Diana a passé de longs moments à préparer cette nuit.
Solsticio de verano.
Le jour le plus long et le plus ensoleillée, signe de vie, de purification et des récoltes en abondance. Une journée particulière pour les meigas et l’absence de sa famille ne se fait que plus cruellement ressentir. Les préparatifs ont été multiples et ont accaparé son esprit et son temps. En conséquence, cela fait des jours qu'elle ne fait que croiser Hyppolite, lui aussi très pris et le fait est qu’il lui manque terriblement.

Voilà à quoi en est réduit sa belle indépendance !
A soupirer de manque.

Non pas à cause de ses délicieuses morsures ou de ses étreintes non moins étourdissantes, mais bel et bien de lui tout entier.
Ce soir, il sera tout à elle… et à Madre.

Elle lui a donné rendez-vous dans la clairière où elle a maintenant l’habitude de faire ses rituels. Un grand feu qu’elle a mis des heures à préparer brûle au centre d’un cercle fait de fleurs et de sel et dans lequel elle a tracé de nombreux motifs complexes. Les lieux embaument les fleurs et les herbes qu’elle brûle depuis des heures. Un petit autel de pierre qu’elle a monté se trouve au pied du feu et la statuette d’une femme aux courbes pleines mais sans visage distinct y trône fièrement.

Diana se trouve en dehors du cercle et met la touche finale aux deux fines couronnes de lierre qu’elle tresse habillement. Vêtue de sa robe simple et virginale de druidesse, les cheveux lâchés et la peau dépourvu du moindre maquillage, elle est concentrée sur le travail de ses doigts.
Ce sont les effluves d’une eau de Cologne qu’elle connait bien à présent qui lui font relever les yeux et elle sourit tendrement au vampire toujours si élégant qui se tient non loin de là.

- Hola mi amor vampiro. Bienvenidos. Tu es à l’heure… évidemment. Comment s’est déroulé ta journée ?

Une dernière torsion du lierre et sa couronne est à présent terminée. Elle se relève souplement et vient presser longuement ses lèvres sur sa joue, retrouvant avec plaisir la sensation de sa peau froide. Elle ne s’aventure pas à plus pour l’instant quand bien même elle en meurt d’envie.  

- Tu m’as manqué. Sa main cherche naturellement la sienne et elle noue leurs doigts ensemble. Diana tourne la tête vers la mise en place de son rituel. Tu peux encore refuser de participer, tu sais… je sais que tout ça fait très « païen » à tes yeux.
Son regard se fait lointain et sa voix plus nostalgique.
- Normalement nous aurons fait la fête toute la journée, en mangeant, buvant, chantant et dansant… il fait déjà bien chaud en Galicie à cette saison et on paressait aussi dans le lac pour nous rafraichir. Les plus vieilles d’entre nous racontent des histoires, transmettent leurs recettes aux plus jeunes. C’est très… festif et le rituel est l’apogée de cette journée.

Elle papillonne des yeux en les sentant s’humidifier soudain et se tourne à nouveau vers Hyppolite avec un sourire un peu moins franc.

- Tu es prêt ? Sais-tu ce que j'attends de toi ce soir ?    

La vie suit son cour, un cour qu'il n'avait pas imaginé ainsi.

Solitaire acharné,
Aux murs savamment hauts érigés,
Animal froid pour l'éternité,
Le voilà à vivre en compagnie d'une femme au sang chaud.
Un concentré de pulpe de Chaos.
Une merveilleuse fleur sauvage,
Une mauvaise herbe tenace,
enracinée profond en lui.
Les barricades sont effritées,
La verdure a gagné
Contre la pierre décatie.

Est-il heureux ?
Peut-être.
Il n'ose pas le formuler aussi promptement de peur que les pétales de ce miracle ne s'étiolent.
Est-il amoureux ?
Oui.
C'est un constat dangereux pour une vieille âme comme lui, pour le prédateur sous control qu'il musèle depuis près de deux siècles.
Le mérite-t-il ?
Sans doute que non.
Il a bien trop meurtri d'âme entre ses tamis, implacables et précis. Il a bien trop détruit. La solitude serait une bien meilleure compagne.

Et pourtant...
Pourtant il suffit d'un regard sur sa silhouette gracile, sur ses joues rebondies comme des pêches mûres gorgées de soleil, sur les fossettes mystérieuses creusées par ses sourires pour qu'il repousse la fatalité de leurs existences désaccordées.
Il est la Mort froide et inféconde,
Elle est la Vie vive et brûlante.

Un instant il s'attarde sur cette vision pastorale et douce, sur les courbes de son corps plié dans l'herbe que la lumière du feu dévoile à travers le lin blanc et léger, sur son visage froncé d'application, toute à la confection de sa couronne florale. Elle est belle, sans artifice aucun. Sa danseuse aux pieds nus.
Soudain, elle remarque sa présence et son visage s'illumine. Il pourrait se damner pour ne vivre que des instants comme celui-ci.

- Hola mi amor vampiro. Bienvenidos. Tu es à l’heure… évidemment.
- Evidemment, souffle-t-il, les mains dans les poches avec un coin de sourire.
- Comment s’est déroulé ta journée ?
- Oppressante et morne. Tu en es le meilleur moment.

Ses lèvres tièdes sur son derme dépourvu de chaleur, lui font toujours le même effet. Pour cela aussi, il pourrait se damner.

- Tu m’as manqué.
- Toi aussi...

Ils tissent leurs doigts l'un l'autre, exactement comme le lierre qu'elle vient d'ajouter à sa couronne s'enroule autour des autres brindilles.

- Tu peux encore refuser de participer, tu sais… je sais que tout ça fait très « païen » à tes yeux.
- Tout cela te correspond. C'est une justification suffisante à mes yeux. Et puis, ce n'est pas de moi dont il s'agit, mais de toi. Je n'ai aucun désiderata égoïste à exprimer.
- Normalement nous aurions fait la fête toute la journée, en mangeant, buvant, chantant et dansant… il fait déjà bien chaud en Galicie à cette saison et on paressent aussi dans le lac pour nous rafraichir. Les plus vieilles d’entre nous racontent des histoires, transmettent leurs recettes aux plus jeunes. C’est très… festif et le rituel est l’apogée de cette journée.
- J'imagine que cela doit terriblement te manquer... Il l'enlace tendrement. Tu vas devoir te contenter d'un vieux vampire tatillon.
- Tu es prêt ?
- Je suppose. Pour elle ? Toujours. Il pourrait commettre les pires folies, il l'a malheureusement déjà prouvé en l'accoutumant à ses morsures tout en s'enivrant de sn sang.
- Sais-tu ce que j'attends de toi ce soir ?
- Pas du tout, mais... tu vas me l'expliquer n'est-ce pas ? susurre-t-il d'une voix suave dans l'air du nocturne.

Cela fera la quatrième année qu’elle ne participera pas aux festivités mais le manque est toujours aussi cruel. Elle qui voulait à tout prix se libérer de toutes ses traditions pesantes souhaiterait aujourd’hui plus que tout pouvoir réentendre la voix de su mama.

