatement.

-Il y a autre chose... me confie Simone, cachée dans mon épaule. Alrune est en ville. Elle s'y installe et est venue me l'annoncer en personne.

Je pousse un long soupire blasé. Je ne peux pas dire que faire d'Alrune une princesse démone soit ma plus brillante idée... Ce n'est pas faute d'avoir chercher une solution pour faire entrer Simone mais toutes les solutions se sont avérées beaucoup trop dangereuse. Simone m'est trop précieuse pour la jeter en patures à des démons sans avoir réussi à lui donner les armes nécéssaires... Alors, finalement, je me suis dit qu'Alrune ferait l'affaire mais depuis qu'elle est à leur tête... Sans rire, ça part en couille. Elle est devenu abstinente, allez savoir pourquoi, putain. Prouvant donc à chaque succube et incube que leur nature et leur appétances étaient donc répréhensibles et qu'il fallait les réprimer... Validant le fait qu'ils étaient visiblement de mauvaise volontés pour ne pas être plus """"normaux"""". Je ne compte plus les membres de la cours d'Alrune qui ont fuit le Pandemonium. Elle ne s'en est probablement pas rendu compte mais son attitude fait peur à ses sujets...

Et que dire de cette annonce : elle s'installe à Tir Na Nog. J'aimerais bien savoir comment elle va défendre qui que ce soit d'ici. Enfin, j'imagine que ça ne me regarde pas. Quel gachis. Je serre Simone contre moi, je connais la blessure qu'Alrune a laissé. Elle se met à trembler tout contre moi. Je la serre et embrasse ses cheveux.

-Je... Je n'arrive pas...
-Tu n'as pas à t'en vouloir, Elskan. Elle t'a trahi et tu as le droit de lui dire que c'est le cas. Tu as le droit d'agir en conséquence et de t'en distancer, de lui faire comprendre qu'elle n'a pas à intervenir dans ta vie. C'est un traumatisme profond, tu as parfaitement le droit de lui tourner le dos et de ne jamais te retourner. Qu'importe ce qu'elle a représenté ou voudrait représenter pour toi, belle dame.

Je l'écarte juste assez pour pouvoir regarder ses jolis yeux.

-Parfois, Elskan, il faut que tu acceptes le chaos de tes émotions. Les rejeter n'aident pas, écoute les et ne t'en veux pas de suivre ce qu'elles te dictent quand il en va de l'intégrité de ton mentale et de la qualité de ta vie.

J'embrasse son front et la serre contre moi.

Madame n'aurait pas mieux choisi Monsieur. Pour un démon, il fait preuve d'une empathie rare et d'une compréhension de la psyché humaine étonnante. Il a collectionné de nombreuses blessures en accueillant toujours le "Chaos de ses Émotions" et s’est toujours relevé. Simone n'est pas certaine d'avoir la même force.

- Je n'arrive pas à me détacher, Asmodée. Je suis devant elle et.. et.. j'ai une méprisable envie de lui faire du mal. J'ai envie de la voir souffrir et en même temps, j'éprouve de.. de la tendresse un peu douloureuse pour elle, je crois.... je ne sais pas....

La vampire baisse le regard en laissant échapper un silence.

- Je me dégoutte d'être toujours sous son emprise même quand elle ne l'exerce plus, confesse-t-elle finalement avec une grimace. Elle me rappelle que je n'ai été qu'une jeune femme gauche et pathétique et.... Malgré les siècles passés, malgré les nombreuses choses que j'ai accomplies par moi même, je redeviens toujours une ombre domestiquée en sa présence. Je déteste cela.... Je déteste ressentir ça !

Simone pose une paume tout en douceur sur la joue de son camarade d'éternité.

- Je n'ai pas ta résilience, tu sais, si je ne contrôle plus rien, je m’effondre. "Madame" est un mensonge façonné de toutes pièces, une armure que je continue de porter serrée jusqu’au col. Au fond je suis toujours l'insignifiante Simone de Rochechouart de Mortemart : aucun attrait si ce n’est le titre...... Et Alrune le sait.

Ce qu'elle me dit me brise le coeur, un peu. J'accueille ses confessions avec délicatesse, je la laisse faire s'échapper des années et des années de traumatismes fermement enfermés. Alrune lui donne la sensation qu'elle n'a pas avancé, qu'elle n'a jamais été désirable, que Simone de Rochechouart de Mortemart n'a aucun attrait.

-Et Alrune le sait.
-Alrune ne sait rien. Elskan... Tu n'as jamais été pathétique. tu as été victime d'une relation toxique comme il en existait tellement à l'époque. Alrune n'a aucune idée de celle que tu es et de celle que tu as toujours été. T'es pas une ombre domestiquée, pas plus que "Madame" est un mensonge, belle dame. Madame est une guerrière qui est tombée maintes fois et qui se relève toujours avec une petite replique pleine d'intelligence et de piquant. Simone de Rochechouart de Mortemart est une érudite d'un self control peu commun. Tu n'es pas une jeune femme gauche. Tu es une gestionnaire et un patronne de haute volée, tu es une mère attentive et aimante qui n'a pas hésité une seconde à recueillir un gamin dans le besoin. Tu es capable de gérer mes plans alambiqués et tu es le plus merveilleux soutiens et la meilleure camarade d'éternité. Simone, Alrune ne t'arrive pas à la cheville. Tu es bien plus qu'elle ne sera jamais.

J'embrasse doucement l'intérieur de sa main.

