Je m'emmerde, faut dire ce qu'y est. Allongé-e dix-huit heures sur vingt-quatre à regarder les moulures du plafond, à refouler le sommeil pour éviter les cauchemars, à sourire comme un con pour donner le change à mes compagnons d'infortune...

Je m'emmerde. Comme. Un. Rat. Mort.

J'ai l'énergie d'un papi arthritique. Je ne peux même plus courir sans m'essouffler, alors combattre. Ma magie m'a été arrachée à sa source, et avec, tout ce que je possédais comme réserve. Tout m'épuise, même respirer. Mon cerveau, par contre, continue de tricoter à plein régime : où est Caleb ? Comment ça se passe dans le brouillard ? Les Bunkers, ça a marché ? Est-ce que les Dragons d'Emeraude arrivent à s'entendre avec les autres survivants de la Cité ? Comment se porte ma psy et le mec aux côtes cassées ? Comment le Terrier réagit-il ?
Je suis sourd, aveugle, handicapé.

Et cette inertie me rend dingue.

- Tant pis pour les recommandations d'Amon...


J'ai besoin d'air.
De mouvements !
Je me redresse en mobilisant toute ma volonté et décroche la perfusion sensée équilibrer mes carences. Je m'habille, mollement, retirant l'espèce de pyjama oriental dont on m'a affublé-e pour retrouver mon vieux jean et mon cuir. J'ai arrêté de fumer il y a quelques mois et malgré cela, j'ai le reflexe de chercher une cigarette dans ma poche vide. Rien. Evidemment.
Je me contemple dans le miroir : teint gris, yeux cernés, air hagard et... une peau blafarde, sans dessin, sans personnalité. Une page blanche. Je sais désormais que ça n'est pas toujours synonyme de créativité, mais également de deuil.

Ca ne reviendra peut-être jamais.
Ma vie, ce sera ça maintenant...
Résigne-toi.

- Flanche pas! Claques sur les joues.

Je me dirige vers la porte. Le tout, désormais, c'est de faire le mur sans me faire gauler par tous ces infirmiers maritins à l'affût. Une partie de plaisir.

Je suis las.
Il aura fallu une longue discussion avec Jolakk pour enfin mettre le doigt dessus et la perspicacité de ce dernier pour me mettre devant les faits.
Ca fait un moment, d'ailleurs.

Je poireaute à Poudjinn sous l'oeil affuté des maritins qui soigne Ciulin. Pas le droit de rentrer dans la chambre. Iel doit se reposer, me dit-on.

J'ai envie de les encastrer dans un mur mais je me contente d'allonger mon envie de leur pêter la tronche à grand coup de patience et de remarques acides. Je suis à mon max. J'ai besoin de parler à mon époux.se et qu'on arrête de me faire chier dès que je fais un geste un peu brusque.

Du coin de l'oeil, j'vois la poignée de la chambre de Ciulin qui tourne au ralenti. Je suis honnêtement étonné qu'iel est pas essayé avant. hors de question de cafter, pas de ça chez moi!
Je me redresse en soupirant un grand coup. Il est temps d'utiliser ma colère pour aider Ciulin à faire le mur. Je m'approche des maritins, le pas lourd, la voix gondante.

-Vous allez me faire poireauter ici encore longtemps? Vous vous prenez pour qui exactement? Vous m'empechez d'aller voir l'amour de ma vie, j'vous ferai remarqué! Et j'compte bien en toucher deux mots à qui de droit!

Ils essaient de me calmer et pendant ce temps, discrètement, je fais signe à Ciulin de déguerpir.

-Nan! J'en ai rien à foutre de vos histoires! Allez me chercher votre responsable! Si c'est pour vous écouter encore m'expliquer le chant des sirènes, j'vouos jure que j'vais commencer à peter des trucs et ça sera pas le mobilier ok?!

P'tit coup d'aura divine, les deux sont déconfits, j'ai même pas écouté un foutu mot de ce qu'ils m'ont dit... Je fais volte face.

-J'm'en vais parler à votre directeur! Il sera peut-être un peu moins débile!

Et je m'en vais en claquant la porte de ce foutu couloir. Long soupire, cette petite esclandre m'a fait un bien fou. Je pouffe de rire avant de chercher Ciulin du regard.

-Asti min...?

Des éclats de voix me parviennent du couloir et parmi elles, une m'est familière. Il suffit que j'aperçoive sa silhouette massive, sa crinière tempétueuse, son regard qui lance des éclair pour que fleurisse sur ma gueule un sourire stupide. J'aime mon mari, surtout quand il bataille pour me voir en m'appelant "l'amour de sa vie".

