Oh ashes, ashes, dust to dust
The devil's after both of us
Ooh, lay my curses out to rest
Make a mercy out of me
This tired old machine is a-rumbling
Oh my, oh my
Singing songs to the secrets behind my eye
Oh my, oh my

Ygerne ouvre son carnet de notes et appose la date du jour. Négligemment, elle feuillette les pages des jours précédents.

Elle y a consigné ses discussions fort enrichissantes avec Marisol Laciudad, l'avatar de Ch'aska, la déesse inca personnifiant l'étoile guide de vénus. La jeune femme ne faisant qu'un avec son essence divine sans perdre sa psyché humaine, est un cas intéressant de "fusion" réussie. Jusqu'alors, elle n'avait croisé qu'Asmodée. La plupart des fois les Dieux écrasent la mémoire et l'esprit de leur hôte en s'installant plus ou moins progressivement. D'autres sont en "cohabitation" forcées avec, en perspective, l'issue fatale citée plus tôt. On compte sur les doigts d'une main les exemples d' "harmonisation".
Marisol collabore pleinement et ne manifeste pas de ressentiment vis à vis de la sorcière. Elle semble avoir préservé sa capacité d'empathie bien humaine. Il a été convenu avec le sujet qu'Ygerne et lui se rencontres deux fois pas semaine, la troisième étant une séance à trois, conjointement avec la déesse, pour tenter de renforcer son Huaca et de travailler sur sa foi en elle.
Ygerne a puisé dans le savoir chamanique de son mari pour consolider le Huaca. Ils sont parvenu à la conclusion que Lewis et son scepticisme proverbial avait limité les pouvoirs de l'artefact. Non seulement sa croyance en Ch'aska n'est pas assez nourrie de prières ou d'offrandes, mais en ne choisissant pas un objet auquel il était émotionnellement attaché, il ne s'est pas "spirituellement" investi.
Autant dire que le travail sur se plan s'annonce ardu.

Par ailleurs, limitée par son bracelet forgemagique, Ygerne a opté pour des approches plus classiques des crises mémorielles du loup. Avec un certain bonheur, -elle doit l'admettre- elle a retrouvé sa casquette de psychologue clinicienne, matière qu'elle avait choisie comme objet d'étude, se prédestinant, en d'autres temps, à ouvrir son propre cabinet.
Avant qu'elle ne se marie.

Il est bientôt 17h.
La sorcière rassemble ses affaires et se dirige vers le Silo. Le soleil factice fait resplendir sa chevelure d'un rouge soutenu. Elle montre ostensiblement son poignet à Colgan quand elle entre dans le biome agricole, afin qu'il la laisse rejoindre Lewis. Elle trouve celui-ci, sur le point de terminer son ouvrage et s'arme de courage pour l'aborder avec un sourire épinglé sur son visage qui a regagné en chair et en couleur.

- Bonsoir, Lewis. C'est l'heure de notre rendez-vous.

Lewis commence à en avoir assez.
D’être pris pour un enfant, de devoir rester assis pendant qu’on discute sur son sort, qu’on juge ses actions, qu’on les diagnostique. Ses moments préférés ? Lorsqu'elles sont toutes deux si emportées par leur discussion qu'elles l'oublient un peu.
Il n’avait pas vraiment envisagé les choses ainsi et a grandement sous-estimé l’implication de ses deux infirmières/psychologues/bourreau/déesse.

Résultat : son esprit bat encore plus la campagne comme pour le délivrer de cette situation. Ce qui est au final l’exacte opposé de ce dont il a besoin. Mais la mémoire et la logique sont deux choses bien distinctes et la première a décidé de se passer de l’autre.

Pendant que les deux femmes semblent s’épanouir dans leurs rôles, Lewis reste franchement hermétique.
A vrai dire, il en vient petit à petit à s’habituer à son état. Après tout, est-ce si grave ? Il est encore capable de raisonner, d’avoir des conversations (parfois avec lui-même, certes) et de travailler. Il est vrai que sa mémoire n’a pas plus de considération pour sa tranquillité que les membres de sa meute mais il s’y fera aussi à la longue.  

Voilà qu’on lui demandait de croire plus en Ch'aska, d’être plus impliqué…
Les choses ne se font pas ainsi. Pas avec lui en tout cas. Et travailler sur cette question le fatigue d’avance. Il croit en la meute, il croit en leurs nouveaux objectifs et à la grandeur qu’elle pourrait atteindre en prenant le bon chemin.

Heureusement, il a repris ses activités au Silo. Il a noté que pendant le travail, qu’il soit manuel ou intellectuel, les dérapages de son esprit se faisait moins fréquemment, de même lorsqu’il se trouvait avec Colgan.

Depuis quelques semaines, il se découvre une passion pour l’aménagement des sols. Lorsqu’il ne travaille pas au potager, son esprit pragmatique, sa vision d’ensemble des choses et sa propension à aller droit au but sont autant d’atouts qu’il met au profit du Silo et il n’est pas rare de le voir en pleine discussion avec les ardhis.
Aujourd’hui il planche sur le réaménagement de la forêt qui a été créé à leur intention. Malgré l’exploit accompli en si peu de temps et le succès de leur première pleine lune, Lewis a en tête quelques ajustements. Une sorte d’escalier de Penrose version forêt pour qu’ils n’aient plus la sensation étrange que leur espace est finalement limité. Avec le temps, les Loups pourraient se sentir en cage.
Assis à une table sous un énorme chêne, il avance tranquillement sans voir le temps passer. Puis une odeur de chèvrefeuille lui rappelle que le temps, lui, ne l’oublie pas. Déjà ?
Il s’embrouille un peu avec les dates il faut dire.

- Bonsoir, Lewis.
Lewis trace son trait et répond sans relever la tête.
- McNamara.
Il a préféré reprendre une saine distance, bien plus profitable à tous les deux.
- C'est l'heure de notre rendez-vous.
- Je m’en serais douté. Vous êtes en avance. Il jette un œil à sa montre. De cinq minutes. C’est inacceptable, lâche-t-il avec une certaine ironie. N’ai-je pas le droit à des vacances ?
Il pousse un soupir et se redresse. D’un geste de la main, il l’invite à s’assoir sur la chaise en face de la sienne.
- N’êtes-vous pas satisfaites, Marisol et vous, de mes progrès ? demande-t-il avec sérieux tout en connaissant parfaitement la réponse.

Si Ygerne a acquis une certitude à propos du meurtrier de Deborah de son "patient" c'est que Lewis est un homme rétif. Il n'écoute que lui même, ne croit que ce qu'il voit, se montre méfiant face à tout changement qui sort de sa zone de contrôle. Quoi qu'il arrive, il choisira toujours de s'en accommoder plutôt que de fournir l'effort pour combattre l'obstacle ou de la contourner. Il refuse de s'impliquer s'il en a le choix et opte pour l'attentisme.
Ce qui, pour une guérison est un handicap certain.

- McNamara.
- Je vous ai déjà dit que je préférais qu'on m'appelle Ygerne. C'est l'heure de notre rendez-vous.
- Je m’en serais douté. Vous êtes en avance. De cinq minutes.
- Est-ce un tord ?
- C’est inacceptable. N’ai-je pas le droit à des vacances ?
- Allons, ne faites pas l'enfant. Vous avez eu deux jours de tranquillité.

Aussi naturellement gracieuse qu'à leur première rencontre, Ygerne s'assoie sur la chaise qu'il lui désigne poliment. Lewis est toujours très poli.

- N’êtes-vous pas satisfaites, Marisol et vous, de mes progrès ?
- Vous connaissez déjà la réponse à cette question, déclare-t-elle en retirant quelques objets de sa besace. Sans coopération pleine et entière de votre part, point de progrès.

Elle aligne devant elle son carnet de notes qu'elle ouvre, un plateau de jeu d'échecs en bois et le sachet en velours contenant les pièces.

- Qu'êtes-vous en train de fabriquer ? Elle sourit tout en posant les figurines de bois sculptées à la main et vernis de la même façon à leur place sur le plateau. Racontez-moi votre journée.... Ne vous dérobez pas, Lewis, cela fait partie du processus de guérison de restituer vos actions du jour et de recontextualiser la temporalité des faits.... Donc ? Je vous écoute.

- N’ai-je pas le droit à des vacances ?
- Allons, ne faites pas l'enfant.
- Je suis à moitié sénile semble-t-il n’est-ce pas précisément le moment où il m’est permis d’agir comme tel ? lâche-t-il en prenant un plaisir non manifeste à jouter avec l’esprit de la sorcière.
- Vous avez eu deux jours de tranquillité.
- Le temps est très relatif, vous savez.

Surtout quand la notion vous échappe un peu. La sorcière s’installe et il en profite pour gommer son dernier tracé. Il n’en est pas content.

- N’êtes-vous pas satisfaites, Marisol et vous, de mes progrès ?
- Vous connaissez déjà la réponse à cette question. Sans coopération pleine et entière de votre part, point de progrès.
- Je suis au maximum de ma coopération, croyez le bien.

Secrètement, il espère qu’elles finiront par se lasser de lui comme à peu près tout le monde. Alors … dieu qu’il savourera sa paix – relative – retrouvée. Il finit par reclasser ses dessins et calculs dans un dossier et ranger méticuleusement sa trousse tout en observant du coin de l’œil ce qu’elle lui a préparer pour la « séance » du jour. Un jeu d’échec. Intéressant. Il ne voit pas tellement le rapport avec sa mémoire poreuse mais soit. Il désigne du menton le carnet qui est pratiquement soudé à elle à présent et qu’elle griffonne sans cesse avec beaucoup d’énergie.