-Je pense que tu te sous-estime, belle dame. Je pense vraiment. Tu es d'une résilience incroyable et si tu t'ébranles à ce retour du passé, tu traverseras cette tempête. Premièrement parce que tu es une combattante et que, même si beaucoup de choses arrivent en même temps, tu ne t'effondreras pas. Ensuite, tu n'es pas seule. Et j'insiste sur ce fait. Tu n'as pas à vivre ça seule, Simone. Je ne te demande pas de me laisser gérer ce qu'il se passe, simplement, j'aimerais que tu te souviennes que tu n'es pas un simple outil pour moi, tu es infiniment plus importante que ce que tu peux faire pour moi. Je veux être là pour t'écouter et t'épauler quand tu en as besoin, Elskan. Tu n'es pas une option dans ma vie, tu es un de ces principaux moteurs.

- Alrune ne sait rien. Elskan... Tu n'as jamais été pathétique. tu as été victime d'une relation toxique comme il en existait tellement à l'époque.
- Ne dis pas ça, ne dis pas qu'elle est toxique.. s'il te plait.

Son coeur ne bat plus et pourtant il aime toujours cette Alrune solaire, blonde et délicieuse qui se tournait sans cesse vers elle pour s'enquérir de son avis. Il aime toujours et c'est bien cela le plus tragique.

- Alrune n'a aucune idée de celle que tu es et de celle que tu as toujours été. T'es pas une ombre domestiquée, pas plus que "Madame" est un mensonge, belle dame. Madame est une guerrière qui est tombée maintes fois et qui se relève toujours avec une petite réplique pleine d'intelligence et de piquant.

Simone a un rire qui s'apparente d'avantage à un hoquet douloureux.

- Foutu baratineur !*

Elle lui donne une tape, toute en pudeur rentrée, sur le bras.

- Simone de Rochechouart de Mortemart est une érudite d'un self control peu commun.
- Qui chouine présentement sur ton épaule... continue-t-elle avec un rictus ironique.
- Tu n'es pas une jeune femme gauche. Tu es une gestionnaire et un patronne de haute volée, tu es une mère attentive et aimante qui n'a pas hésité une seconde à recueillir un gamin dans le besoin. Tu es capable de gérer mes plans alambiqués et tu es le plus merveilleux soutiens et la meilleure camarade d'éternité. Simone, Alrune ne t'arrive pas à la cheville. Tu es bien plus qu'elle ne sera jamais.

Asmodée embrasse sa paume et c’est comme si elle renouvelait une nouvelle fois ses vœux de fidélité envers lui. Il est difficile de poser un mot sur ce qui les lie. Leur relation ne s’embarrasse d'aucun épithète pas plus que de qualificatif. Elle le revoit, encore, cette toute première fois, lors du bal de la Toussaint, avec ces airs de godelureau. Elle lui avait tiré les cartes, parce qu'il avait insisté, mais c'était lui qui s'était fait devin en lieu et place.

Les compliments continuent de pleuvoir. Il caressent son cerveau sans en percer complètement les défenses. Que sait-il de l'avenir ? Rien. Aussi doué soit-il, son cher prince n'a jamais su décrypter le futur comme elle le lisait dans les cartes avant que sa nouvelle nature ne la prive de cette capacité.

- ...Tu n'es pas seule. Et j'insiste sur ce fait. Tu n'as pas à vivre ça seule, Simone.
- Oui... Murmure, imperceptible.
-....Je ne te demande pas de me laisser gérer ce qu'il se passe, simplement, j'aimerais que tu te souviennes que tu n'es pas un simple outil pour moi, tu es infiniment plus importante que ce que tu peux faire pour moi.
- Oui... Dit-elle, d'une voix étranglée, les rétines miroitantes.
- Je veux être là pour t'écouter et t'épauler quand tu en as besoin, Elskan. Tu n'es pas une option dans ma vie, tu es un de ces principaux moteurs.
- Oui... Répète-t-elle, incapable de prononcer quoi que ce soit d'autre.

Madame comme en tout est digne, même lorsqu'elle pleure.

Simone m'écoute, commente et réfute la toxicité d'une relation avérée. Elle n'est sans doute pas prête à l'entendre. J'hésite. J'hésite à insister à lui mettre le nez dedans jusqu'à ce que ça se fasse un petit logis dans son esprit. Ca me semble cruel. Parce que Simone est mal, parce qu'elle se sent vulnérable et je sais à quel point elle déteste ça. Parce qu'elle se sent perdre un contrôle qu'au fond elle n'a jamais vraiment eu. Feindre la neutralité en toute circonstance, être une dame de fer ou un homme de fer n'a jamais été une grande preuve de capacité de gestion émotionnelle. Beaucoup de gens considèrent que cette gestion passe par une rationalisation systématique et Simone a toujours gérée les éclats d'émotion la traversant de cette manière. Emotion égal problème égal solution.
Elle encapsule, enferme et conditionne. Elle est d'une force incroyable. Une vaillante guerrière dans son armure chatoyante. Elle est somptueuse et maitresse et parfaite.

Cette perfection l'enferme au point que même mes mots ne l'atteignent plus. Au point où même notre amitié ne lui donne plus - et ne lui a peut-être jamais- donné l'espace d'exprimer.

Alors elle pleure, ma belle dame. Contre mon épaule mais à des années lumières.
Elle pleure et elle est inapprochable, même pour moi. Je sens bien que mes mots ne l’effleurent qu'à peine. J'aimerais qu'elle dévérouille cette armure. J'aimerais m'assurer qu'elle sait qu'elle peut l'enlever et comment le faire.
Je ne sais pas quoi faire exactement pour l'aider, est-ce que j'y peux quoique ce soit, d'ailleurs? Je caresse ses cheveux.
Au moins, elle accepte qu'elle n'est pas seule, elle accepte que je sois à ses cotés dans ce moment.


