Frish. Scratch. Srouch.

La fillette fourrage dans les racines du pommier. Ses doigts pleins de terre humide gratte l'humus maintes fois retourné. C'est dans ces tentacules de bois sombres que réside sa cachette secrète. Là, où sont renfermés tous ses trésors.

Plic. Plouc. Ploc.

Dans la boite à biscuits de fer blanc, offerte par Bob,  des objets hétéroclites se débâtent : des cailloux jolis, un vieux stylo-bille mâchouillé et dont l'encre a séché, un reste de T-shirt qui sent Hunter, les arrêtes d'un poisson soigneusement ficelées avec un ruban, de chapeaux de glands, des bogues de châtaigne, un ou deux marrons, de petits morceaux de craies grasses multicolores, des hameçons de pêche, des appâts de toutes sortes, un vieux tesson de bière, des boutons de vêtements avec des formes bizarres...
La gamine dépose très soigneusement -après avoir secoué la boite en tout sens- une mèche de cheveux rouge feu. Un trophée qu'elle a pris longtemps à composer, comme les bouquets de Môman, avec les poils collectés ça et là sur l'oreiller du Feufolloup.

Clac. Clac. Clac.

Sizreï referme consciencieusement son coffre à trésors cabossé et le replace dans son trou de terreau humide.
Les loups, c'est sa grande passion.
Dans son petit univers à la fois très vaste et très petit, elle n'en avait jamais vus. D'abord, il y a eu Grrreunter. Il sentait fort l'animal farouche et grognait beaucoup, mais il était rigolo et son odeur très différente du parfum d'eau croupie et de vase de Bob, ou de rose de Môman. Grrreunter sent la forêt et le vieux bonhomme, comme Tonton Broussaille.
Et puis il y a eu Baka, qui court plus vite que le vent.
Et puis il y a eu le Feufolloup.

Kôgan.
Le Roi des Loups.

Il était gentil, et triste et très colère aussi.
Grrreunter et lui se criaient dessus comme le tonnerre aux fenêtres et elle a eu peur. Môman est devenue plus épine que fleur et ça non plus , elle n'a pas aimé.

Alors après, elle s'est faufilée jusqu'à l'infirmerie pour trouver son lit - Il niche auprès de la dame qui brille - et elle lui a laissé des cadeaux , des parts de ses trésors (un beau caillou tout lisse et blanc, une poignée de noisette et un dessin plein de couleurs qui font du bien...) pour qu'il ne soit plus fâché.
Son offrande a payé : le lendemain, il était revenu, et Grrreunter ne criait plus. Et avec eux plein de nouveaux loups.

Depuis, elle observe le Feuffoloup en catimini. Il transforme les arbres en choses. C'est magique, un peu. Elle se demande s'il pourra lui fabriquer une canne à pêche. Elle a déjà essayé toute seule mais ça n'a pas été très concluant.
Elle s'approche.
Elle s'approche.

Frou. Frou.

Ses petons nus, font chantonner le gazon.

Frou. Frou.

Où il est Kogan ? Elle ne le voit plus....

Les premiers jours au Silo se sont étonnements bien passés. Tous y mettent de la bonne volonté et une certaine bouffée de fierté a souvent menacé de l’étouffer en les voyant travailler ensemble sous la houlette compétente d’Hunter.
Il savait d’instinct que le Né-Loup s’en sortirait très bien et il ne s’est pas trompé sur la question. Lui-même accepte de suivre ses ordres sans rechigner.
Il a encore leur dernière conversation en tête. Ses excuses l’ont surpris il était normal qu’il surprenne à son tour le Vieux Loup. Le premier jour ici, il s’est rendu dans la tour de Dysdérie pour s’excuser. S’il ne change pas d’avis sur la question, il n’avait pas à exprimer son désaccord de cette façon.
Il n’a pas revu la petite Mandragore mais a découvert d’étranges offrandes sur son oreiller, déposés sans même que Marisol s’en rende compte.
Un caillou, des noisettes et un dessin.
Il a gardé les deux premiers dans une petite boite sans trop savoir pourquoi et a accroché le dessin au-dessus de son lit sous une impulsion. Le dessin à dû lui demandé du temps et des efforts…
Charly faisait la même chose lorsqu’elle était petite… elle laissait des cadeaux dans les endroits les plus improbables de la maison, comme des petits trésors et gloussait en retroussant son adorable nez tacheté lorsque lui ou Kara en trouvaient quelque part.
Il est soudain pris d’une bouffée de nostalgie si violente qu’il arrête son lent mouvement de ponçage.
Il se secoue et reprend le travail. Il se demande si son nouveau-né sera aussi malicieux que l'était sa grande soeur...

Travailler le bois lui apporte une paix à laquelle il aspire. Il a beau adoré Marisol, il sait qu’il est responsable de son état affaibli et la voir s’en plaindre (à juste titre) très, très souvent commence à le peser. Il est sans cesse à la recherche de nouvelles idées pour l’occuper mais la tâche devient de plus en plus difficile. Même Bertus commence à être à court de suggestion. Lui non plus n’a pas l’air de prendre leur séjour prolongé sous terre très bien…

Ce soir il s’attarde volontairement.
Pour finir le travail.
Pour conserver un instant encore un peu de cette paix qui lui donne du baume au cœur.

Il sent soudain une odeur particulière et se raidit. La petite Madragore…Sizreïs – quel nom improbable – n’est pas très loin. Il se cache derrière l’entrelacement de deux troncs d’arbres épais et attend, les sens aux aguets.
Elle arrive discrètement pensait le surprendre et il a une expression féroce alors qu’il sort de sa couchette dans un « BOUH » avant de lui sourire pleinement.

- Bonjour petit Poisson. Alors comme ça, tu voulais me sauter dessus ?
Il ébouriffe ses cheveux.
- Merci pour les cadeaux. J’ai cru que je t’avais fait peur la dernière fois. Je ne voulais pas m’emporter contre ta maman. Tu me pardonnes ?

Après tout, qu’y peut-elle cet enfant-plante d’être ce qu’elle est ?

- BOUH !!!
-POISSON !!!

La gosse est si surprise que toutes les dionées tatouées sur ses bras ouvrent leurs coroles d'un coup, s'agitant sur ses bras comme autant de petites bouches avides. Vive comme l'éclair, elle grimpe sur l'un des deux arbres et se retrouve perchée sur une branche juste au dessus de Kogan, le Roi des Loups, bras et jambes croisés fermement autour de l'excroissance de bois.
Un vrai chat sauvage : elle en a presque les poils et la chevelure hérissés.
Néanmoins, elle finit par glousser, acceptant sa défaite et reconnaissant que le loup l'a franchement bien eue. L'émail de ses dents pointues est d'un blanc resplendissant.

- Bonjour petit Poisson. Alors comme ça, tu voulais me sauter dessus ?
- Pour toi ! Hihihihi !
- Merci pour les cadeaux.

Sizreïs rougit de plaisir.
Elle se laisse pendre à la branche, tête à l'envers, tant la papouille sur son crâne lui est agréable. Cette main est si semblable à celle de Bob ou de Grrreunter et si différente à la fois. Sa pogne à elle est toute petite et puis , elle n'a pas toutes ces tâches de peintures que le Feufolloup a sur ses pétales. C'est si doux qu'elle en lâche sa prise petit à petit et finit par chuter avec un hoquet de surprise. Son agilité surnaturelle, la préserve néanmoins des bobos. A croire que comme les félins, cette petite sauvageonne retombe toujours sur ses pattes.

- J’ai cru que je t’avais fait peur la dernière.
- Poisson, pour toi ! répond-elle en secouant vivement la tête.
- Je ne voulais pas m’emporter contre ta maman. Tu me pardonnes ?

En guise de réponse, la mandragore ouvre ses petits bas et offre le câlin de sa vie à la cuisse de Kogan. Les tiges de la fillette s'enroulent avec une tendresse enfantine autour de sa jambe.

- Poooooââââââsson...Pôôôôôur tôaaa ! rontonne-t-elle, la joue écrasée contre son jean, avant de finalement se détacher.

Elle attrape brusquement les doigts du loup et lui montre un point indistinct dans le paysage.

- Pour toi ?! Malgré le mauvais choix de mots, l'intonation de la petite traduit un évidement "Tu viens ?"

Elle le tire avec sa force maigrichonne d'enfant, vers un étang qui échappe de peu à l'appellation de "simple mare". Sizreïs a les joues rosies d'excitation.

- Poissons! Poissons ! PoiiiiiiiSSONS !

Sous l'onde il y a effectivement quelques poissons d'eau douce qui frétillent paresseusement.

D’instinct, les mains de Colgan ont entouré la silhouette de la fillette pour retenir sa chute mais elle s’est retournée si promptement qu’elle n’a même pas eu besoin de son aide.