- Qu’écrivez-vous de si important là-dedans ?
- Qu'êtes-vous en train de fabriquer ?
- Répondre à une question par une autre. Technique d’interrogatoire un peu éculée si vous voulez mon avis. Même dans les années 50 je ne l’utilisais plus vraiment.
Machinalement, il tourne le plateau pour faire face aux pièces noires. Galanterie oblige.
- Racontez-moi votre journée...
- Seigneur ! Vous devez vraiment vous ennuyer à mourir pour en venir à écouter le résumé de mes palpitantes journées.
- Ne vous dérobez pas, Lewis,
- C’était plus une mise en garde, à vrai dire.
- Cela fait partie du processus de guérison de restituer vos actions du jour et de recontextualiser la temporalité des faits.... Donc ? Je vous écoute.
- Bien…docteur McNamara. Il l’aide à mettre les pièces sur le plateau. Je me suis levé, j’ai mangé, j’ai servi de buvard pour les angoisses de Shane qui vit mal notre enfermement forcé puis j’ai travaillé sur mon concept de forêt de Penrose en essayant de la rendre possible. Je ne suis pas un scientifique dans l’âme mais je suis proche de quelque chose. Il faudrait que j’en parle au jeune Nathan… Et vous votre journée ? Il lui dédie un regard par-dessus le plateau, maintenant paré à la bataille. Si je fais l’effort de participer à ses têtes-à-têtes, faites donc celui de me faire croire que cette conversation en est une.

Un rire résonne soudain et il fronce les sourcils en souriant malgré lui. L’hilarité de Deborah est contagieuse.

- Ma… votre fille a tendance à m’apparaitre plus souvent lorsque vous êtes là, constate-t-il. Puis il englobe le jeu d’échec d’un mouvement de la main. Cela fait-il partie de la thérapie ?

Leurs joutes oratoires sont plaisantes, elle doit bien l'admettre. Lewis est un homme rétif, mais d'une intelligence pleine de piquant. Ygerne trouve leurs échanges stimulants, tant pour elle que pour lui.
Qui l'eût cru ?

- Bien…docteur McNamara.
- Ygerne. Amusant comme votre mémoire se refuse a retenir mon prénom.
- Je me suis levé, j’ai mangé...
- Ma fois, cela semble effectivement un début de journée fascinant.
- J’ai servi de buvard pour les angoisses de Shane qui vit mal notre enfermement forcé...
- Shane, vous l'évoquez souvent. Vous êtes très lié à lui, non ?

Comme souvent lorsqu'elle évoque le plan personnel, il élude avec sobriété.

-...puis j’ai travaillé sur mon concept de forêt de Penrose en essayant de la rendre possible. Je ne suis pas un scientifique dans l’âme mais je suis proche de quelque chose. Il faudrait que j’en parle au jeune Nathan…
- Eclairez-moi... Qu'est-ce qu'une forêt de Penrose ? Je connais le processus de Penrose qui concerne les trous noirs, mais je doute que ce soit lié, si ? demande-t-elle avec un intérêt ingénu.
- Et vous votre journée ?
- Ma journée ?
- Si je fais l’effort de participer à ses têtes-à-têtes, faites donc celui de me faire croire que cette conversation en est une.
- Très juste. Petit sourire pincé pour dissimuler son amusement. Je me suis levée, j'ai pris une douche -contrairement à vous, il semblerait-, j'ai mangé. Dans la mesure où je suis consignée dans mes quartiers et surveillée dans mes déplacements, j'ai terminé mon livre et préparé notre entretien.

Lewis sourit. Son visage a une tout autre architecture lorsqu'il sourit, comme si un ouvrier consciencieux démolissait tout pour reconstruire autrement dans la foulée. C'est étrangement captivant.

- Ma… votre fille a tendance à m’apparaitre plus souvent lorsque vous êtes là.
- Je vois...

Elle griffonne cette donnée sur son carnet.

- Cela fait-il partie de la thérapie ?
- En effet, les jeux de société permette d'activer certaine partie du cerveau liées à la mémoire. La necessité de réflexion et d'anticipation permet de garder l'esprit focalisé sur un point précis. Je me suis dit que les échecs étaient proches d'une énigme à résoudre et que cela vous plairait. Elle caresse délicatement le bois du plateau, avec une mélancolie discrète. C'est mon mari qui l'a sculpté. Il me l'a offert pour mes cinquante ans. Elle se reprend avec dignité. Allez-y, ouvrez...

La sorcière le laisse avancer ses pions avant de prendre son tour.

- Avez-vous eu des épisodes "flashback" aujourd'hui ? Arrivez-vous à mieux vous en rappeler ?

- Eclairez-moi... Qu'est-ce qu'une forêt de Penrose ? Je connais le processus de Penrose qui concerne les trous noirs, mais je doute que ce soit lié, si ?

Lewis la jauge du regard pour déterminer si elle s’intéresse vraiment à la question ou si tout cela fait partie d’une démarche psychologique dont il ignore l’intérêt et le fonctionnement.

- Effectivement, je vous parle de son escalier impossible. Il ressort une feuille et lui dessine sommairement. Une représentation en trois dimensions qui donne l’impression qu’il n’a ni début, ni fin. C’est ce que je voudrais pour la forêt qu’on nous a planté. Le but est de ne pas en percevoir les limites. Bref… c’est là-dessus que je travaille. Et vous votre journée ?
- Ma journée ?
- Si je fais l’effort de participer à ses têtes-à-têtes, faites donc celui de me faire croire que cette conversation en est une.
- Très juste. Il note la façon dont son faciès s’illumine un peu lorsqu’elle se retient de sourire. C’est fort dommage qu’elle se sente obligée de se contenir. Je me suis levée, j'ai pris une douche -contrairement à vous, il semblerait-, j'ai mangé.
- J’en prends une en fin de journée, après le travail. Consignez-le bien dans votre carnet, je ne voudrais pas être considéré comme un Loup mal dégrossi pour la postérité, fait-il en tapotant ledit carnet du bout des doigts.  
- Dans la mesure où je suis consignée dans mes quartiers et surveillée dans mes déplacements, j'ai terminé mon livre et préparé notre entretien.
- Malgré votre bracelet, il ne vous laisse pas sortir ? Il fronce les sourcils, sans comprendre. Ça n’était pas précisé dans notre accord.

Et ça l’ennui. Le but de toute ceci n’était pas d’en faire une prisonnière à temps partiel.
L’apparition de Deborah lui fait oublier ses réflexions.

- Ma… votre fille a tendance à m’apparaitre plus souvent lorsque vous êtes là.
- Je vois...
- Cela fait-il partie de la thérapie ?
- En effet, les jeux de société permettent d'activer certaine partie du cerveau liées à la mémoire. La nécessité de réflexion et d'anticipation permet de garder l'esprit focalisé sur un point précis. Je me suis dit que les échecs étaient proches d'une énigme à résoudre et que cela vous plairait.
Il sourit à nouveau sans s’en rendre compte.
- Alors vous me voyez vraiment comme un vieillard sénile. Vous aviez raison, j’aime les échecs.

A la façon dont elle touche le plateau de bois, dont son visage se plisse sous la douleur du souvenir, il est facile de deviner qu’elle tient à cet objet comme à la prunelle de ses yeux. Ce qu’elle ne tarde pas à confirmer.

- C'est mon mari qui l'a sculpté. Il me l'a offert pour mes cinquante ans.
- C’est un très beau cadeau, commente-t-il sobrement en caressant un cavalier, superbement sculpté, avec révérence. Votre mari était doué de ses mains.
- Allez-y, ouvrez...
Il lui lance une œillade courroucée comme si elle l’avait insulté lui et toutes les générations d’O’Keily avant lui.
- Certainement pas ! Vous avez les blancs, à vous. Vous êtes certaine de savoir jouer ? demande-t-il en soulevant un sourcil ironique.
Il attend sagement et choisi la défense scandinave pour parer son pion.
- Avez-vous eu des épisodes "flashback" aujourd'hui ?
- Comme tous les jours… déclare-t-il avec nonchalance.
- Arrivez-vous à mieux vous en rappeler ?
Il prend le temps de la réflexion.
- Non. Je sais que je revois souvent Vivian. Je pensais mon enfance épargnée mais non… mon père aussi m’apparait maintenant. Je ne sais pas ce qu’il y a à en déduire… Encore une fois, il semble que … votre fille fasse l’exception. Il n’y a qu’avec elle que tout me revient avec une étrange clareté. J’ai rêvé d’elle également. De vous aussi d’ailleurs. Une sorte de fausse image de famille. C’était un beau rêve, tout ce qu’il y a de plus faux mais… agréable, avoue-t-il en faisant avancer son cavalier, choisissant l’attente d’une posture défensive.

- Votre mari était doué de ses mains.
- Comme beaucoup de chaman dédié à Odin, la taille du bois fait partie de leur apprentissage. Allez-y, ouvrez...

Elle remarque alors qu'il a expressément tourné les blancs vers elle.

- Certainement pas ! Vous avez les blancs, à vous.
- Vous venez de tourner le plateau.
- Vous êtes certaine de savoir jouer ?
- Ne vous montrez pas condescendant, Lewis, claque-t-elle comme on rabroue un élève impertinent en lui donnant un coup de règle sur les doigts.

Elle opte pour un début Van Geet, son ouverture préférée et s'amuse de le voir opter pour une défense scandinave, réputé pour donner avantage initialement aux blanc. Choix de politesse ou ruse subtile ?

