All that I know
Lies within emotion
Words remain unspoken
Lead me through the dark
All that I see
Came to me in colours
Lasted for a moment
Leads me through the dark

Blanc.

Blanc à perte de vue.
Blanc-néant.
Ça et là des touffes d’herbes grasses balayées par le vent, sous un ciel d’un azur démentiel. Un peu comme Elie, que je me dis. Est-elle encore en vie, la Fée Bleue ? J'ai peur de poser la question. Beaucoup trop de morts en ce mois de février, dans cette ville merdique qui se fout de ses défunts. Le brouillard les avale et n'en laisse que des papillons. Des phalènes dans l'estomac.
J'ai mal au ventre.
Malgré toute l’attention prodiguée par Ass (j’ai quand même fait exploser une partie de son loft. D'autres auraient poussé une gueulante. ) Malgré les SMS frivoles et drolatiques de Vesper, malgré le sexe et l’alcool, il y a cette chose en moi qui pourrit. Remugle intérieur. Caquètement de "Et... Et... Et..."

Et si c’était bien de ma faute ?
Et si je l’avais mérité ?
Et si je n’avais pas pris la bonne décision
Et si je ne l'avais pas quitté....
Peut-être.....

Peut-être.
J’en sais foutre rien !

Le paysage se rappelle à moi avec une bourrasque fraîche. Ma capuche rabattant la fourrure sur ma tête. Je sens presque une main divine me rabrouer la tignasse. L’Islande. Ta terre, mon taré de viking. C’est beau, brute, sauvage. T’as l’air d’un autre homme depuis qu’on a atterri. Je chemine derrière toi, le pif rougi par la brise. On crapahute depuis un certain temps, depuis que l'avion a posé ses trains dans un minuscule aéroport fouetté de joncs et de bruyères. Cette nature ambivalente et hirsute me rappelle la Roumanie, sans son aspect inquiétant.

Énorme bouffée d'air.
Purge des idées noires.    

Je me sens brusquement frictionnée par un élan de bonne humeur. J'ai beau être cassée par les heures de vol (et les galipettes, on va pas se mentir…) j'ai une putain envie de courir et de hurler à pleins poumons.

Et je le fais.

Je te dépasse et t'invite du regard à m’attraper. Même rouillée, je cours vite. Même triste, je sais rire aux éclats. Le coeur ne se brise pas, il est plus élastique qu'on ne le croit. Je cavale, la brûlure délicieuse de l'oxygène dans ma trachée.

Je suis de nouveau cette gamine minuscule dans la paume de Géants.

L’Islande m’avait manquée.
J’y retourne dès que j’ai une bonne excuse pour abandonner mes responsabilités à Malsheem. Autant dire que j’ai l’impression de ne pas venir assez souvent du tout.
Ma terre natale. Ma bouffée d’air frais. Ca a beau faire plus de mille ans que je ne suis plus humain, l’Islande a toujours été mes racines, mon sang, ma moëlle.
Poser les pieds en Islande génère chez moi une sensation de paix que je ne retrouve nulle part ailleurs. Je sens courir sur ces terres la magie de mes ancêtres, entre les nervures de la terre, sous la neige blanche…
Ciulin me suit depuis un moment en silence. Je sens bien que ça ne va pas. Je fais au mieux, je me plie à ses désirs avec bonne humeur.
Ca fait un sacré moment qu’on marche en silence, dans nos gros vêtements d’hiver. J’imagine que le changement de comportement doit être visible chez moi et j’espère que ça ne lae perturbe pas trop. Ca ne change rien à tout le reste. Ici, j’ai simplement le luxe d’être simple et plus vrai. Alors que je me questionne sur l’attitude à adopter, je me fais dépasser par une petite boule d’énergie vocifératrice.

J’en reste figer un instant. J’observe Ciulin courir un instant avant de m’élancer à sa poursuite, sourire aux lèvres.

T’es un.e battant.e ! T’es merveilleuxeuse. Tu dépasseras ce coup dur, même s’il est double. Parce que je sais désormais que tu côtoyais Elie et je sais aussi à quel point vous êtes semblables. Dès lors, je ne peux qu’imaginer à quel point vous vous étiez attachés l’un à l’autre.

Je finis par te rattraper et je te soulève de terre parce que tu n’as pas la moindre idée d’où nous allons et je te jette sur mes épaules!
Tu te dresses, fièr.e guerrier.e, sur ta monture alors que nous pénétrons dans les bois qui mène à mon domaine. Il n’est pas loin, au milieu du chemin forestier tapissé de neige, ce dresse une vaste maison - moins grande pourtant que mon ancien manoir - . C’est une ancienne batisse pleine de charme, restauré avec un peu de modernité. La vieille maison est divisée en deux - là où la foudre a frappé il y a quinze ans - par une verrière moderne incluse sur mesure dans la brique. Un peu plus loin, une maison plus modeste se dresse : la maison du gardien, un ami de longue date qui a fait trouvé refuge aux siens dans mes forêts : Jolak. J’ai hate que Ciulin découvre les pupilles de chat de cette créature à qui nous avions réussi à donner forme humaine avec Simone.
Il n’y a pas de créatures plus typiques et malgré la perfidie qu’on leur prête, ce sont des amis fidèles.

Je finis ma course en me laissant tomber dans un mètre de neige en riant comme un abruti. J’attire Ciulin à moi et l’embrasse longuement. Nous sommes à quelques minutes de la maison, à peine. Je l’enlace et lui souris tranquillement.

-Bienvenue à la maison, Asti min.

Courir.
Sentir l’effort dans ses jambes.
La sollicitation des muscles.
La musique de ton rire, dans mon dos.

Lave-toi! Purge !

Le vent te fouette et balaie les vieilles peaux. Adieux croûte volcaniques sur plaies à vif. Adieux Irlande. Adieux Antoine. Adieux.

Je veux vivre !

Je saute, voltige, cavale entre les troncs et sous la canopée. J’explose mes poumons en bouffées d’oxygène, si pures, si froides, qu’elles décrassent toute la nicotine incrustée. Une maison se dresse, étrangement biscornue dans cet écrin de solitude. Vieilles pierres et bois brut moderne, des parois de verre. Deux monde en un seul, à l’image de son proprio.
Il suffit que je pense à toi pour me laisser perdre.
J’éclate de rire en ne devenant qu’un vulgaire sac à patate sur tes épaules. Tu trébuches, on roule comme deux crétins dans la neige fraîche. J’en ai plein les cheveux et la bouche. Les flocons fondent au contact de ta bouche. La vague de frilosité s’étiole. Je me laisse simplement étreindre tout en m’agrippant à lui. Là, bizarrement, j’ai peur de fondre et de disparaître moi aussi.

Rattrape-moi.
Rends-moi ma consistance.
Redonne-moi la vie

- Bienvenue à la maison, Asti min.

Alors, telle une image parasite, j’entends les promesses naïve que j’avais faites à Antoine : “Je te donne la clé. Je t’autorise à m’enfermer, du moment que la cage sont tes bras. Sois ma maison…” Bêtise d’enfant crédule, trop confiant. Au final, ce ne sont pas les siens, mais bel et bien les tiens qui servent d’armature à mon existence foutraque. J’existe pour moi, libre, pourtant….
Je suis heureuxse, d’avoir des “chez moi”. Je suis heureuse de partager une “maison” avec toi.

- Bienvenue chez-toi, Dragoste… Chez nous…. que je corrige doucement avec un sourire apaisé. Je te mordille le nez. Tu me fais visiter ?

Tu t’agrippes à moi dans la neige. Cet Antoine aura fait des dégats et je compte bien m’assurer qu’il aie son lot d’horreur. Pas très compliqué, même s’il est mort. Les suicidés finissent dans les fosses. Il ne sera pas difficile de le trouver, encore moins d’obtenir de ses bourreaux qu’ils s’appliquent. Ils sont comme ça, dans les fosses, consciencieux.
Je t’embrasse doucement dans la neige avant de te souhaiter la bienvenue dans notre maison.
Ca l’air de te rendre heureuxeuse et j’en suis incroyablement content. je balaie tes cheveux avec mes mains couvertes de gros gants chaud.

-Bienvenue chez-toi, Dragoste… Chez nous…

Ta correction éveille un sentiment de complétude chez moi. Je t’embrasse à nouveau puis tu viens me mordre le nez. Je rigole comme un gamin.

-Tu me fais visiter ?

Je me lève et t’aide à te dépaitrer de la neige.

-Bien sûr. Depuis l’orée de la forêt derrière nous, on est chez nous, en fait.

Je prend ta main gantée et je nous fais avancer vers la maison. Il y a plein d’histoires entre ces murs, certaines que je connais, d’autre qui ont vu passé mon fils après je ne sais pas… Je n’y suis pas retourné avant que Rafney et lui ne soit mort. C’est l’un de mes regrets : avoir écouter Bélial… ne pas être retourner voir Rafney. Mais c’est comme ça.
Alors que j’approche de la maison, Jolak sort de la maison sous sa forme d’énorme chat au pelage de nuit et au yeux jaunes incandescent. Il devient soudainement humain et nous rejoint, ses mouvements souples et légers. Il a un sourire plein de dents pointues, la peau d’un noir bleutée et deux billes du même jaunes que sa forme naturelle. Je le trouve particulièrement magnifique sous cette forme hybride.

-Verndari.
-Jolak.

Le gros chat me tombe dans les bras comme un vieux frère. Lui et moi avons menés de sacrées batailles il y a quelques centaines d’années. Je lui rends l’accolade alors qu’il ronronne à plein régime. Je m’écarte et attire Ciulin à moi.

-Jolak, je te présente Ciulin.

Jolak pose ses yeux de chat sur Ciulin, ses pupilles s’étricent et grandissent au grés de ses envies. Jolak se fend d’un sourire.

-Hmmm… Oui. Frú m’a parlé de lui ou elle.

Il regarde Ciulin, penche la tête.

-Comme tu préfères, Thistle.

Sa voix roule sur du velour alors qu’il ronronne toujours. Il renifle Ciulin comme il est coutume de faire entre Jólaköttur. Triste nom trouvé par des christianisés pour des créatures aux capacités si particulières. Je me tourne vers Ciulin et lui souris tranquillement. Jolak s’arrête et sourit tranquillement.