- T’es aussi chat que poisson, je vois. Il se redresse. J’ai cru que je t’avais fait peur la dernière fois.
- Poisson, pour toi !
Son vif secouement de tête le fait sourire légèrement. Il n’y a que les enfants pour être aussi excessif en tout.
- Tant mieux. Je ne voulais pas m’emporter contre ta maman. Tu me pardonnes ?

La cuisse de Colgan se fait soudain attaquée par un étrange câlin et il écarte les bras pour conserver son équilibre. Il arque un sourcil en voyant combien la mandragore donne tout ce qu’elle a pour cette étreinte et sa main retrouve ses cheveux en bataille qu’il tente de lisser avec ses doigts. Peine perdue.
D’étranges tiges sortent de l’enfant-plante et s’enroule autour de lui comme des serpents sauf qu’elles serrent à peine et se font presque aussi…câline que leur propriétaire.
Etrange que cette petite demoiselle semble l’apprécier alors qu’il n’a rien fait pour…au contraire.

- Poooooââââââsson...Pôôôôôur tôaaa !
Colgan émet un faible rire, un peu attendrie à son corps défendant.
- Tu fais de sacrés câlins toi. Tu sais dire ça ? CA-LIN, articule-t-il avec exagération en s’agenouillant à sa hauteur. C’est ta maman qui serait contente si tu apprenais des trucs nouveaux.
Il se fait soudain attraper la main qu’elle tire très légèrement en montrant un point plus loin.

- Pour toi ?!
Le regard de Colgan va du doigt de la fillette à son visage réjoui.
- Tu veux que j’aille avec toi ? C’est ça ?
Il jette un œil à son ouvrage. Bah…après tout il faisait des heures supp… il expliquera à Marisol qu’il s’est fait kidnapper.
Elle le guide vers un point d’eau qui n’aurait même pas l’honneur de se faire appeler étang.  

- Poissons! Poissons ! PoiiiiiiiSSONS !
Le Loup se penche vers la rivière et l’inspecte un moment avant de ricaner.
- Ouais, pour une fois tu as tout juste. Il y a bien des poissons là-dedans. C’est ça que tu veux ? Tu veux en pêcher ? Attends…

Fronçant les sourcils, il fouille les environs des yeux et récupère une branche morte et relativement longue. Il teste d’abord sa souplesse et sa solidité, puis sort un canif de sa ceinture à outil et se met patiemment à le tailler et à retirer les bouts qui pourraient lui faire mal. Il empoigne ensuite un morceau de ficelle épaisse et en noue une bonne longueur à l’extrémité la plus fine.
Ca ressemble bien plus à un jouet qu’à une vrai canne à pêche mais tant que ça l’amuse. Il la lui tend avec un petit sourire en coin après l’avoir inspectée une dernière fois.  
- Tiens ! Je t’en ferai une plus jolie pour la prochaine fois. Pour te remercier des cadeaux. C’est pour ça que tu m’as attiré, p’tite maligne ?

Comme beaucoup de mots qu'elle entend, Sizreïs les plante dans sa cervelle, les arrose et attend qu'il y pousse. Pour l'heure, aucun de ces mots ne semble vouloir fleurir sous forme de vocable sur sa langue. Ils manquent peut-être d'engrais, ou bien de soleil. De l'eau, ils en ont assez ! Elle va à l'étang tous les jours pour y barbotter.
C'est un lieu qu'elle veut montrer au Feufolloup.

- Poissons! Poissons ! PoiiiiiiiSSONS !

Kogan se penche et constate de lui même.

- Ouais, pour une fois tu as tout juste. Il y a bien des poissons là-dedans. C’est ça que tu veux ? Tu veux en pêcher ? Attends…

Intriguée, la fillette s'accroupit et le regarde faire. C'est intriguant la magie du Roi Loup. Ca produit de drôles de bruits comme quand Môman taille les Taties. Elle ne se plaignent jamais, elles sont plus belles après, mais Sizreïs ne peut pas s'empêcher de de se demander si ça fait mal.
Plus la canne à pêche prend forme, plus elle comprend que s'en est une. Elle ressemble à celle de Bob en plus petit et sans le tourniquet-pelote qui fait "Tchik. Tchik. Tchik" Elle trépigne de joie, se roule dans l'herbe fraiche et se redresse en battant des pieds, tellement c'est trop chouette !

- Tiens ! Je t’en ferai une plus jolie pour la prochaine fois.

Elle contemple Kogan avec un ébahi. Ses yeux sont d'un vert limpide.

- Pour te remercier des cadeaux. C’est pour ça que tu m’as attiré, p’tite maligne ?

Elle bat des cils sans comprendre. Elle voulait juste lui montrer les poissons, elle. Il est content ? Elle espère que oui. Elle voudrait lui demander, alors elle tire avec sa menotte sur le tissus de son jean en le regardant intensément.

"Tu es content, Kogan ? Tu es plus triste , maintenant ?"
Une des graines plantée dans son crâne sort alors timidement de terre pour actionner ses cordes vocales d'une certaine manière.

- Câlin ? prononce-t-elle d'une petite voix pleine de bien plus d'interrogations.

Et comme tous les enfants, Sizreïs se réjouit des choses aussi simples qu’une canne à pêche mal faite. Colgan observe son manège de contentement avec un sourire tranquille, qui n’a plus fleurit depuis quelques temps sur son visage.
- Tiens ! Je t’en ferai une plus jolie pour la prochaine fois.

Elle a l’air franchement étonnée alors il insiste.
- Pour toi. Pour te remercier des cadeaux. C’est pour ça que tu m’as attiré, p’tite maligne ?

- Câlin ?
Il a soudain les yeux qui pétillent en l’entendant prononcer ce qu’il pense être un nouveau mot.
- T’as retenu alors… il lui fait une brève caresse sur la joue. C’est bien. Ta maman sera contente. C’est à elle qui faut faire plein de câlins. Il s’assoit sur un rocher. Attends on va mettre la touche finale à ta canne. Je suis certain qu’elle t’aime très fort. Et … normalement quand on aime les gens…on leur fait … des câlins.

Il pousse un gros soupir en contemplant ses mains.
« Faites ce que je dis et pas ce que je fais… »
Il sait qu’il n’en a pas assez donné à Marisol depuis bien trop longtemps. Il va falloir qu’il réapprenne à en donner spontanément. Pour elle, pour leur enfant à naitre. Il refuse qu’il ou elle manque d’amour de sa part.
Il sort une vis longue et fine et la plie pour en faire une sorte d’hameçon.

- Avant, j’avais des enfants…presque comme toi. Une merveilleuse petite fille et un bonhomme en or. Ils adoraient les câlins eux aussi… sauf Eliott à la fin…il devenait un jeune homme…il avait la voix qui commençait à muer. Perdu dans des souvenirs doux-amers, il se secoue un peu. Il tend la canne par le bon côté à l’enfant-plante. Tiens-moi ça. Puis il s’échine à essayer d’attacher l’hameçon au bout de la corde. Mais on me les a pris et ils sont plus là aujourd’hui.

Il ravale la boule qui se forme dans sa gorge. Et le plus terrible de tout c’est qu’il sait maintenant qu’ils ne sont pas dans un monde meilleur, entourés de Kara à l’attendre. Ils sont dans le rien. La mort est une arnaque à tous les niveaux.

- Mais tu vois…je vais avoir un nouveau bébé. Et franchement, je ne suis pas certain d’arriver à être le même papa pour cet enfant à venir que celui que j’ai été pour mes deux premiers enfants… il mériterait sans doute un meilleur père… capable d’éprouver des choses sans s’en vouloir constamment.

Comme Marisol mériterait un meilleur consort. Il a beau faire des efforts pour se monter à la hauteur, il a l’impression de faire du yoyo constamment.
Il a un petit rire grinçant et revient à l’instant présent, frottant ses yeux humides de ses doigts.
- Désolé, petit poisson. Je sais pas pourquoi je te raconte tout ça… t’as pas dû y comprendre grand-chose à mon charabia hein ?
Il lâche la corde munie de son tout nouveau hameçon.
- Voilà il n’y a plus qu’à trouver un bon ver de terre juteux !

- T’as retenu alors…
- Câlin, répète-t-elle avec plus d'aplomb. La caresse la fait gazouiller de plaisir.
- C’est bien. Ta maman sera contente. C’est à elle qui faut faire plein de câlins.
- Pôôaaaaasson ! Câlin ! Pour toi ! fanfaronne-t-elle.
- Attends on va mettre la touche finale à ta canne.

Sizreïs vient se poster sur sa cuisse, le menton juché sur son genoux avec ses deux menottes en dessous. Elle le regarde faire avec cette curiosité juvénile naturelle que les enfants ont pour tout.