- Avez-vous eu des épisodes "flashback" aujourd'hui ?
- Comme tous les jours…
- Arrivez-vous à mieux vous en rappeler ?
- Non. Je sais que je revois souvent Vivian. Le crayon d'Ygerne gratte sur sa page du carnet. Je pensais mon enfance épargnée mais non… mon père aussi m’apparait maintenant. Je ne sais pas ce qu’il y a à en déduire…

Elle se souvient de l'allée de sa mémoire aux teintes sépia, aux tâches de sang. Un traumatisme d'enfance.

- Encore une fois, il semble que … votre fille fasse l’exception. Il n’y a qu’avec elle que tout me revient avec une étrange clarté.
- Sans doute est-ce parce qu'il s'agit d'une greffe, et donc de souvenirs artificiels. Les souvenirs véritables, ceux qu'on aimeraient vraiment saisir, tendent à se dérober.
- J’ai rêvé d’elle également.
- C'est logique, votre subconscient a été impacté.
- De vous aussi d’ailleurs.
- ... Ah oui... ? balbutie-t-elle, en faisant mine de se concentrer sur son prochain coup tout en mettant une mèche de cheveux derrière l'oreille.
- Une sorte de fausse image de famille. C’était un beau rêve, tout ce qu’il y a de plus faux mais… agréable.

Un silence, Ygerne déplace l'un de ses pions.

- Je fais également des rêves similaires, souffle-t-elle avant de lever son regard vers lui. Vous remplaciez mon mari. Elle déglutit. Vous voulez me parler de votre enfance ? De votre famille ? Vous étiez proche de votre père ?

- Une sorte de fausse image de famille. C’était un beau rêve, tout ce qu’il y a de plus faux mais… agréable.

Lewis ne prend que quelques instants de réflexion avant de bouger ses pions, comme s’il avait déjà toute sa stratégie en tête et l’adaptait rapidement à celle de la sorcière. Cela lui laisse du temps pour observer son adversaire, puisqu’aujourd’hui, c’est ainsi qu’elle se positionne. Il note la gêne que ses propos bruts d’honnêteté ont provoqué chez elle.

- Je n’aurais peut-être pas dû vous le dire.
- Je fais également des rêves similaires.
Il relève brusquement les yeux qu’il avait reconcentré sur le plateau après que McNamara ait effectué son mouvement et la regarde avec intensité.
- Vous remplaciez mon mari.
- Votre mémoire est affectée elle aussi alors. C’est fâcheux. Est-ce récurent ? J’imagine que cela s’effacera avec le temps…

La chose est assez embarrassante à vrai dire. Il ne souhaite évidemment pas en savoir plus mais se demande un bref instant la teneur de ses rêves. Il se sent toutefois assez mal d’usurper la place d’un autre homme, d’un homme aussi aimé que son défunt mari l’a été.  
Sa thérapeute du jour préfère de toute façon embrayer sur un autre sujet.

- Vous voulez me parler de votre enfance ? De votre famille ? Vous étiez proche de votre père ?
- Voilà de nombreuses questions… plutôt intimes de surcroit. Je ne vois pas tellement le rapport avec mon problème présent. Il se renverse sur sa chaise après avoir bougé sa tour pour récupérer son fou. Je suis né à une époque où « être proche des membres de sa famille » relève plus de l’exception que de la normalité, surtout dans les classes ouvrières. J’ai très peu connu mon père. Il est parti au début de la guerre juste après ma naissance et n’est pas revenu très souvent à la maison. Lorsque la guerre s’est terminée, il a passé son temps à boire pour l’oublier et ma mère à travailler pour entretenir son addiction. Il est mort quelques années après et ma mère s’est remarié et a eu d’autres enfants. L’oubliant un peu au passage. Lewis s’y était fait, comme à chaque épreuve qui avait jalonné sa vie. Je me souviens d’un homme triste, profondément chamboulé.

Du coin de l’œil, il voit soudain un homme s’assoir, prendre le canon de son pistolet en bouche et tirer. Le bruit de la déflagration, qu’il avait entendu en rentrant chez lui, lui semble si forte qu’il tressaille légèrement. Il camoufle ce mouvement comme s’il s’était redressé et évite soigneusement de regarder dans son angle gauche.

- Et vous ? demande-t-il soudain. Réciprocité, vous vous souvenez ? Sinon j’ai bien trop l’impression d’être en séance avec une psychologue. C’est… déplaisant. Et donc ? S’il est vrai que l’on reproduit les schémas que l’on a connu, vous avez dû avoir une enfance heureuse, j’imagine. A moins que tout cela ne soit de la psychologie de comptoir, ajoute-t-il en haussant légèrement les épaules.

- Voilà de nombreuses questions… plutôt intimes de surcroit.
- Je ne perd rien à les poser franchement.
- Je ne vois pas tellement le rapport avec mon problème présent.
- Je stimule vos capacités cognitives. Les échecs focalisent votre attention et vos fonctions exécutives, ces questions permettent de mobiliser votre mémoire en me restituant les souvenir tels que votre cerveau les restitue.

Elle fronce les sourcils devant le mouvement inhabituel. Un bon joueur d'échec n'aurait jamais effectué une manœuvre aussi grossière. On dirait qu'il l'appâte sans finesse : soit c'est parce qu'il a une stratégie machiavélique habilement maquillé en maladresse, soit...

- Je suis né à une époque où « être proche des membres de sa famille » relève plus de l’exception que de la normalité, surtout dans les classes ouvrières. J’ai très peu connu mon père. Il est parti au début de la guerre juste après ma naissance et n’est pas revenu très souvent à la maison. Lorsque la guerre s’est terminée, il a passé son temps à boire pour l’oublier et ma mère à travailler pour entretenir son addiction. Il est mort quelques années après et ma mère s’est remarié et a eu d’autres enfants. Je me souviens d’un homme triste, profondément chamboulé.

... Soit il fait exprès de la laisser gagner pour écourter la partie. Si c'est le cas, c'est non seulement agaçant, mais également vexant. Ygerne décide de prendre le contre-pied de ce qu'il attend de sa part et choisi un coup iconoclaste et sans logique apparente.
Lewis tressaille, sortant la joueuse d'échecs de ses projections d'enchainements. A-t-il vu quelque chose ?

- Si vous avez si peu de souvenir avec lui, pourquoi revient-il vous hanter. Sa mort, peut-être... A-t-elle été violente ?
- Et vous ?
- Je croyais que vous n'utilisiez plus cette botte d'interrogatoire depuis 1950 ? Sourire en coin.
- Réciprocité, vous vous souvenez ? Sinon j’ai bien trop l’impression d’être en séance avec une psychologue. C’est… déplaisant. Et donc ?
- Essayez de deviner. Les énigmes sont toutes aussi bonnes pour vos méninges que les échecs.
- S’il est vrai que l’on reproduit les schémas que l’on a connu, vous avez dû avoir une enfance heureuse, j’imagine. A moins que tout cela ne soit de la psychologie de comptoir.
- On se construit en fonction de référents : soit à contrario, soit en les suivant. Je suis de la deuxième catégorie. Mon père était un paludier breton, ma mère une artiste-peintre irlandaise. Ils étaient très amoureux. Mon enfance a été épanouie et heureuse, ici, comme là-bas...

En France.
Ses racines.

- Et vous Lewis ? Vous avez reproduit le schéma ? ironise-t-elle en sachant pertinemment que ça n'est pas le cas. Êtes vous triste et chamboulé, ou bien simplement triste ?

Lewis laisse volontairement la question de son père de côté quand bien même il est toujours là, s’il en croit son bref coup d’œil. La bouche explosée, la tête renversée vers l’arrière. Il préfère se concentrer sur les échecs et cette manœuvre étrange de la part de la sorcière. Hum… a-t-elle compris son manège ? Dans ce cas, il va s’amuser un peu en brouillant les pistes. Son prochain coup se fait donc singulièrement plus tactique. Pour le simple plaisir du jeu. Après tous, il n’était pas parti pour gagner de toute façon.

- S’il est vrai que l’on reproduit les schémas que l’on a connu, vous avez dû avoir une enfance heureuse, j’imagine. A moins que tout cela ne soit de la psychologie de comptoir.
- On se construit en fonction de référents : soit à contrario, soit en les suivant. Je suis de la deuxième catégorie.
- J’ai donc devinez juste.
- Mon père était un paludier breton, ma mère une artiste-peintre irlandaise. Ils étaient très amoureux. Mon enfance a été épanouie et heureuse, ici, comme là-bas...
- Là-bas ? En France ? Vous êtes né en Bretagne ?
Après tout il n’a pas à être le seul à se confier, ni a subir ses questions sur son enfance.
- Et vous Lewis ? Vous avez reproduit le schéma ?
- Avec qui ? Je n’ai jamais construit de famille. La seule que j’ai est fausse et on me l’arrachera de la tête…avec un peu de chance, déclare-t-il tranquillement en effectuant un coup sorti de nulle part. Vous croyez que j'en conserverai un sentiment de manque ?
- Êtes-vous triste et chamboulé, ou bien simplement triste ?

Il relève les yeux et la fixe un moment avant de répondre
- A votre avis ? Bras croisés sur son torse, il continue à la dévisager. Ni l’un, ni l’autre. J'étais... en paix... J’aurais sans doute fini ma vie seul il y a quelques années si je n’avais pas été mordu. Au moins j’ai échappé à l’alcoolisme

Et au suicide ajoute-t-il in petto, peut-être d’ailleurs qu’il s’accroche à ce point à la vie pour cela. Il s’abîme dans cette réflexion un moment, les yeux dans le vague, en se demandant si finalement, il n’a pas effectivement construit sa vie sur la mort de son père.