Il est canon quand il est en colère, non ?


Mais j'ai pas le temps de niaiser, Ass m'offre une porte de sortie en faisant diversion. Je me traine à une vitesse de tortue arthritique jusqu'aux portes battantes de la cage d'escaliers que je passe avec succès au nez et à la barbe de mon équipe de soins.
Je n'irais pas plus loin.
J'ai déjà le souffle court, des vertiges et l'impression que mes jambes vont s'effriter sous moi. J'ai fait dix putain de mètres! RAHAT ! Je fulmine contre mon corps devenu aussi friable que du polystyrène. Je m'adosse contre un mur pour essayer de retrouver mes poumons. Ces bâtards ont foutu le camp avec moi mais n'ont pas pris la même direction.

Un battant de porte s'ouvre et claque.

Mon divin époux m'apparait dans toute sa splendeur. Il irradie de force, de grandeur et de tout ce que j'ai perdu dans ces souterrains moisis.

- Asti min...?
- Chuis là flotti djöfullinn minn...

Et je fais peine à voir.

Asmodée est là.
Je ferme les yeux en sentant ses lèvres sur mon front.
Sa présence, sa chaleur, son implacable solidité. Moi qui m'effondre sans arrêt, je n'ai pas eu le temps ni l'opportunité de lui rendre la pareil. Une épouse en carton, c'est tout ce que je suis. Unseelie a raison, je ne suis qu'une pâle copie carbone dont la moitié des traits ont bavé. Je ne vaux pas son dixième.
Je tends misérablement le menton quand ses lèvres se posent sur ma bouche.
Toujours là pour prendre, jamais là pour donner. Je me fais l'effet d'un-e ingrat-e, d'un-e sale gosse pourri-e gâté-e.
Ferme ta gueule cerveau !
Je ne peux pas gaspiller mon peu d'énergie en chialades. Je n'en ai pas le droit.

-Allons dans un endroit sans trou du cul des mers aux environs...

Mon rire sonne faiblard. C'est désolant qu'il ne reflète pas mon bonheur présent de l'avoir.

- Appellation d'origine contrôlée, p'tain... c'est parfait !
- Les jardins, ça te va?
- N'importe-où y'aura pas un foutu d'plafond....

Je suis soulevé-e de terre, comme si je ne pesais rien, et c'est peut-être le cas à la réflexion. Je me sens autant en 3D qu'un feuille de papier. Je m'agrippe à son cou à deux bras et enfoui mon nez dedans. Le parfum de sa peau me rassure et m'enveloppe les sens de ouate douillette. Je m'alanguis malgré la température hivernale.

- Sont relous, les Poudjinniens, hein?
- Grave... Mais parait qu'y z'ont des raisons d'l'être. Mon pronostique vital est pas glorieux mais il font tout pour me maintenir debout... J'crois qu'on frôle l'acharnement thérapeutique.

Ricanement sans joie.
Je lève le nez vers mon beau Diable, mon mari qui voit tout. Je caresse doucement les angles de son visage escarpé de viking qui ne s'est pas érodé avec les années. Il est intelligent, attentif. Je pense qu'il a déjà compris, mais je me dois de le formuler haut et clair.

- J'crois qu'j'arrive au bout, Ass. Sourire triste mais vaillant. J'crois qu'cette fois ma partie de cache-cache avec la Mort est terminée... Elle m'a trouvé-e, la connasse. Petit rire qui se transforme en toux sifflante. J'aurais pas été ton épouse longtemps....Le simple fait de le dire, me fait monter les larmes aux yeux. C'qu'on peut être émotif quand on est mourant, bordel. J'espère que ça aura compté quand même... ?

Je sais que oui.
Et puis les années passeront surement pour effacer mon court passage dans sa trop longue vie.

Iel est à bout de forces... C'est difficile de ne pas le voir. Ciulin si plein de vie, habituellement. J'ai l'impression de soulever une plume. Je sais que sa condition est grave. Je connais Amon prudent mais je sais que même pour lui, deux maritins, c'est plus que de la prudence. Je n'ai pas posé de questions auxquelles Ciulin n'a pas souhaité répondre. Quoiqu'il arrive, iel a le droit de digérer et de ne pas tout me dire. Et je n'ai pas spécialement besoin qu'iel m'explique son état.
Je l'emmène dans le jardin et je l'enveloppe de ma chaleur, dans les pans de ma veste.

