Morgann n'a pas l'air d'aller bien. Je le sais rien qu'au message qu'il m'envoie. J'ouvre la porte sur un visage qui confirme mes impressions. On peut pas dire que j'aille incroyablement bien non plus. L'expédition m'a foutu en l'air et visiblement a fait s'éloigner Kaelig aussi surement qu'un papillon est attiré par la lumière... Y a Vioréa qu'est malade -mourante- et tout le bordel autour des enlèvements.
Je suis... sur une corde raide. Funambule de l'abime en pleine effort de concentration.

Caresse sur la joue de Morgann.

-Salut, Morg'... T'as la tête d'un mec qu'en a gros sur le coeur... Viens. J'ai fait du thé et Kaelig a fait un super gateau, on va s'taper ça devant la cheminée pendant qu'on discute, ok?

Je m'efface pour le laisser entrer. C'est un peu le bordel et mes médocs sont pas rangés mais j'm'en fous. Je l'entraine jusqu'au petit salon cosy, avec ses tapis, ses plaids et ses coussins duveteux. Je m'assoies par terre, m'enroule dans un plaid et sers tranquillement.

-Alors, raconte moi. Qu'est-ce qui va pas?

Morgann a l'air désemparé. Au bout du rouleau. C'est inscrit dans les cernes sous ses yeux, dans la posture qu'il adopte et qui lui ressemble si peu. Je ne sais pas ce qu'il se passe mais ça a l'air de le bouffer de l'intérieur. Ca me peine de le voir dans cet état. Morgann est un mec bien.

-Si seulement c'était si simple...

Je m'attends à ce qu'il ne parle pas et pourtant, j'attends. Je laisse la porte ouverte au possible et il vient à moi, après un soupire à fendre l'âme.

-Comme tu le sais déjà, j'ai retrouvé un membre de ma famille. Lucy, ma soeur jumelle. Mais avec elle j'ai eu le retour de tous les souvenirs que j'essayais de retrouver depuis bien longtemps. Tellement d'information. Tellement de chose horrible....

Je le vois se détourner, la pudeur dont il fait preuve face à ses larmes m'emeut. Je pose ma main sur son épaule et la presse gentiment. T'es en sécurité, ici, morgann. Personne va te juger. Certainement pas moi.

-La famille que je cherchais, mes parents disparus sans laisser de trace. C'est ma faute. Je...

Comment ça, sa faute? Il avait pas genre 10 ans quand c'est arriver.

-Je les ai tués...

Ah.

-Je ne me sens plus le même, je suis... Je suis un monstre!

Je le serre dans mes bras, fort. Très fort.

-Morg. Dis pas ça. Ok? T'es pas un monstre.

Je m'écarte de lui pour le regarder.

-Les souvenirs que t'as, aussi difficiles et traumatiques soient-ils, ne changent absolument rien, tu m'entends, à la personne que tu es. Et j'te connais, Morgann. Toi et moi, on s'connait maintenant.

Je lui souris gentiment.

-T'es pas un tueur. J'dis pas que tes souvenirs sont faux. j'dis simplement que t'as pas toute l'histoire, si ça se trouve.

Je caresse doucement son visage et l'attire contre moi.

-Voilà c'que je sais. T'es quelqu'un de protecteur, un peu tête brulée parfois, certes mais t'es quelqu'un qu'a le coeur sur la main.

Passage délicat de main dans les cheveux.

-T'es fort et t'es droit. T'es un mec bien, Morg. Quoique soient ces souvenirs. Lucy, elle t'aime de tout son coeur et vous vous êtes retrouvés et c'est ce qui compte avant tout. Tu vas pas te reveiller un matin avec l'intention de la buter ou de buter qui que ce soit. Ca se passe pas comme ça. J'ai rencontré des monstres, Morg. Des mecs et des nanas capables d'ouvrir des gamins conscients en deux pour le simple plaisir de les entendre hurler... J't'ai vu pété de cables pour proteger les gens qui te sont chers.

Je le presse doucement contre moi.

-Ca ira Morgann, j't'aiderais à déméler tout ça, ok? On va s'en sortir, tous ensemble ok? Raconte moi.

"Bonjour."

Le changement d'attitude est visible, j'observe d'un air tranquille.

-Bonjour.

J'écoute sans dire un mot. Visiblement, Ewen est présent et désire raconter son histoire. Je connais suffisamment le TDI pour comprendre que c'est un virage pour eux en tant que système.
L'histoire me rend infiniment triste. Pour eux, pour Lucy, pour le monde aussi. J'ai vu mon pesant de monstruosité et de cruauté mais j'ai toujours l'impression que les gens trouvent de nouveaux moyens d'être encore pire.
Encore plus incroyable, ça repose sur de la mysoginie crasse. Toutes ces cicatrices, toute cette peine, parce qu'un homme n'a pas accepté qu'une fillette - sa propre fille - soit supérieure à son fils.
Je ne m'étonne pas de la fin de l'histoire. A comportement violent, réponse violente. Je ne me réjouis pas non plus de la mort de l'homme. Elle laisse une trace perceptible sur les deux êtres en ma présence. Sa mort en soi me semble juste, mais Morgann et Ewen ne méritent pas d'en porter les séquelles.

-Maintenant tu sais tout, tu en sais plus que lui.
-Merci de ta confiance. Motus jusqu'à ton feu vert, mon lapin.
-Je vais le laisser revenir, je n'aime pas trop être devant et parler.
-D'acc, ravie de t'avoir rencontré, Ewen. Sache que tu as une alliée ici, si ça t'es nécéssaire.

Il pose la main sur ma joue et je souris doucement.

-Il t'aime beaucoup... Plus qu'il n'ose se le dire.
-Bah, c'est ma famille, Vous deux, vous êtes ma famille.

Ses yeux se ferment et j'attends tranquillement. Quand Morgann revient, je lui souris doucement et je lui fais un gros calin.

-Rebienvenue à la maison!

Je lui ebouriffe les cheveux et lance.

-Ewen a bu tout ton thé pendant qu'on discutait, j'vais t'en refaire un autre et on a des bidules à grignoter. S'tu veux, on va chercher tout ça dans la cuisine.

Je le regarde.

-T'as confiance en moi, hein Morg?

Je suis sérieuse. Je l'observe avec cette fatigue latente qui m'habite parfois.

-J'ai connu des monstres. Des vrais, cachés sous leur peau d'homme et prêt à d'horribles actes pour simplement se divertir. Si tu as confiance en moi, p'tit frère, prends ça comme une vérité absolue : tu n'es pas un monstre. Tu es la preuve vivante qu'on peut rencontrer des monstres et se relever et prendre la vie à bras le corps et retrouver ce qu'on nous a voler. Voilà ce que t'es. Un survivant. Un guerrier qui s'ignore. Jamais. Jamais un monstre, ok?