- Hum ? Désolé j’était ailleurs. Pas de vision non, je réfléchissais simplement. Je ne sais pas quelle stratégie vous appliquez à votre jeu mais ça ne ressemble à rien, se sentit-il obligé de dire avec un sourire amusé. Ma reine est sans doute très vexée que vous ne faîtes aucun effort pour la prendre depuis deux tours.

- Là-bas ? En France ? Vous êtes né en Bretagne ?
- Absolument, jusqu'à mes douze, treize ans. Et vous Lewis ? Vous avez reproduit le schéma ?

Ygerne se demande si Lewis n'est pas en train de la tester avec sa façon, parfois négligente, parfois avisée de dérouler son jeu. Elle place habilement l'un de ses cavaliers de manière à pouvoir menacer deux pièce en même temps.

- Avec qui ?
- Avec vous même déjà...
- Je n’ai jamais construit de famille. La seule que j’ai est fausse et on me l’arrachera de la tête…avec un peu de chance. Une nouvelle fois, il joue à l'emporte pièce et Ygerne est désormais persuadée qu'il se paie sa tête. Vous croyez que j'en conserverai un sentiment de manque ?
- Pour cela, il faudrait que vous vous impliquiez émotionnellement, Lewis. Nous ignorons encore si vous en êtes capable, vous comme moi, se moque-t-elle avec un sourire finaud. Puis elle reprend avec plus de douceur. Vous aimez ces visions qui font de vous un père ? Êtes-vous triste et chamboulé, ou bien simplement triste ?
- A votre avis ?
- C'est le votre qui m'intéresse.
- Ni l’un, ni l’autre. J'étais... quoi ? En paix... J’aurais sans doute fini ma vie seul il y a quelques années si je n’avais pas été mordu.
- Est-ce un regret ? Être en paix, ne rien éprouver dans un sens ou l'autre, ne signifie pas bonheur ou épanouissement. La nature humaine se nourrit d'interaction sociales, de projets, d'émotions... Je ne pense pas que vous soyez une pierre, Lewis.
- Au moins j’ai échappé à l’alcoolisme.
- Un bon point, les pierres ne métabolisent pas l'alcool.

Cette fois, elle ne retient qu'à peine son expression rieuse. Elle le contemple, se demandant si une nouvelle fois il s'est "absenté", mais la lueur d'intelligence vive dans son regard lui indique qu'il est simplement en réflexion.

- Vous aviez peur de ressembler à votre père ?
- Hum ? Désolé j’était ailleurs. Pas de vision non, je réfléchissais simplement.
- Je vous demandais si vous aviez peur de ressembler à votre père en fondant une famille ou en éprouvant des émotions.... Vous ne m'avez pas dit comment il est mort, d'ailleurs.
- Je ne sais pas quelle stratégie vous appliquez à votre jeu mais ça ne ressemble à rien, botte-t-il en touche avec un sourire. Ma reine est sans doute très vexée que vous ne faîtes aucun effort pour la prendre depuis deux tours.
- Je m'adapte à votre jeu dépourvu de bon sens et de stratégie. Vous me prenez pour une imbécile, alors je joue comme telle. Elle appuie sa tirade d'une oeillade et d'un petit rictus aussi malin que charmant. Répondez-moi, s'il vous plait... souffle-t-elle sans le quitter des yeux.

- Est-ce un regret ?
Long soupir. Il voit de moins en moins où mène cet entretien, si ce n’est fouillé sa psyché. Ce qu’il n’approuve pas spécialement.
- Je ne m’embrasse plus de regret, McNamara. Ils rongent l’âme bien plus surement que de l’acide. Mais à quoi faites-vous référence exactement ?
- Être en paix, ne rien éprouver dans un sens ou l'autre, ne signifie pas bonheur ou épanouissement.
- Je n’ai jamais dit que je n’éprouvais rien, contre-t-il.
- La nature humaine se nourrit d'interaction sociales, de projets, d'émotions...
- J’ai une meute de plus de vingt personnes à mes côtés. Pensez-vous vraiment que je manque d’interactions sociales ?
- Je ne pense pas que vous soyez une pierre, Lewis.
- Très aimable de votre part. Vous ne le notez pas dans votre carnet ? demande-t-il innocemment. Au moins j’ai échappé à l’alcoolisme.
- Un bon point, les pierres ne métabolisent pas l'alcool.
- Je suis perdu. Je croyais ne pas être une pierre. Je ne suis pas certain d’avoir confiance en l’expertise d’une femme aussi versatile sur ses opinions.

Mais ses pensées le portent ailleurs et il s’y laisse glisser, appréciant le calme d’un instant qu’il sait être compté. Il n’est pas certain d’apprécier cette introspection sur lui-même mais la réflexion en est au moins intéressante. Il trouve une forme de logique dans tout cela et rien n’est plus rassurant que la logique.

- Vous aviez peur de ressembler à votre père ?
- Hum ? Désolé j’était ailleurs. Pas de vision non, je réfléchissais simplement.
- Je vous demandais si vous aviez peur de ressembler à votre père en fondant une famille ou en éprouvant des émotions.... Vous ne m'avez pas dit comment il est mort, d'ailleurs.

Parce qu’il n’éprouve aucune envie de le lui dire. A quoi cela pourrait-il servir ? L’humaniser ? Lui prouver qu’effectivement il n’était pas fait de roche ? Il adopte alors une diversion sachant pertinemment qu’elle aussi ne durera qu’un temps. La sorcière a l’obstination tenace, malheureusement.  

- Je m'adapte à votre jeu dépourvu de bon sens et de stratégie.
- Voilà un jugement sans appel. Figurez-vous que j’innove.
- Vous me prenez pour une imbécile, alors je joue comme telle.

Il l’observe par-dessus le plateau et secoue lentement la tête avec un petit sourire qui calque plus ou moins le sien. Il ne sait plus tellement à quel jeu il joue, mais il trouve la chose…amusante.

- Je ne vous prends pas pour une imbécile… du moins pas avant que vous ne négligiez de récupérer ma reine offerte sur un plateau. D’ailleurs il la bouge pour gober son cavalier menaçant. Tant pis pour vous, son jugement a été implacable.
- Répondez-moi, s'il vous plait...
Il lui rend son long regard, gardant un silence méditatif.

- A quelles questions au juste ? Vous en posez une dizaine à la seconde, je n’arrive plus à suivre. S’il s’agit de celle sur mon père alors non je n’ai pas peur de lui ressembler pour la bonne et simple raison que je ne l’ai jamais connu. L’homme qui est revenu de la guerre n’en était qu’une ombre, un reflet déformé qui s’est laissé emporter par l’horreur qu’il a vécu et les idées noires. Il laisse le silence filer et joue avec le cavalier. Quant à fonder une famille ça n’est pas qu’une question de choix. Il faut être deux en général, à mon époque en tout cas. Ça ne s’est jamais fait, voilà tout. La providence m’en a donné une autre. Croyez bien qu’elle me donne assez de fil à retordre pour que je n’ai pas le temps de regretter ou craindre quoique ce soit. Eh oui, avant que nous ne posiez encore  une autre question sur le sujet, je considère la Meute comme une famille. J’ai vu grandir Hunter, sa sœur et Shane, ils sont plus ou moins comme des neveux pour moi… si tant est que les cailloux puissent avoir ce genre de relation. A-t-on fait le tour de la question à présent ?

- Je m'adapte à votre jeu dépourvu de bon sens et de stratégie.
- Voilà un jugement sans appel. Figurez-vous que j’innove.
- Ah... Le désespoir d'être incompris des grands avant-gardistes. Vous me prenez pour une imbécile, alors je joue comme telle.

L'idée qu'il est le meurtrier de sa fille unique, ou même sa propre victime tragique sont devenus des arguments vagues dans sa conscience. Elle se sent portée par leur joute intellectuelle, stimulée comme elle ne l'a pas été depuis longtemps.

- Je ne vous prends pas pour une imbécile… du moins pas avant que vous ne négligiez de récupérer ma reine offerte sur un plateau. Tant pis pour vous, son jugement a été implacable.
- Son courroux la rend prompte à la dictature, ma foi ! Pauvre de ses sujets... Sa tour, embusquée dévore le fou qu'il a oublié de protéger.... Répondez-moi, s'il vous plait...
- A quelles questions au juste ? Vous en posez une dizaine à la seconde, je n’arrive plus à suivre.
- J'essaie simplement de réveiller votre vivacité d'esprit. C'est comme cela qu'on combat la sénilité.
-S’il s’agit de celle sur mon père alors non je n’ai pas peur de lui ressembler pour la bonne et simple raison que je ne l’ai jamais connu. L’homme qui est revenu de la guerre n’en était qu’une ombre, un reflet déformé qui s’est laissé emporter par l’horreur qu’il a vécu et les idées noires.
- Hum... Je vois.

Ygerne griffonne sur son carnet et écrit "suicide" en toutes lettres après les mot "père","guerre" et "troubles du stress post-traumatique", puis elle avance un de ses pions.

- Quant à fonder une famille ça n’est pas qu’une question de choix. Il faut être deux en général, à mon époque en tout cas. Ça ne s’est jamais fait, voilà tout. La providence m’en a donné une autre. Croyez bien qu’elle me donne assez de fil à retordre pour que je n’ai pas le temps de regretter ou craindre quoique ce soit. Eh oui, avant que nous ne posiez encore une autre question sur le sujet, je considère la Meute comme une famille. J’ai vu grandir Hunter, sa sœur et Shane, ils sont plus ou moins comme des neveux pour moi… si tant est que les cailloux puissent avoir ce genre de relation.
- Il existe bien des regroupements de cailloux qu'on appelle "gravier"...