- J'imagine que cela doit terriblement te manquer...
- Oui. Horriblement. J’espère qu’elles vont bien… Je ne peux que m’en prendre qu’à moi-même si je ne suis pas avec elles en ce moment. Elle se blottit dans son étreinte froide mais malgré tout réconfortante avant de relever son visage vers le sien qu’elle caresse du bout des doigts. Madre m’a mise sur un autre chemin. Et j’ai croisé le tien.  
- Tu vas devoir te contenter d'un vieux vampire tatillon.
Son sourire s’agrandit.
- Si. Heureusement, il me plait ce vampire tatillon. Tu es prêt ?
- Je suppose.
Sa mine se fait soudain plus énigmatique.
- Sais-tu ce que j'attends de toi ce soir ?
- Pas du tout, mais... tu vas me l'expliquer n'est-ce pas ?
Son rire résonne dans la petite clairière.
- No ! Tu découvriras par toi-même, déclare-t-elle avec un grand sourire. L’instinct, Hyppolite querido… l’instinct… Mais en gros, nous allons célébrer la Vie à son apogée avant que les jours ne raccourcissent.

Lentement, ses doigts commencent à défaire son costume. Bien que sa silhouette semble être taillée pour les porter et qu’il le rende monstrueusement élégant et sexy, elle adore faire cela lorsqu’il revient dans leur chambre. Le dépouiller petit à petit pour qu’il devienne le Hyppolite qu’elle seule connait.
- Je prends de l’avance, chuchote-t-elle en le débarrassant de sa veste et de veston. Pendant toute l’opération, elle n’a cessé de le regarder et de jouer de ses dents sur sa lippe gourmande.

Elle le guide ensuite vers le bord du cercle.
- Attends-moi là. Je reviendrais te chercher. Je vais commencer, d’accord ?

Diana récupère les deux couronnes qu’elle a fabriqué avec soin et la bouteille du breuvage qu’elle a préparé. Puis, après une longue inspiration, elle pénètre dans le cercle et ses pieds nus naviguent souplement entre les lignes tracées dans l’herbe. Elle s’agenouille devant le petit autel, y dépose les deux couronnes et verse sa potion dans deux gobelets en bois. Elle y ajoute les derniers ingrédients alors que la chaleur du brasier l’englobe et la part de jeux d’ombres et de lumière. Elle lève les yeux vers la lune en phase montante, presque entièrement visible. Quelques jours avant qu’elle ne soit pleine, aussi pleine que la terre.

Comme la première fois, elle ne ressent aucune gêne ou honte à montrer cette part d’elle au vampire et lève les bras vers le ciel pour entamer son chant. Une mélopée envoûtante aux dialectes multiples. Elle demande la grâce de Madre, appelle à la Vie de bénir ces lieux, la bénir elle. Lentement, elle se redresse et danse avec une grâce sauvage, mouvements amples. Et les yeux fermés, ses pieds ne piétinent jamais les motifs au sol.

Inexplicablement, elle réussit à nouveau à trouver le chemin vers Madre alors même que cet endroit n’est pas directement relié à Elle. Diana sourit en sentant sa présence maternelle et rassurante sous ses pieds, son souffle qui balaie ses cheveux et sa robe. Elle est enrobée de son essence primordiale et comme toujours rassénérante. Elle finit sa danse devant le petit autel et de quelques coups d’épaule, elle fait glisser sa tunique sur sa peau, la laissant aussi nue que le jour de sa naissance. Alors seulement, elle se pare de sa couronne végétale et retourne vers Hyppolite.

La druidesse plante son regard rendu bien plus vert dans le sien et lui prend les mains en entonnant une nouvelle mélodie qui parle d’union sacrée, de noces sous la lune, de cycle éternel et du triomphe de la Vie. A pas lents mais déterminés, elle le ramène devant l’autel et continuer de la déshabiller. Elle se contente de fredonner à présent.
Une fois aussi nu qu’elle, Diana dépose la couronne sur sa tête.
- Esta noche seras mi esposo bajo la luna y bajo los ojos de Madre.
Elle lui tend son verre et l’invite à boire avec elle.
- Esta noche solo eres un hombre y yo solo una mujer.

La meiga n’est pas certaine de l’effet de sa potion sur lui mais son corps à elle est soudain envahie d’une magie ancienne et palpitante de vie, aidée par la bénédiction de Madre. Son coeur bat plus vite, ses membres picotent et une envie féroce de faire l'amour avec le vampire la prend. L'envie de le réchauffer, de lui offrir la Vie, de faire battre son coeur et de l'arracher à la Mort même si cela ne doit durer que quelques secondes.
- Qu’est ce que cela te fait ?

Elle frémit de la tête au pied et vient chercher les lèvres d’Hyppolite dans un baiser aussi brûlant que le feu à leurs côtés. Diana pose sa main contre la poitrine sans pulsation du vampire.
- Fais-moi danser mi amor vampiro. Quiero que te sientas vivo. Conmigo. Olvida todo lo demás.

- No ! Tu découvriras par toi-même.
- Ah... fait le vampire faussement déconfit.
- L’instinct, Hyppolite querido… l’instinct…
- Tu sais bien comme mes petites cellules grises lui préfèrent la logique.
- Mais en gros, nous allons célébrer la Vie à son apogée avant que les jours ne raccourcissent.
- Je vois... Nous fêtons le solstice.
- Je prends de l’avance.
-... Fais. Tu t'en acquittes si bien.

Il se laisse dépouiller de ses vêtements se faisant, la dévorant du regard, elle et sa lippe aguicheuse. Malgré toutes les réactions qu'elle ravive dans sa morne carcasse, il ne la touche qu'avec les yeux. Elle mène la dance en cette nuit particulière jusqu'à ce qu'elle décide d'inverser les rôles. Main dans la sienne, elle le conduit au bord d'un cercle de salpêtre aux motifs complexes.

- Attends-moi là. Je reviendrais te chercher. Je vais commencer, d’accord ?

Hyppolite opine, en silence, aussi respectueux que la première fois qu'elle lui a dévoilé cette facette intime et sacrée.
Alors commence la danse.
Son coeur inerte a presque un soubresaut lorsqu'elle entame sa sérénade aux pieds nus. Souple et gracieuse, Diana exprime avec tout son corps son amour, sa révérence et sa dévotion envers la Vie elle-même, cette Nature profonde, nourricière, tutélaire. Subjugué par cette chorégraphie sauvage, Hyppolite sent grandir en lui comme un grondement orageux, une cavalcade puissante qui crépite tant dans l'air qu'entre ses os. L'air est chargé d'effluves mystiques qui semblent agir sur ses synapses, avec une fluidité trop évidente pour ne pas être étrangère.
Quelque chose est là, avec eux.
De beau.
De supérieur.
D'infini.
Comme pour illustrer cette prémonition, Diana se retrouve nue devant lui, habillé de sa seule couronne de fleurs et de lierres. Sa peau dorée, frissonnante d'une légère pellicule d'humidité, accroche la lueur des flammes. Fasciné par cette vision, le vampire se donne l'impression d'être une souillure mortifère dans un tableau coloré, un bout d'Hiver oublier dans ce vaste Printemps. Pourtant, c'est avec une exaltation particulière qu'il perd ce qui lui reste de costume et accepte de boire dans la coupe tendue par la druidesse.
Une sorte de picotement brûlant parcourent ses veines. Son désir, déjà manifeste, n'en devient que plus impérieux. La virilité érigée et les pupilles dilatée, il l'observe avec plus d'animalité que de raffinement civilisé.

