This isn't gone
I can get it back

La Nuit étend ses dentelles sur l'imposant édifice de Tae'alam. Au coeur de la forêt, l'équilibre demeure précaire entre les mondes. Fées et djinns cohabitent sans certitude du lendemain. Le château à l'architecture troubadour dort pour l'heure et seules quelques lumières font bruisser l'obscurité en lucioles vaillantes qu'elles sont. Ce sont les infirmiers, les médecins, les soignants qui ne ferment plus l'oeil, demeurant avec constance, au chevet de leurs patient.

Dans une chambre du premier étage, un corps s'épuise. Le sommeil fuit ses muscles crispés. Yeux grands ouverts, Ciulin Mari adresse une prière désespérée au plafond, à Frigg, à Mère-Nuit au delà. Son âme est fatiguée de lutter.
Si fatiguée.
Et pourtant, dans les secrètes alcôves de son esprit, l'instinct de survie vibrant de Ciulin hurle. Il veut se battre, aimer, sauver, construire ! Il est trop tôt ! Ses pensées vagabondent et éclaboussent les toiles blanches de son imaginaire. Des regrets et des espoirs qui resterons informulés, des projections d'un futur fauché, à jamais figées à l'état de possibles. Du sable qui s'égraine entre les doigts, rien que du sable.

"Partir comme ça, sur du vent, c'est si frustrant ! Putain !"

Il y aurait tant eu à faire, tant eu à offrir ! Mais cette carcasse nécrose et la vie se flétrit en iel aussi surement que les fleurs fanent. Quel ironie quand on y pense : les chardons sont solide, fort et résiliant. Ils symbolisent une vitalité brute, hérissée et sans concession. Même quand ils sèchent, ils ne flétrissent pas et demeurent intact.
Il est éternel.

"Si seulement..."

Dans son délire fiévreux, lea sorcièr-e s'entend répondre :

".. Et que ferais-tu de tout ce temps, si tu en avais ?"

Alors, Ciulin répond, en toute honnêteté...

***

Chacun a reçu un message les pressant de venir, d'Amon ou de Jarvis. Où qu'ils soient, quoi qu'ils fassent en cet instant, les proches de Ciulin ont été "appelés". Lorsqu'ils arrivent sur place, Tae'alam est en proie à un chaos sans nom. La pelouse des jardins est envahie de réfugiés, d'élèves, de professeurs en pyjama qui contemplent, effarés, leur foyer dévoré par les ronces. La demeure dégorge littéralement de chardons qui, épines dressées, envahissent chaque pierre de chaque mur. Les effrits s'acharnent à les bruler pour repousser l'invasion mais les flammes ne font qu'accroitre l'agressivité des fleurs invasives. Elles fouettent, lacèrent et strangulent tout ceux qui souhaiteraient pénétrer l'édifice. Certains malheureux sont restés coincés à l'intérieur, d'autres pleurent de terreur devant cette vision digne d'un conte de fées morbide.

Sorin et Viorea se serrent l'un contre l'autre sur la berge du lac, frissonnant dans leur manteau, le regard rivé sur l'étrange spectacle. Jarvis, le maritin chargé des soins de leur adelphe, tente tant bien que mal de les rassurer. Il s'interrompt néanmoins en voyant arriver Asmodée, Vesper et Caleb.

- Merci d'avoir fait aussi vite. Je ne savais plus vers qui me tourner pour...
- Ciulin est à l'intérieur ! coupe Viorea avec une expression horrifiée. CIULIN EST LA BAS !!!!

- ATCHAAAAA !

Et c’est reparti…j’attrape un mouchoir aussi délicatement que possible pour pas déranger la boule de poils qui s’est nichée contre mon cou et qui a l’air de se foutre royalement de mon nez qui coule ou de ma gorge qui gratte par sa faute. C’est Glue que j’aurais dû l’appeler. Mais non, dans ma tête c’est « Cardo » et je sais que je suis déjà foutu si je commence à l’appeler par son p’tit nom.
Je sais même pas si c’est un mâle ou une femelle. Il est trop petit pour qu’on sache encore et puis on s’en fout.  
- Tu vas me tuer, saleté… je fais en caressant délicatement son pelage tout doux écaille de tortue. Aucune idée de pourquoi on appelle ça comme ça…ça ressemble à tout sauf à des écailles de tortue.
En guide de réponse j’ai le droit à un ronronnement de petit moteur que je pourrais presque trouver adorable si j’étais pas plus chien que chat à la base parce qu’allergique comme un maboule à ces félins dégoutants (bon sauf celui-là. Il est relativement mignon…)
Mais ce petit sac à puce m’a suivi jusque la caserne et… il m’a regardé avec ses petits yeux, a commencé à me grimper dessus (ça fait putain de mal ces petites griffes) en piaillant… le début de la fin…

Je devrais prendre la potion de Salomon et roupiller mais je reste sur ce tableau des stocks de bouffe qui me fait comprendre qu’il va rapidement falloir trouver de quoi nourrir tout le monde, à caresser un chaton que je pourrais pas garder. Nos réserves s’amenuisent vite, peu importe la façon dont je tourne le truc et même en rationnant à mort. J’ai déjà assigné des gars pour aider les quelques réfugiés qui s’y connaissent en agriculture ou simplement en jardinage. Toute aide est la bienvenue à ce stade. L’aménagement avance vite mais l’hiver est toujours là et rien ne pousse…va falloir que je demande à Salomon…
Ma vie consiste à organiser et demander de l’aide en ce moment entre quelques visites à Tae’alam.
Ma soupape de sécurité ? Bouaaah pourquoi faire hein !
Mon portable vibre et une drôle d’impression me prend les tripes. En général, ce genre de sensation arrive juste avant que les balles se mettent à siffler autour de moi ou avant la chute d’une roquette. Ca annonce rien de bon… Le message de Jarvis est terriblement court.

"Urgence Ciulin. Venez au plus vite."

Oh…
Le blanc…
Total…

Mon cœur s’arrête pendant une, deux, trois...de longues secondes puis repart au triple galop…
Je ferme un instant les yeux comme pour échapper à la réalité contenue dans ces deux phrases sibyllines.

Y'a de grande chance que ça soit la fin alors...
Comme ça...
Non...non pas comme ça...pas ce soir...qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour grapiller quelques semaines ? Quelques jours ?
Rien.
Absolument rien.