Elle se surprend à rire de son propre trait d'humour et finit par cacher sa bouche avec l'envers de ses doigts. Qu'est-ce qu'il lui a pris, franchement ?

- Excusez-moi, se reprend-elle dignement.
- A-t-on fait le tour de la question à présent ?
- Pour aujourd'hui, je dirais que oui. Je vous octroie le droit d'équilibrer les comptes en me posant les questions que vous désirez. Après-tout, ceci n'est pas pas une auscultation psychologique. Elle déplace sa tour à nouveau. Le cavalier de Lewis se trouve pris en tenaille entre elle et son fou. Quel que soit le mouvement, il sera mangé.

- Il existe bien des regroupements de cailloux qu'on appelle "gravier"...

La répartie le fait sourire et son rire le surprend assez pour qu’il la regarde avec une attention toute particulièrement. Il y a quelques temps, il ne l’en aurait plus cru capable. Bien, sans doute guérit-elle plus rapidement et mieux que lui. Elle cache bien vite ses lèvres étirées comme s’il s’agissait de quelque chose d’honteux.

- Excusez-moi.
- De rire ou de vous moquer ? Dans un cas comme dans l’autre je suis indigné. Mais je passerai l’éponge. A-t-on fait le tour de la question à présent ?
- Pour aujourd'hui, je dirais que oui. Je vous octroie le droit d'équilibrer les comptes en me posant les questions que vous désirez. Après-tout, ceci n'est pas une auscultation psychologique.
- Certes non.

Il laisse son cavalier à ses bons soins et préfère continuer à bouger sa reine qu’elle néglige avec une inconséquence qui va finir par la perdre. Il avale sa tour et dévoile son roi.

- Echec. Et sans doute mat en quatre…mmm non cinq coups. Sauf si votre reine consent à faire son travail et ne prenne mon fou ici. Dans ce cas, vous n’aurez plus qu’à bouger votre pion parce que j’aurais bêtement bougé le mien ici. Quel idiot…je viens de vous donner la victoire je crois.

Il couche son roi avec une expression amusée.

- Très stimulante partie. Et non votre Honneur je n’ai plus de questions. J’ai un travail à terminer et j’en ai un peu assez de sentir tous ces regards qui nous surveillent comme si nous étions du lait sur le feu. Je devrais peut-être signifier plus clairement à quelques membres de la meute que vous n’allez pas me sauter dessus avec une lame en argent…enfin je ne pense pas, ajoute-t-il plus moqueur. Auriez-vous l’amabilité de me prévenir dans ce cas ?

- Echec. Et sans doute mat en quatre…mmm non cinq coups. Sauf si votre reine consent à faire son travail et ne prenne mon fou ici. Dans ce cas, vous n’aurez plus qu’à bouger votre pion parce que j’aurais bêtement bougé le mien ici.

Elle secoue la tête en poussant un soupir sans pour autant se départir d'un reste de sourire.

- Lewis...
- Quel idiot…je viens de vous donner la victoire je crois.
- Vous vous évertuez à me la donner depuis le début de la partie. A croire que vous souhaitiez que nous en terminions au plus vite. Etonnant n'est-ce pas ?
- Très stimulante partie.
- Menteur... souffle-t-elle en le fixant droit dans les yeux. Essayez de vraiment jouer la prochaine fois.
- Et non votre Honneur je n’ai plus de questions. J’ai un travail à terminer et j’en ai un peu assez de sentir tous ces regards qui nous surveillent comme si nous étions du lait sur le feu.
- Oh... Je n'avais pas remarqué nos chaperons.
- Je devrais peut-être signifier plus clairement à quelques membres de la meute que vous n’allez pas me sauter dessus avec une lame en argent…enfin je ne pense pas. Auriez-vous l’amabilité de me prévenir dans ce cas ?
- J'aurais la politesse de vous envoyer un memo, c'est promis, fait-elle en rangeant soigneusement les pièces du jeu d'échec.

Elle glisse vers lui un carnet vierge, semblable au sien, et un crayon à papier neuf.

- Pour la peine, je vous donne des devoirs. Vous allez tenir un journal de vos rêves et hallucinations. Rassurez-vous je ne le compulserais pas. Je souhaite simplement travailler sur la mobilisation de votre mémoire de manière consciente. Plus vous verbaliser par écrit ou à l'oral ces souvenirs volatiles, moins ils impacteront la réalité. Du moins c'est la théorie... Elle glisse le plateau dans sa besace. Vous aimez les mots fléchés ou les sudoku ? Essayez d'en pratiquer. Oh.. Et j'oubliais ....

Elle sort un livre qui a vécu des jours meilleurs, manipulé de nombreuses fois, souvent annotés : "La Fille du temps" de Joséphine Tey.

- Lisez-le ou relisez-le si vous l'avez déjà fait. Discutons en ensuite.... Vous avez réfléchi à un objet revêtant une importance intime à vos yeux, pour votre nouvel Huaca ?

Elle se lève avec autant de gracieuse fluidité que la première fois, dans une effluve florale de chèvrefeuille.

-Nous nous revoyons mercredi avec Marisol, tâchez de trouver pour ce jour là, et vendredi pour un nouveau tête à tête. Après hésitation, elle effleure son épaule. Essayez de faire sérieusement ces quelques exercices, Lewis, c'est important. Entendu ?

Elle s'éloigne en quelques enjambées souples et crie à la cantonade à l'adresse des chaperons indiscrets.

- C'est bon, il est toujours vivant ! Vous pouvez vaquer de nouveau à vos occupations !

Elle agite la main en guise d'aurevoir et sort du Silo sans se retourner.

Lewis est sorti plus tôt du Silo, la mort dans l’âme ou presque. Il aurait largement préféré rester à faire ses calculs tranquillement mais une déesse et une sorcière l’attendent. Faire attendre deux femmes ne seraient pas très poli alors il tente d’être à l’heure.
Elles sont déjà là pourtant, mais un coup d’œil à sa montre lui prouve qu’il est pile à l’heure. La salle commune est vide hormis la présence des deux femmes.

- Mesdames, les salue Lewis avant de s’installer avec elle. Comment allez-vous ? Tu as l’air en forme Marisol. Colgan me fait dire qu’il a promis à Sizreïs de lui apprendre à faire des couronnes de fleurs. Notre fier Alpha lui mange dans la main…ou bien est-ce l’inverse. Difficile à dire.

Il glisse le livre vers McNamara. Il l’a lu en deux soirées, ravi d’avoir quelque chose de neuf à se mettre sous les yeux.

- Intéressant. Le principe de se baser sur la physionomie des gens pour décréter s’ils sont bons ou mauvais est stupide mais l’inspecteur est souvent accrocheur tout comme l’humour et l’enquête. Au-delà de ça, j’ai apprécié découvrir quelque chose de neuf.  Je me suis endormi sur mes sudokus – qui est à mon avis une invention faite pour faire mourir les gens d’ennuis, je note votre effort louable pour me torturer d’une autre façon – j’ai arrêté de chercher des mots croisés. J’ai noté mes apparitions dans le carnet et les rêves ont… continué. Plus réguliers.

Il ne va pas plus loin ne souhaitant pas spécialement révéler ce genre de chose devant Marisol. Il y a des limites à l’étalage de son intimité.

- J’ai par contre fait chou-blanc concernant mon Huaca… Je n’ai ramené que des choses utiles dans les bunkers et il n’y a pas grand-chose de dispensable ici ou qui ressemble à un objet qui pourrait évoquer quoique ce soit pour moi. Je crois que c’était tout pour mes devoirs, non ?

Il a beaucoup de mal à se concentrer aujourd'hui et doit déployer des trésors de volonté et de concentration pour ne pas se laisser happer par ses souvenirs envahissants. Il a les yeux plus voilé que d'ordinaire et l'air un peu ailleurs.

Ygerne et Marisol conversent tranquillement en préparant du thé. La déesse ne semble pas aussi méfiante que le père de son enfant envers elle. Elle a du mal à statuer de leur relation exacte d'ailleurs. Colgan est très peu démonstratif avec elle, du moins en société. Marisol est vive, facilement agacée et ils ont eu parfois des coups d'éclats plutôt célèbres dans l'infirmerie. Néanmoins, l'un ne semble jamais aller sans l'autre et l'avatar semble profondément attachée à l'Alpha.
Une bien curieuse relation.

- Mesdames.
- Salut Lewis !
- Lewis.
- Comment allez-vous ? Tu as l’air en forme Marisol.
- Tu veux pas en glisser un mot à ton alpha ou à mon paternel ? Ils n'ont pas l'air au courant.
- Colgan me fait dire qu’il a promis à Sizreïs de lui apprendre à faire des couronnes de fleurs. Notre fier Alpha lui mange dans la main…ou bien est-ce l’inverse. Difficile à dire.
- Dommage que je ne sois pas une fillette, j'aurais sans doute eu plus de crédit.
- Vous êtes jalouse, Marisol ? demande posément Ygerne en versant du thé parfaitement infusé dans trois tasses dépareillées.
- Pas du tout ! rétorque la jeune femme en levant le menton haut. J'aimerais simplement qu'on me fasse des couronnes de fleurs à moi aussi, sans que j'ai à le réclamer.

Ygerne pince les lèvres pour ne pas sourire et paraitre moqueuse mais ses yeux plissent d'amusement pour elle. Lewis lui rend son volume de "La Fille du temps" et lui fait un commentaire clinique.

- Intéressant. Le principe de se baser sur la physionomie des gens pour décréter s’ils sont bons ou mauvais est stupide mais l’inspecteur est souvent accrocheur tout comme l’humour et l’enquête. Au-delà de ça, j’ai apprécié découvrir quelque chose de neuf.
- Nous développeront votre point de vue vendredi.