Le silence s'étend pendant une éternité, seulement troublé par les sanglots étouffés de Simone. Je sens sa cage thoracique se contracter pour les empêcher de sortir trop fort. J'aimerais lui dire de décontracter ses muscles, j'aimerais avoir l’honnêteté d'Elie et faire sauter les verrous avec son aisance, avec sa foi absolue dans la nécessite de le faire et de le faire vite.
J'aimerais pouvoir.
Qu'est-ce qui m'en empêche, exactement? Pourquoi ma langue et ma bouche me semble peser des tonnes...?
J'essaie de suivre l'exemple de la personne la plus humaine que je connais. J'ouvre la bouche pour dire des choses difficiles.

-Je continuerais de le dire, Simone... Que cette relation est toxique.

Je cherche mes mots, pour une fois.

-Parce qu'elle l'est et que tu refuses de le voir. Ca te fait du mal et je tiens trop à toi pour rester silencieux. Je ne te pousserais pas à arreter de voir Alrune, je ne te lancerais pas des pics à chaque fois que tu penseras à elle de manière positive ou que tu justifieras ce qu'il s'est passé - si tu le fais. C'est ton chemin à toi de réaliser qu'être une victime n'est pas être faible. C'est ton chemin à toi d'accepter  ces émotions, d'apprendre à les connaitre et à les traiter comme il te convient le mieux pour les évacuer et libérer ton esprit.

Je regarde le sol. Allez savoir pourquoi, j'ai l'impression d'etre parfaitement horrible.

-Mais c'est mon rôle de compagnon d'éternité que de te dire ces choses là. Comme c'est également le mien de te dire que oui, tu chouines, oui tu pleures, oui tu es envahi par des centaines d'émotions. Mais tu as le droit. Tu es la seule personne qui te refuse ce droit. Parce que tu ne te pardonnes pas la faiblesse dont tu penses avoir fait preuve. Et je ne vois pas cette faiblesse mais pour toi, elle existe. De la même manière que tu ne vois pas l'être maléfique que je vois en moi. Mais j'espère qu'un jour tu pourras regarder celle que tu étais avec compassion et bienveillance et amour.

Je tourne un peu la tête pour regarde ma belle dame. Je sais la force mentale qu'il faut pour se maintenir comme Simone le fait. Je connais la puissance de Simone. Je sais à quel point c'est une centrale nucléaire sur le sujet.

-y-a-t-il quoique ce soit que je puisse faire pour... t'aider ou te soulager?

Parce que je ne sais pas quoi faire pour t'apaiser, je ne sais pas quoi faire pour t'atteindre. Peut-être que c'est la découverte de cette maladie ou peut-être simplement que je ne suis pas assez perspicace pour trouver l'ouverture mais ça ne m’empêchera pas d'essayer, d'être à tes cotés et de ne pas en bouger aussi longtemps que tu auras l'envie et le besoin.
Je prends ses mains une nouvelle fois, sans les lâcher.

-Oh... Et je ne baratine pas, aussi. Je pense chaque mot, Elskan. Je n'ai jamais été aussi honnête de toute mon éternité. A mes yeux et aux yeux de beaucoup de gens que nous cotoyons, tu es tout ce que je t'ai dit. Pas moins.

Je me rappelle d'Elie me parler longuement de Simone et prendre exemple sur elle, parfois. J'ai l'image de Ciulin me dire avec ses mots ce que l'aura de Simone lui inspire. Enzo et sa révérence face à la belle dame qui, pour une fois, calme la libido galopante du Dom Juan. Salomon et ses courbettes malgré sa puissance phénoménale. Zelan dont elle a réussi à capter l'attention. Kaelig et son appréciation silencieuse de l'efficacité, de la precision et de la force de cette vampire en tailleur parfait.
Tous. Ils la voient comme une guerrière. Tous la savent intelligente et perspicace et magnifiquement drole à sa manière.


-Je ne te baratine plus - si ce n'est pour ne pas travailler - depuis bien longtemps, Belle dame. J'ai arrêté ce soir, il y a longtemps lors du bal de Toussaint. Je ne t'appelle pas belle dame pour te complimenter mais parce que je te trouve magnifique. Je ne te dis pas que tu es une guerrière pour t'inspirer un courage que tu possèdes déjà mais parce que tu es une combattante incroyable et que je suis honoré de me battre à tes cotés. tu es tout ça. Tu l'as toujours été. Il t'a simplement fallu apprendre et grandir comme on doit tous le faire. Tu n'es pas un échec en devenir si tu te laisses aller. Tu es une merveilleuse personne qui mérite de pouvoir se laisser aller à ressentir et vivre la tempête qui la ravage de l'intérieur pour pouvoir enfin l'évacuer.

Et je pense une nouvelle fois chaque mot et je me prends à avoir les larmes aux yeux à l'idée qu'elle s'imagine que je la flatte, à l'idée qu'elle évince à nouveaux mes confessions par une nouvelle pirouettes. J'aimerais qu'elle se voit comme je la vois, juste quelque secondes. Juste un peu. Juste assez pour qu'elle réalise la merveilleuse personne qu'elle est. Avec ses défauts et ses qualités.
Et si je n'avais pas dit les mots qu'il fallait? Et si elle restait loin à souffrir à l'horizon?
L'idée m'est insupportable. Parfaitement insupportable.
Comment fait Elie pour ressentir et livrer cette intensité tout le temps? C'est douloureux à l'extrème. D'un coup, je me trouve ridicule d'avoir pensé à Simone et son incapacité à s'ouvrir quand je n'avais pas imaginé les conséquences d'une honnêteté si violente. Mais je suis prêt à affronter cette nouvelle sensation. Ca vaut le coup.

-Je continuerais de le dire, Simone... Que cette relation est toxique.