Est-ce que c'est ça que Kaelig a ressenti?

-Grave... Mais parait qu'y z'ont des raisons d'l'être.
-En même temps, si c'était pour la déco, c'était plutôt raté.
-Mon pronostique vital est pas glorieux mais ils font tout pour me maintenir debout.... J'crois qu'on frôle l'acharnement thérapeutique.

Je pose le nez dans ses cheveux. Je sais ce que la suite de la conversation va donner. Je crois que c'est autant important pour Ciulin de le dire que pour moi de l'entendre. Je m'y attends. Depuis les explications confuses de Amon en passant par les changements physiques que j'ai pu voir. Subtiles aux débuts et de plus en plus affolants. J'inspire profondément. Ciulin me regarde, me touche et j'embrasse sa paume. Je ne pense qu'à toi. Je ne vois que toi. Plus rien n'a d'importance aux abords de l'abîme.

-J'crois qu'j'arrive au bout, Ass.

Sourire en écho. Ciulin est fort.e, hors de question de verser dans le mélodramatique. J'attrape sa main et lui embrasse, doucement.

-J'crois qu'cette fois ma partie de cache-cache avec la Mort est terminé... Elle m'a trouvé-e, la connasse.

Un rire qui se transforme en éboulement.

-J'aurais pas été ton épouse longtemps.

Ses yeux se remplissent de larmes et j'attrape délicatement son visage du bout des doigts. Je sens les larmes montées aussi. Fatales.

-J'espère que ça aura compté quand même...?

J'ai un sourire douloureux. La réponse est évidente. Elle l'est et ça me brise le coeur qu'iel imagine ça autrement. Je l'embrasse.

-Tu seras toujours mon épouse, Ciulin. Quoiqu'il se passe. Tu as chamboulé mon petit monde et il n'est pas prêt de redevenir comme avant. J'en ai, de toute façon, aucune envie.  Il n'y a rien qui changera l'amour que j'ai pour toi, Asti min.

J'essuie en miroir des larmes qui roulent contre notre gré.

-Figure toi, même... Que je vais prendre exemple sur toi. Vois ça comme un héritage pré-posthume, si tu veux.

J'essaie de faire des blagues mais, voilà quelques larmes déjà que j'ai abandonné de me donner l'air placide.

-Je vais changer de voie, je pense. Marre de tout ça. Simplifier les choses pour moi, pour aller mieux.

Je tourne les yeux vers Ciulin.

-Je serais là jusqu'à la toute fin et même après. Quoiqu'il arrive. A chercher une solution à un problème insolvable. J'suis con comme ça.

Je glisse la main le long des runes sur le bras de Ciulin.

-Elles ne connaissent pas la différence entre vie et mort et mes voeux envers toi non plus.

Je les embrasse. Je l'embrasse.

-Ca compte plus que tout ce que tu peux imaginer.

Je hoche connement la tête pour me donner de la contenance.

Will you come along cause I'm about to leave this town
In my eyes, a waterfall, all I can hear, a siren call
Could you be waiting by the shore, oh I could drown without you
Will you be holding out the line when I fall?

-Tu seras toujours mon épouse, Ciulin.

Voir son visage, taillé dans le roc, prêt à rire de tout, emprunter la voie des larmes me déchire le coeur. Ne pleure pas mon amour, ne pleure pas. J'aurais voulu m'asseoir à tes côtés et regarder le monde comme la déesse qui a partagé ta vie, comme la femme de ta première vie.
Je suis éphémère.
Tellement éphémère.

- Quoiqu'il se passe. Tu as chamboulé mon petit monde et il n'est pas prêt de redevenir comme avant. J'en ai, de toute façon, aucune envie.  Il n'y a rien qui changera l'amour que j'ai pour toi, Asti min.
- Moi aussi je t'aime, tu sais... Ma confession est ternie par la morve qui me pend au nez et ma voix fêlée. J'te dois tellement, Ass, tellement. T'es sincèrement la meilleure chose qui pouvait m'arriver dans c'te foutue vie d'errance........T'es la première relation de ma vie qui m'a donné l'envie de me poser et de construire un truc.... J'aurais voulu vivre notre futur....

On essuie mutuellement nos larmes comme on lèche nos plaies.

-Figure toi, même... Que je vais prendre exemple sur toi. Vois ça comme un héritage pré-posthume, si tu veux.
- La classe ! J'veux ça sur mon épitaphe : "Cellui qui inspira Odin, himself" !

Le rire est faible mais vaillant, il essaie du moins.