Elle troque le livre contre une tasse pleine et fumante.

- Je me suis endormi sur mes sudokus – qui est à mon avis une invention faite pour faire mourir les gens d’ennuis, je note votre effort louable pour me torturer d’une autre façon.
- Je m'applique à être inventive.

La sorcière l'observe attentivement. Le loup a l'air fatigué, il est évident qu'il déploie de rudes efforts pour rester concentrer.

- J’ai arrêté de chercher des mots croisés. J’ai noté mes apparitions dans le carnet et les rêves ont… continué. Plus réguliers.
- Oh...

Elle a une vague expression d'embarras, le regard fuyant, qu'elle chasse aussitôt. Marisol les observe interagir par dessus sa tasse avec un froncement de sourcils. Elle a du mal à comprendre... L'ensemble du tableau à dire vrai. Par contre, elle remarque également l'air vague et un peu flottant du loup.

- J’ai par contre fait chou-blanc concernant mon Huaca… Je n’ai ramené que des choses utiles dans les bunkers et il n’y a pas grand-chose de dispensable ici ou qui ressemble à un objet qui pourrait évoquer quoique ce soit pour moi. Je crois que c’était tout pour mes devoirs, non ?
- En effet, mais... si je puis me permettre... ?
- T'as pas l'air bien Lewis. Sérieusement... T'as eu beaucoup d'absences aujourd'hui? demande Marisol avec une réelle inquiétude. Elle se déporte vers lui et lui touche le bras. Tu veux qu'on  ajourne la séance ?
- ... Effectivement j'allais le proposer. Néanmoins, avant ça, j'ai peut-être une suggestion au sujet des Huacas, vous m'avez vous même confié que vous avez vu Hunter, sa soeur et Shane grandir. Ce pourrait simplement être un objet qui les représente et qui symbolise votre attachement à la meute : une mèche de cheveux, un cadeau de leur part ? Ou de votre alpha ? Cela fonctionnerait-il Marisol ?
- Oui.... Oui effectivement ça pourrait. Il faut essayer ! Qu'en penses-tu Lewis ?

- Je crois que c’était tout pour mes devoirs, non ?
- En effet, mais... si je puis me permettre... ?
- T'as pas l'air bien Lewis. Sérieusement... T'as eu beaucoup d'absences aujourd'hui ?

Lewis fixe un moment la main sur son bras, comme pour attendre de voir si elle allait disparaitre ou non. Pourquoi n’en est-il pas certain ? D’habitude, le contact aide à lui faire savoir si la personne est réelle ou non.
Deborah est là, elle est là depuis qu’il a ouvert les yeux ce matin. Sentant sa détresse, elle passe un bras autour de ses épaules sans doute pour lui offrir une sorte de réconfort, un réconfort fantôme.
Rien, il ne sent rien.
Il vient poser sa paume sur celle de Marisol, s’y agrippe fermement.

- Je sais plus…je …oui. Je ne suis pas certain d’être réveillé. Tout se mélange un peu.
- Tu veux qu'on ajourne la séance ?
- Quelle séance ?
- ... Effectivement j'allais le proposer. Néanmoins, avant ça, j'ai peut-être une suggestion au sujet des Huacas, vous m'avez-vous même confié que vous avez vu Hunter, sa soeur et Shane grandir.

Hunter, Rhéa, Shane…oui, font-ils partis du rêve aussi ?

- Ce pourrait simplement être un objet qui les représente et qui symbolise votre attachement à la meute : une mèche de cheveux, un cadeau de leur part ? Ou de votre alpha ? Cela fonctionnerait-il Marisol ?
- Oui.... Oui effectivement ça pourrait. Il faut essayer ! Qu'en penses-tu Lewis ?
- Un cadeau ? Est-ce que tout ceci est réel ?

Ce qu’il pense de quoi ? Il essaie vraiment de dénouer les fils de ses pensées mais Vivian est dans son bureau, y trônant comme si elle était reine en ce minuscule royaume de limier à vendre. Détective…c’est ce qu’il est.

- Oh Lewis…tu ne vas pas rester enfermé ici tout seul ! Viens avec moi, allons-nous amuser ! Tu te souviens de ces bars où tu m’emmenais danser ? Fais-moi danser encore, mon amour !  
- Je ferai tout ce que tu veux…

Vivian rit à gorge déployée puis lui tend la main. Il cherche à l’attraper mais Deborah le retient, souhaite apparemment qu’il reste assis. L’environnement se transforme encore, devenant l’un de ces endroits qu’ils aimaient tous les deux où ils écoutaient de la musique jazz et buvant de l’alcool. La jeune fille rousse le sert plus fort alors que Vivian ondule déjà sur la piste de danse, passant dans les bras d’autres hommes.

- S’il te plait…

Il ne sait pas tellement à qui il parle. Pourquoi sa fille se trouve là ? Qui est là mère ? Vivian ? Non, elle n’est pas rousse…qui alors ? Ygerne, lui souffle une voix.

- Ygerne, répète-t-il à mi-voix avant de clore ses paupières avec force. Ce prénom fait disparaitre Vivian mais amène d’autres souvenirs. C’est toi la mère de ma Deborah… Les souvenirs d’une nuit fatidique. Un coup de griffes trop bien placé…Je l’ai tuée…j’ai tué notre enfant, se rappelle-t-il en regardant ses mains couvertes de sang… je suis un monstre...

- Un cadeau ? Est-ce que tout ceci est réel ?
- Madre Noche... gémit Marisol avec une inquiétude palpable.

Lewis a fait tomber sa tasse sans même le remarquer, il fixe un point au loin, l'air subjugué, presque suppliant. "Vivian" suppute Ygerne, tandis que Marisol s'empresse de ramasser les débris de porcelaine.

- Je ferai tout ce que tu veux…S’il te plait…
- Il est en pleine crise ! Je ne sais même pas à qui il parle... fait Marisol en se redressant, des tessons entre les doigts. Elle dépose le tout précipitamment sur une table. L'air crépite autour d'elle. Je vais le ramener.
- Non ! admoneste Ygerne avec autorité. Pas avec votre essence divine. Pensez à votre enfant. J'ai déjà assez de regrets sur la conscience, je ne veux pas avoir votre bébé en sus!
- Ygerne ! C'est ma meute, mon loup !
- Et c'est ma faute ! assène-t-elle sans appel. Marisol s'apprête à répliquer mais Lewis lui coupe l'herbe sous le pied.
- Ygerne... souffle-t-il.
- Je suis là... La Sorcière s'approche et lui presse la main avec force.
- C’est toi la mère de ma Deborah…
- Je suis la mère de Deborah mais...
- Je l’ai tuée…j’ai tué notre enfant... je suis un monstre...
- Non non non non non ! Lewis ! Regardez-moi ! Elle prend fermement le visage du loup entre ses paumes. Concentrez-vous sur moi. Je suis Ygerne, la mère de Deborah. Mais elle n'est pas votre Deborah. Vous êtes Lewis, mais vous n'êtes pas son père. Vous n'avez pas tué votre fille, juste la mienne. Elle n'était.... son timbre s'étrangle un peu, mais elle tient bon et poursuit avec douceur. Elle n'était qu'une étrangère pour vous. Une étrangère dans le camp ennemi. Vous vouliez protéger Shane, rappelez-vous. Shane Monaghan, vous l'avez vu grandir... Elle l'oblige en garder l'esprit et les yeux focalisés sur elle. Ne la regardez pas. Concentrez-vous sur moi...Vous vous souvenez de notre partie calamiteuse d'échecs, lundi ? Reconstituez là dans votre tête : Nous sommes dans le Silo, je suis en face de vous, nous jouons aux échec sur un plateau en bois sculpté à la main par mon mari. Vous faites tout pour que j'attrape votre reine et que j'abrège la partie mais je m'échine à ne pas suivre vos plans. Je vous agaçais avec mes questions sur la famille alors vous m'avez répondu... ? Dites moi ce que vous m'avez dit...

Médusée, Marisol observe la scène en ne sachant si elle doit intervenir pour les séparer ou laisser faire. Tout dépendra de la réaction de Lewis...

Vraiment, c’est agaçant d’avoir les idées aussi peu claires… Une autre main dans la sienne, qui sert avec force. Oui c’est bien Ygerne. Il réouvre les yeux et trouve son regard. Une profonde tristesse le prend, lui presse le cœur comme un citron.

- Je l’ai tuée…j’ai tué notre enfant... je suis un monstre...
Sa voix tremble comme sous le coup d’une vive émotion, bien plus ce que l’on a jamais pu entendre dans son timbre.
- Non non non non non ! Lewis ! Regardez-moi !
- Je te regarde…

Ses paumes sont fraîches contre sa joue et il lève les mains pour les poser contre les siennes. Il ne sait pas si ce sont ses paroles, sa présence, son regard mais quelque chose chez elle souffle sur le brouillard dans son esprit.

- Concentrez-vous sur moi. Je suis Ygerne, la mère de Deborah. Mais elle n'est pas votre Deborah. Vous êtes Lewis, mais vous n'êtes pas son père. Vous n'avez pas tué votre fille, juste la mienne. Elle n'était....
- Elle était merveilleuse, depuis le jour où elle est née…
- Elle n'était qu'une étrangère pour vous.
Il fronce les sourcils.
- Comment est-ce possible ? je me souviens…je me souviens de tellement de chose : son premier anniversaire, ses premiers pas, le fait qu'elle raffolait des fraises et que la fasse tournoyer dans les airs…un sourire tendre éclaire son visage.
- Une étrangère dans le camp ennemi, insiste-t-elle. Vous vouliez protéger Shane, rappelez-vous. Shane Monaghan, vous l'avez vu grandir...
- Shane ?