Simone se mord la lèvre inférieure. Sa tête sait, son coeur s'y refuse. Il renâcle à se mettre d'accord avec la partie raisonnable de son cerveau. Une part d'elle, fragile et enfouie nourrit toujours des sentiments tendres pour la blonde créature qui a un jour remarqué sa présence et fait d'elle son amie, car plus qu'une suivante, c'est ce qu'elle se sentait être. La jalousie pourrit tout. La confiance s'est fissurée et leur relation s’est brisée en milles morceaux. Alrune n'était pas coupable d'être aimable et jolie. Elle n'était pas coupable d'être elle même.

Je l'adorais autant que je l'enviais.
C'est moi la tumeur de cette amitié.

- Parce qu'elle l'est et que tu refuses de le voir.
- Tu me vois trop aisément en victime, réplique-t-elle plus sèchement qu'elle ne l'aurait souhaité. Je ne suis pas l'oie blanche que tu t'imagines !
- Ça te fait du mal et je tiens trop à toi pour rester silencieux. Je ne te pousserais pas à arrêter de voir Alrune, je ne te lancerais pas des pics à chaque fois que tu penseras à elle de manière positive ou que tu justifieras ce qu'il s'est passé - si tu le fais. C'est ton chemin à toi de réaliser qu'être une victime n'est pas être faible.
- Tu ne comprends pas !
- C'est ton chemin à toi d'accepter  ces émotions, d'apprendre à les connaitre et à les traiter comme il te convient le mieux pour les évacuer et libérer ton esprit....
- AHAHAHA  ! Son rire tonne, cruel. Mes émotions.... Je l'aimais, Asmodée! Je l'aimais si profondément que je ne supportais pas de la partager. Je détestais ses amourettes stupides et ses amants pour lesquels elle tombait systématiquement en pâmoison. Je ne supportais pas de la voir devenir si bête, si passable. Je m’enorgueillissais d'être la seule à savoir la faire briller, d'être la seule à connaitre sa véritable beauté! J'étais dévorée par l'idée qu'elle m'abandonne ! Je jalousais sa facilité à se lier aux autres parce que moi.. MOI... Son poing s'abat sur sa poitrine avec une violence rare chez elle... Moi je n'avais qu'elle! Je me suis accrochée à l'idée que j'étais la seule personne en laquelle elle avait confiance et cette dernière conviction est morte le jour où elle m'a accusée de l'avoir vendue à ses parents.

Un silence passe.
Un silence que le démon comble de douces palabres, de pensée vraies, s'il en est. Il a toujours été convaincu qu'elle était, dans un sens, plus noble que lui.

Idiot.
Adorable idiot.

- Tu as une trop haute opinion de moi, mon tendre ami. Bien trop haute... Elle lui caresse la joue avec une expression transie de désespoir qu'il ne lui a vue qu'une fois, lorsqu'elle est morte dans ses bras. Pourquoi crois-tu que je me sois transformée en vampire ? Parce que je suis une amie fidèle ? Parce que je voulais continuer à te servir ? Parce que je croyais en ta cause ? ... Il y a certainement de cela, oui, mais surtout, surtout.... Je ne voulais pas t'abandonner à Alrune, ni à quiconque. Je ne voulais pas céder la place que tu m'avais laissée à tes côtés. Je ne supportais pas l'idée d'être remplacée.

Son beau visage se tord sous le poids de son propre dégoût d'elle-même.

- Me détesteras-tu si je te dis que je te voulais pour moi et pour moi seule ? Simone a un ricanement douloureux. Peu importe le nombre de tes amants ou de tes amis, je veux être la seule valeur immuable de ta vie.  Tu vois, je ne suis pas une "belle dame", je suis une horrible harpie... C'est moi qui suis toxique et toi qui refuse de le voir.

Madame tente d'essuyer ses larmes sans épancher son maquillage.

- Tu as toutes les raisons d'être déçu et de me mépriser mais... ne me hais pas, si tu y arrives. Ne me hais pas s'il te plait....

L'explosion est brutale. A la hauteur de centaines d'années d'encapsulage consciencieux. Une petite Elie, nichée dans un coin de mon esprit, sourit et hoche la tête. L'explosion m'est douloureuse. Non pas que ce qu'elle dise renverse mon opinion d'elle ou ma confiance absolue en elle. Cette haine absolue d'elle-même.

Au moins, on avance. Au moins, elle avance.

Je retrouve dans ses prunelles une émotion que je n'ai pas vu depuis longtemps. Salut Simone, ça faisait longtemps. Je l'écoute m’énumérer les raisons de ses choix et m'expliquer à quel point c'est une horrible personne. Son visage se contorsionne sous le poids de son jugement implacable.

-Me détesteras-tu si je te dis que je te voulais pour et pour moi seule ? Peu importe le nombre de tes amants ou de tes amis, je veux être la seule valeur immuable de ta vie.

C'est ce que tu veux et pourtant, tu es capable de me laisser aimer. C'est à toi et uniquement à toi que tu fais du mal.

-Tu vois, je ne suis pas une "belle dame", je suis une horrible harpie... C'est moi qui suis toxique et toi qui refuse de le voir.

Je pousse un long soupire. C'est donc ça qu'il y a au fond de ton coeur? Cette haine de soi si profonde, si sauvage.

-Tu as toutes les raisons d'être déçu et de me mépriser mais... ne me hais pas, si tu y arrives. Ne me hais pas s'il te plait.

Je l'observe un moment, en silence. Mes sourcils sont froncés sous l'effort que je fais d'imaginer pourquoi je devrais la mépriser, être déçu ou la haïr.

-Pourquoi je devrais te hair, exactement? Ou être déçu, d'ailleurs?

Je hausse les épaules.

-Simone... Encore heureux que tu ne te sois pas transformé en vampire uniquement parce que tu es une amie fidèle. Est-ce que j'aimerais que tes raisons soient moins centrées sur moi...? Oui... Et non. Oui, parce que je veux que tu profites de ton éternité, non parce que je n'ai aucune envie que tu t'en aille de ma vie, parce que tu m'es trop importante et que tu m'es trop précieuse. Tu crois sincèrement que je me suis senti seulement coupable de ton choix? Belle dame, j'étais tellement soulagé de ne plus avoir à continuer seul.