-Je vais changer de voie, je pense. Marre de tout ça.
- Une reconversion professionnelle à ton âge ?  que je fais avec un air de petit con sans l'énergie qui va avec. Et tu vas faire quoi ?
- Simplifier les choses pour moi, pour aller mieux.
- J'éspère que tu vas toucher des indemnités chômages... Nouveau gloussement feutré, qui ressemble davantage à un soupir fatigué.

J'observe son profil royal, pensif. Mon époux a cette dignité brute et sauvage qu'aucun costume italien ne saura jamais domestiquer.

- J'ai été honoré-e d'être à tes côtés dulcele meu soț, J'aurais bien voulu qu'ça dure toute la vie... Vœux pieux qui s'échappe de mes lèvres et s'évanouit déjà.

-Je serais là jusqu'à la toute fin et même après. Quoiqu'il arrive. A chercher une solution à un problème insolvable. J'suis con comme ça.
- Ok...

Mon menton se plisse et ma lèvre tremble. Asmodée effleure les runes gravées sur mon bras.

- Elles ne connaissent pas la différence entre vie et mort et mes voeux envers toi non plus.

Oeillade douloureuse sur ses lèvres qui bénissent ma peau. On échange nos souffles jusqu'à ne plus en avoir.

- Ca compte plus que tout ce que tu peux imaginer.
- J'veux pas m'en aller, Ass! J'veux rester avec toi... J'veux rester avec toi... Mon timbre expire. Je pleure à chaudes larmes, incapable de canaliser ma frustration et mon chagrin.

La vie est une chienne.
Juste qu'en j'y prenais gout, elle se dérobe et me reprend tout...

One taste
One touch
Sparks fly
In flux

Quelques semaines plus tard...

J'ouvre les yeux.
La chambre est baignée de lumière. Le soleil diffuse ses rayons à travers la fenêtre. les volets sont restés ouvert. Tout est si calme. Si calme. J'entends les propres battement de mon coeur.
Et le souffle paisible et cadencé de deux respirations. Asmodée et Vesper dorment à mon chevet. Je contemple leurs visages alanguis par le repos. Mes pauvres amours, ils ont l'air si épuisés...
Où est Caleb ?
Pourquoi je me pose la question ?

Les souvenirs de la veille me reviennent, doucement, par bribes.
J'étais mort-e.
Je ne le suis plus.
Frigg y a veillé.
Frigg...

Je me sens pris-e d'une émotion profonde qui me chatouille la gorge et les yeux.

Je me lève sans bruit, aussi furtif-ve qu'une ombre. Je remarque alors que je n'éprouve aucun mal à faire l'effort, et que mes bras sont de nouveau fleuri. Il faut que je sorte, sentir le soleil sur ma peau, la brise sur ma nuque. Les couloirs de Tae'alam sont déserts. Seuls témoins d'une nuit agitée, les destructions matérielles qui n'ont pas encore été réparées. Je descend les escaliers, pieds nus. En fait je crois que je suis entièrement nu, mais sur le moment ça ne me frappe pas.

Le ciel est haut, bleu, magnifique. Ca et là paissent des troupeaux de nuages. Une part de moi a conscience que si je voulais, je pourrais filer leur laine. J'avance, à pas lents, savourant la morsure des cailloux sous mes voutes plantaires. Le jardin entretenu par Lydie est toujours aussi beau. j'effleure les pétales et les fleurs à ma portée. Mes doigts sont humides de rosée. Dans ma poitrine, pulse une énergie neuve.

Frigg.
Frigg m'a offert tout cela.
Elle s'est sacrifiée pour infuser une nouvelle vie dans ma carcasse condamnée.

Les larmes dévalent silencieusement mes joues alors qu'une paume sur mon torse je perçois sa présence dans la moindre manifestation de mon existence : mon coeur battant, mes poumons gavés d'oxygène, ma magie restaurée...

- Merci....

Il s'en est passé des choses en l'espace de quelques semaines. Assez pour m'en avoir donné le tournis. Assez pour me faire réaliser à quel point j'étais rentré en dedans.
J'essaie d'en tirer les conclusions qui s'imposent.

Ciulin est toujours en vie. Iel est même plus que ça désormais. Depuis L'incident, Ciulin dort. L'assimilation peut prendre du temps et réparer le corps fracturé de Ciulin aura demandé beaucoup d'énergie. Je n'ai pas beaucoup quitté son chevet. Si ce n'est pour gérer les quelques affaires courantes et m'entretenir avec Amon.
Aujourd'hui ne diffère pas spécialement, je suis sorti une quinzaine de minutes et je reviens sur une chambre vide.