-Tu as besoin de repos, Thistle.

Il me lance un coup d’oeil avec un fin sourire moqueur.

-Je vois que tu n’as pas changé, Verndari… Tu ne passes toujours pas tes voyages à profiter du paysage…
-... Non, c’est ennuyeux à mourir, déjà et je préfère prendre soin de mon nouveau Rafney.

Les yeux de Jolak change alors qu’il comprend l’importance de Ciulin. Je n’aime pas trop la comparaison car il n’y a pas de concours mais je ne sais tout simplement pas comment dire que nous sommes mariés par les dieux au neutre sans me lancer dans des phrases à rallonge. J’attire Ciulin à moi et garde mon bras autour de ses épaules.

-Ciulin, je te présente Jolak. Il accepte généreusement de garder mon domaine avec les siens pendant que je ne suis pas là.

Je sais que tu vas avoir mille questions. Je désigne la maison.

-Allons nous mettre au chaud. Jolak, je ne pense pas que tu sois obligé de garder ta forme humaine devant Ciulin.

Je nous emmène jusqu’à la maison et ouvre la porte sur une entrée modeste et chaleureuse, toute de bois et de pierre. La pièce sent le rustique avec les ornements de la modernité distillée par touche respectueuse.

Enfin, la maison.

J’inspire doucement l’odeur de pin et de feu de cheminée. Jolak, redevenu un énorme chat, s’éloigne vers son repaire. Il me lance en Islandais que les siens l’appellent. J'acquiesce et me retourne vers Ciulin pour l’embrasser longuement.

-Allez, prêt pour le tour du propriétaire? Ah! Attends!

Je farfouille dans un tiroir et sort un jeu de clé que je lui tends et glisse dans sa main.

-Et hop! C’est officiellement chez toi aussi, Asti min.

Je souris et me débarrasse de mon gros manteau et de tout l’attirail pour ne pas mourir de froid par moins quarante. J’entreprends de t’attirer à l’intérieur de la demeure. J’ai envie que tu te sentes chez toi, ici. Beaucoup plus qu’avec le manoir, j’ai besoin que tu te sentes chez toi, ici.

Tu m'aides à me remettre debout avec un entrain de jeune marié qui s'enthousiasme de faire découvrir son nid. Ça me fait gentiment glousser. Tu t’illumines mieux que guirlande de Noël, prost! C'est absurde et adorable. Je sens la pression de ta main cueillant la mienne. Je regrette les gants épais isolant ton touché de couches de tissus parasites. Je veux tes doigts enlacés aux miens. Je veux…

Une panthère noire!?

Une panthère noire ( ça se peut ça en Islande ?) sort de la baraque et change brusquement de forme ( ah OK…) pour accueillir Ass avec une embrassade virile.

-Verndari.
-Jolak.

Si j'en déduis que Jolak est son blaze, que veux dire Verndari ? Est-ce ton véritable nom  viking ? J'éprouve une pointe de jalousie incongrue pour t'appeler autrement depuis des mois. C'est stupide, car tu ne me dois strictement rien. J'aimerai seulement ne pas me sentir parfaitement nue alors que tu conserves tes chaussettes et ton falzar.
Je me laisse renifler. Je suis passée par là avec Loki.

-Hmmm… Oui. Frú m’a parlé de lui ou elle. Comme tu préfères, Thistle.
- OH, j'm'en fous. Chuis ni l'un, ni l'autre !.... Dis, mec, c'est une grave offense si j’te caresse le poil sous ta forme d’chat ? J'veux dire genre comme les centaures qui pètent un câble quand tu t'en sers comme canasson ? J'ai pas envie d'fout la merde  dans votre amitié millénaire ou t'manquer d'respect…
-Tu as besoin de repos, Thistle.

J'ai l'impression de me faire rabrouer comme un gentil môme qui ennuie deux adultes en train de converser. C'est une sensation peu agréable. Je comprends soudain ma méprise.

-Je vois que tu n’as pas changé, Verndari… Tu ne passes toujours pas tes voyages à profiter du paysage…
-... Non, c’est ennuyeux à mourir, déjà et je préfère prendre soin de mon nouveau Rafney.

“Nouveau Rafney”
Mon cœur vient de manquer un battement. Rafney, l'épouse intouchable, la mère de tes enfants, la première que tu ais jamais aimé. Le surnom prend soudain une gravité et une pesanteur insoupçonnée. Je cuis comme une gaufre beurrée dans son four. Joues cramoisies, tête de poireau au ketchup….

-Ciulin, je te présente Jolak. Il accepte généreusement de garder mon domaine avec les siens pendant que je ne suis pas là.
-Ah…..Ok...Salut…. Je  secoue la main gauchement.

Et…. Mon cerveau déconnecte.  Je te vois babiller, dire des trucs, sourire, être parfaitement dans ton élément. Je te vois heureux, pleinement, et je suis en train d'assimiler que je suis peut être la cause, une partie du moins, de cette félicité qui te donne des couleurs.

Tu me tends des clés. Je louche dessus, hébétée. Je les regarde briller au creux de ma paume.

-Je… Tu me vois comme Rafney ? Murmure un peu coupé d'émotions contradictoires. Je suis ton épouse ?

Regard pénétrant. Je crois que l'idée me chamboule plus qu’ un gros chat concierge…..

- OH, j'm'en fous. Chuis ni l'un, ni l'autre !.... Dis, mec, c'est une grave offense si j’te caresse le poil sous ta forme d’chat ? J'veux dire genre comme les centaures qui pètent un câble quand tu t'en sers comme canasson ? J'ai pas envie d'fout la merde dans votre amitié millénaire ou t'manquer d'respect…

Jolak me lance un coup d’oeil amusé et avant de s’approcher de Ciulin très près.

-Ca dépendra si je t’apprécie ou non, Thistle. Et je suis plus civilisé qu’un centaure, je me contente de dévorer ceux qui me manquent de respect. Je sais me montrer humain.

Sourire plein de dents pointues.Un ronronnement amusé sort de la gorge de mon ami alors qu’il pose un coup de langue rapeuse sur la joue de Ciulin. Ca me fait pouffer de rire, Jolak a toujours eu un humour un peu limite et ça lui a souvent attiré bien des emmerdes. La référence à Rafney laisse Ciulin comme Jolak silencieux.
Je crois que c’est la première fois que je vois la tronche de Ciulin rôtir comme ça et je sais parfaitement que Jolak comprend que Ciulin n’avait pas réalisé ce qu’iel représentait pour moi. Quand je présente Jolak formellement, je vois bien que ça calcule pas des masses… Je ne sais pas si je suis inquiet ou pas.
Pendant ce temps, je meuble le silence, Jolak s'éclipse et je te fais entrer chez nous.

Tu regardes les clés dans ta main comme si c’était des aliens. Le silence continue de s’inviter à la soirée et, même moi, je commence à le trouver un peu pesant.
Ton regard se fixe dans le miens.

-Je…
-Oui?
-Tu me vois comme Rafney?

Je t’observe silencieusement. Je ne sais pas bien ce que je peux te répondre, j’ai la soudaine impression de marcher sur de grosses mines prêtes à éclater au moindre pas.

-Je suis ton épouse?

Je plisse les yeux. J’approche doucement de toi et t’enlève ton manteau pour pouvoir relever ta manche, là où se trouve le Galdr de mes runes. Je m’agenouille devant toi pour regarder ton bras puis tes yeux.

[color=#33cc[/color] 00]-Tu portes mes runes, Odin te les a offert, considérant que tu étais digne de les porter.

J’embrasse ton bras doucement, avec une déference palpable. Je te souris.

-Mes dieux nous ont liés, Asti min.

Mais je sais bien que ce n’est pas ce que tu veux entendre alors je me tais, je t’embrasse longuement.

-Tu es aussi important que Rafney, oui. Et oui, d’un point de vue parfaitement religieux de mon côté, ça correspond à un genre de mariage spirituel.

Je passe la main sur ta joue, délicatement.

-Je te confierais mon âme, si elle m’appartenait, Ciulin. Voilà à quel point tu m’es important. En attendant, je te fais confiance pour absolument tout le reste et tu ne m’as absolument jamais déçu, Asti min. Tu es incroyable et je t’aime.

Je t’embrasse doucement, presque avec pudeur.

Mon palpitant bat vite, puissamment, c'est bien différent de ce que j'ai pu éprouver pour Shioban ou Antoine, c'est plus mûre et serein que mes émois grenadines. C'est une infinie gratitude, un sentiment d’acceptance naturel…

J'ai donc le droit d'être aimé à ce point?

J'ai vu ton amour pour Rafney, ton respect pour elle, ton lâché-prise. C'était une femme d'une force morale impressionnante. Je ne suis pas la moitié d'une femme comme elle. Je ne suis même pas une femme.

Tu t’agenouilles et j'éprouve un élan de panique qui agite les phalènes tapies dans mon ventre. Qu'est ce que tu fous ??!

-Tu portes mes runes, Odin te les a offert, considérant que tu étais digne de les porter.

Petit rire qui trébuche sur des trémolos. Cette saveur, c'est la pluie qui monte, et moi qui lutte pour refouler l'intempérie. Je vais me noyer. Tu scelles mes lèvres, bouchon illusoire.

-Tu es aussi important que Rafney, oui. Et oui, d’un point de vue parfaitement religieux de mon côté, ça correspond à un genre de mariage spirituel.

Nouveau hoquet de rire pété. Je chiale pour de bon. Je me marre aussi. La fatigue est un beau catalyseur de bordel.

-On est… Mariés…. C'est tout ce que j'arrive à articuler. Soupir profond contre ta paume qui moule ma joue. Je m’y presse, paupières closes. Tu… Tu sais… j'ai dit à Élie…. Qu..Que j'avais l'impression d'avoir été créé exprès pour toi, tellement on s’comprenait, parfaitement…Nouveau bouquet de larmes….Tellement je me sens à ma place.
-Je te confierais mon âme, si elle m’appartenait, Ciulin. Voilà à quel point tu m’es important. En attendant, je te fais confiance pour absolument tout le reste et tu ne m’as absolument jamais déçu, Asti min. Tu es incroyable et je t’aime.