Lentement, je me redresse, calle le chaton sur mon oreiller et m’habille comme un automate. Je sais même pas pourquoi je mets mon uniforme. Sans doute pour affronter la bataille qui m’attend. Mon cerveau est déjà en train de tout cloisonner dans un réflexe de survie appris petit et peaufiné à l’armée avant chaque départ. J’ai rangé mes émotions pour pas qu’elles m’explosent à la gueule comme une belle grenade.
Ça viendra plus tard… C’est comme si j’allais en mission en sachant que quoi qu’il arrive là-bas, je reviendrai pas entier. J’ai laissé un mot à Rory pour qu’il sache où je me trouve.

Le vol en hélicoptère dure à peine un clignement de cils. Ou alors c’est juste moi qui dissocie un peu. La situation au manoir est tellement bordélique que je trouve à peine l’espace pour atterrir. Je repère Viorea et son petit frère, un grand type que je sais être le mari de Ciulin, Vesper à ses côtés puis j’observe l’état de la bâtisse.
- Merci d'avoir fait aussi vite. Je ne savais plus vers qui me tourner pour...
- Ciulin est à l'intérieur ! CIULIN EST LA BAS !!!!
Ouais ça j’avais deviné… C’est des putains de chardons qui envahissent le bâtiment.
- C’est iel qui provoque ça…
Et j’ai aucune foutue idée de ce que ça veut dire…Tout ce que je sais au fond de mes tripes, c’est que ça veut dire qu’iel est toujours en vie alors pardon m’sieurs dames les Djinns mais ces chardons-là moi je les aime.
- Ciu…qu’est-ce qui t’arrive ? je murmure pour moi, les yeux tournés vers le manoir qui commence à ressembler au château de la Belle aux putains de Bois Dormant. Hors de question que je te laisse roupiller cent ans !

Bon apparemment la force brute sert à que dalle… peut-être que ces machins réagissent à l’hostilité…En tout cas tout le monde a l'air paumé. Un besoin pressant me pousse à approcher, la même fascination que la première fois que je l’ai vu utiliser son pouvoir. Il est donc temps de mettre au point un plan merdique qui aurait 75% de chance de merder. Ma spécialité en somme.

Ok…après tout on m’a pas appelé pour que je regarde les autres faire et j’ai aucun moyen magicodeusexmachinaesque dans ma manche.
Juste … moi, mes plans foireux et mon cœur en bandoulière.
J’échange un regard avec Jarvis, mécaniquement je souris comme un connard.
- Bon bah…quand faut y aller.
Pas assuré, militaire, j’avance vers l’entrée sans écouter que mon instinct sans doute aussi raisonnable que le reste de ma personne.
« Laisse-moi entrer Ciu… Laisse-moi te rejoindre… Que ça soit pour te dire adieu…ou tout autre chose… je veux être avec toi. C’est toi qui m’as fait croire à ces conneries d’amour…bah assume je vais pas te lâcher maintenant. »

Tout près des premières fleurs teigneuses, je tends la main… si je dois finir dans le décor avec ceux qui ont essayé d’entrer, c’est maintenant ou jamais.

"Urgence Ciulin. Venez au plus vite."

Je m'absente une demi journée pour aider à je sais plus quoi. Une demi journée. J'suis un putain de con. C'est pas possible. Je fulmine une seconde avant de prendre le temps de me recomposer. Arrivé là-bas furieux n'apportera absolument rien. Quoiqu'il se passe, je refuse d'être une boule de colère. Le sujet, c'est pas moi. C'est Ciulin. C'est sa....

Je m'arrête sur cette pensée. Elle me paralyse un instant. J'inspire et j'expire. Allez. Sans plus de considération pour mon entourage, je me téléporte en plein milieu d'une réunion dont j'ai déjà complètement oublié le but.

La vision est inquiétante, Vioréa et Sorin sont visiblement mal. Je suis leur regards et les appels.
Le maritin semble parfaitement dépassé :

-Merci d'avoir fait aussi vite. Je ne savais plus vers qui me tourner pour...
-Ciulin est à l'intérieur! CIULIN EST LA BAS!!!

Poudjinn est dévoré par les chardons. Je plisse les yeux alors que mon cerveau commence à turbiner.
Comment quelqu'un aux portes de la mort et avec si peu d'énergie vitale peut déployer une énergie pareille... Même avec son pouvoir intact, en fait.

Et pourquoi cette démonstration violente ne puise pas un centimètre carré de mon énergie quand le simple fait de tenir Ciulin en vie hier captait un bon 30% de mon énergie globale.

Je cherche des yeux les réponses et  finit par réagir aux cris de terreur des gens.  Toyboy est là. Non. Caleb est là. Pas le temps pour ces petits jeux. Efficacité. Pour Ciulin.

-C'est iel qui provoque ça....
-Oui... Mais comment?

Je suis Caleb qui s'approche.

-Bon bah.... quand faut y aller.

J'apprécie son courage face au danger. Au lieu de la puissance démoniaque, je puise instinctivement dans celle de ma déité.

Etonnant...

J'appelle Freki et Geri, leur intime d'escorter les personnes qui peuvent.

-D'où vient cette puissance....? C'est inhumain.

Que je murmure, pensif en flanquant Caleb. Je l'observe tendre la main avant d'observer. Autant de puissance d'un coup. C'est presque....

divin.

Je lance à Caleb d'une voix basse.

-S'il faut y aller à la méthode force. Je vous ouvrirai un passage, à toi et Vesper.

S'il faut employer la méthode forte, je refuse de leur donner le fardeau de faire du mal à Ciulin. Rentrer de force pourrait revenir à lea tuer. Un dernier recours. Seulement.
Je secoue la tête avant de lancer, un peu à tâtons et dans ma langue natale. Par un reflexe que je n'explique toujours pas.

-Nous sommes là pour aider. Trois unis pour un. Laissez nous aider. S'il vous plait.

J'incline la tête, à portée de frappe. Quoiqu'il se passe. Par pitié laisse nous venir. Si ce n'est pas nous trois, au moins un. N'importe qui.

Quelque chose m'appelle et je ne sais pas quoi. Mes yeux irradient, je le sens.

Qu'est-ce qui se passe, bordel de merde.