- Qu’est ce que cela te fait ?
- C'est... difficile à expliquer. J'ai l'impression d'être.... Comme si du sang circulait à nouveau dans mes veines au lieu d'y stagner.

La meiga l'embrasse à pleine bouche, déchainant sa sensualité incendiaire.

- Fais-moi danser mi amor vampiro. Quiero que te sientas vivo. Conmigo. Olvida todo lo demás.
- Lo que quieras mi bailarina descalza. Tu corazón late por los dos...

Il la soulève de terre et la fait tournoyer dans ses bras, le brasier comme seul témoin de cette valse éternelle entre la Vie et la Mort

Vampire et meiga virevoltent sur un rythme qu’ils sont les seuls à entendre. Et plus ils dansent, plus ils se frôlent et s’étreignent, plus le feu dans les veines de Diana se fait incontrôlable. Mais elle attend le bon moment, celui de la communion parfaite, de l’alignement de la lune et du soleil et du signe de Madre.
En attendant, ils continuent de danser et leurs ombrent projetées au sol sont les seules témoins de cet étrange spectacle. Ils n’ont nul besoin de se consulter, ils savent se mouvoir en harmonie, sans aucun faux pas.

Oui il y a de la magie en ces lieux et elle étend son pouvoir sur ce couple improbable, dont l’un représente l’antithèse de l’autre. La Mort n’est pas une ennemie ici, elle n’est qu’une finalité. Mais ce soir, c’est la Vie qui triomphera.
Soudain, les fleurs coupées qui parsèment le cercle rituel se fanent toutes et flétrissent à vue d’œil alors que la poudre blanche et les herbes sont comme absorbées par la terre qui pulse doucement, comme un cœur.  

C’est le signe qu’attendait Diana. A regret, elle quitte les bras d’Hyppolite, le corps recouvert d’une fine couche de sueur, le cœur affolé au même rythme que leur danse et la respiration précipitée.
Elle le prend par la main sans le quitter des yeux et la terre sous leurs pieds nus semblent plus meuble et humide, plus fertile. Lentement, la druidesse le guide vers l’autel à nouveau, non loin de leurs vêtements laissés à l’abandon. Leurs pas ont laissé des traces visibles sur le sol.

- Ponte de rodillas, ordonne-t-elle.

Une fois à genoux devant elle, son index relève son visage vers le sien et elle lui sourit, le visage serein et illuminé par sa connexion à la terre et à la Vie qui y grouille. Elle le contemple un long moment, trace ses traits porteurs d’un charme qui échappe au canon de beauté actuel mais qu’elle trouve paradoxalement encore plus beau.

- Ce soir je t’arrache à la mort Hyppolite Poirot.

Lentement, elle s’agenouille à son tour en face de lui et pose sa main contre son cœur mort. Doucement elle frappe contre sa peau sur le même staccato que le sien.

- Cette nuit tu es à moi, à nous.

Diana reverse un peu de sa mixture dans leurs verres et l’invite à boire encore. Cette fois, elle pousse un long gémissement en rejetant la tête en arrière tant son corps se trouve gorgée d’un puissant désir de Vie. Les pulsations sous eux se font plus sourdes, plus présentes alors que la meiga se hisse sur les genoux du vampire et enroule ses bras autour de son cou, se frottant à lui sans aucune pudeur, avide de contact et d’union.
Tout son corps, tout son être, appelle le vampire à lui.

Il veut.
Il réclame.

- Hyppolite, gémit-elle à l’agonie. Dame un poco de tu vida y te doy la mia.
Le vide en elle en est presque douloureux.

Jamais elle n’a ressenti quelque chose d’aussi fort et d’aussi primitif. Peut-être est-ce le Silo qui joue sur ses perceptions, peut-être est-ce tout simplement parce qu’Hyppolite est avec elle…

- Quiéreme. Muerdeme si quieres. Te doy la vida.

Il y a certains moments dans l'existence qui vous marquent à tout jamais. En près de deux siècles, Hyppolite Poirot n'en a connu que peu. Rarement, ils ont été heureux. Passionnés, puissants, ravageurs, traumatiques... mais rien d'aussi sublime et fusionnel que cette nuit. Rien d'aussi paisible.
Il n'a jamais été féru de mysticisme comme sa sœur ainée. L'ésotérisme est souvent l'apanage des charlatans et des bonimenteurs. Catholique par éducation, il n'a jamais été un pratiquant assidu et les seuls déesses qu'il n'ait jamais priées sont ses propres cellules grises. Pourtant, c'est avec une ferveur inhabituelle qu'il met genoux à terre, transporté par la sensation d'être en parfaite osmose avec un tout.
Avec elle.
Grâce à elle.

- Ce soir je t’arrache à la mort Hyppolite Poirot. Cette nuit tu es à moi, à nous.
- Cette nuit et l'éternité qui suivra, répond-il en écho, tout contre sa bouche.

Une vérité proférée sans plus de honte ni de peur.
Il en est ainsi.
La Mort et la Vie unis pour toujours.

- Hyppolite...Dame un poco de tu vida y te doy la mia. Quiéreme. Muerdeme si quieres. Te doy la vida.
- Je t'aime de tout mon coeur, Diana.* (*en français)

Ses crocs jaillissent de ses gencives et percent la peau tendre de cette gorge pleine de feu. Ce sang brûlant de magie, décuple les effets de la potion qui y circule. Le vampire ressent avec une brutalité primordiale et fauve le besoin de la posséder, de semer en elle quand bien même rien n'en germera.

Il veut.
Il réclame.

Cette nuit là, Hyppolite et Diana font l'amour dans l'herbe gorgée de rosée, dans le sol meuble et fécond qui macule leur peaux nues. Sueur, gémissements et sève s'unissent à la terre. Ils célèbrent la jonction infime entre extinction et renaissance, jusqu'à ce que les braises du feu s'éteignent, jusqu'à ce que repus, ils s'endorment entremêlés l'un à l'autre.

Cette nuit là, les deux amant rêvent d'une femme magnifique aux cheveux verdoyants, si luxuriants qu'ils en chutent au sol et le tapissent de fleurs. Ses ailes de papillon scintillantes repliés, font comme une couverture d'étoile autour de son corps gracile. Elle pleure sous un les frondaisons d'un noisetier. A ses pieds, la végétation fane soudain, noircie et craquelée. Son derme tané perd toute pigmentation et se marbre. Ses ailes lépidoptères s'assombrissent et se gorge de sang noirâtre. Un poix ténébreuse macule ses joues, coulant de ses orbites vides. Elle sourit, pourtant, avec une forme de gratitude épuisée.
"Merci...." peut-on entendre porté par le vent.