Cene sont que des mots, mais ils revêtent, malgré tout, une vérité profonde. Je sais que chez toi, tes paroles ne sont pas vaines. Elle s’accompagnent d’actes, de gestes. Je me sens considérée et je comprends par la même que je ne l’ai pas été souvent dans ma vie. Je viens enfouir mon nez dans le creux de ton épaule, t’enlaçant avec une délicatesse dont je n’ai pas vraiment l’habitude. Je pleure. Je n’arrête pas. Je vais complétement me déshydrater à ce rythme et ressembler à une chips.

- D.. Désolée, c’est les grandes eaux.. Chais pas pourquoi… J’trouve plus l’robinet… Ahahah… p’tain, demande pas l’divorce tout d’suite si je démoli des trucs, hein… ?

Je finis par me calmer entre glapissements hilares et chouinades hystéros. Et pourtant, pourtant rien ne tremble, juste mon coeur au bord d’imploser. C'est comme si ma télékinésie me faisait comprendre qu’elle avait déjà intégré ce pacte marital depuis longtemps. Tu es mon diapason.
Je retrouve mon calme.

- C’est quoi “Verndari.” ? Puis après un silence et le front soudain buté. Il s'est foutu d’moi pour les centaures, hein ?….

Rassure-moi...

-On est… Mariés….

Je hoche doucement la tête alors que tu frottes ta tête contre ma main. J’ai l’impression de te faire du mal à te voir pleurer comme ça. Mais je ne te mentirais pas et comme à chaque fois, cette marque n’engage que moi. Pour toi, c’est un choix et je ne t’en voudrais pas de refuser ou d’avoir peur ou qu’est-ce que je sais.

- Tu… Tu sais… j'ai dit à Élie…. Qu..Que j'avais l'impression d'avoir été créé exprès pour toi, tellement on s’comprenait, parfaitement…

Je hausse les sourcils. Tu as parlé de nous à Elie, voilà qui expliquerait enfin pourquoi elle me demandait d’être doux avec toi, comme si elle avait besoin de le dire mais j’avais trouvé la formulation étrange.  Ce que tu me dis me touche profondément et invite les larmes aux coins de mes yeux. Ca et penser à Elie, le peu de cas que j’ai fait d’elle... Je te vois pleurer et j’éprouve une bouffée d’amour inconditionnel et une envie de te garder contre moi à jamais. Putain, ça faisait longtemps que ce n’était pas arrivé.

-Tellement je me sens à ma place.

Alors je me contente de te dire une vérité absolue et tu pleures de plus belle. Je t’enlace et te rapproche de moi. J’aime pas te voir pleurer même si ça n’a pas l’air d’être des larmes de tristesse. Je caresse tes cheveux.

-D.. Désolée, c’est les grandes eaux…
-T’excuses pas.
-Chais pas pourquoi… J’trouve plus l’robinet…

Tu ris et je ris un peu aussi.

-P’tain demande pas l’divorce tout d’suite si je démoli des trucs, hein… ?
-Promis. Au pire on dormira dans la neige, tout les deux.

Rien ne se passe pourtant. Non pas que je m’attendais à quoique ce soit. J’aimerais simplement réussir à faire rentrer dans ta petite tête adorable que tu n’es pas un danger absolu pour tout le monde et que les moments où tu es inoffensif ne sont pas occasionnels.

-C’est quoi “Verndari”?

Je souris doucement, embrasse ton front et nous fait translater jusqu’au canapé moelleux.

-Ca veut dire “protecteur”. Jolak fait partir d’un peuple qui, à cause d’une croyance chrétienne, a manqué de disparaitre. Les vicieux chats de Noel… Ils sont beaucoup plus que ça. Fut une époque où ils étaient des protecteurs, eux aussi. Je leur ai proposé de s’installer ici, dans mes terres pour vivre en paix et loin des humains. Jolak est le seul à pouvoir se transformer en humain, on aura bien galéré avec Simone pour lui permettre ça.

-Il s’est foutu de moi pour les centaures, hein? ….

J’éclate d’un rire un peu sonore et je t’embrasse.

-T’inquiète, beauté, je sauverais ton cul des méchants centaures. Ils ont existé mais ça fait très longtemps que la race s’est éteinte, je pense. En tout cas, s’ils existent encore, ils ont eu la bonne idée de se cacher là où l’humanité ne les chassera pas. Après, c’était pas non plus des enfants de coeur, je crois. Honnêtement, je sais même pas s’ils ont vraiment existé : c’était bien avant que je sois en age de voyager. J’suis vieux mais faut pas déconner non plus.

Sourire de débile, je te mordille le nez.

-Ca va un peu mieux?

“Protecteur”

En effet, c’est un adjectif qui te correspond bien plus que celui de démon. Je me sens toute petite, tu sais, je me sens ridiculement minuscule, dans ta paume de Géant. Et pourtant, j’ai la certitude que tu ne m’écraseras jamais, que j’y suis en sécurité.
Jolak fait parti d’un peuple de créatures opprimées, que mes ancêtres, sans doute, ont chassées. Combien y en a-t-il  de ces engeances de la Bête dont nous ne comprenons pas bien le fonctionnement, ni les coutumes. Je me souviens d’une légende slave des Carpates, expliquant l'existence d’un peuple de Gargouilles, créatures mi-chauve-souris, mi-pierre, cannibales, vivant au plus profond des montagnes, dévorant les grimpeurs et les égarés. En réalité, après les avoir complètement exterminés, certaines versions du mythe, étouffées par la vindicte populaire, expliquèrent qu’ils honoraient leur morts, et seulement leurs morts en les mangeant afin qu’ils fassent partis d’eux à jamais. Nous n’avions rien compris.
Comme toujours, les vainqueurs écrivent l’histoire.

- J’aurais bien voulu chevaucher un centaure…. Moue de gosse à qui on vient patiemment d’expliquer que les lutins-magiques-rangeurs-de-chambre n’existent pas.

Je renifle bruyamment et sans la moindre classe. Je viens m'asseoir sur tes genoux, front à front.

- Ça va un peu mieux?
- J’crois… Je te regarde dans les yeux, puis j’éprouve le besoin vitale de t’embrasser à pleine bouche. Je contemple ton visage entre mes deux mains en coupe. Chuis pas Rafney, t’sais. J’pourrais jamais t’donner d’enfants. C'est impossible pour moi…….Chuis stérile.

Le mot est étrange, goût de bizarrerie sur le bout de la langue. J’ai découvert ça, après une examen gynécologique suite à mes premiers pas sur le trottoir. J’étais terrifiée à l’idée d’être enceinte. Le verdict est tombé très simplement :”Trouble de l’ovulation”. J’ai une usine complète en parfait état, qui ne produit pas ou trop peu. Ceci dit mes règles irrégulières auraient dû me mettre sur la voie. J’aurais jamais pu être ce qu’on attend d’une procréatrice Sang-Coureur, par contre, cyniquement, c’était un atout parfait pour faire la pute.

- Chuis désolé. Tu m’aimes quand même ?

Je me sens bête de le demander. Des gosses, c’est pas forcément ce dont tu as besoin  dans l’immédiat. Mais, je ne sais pas, j’aurais aimé te voir dans ce rôle. Et peut-être que t'en voudras.
C’est un honneur d’être ton nouveau mari. Peut-être une lourde responsabilité.
Ça peut expliquer quelques incongruités aussi...

C’est un soulagement quoi qu'il en soit
de me savoir lié à toi jusqu’à ma mort.

Silence confortable. Ce canapé est incroyablement douillet…

- Y’a d’autres créatures qui peuplent notre terrain ? Que je flippe pas au détour d’une promenade...

Assis sur mes genoux, tête contre la mienne, tu as l’air de te calmer. Ton regard plonge dans le miens et je me laisse happer. Tes mains autour de mon visage me tirent un sourire amoureux.

-Chui pas Rafney, t’sais.
-Je te demande pas d’être elle.
-J’pourrais jamais t’donner d’enfants. C’est impossible pour moi.

Le silence semble chercher lui-même ses mots, j’embrasse tour à tour tes paumes.

-Chuis…. Chuis stérile.
-Et alors?

Je reste souriant et calme. Je te sens inconfortable. L’idée te semble vraiment si dérangeante? D’être stérile?

-Chui désolé.
-Pourquoi tu t’excuses, t’imagines si fallait qu’on se retienne de baiser comme des lapins pendant 9 mois. Si fallait qu’on fasse “attention”.

Je prends un air de dramaqueen choquée.

-Tu m’aimes quand même?

Je caresse doucement ton visage et t’embrasse doucement puis presse mes lèvres contre ton front.

-Bien sur. Y a pas de “quand même” qui tienne. Je t’aime, point.

Je caresse tes cheveux et dis doucement.

-Tu sais… J’ai déjà été père. Et j’adore l’être et peut-être qu’un jour l’expérience te tentera, peut-être qu’elle te tentera jamais. Peu importe, Ciulin. Je t’aime et que tu sois stérile ou non, ça ne change rien à ta place dans mon coeur et ça ne te mets pas en compétition avec Rafney. Vous vous ressemblez autant que vous ne vous ressemblez pas. Tu es toi et je t’aime pour ce que tu es, pas pour ce que j’espère que tu deviendras ou pour quoique ce soit d’autre. Tu me complètes parfaitement et c’est tout ce qui m’importe.

Je caresse l’arrête de ton nez.

-Je n’ai dit “nouveau Rafney” que pour faire comprendre rapidement à Jolak que tu étais important, aussi important qu’elle l’a été de son vivant. C’est tout.

Nouveau silence tranquille où je flatte ta peau délicatement.

-Y a d’autres créatures qui peuplent notre terrain? Que je flippe pas au détour d’une promenade…

Je souris et hoche la tête.

-Bien sur, c’est un terrain primordial. Il y a beaucoup de créatures dans les forêts d’Islande. Il n’y a plus beaucoup de gens pour les voir, en fait… Toutes ne sont pas aussi  sympathique que Jolak et les siens mais toutes ont leur place et leur rôles.

Je nous allonge confortablement en gardant Ciulin près de moi.