Un enfer d'épines se déchaine sous les yeux de Caleb, Asmodée et Vesper. Confusément chacun d'eux sent que ce qui est à l'œuvre est intimement lié au chardon qui les réunit. Mais de quelle manière ? Le dieumon propose de se sacrifier pour couvrir Caleb et Vesper s'il faut employer la force pour rentrer. Cette dernière suggère de se projeter astralement pour faire un état des lieux, bien que sa maitrise ne soit pas encore au point. Caleb n'a rien à proposer, aucune spéculation à faire.

Il tend simplement la main.

Cet acte de foi pure, proche de l'inconscience, porte ses fruits. Avec une douceur insoupçonnée, les fleurs sauvages ouvrent leurs coroles et s'entortillent amoureusement autour du bras du jeune homme. Leur colère semblent s'apaiser mais pas suffisamment pour ouvrir un passage. Ce n'est que lorsque l'époux et la meilleure amie s'approchent à leur tour, s'offrant à l'étreinte piquante des fleurs qu'elles consentent à s'écarter pour ne laisser passer qu'eux.

Tae'alam est plongée dans une obscurité opaque et suintante. Il apparait évident que l'eau a envahit tout le rez-de-chaussée. Les trois amants de Ciulin pataugent dans une lavure saumâtre fort semblable à l'onde stagnante et boueuse de marécages. Les chardons ébrouent leurs ronces en buisson épais, immergés pour moitié dans cet étrange liquide amniotique. Un bruit de chuintement, semblable à des sanglots humains résonne contre les murs du hall d'entrée. Une cascade s'écoule doucement des marches menant au premier étage, comme si l'inondation provenait de là.

Le premier étage.
Là où se trouve la chambre de Ciulin.

L'atmosphère est lourde, suffocante et moite, étrangement familière à l'avatar d'Odin. Un sentiment de déjà vu s'empare d'Asmodée. Lui revient alors brusquement en mémoire ces quelques vers de l'Edda poétique :

« Et Frigg pleurait
dans Fensalir
le malheur de la Valhöll. »

Ah bah qu’est-ce que je disais ! Ils proposent tous les deux des solutions surnaturelles ou bien en full force.

- S'il faut y aller à la méthode forte. Je vous ouvrirai un passage, à toi et Vesper.  
Je ricane en approchant ma main. Et après on dit que c'est les bidasses qui foncent comme des bourrins... Moi j’ai un autre plan qui demande pas grand-chose.
- C’est ça…à coup de désherbant ? Qui a dit que j’étais un peu sur les nerfs ? Certainement pas. C’est Ciulin. Y’aura pas besoin de méthode forte.

Au même moment, les chardons s’enroulent autour de mon bras et je les regarde faire avec la fascination d’un gosse. Je dédie à mes……………… aux deux personnes qui m’accompagnent, un regard et un petit sourire qui veut clairement dire :
« Je vous l’avais bien dit… un point pour l’humain. »

Oui je compte les points. Oui je sais que je ne gagnerai pas, quoique je fasse.
Finalement ils font la même chose que moi et à nous trois, on libère un passage.
Je soupire.
Je ne sais plus bien ce que je viens foutre ici, en fait. J’étais parti en étant persuadé que c’était pour lui dire adieu et je me retrouve dans une espèce de mission sauvetage et j’ai pas franchement l’équipe que j’aurais choisi au départ. Jamais Devane ne m’a autant manqué. Avec lui au moins je sais à quoi m’attendre.  

On entre et tout est foutrement noir. Je sors machinalement une lampe de poche qui fait partie de l’équipement de base maintenant et éclaire la pierre envahie puis le sol où on patauge. Au moins mes godasses sont faites pour ça elles.
Je me féliciterai plus tard d’avoir enfilé mon uniforme.
- Super… la belle au bois dormant a au moins eu la décence de foutre son château au sec, elle !

Une part de moi m’ordonne de chercher les rescapés pour les faire sortir mais je sais aussi que le moyen le plus rapide d’aider tout ce petit monde c’est encore de comprendre ce qui se passe et de l’arrêter.  

L’atmosphère et aussi dégueulasse et poisseuse que dans les forêts tropicales où j’ai eu la joie d’être largué et des bruits qui s’apparentent à des sortes de sanglots étouffés résonnent un peu partout.
L’ovale de lumière de ma lampe éclaire soudain une sorte de cascade et je remonte sa chute jusqu’au premier étage.
What a surprise !
Je contracte les mâchoires. Je comprends toujours pas ce qu’il se passe mais ces bruits me tordent le cœur et font avancer mes pieds comme tirés vers l’avant.

Je pense qu’à ce stade on a tous compris de toute façon. Je me retourne pas pour vérifier en tout cas et je cours vers l’escalier dans des gerbes d’eau stagnantes.

Face à une main tendue, le rideau de chardons et de ronces s'ouvre. Aucune doute, c'est bien Ciulin qui est derrière tout ça. Intentionnellement ou non. J'inspire profondément et entre à la suite de Caleb.
L'endroit est rempli de flotte. L'odeur laisserait croire que cette eau stagne depuis des lustres. Les chardons, loins d'être simples fleurs entre ces murs sont douées d'une vie animale.
J'entends pleurer et me tourne instinctivement vers le premier étage. Je sens l'apparence d'Odin s'imprimer sur moi au fur et à mesure que l'atmosphère me parvient.

Ca vient de la maison.

De mon panthéon.

C'est l'odeur des sacrifices à soi, des transformations.

De Frigg.
L'Edda me revient alors.

-Fensalir....

Je le murmure sourdement, presque avec étonnement. J'observe la cascade timide des escaliers.

-Oh....

Me revient alors avec la puissance d'un coup de poing : Ciulin a demandé de l'aide à Frigg dans le brouillard. Frigg a répondu. Ciulin parle à Frigg, par moment, et étonnement.... Cette dernière ne reste pas muette.

-Oh.

J'attrape les épaules de Caleb.

-FRIGG! Tu comprends pas?!

Comme si c'était l'évidence même alors qu'elle ne m'est pas encore apparue tant ça semble incongrue. Je répète l'opération avec Vesper et la secoue un chouïa.

-Frigg! putain! C'est Fensalir! Iel a amené Fensalir à Poudjinn!

J'éclate d'un rire tonitruant, exalté.

Un oeil se voile tandis que l'autre s'illumine d'une lumière de glacier. Je m'approche de l'escalier.