Il cherche, ce nom lui évoque aussi des souvenirs. Mais il commet l’erreur de détourner son regard et Vivian l’hypnotise un instant avant qu’Ygerne tourne presque brutalement son visage vers elle.

- Ne la regardez pas. Concentrez-vous sur moi...
- Oui…je… Shane, c’est un louveteau encore. Mordu trop jeune, trop surprotégé par son frère. Il a …des tics…beaucoup de tics nerveux
- Vous vous souvenez de notre partie calamiteuse d'échecs, lundi ?
- Non… quel jour sommes-nous ?
- Reconstituez là dans votre tête : Nous sommes dans le Silo, je suis en face de vous, nous jouons aux échecs sur un plateau en bois sculpté à la main par mon mari. Vous faites tout pour que j'attrape votre reine et que j'abrège la partie mais je m'échine à ne pas suivre vos plans. Je vous agaçais avec mes questions sur la famille alors vous m'avez répondu... ?
Ses mains glissent le long de ses bras, s’arrêtent sur ses coudes.
- Votre stratégie était aussi stupide que la mienne et …
- Dites-moi ce que vous m'avez dit ...
Il baisse un instant les yeux, concentré sur la représentation de cette partie, de leur conversation…
- Echec… mat en cinq ou quatre coups sauf si vous vous décidiez à jouer votre reine. J’ai dit…que la partie avait été stimulante et j’ai demandé…si nous en avions finis pour aujourd’hui.

Il cligne plusieurs fois des yeux, recule un peu la tête mais garde ses mains sur ses bras. Son regard se fait plus vif, plus… présent.

- Oui... je me souviens à présent. Je suis là à nouveau. Je suis navré. Aujourd’hui…n’est pas une bonne journée. Je suis un peu perdu depuis ce matin. Merci Ygerne. Il se tourne vers Marisol qui semble encore retournée par ce qu’il identifie comme une grosse crise. Ca va aller. J’y vois un peu plus clair. Avec un acharnement très lewisien et une faculté de passer rapidement à autre chose assez extraordinaire, il tente de raccrocher les wagons de la conversation qu’il avait commencer avec les deux femmes. Hummm…vous parliez de mon Huaca… Je vais voir si Colgan ou Hunter peuvent me faire une sorte d’amulette peut-être ?
Il est sceptique à cette idée mais pourquoi ne pas tenter après tout.  

Marisol se fait témoin silencieux d'une scène étrange. Elle se sent parasite dans cette bulle exclusive, cantonnée à l'état de spectatrice. Leur dynamique est anormale, hors du cadre et  la déesse peine à la comprendre : la femme qui a détruit le loup, le loup qui a détruit la femme. La victime devenue bourreau, le bourreau devenu victime.

- Vous vous souvenez de notre partie calamiteuse d'échecs, lundi ?
- Non… quel jour sommes-nous ?
- Mercredi. Mais revenons deux jours plus tôt. Reconstituez là dans votre tête : Nous sommes dans le Silo, je suis en face de vous, nous jouons aux échecs sur un plateau en bois sculpté à la main par mon mari. Vous faites tout pour que j'attrape votre reine et que j'abrège la partie mais je m'échine à ne pas suivre vos plans. Je vous agaçais avec mes questions sur la famille alors vous m'avez répondu... ?
- Votre stratégie était aussi stupide que la mienne et …
- Oui ! Oui c'est ça ! encourage Ygerne avec un sourire de soulagement qui s'épanouit aussi sincèrement qu'inconsciemment. Dites-moi ce que vous m'avez dit ...
- Echec… mat en cinq ou quatre coups sauf si vous vous décidiez à jouer votre reine. J’ai dit…que la partie avait été stimulante et j’ai demandé…si nous en avions finis pour aujourd’hui.
- Oui, Lewis, c'est bien ça... c'est exactement ce que vous avez dit, ponctue-t-elle avec un large et beau sourire dont elle n'a pas le moindre soupçon. Ce n'est que lorsqu'il s'écarte que la sorcière se fait la réflexion qu'elle aurait pu être répugnée par le contact direct du meurtrier de sa fille. Cela n'a jamais été le cas. Ses mains glissent de son visage et tombent sur les clavicules du loup. Vous êtes revenu ?
- Oui... je me souviens à présent. Je suis là à nouveau.
- Bien...
- Je suis navré.
- Ce n'est pas de votre faute.
- Aujourd’hui…n’est pas une bonne journée. Je suis un peu perdu depuis ce matin. Merci Ygerne.
- Je vous en prie. Et elle ajoute avec une certaine gêne. Je... Je vais vous lâcher maintenant. Elle se dégage doucement de son étreinte et remet une mèche de ses cheveux flamboyant derrière l'oreille.

Marisol, elle, se demande ce à quoi elle vient exactement d'assister. Elle fixe Ygerne puis Lewis, avec une expressions sidérée. Le lycanthrope s'empresse de la rassurer.

- Ca va aller. J’y vois un peu plus clair.

Cela n'empêche pas l'avatar de Ch'as'ka de réduire brutalement la distance entre eux et de serrer le vieux bonhomme dans ses bras.

-Tu... Tu vas te guérir, Lewis ! J'te promet. Elle jette un regard à Ygerne. On va te guérir...
- Hummm…vous parliez de mon Huaca…
- En effet.
- Je vais voir si Colgan ou Hunter peuvent me faire une sorte d’amulette peut-être ?
- La condition pour que cela fonctionne c'est que vous y croyiez vous même, Lewis. Sans cela, sans votre foi en l'huaca, cela ne marchera pas. Il faut que l'objet soit représentatif du lien particulier et personnel que vous entretenez avec la personne qui vous l'offre. Il faut une implication émotionnelle. C'est pour cela que je suggérais Shane que vous considérez de votre propre aveu comme une sorte de neveu.
- Et pourquoi pas vous ? intervient brusquement Marisol.
- Je vous demande pardon ? lâche Ygerne interdite.
- Vous vous sentez coupable de son état, vous voulez qu'il guérisse, c'est un souhait puissant, et Lewis est impliqué "émotionnellement" dans la mort de votre fille depuis que vous lui avait fait croire que c'est la sienne. Même si ces souvenirs disparaissent, elle ne sera plus jamais une anonyme pour lui.
- Je doute que ce soit une bonne idée...
- Ok.. ça semble assez tordu dit comme ça, mais en terme de lien  c'est aussi fort et sans doute plus intime que la relation à son Alpha ou à un neveu turbulent...

Un peu gêné, Lewis et la sorcière se détachent l’un de l’autre. Il est toujours aussi estomaqué de voir à quel point McNamara s'investie dans sa guérison, à quel point elle semble avoir sincèrement envie de réparer ses fautes. Personne ne s'est jamais donné cette peine à son endroit. Lui ne le pourra jamais... réparer ce qu'il lui a fait...
Puis c’est Marisol qui se serre soudain contre lui et un peu gauchement, il lui rend à moitié son étreinte, étonné de la voir si…chamboulée. Mais après tout il s’agit de Marisol… leur déesse a toujours eu le contact facile et les émotions à fleur de peau.

- Tu... Tu vas te guérir, Lewis ! J'te promet.
Lewis lui frotte gentiment le dos un vague sourire aux lèvres.
- Ne t’en fais pas pour moi. Dans le pire des cas, je deviendrai votre vieux loup sénile avant l’heure…une sorte de mascotte.
- On va te guérir...
Il échange un bref coup d’œil avec McNamara.
- Si vous ne le pouvez pas, alors personne n’en sera capable. Il cherche ensuite à reprendre le cours de la conversation avortée par ses rêveries éveillées. Hummm…vous parliez de mon Huaca…
- En effet.
- Je vais voir si Colgan ou Hunter peuvent me faire une sorte d’amulette peut-être ?
- La condition pour que cela fonctionne c'est que vous y croyiez-vous même, Lewis. Sans cela, sans votre foi en l'huaca, cela ne marchera pas.
- Ah… et comment a-t-on la foi ? Je doute que cela s’improvise.
- Il faut que l'objet soit représentatif du lien particulier et personnel que vous entretenez avec la personne qui vous l'offre. Il faut une implication émotionnelle. C'est pour cela que je suggérais Shane que vous considérez de votre propre aveu comme une sorte de neveu.
- Et pourquoi pas vous ?

La suggestion de Marisol le laisse un instant sans voix et il se demande si elle ne se paie pas tout simplement de leurs têtes.

- Je vous demande pardon ?
- Vous vous sentez coupable de son état, vous voulez qu'il guérisse, c'est un souhait puissant, et Lewis est impliqué "émotionnellement" dans la mort de votre fille depuis que vous lui avait fait croire que c'est la sienne. Même si ces souvenirs disparaissent, elle ne sera plus jamais une anonyme pour lui.
- Je doute que ce soit une bonne idée...
- Je doute que ce soit une bonne idée, déclare-t-il exactement en même temps qu’elle et à nouveau il échange un long regard avec la sorcière. Eh bien au moins nous sommes d’accord à ce sujet.  
- Ok… ça semble assez tordu dit comme ça, mais en terme de lien c'est aussi puissant et sans doute plus intime que la relation à son Alpha ou à un neveu turbulent...
- Je ne vois pas tellement pourquoi…c’est un lien né dans la souffrance et le mensonge.