-Il y a des managarm, des chiens de la Lune. Redoutable. Dans nos légendes, on connait surtout Hati et Sköll, les deux fils de Fenrir. Il y a aussi des descendants d’Eikthyrnir, des cerfs magnifiques et sauvages capables de créer des cours d’eau. Il y a également des Draugr, des mort-vivants qui ne reposent pas en paix, rien à voir avec des fantomes, ils sont corporel et se tuent relativement facilement quand on sait se battre. Il reste probablement des trolls aussi… Il y a quelque siècles, on avait encore des Basilisk et des dragons.

Je souris et penche la tête.

-J’en oublie probablement beaucoup…

Au fond, je ne sais pas moi même pourquoi je te dis ça. Peut-être parce que dans mon imaginaire d’ado pas finie, le mariage c'est un truc qui implique invariablement des chiards, l’obligation de pondre, de fournir une famille, une continuité de sang. J’ai beau avoir envoyé toutes ces conneries de tradition au chiottes, c'est marqué sous ma peau, dans les plis caché d’une conscience qu’on a gravé de cette injonction : “Reproduits-toi, sinon tu sers à que dalle !” Une part de moi a cette honte chevillée à l’âme de ne pas pouvoir.

C’est con.

Je t’entends t’en foutre. Dis-toi que ça a l’air surement stupide pour toi, mais ça me soulage. Tu n’attends rien d’autre de moi que d’être. Ça allège mes craintes irrationnelles sur toute forme d’engagement que ce soit. Et puis, merde ! J’ai franchi ce cercle en toute lucidité, je possédais tous mes moyens. J’ai choisi.

Je t’ai choisi.

- M’en veux pas… J’ai beau entendre tout ça, chuis pas habituée à c’qu’on m’aime tout en entier et sans contreparties. C’est p’têt un peu nul mais ça va mettre du temps à.. à s’en aller.

Petit sourire. Je joue avec tes boucles, le vent y a foutu un de ces boxons. Tu me fais part du riche bestiaire qui anime ton jardin. Ben mon petit pote, on va s’en faire des cavalcades ! Je veux tout voir, tout sentir, tout découvrir. Mes yeux encore tout mouillés brillent de cette convoitise échevelée. Je ne veux rien manquer ...

- On va pas s’ennuyer, hein ?
- J’en oublie probablement beaucoup…
- C’parc’que t’es un vieux schnock ! Je ricane en sale petit merdeux que je suis, tout en te grattouillant la barbe. Chuis ta garantie anti-sénilité, avoue ?

Sourire plus doux, plus grave aussi.

-J’taime, tu sais ? Jusqu’à présent, je te posais pas d’questions pour pas t’faire chier, mais... maintenant qu’chuis ta moitié, tu crois pas qu’il serait temps que tu m’expliques un peu tout ton p’tit traffic ? Mes doigts font des nattes avec tes phalanges. Tu devais, mais on a été pris de cours, avec… Antoine, Elie qui se meurt, …. Toute cette merde.

Je te regarde intensément.

- A la vie à la mort, mec, c’est Odin qui l’a dit. Rictus de môme, un môme qui se goinfre de ton amour. Si tu veux pas qu’ses corbacs te picorent le cul, tu sais c’qu’y t’reste à faire !

J’ai l’impression que ça veut pas rentrer, cette idée que je pourrais vouloir de toit sans aucune autre forme d’arrière pensée. La Roumanie n’est pas spécialement le pays le plus avancé sur les libertés maritales, surtout quand tu es né assigné femme à la naissance… Les dégats ont l’air particulièrement violents mais j’ai tout le temps de la terre pour t’expliquer et te montrer à quel point je t’aime comme ça et que j’ai pas besoin de plus que ce que tu es pour être parfaitement heureux.

- M’en veux pas… J’ai beau entendre tout ça, chuis pas habituée à c’qu’on m’aime tout en entier et sans contreparties.
-J’t’en veux pas, Asti min. J’t’en veux jamais et encore moins parce que t’as besoin d’être rassuré.
-C’est p’têt un peu nul mais ça va mettre du temps à.. à s’en aller.
-C’est pas nul non plus et ça prendra le temps que ça prendra. J’vais nulle part de toute façon, mon beau. Donc si ça doit prendre des années, ça prendra des années et si ça doit prendre moins, ça prendra moins.

Je t’embrasse doucement et caresse ton visage alors que tes doigts se perdent dans mes mèches emmêlées. Je ne prends pas la peine de les recoiffer. Pas ici, pas loin de ce monde où je joue les playboys. Je réponds tranquillement à tes demandes sur les créatures qui peuplent mes terres et je vois tes yeux noyés de larmes, encore, s’illuminer d’un semblant d’avidité.
On va partir en safari, je le sens. L’idée me donne envie de rire. Je nous vois déjà courir après des Managarm avec un polaroid tout moisi.

-On va pas s’ennuyer, hein…?
-Ah ça… Tu vas être en mode safari, ça va être impayable. J’vais me faire réveiller à 4h du matin tous les matins pour crapahuter dans deux mètres de poudreuse par -40, ça va être incroyable.

Que je fais en prenant des airs de princesses paniqué.

-Chuis ta garantie anti-sénilité, avoue ?

Je ris de bon coeur.

-Carrément, tant que t’accepte de me baiser, c’est qu’j’tiens encore la route!

Ton sourire change et ton attitude aussi. Je t’approche de moi un peu plus.

-J’taime, tu sais ? Jusqu’à présent, je te posais pas d’questions pour pas t’faire chier, mais... maintenant qu’chuis ta moitié, tu crois pas qu’il serait temps que tu m’expliques un peu tout ton p’tit traffic ?

Nos doigts s’entrelacent et je pose un baiser sur nos doigts. Bien sur que je veux partager ça avec toi. J’attendais juste que tu te sentes concerné.e.

-Tu devais, mais on a été pris de cours, avec… Antoine …. Toute cette merde.

Je hoche la tête.

-En ce moment, ça va un peu trop vite, oui. C’est pour ça, prendre du recul pour venir ici, c’est pas plus mal.

Je prends un instant pour réfléchir et aussi pour te sentir vivre contre moi. C’est fou comme cette sensation me fait du bien.

-Mon p’tit traffic… Tu m’as jamais fait chié quand tu posais des questions. En fait, j’étais même plutôt content que tu t’intéresses. Je n’en ai pas vraiment parlé jusqu’à maintenant parce que je n’étais pas sûr que tu te sentes concerné, j’attendais que tu en aies envie.

Je t’observe et souris.

-Malsheem est un réseau que j’ai en tête depuis très longtemps. C’est à la fois des informations et une échappatoire pour ceux qui refusent de se plier aux règles du jeu actuelles, pour les gens qui veulent rester sur terre et vivre normalement… On l’a ouvert avec Simone quand on était à Boston et quand on est arrivé en ville, on a recruté un vieil ami à moi : un djinn qui partageait mes idéaux. Depuis, ils m’aident à gérer le réseau. On mets des gens en sécurité, on leur file des faux papiers, un endroit où vivre, des moyens de s’intégrer efficacement…

Je souris doucement.

-C’est un peu un idéal de vie depuis longtemps et je sais que c’est très voué à l’échec mais si j’arrive à donner aux gens qui me font confiance un semblant de vie normale pendant une décénie ou deux, alors, ça sera pas totalement une foirade.

Tu me regardes avec une telle intensité que j’arrête de parler. Je te fixe un moment en attendant qu’il se passe quelque chose.

- A la vie à la mort, mec, c’est Odin qui l’a dit.
-A la vie, à la mort, Ciulin. Mais surtout la vie. Ce mariage a quelques avantages pour toi, tu sais…

Je souris mais tu enchaines. Je suppose que c’est le temps que ça arrive au cerveau.

-Si tu veux pas qu’ses corbacs te picorent le cul, tu sais c’qu’y t’reste à faire !
-Les corbeaux d’Odin qui picorent des culs! Hahaha!

Je pars dans un fou rire incontrolable avant de venir poser mon front contre le tien.

-Je t’aime, Asti min.

-....Je n’en ai pas vraiment parlé jusqu’à maintenant parce que je n’étais pas sûr que tu te sentes concerné, j’attendais que tu en aies envie.
- Ces gens, au couvent, j'leur ai apporté les sigils de protection en personne, j'ai fait des blagues à une maman et ses mômes, j'me suis fait offrir une bière par un d'tes gars... C'était mon taf et il a servi à que dalle. Silence.... J'les ai vu achever la mama d'vant ma gueule. Si t'avais vu ses yeux fixés sur moi..... Rahat ! Le connard aux smileys, j'vais lentement lui retirer la couenne vivant et après j'lui f'rais sucer sa propre bite fraîchement découpée....

Cette sauvagerie qui couve en moi, qui ne s’est jamais totalement assoupie. Elle brûle, elle gronde, elle appelle au sang. Elle faisait peur à Kaelig.

- Du jour où j'ai accepté de t'aider, j'en ai été. Stout.
- Malsheem...
Mon visage se décrispe lentement.
- Malsheem. que je répète doucement.
- .. est un réseau que j’ai en tête depuis très longtemps. C’est à la fois des informations et une échappatoire pour ceux qui refusent de se plier aux règles du jeu actuelles, pour les gens qui veulent rester sur terre et vivre normalement…
- Des rebelles, quoi ! T'es juste un gros anarcho au fond d'toi... Avoue ! Grand sourire. C'est bien, ça me ressemble assez. Moi aussi j'envoie chier les règles et j'réclame l'droit d'exister. Malsheem ! Ça sonne bien ! On pourrait en faire le blaze d'un groupe de hard rock !
- On l’a ouvert avec Simone quand on était à Boston et quand on est arrivé en ville, on a recruté un vieil ami à moi : un djinn qui partageait mes idéaux. Depuis, ils m’aident à gérer le réseau. On mes des gens en sécurité, on leur file des faux papiers, un endroit où vivre, des moyens de s’intégrer efficacement…
- Ouais, j'vois... C'est rôdé. En même temps avec Simone à la logistique... Une part de moi est certaine qu'elle a un mode de classement codé pour ranger ses culottes.
- C’est un peu un idéal de vie depuis longtemps et je sais que c’est très voué à l’échec mais si j’arrive à donner aux gens qui me font confiance un semblant de vie normale pendant une décennie ou deux, alors, ça sera pas totalement une foirade.
- Cause pas comme un papy désabusé, on va rallonger l’espérance de vie d'tes rêves mon p'ti vieux ! Et puis si on s'plante, au moins on se s'ra marré!