-Venez. C'est par là. On va voir Ciulin. Maintenant. Je refuse qu'on lae laisse pleurer comme ça. On ferait vraiment des amoureux nuls à chier.

J'entame la montée des escaliers. Ciulin, Frigg. On arrive.

Je suis arrivée un peu après les deux garçons. La Star en dernier, comme on dit. Bien que là, le clou du spectacle, c’est Ciu avant tout.
Ciu, que j’ai cru mort.e en voyant le message lea concernant. Mon coeur a bondi sous le texto, mais avec l’intime conviction que si c’était le cas, le « problème » n’aurait pas concerné toute l’école des djinns. Or là…

« Qu’est-ce que... »

Quand j’y débarque, c’est une vision de conte en trois dimensions qui serpentent entre les murs de pierres. Tout les élèves et professeurs sont à l’extérieur, en tenue de nuit et aux visages décomposés. Le château est envahi de ronces et lea prince.sse en est le trésor, de ce que je comprends. Le dirlo s’agite, badine un temps avec Asmo et fatigue – le type a l’air au bout de sa vie infinie - pour lui faire part de la situation, dans les grandes lignes car lui non plus n’y comprend rien.

Et on est là, tout les trois, les special persons de Ciulin à la rescousse. Bien, bien. Un humain militos, un prince démon et une sorcière débutante. La brochette qui promet !
J’observe, jetant un coup d’oeil à Caleb qui s’approche, Asmo qui se pose en sacrifice pour nous laisser passer, tandis que moi, je tente de proposer l’usage de mes nouveaux pouvoirs. Autant qu’ils servent à quelque chose, ne serait-ce qu’un peu. Mais même pas besoin, car devant le geste d’amorce, les ronces bougent d’elles-même, nous ouvrant la voie. Nouveau regard vers les chippendales, pas vraiment sûre de moi mais tant pis, car c’est parti.

On entre.

Derrière, pas de monstres ou d’ennemis. Ou plutôt si, mais uniquement de mes rangers. Elles se remplissent d’eau dés lors qu’on franche les portes de l’école condamnée. Ça schlingue le marais suintant, me foutant un haut-le-coeur soudain que je retiens.

« Bordel, c’est quoi c’te pataugeoire ? Ciulin me devra des chaussures neuves quand on lea tirera de là... »

Parce qu’on va y arriver.
Il faut y croire.

Je lève les yeux au bruit de cascade. Tout comme Caleb, j’aperçois la source venant du première étage. Même pas le temps de corroborer des hypothèses sur la suite des évènements, qu’Asmo sursaute et comprend avant nous. Il baragouine façon Doc Brown et son gigowhat, nous choppant Caleb et moi en nous laissant comme deux ronds de flanc. Chéri d’amour a fumé la moquette avant de venir, j’vois que ça.

« De quoi tu causes Ass ?! C’est quoi Fensalir ?! Et Frigg ?? » que je balance, complètement sur le carreau pour le coup.

Ce qui m’étonne d’autant plus, c’est la lumière qui vient ponctuer ses yeux déjà très bleu. L’un s’illumine complètement, me poussant à me dire que s’il y a bien un qui doit pouvoir nous guider dans ce merdier, c’est lui.

« Hein… ? »

Il prend déjà la direction des escaliers. Je le talonne comme je peux, les godasses remplies d’eau stagnante, priant intérieurement pour l’intégrité physique et mentale de mes chaussettes préférée.
J’évite de me viander dans ce fratras aquatique en attrapant la manche de son costume, et finissant pas m’agripper à son bras.

« T’es au courant de c'qui s'passe ici ?? Ciulin a fait quoi ?? »

Je tente d’attraper son regard, y cherchant une réponse. Mais il est rivé vers l’escalier, atteint, et l’étage, qui nous attend.

Finalement, tout est là-bas.

Tiens bon Triste-Sire, on arrive.

Caleb n'aurait pas dû se retourner car il est violemment interrompu dans sa progression vers les escaliers par un Asmodée franchement inquiétant. Une puissance divine, palpable pour les deux humains, émane du démon. Elle est écrasante.

- FRIGG! Tu comprends pas?!

A présent c'est Vesper qu'il prend pour un arbre fruitier en pleine récolte.

- Frigg! putain! C'est Fensalir! Iel a amené Fensalir à Poudjinn!
- De quoi tu causes Ass ?! C’est quoi Fensalir ?! Et Frigg ??
- Venez. C'est par là. On va voir Ciulin. Maintenant. Je refuse qu'on lae laisse pleurer comme ça. On ferait vraiment des amoureux nuls à chier.

Le trio s'élancent guidé par l'avatar survolté d'Odin. Leurs pieds soulèvent des trombes d'eau à contre courant, chaque fois qu'ils franchissent une marche.
Au premier étage, il y a moins d'eau mais une végétation épineuse plus luxuriante. Les chardons s'épanouissent sur leur passage, ouvrant leurs coroles violacées. Une plainte lancinante, comme les sanglots d'une femme déformés par sa répercussion dans l'eau se fait plus prégnante. On dirait d'ailleurs qu'elles sont plusieurs pleureuses à étirer leurs lamentations. Le couloir qui leur fait face, noyé sous les fleurs piquantes enchevêtrées, alignant des portes closes qui ne ressemblent en rien à celles de l'hôpital improvisé de Tae'alam. Elle sont plus massives, au nombre de douze, et les frontons de pierre sont martelés de noms dont l'or est mangé par la mousse et les champignons. Certains sont illisibles, d'autres en revanche se distinguent par leur netteté miroitante. Cinq noms sont déchiffrables dans leur intégralité : Eir, Hlin, Gna, Vár , Fulla...

Mais pas de trace de la chambre de Ciulin ou de Ciulin iel même.

Que faire, à présent ?

Je comprends que dalle. Et ça me fout les boules puissance mille.
L’autre part dans un délire en mode illuminé – autant à l’intérieur qu’à l’extérieur à priori – m’attrape les épaules et je recule vivement. Ca va on a pas gardé les cochons ensemble, hein.

- FRIGG ! Tu comprends pas ?!