Vampire et druidesse sont reveillés brutalement par une couverture un peu rêche qu'on vient de leur lancer dessus. Au dessus d'eux, le nez aquilin d'Hunter O'Rourke les surplombe. Bras croisés, le loup les fixe avec son impassibilité coutumière.

- Bonjour, lâche-t-il sobrement. Je crois qu'une petite discussion s'impose.

Et les esprits savent qu'il les déteste.

S’il fallait décrire la nuit que Diana et Hyppolite viennent de passer, la jeune femme n’aurait pas les mots. Que ça soit en anglais ou en espagnol.

C’était vrai, vivant, fusionnel et incroyable.

Jamais Diana ne s’est sentie aussi meiga, aussi connectée à sa Mère nourricière et fertile. Dans cette petite clairière s’est déroulé un moment hors du temps.
Une union et une célébration sacrée qu’elle n’a encore jamais connues auparavant. Elle a accueilli la passion et les morsures du vampire avec une exaltation sauvage, en a joui à de nombreuses reprises.
Lorsqu’ils se sont finalement écroulés dans les bras l’un de l’autre, Diana a enrobé son amant de tendresse et de vie. La joue contre son torse, elle a même cru sentir son cœur pulsé sous la peau.
Un effet de son imagination sans doute, mais un plaisant mirage.

Le rêve qui l’a happé dans son sommeil l'a profondément remuée de l’intérieur et lorsqu’elle est brutalement arrachée au sommeil, la druidesse ouvre les yeux en grand, les joues sillonnées de larmes et se redresse vivement en position assise, serrant la couverture entre ses doigts. La paume contre son cœur, elle pleure encore ce rêve qui reste vivace dans son esprit.
- Madre… chuchote-t-elle avec affliction en se souvenant de cette noirceur qui a déformé et dévoyé sa très chère Mère. Ce "merci" plein de fatigue et de chagrin résonne encore à ses oreilles.
- Bonjour.

Diana tourna la tête vers le contre-maître du Silo mais même sa présence ne suffit pas à dissiper les sensations de son songe.
Elle en tremble encore de chagrin et un sanglot irrépressible lui déchire la gorge. Elle met quelques secondes à se souvenir du lieu où elle se trouve et avec qui.
Diana essuie ses joues et tente de reprendre pied à la réalité.
- Hola Hunter. Désolée je… j’ai fait un mauvais rêve.

En était-ce bien un alors qu’elle était encore gorgée de la présence de Madre ? Il semblait bien trop réel. Tout comme les sentiments qu’il a suscités chez elle et qui noue encore ses entrailles.  
Elle caresse délicatement la joue d’Hyppolite et lui dédie un sourire encore tremblant avant de se lever, exposant ainsi sans la moindre gêne son corps nu et couvert de morsure ici et là et de traces de terre. Elle ramasse sa fine robe de lin qu’elle enfile et apporte ses vêtements à Hyppolite en essayant de chasser les derniers bribes de son cauchemar.   

- Je crois qu'une petite discussion s'impose.
- Ah ? s’étonna la meiga qui tente de démêler ses cheveux avec ses doigts. A quel propos ? Elle lui décoche un sourire plus malicieux. On vous a dérangé, toi et Ibakha cette nuit ?
Son visage se plisse soudain d’une moue ennuyée.
- Dysderie ne t’a pas mise au courant ? Je lui avais demandé de te passer le message comme elle devait te voir de toute façon. Mais c’est de ma faute, nuestra linda rosa a déjà beaucoup à penser. J’aurais dû venir de le dire moi-même. Tu me pardonnes ?

Hyppolite ne se souvient pas du moment où il s'est endormi. Il ne dort pas, d'ordinaire, sauf, peut-être, lorsque certaines "conditions" se trouvent réunies. Or, de façon parfaitement exceptionnelle, elles le furent cette nuit. Magique est un mot sans doute trop faible et peu saillant pour approcher ne serait-ce que d'une once les sensations ressenties et les émotions puissantes qui l'ont transporté.

Le réveil en revanche est d'un calibre plus prosaïque, déconcertant et revêche. À l'image de cette couverture désagréable qui lui gratte la peau. Diana a les yeux rougis et aussitôt le vampire s'en inquiète. Il cueille son visage poupon en coupe, faisant fi de la présence, aussi rêche que le lainage qui dissimule sa pudeur, du contremaitre lycanthrope.

- Hola Hunter.
- Mi corazón... ¿Está todo bien?
- Désolée je… j’ai fait un mauvais rêve.
- Je crois qu'une petite discussion s'impose.
- Ah ? A quel propos ?
- Nous n'avons pas à nous justifier.
- On vous a dérangé, toi et Ibakha cette nuit ?

Le né-loup lève les yeux au ciel en grognant.

- J'me fous de vos ébats. Il y a plus important.
- Laissez-moi trouver mes vêtements et je vous suis, déclare sobrement Hyppolite en commençant à tâtonner autour de lui.
- C'est pas à toi que je m'adresse. Ses iris d'un bleu perçant fixent Diana sans ciller.

Le vampire fronce les sourcils et son regard glisse du loup à la meiga. Celle-ci se défend aussitôt.

- Dysderie ne t’a pas mise au courant ? Je lui avais demandé de te passer le message comme elle devait te voir de toute façon. Mais c’est de ma faute, nuestra linda rosa a déjà beaucoup à penser. J’aurais dû venir de le dire moi-même. Tu me pardonnes ?

Hunter prend sur lui de ne pas faire de nouveau un 180° à ses pauvres globes oculaires. Il ne lui offre pas de réponse et pivote vers le responsable de la sécurité.

- Tu as du travail, je crois, non ? La Sécurité, une réunion, tout ça... Moi, j'ai à discuter avec la dame.

La demande de congé est faite sans forme ni manière et Hyppolite ne l'apprécie guère.

- Qu'est-ce que vous lui voulez O'Rourke ?
- Rien qui ne te regarde, Poirot. Rétorque-t-il  sur le même ton, de son timbre rocailleux. Il soupire. Va bosser. Je ne vais pas te la bouffer, il faut juste qu'on cause.

Agacé par cette impolitesse rugueuse, Hyppolite prend le temps de retrouver la tunique de lin brodé de sa compagne pour qu'elle puisse décemment se vêtir. En la lui tendant il lui souffle avec douceur.

- Si tu préfères que je reste avec toi, tu n'as qu'un mot à dire. Ce goujat n'a pas a dicter ses lois.
- Le goujat est toujours là, gronde l'intéressé. Et il te trouve culoté de la ramener alors que tu uses du Silo comme baisodrome.

Si le vampire pouvait encore rougir, il aurait piqué le fard le plus violent de son existence.

- Tu as du travail, je crois, non ? La Sécurité, une réunion, tout ça... Moi, j'ai à discuter avec la dame.
- Qu'est-ce que vous lui voulez O'Rourke ?
- Rien qui ne te regarde, Poirot.
- Vous êtes bien revêches de bon matin tous les deux… lance Diana, les poings sur les hanches. Vous pourriez arrêter ce combat de coqs inutile ?
- Va bosser. Je ne vais pas te la bouffer, il faut juste qu'on cause.