- Je suis certain qu’elle t’aime très fort. Et … normalement quand on aime les gens…on leur fait … des câlins.

Môman est tout ce qu'elle a.
Pendant longtemps, son monde s'est résumé à elle et au Maitre-qui-n'est-pas-le-sien. Cet homme là est comme un grand bébé pas bien dégourdi, un bourgeon qui a poussé trop vite et qui a toute une forêt dans la tête. Môman l'aime alors Sizreïs l'aime aussi, même si elle est un peu jalouse de lui.
Et puis le monde s'est ouvert petit à petit : Madame Jolie, GrosChienquiPue, Chardon, Tonton Broussaille et Tata Gada, Bob...
Sizreïs n'a pas de Pôpa et parfois, elle se demande ce que cela fait d'en avoir un.

- Avant, j’ai des enfants…presque comme toi. Une merveilleuse petite fille et un bonhomme en or.
- Poisson, pour toi ?
"En or ? pas en Loup comme toi ?"
- Ils adoraient les câlins eux aussi…
- Câlin.
- ...sauf Eliott à la fin…il devenait un jeune homme…il avait la voix qui commençait à muer.

Il est triste à nouveau.
C'est pas du juste, elle avait réussi à le faire rire un peu !

- Tiens-moi ça. Elle s'exécute docilement en le regardant courber son clou. Mais on me les a pris et ils sont plus là aujourd’hui.
- Poisson Poisson ?
"Le Brouillard les a mangé ?"
- Mais tu vois…je vais avoir un nouveau bébé.
- Poisson ! Câlin ?! Poisson Pour toi ...s'agite-t-elle
"Un bébé ! Il va arrivé dans quelle fleur ? Fais attention que ce soit pas une qui pique pour mieux le ceuillir."
- Et franchement, je ne suis pas certain d’arriver à être le même papa pour cet enfant à venir que celui que j’ai été pour mes deux premiers enfants… il mériterait sans doute un meilleur père… capable d’éprouver des choses sans s’en vouloir constamment.

Tout ça semble très compliqué à la petite mandragore. Elle ignorait que les pôpas pouvaient changer. Peut-être qu'ils fanent avec le temps, mais comme elle n'en a jamais eu, elle ne peut pas le confirmer. Ce qui est certain, c'est que Kogan est triste et qu'il a de la sève plein les yeux. Elle vient lui essuyer résolument avec ses petites mains crottées, imitant ce que fait Môman quand elle la débarbouille ou la mouche. Ca ne marche pas très bien, alors elle y va avec la langue. La sève du Feufolloup est salée. Ce n'est pas très bon.

- Désolé, petit poisson. Je sais pas pourquoi je te raconte tout ça… t’as pas dû y comprendre grand-chose à mon charabia hein ?
-Pour toi Poisson. Câlin !
"J'comprendrais quand je serais grande. Promesse !"

Quand Kogan lui indique qu'il faut un ver de terre, elle s'empresse d'aller patauger dans la gadoue de la rive pour fouiller dans la boue, s'y enfonçant jusqu'aux coudes. Elle revient bien vite avec une grosse poignée d'asticots épais, une salopette dévastée et un sourire victorieux.

- POUR TOI ! Exhibe-t-elle fièrement.

La fillette tente maladroitement de l’aider à s’essuyer les yeux avec ses petites mains pleines de terre puis vient cueillir ses larmes avec sa langue. Colgan l’attrape par les bras avec une douce fermeté et l’éloigne de son visage qui arbore une légère grimace.
- Non Sirzeïs ! Pas comme ça, d’accord ? Pour adoucir sa remontrance, il presse le bout de son nez avec l’index. Ca se fait pas, c’est pas très poli. Nouveau soupir. Désolé, petit poisson. Je sais pas pourquoi je te raconte tout ça… t’as pas dû y comprendre grand-chose à mon charabia hein ?
- Pour toi Poisson. Câlin !
Il l’observe avec attention et finit par esquisser un bref sourire.
- On dirait presque une phrase. Mais j’ai aucune idée de ce que tu viens de dire. C’est pas grave, va ! Tu vas apprendre et ta maman va être très fière de toi.

La mention du ver de terre anime l’enfant-plante.
- Non attends ! Ne fais pas …. Trop tard…ça…
Elle s’est pratiquement jetée à plat ventre dans la boue et revient triomphante avec plein de verre qu’elle lui présente le visage crotté mais rayonnant.  

- POUR TOI !

Le regard de Colgan passe des asticots grouillant à la dégaine de la petite fille et éclate subitement de rire.
- T’es dans un état ! … nouvel éclat qui fait pétiller ses yeux et agite ses taches de rousseur. Attends…attends…un seul ça suffit.
Il prend délicatement un ver et tente de le fixer à l’hameçon improvisé.
- Tu peux reposer les autres, la terre en a plus besoin que nous.
Une fois son œuvre accompli, il lui tend une canne à pêche qui ressemble plus à quelque chose apte à ferrer un poisson. Avec de la chance…beaucoup de chance.
- Et voilà ! Finie !
Il tapote son genou en sortant un chiffon de sa poche arrière.
- Viens par là, on va essayer de te débarbouiller un peu.
Il la fait gentiment asseoir sur sa cuisse, son jean n’ayant pas peur d’être plus sali qu’il ne l’est déjà. Il trempe le mouchoir dans l’eau et essuie délicatement les joues, le menton, le nez et le front de la petite fille plante.
- Hey mais c’est qu’il y a une jolie frimousse là-dessous. Ne va pas dire à ta maman que c’est de ma faute si tu ramènes la moitié de la boue de la rive avec toi hein ? Elle ne me porte déjà pas dans son cœur, pas la peine d’en rajouter.

Une fois qu’il a réussi à retirer presque toute la saleté du visage de Sizreïs, il fait un geste du menton vers la canne.
- Tu sais comment pêcher ? Tu me montres ?

L'hilarité de Kogan fait naitre chez Sizreïs un sentiment de victoire triomphale. Elle se trémousse joyeusement, absolument ravie d'elle-même. Le rire du Feufolloup est plein de lumière, comme si il avait mangé tout le soleil pour lui. Elle se demande quel gout ça a, le soleil.

- T’es dans un état ! Attends…attends…un seul ça suffit.

Kogan en sélectionne un élu parmi la fructueuse poignée d'asticots et l'attache au clou courbé.

- Tu peux reposer les autres, la terre en a plus besoin que nous.
- Poisson Poisson, pour toi ? Toi Câlin... demande-t-elle en penchant la tête sur le côté.
" C'est le Manger de la terre ? Je vais lui rendre alors..."

Elle retourne plonger ses mimines dans la gadoue, offrant les vers à la terre, comme on donne de la bouillie à un bébé. Elle se frotte les mains, sa tâche accomplie avec un "Poisson!" qui sonne comme un "Bon appétit."

- Et voilà ! Finie !

la fillette pousse un "Ooooh" d'émerveillement. C'est sa première canne à pêche, pour elle toute seule ! Elle va chérir ce trésor toute sa vie ! Dommage qu'il ne rentre pas dans la boite.

- Viens par là, on va essayer de te débarbouiller un peu.

Elle vient docilement escalader sa cuisse et se trouve attraper sous les aisselle pour être assise. Ca la fait glousser cette sorte de guilis. Elle a l'habitude d'être décrottée par tout un chacun. La propreté est un concept un peu flou pour elle. Si elle avait voix au chapitre, elle vivrait nue et se roulerait tout partout, ne se lavant que lorsqu'il faut abreuver ses racines.
Mais elle aime bien que le Roi des Loups la papouille. Il a dit qu'on fait des câlins à ceux qu'on aime. Il doit beaucoup l'aimer, du coup, et ça c'est super chouette!

- Hey mais c’est qu’il y a une jolie frimousse là-dessous. Ne va pas dire à ta maman que c’est de ma faute si tu ramènes la moitié de la boue de la rive avec toi hein ? Elle ne me porte déjà pas dans son cœur, pas la peine d’en rajouter.
- AHAHAHAHA ! Visiblement, elle a parfaitement compris la blague. Elle sourit de toutes ses dents pointues. Poisson toi câlin !!!
"Je fais ça toute seule déjà, tu sais !"
- Tu sais comment pêcher ? Tu me montres ?

Sizreïs saute de ses genoux, attrapant sa pogne dans une main et la petite canne à pêche de l'autre. Ils fond le tour de l'étang jusqu'à ce que la jeune spécialiste fasse halte sur le rebord qui lui semble le plus intéressant. Là, elle met un doigt sur sa bouche et lui fait un "Chhhhut !" comme seuls les gosses incapables d'être discrets savent le faire.
La gamine reproduit alors, avec une précision appliquée, les gestes que Bob lui a montrés pour jeter sa ligne à l'eau. Elle s'accroupit ensuite dans la vase comme une drôle de grenouillette et attend. Comme Kogan ne semble pas vouloir l'imiter, elle lui fait un geste d'invite pour qu'il se baisse avec elle.