Je fronce les sourcils et serre les mâchoires. Mieux vaut pas que je réponde parce que ça risque d’être un poil malpoli du genre :
« Bah non ducon ! Ca se voit pas que je patauge dans la semoule ? Ca te ferait mal de nous expliquer les choses de manière claire ou c’est trop demander à sa Majesté ? ».
Voilà, voilà. Mieux vaut que je ferme donc ma gueule pour une fois.

Il se tourne ensuite vers la brunette qui n’obtient aucune réponse de sa part sur le pourquoi du comment et je lève les yeux au ciel en reprenant mon ascension sans eux. Manifestement la communication se fera pas.
Sur le palier, je lâche un petit rire fêlé en me passant une main lasse sur le visage.

- Putain. De bordel. De merde.

Je sais être lyrique surtout quand je suis au bord du craquage.
Le première étage ne ressemble plus à rien de ce qu’il était et on fait face à douze portes plus ou moins dans un sale état.
Jamais ça sera simple donc. Jamais ça sera évident.

Comme le disait si justement mon adjudant au début de mes classes :
« T’es venu pour en chier Jenson alors j’espère que t’aime bien la merde mon gars ! »

Oui, eux aussi savait faire dans la poésie. Du coup je pense que je vais pouvoir appliquer ça à ma vie, merci mon adjudant.
Je jette un coup d’œil aux portes mais les quelques noms visibles qui sont inscrits au-dessus ne me disent absolument rien.
Ouais…ça commence à bien me faire chier tout ça. Vraiment beaucoup. Déterminé à en finir, je me dirige vers la première porte sur ma droite et l’ouvre. Ras le cul de tout ce surnaturel, là. Je veux juste Ciulin ! Ca aussi c’est trop demandé ? Apparemment oui.
Un vent à décorner un bœuf se met à souffler et m’attire dans la pièce alors qu’une voix féminine beugle :
- Vous ne briserez pas cette union ! Vous ne refuterez pas un de mes précieux varars !

Le souffle est tellement puissant qu’il tire la porte que j’ai heureusement pas lâchée. J’en ai la respiration à moitié coupée, mais je sers les dents, bande tous mes muscles et tire de toutes mes pauvres forces humaines, me tenant au mur de l'autre main pour ne pas me laisser aspirer. Malgré la formidable énergie qui me pousse dans la pièce, j’arrive à gagner du terrain petit à petit jusqu’à refermer le battant. Tout s’arrête si brusquement que je m’écrase à moitié contre la porte, haletant.

- C’est pas celle-là, je fais sobrement.
J’y appuie mon front et tente de reprendre mon souffle. J’ai les jambes et les bras en coton et une écrasante fatigue générale.

Qu’est-ce que je glande ici ?
Je suis pas qualifié pour ça moi, putain ! J’ai rien à foutre là. Maintenant que les deux autres sont dans la place, il serait peut-être temps que moi je regagne la mienne. Là où je peux être utile. Là on je suis attendu.
Qu’ils se démerdent donc avec leur Fensalir, Frigg et toutes ces conneries nordiques !
Pendant quelques secondes, je me vois vraiment laisser tout en plan et redescendre, mais je reste là, le front contre cette putain de porte qui abrite une hystéro qui a du souffle.
Ma cervelle est déjà dans l’hélico alors que mon salopard de cœur sait où il a envie d’aller. Je cogne plusieurs fois et légèrement ma tête contre le battant jusqu’à ce que la bataille entre ma tête et mon palpitant désigne un vainqueur. Alors je me retourne lentement et m’adresse au mari.
- Bon… si tu sais ce qui se passe je crois que c’est le moment ou jamais de faire tourner les infos.

J’peux pas.
Tant que je saurais pas si Ciulin va bien, je pourrais pas partir.
Après je pourrais rejoindre les miens.
Jamais le traitement de listes d'emmerdes ne m'a paru si séduisant. Au moins ça je sais gérer.  

Je réalise assez soudainement que je m'excite dans tout les sens sans vraiment rien expliquer.
Les noms sur les portes, à notre montée, sont anciens. Ca fait des millénaires que je ne les avais pas vu.
Caleb ouvre une porte. Var hurle et un vent puissant tente d'avaler Caleb, j'ai à peine le temps de réagir tant tout ça me semble venir d'un passé lointain.

Celui où les Dieux avaient encore leur quartiers sur ces terres, sans avoir besoin d'avatar.

-C'est pas celle-là.

Un peu plus et je rierais. En attendant, le gars à l'air très éprouvé par tout ce qu'il se passe. En meme temps, des dires de Ciulin, c'est un humain tout ce qu'il y a de plus humain... Et il se retrouve en plein milieu d'un domaine magique et qui plus est dans le domaine de Frigg.
A sa place, je le vivrais moyennement bien. J'attrappe la main de Vesper et la masse doucement.

-Bon... si tu sais ce qui se passe je crois que c'est le moment ou jamais de faire tourner les infos.

Je hoche la tête doucement.

-Je sais pas exactement ce qu'il se passe. Mais je sais ce que c'est.

De ma main libre, je farfouille mes poches à la recherche d'un stylo. Rien, je me tourne vers les chardons et m'agenouille et en serre un dans ma main jusqu'à me blesser.

-Nous sommes dans Fensalir, la demeure de Frigg. Frigg, c'est mon épouse. Enfin, l'épouse d'Odin, en tout cas. Fensalir, ça se traduit par.... La salle des marécages.

Je désigne les lieux.

-Difficile à rater, pour le coup. Les portes qu'on a devant nous, ce sont les portes des suivantes de Frigg. Var, celle que tu viens d'ouvrir Caleb, est la déesse des mariages et des pactes d'unions. Les Varars sont ses déclarations d'unions....

Je trace une succession de runes sur mon bras pour faire reculer mon aura démoniaque et assainir celle d'Odin. Difficile de dire combien de temps ça va durer. J'observe les porte du coin de l'oeil avant de dire.

-Il nous faut peut-être passé par l'une des suivantes de Frigg pour trouver Ciulin... Iel a déjà été aidé par Frigg, un lien particulier.... C'est à peu près là où se trouve les zones de flous....

Je m'approche de Caleb.

-Ouvrez la porte de Hlin. Vous êtes mortel. Hlin a été chargée par Frigg de vous protéger, de vous aider et d'écouter vos prières pour en parler à la maitresse de lieux.

J'attrape son avant-bras et y trace quelques runes de protection.