Je te déride de quelques conneries du cru. Je l'aime bien ton idéal, Ass. C'est sans doute d'une naïveté crasse, mais ça me semble une belle entreprise. Et j'ai jamais eu de but à atteindre, tu sais. Ton rire solaire, me réchauffe les entrailles.

Oui, ça va mieux.

- Je t’aime, Asti min.
- Même quand j'cause islandais au pieu ? Ou qu'j'guéris de mes blessures en un coup d'trique ? Y'aura d'aut' "petits avantages" du style ? Non pas que ça m'dérange, dans un mariage faut savoir faire des concessions... Ricanements ... mais ça surprend un peu...

- Ces gens, au couvent, j'leur ai apporté les sigils de protection en personne, j'ai fait des blagues à une maman et ses mômes, j'me suis fait offrir une bière par un d'tes gars... C'était mon taf et il a servi à que dalle.J'les ai vu achever la mama d'vant ma gueule. Si t'avais vu ses yeux fixés sur moi..... Rahat ! Le connard aux smileys, j'vais lentement lui retirer la couenne vivant et après j'lui f'rais sucer sa propre bite fraîchement découpée....


J’inspire doucement et caresse tes cheveux. C’est l’effet que fait Astaroth à beaucoup de gens.

-Disons que, c’était pas prévu pour ce Prince Démon là. C’est pour ça que ça n’a pas fonctionner. Ton travail n’était pas inutile, ils se sont sentis aimés, protégés. Pour ce qui est du connard aux smileys, il a un nom : Astaroth. Et effectivement, on va lui faire payer sa petite preuve d’arrogance. Il va être difficile à atteindre mais ça se fera.

-Du jour où j’ai accepté de t’aider, j’en ai été. Stout.

Je souris un peu et t’embrasse. Ca m’emplit d’une joie sans borne que tu vois les choses sous cet angle. Tu répètes le nom du réseau et je trouve ça presque plus sexy que quand tu prononces mon nom. Incongru, non? En attendant, je t’explique tout ce que j’ai à t’expliquer sur Malsheem.

-Des rebelles, quoi ! T’es juste un gros anarcho au fond d’toi… Avoue !

Tu m’souris et je réponds pas un air choqué de Drama-queen.

-Moi? Mais noooooooooooon!

Sourire vrai, oeillade provocatrice.

-C’est bien, ça me ressemble assez. Moi aussi j’envoie chier les règles et j’réclame l’droit d’exister.
-C’est moins les envoyer chier que de les détruire de l’intérieur. Y a une raison pour laquelle j’ai voulu devenir Prince Démon. Bon, pour le chateau, certes. J’aime mon espace.

Je pouffe de rire et t’embrasse doucement.

-Malsheem ! Ca sonne bien ! On pourrait en faire le blaze d’un groupe de hard rock !

Je souris en caressant ton visage. T’es beau, tu sais. Je t’explique comment ça fonctionne et puis finalement j’t’explique aussi que j’ai pas grand espoir sur Malsheem.

-Cause pas comme un papy désabusé, on va rallonger l’espérance de vie d’tes rêves mon p’ti vieux : Et puis si on s’plante, au moins on se s’ra marré !

Je te souris doucement. Je dois avoir l’air vieux, là, maintenant.

-On peut pas penser comme ça. Je peux pas penser comme ça. Pas pour Malsheem, Asti min. Il faut que je sois réaliste, c’est important. Ca ne m’empêche pas de mener ma barque comme un idéaliste. Mais on peut pas se marrer parce que si j’me marre trop, des gens biens meurent.

Je caresse tes cheveux.

-Il est pas question de donner l’opportunité aux Pandémoniums de me prendre de court. Parce que le jour où ils me prennent de court, je tombe.

C’est une large épée de Damoclès au dessus de ma tête. Le pire, c’est que j’ai mis la tête tout seul en dessous. Personne m’a forcé à part mon indécrottable instinct, ma haine profonde pour ce système dégueulasse et mon âme de rebelle.

-Mais je suis vraiment heureux que tu te joignes à moi dans Malsheem, Asti min.

Baiser d’amour. On finit par rigoler comme des baleines. Je t’aime, putain. Je t’aime, je t’aime, je t’aime.

-Même quand j’cause islandais au pieu ?
-Surtout quand tu parles Islandais au pieu, j’dirais.
-Ou qu’j’guéris de mes blessures en un coup d’trique ?
-Haha! C’est le bidule de Sal, ça. J’ai pas encore une bite magique, désolé.
-Y’aura d’aut’ “petits avantages” du style ? Non pas que ça m’dérange, dans un mariage faut savoir faire des concessions…. Mais ça surprend un peu…


Je sens l’inquiétude, un peu, derrière tes mots. Tu as changé depuis cette transe chamanique et tu le sens, simplement tu ne sais pas dans quel mesure. Je n’ai aucun moyen de savoir si c’est vraiment l’onguent de Sal qui a fait ça où si nos essences sont mêlées à ce point que tu partages ma régénération. C’est une question à se poser.

-Pour le moment, je serais tenté de dire que tu n’auras probablement pas une longévité d’humain. Peut-être que tu régénères vraiment, on verra la prochaine fois que tu te blesses. Pour le reste… Je n’en sais rien. Il faudra aviser au fur et à mesure. Mais nos essences se sont mélangées, je suppose que tu vas bénéficier de ma bogossitude, qu’est-ce que tu veux?

Je prends un air de grand prince charmeur.

-J’suis généreux comme ça.

- On peut pas penser comme ça. Je peux pas penser comme ça. Pas pour Malsheem, Asti min...

La diatribe est longue sur l'importance de ses responsabilités, des vies en jeu, se son rôle majeur. Chéri, je ne suis pas si con, simplement, t'a besoin aussi de gens comme moi, plus directs, pour te rappeler la saveur de la liberté, pour respirer à grande goulée ton idéalisme avant que le cynisme ne te fasse la nique. On dérive sur les bizarreries qu'impliquent nos épousailles. Visiblement, je dois m'attendre à tout.

- Beau gosse éternel, ça me va bien. Avec un peu de chance tu sauras faire quelque chose de mon swag roumain qui crépite dans tes jolies veines...

J'éclate de rire avant de revenir à un sujet plus sérieux.

- Ass...Chuis pas qu'une belle gueule avec un joli p'tit cul qui manie la machette comme un prodige. Sourire, suivi d'un haussement de sourcil goguenard. Et j'ai eu un certain  paternel du même genre que toi, avec le poids de toute une organisation sur les épaules. Mec... T'es central, t'es pilier, mais t'es pas tout seul. T'as un tas de gens fidèles et compétant qui te suivent. Simone est là, ton pote djinn  est là, ... Bécot sur ton front.] Moi, je suis là... On est des solides. Le jour où les pontes viendront te chopper, parce que ça arrivera tôt ou tard, on va pas se leurrer, tu laisseras une oeuvre derrière toi qui perdura tant qu'on aura la force de croire à tes idées et de se bouger le fion pour les mener. Si j'hérite de ta longévité, crois-moi que je vais pas la gâcher. Et puis...

Un silence, une gravité fugace.

- J'irais te chercher en Enfers. J'éspère que tu l'sais.

Un doigt sur ta bouche.

- Ta gueule, c'est moi qui décide... Va pas contrarier ta femme.

Je scelle le deal d'un profond baiser.

- Beau gosse éternel, ça me va bien. Avec un peu de chance tu sauras faire quelque chose de mon swag roumain qui crépite dans tes jolies veines…

Je souris et plisse les yeux.

-Faudra qu’tu me montres comment être swag à la roumaine, Asti min.

Je te regarde avec des yeux faussement larmoyants.

-Chai po faire moi.

On éclate de rire et tu redeviens sérieux. Ton petit discours me fait plus de bien que t’imagines. Je sais tout ça. Tout ce que tu me dis. Ca fait un bien fou. Ce n’est pas que je te crois con ou bien que je te sous estime, c’est qu’il m’est facile de sombrer dans les travers du type millénaire. L’ennui rend foutrement con et l’âge n’aide pas. C’est pour ça que je le repete. C’est aussi parce que je me sens obligé de le faire mais c’est surtout parce que c’est tellement facile pour moi de perdre de vue une chose aussi simple.  Ce que je fais a de l’importance, une importance capitale pour moi et pour d’autres personnes qui me font confiance.

-Mec… T’es central, t’es un pilier, mais t’es pas tout seul.
-Oui… C’est… Facile pour moi d’oublier ça, figure toi.

Sourire vrai, fatigué. Je te laisse voir un peu plus loin derrière le masque. Non pas que j’ai besoin de réconfort. Je sais juste que je peux te laisser voir ça. Je t’aime vraiment et ça, je suis pas prêt de l’oublier. Je ferme les yeux sous le baiser. Ca me rassure tellement que tu réalises qu’ils m’auront fatalement. Il y a une sorte de paix qui s’installe en moi. Je ne savais pas vraiment qu’il en fallait mais on dirait bien que c’est le cas.

-Et puis…

Tu ne me laisseras pas en Enfer.

-J’irais te chercher en Enfer. J’espère que tu l’sais.

Je m’apprête à ouvrir ma gueule de con mais un doigt sur la bouche m’en empêche.

-Ta gueule, c’est moi qui décide… Va pas contrarier ta femme.

J’accueille le baiser avec un sourire amusé et presse Ciulin contre moi. Ma main s’égare dans son  dos en caresses légères.

-J’allais pas te contredire, Asti min. En fait, j’allais te dire que tu me fais un bien fou et que j’avais besoin d’entendre ça, sans même le savoir.

Je t’embrasse et te soulève doucement.

-Tu es incroyablement parfaite pour moi, tu le sais?