Ah.

J'observe les lieux et constate une seconde chose. Les fringues de Ciulin sont toujours posé sur la chaise.

Ah.

Un sourire se dessine sur mon visage. J'attrappe tout ça et lance, sans grande conviction.

-Asti min?

Aucune chance. Lea connaissant, iel est allé directement dehors. Je récupère mes lunettes de soleil et sors du lieu pour aller dans les jardins. Je retrouve Ciulin, en pleur, nu et surtout vivant.e

Je m'approche doucement, pose les vêtements sur un banc pour aller effleurer son épaules.

-Bonjour, bel inconnu.e.

Vous n'imaginez pas la joie qui gonfle mon coeur, à cet instant.

- Bonjour, bel inconnu.e.

A vrai dire, j'ai senti sa présence alors même qu'il entrait dans le jardin. C'est comme si toute mon essence divine s'était mise à vibrer en harmonie avec un autre diapason que moi même. Une sensation étrange et un peu alien de picotis dans la nuque et de frissons qui remue les tripes. Franchement inédit.
Je me retourne avec un sourire lumineux.

Il est là.
Mon époux.
Mon consort.
Mon égal.
Mon amour.

Plus solaire que jamais, insolemment beau. Je retire lentement ses lunettes pour voir ses yeux. J'ai besoin de me gaver de ses prunelles bleues. Les voilà, limpides, claires, accrochant tous les éclats du soleil. Cette vision me remue l'âme à la truelle. Je suis submergé-e par un bonheur incommensurable qui dégorge de toute cette carcasse remise à neuf.

Je suis en vie.
JE SUIS EN VIE.

- Sæll maðurinn minn...

Je me jette à son cou et le sers contre moi pour me lover dans la chaleur de ses bras. Son odeur particulière me submerge et m'enivre de joie. Je lui décoche un baiser passionné.

- Ég kom aftur ástin mín !

Sentir Ciulin dans mes bras.


Mon cerveau s'arrête à cette information. Je presse son corps contre le mien, comme si je cherchais à le faire entrer complètement. Mon coeur, lui, s'évertue à battre un rythme intense aussi rapide que la musique sur laquelle nous nous sommes rencontrés. Sans lacher Ciulin, je recouvre tout ce que je trouve de sa personne de baisers.
Ca y est. C'est fini.
Enfin.
Enfin, iel est là. Enfin, iel vit. Enfin, son visage n'a plus les mêmes accents que tout les humains qui meurent. Le soulagement qui me tombe dessus et m'enveloppe me couperait presque les jambes. J'attrappe son visage entre mes mains, un large sourire sur le visage et l'embrasse en miroir à son baiser.

-Sæll maðurinn minn...

Ces simples mots m'electrisent et me donnent une envie irrepressible de rire de joie.

-Ástin í lífi mínu...

Mes mains parcourent l'intégralité de son corps comme pour m'assurer que chaque centimetre carré est bien réel, bien là.

- Ég kom aftur ástin mín !
-Þú munt hafa tekið þinn tíma ...

Je ris un peu alors que mes yeux se gorgent peu à peu d'eau.

-ég saknaði þín.

Je niche mon nez dans son cou, pressé contre ellui.

-Bienvenu chez toi.

Ses magnifiques yeux bleus pétille de joie pure. Je me gave des fossettes de son sourire que j'ai envie de manger tout cru ! Ses mains sur mon corps de nouveau frais et réceptif me font un bien dingue ! La Vie ! C'est ça la Vie !

- Þú munt hafa tekið þinn tíma ...
- Mér finnst gaman að vera eftirsóttur ! que je plaisante contre sa bouche. J'embrasse ses larmes de soulagement.
- ég saknaði þín.
- Þú líka elskan.

Tel un enfant qui retrouve le giron maternel, son nez vient chatouiller ma gorge. Son souffle brûle mon derme ravi et dégage des nuages de buée douce. Je caresse tendrement sa chevelure de lion, en bécotant sa tempe.

- Við erum saman á ný, elsku eiginmaður minn, blíða ástin mín, minn almáttugi guð.... Hvíldu þig núna...Konan þín vakir yfir hjarta þínu og huga.
- Bienvenu chez toi.
- On s'les pellerait pas un peu ? J'éclate de rire en lui sautant littéralement dessus comme un petit singe pendu à son cou. Réchauffe-moi....

Quoi de mieux pour célébrer ma Vie toute neuve
que de faire l'Amour ?