-Je doute qu'aucune des suivantes ne me répondent vu mon état actuel. Vesper et toi allez devoir convaicre Hlin de vous aider. Elle ou son écho, d'ailleurs.

Je m'approche à nouveau de Vesper, dépose un baiser sur son front et répète les même Galdr que sur Caleb.

-Il vous suffira d'être sincères. Ne les combattons pas. Je pense qu'elles protègent Ciulin et Frigg.

Asmodée, avatar d'Odin, pour toujours et à jamais, fait part de ce qu'il sait à ses deux acolytes et il a effectivement raison. Ce couloir aligne les quartiers des douze suivantes de Frigg. La déesse, femme indépendante et désireuse de ne pas vivre dans l'ombre de son époux avait son propre palais et sa propre cour. Après avoir protégé comme il le peut les deux mortels, il leur suggère d'ouvrir la porte de Hlin.

Caleb prend l'initiative, désireux d'arriver au plus vite à Ciulin. Et puis, il n'est plus à une porte près.

Celle-ci grince sur ses gonds et remue l'eau à leurs pieds. Ni vent, ni hurlement, une simple mélopée mélancolique. La pièce est décorée de drapés humides qui plongent directement dans les flaques bordées de chardons. Une silhouette de femme jouant quelques notes de lyre de Kravik est assise au centre de la pièce. Son visage est indiscernable sous les voilages qui nimbent son corps nu. Elle se tourne lentement vers les trois arrivants.

- Je suis Hlin, La Protectrice. Sa voix est à la fois douce et plaintive, comme celle d'une femme ayant longuement sangloté. Pourtant, elle exprime une compassion et une tendresse singulière. Vos coeurs sont lourds, je le sens. J'ai le gout de vos larmes sur ma langue. Il y a tant d'amour en vous.

Elle tend une main voilée vers Caleb qui se sent irrémédiablement attiré par l'envie de la saisir.

- Vous souffrez tout particulièrement. Vos doutes sont vos pires bourreaux. Vous craignez de n'avoir pas votre place ici et pourtant, vous êtes son favori. Elle se tourne vers Vesper et se saisit également de ses doigts. Quant à vous, vous ne savez plus quelle est la vôtre. Votre errance a juste besoin d'une solide monture pour vous guider.

Enfin, Hlin contemple Asmodée avec un silence difficile à interpréter. Puis sa voix s'élève teintée de regret et de tristesse.

- Ô Bolverk, tu nous a causé tant de peine, tant de dépits. Regarde donc ce que tu es devenu. Ta soif de connaissances et de pouvoir t'a corrompu. Notre maitresse pleure toujours ton départ et son fils. Cependant, elle aime cette fleur qui a planté ses épines dans ton coeur. Ne fais plus les mêmes erreurs, Alfadir, promets-le nous...

Elle lâche les mains de Caleb et Vesper et la lyre qui repose sur ses cuisses se transforme soudainement en lance. Gungnir, l'arme qu'Odin se planta en travers la poitrine, pendu à Yggdrasil afin d'apprendre le secret des runes, de la vie et de la mort.

- Tu l'as égaré, mais nous avons toujours veillé sur elle. Si tu es là, c'est que tu es prêt à la reprendre, dit-elle en lui tendant. Ne nous déçois plus et sois digne d'être son Jafnhar.

Elle leur désigne la porte et murmure :

"Allez à présent. Trouvez votre chemin...."

Les voiles l'habillant s'effondrent ne laissant qu'un petit tas de tissus qui disparait dans l'eau.

Hlin apparait. Combien de millénaires se sont écoulés depuis notre dernier face à face? Je me sens merdeux. Clairement. Souillé et indigne de me tenir ici. Moi, Odin, dénaturé par le Pandémonium.
Je me rends compte à quel point cette situation me bouffe, encore plus quand je suis entourré par mon panthéon.

Je l'écoute, en retrait. Elle parle de Caleb comme du favori. Ca ne me froisse pas, je trouve que c'est plutôt vrai et ça me semble plutôt sain, en fait. Vesper a besoin d'une solide monture et je pense à Sleipnir, forcément. J'inspire doucement. Mon tour vient...
Nos yeux se croisent, un silence plane. Il est inconfortable.

-O Bolverk.

Ah, donc on part sur mon surnom de tueur de masse. Ok.

-Tu nous as causé tant de peine, tant de dépits. Regarde donc ce que tu es devenu.

Oui. Merci, j'ai vu...

-Ta soif de connaissances et de pouvoir t'a corrompu.

Je fronce les sourcils. De quoi? Attendez.... Est-ce que le reste de mon panthéon s'est imaginé que j'étais allé me faire griller le fion en enfer pour devenir une version nulle de moi-même par choix....?
Rire ou pleurer, il ne faut rien dire.

... En vrai.... Si je n'avais pas réussi à fusionner si bien... Ca aurait été une option, peut être. J'en sais rien. Encore eut-il fallu que j'en ai seulement conscience....

-Notre maitresse pleure toujours ton départ et son fils. Cependant, elle aime cette fleur qui a planté ses épines dans ton coeur.

J'esquisse un sourire. J'imagine bien que Ciulin lui plait.

-Ne fais plus les mêmes erreurs, Alfadir, promets-le nous....

Je hoche la tête et m'incline doucement.

La lyre se transforme en lance. Gungnir. Je cligne des yeux et la détaille. Une vieille amie dont je sens, rien qu'en la regardant, l'appui dans ma main.

-Tu l'as égaré, mais nous avons toujours veillé sur elle. Si tu es là, c'est que tu est prêt à la reprendre.

... Rien n'est moins sûr mais admettons. J'attrape doucement ma lance et son contact m'est presque douloureux. Je n'en dis rien.

-Ne nous déçois plus et sois digne d'être son Jafnhar.

Je hoche silencieusement la tête à nouveau avant de dire.

-Merci, Hlin. Vraiment.

Elle disparait après nous avoir désigner la porte. Nous sortons tous et je reste pensif avant de dire.

-Ok. C'était cryptique. Un favori, une solide monture.

Je marche un peu vers le fond du couloir.

-Baldr était l'enfant favori de Frigg. T'es pas son enfant, on est bien d'accord mais. Etre le favori de Frigg, ça peut potentiellement dire que l'univers entier a décidé de ne jamais te blesser.... Sauf le gui.... Vesper. Une monture, peut-être qu'on parle de Sleipnir...