Je passe doucement dans la salle à manger rustique, pour emprunter un escalier de pierre et je monte à ma partie préférée : la chambre avec la gigantesque verrière qui donne vu sur le domaine, les élements, le vent. A part cette partie résolument moderne, le reste de la pièce se pare de couleur naturel, de ton chaud.
Je pose Ciulin sur le lit et l’embrasse longuement, mes mains caressent, flattent et finissent contre son coeur et contre sa joue.

-Dans quelques heures, il va faire nuit. Et c’est un soir à aurore boréale. Je te propose d’allumer un feu ici et de profiter du spectacle. Qu’est-ce que tu en dis, Asti min?

Mon sourire s’éclaire, mes yeux crépitent d’étincelles bleutées. Mon pays, berceau de mes ancêtres, de ma puissance, de mes dieux.
Je t’embrasse et t’en transmet la vigueur, juste assez pour que nous ne fassions qu’un l’espace de quelques  secondes. Rien à voir avec la transe d’Odin, c’est plus doux, ça vient de Freya et de Frigg. L’amour et la beauté.

-Tu me fais le même effet, tu sais? D’avoir été fait pour toi.

-J’allais pas te contredire, Asti min. En fait, j’allais te dire que tu me fais un bien fou et que j’avais besoin d’entendre ça, sans même le savoir.

Tes baisers sont tous doux. Je ne me rappelle pas avoir été bercée par pareil tendresse. Ça me rend câlin comme un pisoi. Tu me soulèves, poids plume. J'accroche mes bras autours de ton cou et mes jambes interminables se nouent autour de tes hanches.

-Tu es incroyablement parfaite pour moi, tu le sais?

Je ronronne de plaisir en mordillant tes joues. Mon tarin pointe dans ton cou et respire ton odeur. Le parfum d'un "chez moi" définitif. Un endroit où je serais toujours bien. Toujours.
Lorsque nous passons le seuil de la chambre, je lève le nez vers l'incroyable verrière baignée d'or crépusculaire. Sourire d'enfant face à la beauté simple des choses immuables. Mon palpitant est encore tout mâchonné d'émotions fortes, entre bonheur féroce et dégoût de soi, entre chagrin passé et joie solaire. La Mort et la Vie dans un mouchoir de poche et pas assez de kleenex pour éponger. Ça m'a éreinté de chialer autant, plusieurs jours d'affilé.

Je ne regrette pas, pour autant.
Je me sens purgée.

- Dans quelques heures, il va faire nuit. Et c’est un soir à aurore boréale. Je te propose d’allumer un feu ici et de profiter du spectacle. Qu’est-ce que tu en dis, Asti min?
- J'en dis que je t'aime...

L'étreinte soulève en moi une vague délicieuse de tranquillité. Enlacés l'un contre l'autre, nos myocardes réglés sur la même pulsion, l’électricité circulent en toute liberté entre deux corps qui se comprennent. Jonction évidente d'un circuit fermé pour une connexion extraordinaire.

-Tu me fais le même effet, tu sais? D’avoir été fait pour toi.

J'ai un rire serein, pétri d'amour. C'est un sentiment inédit et inégalé.

- Peut-être que Mère-Nuit et Odin se sont concertés, tsais... Et puis nous v'là.... Haussement d'épaules. Je répète, tout bas en caressant ce visage millénaire... Nous vl'à...

Nous sommes restés là, l'un contre l'autre, au coin d'un feu, à regarder la Nuit faire tomber ses dentelles. Et tu avais raison, sa robe est si belle dans ton pays. Elle lui donne des couleurs qui l'épanouit. Je ne me souviens pas m'être endormie, juste du puissant sentiment de paix alanguissant ma carcasse. J'étais épuisée.

Mais j'étais heureux.

***

Le soleil me cueille entre les plis d'une couette épaisse. La verrière et la réverbération de la lumière sur la neige m'éclabousse les paupières de rouge. J'ouvre un œil, pousse un soupir, tâtonne l'oreiller. Tu n'es pas à côté de moi.
Je me redresse la tronche chiffonnée par un sommeil de plomb, la tignasse en pétard.  Gros bâillement vaporeux.
Je m'extirpe des draps pour trimbaler ma nudité jusqu'à la fenêtre. Les poils du tapis duveteux me chatouillent la voûte plantaire. Je m'étire comme un gros chat qui sort enfin de sa sieste. Et puis les bras m'en tombent. Je reste un instant, ébahie devant le spectacle d'une nature sauvage et pétrifiée de froid.

Et toi, tu es où ?

Une fois en Islande, mon rythme de vie change complètement. Je me lève avant que le soleil ne pointe le bout de son nez, je vais courir et puis je rejoins Jolak pour un petit entrainement matinal. Ca ressemble plus à un jeu qu’à un entraînement, pourtant ni lui ni moi ne retenons nos lames. Epées, haches et autres armes médiévales y passent.
Hier soir, Ciulin a sombré dans un sommeil tranquille, le premier depuis que nous sommes partis de Tir Na nOg. Ce matin, au réveil, je n’ai pas eu le coeur de le réveiller pour lui dire que je partais. Iel a mérité son repos. J’ai embrassé son front sans perturbé son sommeil et j’ai rejoins la salle de bain. Je suis sorti dans une tenue qu’on ne me connait pas à Tir Na nOg, incroyablement simple, incroyablement pratique et surtout, elle n’entrave aucun mouvement.
Je me suis fendu d’une longue course dans les bois et le long des falaises, suivi par Jolak et quelques uns des siens. Il y a un genre de compétition qui s’installe mais je ne rivalise pas avec sa race, ils sont plus rapides que moi, sans aucun doute.
L’aurore se lève à peine quand je rejoins Jolak, essoufflé et heureux de retrouver cette partie de moi, derrière la maison. Mon ami félin prend sa forme humaine, il s’arme et moi aussi.
Le petit combat dure une petite heure, peut-être plus longuement. Le soleil a pointé son nez désormais. Ciulin devrait se reveiller dans peu de temps. J’arrête Jolak en rigolant.

-Bon, t’étais en train de gagner, alors je me sens obligé d’aller remplir mon rôle de mari.

Jolak ronronne et ricanne.

-Tu vois comme tu es, tu refuses de perdre dignement. Je t’aurais la prochaine fois, que veux-tu, je serais toujours aussi doué.

-Pour un gros chat. Que je temporise.
-Raciste.

Nos rires se mêlent et je repars vers la maison en trottinant dans la neige. J’entre, me défait des couches superficielles de mes vêtements puis monte à l’étage, pour trouver Ciulin nu comme un vers devant la fenêtre.
Un sourire me barre la gueule, pas le genre amoureux. Le genre petit con.
J’suis glacé, iel vient se lever….

Je m’approche de ellui et l’enlace, je colle ma gueule froide dans son cou, mes paluches glacées sur ses flancs.

-Bonjour Asti min… Bien dormi…?

J’embrasse son épaule avec le parfait sourire du petit con bien content de sa bêtise.

Mes idées vagabondent et fatalement se perdent dans une tombe. Tout ce blanc qui s'étale me rappelle les couloirs de cet hôpital où Antoine passait le plus clair de son temps. Pourquoi m'a-t-il dit qu'il m'aimait, si, au final, c'était pour nous rendre malheureux ? Pourquoi partir seul, si il avait tant besoin de moi... ?

Tout ce qu'on aurait pu faire,
s'il avait pas été aussi con....

Je t'entends remonter les escaliers mais je ne prends pas la peine de me retourner. Je suis bien trop absorbée par cette vue et les pensées qui s'étiolent avec. Est-ce que c'est Jolak qui court dans la neige, là ? Ah oui...

Une morsure glacée vient brutalement contracter tous mes muscles. Peau qui grêle, tétons qui pointent, couinements en prime.

- AAAAH !!!!!!!
- Bonjour Asti min…
- ... AH ! .... AAAAh ! Non ! Non ! Rahat !!!! Arrête !!! que je gesticule pour me soustraire à ton étreinte. Mais c'est impossible, tu m'arrimes solidement à toi.
- Bien dormi…?
Tu crois qu'un bécot va rattraper ton sale coup ?
- T'es vraiment un enfoiré ! que je te fulmine en te soufflant dans la barbe avant de te mordre le menton. Et t'es tout collant! Qu'est-ce t'es allé foutre ?

Je n'en reste pas moins engluée dans tes bras. Je pivote sur moi même pour te faire face, le regard toujours un peu orageux.

- Tu pues ! que j'assène en sale gosse boudeur. Tu vas d'voir prendre une douche avec moi !

Je ricane en partant en quête de ta bouche. Tu as un gout plus salé que d'habitude. Je peux presque sentir la saveur de ta dopamine. T'as du sacrément te dépenser.

- J'ai dormi comme une pierre, m'suis même pas sentie partir. Un silence. Ça m'a fait bizarre au réveil. J'reconnaissais rien du tout. Et t'étais pas là.... T'as pas eu sommeil ?

Je me rends compte à quel point ça sonne misérablement comme un "me laisse pas tout seul". Je m'écarte, donc, pour avoir l'air un peu moins désespéré.

- Réveille-moi la prochaine fois que tu as envie de faire du sport...

Je m'étire à nouveau : muscles et os craquent tranquillement. Je soulève la couette et parcours le sol du regard en quête d'une fringue ou deux. Rien. Je hausse un sourcil.

- Euh... t'as fait quoi d'mes frusques ?

J'vais pour poursuivre quand mon estomac produit brutalement un son digne de la tectonique des plaques. Je te regarde avec une grimace de comique.

- J'crois qu'mon corps m'envoie un message... J'éclate de rire.

Je rigole comme un demeuré quand tu te débats dans mes bras. La sensation est délicieusement drôle et particulièrement amusante. Tu réagis comme un enfant et ça me fait rigoler de plus belle. J’avoue, voir monter la chair de poule sur ta peau ne me laisse pas du tout indifférent.

-T’es vraiment un enfoiré!
-Je sais, je sais…

Ta morsure me faire rire d’autant plus fort.

-Et t’es tout collant! Qu’est-ce que t’es allé foutre?
-Courir, m’entrainer. Faut que j’m’entretienne pour pas devenir un vieux crouton.

Tu te retournes avec tes yeux pleins d’éclairs outrés, je caresse ta joue doucement.