- Viens Papa. Poissons chut ! chuchote-t-elle bruyamment.

C'est la première fois qu'elle fait presque une phrase et qui a presque un sens.

Colgan se fait à nouveau entrainer le long des rives, si on peut appeler ça comme ça, de la mare jusqu’à ce qu’elle trouve un endroit satisfaisant.
Son "Chhhhut !" lui tire un coin de bouche et il répète le geste avec beaucoup de concentration tout en la regardant faire. Il n’a aucune idée si les gestes sont bons mais elle y met tellement de détermination et d’application qu’il estime que ça serait un crime qu’elle n’attrape pas quelque chose.
Puis elle reste là, comme une petite grenouille attentive à fixer sa ligne comme si elle était en train d’hypnotiser les poissons pour qu’ils mordent.

Elle lui fait soudain un geste clair qui lui demande de la rejoindre et avec une petite grimace pour la boue il s’exécute. Heureusement que ses chaussures de sécurités sont épaisses et imperméable.

- Viens Papa. Poissons chut !

Ces quelques mots le figent soudain. D’abord parce qu’elle vient presque de faire une phrase complète. Il ne sait pas si sa proximité joue sur ces nouveaux mots qu’elle prononce mais il s’en sent inexplicablement fier.
Le « Papa » est à la fois terrible et merveilleux à entendre dans la bouche de cet enfant. Evidemment, il comprend que ce « papa » est plus un titre qu’un nom. Il est un papa. Mais il ne peut pas s’empêcher de fermer les yeux et de se rappeler d’autres petites voix qui l’appelaient ainsi. Bientôt il y en aurait une nouvelle et il a hâte d’entendre le son de cette voix-là en particulier, hâte de revivre ce genre de moments simples, cette complicité enfantine et si libératrice. Si ce genre de moment sera encore possible. Il aimerait les vivre au grand air mais sait aussi que la probabilité que cela se fasse est minime.  

En attendant, Sizreïs vient de lui rappeler combien c’est bon d’être un papa, un camarade de jeu, un héros qui sait construire des cannes à pêche.
Les émotions à fleur de peau, il s’approche, faisant de drôles de bruit de succion avec ses chaussures.
- Pardon, pardon ! chuchote-t-il avant de se mettre à sa hauteur, accroupi comme elle.
A la place de regarder l’étang, il la regarde elle et finit par caresser à nouveau le haut de sa tête. Il a soudain hâte que son enfant naisse, grandisse et qu’ils puissent jouer tous les trois.
Il reporte son attention sur la ligne où rien ne bouge.
Ils restent un moment comme ça. A attendre patiemment.
Jusqu’à ce que la ficelle bouge soudain. D’abord Colgan croit à un effet d’optique…mais non !
- Vite Sizreïs ! Tire !
Il se redresse et aide la fillette qui tire sur la bâton de bois pendant qu’il essaie de ramener à eux la ficelle, à présent tendue. Sentant la corde prête à céder, il tire un grand coup et la tension lâche d’un cou. Fillette et loup se retrouve les fesses dans la boue et un rire échappe à nouveau à Colgan qui regarde sans y croire le poisson de taille moyenne qui frétille sur la rive, rattaché à la ligne.
- Merde alors … je veux dire mince ! On en a eu un ! On a eu un poisson !

Ils sont tous les deux dans un état un peu pitoyable à nouveau mais rayonnant de fierté.

Hunter revient d'un débriefing avec Dysderie. Les avancées sur la conception de proies sont franchement positives. Ils devraient avoir un chevreuil génétiquement modifié pour la pleine lune. Par ailleurs, les progrès d'Ibakha sont réellement prodigieux. Cela le rend sincèrement heureux de la voir plus épanouie et de se dire qu'il y a contribué. Si Colgan lève la punition -ce sur quoi il ne s'est pas encore prononcé- ils pourront peut-être passer la nuit tous ensembles.
D'ailleurs, il trouve que leur Alpha est plus détendu. Le travail manuel lui fait un bien indéniable. Ne pas diriger, aussi. Dans le Silo, c'est Hunter qui a cette charge et il s'en acquitte avec plus de réussite qu'il ne l'aurait cru de prime abord. Sa patronne l'en a encore félicité pas plus tard que tout à l'heure.

Alors qu'il chemine vers la grange pour y retrouver sa femme, le vieux loup perçoit l'odeur singulière de son Alpha ainsi que celle de Sizreïs. Il s'approche à contre-vent, pour ne pas signaler sa présence. Le spectacle sur lequel il tombe attise sa curiosité : Sizreïs et Colgan sont accroupis dans la vase, au bord de l'étang, observant la surface de l'eau où flotte la ligne d'une canne à pêche de fortune? La petite mandragore en tient le manche très concentrée.
Soudain, l'onde s'agite.

- Papa ! Papa !!!! Poisson !!!!!! s'écrie Sizreïs toute excitée.
- Vite Sizreïs ! Tire !

Il empoigne la gamine pour l'aider dans l'effort et à deux, ils parviennent à récupérer leur prise : un gros brochet dodu.

- Merde alors … je veux dire mince ! On en a eu un ! On a eu un poisson !
- POISSON !!! exulte la fillette avant d'éclater de rire, toute boueuse qu'elle est, mais fière comme jamais.

Colgan et elle sont dans un état lamentables, mais hilares et heureux. Tant et si bien qu'Hunter pense s'éclipser pour les laisser à ce moment d'intimité relaxant. C'est sans compter la vivacité de la petite Dionée.

- GRRRUNTER ! PAPA VIENS POISSON ! Hurle-t-elle en se relevant brusquement, tenant contre elle le brochet qui fait pratiquement sa taille. Elle en tombe à la renverse sur Colgan.
- Hé ben, t'as appris un tas de nouveaux mots, dis-moi... Je.. Hum.. Je ne voulais pas vous déranger. Gros silence. Un peu d'aide pour sortir de là, peut-être ? demande le Vieux loup en toisant son alpha avec un sourire goguenard. Il joint le geste à la parole en lui tendant une main.

- Merde alors … je veux dire mince ! On en a eu un ! On a eu un poisson !
- POISSON !!!
- Ca tu l’as dit ! Un sacré beau poisson !

Il a de la boue sur tout l’arrière de son pantalon, les mains et a reçu des éclaboussures sur son tee-shirt et son visage. En somme, il allait devoir passer à la douche avant d’aller rejoindre Marisol.
Sizreïs se tourne soudain et se met à hurler.

- GRRRUNTER ! PAPA VIENS POISSON !
Colgan tourne la tête pour apercevoir le Loup qui les observe de loin. Il en grogne de dépit mais la fillette-plante se relève, tenant tant bien que mal le poisson frétillant dans les bras. Il se tortille si bien qu’elle en tombe à la renverse sur les genoux de Colgan qui la réceptionne, elle et son énergique compagnon comme il peut.
Bon.
Il a présent de la boue sur tout le pantalon. Est-ce qu’il est à ça près ? Pas vraiment. Il reprend d’instinct une mine plus neutre, gâchée sans doute par les traces marrons sur son visage déjà pourtant suffisamment tacheté à son goût.

- Hé ben, t'as appris un tas de nouveaux mots, dis-moi...
- Oui, confirme Colgan en la soulevant pour la mettre sur un terrain plus sec. Câlin, Papa, Viens et Chut. Je ne sais pas pourquoi mais les mots ont l’air de se débloquer.
- Je.. Hum.. Je ne voulais pas vous déranger.
Colgan soupire et tente d’essuyer ses mains sur ses cuisses.
- Tu ne nous déranges pas. Tu es plus ou moins chez toi ici. De toute façon il est temps que je rentre.
- Un peu d'aide pour sortir de là, peut-être ?

Colgan observe la paume tendue d’Hunter puis son sourire moqueur et une moue qu’on pourrait presque qualifier d’amusée se forme sur le visage. Il attrape toutefois la main tendue et se laisse aider pour se remettre debout.
- C’est ça…fous-toi de ma gueule… Grrrunter. Très à propos comme nom d’ailleurs. Il se tourne ensuite vers l’enfant. Qu’est-ce qu’on en fait de ce beau poisson ? Tu veux le garder ? On le remet à l’eau ?

Il se dirige vers la rive et se penche prudemment pour nettoyer au moins la boue sur ses mains et ses avant-bras.
- Alors ? Ca avance comme tu veux ? On fait de bons petits fermiers ?