Cette fois c’est Diana qui lève les yeux au ciel.
- No soy un buffet de todo lo que puedas comer.
Voilà pour le moins un réveil étrange qui succède une nuit tout aussi spéciale. La meiga sourit à Hyppolite pour le remercier en reprenant sa tunique qu’elle enfile aussitôt.

- Si tu préfères que je reste avec toi, tu n'as qu'un mot à dire. Ce goujat n'a pas à dicter ses lois.
- Le goujat est toujours là.
- Comment l’oublier ? souffle Diana à l’intention d’Hyppolite qu’elle ne quitte pas du regard, un pétillement amusé au fond des yeux.
- Et il te trouve culoté de la ramener alors que tu uses du Silo comme baisodrome.
Cette fois, la jeune femme éclate de rire. L’expression affichée par son vampire est drolatique à souhait.
- Tu exagères, on ne l'a pas fait tant de fois que ça ici ! lance-t-elle au contremaitre. Et puis moi je ne relève pas les murs de votre grange qui en tremblent ! Elle passe les bras autour du cou d’Hyppolite, charmée par son inquiétude qu’elle sait pourtant sans fondement. Ne l’écoute pas ! Hunter ronchonne beaucoup mais ne mord pas… lui. Soy una niña grande ! Je vais m’en sortir…

Et puis elle est franchement intriguée, d’une part par ce qu’il a à lui dire de si urgent, maintenant, juste après son rituel et d’autre part par sa volonté farouche de voir Hyppolite les laisser seul à seul.
D’ordinaire, le contremaitre du Silo lui adresse à peine la parole.
Elle est parfaitement au courant de ses activités de shaman qu’elle respecte. A-t-il rêvé de Madre lui aussi ?
Diana se hisse sur la pointe des pieds et embrasse longuement Hyppolite.

- Merci pour cette nuit, mi vampiro. On se revoit plus tard, vale ?
Elle laisse sa main glisser sur sa joue et le regarde s’éloigner avant de soupirer.
- Voilà… nous ne sommes plus que tous les deux. De quoi veux-tu tant me parler ? demande-t-elle en commençant à ramasser les reliquats du rituel.

Après un baiser d'aurevoir, le vampire consent enfin à quitter les lieux. Hunter s'approche pour aider Diana à ramasser ses résidus incantatoires. Se faisant il reconnait les plantes impliquées dans un rituel de "renouveau" et cela ne fait qu'accentuer ses soupçons.

- Voilà… nous ne sommes plus que tous les deux. De quoi veux-tu tant me parler ?
- Tu as visiblement fêté le solstice. Un long silence. Les esprits étaient agités. Inhabituellement agités, ajoute-t-il.

Accroupis sur le sol, il effleure la terre là où les fleurs ont fané, là où le salpêtre a été absorbé par l'humus. Il plonge les doigts dans cet étrange compost et le laisse s'égrainer entre ses doigts, songeur.

- Tu as rêvé, n'est-ce pas ? Son profil aquilin volte vers elle. Ce terreau vibre d'émanations spirituelles anormales fortes. Quelque chose s'est infiltré dans le Silo, cette nuit. Quelque chose extérieur. C'est toi qui l'a convoqué. Ce n'est pas la première fois que j'en perçois les remugles.

Il se redresse avec une lenteur animal, sans battre un cil. Ses prunelles la perce comme des poignards.

- Raconte.

Malgré un ton dépourvu de menace, l'ordre est clair. La gravité de son expression l'atteste : quelque chose d'important s'est joué cette nuit et a peut-être échappé à la prêtresse.

- Tu as visiblement fêté le solstice.
- Evidemment. Quel Sherlock !
Elle rassemble en petit tas les fleurs fanées et les couronnes qu’ils ont portées cette nuit et qu’elle brulera avec d’autres ingrédients.
- Les esprits étaient agités. Inhabituellement agités.
Elle lui jette un coup d’œil suspicieux.
- Comme à chaque changement de saison. Particulièrement pendant ce solstice. Tu n’y es pas familier ?

Elle ne fait plus simplement mine de le regarder en coin à présent mais observe chacun de ses mouvements, appréciant que peu ses doigts mâles tâter les restes d’un rituel ancestral transmis de mère en fille. Diana n’a plus rien de la légèreté qu’elle affichait devant Hyppolite.

- Ne tournons pas autour du pot, Hunter. Qu’est-ce qui te chagrine ?
- Tu as rêvé, n'est-ce pas ? Elle garde un instant le silence avant de hocher la tête. Ce terreau vibre d'émanations spirituelles anormales fortes. Quelque chose s'est infiltré dans le Silo, cette nuit. Quelque chose extérieur. C'est toi qui l'a convoquée. Ce n'est pas la première fois que j'en perçois les remugles.
- Si, Madre. Elle a répondu à mon appel comme elle le fait à chaque fois. Elle est toujours là. Malgré mon manque de connexion à la vraie terre.
- Raconte.

La meiga fronce les sourcils, de plus ne plus agacée par son ton. On a passé sa vie à la mettre en garde contre les hommes et leurs manières de dicter leurs lois, leurs ordres et tout le reste. Elle croise les bras.
- Hombres…soupire-t-elle. Pourquoi ? Que je te raconte quoi ? Ce qui s’est déroulé cette nuit est intime. C’était entre moi, Hyppolite et Madre. Nous avons fêté la vie et oui j’ai rêvé d’elle. Elle était… profondément triste. Si profondément que cela m’a touché au cœur. Maintenant c’est à toi de raconter. Tu débarques comme ça, tu nous fais tout un cirque pour qu’Hyppolite s’en aille simplement pour te montrer cryptique et me donner des ordres.

Elle s’approche pour venir se poster devant lui, le visage déterminé et le regard aussi féroce que le sien.

- Est-ce que tu as rêvé toi aussi ? Qu’est-ce qui était différent de d’habitude ? Parle, lobo, ou laisse-moi finir mon rituel.

- Hombres…Pourquoi ? Que je te raconte quoi ? Ce qui s’est déroulé cette nuit est intime. C’était entre moi, Hyppolite et Madre.
- Madre....Il a suffisamment côtoyé Marisol pour connaitre la signification de ce mot. Ecoute, je me fous pas mal de votre partie de jambes-en-l'air. Je ne suis pas votre père. C'est tes songes qui m'intéressent.
- Nous avons fêté la vie et oui j’ai rêvé d’elle. Elle était… profondément triste. Si profondément que cela m’a touché au cœur. Maintenant c’est à toi de raconter. Tu débarques comme ça, tu nous fais tout un cirque pour qu’Hyppolite s’en aille simplement pour te montrer cryptique et me donner des ordres.
- Laisse ton combat féministe à la mords-moi-le nœud au placard. Je ne te donne pas d'ordre, je m'inquiète simplement de ce que j'ai ressenti cette nuit.

Le Né-loup soupire et son regard perçant vient de nouveau épingler son interlocutrice.