-Tu pues !
-Vrai.

Ta bouille boudeuse me fait fondre.

-Tu vas d’voir prendre une douche avec moi !

Tu ris et m’embrasse. Je savoure chaque goulée d’air prise à travers toi.

-Un bien terrible  calvaire, si tu veux mon avis.

Je pouffe de rire et te garde contre moi.

-J’ai dormi comme un pierre, m’suis même pas sentie partir. Ca m’a fait bizarre au réveil. J’reconnaissais rien du tout. Et t’étais pas là… T’as pas eu sommeil?

Je te souris tranquillement et tu t’évades de mes bras. Je te laisse faire, non sans un pincement au coeur.

-Si, j’ai un rythme assez différent ici… je me suis levé à 4h, je crois. Tu dormais si bien, j’ai pas eu le coeur à te reveiller.

-Reveille-moi la prochaine fois que t’as envie de faire du sport…

Tu te fais distant.e, c’est étrange. Ca arrive rarement. Je te laisse l’espace dont tu as besoin.

-Message reçu, je te reveillerais la prochaine fois.

Sourire tranquille alors que je te regarde gambader nu dans la chambre.

-Euh… t’as fait quoi d’mes frusques ?
-Rangés dans le dressing, juste là.

Son ventre grogne comme si un monstre allait lui sortir du ventre. Sa tête me fait pouffer de rire.

-J’crois qu’mon corps m’envoie un message…
-On dirait bien!

Je m’approche de Ciulin, lae soulève par dessus mon épaule et l’embarque.

-Allez! A la douche! Et j’te fais le p’tit dej après. Franchement, c’est indécent de se laisser mourir de faim comme ça.

Pour lae faire rire, j’embrasse son postérieur et me dirige glorieusement vers les douches.

- WAAAAARGH !!!
-Allez! A la douche!

Je suis soulevée comme un vulgaire sac à patates. Je me défends pour la forme, tentant de lui picorer le dos en lui pinçant la couenne, mais je suis bien trop bidonné pour être véritablement efficace.

-Et j’te fais le p’tit dej après. Franchement, c’est indécent de se laisser mourir de faim comme ça.
- Tu compte faire quoi ? M'donner la becquet ?

La salle de bain est immense, épurée et boisée à la fois. Description difficile à retranscrire la tronche à l'envers. La baignoire a la taille d'une péniche et la cabine de douche ressemble à une parodie de sauna. Je m'y fais déposer avec une certaine douceur, que je remercie ingratement mon porteur en allumant le robinet. Collée contre le mur et à l'abri du jet, je me marre en t'observant aspergé d'eau glacée. La tiédeur monte tranquillement alors que je lui retire ses fringues trempées de flotte qui lui collent au derme. J'hume ton odeur animale qui se dilue. Mordillement de lèvre. J'ai faim, en effet.
Baiser fiévreux suivi d'un petit rire.

- Tu permets, si j'prends un acompte sur l' futur 'ti déj'... Trop la dalle...

Je m'en vais dévorer du vicking en tartines.

***

Lorsque que je descend en cuisine, je suis vaporeuse comme un ravioli chinois. J'en ai encore les joues rosies de plaisir. Ceci étant, toutes mes fringales ne sont pas apaisées. Je pourrais bouffer un dragon entier... J'avise le café qui fume toujours dans la cafetière et je m'en sers un mug plein. J'attends la graille tel le matou qui piaule autour de sa gamelle vide.

- C'quoi l'programme d'la journée ? que je fais à mon "époux".

Je n'ai pas la moindre idée de ce qui va se passer dans la seconde qui suit.  J'ai la sensation de pouvoir absolument tout et ne rien faire. Il y a longtemps que je n'ai pas eu cette liberté. Que je ne l'ai pas prise. Il y a avait toujours à s'inquiéter, des autres, pour les autres. Toujours un événement qui vous happe et qui vous contraint à composer avec.

Même si l'image rémanente d'Antoine continue de me hanter, son absence révèle le poids qu'il représentait, lestant mon coeur et mes godasses. Je le constate avec une pointe de tristesse mais de moins en moins de regret. Cette terre, ton royaume, mon "chez-moi", purge l'âme au gros sel.

Il ne reste que l'essentiel.

- J'ai envie d'aller dehors.....

moi.

Les tentatives de pincement me font rire et l’hilarité est partagée, ça fait du bien de t’entendre rire comme ça, Asti min.

-Tu comptes faire quoi ? M’donner la becquet ?
-Ca s’rait pas la première fois, me semble.

Sourire malicieux. Ciulin allume l’eau glacée et si elle me coupe le souffle sur le moment, elle se réchauffe bien vide. Je lui lance un regard plein d’éclairs piquants, rien à voir avec la colère. Je me laisse faire et je vois bien ce mordillement de lèvre. Je souris comme un abruti qui sait parfaitement ce qu’il va se passer. Ca ne manque pas et c’est incroyablement bienvenu.

***

Dans la cuisine, je prépare un petit dejeuner copieux. Je sais que Ciulin voudra aller dehors. Je lui ai vendu des dragons et des créatures magiques, je sais qu’iel n’attendra pas une seconde de plus pour aller voir.
Quand iel descend, c’est avec un air reposé qui me satisfait assez. Au moins, ça, c’est fait. Je suis habillé bien plus sobrement que quand je suis à Tir Na nOg. L’Islande et son froid pardonnent rarement les excès d’orgueil. Je souris à Ciulin alors qu’iel remplit sa tasse à café à ras-bord.
Je pose devant lui une assiette remplie : oeufs brouillés, saucisses et des pancakes. Je vois difficilement comment iel ne pourrait pas avoir les giga-crocs, j’ai mangé deux fois plus que ellui et j’ai envie de manger un boeuf.

-C’quoi l’programme d’la journée ?

Je m’installe devant lui avec une assiette et l’entame tranquillement en silence. Je lui jette un coup d’oeil amusé : comme si j’allais avoir le choix du programme. Je sais parfaitement ce que tu veux. Tu as l’air plus léger. Ca fait plaisir de le voir. Bon… Je me doute qu’il y aura quelque petite rechute… Cependant… Je pense que venir ici était définitivement une bonne idée.

-J’ai envie d’aller dehors…

Je pouffe de rire.

-Oh, vraiment? Moi qui pensait qu’on allait pantoufler à la maison alors qu’hier je parlais de mille créatures fantastiques, planquées dans nos forêts…

Je lui souris tranquillement.

-On va aller se balader, Jolak prépare les chevaux. C’est encore le meilleur moyen de se déplacer dans la région.

Je mange tranquillement avant de dire.

-Tu sais monter? J’veux dire, autre chose que des beaux étalons dans mon genre.

Clin d’oeil appuyé et outrancièrement caricaturale. Je me lève et contourne le comptoir pour venir l’enlacer.

-Il est assez tard, malgré la lumière.

Je désigne l’horloge qui affiche un bon 12h alors que le ciel a encore la robe de l’aurore.

-Ici, en hiver, on est assez vite dans le noir… Donc, à 17h, il fera parfaitement nuit. Il faudra qu’on soit rentré avant. Il y a un lac à une heure et demi, je pensais aller là pour aujourd’hui. Tu devrais voir deux ou trois choses sympathiques.

Je l’embrasse sur la joue avant de lea presser contre moi.

-Ensuite, on reviendra ici.

Je caresse sa peau délicatement.

-Ca te va?

Je souris et retourne finir mon assiette. Je me dirige vers un coffre en bois gravé que j’ouvre. J’en sors deux petites haches de lancé et une plus grosse. J’ai voulu mes forêts à l’état sauvage, ça implique aussi d’être possiblement attaqué. Et ça me va terriblement. Je sors également de quoi les attacher et m’équipe en chantonnant tranquillement. Je me retourne vers Ciulin.

-Prêt pour la balade? Après, je comprendrais que tu ne veuilles pas voir ce qui se trouve dehors. Super ennuyeux, franchement…

Je lui tire un peu la langue, prêt à esquiver tout lancer de coussins.

J'aime assez le Ass dépourvu de ses atours blingbling, loin des ses costumes italiens, de ses rolex et de sa gomina. Jean, T-shirt, ça me va très bien, surtout pour mouler un torse et un cul aussi parfait ! Les effluves de bouffe généreuse affolent mon estomac. L'assiette qui m’est destinée excite ma gourmandise. Je bâfre sans chichi, faisant honneur au cuistot. A côté de tes bouchées mesurées, j'ai l'air d'un bébé barbouillé de beurre et de sirop d'érable.

-On va aller se balader, Jolak prépare les chevaux. C’est encore le meilleur moyen de se déplacer dans la région.
- 'es canachons, 'es chérieux?! que je postillonne la bouche pleine. J'avale avec un bruit de déglutition toonesque. De vrais canassons ? Mais j'ai pas vu d'écuries !
-Tu sais monter? J’veux dire, autre chose que des beaux étalons dans mon genre.
- AHAHA ! Trop pas ! Ceci dit, ça doit pas êt' plus difficile qu'les étalons en question... Que je ponctue d'un sourire finaud.

Je te laisse venir t'installer confortablement contre moi, ton menton dans le creux de mon cou. Le poil de ta barbiche me chatouille délicieusement la peau. Intimité naturelle, paisible. Image idyllique du parfait amour. Je me suis toujours moqué des débiles qui pouvaient aspirer à ce genre d'idéal de vie routinier et barbant : la sédentarisation dans une belle maison à palissade blanche, la cuisine équipée, le frigo plein, les câlins pépères du gentil mari et de son épouse... Force est de reconnaitre que ça a ses charmes, tous comptes faits.

-Il est assez tard, malgré la lumière. Ici, en hiver, on est assez vite dans le noir… Donc, à 17h, il fera parfaitement nuit. Il faudra qu’on soit rentré avant.
- Ok... J'me laisse porter par le guide, alors.
- Il y a un lac à une heure et demi, je pensais aller là pour aujourd’hui. Tu devrais voir deux ou trois choses sympathiques. J'ai l'imagination qui s'émoustille malgré moi. Ça doit se lire sur ma gueule. Ensuite, on reviendra ici. Ça te va?