Je ris un peu et essuie mes propres larmes.

-Votre relation est toxique, Simone. Parce que Alrune attise tes pires travers dont elle dépend et que tu as dépendu des siens. Aujourd'hui, elle revient après avoir trahie votre confiance. Je n'aime pas Alrune parce que sa proximité te fait du mal. Et parce que je lui file un trône gratos de Reine de Succube et qu'elle devient abstinente et débarque sur terre. Elle me gave. Je n'ai jamais dit que c'était la pire personne du monde. J'ai simplement dit que votre relation était toxique parce qu'elle l'est. Parce qu'elle n'est pas capable, par égoïsme, de prendre le recul dont tu sais faire preuve sur votre relation pour avouer, simplement qu'elle a été cruelle. Bien sur que tu n'es pas toute blanche, Simone. Personne n'a jamais dit que tu l'étais. Je n'ai pas une trop haute opinion de toi, Elskan.

Je pose la main sur sa joue et la regarde en souriant.

-Je sais juste que tu es humaine. Tu as toujours portée cette humanité comme une preuve de ta malveillance latente. Bien sur que tu fais des choses par égoïsme, bien sur que parfois tu es jalouse, tu envies. Ca fait partie du jeu. Simplement, à mes yeux et aux yeux de beaucoup de tes proches, Simone, tes actions pèsent plus que tout. Tu te blames d'avoir aimé Alrune. Tu te blames de m'aimer, moi. Pourtant, il n'y a rien à blamer. La seule différence, fondamentale, entre les deux, Simone. C'est que je le vois, cet amour. Qu'il m'est précieux. Qu'il est réciproque même s'il n'est pas exclusif dans mon cas. Tu n'es une harpie qu'envers toi, Belle dame. Parce que regardons les faits : tu me veux pour toi seule, tu veux garder ta place à mes cotés pourtant tu ne t'es jamais opposée à Ciulin que tu sais différent de tout les autres. Tu l'as aidé, tu l'as écouté, tu l'as fait membre de notre famille. Parce que c'est ce qu'on est toi et moi : une famille. Qu'on sait ouvrir au nouveaux arrivants. Tu es dure avec tes ressentis et tu t'empeches de les vivre. Du coup, tu les empêches aussi de mourir

J'inspire doucement.

-Tu as une âme humaine, Simone, et personne ne peut te reprocher ça. Surtout pas moi. La dualité fait partie de ce que l'on est. L'enfermer sans jamais la laisser sortir, ne serait-ce qu'en en parlant à quelqu'un, pour la laisser moisir et se décupler te fait un mal de chien.

Je m'agenouille devant elle pour lui faire face.

-Je n'ai aucune raison d'être déçu, Simone. Je suis triste de te voir si pleine de haine avec ma compagne. Soulagé que les digues sautent enfin. Confiant dans ta capacité à être et demeurer juste, humaine et adorablement bornée.

Je souris et pose la main sur la sienne.

-Et surtout. Je ne te hais, Simone. Jamais. Je t'aime, Elskan, et ce depuis le début.

Les mots d'Asmodée lui font du bien. Ils lavent un chagrin qu'elle devine présent depuis des lustres. Il est vrai qu'elle n'a jamais été aimée : ni de ses parents, déçus d'une héritière si peu bonne à marier; ni d'Alrune trop égoïste pour ne pas la voir autrement que comme un bibelot possédé; ni de sa mère-en-ténèbres qui l'a abandonnée. De fait, il lui a toujours semblé impossible d'être un jour le premier choix de qui que ce soit, à moins de lui être indispensable. C'est ce qu'elle s'est acharnée à devenir pour lui, par tous les moyens possibles. Son éternité n'a pas de sens sans lui en son centre.

Mais je ne serais jamais cette femme là.

Elle ne suscitera jamais la passion, elle ne tournera jamais les têtes, elle ne saura jamais ce qu'est l'amour dans sa signification la plus romantique. Sa propre chair n'a jamais été honorée de ces sortes de caresses qu'elle soit encore chaude ou à présent froide. C'est une conviction profonde à présent, un deuil qu'elle a accepté. Ciulin incarne tout ce qu'elle ne pourra jamais apporter à Asmodée et c'est bien ainsi.
C'est pour le mieux.

Simone éclate en sanglots lourds et sans retenue, cette fois. Le Prince-démon la retrouve dans sa plus simple expression, dépouillée des artifices dont elle se pare comme une armure, afin que jamais l'on ne puisse avoir prise, afin que personne ne la prenne en défaut. Il la redécouvre aussi fragile, forte et écorchée que lors de son passage à la non-vie. L'armure est lourde, elle laisse des marques profondes sur son âme éreintée et son coeur qui ne bat plus.

- Moi aussi, je t'aime, Asmodée. Elle a un rire voilé entre ses larmes. J'aime Ciulin. J'aime Leonard. J'aime Vesper, Elie, Salomon et Amon. Vous êtes ma famille. Vous êtes ce que j'ai de plus précieux. Tu es celui qui m'a permis d'avoir tout cela et c'est un sentiment merveilleux d'être... d'être importante pour chacun d'entre vous. Je te promets de ne plus m'aveugler au point de perdre cette évidence fondamentale de vue. Alrune ne pourra jamais rien y changer. Je t'en fais la promesse.

Elle le sert dans ses bras avec une effusion dont elle s'est toujours empêchée de faire preuve.

- Merci....

Ils restent ainsi l'un contre l'autre, pièces immuables d'un tout. Après un moment, Fidèle à elle même, Madame reprend ses droits et s'essuie les yeux avec dignité.