Quant à moi.... Moi. J'ai reçu Gungnir alors que je mets tout en place pour purger ma partie démon. Un sacrifice de moi à moi. Une guerre qui s'annonce et que nécessitera de viser juste et de ne pas se faire arreter.

J'inspire profondément.

-J'aurais préféré un simple : "première à droite, au bout du couloir". Un truc comme ça.

Ca m'épuise et mon cerveau turbine à toute allure d'un million d'hypothèse différentes. Je secoue la tête avant de réaliser. Donc. on est bien en présence de Frigg, qui est avec Ciulin. Ciulin qui est devenu un Asatru.

-Hypothèse : Ciulin est en train de devenir l'avatar de Frigg.

Je cligne des yeux rien qu'à le dire à voix haute.

-Ce qui voudrait dire. On a plus vraiment à s'inquiéter que Ciulin décède. Parce que l'absence de magie n'existe plus.

Je fronce les sourcils.

-Et qu'avec un peu de chance, on la retrouve grace..... Grace à son aura magique. OU BIEN.

Je me tourne vers Caleb.

-T'es son favori, on est dans sa demeure et tu souhaites voir Ciulin. Appelle lea.

Et je désigne l'escalier.

-Et on monte d'un étage.

J'observe Vesper.

- Concentre toi sur les auras magiques si tu peux. J'm'occupe de tenter de choper une aura divine distincte...

J’engrange les informations qui me sont enfin larguées et observe d’un œil extrêmement méfiant le truc que le mari de Ciulin dessine sur ma peau. Mes propres tatouages recouvrent en grande partie mes bras et cache la sorte de rune, ou je sais pas quoi, qu’il trace. J’ai une grosse envie de gratter le dessin mais je me retiens et rabaisse ma manche pour m’ôter de la tête cette pulsion puérile. J’imagine que c’est un truc qui me sera utile par la suite, de protection peut-être.
Long soupir… nordic shit ! Le latin en moi en renifle de dépit.

- Ok… je lâche avec une détermination résignée. J’avais aucune envie de combattre qui que ce soit de toute façon.  

Je suis pas là pour ça.
Pourquoi exactement ? C’est encore très flou, mais pas pour me battre. Toutes missions ne demandent pas de violence.
J’ai un bref moment d’hésitation avant d’ouvrir, j’ai encore le vent de la harpie qui me siffle dans les oreilles. Sauf que cette fois, c’est une atmosphère bien plus calme qui me cueille…plus triste aussi ? Au tout cas ça agit comme une sorte de couverture ou de cocon. Les notes de musique qui s’élève de la sorte de harpe qu’on devine à peine égraine une musique qui me fiche le bourdon.
La femme – non, la suivante de Frigg … ça fait pas un peu pompeux franchement ? A partir de demain, j’appellerai Devane mon suivant, on verra la tête qu’il fera… – cachée sous ses voiles ne nous vaut apparemment pas de mal.
AH BAH C’EST PAS TROP TOT PUTAIN !

- Je suis Hlin, La Protectrice. Vos cœurs sont lourds, je le sens. J'ai le goût de vos larmes sur ma langue. Il y a tant d'amour en vous.

Mokey meuf ! Si tu veux…On pourrait aller droit au but, s’il te plait ? Genre…où est Ciulin par exemple ?  
Mais quand elle tend la main vers moi, j’ai le réflexe incontrôlable de l’attraper, avec beaucoup de délicatesse. Le voile est froid et doux sous mes doigts et un frisson dégringole ma colonne vertébrale.

- Vous souffrez tout particulièrement. Vos doutes sont vos pires bourreaux.
J’émets une sorte de petit rire grinçant. Touché, m’dame. Elle lit dans mes pensées ou quoi ? Mais après tout je suis dans la demeure de Frigg en train de papoter avec sa suivante, à partir de là, plus rien devrait vraiment me choquer. Et pourtant si…
- Vous craignez de n'avoir pas votre place ici … mon rire se transforme en sorte de sanglot à peine perceptible… et coulé. Soldat Jenson à terre… et pourtant, vous êtes son favori.

Je... quoi ? Son favori ??? Genre sur celui qu’on mise (vous n’allez pas être déçu…) ? Celui qu’on préfère ?
Super, j’ai jamais été le chouchou de personne ! Le gars à problème ouais… Sérieusement ça veut dire quoi ?
De un, je fais pas des masses confiances à une nana qui se cache et qui n’existe pas vraiment (le détail est important), de deux, je sais pas vraiment au nom de qui elle parle – Frigg techniquement ? Comment je pourrais être son favori ? Et puis par rapport à qui ou quoi ? Tu sais quoi Jenson, arrête de te poser des questions –. Et enfin trois, quand elle adresse le même genre de message/énigme aux deux autres je comprends qu’il s’agit plus d’une sorte d’indice qu’autre chose. Ça veut rien dire de plus.
J’hausse à peine un sourcil lorsque sa harpe se transforme en lance et qu’elle disparait comme une putain de magicienne de diner-spectacle.
Je saisis aussi qu’on va devoir prendre un chemin différent tous les trois et l’idée me soulage beaucoup. C’est con, ça va à l’encontre de tout ce qu’on m’a appris, l’union fait la force tout ça tout ça… mais là très clairement je me sens pas à l’aise. Tant pis si je perds mon nordicwiki, j’irai à l’instinct, comme souvent et je veux croire qu’ici, je risque rien de toute façon. Si je meurs à cause de Ciu, je reviendrais lea hanter en chantant des classiques italiens toutes les nuits.