- Cette nuit, j'ai senti les esprits converger avec force et me guider vers un lieu spirituel précis. J'ai traversé une forêt inextricable pour tomber sur une clairière. Le spectacle de ma propre mère en train de mettre bas m'y attendait. Je ne pouvais ni la soulager, ni l'encourager. J'étais simplement spectateur de son combat pour donner la vie. Une femme aux cheveux verts et à la peau blanche presque grise s'est alors approchée d'elle, une femme avec des ailes de papillon.

Court silence. Pesant.

- La femme a éventré ma mère et retiré un enfant de ses entrailles encore chaudes.  Elle est partie avec.  Alors seulement je me suis senti libre de bouger. En m'approchant du cadavre ce n'est pas le visage de ma mère que j'ai vu....

Il la dévisage intensément.

- C'est le tien.

Diana roule ostensiblement des yeux pour le vieux loup. Oui il n’y a pas que lui qui puisse être agacé et le montrer. Franchement, elle a vu mieux comme réveil.
Enfin il lui confie son rêve et Diana l’écoute sans jamais l’interrompre, parfaitement immobile, leurs couronnes flétries entre les doigts. Un long frisson dévale sa colonne vertébrale lorsqu’il délivre ses dernières paroles.
« Quelqu’un vient de marcher sur ta tombe, Didi ».
Très littéralement.
C’est ce que son Abuela disait.

- C’est… un rêve plutôt détaillé. Et profondément morbide.
Pendant quelques secondes, elle en perd la voix alors des souvenirs enfouis remonte.

La plage.
L’odeur du sable mouillé.
La douleur.
L’incommensurable douleur du cœur.
Le pauvre petit corps froid et sans vie.

Elle se secoue.
- Il a de quoi être troublé. Mais ce rêve n’a pas de sens. La femme, celle qui prend mon enfant, elle ressemble à celle que j’ai vu dans mon songe… Madre… ! Pourquoi me volerait-elle mon enfant ? Et puis, ajoute-t-elle avec sourire. mon seul amant du moment est un vampire. Il n’y a aucun risque que je tombe enceinte.

Elle s’approche néanmoins et se hisse sur la pointe des pieds pour l’embrasser sur la joue.
- Merci d’avoir partagé cette… mise en garde, Chamán lobo. Je serais prudente au cas où.

Mais sincèrement, elle n’éprouve aucune envie de se trouver un autre amant. A fortiori maintenant.
Le quotidien reprend son court, néanmoins Diana n’arrive pas à se débarrasser de ce drôle de frisson et les paroles d’Hunter résonnent constamment dans son esprit, la laissant songeuse… inquiète sans raison. Elle en fait même des cauchemars où passé et rêve du chaman se mélangent. Elle se réveille haletante, tremblante et en larmes, ne se calmant qu’une fois blottie contre Hyppolite. A ses questions, elle répond simplement que l’anniversaire de Gemma approchant, elle a des remontées traumatiques de ce moment. Diana ne souhaite pas encombrer le brillant esprit de son vampire avec de vaines inquiétudes.

Pourtant, Diana ne peut nier les étranges sensations corporelles qu’elle ressent. Des douleurs dans le bas du ventre, la fatigue et des nausées qui la prennent alors qu’elle travaille. Elle se convainque que tout ça n’est que le reflet de son esprit troublé. Rien de plus.

Un mois passe, elle ne saigne pas…
Stress sans doute.
Pour en avoir le cœur net, elle décide de faire une prise de sang, se traitant mentalement d’idiote. Il n’y a aucune chance pour que le résultat soit positif. Mais au moins en aura-t-elle le cœur net et elle cessera d’y penser. Le papier de ses résultats en main, elle s’isole dans la chambre qu’elle partage avec Hyppolite encore occupé à travailler. Les mains tremblantes, elle déplie la feuille et ses yeux parcourent rapidement les chiffres indiqués.
Elle en reste interdite, complètement estomaquée, fixant les résultats comme s’ils allaient soudainement lui révéler autre chose, attendant qu’une personne de l’infirmerie sorte du placard en riant de cette bonne blague. Mais rien. Rien que la vérité que recèle un taux d'hormones élevé. Elle en tremble de tous ses membres et en pousse une sorte de sanglot qu’elle contient comme elle peut en posant ses doigts sur sa bouche.

- Imposible…
 

Un mois s'est écoulé de puis cette étrange et fameuse Nuit. Malgré un quotidien réglé au millimètre -et détricoté dès que possible par Diana- Hyppolite Poirot n'a cessé d'y repenser. Souvent ses petites cellules grises s'égarent à la recherche d'un sens au rêve post-coïtal qu'il a eu et dont les images restent prégnantes dans son esprit. Diana a refusé net de lui relater son échange avec O'Rourke ou de revenir sur les mystères de son rituel célébratoire.
Depuis peu, le Rêve est devenu une source d'interrogation et d'études. Entre l'étrange apparition d'Hypnos et les expérience menées par Elehiel Thatcher relatées par Silviu Taur et corroborées par son jumeau, le Rêve pourrait bien devenir une arme en leur faveur.

En ce cas, quel sens donné au sien ?
Diana a-t-elle aussi rêvé ?
C'est tout à ses questionnements intérieurs qu'il ouvre la porte de sa chambre et s'apprête à retrouver sa compagne qui ne manque pas, en général de l'accueillir avec une mise en scène licencieuse ou une explosion sonore iconoclaste. Une incongruité hasardeuse dans son existence contrôlée au cordeau.
Sa marge d'erreur heureuse.
Mais aujourd'hui, nulle lingerie terriblement suggestive, point de musique chaloupée, rien qu'une femme prostrée sur leur lit. Cette absence brutale de chaos l'inquiète. Il s'approche de la jeune femme et pose chevaleresquement genou à terre pour mieux capter son regard fixé au sol.

- Diana, que se passe-t-il ?

Diana est tellement ailleurs qu’elle n’entend même pas la porte s’ouvrir et l’arrivée d’Hyppolite. La présence de son compagnon vampire envahit soudain sa vision et elle sursaute comme prise en faute.
Malgré son hébétude, elle voit bien l’inquiétude sur le visage du vampire.
- Diana, que se passe-t-il ?

La jeune femme ouvre la bouche mais l’absurdité totale de ce qu’elle doit lui dire, de ce qu’elle a découvert, l’empêche d’aller plus loin. Elle sert mécaniquement la feuille entre ses doigts, la froissant au passage. Comme si le simple fait de l’abimer allait en modifier le contenu. Son regard saute d’un iris marron à l’autre.

Un terrible mélange de peur, d’incrédulité et de joie lui sert la gorge. Elle lâche finalement le papier et pose des mains glacées sur le visage tout aussi froid de son amant.

- Hyppolite… estoy embarazada, chuchote-t-elle.
Et le dire à voix haute ne l’aide pas à assimiler ce fait. Elle passe un bras autour de sa taille alors que l’implication de ce qu’elle vient de prononcer la frappe de plein fouet et sa vision se brouille de larmes.
- Je… on va avoir… un bébé ?  