- Puisque.... Puisque nous en somme à évoquer mon entêtement. J'ai, peut-être, outrepassé un peu mes prérogatives. Ses lèvres se pincent mais, ils ont emprunté une voix d'honnêteté sans barrière ni tabou, il lui faut persévérer sur cette lancée. J'ai pris contact avec ton fils : Kolbeinn.

Silence.

-...Comme pour chaque vampire qui entre dans cette ville, je me suis présentée en ma qualité d'ambassadrice de la communauté vampire.

Simone pleure, enfin. J'en suis soulagé à un point inimaginable. Elle lache enfin un peu prise, ne serait-ce que cette poignée de minutes. Je reste près d'elle, la garde contre moi et la berce jusqu'à ce qu'elle me sert avec force dans ses bras. Moi aussi, je t'aime, a-t-elle dit. Je ne peux pas m'empecher d'avoir une joie juvenile au coeur en entendant cette déclaration, elle se meut en une joie plus adulte en l'écoutant énumérer les membres de notre famille chaotique.

-Merci...

Je secoue gentiment la tête en lui souriant. Pas besoin de me remercier, elskan.
Madame refait surface, j'espère le coeur plus léger ou apaisé. Je l'observe s'essuyer les yeux et reprendre cette posture si familière.

-Puisque... Puisque nous en sommes à évoquer mon entêtement.

Je ne peux pas m'empecher de sourire.

-J'ai, peut-être, outrepassé un peu mes prérogatives.

Je plisse un peu les yeux sans me départir de mon sourire.

-J'ai pris contact avec ton fils : Kolbeinn.

J'avoue que mon sourire disparait un peu à sa mention.

-Comme pour chaque vampire qui entre dans cette ville, je me suis présentée en ma qualité d'ambassadrice de la communauté vampire.

Je pousse un long soupire.

-Je suis beaucoup trop soulagé pour être en colère et...

Je me mordille la lèvre en refléchissant un peu.

-Tu n'as pas vraiment eu tort de le faire. T'as probablement bien fait de le faire derrière mon dos. Je suis un poil.... irrationnel quand il s'agit de ma vie d'avant. On ne peut pas prétendre avoir de bonnes informations si on a pas toutes les informations... Comment l'entrevue s'est passée?

-Je suis beaucoup trop soulagé pour être en colère...

Simone sent un poids quitter ses frêles épaules. Quel soulagement que de savoir qu'il ne lui en veut pas d'avoir œuvré en catimini.

- Tu n'as pas vraiment eu tort de le faire. T'as probablement bien fait de le faire derrière mon dos. Je suis un poil.... irrationnel quand il s'agit de ma vie d'avant.
- Je ne te jetterais pas la pierre, pas après cette longue conversation à propos d'Alrune. déclare-t-elle avec un sourire.
- On ne peut pas prétendre avoir de bonnes informations si on a pas toutes les informations...Comment l'entrevue s'est passée?
- Pas mal... Pas bien non plus. Ton fils est d'une austérité de caractère qui tranche avec ta volubilité. Néanmoins, il ne s'est pas montré hostile. Simplement... Il très difficile d'accès : il ne montre rien, ne semble rien ressentir, n'alimente que peu une conversation. Il ne s'est pas montré irrespectueux, mais j'ai senti le dédain classique des Anciens pour les "nouveau-nés". J'ai beau avoir deux-cent ans et des poussières au compteur, ce n'est rien à son échelle. Et puis, je suis une femme : je crois que ça ne le met pas beaucoup à l'aise. Enfin, c'est là mon interprétation. Je peux me tromper. Il est difficile à lire même pour moi. J'ai tenté de créer un contact pacifique mais j'ignore si ça a pris. Espérons que Bertus parvienne à de meilleurs résultats. Il est directement affecté sous ses ordres à priori. La camaraderie entre hommes sera peut-être plus payante.

Prononcer le prénom du doyen des Taur lui fait traverser l'océan en pensée. Elle ne sait toujours pas comment se comporter avec lui, c'est déstabilisant. Leur dernière entrevue s'est terminé sur un mouvement d'humeur de sa part, dont elle est rarement coutumière.

- Asmodée... Pourrais-je te poser une question personnelle ?... T'es-t-il déjà arrivé de te trouver face à quelqu'un qui t'empêche de rester stoïque? demande-t-elle avec grand sérieux.

On est deux vieux au coeur fragile. Voilà ce qu'il en est. Parfois on est irrationnels. Bon. Souvent dans mon cas, je crois. Elle sourit et je passe machinalement ma main dans ses cheveux. Les traces des larmes sur ses joues m'affectent encore mais l'orage est passé. Je la sens plus légère, libérée.
J'écoute tranquillement ce qu'elle me raconte sur mon fils.

-Il est très difficile d'accès : il ne montre rien, ne semble rien ressentir, n'alimente que peu une conversation.

Ca tranche forcément avec l'image que j'ai de lui, enfant. Ca m'attriste et ça ne m'étonne pas. Le monde n'a pas son pareil pour blaser. Ajoutez à ça un père qui aurait pu être présent et la brutalité d'être une créature de la nuit et voilà.

-Il ne s'est pas montré irrespectueux, mais j'ai senti le dédain classique des Anciens pour les "nouveaux-nés". J'ai beau avoir deux-cent ans et des poussières au compteur, ce n'est rien à son échelle.

Vrai. Il est le produit d'une époque lointaine et révolue. Il est presque aussi vieux que moi. A nos échelles, les années séparant un père humain de son enfant n'ont plus réellement de sens.

-Et puis, je suis une femme : je crois que ça ne le met pas beaucoup à l'aise.