- Hé ben, t'as appris un tas de nouveaux mots, dis-moi...
- Oui... Câlin, Papa, Viens et Chut. Je ne sais pas pourquoi mais les mots ont l’air de se débloquer.
- Epatant. Tu lui fais un sacré effet !

Il réceptionne Sizreïs des bras de Colgan pour la poser sur l'herbe. La mandragore refuse de lâcher le brochet qui commence sincèrement à manquer d'eau.

- Je.. Hum.. Je ne voulais pas vous déranger.
- Tu ne nous déranges pas. Tu es plus ou moins chez toi ici. De toute façon il est temps que je rentre.
- Un peu d'aide pour sortir de là, peut-être ?
- C’est ça…fous-toi de ma gueule… Grrrunter. Le grondement de Hunter s'apparente à un petit rire. Très à propos comme nom d’ailleurs.
- Je ne m'appelle plus "poisson", c'est déjà ça. D'ailleurs, c'est quoi vos projets pour celui là ?

Le vieux loup désigne leur prise du pouce. Colgan se penche vers la petite dionée. Hunter constate à quel point son comportement se transforme au contact d'enfants. Cela le rassénère un peu sur l'avenir de son prochain rejeton.

- Qu’est-ce qu’on en fait de ce beau poisson ? Tu veux le garder ? On le remet à l’eau ?

Sizreïs fronce les sourcils sur le coup d'une réflexion intense. Elle a très envie de le manger mais elle se demande si le lac n'en a pas plus besoin, comme la terre avec les asticots. Elle finit par montrer du menton le point d'eau. Elle cherche ses mots, farfouille parmi les petites graines qu'elle a planté pour voir si certaines bourgeonnent.

- Eau.. Plus besoin ? demande-t-elle en hésitant un peu sur les syllabes. On sent bien que cette petite phrase a mobilisé toute sa concentration. Hunter affiche une expression estomaquée.
- C'est.. C'est la première fois que ce qu'elle dit à du sens...
- Alors ?
- Alors quoi ?
- Ca avance comme tu veux ? On fait de bons petits fermiers ?
- Ecoute la patronne a l'air contente. Je reviens de la voir justement... A priori, le chevreuil sous incubateur a l'air de bien se développer. On va avoir une proie pour la pleine lune. Silence. Enfin... vous.

Lui, il est toujours incertain de son sort.

- Qu’est-ce qu’on en fait de ce beau poisson ? Tu veux le garder ? On le remet à l’eau ?

La petite enfant-plante part dans une intense réflexion qui lui plisse le front. Colgan patiente tranquillement le temps qu’elle parvienne à une décision. Sauf que ça n’est pas ça qui lui donne autant de mal.

- Eau.. Plus besoin ?
Elle cherchait donc ses mots.
- C'est.. C'est la première fois que ce qu'elle dit à du sens...
- C’est ce qu’on appelle des progrès fulgurants.
Il donne une légère caresse sur la tête de la fillette et lui offre un semblant de sourire.
- C’est excellent Sizreïs. Ta maman va être super fière de toi. Et pour répondre à ta question…Il se tourne vers la mare. Oui je pense que l’eau a plus besoin du poisson que nous. On le remet ? Faut faire vite, tu vois ! On est en train de lui faire mal pour rien le pauvre.

Drôles de paroles venant d’un prédateur mais il n’est pour autant pas pour la souffrance animale. Le poisson s’est arrêté de gigoter, seules ses branchies s’agitent encore.
Colgan porte la fillette au bord et la suspend au-dessus de l’eau.

- Vas-y, lâche-le.
Leur bonne action accomplie, il repose Sizreïs sur l’herbe.  
- Alors ?
- Alors quoi ?
- Ca avance comme tu veux ? On fait de bons petits fermiers ?
- Ecoute la patronne a l'air contente. Je reviens de la voir justement...
- Tant mieux, qu’on ne nous traite pas de tire en flanc incompétent en plus de reste.
- A priori, le chevreuil sous incubateur a l'air de bien se développer. On va avoir une proie pour la pleine lune.
- Parfait. Il faudrait juste s’assurer que personne ne puisse rentrer dans le Silo pendant cette nuit-là.
Il soupire intérieurement de soulagement. Peut-être que cette Pleine Lune se passera mieux que prévu.
- Enfin... vous.

Colgan pivote lentement vers lui et le scrute avec attention, notamment l'intonation sur le "vous". Il n’a évidemment pas oublié la punition qu’il lui a infligé. Une partie de lui a envie d’oublier toute cette histoire, une autre se dit qu’il mérite son sort pour avoir oser insulter ses enfants morts juste pour appuyer son argumentaire.
Cette fois le soupir qui lui échappe n’a rien de discret. Il essuie distraitement ses mains mouillées sur son pauvre torchon.

- Oui. Nous.

Il jauge du regard cet homme qui a bien changé en si peu de temps. Plus calme, plus apaisé, plus déterminé et sûr de lui aussi. Le genre d’homme dont il a besoin pour opérer les changements qui doivent être faits pour le bien de la Meute. Le genre d’homme qu’il ne peut pas constamment se mettre à dos quand bien même il a insulté sa famille.

- Je ne sais pas ce qui a changé exactement chez toi, mais je préfère largement le Hunter avec qui on peut discuter.  
Il se tourne soudain vers Sizreïs.
- T’en dis quoi petit poisson ? Grrunter a été assez puni ? Il a le droit de faire le loup avec nous pendant la pleine lune ?
Il demande ça avec beaucoup de sérieux, comme s’il s’adressait à une conseillère particulièrement sage et respectée. C'est toujours avec le même sérieux qu'il traduit.
- Je crois qu’elle a dit qu’il allait falloir que tu grognes moins. On aura donc une proie et On oublie tout ça.

- Oui. Nous.

Le soupir peut-être interprété de bien des manières et Hunter ne s'y risque pas.

- Je ne sais pas ce qui a changé exactement chez toi, mais je préfère largement le Hunter avec qui on peut discuter.

Ce déclencheur a un nom et même un visage : "Ibakha". Rien que de le prononcer en son fort intérieur le réchauffe comme jamais.

- T’en dis quoi petit poisson ? Grrunter a été assez puni ? Il a le droit de faire le loup avec nous pendant la pleine lune ?

Sizreïs tourne la tête vers les deux loups. Jusqu'alors elle observait attentivement son brochet retrouver sa marre préférée et la joie inextinguible d'être en vie. Elle se redresse avec un petit air sérieux de pape en salopette et se gratte le sommet du crâne.

Elle prend la main de Colgan et déclare :

- Papa Loup !

Elle attrape la main d'Hunter et profère du même ton solennelle.

- Grrrunter Loup ! Elle brandit fièrement leurs deux mains en l'air. Câlin Chut !

Hunter a un ricanement involontaire.

- Je crois qu’elle a dit qu’il allait falloir que tu grognes moins.
- C'est presque de la poésie à ce stade.

La mandragore reste pendue à leurs pognes, espérant peut-être y faire balançoire.

- On aura donc une proie et On oublie tout ça.

Un immense soulagement inonde le poitrail du vieux loup. Ibakha va être rassurée. Il sera à ses côtés.

- ...Ok, opine-t-il. Un remerciement pudique dans sa langue... Bon... Hum... Il se gratte le nez de sa main libre. Si tu veux pas te faire défoncer par une mandragore qui cocotte la rose, une déesse particulièrement irritable et tout le corps médical de l'infirmerie, je te propose un décrottage en règles en passant par notre salle de bain.

Prétexte pour, possiblement, lui évoquer ses fiançailles avec Ibakha.

Sizreïs prend son rôle de conseillère très à cœur, gonfle d’importance son petit corps, se gratouille la tête avant de venir prends la main de Colgan.
- Papa Loup ! Grrrunter Loup ! Câlin Chut !

Colgan part dans un rire qu’il camoufle avec une toux bruyante. Espérons qu’elle ne s’attend pas réellement à les voir se câliner parce qu’elle risque d’être profondément déçue.
- Je crois qu’elle a dit qu’il allait falloir que tu grognes moins.
- C'est presque de la poésie à ce stade.
- N’empêche qu’on saisit l’idée.

Il observe la joie simple de la petite fille-plante, suspendue à leur paume. Il préfère en tout cas verbaliser plus clairement la levée de sa punition.

- On aura donc une proie et on oublie tout ça.
- ...Ok.
Colgan étudie attentivement le faciès du Loup, y décelant une note de soulagement
- ... Bon... Hum... et de gêne évidemment. Si tu veux pas te faire défoncer par une mandragore qui cocotte la rose, une déesse particulièrement irritable et tout le corps médical de l'infirmerie, je te propose un décrottage en règles en passant par notre salle de bain.
- Pour la dame qui sent la rose, on a déjà un deal avec la p’tite. Mais…oui ça ne nous ferait peut-être pas de mal. Ca… t’ennuie pas ? Que j’entre chez toi ?