La main qu’elle a conservé sur la joue d’Hyppolyte, la caresse doucement.
Elle n’a jamais, JAMAIS entendu parler d’un enfant né de l'union d’un humain et d’un vampire. C’est impossible ! Hyppolite est mort, il est inconcevable qu'il puisse devenir père !
L’enfant qu’elle porte aura-t-il un cœur qui bat ? Elle se sent parfaitement incapable de donner à nouveau naissance à un mort-né !
Sauf que… si elle en croit sa prise de sang, la fécondation a eu lieu tout près du rituel…
Le rituel !!!
Est-ce qu’il a rendu Hyppolite fertile ? Est-ce même possible ? Toute à ses réflexions, elle ne se rend compte que tard du lourd silence qui vient de s’installer dans la chambre.

- Hyppolite… dis quelque chose je t’en prie !

- Hyppolite… estoy embarazada.

La machinerie formidable de ses petites cellules grises est à l'arrêt.
Blanc momentané.
Le vampire a très bien compris sa déclaration, mais son visage s'est fermé hermétiquement. Si Diana est enceinte, c'est qu'elle a fait l'amour avec d'autres hommes, d'autres amants, tout en chaleur et en sang frais. Elle l'avait pourtant prévenu qu'elle ne serait pas exclusive. Peut-être même que le père est O'Rourke et que là était l'objet de leur discussion. Qu'en sait-il ?
Rien.
Il avait espéré que leur relation soit telle qu'elle n'ait plus envie de voir ailleurs. Mais il est un idiot. Un idiot qui n'a jamais compris les femmes qu'il aimait.

- Je… on va avoir… un bébé ?

"On" ?
"On"!
Parce qu'il faut qu'il endosse le rôle de père, en sus ?
Le détective belge s'ébroue d'un rire grave aux consonnances sardoniques.

- Hyppolite… dis quelque chose je t’en prie !

Ce dernier se redresse, stoïque. Par reflexe de sauvegarde, il ressert le nœud de sa cravate et lisse son costume.

- Félicitations. Son ton atone témoigne du fait qu'il n'en pense pas un mot. Je suppose que c'est le "mot" qui s'impose. Qui est le père que j'ailles le féliciter à son tour ?

A l'intérieur, il hurle de douleur, blessé par le poison amer d'une nouvelle trahison. Malgré cela, il reste un animal à sang froid, qui, lorsqu'il souffre, se refugie dans sa carapace de cynisme en acier trempé.

Le rire qui résonne dans leur petite chambre ne plait pas du tout à Diana. Elle en connait les accents par cœur. A quelles pensées cyniques ses petites cellules grises sont-elles en train de penser ? A-t-il lui aussi peur de l’être qu’ils ont créé ?

- Hyppolite… dis quelque chose je t’en prie !
Il s’éloigne, se rhabille comme après un interrogatoire et la meiga fronce les sourcils, se levant à son tour pour continuer à lui faire face.
- Félicitations.
- Félicitations ? répète-t-elle d’une voix blanche notant toutefois combien le ton d’Hyppolite est froid.
- Je suppose que c'est le "mot" qui s'impose.
- Est-ce que tu as entendu ce que je viens de te dire ?
Elle en doute, ayant l’impression d’être soudain devenue une étrangère. Parce qu’elle porte leur enfant ? Une abomination à ses yeux ? La moutarde espagnole commence à lui monter au nez.
- Qui est le père que j'ailles le féliciter à son tour ?

Alors elle comprend ce qui agite les cellules grises de son idiot d’amant. Et sa première réaction est aussi enflammée que son tempérament. Ses joues rondes se colorent de rouge alors que son regard lance des éclairs sous le coup d’une colère avivée par sa peur. La gifle part à grande vitesse et claque sur la joue d’Hyppolite. Des larmes amères coulent des beaux yeux de Diana.

- Alors félicites toi donc, tonto vampiro ! Un flot de paroles et d'insultes en espagnol s'échappent des lèvres de la meiga jusqu'à ce qu'elle retrouve enfin des mots plus sensés. Tu crois sincèrement que je ne te l’aurais pas dit si j’allais voir ailleurs ? Que j’aurais fait ça dans ton dos ? Que tu ne l’aurais pas découvert ? Et que j’aurais en plus risqué une grossesse maintenant avec cet hypothétique autre amant ? Il n’y a que toi ! Alors que tu veilles l’entendre ou non, tu es le père… de…de ce que je porte ! Je ne sais pas comment, ni pourquoi mais je crois que la nuit du rituel… quelque chose s’est passé… et… et… je suis enceinte ! Je ne sais même pas de quoi exactement !

Elle prend enfin quelques secondes pour respirer, mais sent poindre la panique la plus totale. Le souffle et les jambes coupés, elle s’écroule sur le lit.

- Je suis désolée…souffle-t-elle finalement. Je ne sais ce que nous avons fait. Mais c’est là. Son regard dérive vers les résultats écrits noir sur blanc. Si c’est trop pour toi, je me débrouillerais seule.  

Après tout, elle le sait, mort ou vivant les hommes sont des lâches.

La colère de Diana fuse, hispanique et sanguine, et se matérialise. Le soufflet est trop faible pour lui faire réellement vriller la tête et le flot d'insultes effleure à peine son égo. Par contre, il subit le contre-coup de deux affirmations : l'une lui donne l'impression que son coeur bat de nouveau, l'autre le plonge dans une abîme de perplexité. Sa première réaction est terriblement logique et cartésienne.

- C'est impossible, affirme-t-il.
- Je ne sais pas comment, ni pourquoi mais je crois que la nuit du rituel… quelque chose s’est passé… et… et… je suis enceinte ! Je ne sais même pas de quoi exactement !

Il fronce les sourcils, ses petites cellules grises essayant de traiter la situation. Difficile de dépassionner le sujet d'analyse lorsqu'on est impliqué émotionnellement dedans jusqu'à la lie.

L'infertilité des vampires est prouvée.
Diana est une meiga, une sorte de druidesse qui vénère une entité  qu'elle nomme "Mère". Mère Nature, la Vie elle-même.
Il y a un pic de natalité indéniable depuis l'apparition d'Unseelie.
Le rituel célébrait le passage du solstice : symbole de renouveau.
Diana est enceinte de lui. (Il est "le seul")

Il y a d'autres grossesses singulières comme celle d'Elehiel Thatcher, réputée également impossible.

Il a fait un rêve singulier.

Les "Miraculeux" voyagent dans le Rêve.
Le Rêve échappe à Unseelie. Elle en a peur. Léviathan prétend qu'elle est la petite soeur d'Unseelie et qu'elle a peur du retour de "leur frère".
Ils sont toute une famille d'entités tutélaires: Mère-Nuit, le Rêve...
"Madre" ?
Madre serait-elle l'une d'elle ?

Tous les éléments sont sous ses yeux, les connexions se font lentement alors qu'il arpente les méandres de son résonnement.

Unseelie serait-elle....

- Si c’est trop pour toi, je me débrouillerais seule.  

L'échafaudage de ses pensées s'effondre brutalement. Une colère sourde s'empare de lui qui le pousse à écraser son poing contre le mur latéral, s'y encastrant pour y laisser une marque craquelée.