J'hausse les sourcils d'un air étonné. Kol est devenu un mysogine....? Je crois que c'est ça qui me fait le plus mal dans l'histoire putain.

-Espérons que Bertus parvienne à de meilleurs résultats. Il est directement affecté sous ses ordres à priori. La camaraderie entre hommes sera peut-être plus payante.

Peut-être. J'ai des doutes s'il a du dédain pour les nouveau nés... Cependant, si Kol doit être quelques chose, c'est un guerrier. Et les guerriers respectent les prouesses de leur frères. A voir. Alors que je devise en interne sur mon fils comme si j'avais le droit d'avoir un quelconque impact sur sa vie, Simone me coupe dans mes pensées.

-Asmodée... Pourrais-je te poser une question personnelle?...

Je me tourne vers Simone, étonné.

-Oui.... Pourquoi tu ne pourrais pas? J'crois qu'on est dans le personnel, là nan?

Je lui offre un sourire qui contemple son air sérieux. Qu'est-ce qui se passe....?

-T'est-il déjà arrivé de te retrouver face à quelqu'un qui t'empêche de rester stoïque.

Je la regarde quelques secondes avec un air con.

-De... rester Stoïque....

Je plisse les yeux.

-Comment ça....?

Je pouffe de rire.

-Elskan.... Tu t'es trouvé un amoureux....?

Je l'observe un instant avant de dire.

-Bah écoute, oui. Y a des gens auxquels on réagi. Mais j'ai besoin d'un peu plus pour comprendre, j'crois. Attend.... Tu parles de Bertus là?

- De... rester Stoïque....Comment ça....?

Asmodée singe un des regards assassins dont Simone a le secret et Madame a un pouffement discret qu'elle cache derrière sa main.

- Idiot que tu es...
- Elskan.... Tu t'es trouvé un amoureux....?

Ses yeux immenses s'arrondissent de stupeur. Si la vampire pouvait encore rougir, sont teint aurait viré à l'écarlate.

- Enfin! ... Je... Non ! se défend-elle, trop vivement et avec trop peu de répartie pour que ce ne soit pas suspect.
-Bah écoute, oui. Y a des gens auxquels on réagi. Mais j'ai besoin d'un peu plus pour comprendre, j'crois.
- Ah... fait-elle embarrassée. Elle n'est guère douée pour évoquer les émotions avec autant d'éloquence que son interlocuteur et encore moins les siennes, en générale confinées dans d'inexpugnables oubliettes. Hé bien... Disons que la personne est, comment dire... déstabilisante. Quoi qu'elle fasse, tu ne parviens pas à rester de marbre. Sans s'en rendre compte elle glisse de l'impersonnel neutre au possessif. Il fait preuve cynisme buté et insolent qui met à mal ma patience et qui confine parfois au nihilisme stupide. Il fait exprès de jouer les imbéciles pour me faire sortir de mes gonds alors que je sais pertinemment que c'est un être d'une plus grande finesse et d'une plus grande intelligence qu'il ne veut le laisser croire. Il a cette sensibilité à fleur de peau complétement désarmante qui me donne paradoxalement envie de le protéger, d'être son alliée, d'être son amie ! Mais chaque fois que je tends une main sincère vers lui, il la repousse en pensant à un calcul. Je ne devrais pas m'en trouver mortifiée mais je suis incapable de.... Elle agite les mains comme si elle mimait une cocotte minute sur le point d'exploser. Elle ne s'est pas aperçue à quel point elle s'est animée au cour de sa description...de.. de garder mon impassibilité avec lui!
- Attends.... Tu parles de Bertus là?

Simone ouvre la bouche avec un air coupable de fillette prise la main dans le bocal interdit de confiseries.

- Non !.. Oui....Silence gêné. Admettons que je parles de lui. Regard qui fuit.

N'est-elle pas adorable, ma simonette quand elle parle de premiers émois....? Plus elle parle et plus je me retrouve avec l'excitation excessive d'une meilleure amie de sitcom. J'ai envie de rire et de la titiller mais je me tiens par égards pour ses sentiments et sa tentative difficile d'aborder ses émotions avec le jeune et fringant Bertus. Définivement, la Roumanie a ses entrées dans cette famille, on se croirait en pleine invasion.

-Pour résumer... Il est insaisissable, attirant et intellectuellement plus développé que les brocolis habituels qui tentent de te tourner autour...? Et tu n'es pas insensible à tout ça. J'avoue, il est plutot beau garçon et pas non plus dénué de plein de choses intéressantes.

Je hausse les épaules doucement.

-Vu la famille cheloue que s'est baladé Bertus et les peripeties par lesquels il est passé, est-ce que c'est pas un chouïa normal qu'il soit un peu persuadé qu'on le manipule. J'veux dire, on l'fait. On lui a pas laissé beaucoup de choix et on a monté toute une pièce de théatre pour que le check-up d'entrée chez les Hurlants soit concordant avec son histoire. J'veux dire, il sait qu'on manipule assez bien notre petit monde. Pour en revenir à nos moutons et ton p'tit sirop de fleur bleue. Oui, ça s'appelle avoir de l'attirance ou tomber amoureuse. Tu verras bien si ça persiste après l'avoir baiser.

-Pour résumer... Il est insaisissable, attirant et intellectuellement plus développé que les brocolis habituels qui tentent de te tourner autour...?
- "Brocolis"... Ai-je une tête de macédoine !? s'offusque-t-elle.
- Et tu n'es pas insensible à tout ça.  Elle ouvre la bouche pour répliquer mais elle ne fait que gober les mouches. De fait Madame ferme son clapet. J'avoue, il est plutôt beau garçon...
- Il est.... Une image vivace du fessier de Bertus au galbe parfait chatouille la mémoire de Simone...esthétiquement appréciable.
-...et pas non plus dénué de plein de choses intéressantes.
Froncement de sourcils suspicieux.
- Comment peux tu le savoir... ?