Il sait pertinemment que la grange, c’est son domaine à lui et à Ibakha à présent. Et il le respecte totalement. Un autre mot l’arrête ensuite.
- Une salle de bain ? Je comprends pourquoi tu as décrété que ça serait chez toi là-bas. On va se désembourbée chez Grrhunter, petit poisson ?

Colgan tente de retirer sa main mais la prise de Sizreïs est bien plus forte que celle d’un enfant humain. Résigné à cheminer main dans la main avec la fillette, ils se mettent en marche vers la grange en silence. Il la sent tirer sur sa main comme si elle voulait se balancer et lui lance une œillade en coin.
- Tu veux voler, c’est ça ?
Gros soupir. Tous les enfants adorent ça.
- Une fois, ok ? T’as déjà fait ça ? Faut qu’on soit synchro sinon ça marche pas, indique-t-il à Hunter avant de conclure avec un sourire en coin. Un travail d’équipe en somme.

La petite maligne. A eux d’eux, ils soulèvent le poids plume de l’enfant-plante au moment où ils arrivent près de la grande. Ibakha est là, en train de lire tranquillement après sa journée de travail et redresse aussitôt la tête lorsqu’elle les voit approcher tous les trois. Son regard profondément perplexe passe de Sizreïs, aux deux Loups reliés à elle et à l’état de son Alpha et de la gamine.
Elle repose son livre sur le côté et se lève, affichant une tranquillité telle qu’on pourrait croire que la situation n’avait rien d’étrange.

- Tout va bien ? demande-t-elle en fixant particulièrement Hunter.
Colgan hoche la tête.
- Grrr...je veux dire Hunter nous a proposé d’utiliser votre salle de bain avant de rentrer, il indique la fillette du menton. On ne va pas vous embêter longtemps juste histoire de reprendre un peu forme humaine.
- Oh. Ca sera le seul signe d’étonnement de la louve. Pas de problème.

- Pour la dame qui sent la rose, on a déjà un deal avec la p’tite.
- Ah oui ? ça comprend la dévastation de salopette ? fait Hunter avec un subtile sourire en coin.
- Mais…oui ça ne nous ferait peut-être pas de mal. Ca… t’ennuie pas ? Que j’entre chez toi ?

Hunter prend un temps de réflexion.

- Non. Je le propose. Mais que ça soit clair entre nous : ça restera de l'ordre de l'exceptionnel....
- Une salle de bain ? Je comprends pourquoi tu as décrété que ça serait chez toi là-bas.
- Tu comprends surtout pourquoi Ibakha est venue s'installer avec moi, avoue-le...
- On va se désembourbée chez Grrhunter, petit poisson ?
- POISSON ! s'écrie-t-elle gaiment. Certainement trop tôt pour l'usage du simple "Oui".

La petite mandragore s'élance sur le chemin qui mène à la grange en les tirant tous deux derrière elle. Elle saute de temps à autre en pendouillant à leur bras, espérant secrètement décoller comme un oiseau.

- Qu'est-ce que tu fais, gamine ? rabroue Hunter, de sa voix rocailleuse.
- Tu veux voler, c’est ça ?
- Câliiiins!
- Une fois, ok ?
- Voler ? Le prince-loup a un haussement de sourcil.
- T’as déjà fait ça ?
- Non, j'envoie pas de gosses dans le décor. On m'accuse déjà d'en bouffer...
- Faut qu’on soit synchro sinon ça marche pas. Un travail d’équipe en somme.
- Synchro de... C'est une blague ? Tu trouves que j'ai une tronche de balancelle ?

Il a beau grogner, Sizreïs n'en a cure. Elle court comme une petite folle et saute. Hunter accompagne le mouvement comme il peut. La fillette pousse des éclats de rire radieux, soulevée de terre vers un ciel rosissant autant qu'elle de plaisir. Hunter a, pour sa part, une expression un tantinet gênée devant le regard scrutateur d'Ibakha.

- Tout va bien ?
- Grrr... Hunter le fusille du regard... je veux dire Hunter nous a proposé d’utiliser votre salle de bain avant de rentrer.
- Je les ai retrouvés en train de taquiner le goujon dans la boue, explique-t-il.
- On ne va pas vous embêter longtemps juste histoire de reprendre un peu forme humaine.
- Oh. Pas de problème.

Sizreï consent enfin à lâcher les mains des deux mâles pour sautiller vers Ibakha.

- Baka loup ! fait-elle gaiment.
- Ah.. et euh.... Elle a développé son vocabulaire de manière fulgurante, annonce Hunter à rebours. Tu veux bien leur montrer où c'est, je vais lui filer un jean propre...

Il ouvre la porte de la grange et grimpe dans la mezzanine.

Ibakha se laisse étreindre tout en essayant de ne pas se faire salir au passage.
- Baka loup !
- Baka ? Tu as appris de nouveaux mots, toi ! Tu pêchais avec Colgan ?
- Ah… et euh... Elle a développé son vocabulaire de manière fulgurante.
Colgan s’amuse secrètement de les voir si gênés l’un et l’autre, mains dans les poches arrières de son jeans crasseux.
- Tu veux bien leur montrer où c'est, je vais lui filer un jean propre...

Ibakha garde le silence pendant quelques longues secondes puis acquiesce.
- Suivez-moi.
Colgan hésite sur le seuil puis pénètre dans le lieu de vie des deux loups. Curieux, il laisse couler son regard ici et là, la kitchenette, la mezzanine où disparait Hunter. Ibakha ouvre une porte presque dérobée qui donne sur une belle salle de bain.
- Impressionnant.
- Evidemment tu n’as jamais vu cette pièce.
- Evidemment.

Il se dirige automatiquement vers le lavabo pour commencer à se débarbouiller et Ibakha leur sort gants et serviettes faisant la moue en voyant l’état de la fillette.
- Toi, tu devrais carrément prendre un bain ! Viens Poisson, tu vas faire trempette.
- Tu as besoin d’aide ?
- Pour donner un bain à une fillette ? Non ça va aller. Si j’ai besoin d’aide je crierai au secours.
Elle commence à remplir la baignoire et fait sentir les différents savons à Sizreïs pour lui permettre de choisir son préféré pendant que Colgan se débarrasse de la moindre trace de boue sur sa peau. Finalement il a été relativement épargné si on oublie son pantalon.
- Je vous laisse entre… filles. Sois sage Sizreïs, ajoute-t-il avec son ton de papa autoritaire.

Il sort finalement de la salle de bains, les cheveux et la barbe encore humide. Hunter l’attend avec un jeans qu’il lui retire des mains.
- Merci.

Il se poste derrière un meuble qui lui cache le bas du corps et commence à retirer ceinture et chaussures.
- Vous êtes bien installés, c'est presque...chaleureux. Il y a de quoi être jaloux. Je comprends mieux les verrous à la porte.

Sizreïs comme n'importe quelle plante aime le soleil et l'eau. Le bain proposé par Ibakha est donc une aubaine qu'elle accueille à grand renfort de "BAKA CÂLINS !" tout en se trémoussant hors de sa salopette crottée. Elle renomme chaque savon avec les nouveaux mots qui ont germé dans son cerveau aujourd'hui, fronçant le nez ou poussant de petits gazouillis d'approbation.

- Je vous laisse entre… filles. Sois sage Sizreïs.
- Papa poisson !!! Elle agite la main pour dire aurevoir avec un vaste sourire dentu, pétri de cette mignonnerie à la fois enfantine et terrifiante.

Dehors, Hunter l'attend avec un de ses pantalons à lui. Il se dandine assez mal à l'aise d'avoir l'Alpha sous son toit. La situation lui parait complétement invraisemblable. Est-ce que lui proposer quelque chose à boire l'aiderait à assainir ce sentiment d'étrangeté ? Non, cela ne ferait qu'empirer la dimension parfaitement alien de la scène.

- Vous êtes bien installés
- Ah... Merci, je suppose.
- C'est presque...chaleureux.
- C'est surtout calme. Paisible. Ibakha et moi même en avons profondément besoin.
- Il y a de quoi être jaloux. Je comprends mieux les verrous à la porte.
- Ah... Hunter se passe une main derrière la nuque avec un certain embarras. Ca rassure Ibakha. Elle a pas envie qu'on envahisse son espace. Moi non plus.

Un long silence.

- Nous allons nous marier, balance-t-il sans préambule, sans introduction, sans le moindre ronds de jambe. Il est évident que cette annonce abrupte est le fruit d'une pudeur extrême et d'un besoin d'expédier la chose le plus rapidement possible comme on arrache un pansement. Hunter regarde le paysage pour se donner contenance avant de poursuivre. En tant qu'Alpha, la tradition veut que tu nous donnes ta bénédiction...