Mais Lewis prend le temps de la réflexion, comme toujours, pèse le pour et le contre pour ne pas avoir l’air de rejeter l’idée en bloc sans y avoir réfléchis au préalable.

- Je comprends ton raisonnement. Mais de un, je ne suis pas certain que miser sur des sentiments non seulement faux, mais qui risquent de se dénaturer avec le temps soit une bonne idée. L’Huaca risque de perdre de son pouvoir, sauf si je ne guéris jamais. Ce qui est une possibilité mais dans ce cas, l’objet deviendrait de toute façon inutile. Ca ne ferait qu’entretenir un lien qui n’a pas lieu d’être. Et de deux…il se tourne vers sa « thérapeute », je doute que vous ayant envie de me faire un cadeau de quelque nature que ce soit et je ne vous le demanderai pas. Oublions ça.

- Je doute que ce soit une bonne idée...

Ygerne échange un long regard avec Lewis avant de détourner les yeux, une nouvelle fois embarrassée par l'harmonie parfaite de leur ensemble, bien que ce soit dans le refus (ou dans le déni). Elle triture nerveusement ses cheveux comme souvent quand elle n'est pas en contrôle d'une situation.
Marisol, elle, les observe avec un haussement de sourcil plutôt éloquent qui ne fait qu'ajouter à la gêne de la sorcière.

- Eh bien au moins nous sommes d’accord à ce sujet.
- Ok… ça semble assez tordu dit comme ça, mais en terme de lien c'est aussi puissant et sans doute plus intime que la relation à son Alpha ou à un neveu turbulent...
- Je ne vois pas tellement pourquoi…c’est un lien né dans la souffrance et le mensonge.
- Elle est entrée dans ta tête. personne n'y a réussi jusque là... En terme d'intimité ça se défend ! Sa volonté de te soigner est sincère. ça aussi ça compte ! Et c'est positif !
- Marisol, je suis là, cessez de parler de moi comme si je n'y étais pas, réplique vertement Ygerne. Je suis capable de m'exprimer pour moi.
- Je comprends ton raisonnement. Mais de un, je ne suis pas certain que miser sur des sentiments non seulement faux, mais qui risquent de se dénaturer avec le temps soit une bonne idée. L’Huaca risque de perdre de son pouvoir, sauf si je ne guéris jamais. Ce qui est une possibilité mais dans ce cas, l’objet deviendrait de toute façon inutile. Ca ne ferait qu’entretenir un lien qui n’a pas lieu d’être. Et de deux… je doute que vous ayez envie de me faire un cadeau de quelque nature que ce soit et je ne vous le demanderai pas. Oublions ça.
- Là n'est pas la question, répond l'intéressée d'un air guindé. Je peux tout à fait vous faire un cadeau. Ce n'est pas un frein. De plus ma volonté de vous voir rétabli et tous les efforts que j'y mets - soit la majorité de son temps et de son énergie- ne sont pas des "sentiment faux qui se dénatureront avec le temps". Je ne suis pas une femme versatile, Lewis, appuie-t-elle d'un air pincé. Je n'ai qu'une parole. Elle prend une inspiration qu'elle relâche en long soupir. C'est plus l'aspect éthique de l'ensemble qui me dérange. Je suis responsable de son état et il est responsable du mien, en quelque sorte,... Je ne sais pas si... Je ne souhaite pas qu'il se sente obligé, ou redevable ou même asservi.... Elle se tourne vers lui, avec un regard par en dessous. Vous n'avez certainement pas envie de me supporter toute votre vie ou d'avoir un objet qui vous rappelle celle qui vous a torturé.

Marisol les regarde tour à tour avec une expression mi-amusée, mi-dubitative. Ne sont-ils pas en train d'essayer de préserver l'autre... d'eux même ? C'est à la fois très prévenant et très...

- ... Bizarre. Vous êtes franchement bizarres tous les deux. Comme vous voudrez.

La déesse ne cherche pas à épiloguer. Ces deux là dépassent sa compréhension toute divine.

Lewis a travaillé au potager toute la journée avec les frères Monaghan. Besoin de s’aérer l’esprit, de ne penser à rien et de se concentrer sur des tâches simples. Il n’est sans doute pas très doué mais apprend vite et est assez consciencieux pour que cela ne l’empêche pas de faire du bon travail.
Depuis mercredi, il n’a pas refait de grosse crise mais il a bien du mal à s’en remettre depuis et se sent fatalement bien plus fatigué mentalement.
Ses frères et soeurs loups l’ont bien senti et font particulièrement attention à s’adresser à lui tout en lui touchant le bras, l’épaule ou à le laisser occuper sa journée comme il le souhaite.
Il trouve ces attentions aussi touchantes qu’embarrassantes.
Il a de plus en plus l’impression d’être un vieillard sénile et c’est fortement déplaisant. D’autant qu’il avait plutôt une position de conseiller avant, avait un rôle à jouer pour faire avancer la meute.
Maintenant, il commence à se sentir bien plus l’âme d’un boulet.

Lewis n’est PAS un boulet.

Il a réfléchi à cette histoire d’Huaca, mais n’est pas encore arrivé à une solution viable. Les arguments avancés par McNamara n’ont fait que compléter les siens et allaient dans le même sens.
Qu’elle lui apporte son Huaca serait…contre-nature et quelque peu malsain.
Il redresse la tête, enfonce sa binette dans la terre et s’éponge le front. Son œil accroche sa montre.
16h55.
Mmm, son rendez-vous approche.
- Je vous laisse finir, indique-t-il aux frères en se dirigeant vers un récupérateur d’eau plein.
Il se rafraichit le visage et le cou avec un soupir de soulagement puis se lave les mains. Il se dirige vers le même petit coin que pour leurs rencontres habituelles et s’assoit avec sa bouteille d’eau qu’il savoure lentement.
Il patiente.

5 minutes.
Elle a du retard aujourd’hui. Etrange, considérant qu’elle est presque tout le temps en avance normalement.
10 minutes.
A-t-elle annulé leur rendez-vous sans lui en faire part ?
15 minutes.

Rien d’alarmant encore. Elle est peut-être malade ? Etonnant qu’elle n’est pas trouvé le moyen de lui faire parvenir le message. Les bunkers ne sont pas si grands. Sauf si elle est enfermée ET malade dans sa chambre.
Lewis pousse un long soupir en consultant une nouvelle fois l’heure.
20 minutes.
Faut-il qu’il se pose toutes ses questions ? Il devrait se réjouir de ce report et de cette journée off. Mais Lewis est, malheureusement pour lui, un homme de principe. Il va simplement s’assurer que tout va bien avant de profiter de sa soirée.

C’est du moins ce qu’il se dit avant de frapper à la porte de sa chambre.
- McNamara ? Tout va bien ? Nous avions rendez-vous il y a plus d’une demi-heure.
Elle est sans doute occupée à tout autre chose et il se sentira alors bien ridicule.

Déjà, sur le chemin vers la chambre de la sorcière, l'ouïe fine du loup a pu saisir les bribes d'une conversation houleuse. Ygerne n'est pas seule. Un homme est avec elle. Un homme dont il ne perçoit pas les battements de coeur. Il n'entend que ceux affolés et tambourinant d'Ygerne. Elle n'est pas dans son état normal.

- ... Alors c'est comme ça que ça va se passer maintenant ? Tu n'auras d'yeux que pour lui ?
- Ne déforme pas les choses, rugit la malsheemienne en colère, ne rend pas ça sale et malsain.
- A quel point t'es-tu rendue aveugle pour ne pas saisir que ça l'est déjà ?!
- J'essaie de le soigner !
- Tu essaies de te punir, oui ! Ygerne, il a tué ta fille !
- Et j'ai détruit sa mémoire !
- Tu as agi comme n'importe quelle mère en deuil le ferait. Tu étais rongée de chagrin et tu as franchis une limite. Tu as été jugée et punie pour ça, tu n'es pas obligée de t'imposer sa présence trois fois par semaine !
- Je le fais pour réparer le mal causé. Je le fais par équité.
- Tu le fais pas culpabilité et pour maintenir un espèce de lien contre-nature ! Tu espères quoi, en faisant ça ?! Garder encore un peu Debbie parmi les vivants ?
- Va te faire foutre.

Le bruit d'une gifle distincte retentit suivi d'un silence.
Soudain un bruit sourd, comme un choc contre un mur ou un meuble qu'on pousse se fait entendre. Quelque chose tombe à terre.

- LÂCHE-MOI  ! s'égosille-t-elle alarmée. LÂCHE-MOI TOUT DE SUITE !
- McNamara ? Tout va bien ?

Silence.
Le loup entend le souffle saccadé d'Ygerne.

- Nous avions rendez-vous il y a plus d’une demi-heure.
- O.. oui, pardonnez-moi, fait sa voix encore secouée d'une certaine émotion. J'ai eu un contre temps, mais je suis libre maintenant. Entrez....

La porte s'ouvre mais pas sur la silhouette rousse de son interlocutrice habituelle. Hyppolite toise Lewis avec un regard d'une froideur insondable. Il sort sans dire un mot. Dans la chambre monacale, le contenu de la besace d'Ygerne est dispersée sur le lit et le sol. Le plateau de jeu d'échec est retourné et ses pièces éparses.  L'une d'elle est mal tombée -le Roi Noir- et s'est brisée.
Debout, Ygerne se tient droite, une main sur la bouche, le visage légèrement tournée de côté comme pour en dissimuler les affres.

- Excusez-moi, Lewis, je suis navrée, de vous avoir fait attendre, fait-elle finalement avec un faible sourire, les yeux rougis. Sa voix n'est qu'un mince filet. Je.. Je réunis mes affaires et nous pourrons commencer.