Son laïus sur la manipulation n'est pas dénuée de bon sens et Madame ne peut que lui donner raison. Pourtant, l'idée la chagrine.

- J'aimerais sincèrement qu'il cesse de se flageller et de détester sa condition de vampires. Nous ne sommes pas si malheureux....s'agace-t-elle.
- Pour en revenir à nos moutons et ton p'tit sirop de fleur bleue.
- Mon "quoi" ?! Cette fois elle lui lance son fameux regard.
- Oui, ça s'appelle avoir de l'attirance ou tomber amoureuse. Tu verras bien si ça persiste après l'avoir baisé.

Estomaquée, Simone le contemple avec une expression qu'Asmodée ne lui a jamais vue. Madame est troublée, Madame est choquée, Madame a presque une mine écœurée.

- Alors tout se résume au coït pour toi ?! Contrairement à toi, je suis incapable d'avoir ce genre de... de... Elle lève la main en signe d'impuissance à prononcer le mot cru... sans le moindre engagement émotionnel et intellectuel ! Alors donc, selon "Monsieur" je suis coincée dans un entre deux dont je ne sortirais jamais tout ça parce que je trouve infiniment plus érotique qu'il me dessine plutôt qu'il me "baise"! La belle affaire !

Elle ne sait même pas pourquoi tout ceci l'énerve autant : de ne pas savoir ou de vouloir savoir. Et puis quoi ? "Amoureuse", en voilà une stupidité qui ne convient pas à la grande et vertueuse Madame.

- De toute façon il me trouve horripilante....Alors ton bon conseil ne risque pas de s'appliquer !

Plus on discute de son petit crush plus simone  se transforme en pivoine funèbre et ça me rend extatique. Elle s'offusque, s'agace et vitupère en me lançant les yeux de la mort. Sauf que cette fois, ça marche pas. Quand j'ose enfin dire les mots interdits, elle m'observe comme si quelqu'un qui avait littéralement chier à la gueule. Et j'ai très envie de rire.

-Alors tout se résume au coït pour toi ?!
-J'suis un queutard notable, donc la réponse logique serait : oui.
-Contrairement à toi, je suis incapable d'avoir ce genre de... de...
-partie de jambes en l'air? que je complète avec un sourire malicieux.
-Sans le moindre engagement émotionnel et intellectuel !
-... Tu viens de me dire que tu l'trouvais charmant et attachant et qu'il te donnait envie de le protéger et que tu le savais très intelligent.... que je réponds en rigolant.
-Alors donc, selon "Monsieur" je suis coincée dans un entre deux dont je ne sortirais jamais tout ça parce que je trouve infiniment plus érotique qu'il me dessine plutôt qu'il me "baise"! La belle affaire!

Je hausse les sourcils et me retourne vers elle avant de dire.

-Il te DESSINE? MAIS NON? Simone, pourquoi tu me caches des informations CAPITALES! Je suis outré! ATTENDS! Erotique! Mais. Tu réalises... Attends.

Je prends ses mains et je m'approche d'elle d'un air sérieux et concerné.

-Tu réalises, Elskan, que c'est exactement parce que tu trouves ça plus érotique que.... Ca va finir par arriver. C'est... de. l'attirance. Intellectualisé à la Simone! Mais de l'attirance.
-De toute façon il me trouve horripilante... Alors ton bon conseil ne risque pas de s'appliquer !
-Ah oui, super. Il te trouve si horripilante qu'il passe visiblement son temps libre à dessiner ta tronche comme un artiste incompris. S'il te plait! Ce mec te trouve magnifique et t'occupe ses pensées! Putain, quand j'vais raconter ça à Ciulin!

Madame se sent con.
Attention, "royalement" con.
Mais con tout de même.

Bertus, même absent physiquement, lui fait perdre toute contenance et commettre des imprudences. Elle a l'impression nette et sans bavure d'avoir offert le feu au Roi des Singe qui,dans sa mansuétude simiesque, se fout copieusement de sa gueule. Un vrai babouin.

-Il te DESSINE? MAIS NON?
- ....
- Simone, pourquoi tu me caches des informations CAPITALES!
- Capitales en quoi : te donner des munitions pour m'abattre ?
- Je suis outré!
- Non, ça c'est moi.
- ATTENDS!
- Je ne suis pas partie.
- Erotique!

Elle se mordille la lèvre avec un embarras manifeste. Elle regrette que ce mot soit sorti impunément de sa bouche.

- Ma langue a fourché.
- Mais. Tu réalises... Elle n'en a pas spécialement envie, non, pas avec cette lueur de malicieuse infamie dans le regard de son compagnon d'éternité....Attends.
- Je suis toujours à l'arrêt.
- Tu réalises, Elskan, que c'est exactement parce que tu trouves ça plus érotique que.... Ca va finir par arriver. C'est... de. l'attirance. Intellectualisé à la Simone! Mais de l'attirance.

Elle retire ses mains avec une moue digne.

-De toute façon il me trouve horripilante... Alors ton bon conseil ne risque pas de s'appliquer !
-Ah oui, super. Il te trouve si horripilante qu'il passe visiblement son temps libre à dessiner ta tronche comme un artiste incompris.
- Tu caricatures.....
- S'il te plait! Ce mec te trouve magnifique et t'occupe ses pensées!

Cette fois, elle reste sans voix, sèche de toutes répartie. Une lueur d'espérance s'est allumée dans ses prunelles bleues immense. A son propre insu. Madame est une jouvencelle.

- Putain, quand j'vais raconter ça à Ciulin!
- RIEN DU TOUT ! Je te défends de confier mes petits secrets à ta femme! silence. Prérogative de douairière du harem, lâche-t-elle avec le menton haut.