- Ok. C'était cryptique. Un favori, une solide monture.
- Il faut qu’on ouvre chacun une autre porte je suppose. C’était laquelle la favorite de madame ?
Je retourne vers le couloir et lit l’inscription sur le fronton des cinq portes où c’est lisible.
- Baldr était l'enfant favori de Frigg. T'es pas son enfant, on est bien d'accord mais. Etre le favori de Frigg, ça peut potentiellement dire que l'univers entier a décidé de ne jamais te blesser.... Sauf le gui.... Vesper. Une monture, peut-être qu'on parle de Sleipnir...
Je relis chaque nom et fronce les sourcils. Son « enfant » favori ? Bah d’où ça sort ça ?
- Attends mec… c’est pas très logique si ? Je veux dire…on a cinq portes avec des noms de suivantes et t’en cites d’autres. Pour la nana au vent on oublie… comme madame la pudique. Reste 3 portes et on est trois…

Y’a qu’à moi que ça parait logique ou bien ? Bah apparemment… Ok je suis pas un spécialiste de la mythologie nordique, voire j’y connais que dalle. Mais j’ai joué à assez de jeu vidéo pour savoir que la solution la plus simple est souvent la bonne. Dans la vie aussi d’ailleurs.
- J'aurais préféré un simple : "première à droite, au bout du couloir". Un truc comme ça.
Je ricane.
- Sans déconner… moi j’adore les petites énigmes à trois heures du mat’.
- Hypothèse : Ciulin est en train de devenir l'avatar de Frigg. Ce qui voudrait dire. On a plus vraiment à s'inquiéter que Ciulin décède. Parce que l'absence de magie n'existe plus.

Mon cœur s’accélère, mon envie de lea retrouver se fait plus forte. Ça serait trop beau. J’ose pas espérer.
- Et qu'avec un peu de chance, on la retrouve grâce..... Grace à son aura magique. OU BIEN. T'es son favori, on est dans sa demeure et tu souhaites voir Ciulin. Appelle lea. Et on monte d'un étage.
Là je le regarde vraiment avec un air qui veut clairement dire « Tu te fous de ma gueule !».
- Ah. On reste dans la thématique du chiard qui a perdu maman dans sa propre maison ? J’ouvre grand mes bras vers les portes. Ou bien on essaie là ? Ce qui est devant notre nez ?
Mais il se tourne vers Vesper.
- Concentre toi sur les auras magiques si tu peux. J'm'occupe de tenter de choper une aura divine distincte...
Bon...bah c'est parfait on m'écoute pas.
- C’est pas logique putain… je murmure pour moi-même et aussi parce que ça me saoule d’être mis hors course pour cause de « non possession de détecteur à magie et ou aura magique ». Je regarde fixement les deux portes qui n’ont pas encore été ouvertes. Si j’ai raison… laquelle choisir ? Gna ou Fulla.

- Hey ! Attends avant de te barrer ! C’était qui Gna et Fulla ? Leurs attributs c’étaient quoi ?
Oui je suis un connard têtu mais j’ai de l’instinct et là j’en démordrai pas. Il a sa porte. On a les nôtres. C’est juste du bon sens. J’ai plus qu’à me décider pour l’une ou l’autre sans me prendre un vent.
Ahah… je suis si drôle…

Les déductions d'Asmodée sont malheureusement fausses. Comme toujours, Odin ne voit que par le prisme de sa personne et omet un fait primordiale : Aussi Père de Tout, soit-il, Frigg s'est toujours assise en égale sur Hlidskjalf. Ici, c'est sa logique qui prévaut. L'enfant évoqué n'est autre que Kolbeinn Assonar et son départ, celui pour les Enfers.
Caleb Jenson a toutes les raisons de croire que le démon-avatar fait fausse route. Encore une fois, l'humanité chérie par la déesse se montre plus méritante que les dieux et les dotés. Il faut suivre la piste des suivantes : Gna, messagère de Frigg avait reçu pour se faire un cheval magique, plus rapide que les vents, nommé Hófvarpnir et Fulla était sa favorite, gardienne de ses trésors les plus précieux. Si Gna est donc la voie désignée pour Vesper et Fulla celle de Caleb, il est nécessaire pour Asmodée de rebrousser chemin et d'affronter Var afin de tester la solidité de son varar avec Ciulin.

Ainsi, à eux trois, ils composeront la trinité qui fait battre le coeur du jeune Chardon.
A eux trois, ils parviendront à convaincre Frigg et ses différents visages que Ciulin est "le bon choix". Le seul choix qui vaille.

De Gna, Vesper reçoit sa monture qui lui permettra de se déplacer en un éclair dans le Tangible comme dans l'Astral, à travers les chemins impossibles et les sentiers secrets. Elle n'aura qu'à solliciter sa présence en effleurant le médaillon à l'effigie du cheval ésotérique.
De Fulla, Caleb reçoit le coffret aux trésors de Frigg, une boite de bois ciselé et d'or qui ne s'ouvre qu'à son contact. On raconte qu'il contiendrait son manteau de plumes de faucon, lui permettant de se transformer en oiseau, un rouet et un fuseau de nuages filés qui permet de lire le destin, la branche de gui qui tua son fils soit l'arme la plus puissante qui soit et bien d'autres mystères dont le jeune homme est désormais le gardien et le bénéficiaire.
De Var, Asmodée, reçoit deux anneaux : il retrouve Draupnir, qu'il avait perdu en même temps que son fils et une alliance d'argent, plus simple, gravée d'une fleur de chardon, et d'une autre, plus difficile à identifier, qu'il devra mettre au doigt de son épouse.

Grâce à Hófvarpnir, Vesper les conduit jusqu'à la chambre de Ciulin, cachée magiquement et impossible à atteindre sans cela, envahie de ronces et de fleurs piquantes.
Grâce à sa compréhension intime des énigmes de la Déesse, Caleb trouve les gaillets jaunes, la "fleur de Frigg" qui timidement pousse sous les épines protectrices du marécage. En la cueillant,la pièce se vide de ses eaux troubles et de ses lianes houleuses, dévoilant le corps nu de Ciulin, étendu sur un tapis de pétales dorés.
Grâce à l'anneau qu'Asmodée lui glisse au doigt, le Chardon s'éveille et papillonne des cils. Iel n'est désormais plus seulement Ciulin mais également Frigg, Reine des Ases, consort d'Odin, protectrice de l'Amour, des Femme et des Mères. L'essence divine insufflée dans la carcasse malade de son hâte humain-e l'a complétement restaurée. Frigg a fait don d'elle même, s'effaçant au profit de Ciulin, opérant ce choix grâce aux efforts conjugués de ses trois amants, grâce à la preuve de leur amour.

En papillonnant des cils, Ciulin les regarde tour à tour, un peu perdu-e , encore tout ensommeillé-e d'un rêve plaisant et vaporeux.

- Wow.. Z'en faite une tête, mes lapins.... J'ai vraiment passé l'arme à gauche ?

La légende raconte qu'il fût accueilli-e par des larmes, des baisers et des "sale petit con".