Je penche la nuque en arrière pour m’appesantir un peu plus contre toi. Juste un peu...

Tyr Nà Nog et ses calvaires me semblent bien loin.

- Au poil...

Je te vole un baiser avant que tu ne m'abandonnes pour en terminer avec le repas. Moi, mon assiette est aussi vide et propre que si elle était passée au lave-vaisselle. Lorsque tu ouvres le coffre pour sortir l'artillerie, mon coeur s'emballe : la palissade blanche, le jardinet et toute ces conneries de magazines sont balayés par l'appel de la joute. Je coule sur toi et tes haches sanglées un regard pétillant de convoitise. T'as beau être le roi des pancakes, ça, mon cher "mari" c’est infiniment plus sexy.

-Prêt pour la balade? Après, je comprendrais que tu ne veuilles pas voir ce qui se trouve dehors. Super ennuyeux, franchement…
-Queeeel dommage pour moi et mes charentaises de passer à côté du marathon Game of Throne que je m'étais prévu aujourd'hui.... Je farfouille dans la caisse et j'en sors deux gurkhas qui ressemblent, à la prise, à ma machette. J'en fait tournoyer une dans les airs avec une parfaite réception.... Mais ça, c'est cool aussi...

Sourire rayonnant.

Antoine n'est qu'une petite tâche noire reléguée au second plan.

Le coup de chevaux fait pleuvoir une miriades de petits morceaux de bouffes sur le comptoire. J’observe la scène fasciné et parfaitement mort de rire.

-Des vrais canassons ?
-Non, non des en papiers. Bien sur des vrais canassons!
-Mais j’ai pas vu d’écuries !
-Normal, elles sont à coté de la maison, dans la partie que t’as pas vu.

Quand je demande si t’as déjà monté, la réponse et le sourire me fond marrer comme un gros con.

-Ah, ben va falloir t’apprendre alors, parce que c’pas tout à fait pareil que d’donner des coups de kekettes en plastiques. Mais tu vas voir, c’est sympa.

Je viens l’enlacer et iel se laisse aller tranquillement contre moi. Complétude profonde. C’est débile de si bien s’entendre. Ca me va parfaitement, cela dit. Ca faisait longtemps que ça n’était pas arrivé. Je parle du programme puisque ça l’intéresse tant que ça. Je lui parle de choses magiques à voir et je vois son regard s’enflammer d’un coup. Ca me fait sourire. Iel se cale contre moi, nuque contre mon épaule, j’en profite pour voler un long baiser.

-Au poil…
-Génial. Ben finis de manger et on est partie.

Un baiser plus tard, Ciulin finit son assiette à grand coup de fourchette et moi aussi. Le regard que me lance Ciulin alors que je m’équipe m’electrise. Oh I know, love. I know. Je lui offre un sourire sulfureux et le laisse récupérer deux gurkhas. Je suis pas étonné de ce choix. Je l’attire à moi et lui roule un patin de l’enfer. Ma spécialité.

-Queeeeeel dommage pour moi et mes charentaises de passer à côté du marathon Game of Thrones que je m’étais prévu aujourd’hui…
-Et c’est moi, le petit vieux, dis donc…  fin sourire d’andouille, main au cul - faut pas déconner non plus.

-Mais ça, c’est cool aussi…

Ton sourire me réchauffe le coeur, caresse délicate sur la joue avant de passer dehors non sans mettre gants, bonnets et chaussures épaisses. Je fais enfilé son manteau à Ciulin et en profite pour l’embrasser copieusement. Bordel de merde… J’ai juste envie de baiser dans la neige, en vrai… Dinguerie.
J’ouvre la porte et deux  chevaux nous attendent : un cheval Islandais et un Dole- Gudbrandsdal. Le cheval islandais est pour moi, cette petite bête porte le doux nom de Eldingar et je l’ai débourré moi-même il y a quatre ans. Celui que je réserve à Ciulin est un cheval plus calme et plus confortable aussi, un cheval de trait du nom de Rolegur. Je m’approche d’eux, Eldingar piaffe inévitablement. C’est un cheval qui a beaucoup de caractère. Je lui gratifie l’encolure.

-Ciulin, voici Eldingar. Et je te présente ta monture pour la première fois : Rolegur.

Rolegur est plus calme que Eldingar, il n’y a qu’à les regarder pour le savoir. Je laisse Ciulin s’approcher doucement.

-Evite de passer trop près des pattes arrière. Ils aiment pas trop ça. Encore, Rolegur devrait rien dire mais Eldingar va frapper, c’est sure. Oui, mon beau. T’es un nerveux, on sait bien.

Comme pour répondre le cheval hénis. Je m’approche de Ciulin et entreprend de lui montrer comment on monte en selle, je règle les étriers et monte à mon tour sur mon cheval.

-Tiens pas les rênes trop serrées. Tu vas voir, c’est pas si compliqué. Allez, on y va.

J’ouvre la route tranquillement jusque dans la forêt. Quand on y rentre, j’attrape une de mes haches de lancer et continue l’exploration tranquillement.

-On entre dans le domaine des Managarm… Sois vigilant…

Je chuchote. Tout est silencieux ici. Un bruit me fait tourner la tête et je souris en voyant ce que j’espérais voir sur le chemin pour aller au lac.
Plusieurs cerfs dans une clairière. Ils pourraient avoir l’air normaux si ce n’était les sillons bleutés luminescents qui  zigzaguent sur leur corps. Le bois, démesurément grands semblent parcouru d’un courant d’eau perpétuelles. Je tire la manche de Ciulin en silence et lui pointe du doigt la vision. Elle m’apaise tellement. Un grondement menaçant se fait entendre au loin et les cerfs partent en courant, des giclées d’eau se figeant immédiatement au contact de l’air naissent sous leur sabots. Je talonne Eldingar pour le faire accélérer un peu. Rolegur suit au même rythme.

-Les Managarms sont en chassent. Mieux vaut accélérer un peu. J’aimerais éviter d’avoir à les combattre.

Je reste vigilant mais tellement reposé par ces lieux familiers.

La perspective de gambader à croupe de canasson m'angoisse un peu. L'inquiétude est vide balayée par la perspective de faire mumuse avec l'arsenal d'Ass - TOUT ton arsenal. Et si jamais mon cerveau de simplet n'a pas déjà évacué la menace, les baisers enflammés de mon beau diable achève de tout nettoyer. Je suis un bibendum qui a la trique et une confiance inébranlable!

Des chevaux ?
C'doit pas être plus difficile qu'une moto.

Ma ferveur s'étiole un peu à la vue concrète des bestiaux. Ça piaffe et c'est vivant. C'est plus gros qu'une bécane (Evidemment!). Ceci étant, je suis suffisamment con pour que toute vague d'inquiétude ne dure qu'un instant. Qui vivra, verra !

- Ciulin, voici Eldingar. Et je te présente ta monture pour la première fois : Rolegur.
- On dirait des noms de persos de Donjons&Dragons !

Je pouffe en m'approchant de mon nouveau compagnon de route.

- Tu t'es pris un connard d'elfe et j'ai un bon p'tit nain bien costaud. Je pause une paume hésitante sur sa tête. Même à travers mes gants épais, je perçois la chaleur de l'animal. Rolegur s'ébroue des naseaux d'un air paisible. T'inquiète, copain, les nain c'est la crème d'la crème. Mon nouveau pote renifle comme pour acquiescer. J'ai un sourire de gosse illuminé par une joie toute simple. Je frotte l'encolure de l'animal et murmure. Moi, c'est Ciulin, mais tu peux m'app'ler Ciu. Sois cool avec moi, ok ? J'risque d'faire des trucs maladroits mais c’est juste parc'que chais pas encore, ok ?
- Évite de passer trop près des pattes arrière. Ils aiment pas trop ça.
- Tu m'prends vraiment pour une buse ?
- Encore, Rolegur devrait rien dire mais Eldingar va frapper, c’est sure. Oui, mon beau. T’es un nerveux, on sait bien.
- La vaaaaache, Rol', il NOUS prend pour des buses ! Viens on va leur montrer à ces connards prétentieux....

Je contourne Rolegur pour faire face à la scelle et son harnachement. Bon. Quand faut y aller, faut y aller... Au moment, où je mets le premier pied à l'étrier, je sens tes poignes fermes sur mes hanches. J'éprouve un sentiment de confort pavlovien.  Je te laisse me guider docilement. Putain, tu m'rends vraiment trop doux.

-Tiens pas les rênes trop serrées. Tu vas voir, c’est pas si compliqué. Allez, on y va.

Je m’exécute en élève studieux. Nous partons au trot et mes cuisses se tendent par réflexe pour amortir les secousses. Les muscles de Rolegur roulent et moulinent sous le cuir de ma scelle. C'est presque aussi plaisant que de sentir le moteur de sa bécane qui frétille. J'ai un petit rire juvénile, involontaire.

- On peut aller plus vite pour voir ? Comment qu' on change les vitesses ?

Mon instinct me fait lever le nez  et baisser la voix. Je demeure silencieux, scrutant les arbres imposants qui défilent, la canopée épaisse, bombée de neige. Nous ne somme pas seuls. Tous mes sens me l'affirment. On nous observe...

- On entre dans le domaine des Managarm… Sois vigilant…

T'imitant, je tiens les rennes d'une main et sort une gurkha de son fourreau de l'autre. Nous traversons une clairière et au loin, nous apercevons des cerfs blancs aux bois aqueux, scintillants. J'en reste bouche bée. C'est absolument magnifique.
Puis, les automatismes de chasse reprennent le dessus, cassent l'onirisme du songe.
Le gibier fuit, en proie à l'inquiétude. Les bois bruissent, les herbes chantent, la neige craque. L’atmosphère change subtilement et s'emplie de l'odeur caractéristique de la prédation.

Tu fais accélérer ta monture et Rol' se cale sur le pas d' Eldingar. Je me surprends à m'adapter sans broncher à cette nouvelle cadence.

-Les Managarms sont en chassent. Mieux vaut accélérer un peu. J’aimerais éviter d’avoir à les combattre.
- C'quoi ces foutus Manatrucs ?Que je grince entre mes dents, sur le qui-vive.

Je suis étrangement excitée par la perspective d'en croiser un.