- Il y a de quoi être jaloux. Je comprends mieux les verrous à la porte.
- Ah...
- C’était pas un reproche, se sent-il presque obligé de préciser avec un sourire intérieur qu’il a du mal à camoufler.
Même si la situation ne le met pas spécialement à l’aise, de voir Hunter encore plus gêné l’amuse un peu. Est-ce qu’il a l’impression de passer une sorte de test ?
- Ca rassure Ibakha. Elle a pas envie qu'on envahisse son espace.
- Ibakha…bien sûr, répète-t-il sur un ton entendu.
- Moi non plus.

Cette fois il ricane, notant au passage que le bien-être d’Ibakha semble lui tenir particulièrement à cœur. Il se demande si tout ces changements chez le Né-Loup ne sont pas un peu de son fait au final. Il change vite fait de pantalon et s’assoit pour relacer ses chaussures.

- J’ai l’impression…que vous vous faîtes du bien tous les deux.
Il emprunte ce chemin avec précaution, le sachant potentiellement glissant.

- Nous allons nous marier.
Colgan redresse aussitôt la tête et fixe Hunter comme s’il n’avait pas bien entendu, sourcils froncés.
- Vous…quoi ? Elle est d’accord ? Je veux dire… on parle bien d’Ibakha ?
Elle ne lui semble pas être le genre de femme à chercher…un mari, ou à vouloir renoncer à sa liberté et son indépendance. Pour Hunter… c’est plus difficile à juger.
- Mais… vous êtes ensemble depuis combien de temps exactement ?

De la salle de bain lui parviennent des rires. Ils n’auraient quand même pas réussi à cacher leur liaison depuis si longtemps que ça si ? Il pose machinalement sa main sur la bague qu’il porte en pendentif depuis quelques temps. Une bague qu’il finira par donner à Marisol lui aussi...un jour. Il a un nouveau rire bref.

- T’es un rapide. Et plus courageux que moi.
Il reprend le laçage de ses chaussures, ne voyant pas trop quoi ajouter. Mais la nervosité d’Hunter ne semble pas avoir diminuer même après son aveu alors il redresse la tête.

- En tant qu'Alpha, la tradition veut que tu nous donnes ta bénédiction...
- Oh. Il roule des yeux, l’air passablement ennuyé. Tu sais ce que je pense des traditions. Mais si c’est important pour vous, vous l’avez. Je vous souhaite d’être heureux. Vous allez faire ça comment … ? Je vous vois mal faire une cérémonie comme à l’église donc euh… vous ferez un truc entre vous ? Ou devant la Meute ? Juste pour savoir si je le dis tout de suite à Marisol et si j’essaie de garder ça pour moi le temps que ça soit fait. Si c’est avec la Meute essaie de voir avec elle si elle peut organiser le truc… ça lui fera un truc positif à mettre en place pour nous tous. Et lui montrer qu'elle est toujours un membre essentiel et pivot à cette Meute même clouer sur un lit. Enfin…c’est vous qui voyez. C’est votre …mariage.
Il avait déjà du mal à se dire qu’Ibakha et lui forme un couple…alors un couple marié…
- Il va falloir l’appeler madame O’Rourke ? demande-t-il avec tout le sérieux du monde gâché par un pincement de lèvres qui trahi son envie de sourire.

- Vous…quoi ?
- Me force pas à répéter, maugrée Hunter.
- Elle est d’accord ?
- Evidemment ! Tu me prends pour qui, enfin ? Il a l'air franchement offusqué.
- Je veux dire… on parle bien d’Ibakha ?
- Je ne suis pas le genre d'homme à marier de force une femme Tu me vois soumettre Ibakha ? Personne ne soumet une femme comme elle..

Il y a clairement de l'admiration dans sa voix. Il n'est pas seulement amoureux d'Ibakha, il l'admire avec une franche sincérité.

- Mais… vous êtes ensemble depuis combien de temps exactement ?
- ça a une valeur quelconque comme information ? rétorque-t-il sur le même ton. Quand as-tu compris que tu étais amoureux de Marisol, toi... hum ?

La question n'appelle pas de réponse. Hunter est pratiquement sûr que l'attraction a été immédiate. Marisol est une femme décidée, qui sait ce qu'elle veut, qui est honnête avec ses désirs. Sa fidélité envers Colgan malgré son comportement distant, pour ne pas dire carrément glacial parfois, en est la preuve.

- T’es un rapide. Et plus courageux que moi.

Un sourire fleurit sur le faciès escarpé d'Hunter mais Colgan s'absorbe déjà dans le laçage de ses chaussures. Il n'a pas encore concrètement osé formuler sa véritable requête.

- En tant qu'Alpha, la tradition veut que tu nous donnes ta bénédiction...
-Oh.  Tu sais ce que je pense des traditions.
- Je sais, mais j'm'en cogne. C'est fondamental pour moi et important pour Ibakha.
- Mais si c’est important pour vous, vous l’avez. Je vous souhaite d’être heureux. Vous allez faire ça comment … ? Excellente question. Il n'a pas pensé aussi loin. Je vous vois mal faire une cérémonie comme à l’église donc euh… vous ferez un truc entre vous ?
- Je ne sais pas.
- Ou devant la Meute ?
- J'en sais rien je t'ai dit, lui répond-il de manière bourrue pour cacher un étrange sentiment de honte de pas avoir réfléchi à la chose. On a pas encore évoqué les détails.
- Juste pour savoir si je le dis tout de suite à Marisol et si j’essaie de garder ça pour moi le temps que ça soit fait. Si c’est avec la Meute essaie de voir avec elle si elle peut organiser le truc… ça lui fera un truc positif à mettre en place pour nous tous. Et lui montrer qu'elle est toujours un membre essentiel et pivot à cette Meute même clouée sur un lit.

Hunter observe attentivement Colgan.

- C'est ce que ressent Marisol ou c'est toi qui le dit ?
- Enfin…c’est vous qui voyez. C’est votre …mariage.
- Garde-le pour toi pour le moment. Je pense qu'Ibakha voudra en parler elle -même à notre étoile... Mais je suis d'accord, on a besoin de focaliser sur des événements heureux: votre futur gosse, notre union, le fait de bosser ici tous ensemble... autant de moments pour resserrer positivement les liens.
- Il va falloir l’appeler madame O’Rourke ?

Hunter éclate brusquement de rire. Colgan qui ne l'a jamais ou peu entendu constate ses sonorités graves, riches, puissantes. Le vieux loup a le rire chaleureux.

- Tu tiens à voir ta progéniture grandir, hein ? Alors abstiens-toi. Du moins, pas tant qu'elle t'ait donné son autorisation formelle.

Il en rit encore tellement il trouve la chose incongrue.
Et plaisante.
"Ibakha O'rourke, ça sonne bien."

- C'est ce que ressent Marisol ou c'est toi qui le dis ?
Colgan le fixe un long moment.
- Elle a beaucoup de temps pour réfléchir… Je veux juste pas qu’elle en vienne à se dire une connerie pareille à cause de son isolement forcé. C’est en partie ma faute si elle est clouée au lit. Votre union représenterait une bonne diversion à son ennui…c’est tout. Enfin…c’est vous qui voyez. C’est votre …mariage.
- Garde-le pour toi pour le moment. Je pense qu'Ibakha voudra en parler elle-même à notre étoile...Colgan grimace. Mentir à Marisol n’est pas son activité favorite… loin de là. Mais je suis d'accord, on a besoin de focaliser sur des événements heureux : votre futur gosse, notre union, le fait de bosser ici tous ensemble... autant de moments pour resserrer positivement les liens.
- C’est l’idée… acquiesce Colgan avec un mince sourire. Il va falloir l’appeler madame O’Rourke ?

Le rire d’Hunter le surprend tellement qu’il en reste tout surpris, étonné d’avoir réussi ce petit « miracle ». Décidemment… les changements dans le tempérament du vieux loup sont significatifs. Malgré lui, son sourire s’agrandit.

- Tu tiens à voir ta progéniture grandir, hein ?
- J’aime autant oui.
- Alors abstiens-toi. Du moins, pas tant qu'elle t'ai donné son autorisation formelle.
- Merci pour le conseil. Ne me demandez pas de faire un discours ce jour là, je suis nul pour ce genre de truc.

Hunter se laisse à nouveau emporté par l’hilarité et la tête d’Ibakha et de Sizreïs propre comme un sou neuf et vêtu d’un tee-shirt d’Ibakha qui lui sert plus de tunique apparaissent à la porte de la salle de bain.
Ibakha regarde son fiancé avec un petit air que Colgan connait bien. Ces deux-là se sont bien trouvés. Elle semble bien plus sereine qu’il ne l’a jamais vu auparavant et se réjouit intérieurement que tous les membres de la Meute prisonniers sous terre se retrouveront réunis pour la Pleine Lune.  

- Je ne vais pas vous embêter plus longtemps. Encore merci pour la salle de bain…et le jeans.
Il s’approche d’Ibakha et spontanément passe un bras autour de ses épaules pour une brève étreinte.
- Félicitations. Je suis content pour vous.
Complètement abasourdie par son geste Ibakha s’est raidi comme une bûche mais Colgan se détourne rapidement et tend une main à Sizreïs.
- Je te ramène chez toi, jolie petite plante ?

- Merci pour le conseil. Ne me demandez pas de faire un discours ce jour là, je suis nul pour ce genre de truc.
- Si discours il doit y avoir, ton nom n'est pas le premier de la liste, je te rassure. Le mien non plus d'ailleurs...Sauf si le but c'est qu'on partage tous de longues minutes de silence gênant.

Les deux loups s'esclaffent, partageant un moment de connivence tout neuf et pas franchement désagréable. L'apparition d'Ibakha avec la mandragore dans les bras, renvoie une image radieuse de la maternité qui caresse soudain la cervelle d'Hunter dans le sens du poil. Les deux fiancés échangent une oeillade pleine de chaleur. Hunter projette malgré lui cette vision en perspective, et se demande quelle genre de père et de mère ils feraient.

- Je ne vais pas vous embêter plus longtemps. Encore merci pour la salle de bain…et le jeans.
- Je t'en prie. Pense à me le rendre.

Sizreïs regagne la terre ferme et fait des pirouettes dans sa nouvelle "robe". Colgan en profite pour... étreindre Ibakha et la féliciter ? Hunter, stupéfait, mais amusé, savoure l'expression de sa compagne qui n'est pas sans rappeler celle du brochet hors de l'eau, pêché ultérieurement.

- Je te ramène chez toi, jolie petite plante ?
- Papa Loup ! gazouille-t-elle en prenant la main de l'Alpha. Elle secoue sa menotte libre avec un grand sourire. Câlin Baka ! Câlin Grrhunter !
- C'est ça, à plus tard, Siz'. Hunter lève simplement les doigts jusqu'à son front en guise de salut. Colgan... Bref hochement de tête et le couple se trouve à nouveau seul.

Hunter attire sa femme contre lui en lui attrapant la taille.

- J'ai demandé sa bénédiction d'Alpha... pour notre mariage. Nous l'avons, fait-il en toute simplicité. Ca et la levée de ma punition. Si tu es d'accord, nous irons vivre cette première Quilla sous terre, tous ensemble. Son timbre rocailleux se fait plus doux, presque caressant. Qu'est-ce que tu en dis ?

- Je te ramène chez toi, jolie petite plante ?
- Papa Loup ! Câlin Baka ! Câlin Grrhunter !

L'étonnement ne cessera donc pas aujourd'hui. Machinalement Ibakha lui fait signe, encore retournée par l'accolade de Colgan qui vient comme une belle cerise sur le gâteau de nouveaux mots que babille Sizreïs saupoudré de la bonne humeur partagée par leur alpha et Hunter.

Entrainé par la main par une mandragore pleine d'énergie Colgan a tout juste le temps de leur glisser un "A demain" avant de disparaitre par la porte. Ibakha ne reprend pied à la réalité que lorsqu'elle sent le bras d'Hunter autour de sa taille.
- A quoi je viens d'assister, exactement ?
Même si elle se réjouit fortement de cette situation complètement inattendue et inédite, elle ne peut s'empêcher d'avoir du mal à y croire, comme un rêve éveillé.
- J'ai demandé sa bénédiction d'Alpha... elle hausse un sourcil interrogateur ... pour notre mariage.
- Ah.
A vrai dire elle ne l'avait pas totalement prise au sérieux ce jour-là, ou plutôt elle pensait qu'il s'agissait plus d'un contrat simplement entre eux.
- Tu...tu étais vraiment sérieux alors ?
- Nous l'avons.
Long silence avant que son cerveau ne se remette à fonctionner.
- Un vrai mariage... Je présume qu'il me félicitait pour ça donc, conclue-t-elle d'une voix neutre, l'air un peu ailleurs.
Elle le fixe un moment.
- Je suppose que toute la meute va être au courant maintenant. Mais... qu'est-ce que tu aurais fait dans le cas contraire ? S'il avait refusé... Tu y aurais renoncé ?
- Ca et la levée de ma punition.

Cette fois un large sourire vient illuminé ses traits alors qu'elle passe ses bras autour de son cou pour l'embrasser, profondément heureuse qu'il puisse revivre une pleine lune aussi normale que possible et qu'hormis les présents ce jour-là, personne n'aura vent de cette punition injuste.

- C'est...une excellente nouvelle ! Lentement, elle caresse sa joue. Je suis si fière de toi...
Et de tous les efforts qu'il fournit au quotidien que ça soit avec l'ensemble de la Meute, pour se mêler à eux ou avec Colgan pour assainir leurs relations. Le spectre d'un bannissement plus durable voire permanent semble bien loin maintenant.
- Si tu es d'accord, nous irons vivre cette première Quilla sous terre, tous ensemble. Qu'est-ce que tu en dis ?
Ibakha se mord la lèvre, baisse le regard, encore indécise.
- Je ne sais pas...tu crois que j'y suis prête ?

Elle fait certes moins de cauchemars mais ne sait pas vraiment si elle doit attribuer ce fait à la présente d'Hunter à ses côtés chaque nuit ou à une véritable amélioration de sa psyché.

- Je pourrais essayer... elle vient poser son front contre le sien... tu seras mon Gardien à nouveau ? Tu veilleras à ce que je ne fasse de mal à personne ?  

- A quoi je viens d'assister, exactement ?
- Rien de bien sorcier. J'ai demandé sa bénédiction d'Alpha... Ibakha a l'air de se demander pourquoi, ce qui a de quoi vexer. Néanmoins, il le reprécise sans s'offusquer.... pour notre mariage.
- Ah.

Son expression interloquée lui fait froncer les sourcils.

- Tu...tu étais vraiment sérieux alors ?
- Bien sûr que oui. Tu me crois capable de te faire ma proposition à la légère ? J'ai pensé et pesé chaque mot prononcé ce soir là. Je veux te prendre pour femme et pour cela il me fallait l'aval de Colgan. Nous l'avons.
- Un vrai mariage...
- Non un faux. Il a un petit ricanement entre humour véritable et dissimulation d'un malaise grandissant devant son apathie.
- Je présume qu'il me félicitait pour ça donc.
- En effet.... Ibakha ? Tu regrettes de m'avoir dit "Oui" ?
- Je suppose que toute la meute va être au courant maintenant.
- Non, il va garder ça pour lui. Je lui ai dit que tu disposais , seule, du droit d'en parler à Marisol, Shareen et tes autres amies.
- Mais... qu'est-ce que tu aurais fait dans le cas contraire ? S'il avait refusé... Tu y aurais renoncé ?
- Certainement pas. Je t'aurais épousé quoi qu'il arrive. Mais je suis un Vieux Loup qui respecte les traditions et qui , en outre, n'avait pas envie de faire ça dans le dos de notre chef de meute. Je voulais faire ça bien. Du coup nous avons sa bénédiction...Ca et la levée de ma punition.

Enfin une vraie réaction de sa part. Il s'en trouve soulagé et lui rend ses baisers avec un sourire aux lèvres.

- C'est...une excellente nouvelle ! Je suis si fière de toi...

Hunter bécote le creux de sa paume, la fixant avec intensité.

- Si tu es d'accord, nous irons vivre cette première Quilla sous terre, tous ensemble. Qu'est-ce que tu en dis ?
- Je ne sais pas...tu crois que j'y suis prête ?

Il lui redresse le menton avec douceur.

- Je le pense, oui. Ces dernières séances ont été couronnées de nombreux progrès. Tu dors bien mieux, tu es plus sereine, plus apaisée. Il est temps de renouer avec les tiens pour le constater sur pièce.
- Je pourrais essayer... Leurs front s'épousent... tu seras mon Gardien à nouveau ? Tu veilleras à ce que je ne fasse de mal à personne ?
- Toujours, mon amour. Je serais toujours ton Gardien, comme tu es ma Gardienne. Il dépose un baiser tendre à la naissance de son nez.

Il laisse filer un silence, simplement contenté par la vision de son visage et de ses yeux effilés.

- Je suis sérieux à propos de notre union. Je veux m'engager à être ton compagnon, devant nos frères-loups, notre déesse, les esprits de la Nature... Mais cela prendra la forme que tu désireras. Je ne ferais rien que tu ne désireras toi-même. Je veux juste... juste que l'univers sache que désormais, Ibakha Amal a une famille bien à elle.