- Es-tu en train de sous-entendre que moi, Hyppolite Poirot, vais fuir mes responsabilités et laisser la femme dont je suis éperduement épris, et selon toute invraisemblance, la mère de mon enfant, affronter cette grossesse et ses conséquences, seule ?! Est-ce là toute la piètre opinion que tu as de moi et de l'amour que je te porte ?!

Il ne s'est jamais senti aussi insulté et furieux.

- Je ne suis pas forgé de la même étoffe que la plupart des mâles stupides et égoïstes que tu as connus Diana. Je suis Hyppolite Hercule Ernest Poirot ! Je ne m'engage jamais à la légère ! Quoi qu'il arrive nous seront deux et si enfant viable et sain il y a , je serais son père !

Le poing dans le mur la laisse interloquée quelques secondes. Non pas qu’elle craigne que cette violence lui soit destinée. Diana est simplement étonnée de le voir sortir de ses impeccables gonds.

- Ça va mieux ? lance-t-elle avec froideur.
- Es-tu en train de sous-entendre que moi, Hyppolite Poirot, vais fuir mes responsabilités et laisser la femme dont je suis éperdument épris, et selon toute invraisemblance, la mère de mon enfant, affronter cette grossesse et ses conséquences, seule ?!
- Oh je ne sais pas ! Elle se relève à nouveau pour lui faire face. La colère vaut mieux que la peur ou la panique. Est-ce que tu ne viens pas à l’instant me traiter de menteuse ? Est-ce que tu ne viens pas d’insinuer que j’étais capable de faire un enfant sans même t'en parler ? Quel effet tu crois que ça me fait ?
- Est-ce là toute la piètre opinion que tu as de moi et de l'amour que je te porte ?!
- Je dois te rappeler que la dernière fois qu’un homme m’a aimée, il a essayé de me tuer et a tué mon enfant ?
- Je ne suis pas forgé de la même étoffe que la plupart des mâles stupides et égoïstes que tu as connus Diana.
- Bien ! Tant mieux !
- Je suis Hyppolite Hercule Ernest Poirot ! Je ne m'engage jamais à la légère ! Quoi qu'il arrive nous seront deux et si enfant viable et sain il y a, je serais son père !
- Ah, tu as décidé ça tout seul ? Donc à présent la chose te semble possible. Tu ne veux pas de test de paternité ?

Dans un geste sorti de nulle part, Diana embrasse soudain le vampire à pleine bouche. Manière bien particulière d’apaiser sa colère, sa peur et la tension qui grimpait à un seuil critique entre eux. Elle se sert contre lui, s’accroche à ses épaules, toute tremblante.  

- J’ai peur, Hyppolite. Tellement peur… prends moi dans tes bras… Je ne sais pas à quoi ressemblera notre enfant… et…
Elle recule la tête pour le regarder dans les yeux. Les siens sont agrandis par l’angoisse.
- Il a quelque chose que je dois te dire. Tu te souviens du lendemain du rituel ? J’avais fait un rêve cette nuit-là. J’ai rêvé de Madre, qui nous remerciait. Mais elle était si triste… si désolée… Hunter… il a rêvé aussi cette nuit-là. C'est de ça qu'il voulait me parler. Il a vu une femme accoucher dans une clairière. Seule. Une autre femme s’est approchée d’elle. Elle avait les cheveux verts, le teint très pâle et… des ailes de papillon. Comme l’être dans mon songe. Madre… elle a ouvert le ventre de la future mère, la tuant sur le coup et a pris avec elle l’enfant. Hunter a … il a dit que le visage de la femme morte était le mien. Ce jour-là, ça ne m’a pas inquiété plus que ça. J’étais avec toi, je ne pensais pas que…je ne croyais pas pouvoir tomber enceinte. Mais aujourd’hui … ? Elle pose sa main contre son ventre. Pourquoi Madre voudrait notre enfant ? Je refuse de perdre un autre bébé, Hyppolite… Tu dois me promettre de sauver notre enfant, quoiqu’il arrive… Prometeme !  

- Ah, tu as décidé ça tout seul ?
- Quoi ?! Tu ne veux plus que je sois le père maintenant ?!
- Donc à présent la chose te semble possible.
- NON ! Mais nous ne somme plus à une aberration près dans ce monde chaotique où tout part à vau l'eau !
- Tu ne veux pas de test de paternité ?
- Je préfère t'épouser !

Les deux amants se hurlent dessus comme des poissonniers concurrents sur une même jetée, avant de brusquement se tomber dans les bras. Diana et Hyppolite s'embrasse, l'une à perdre le souffle, l'autre à raviver son rythme cardiaque.

- J’ai peur, Hyppolite. Tellement peur…
- Je sais, je sais...Je suis désolé d'avoir crié. fait-il en embrassant son beau visage poupon froissé d'anxiété. C'est si... Déconcertant.
- Prends moi dans tes bras…
- Tout ce que tu voudras, mon amour*.
- Je ne sais pas à quoi ressemblera notre enfant… et…
- Je ne sais pas non plus. Il n'y a qu'à espérer qu'il tienne davantage de toi que de moi.
- Il a quelque chose que je dois te dire.
- Si tu m'annonces maintenant que ce sont des jumeaux, permets moi quelques secondes pour accuser le coup, tente-t-il de la dérider avec son humour à froid.
-Tu te souviens du lendemain du rituel ? J’avais fait un rêve cette nuit-là.
- Un rêve...
Le vampire déglutit, toute son attention fixée sur la jeune femme.
- J’ai rêvé de Madre, qui nous remerciait. Mais elle était si triste… si désolée…
- A quoi ressemblait-elle ? demande-t-il avec ce ton clinique qu'il utilise quand ses petites cellules grises turbinent à plein régime.
- Hunter… il a rêvé aussi cette nuit-là. C'est de ça qu'il voulait me parler. Il a vu une femme accoucher dans une clairière. Seule. Une autre femme s’est approchée d’elle. Elle avait les cheveux verts, le teint très pâle et… des ailes de papillon. Comme l’être dans mon songe. Madre…

Cette fois, Hyppolite cille. La description de l'entité en question ressemble à s'y méprendre à celle qu'il a lui même visualisée.

- Elle a ouvert le ventre de la future mère, la tuant sur le coup et a pris avec elle l’enfant. Hunter a … il a dit que le visage de la femme morte était le mien.
- Comment ?!
- Ce jour-là, ça ne m’a pas inquiété plus que ça. J’étais avec toi, je ne pensais pas que…je ne croyais pas pouvoir tomber enceinte. Mais aujourd’hui … ? Pourquoi Madre voudrait notre enfant ?

Parce que "Madre" est...

- Je refuse de perdre un autre bébé, Hyppolite… Tu dois me promettre de sauver notre enfant, quoiqu’il arrive… Prometeme !
- Diana, tu ne perdras aucun enfant et je ne perdrais pas ma femme. Ni même cette progéniture miraculeuse. Il prend sa bouille ronde entre ses paumes. Je te crois, tu entends ? Je te crois. Moi aussi j'ai fait ce rêve. J'ai vu cette "femme", ta "madre" Bien que tout ceci soit contre-nature, je pense que ton rituel a effectivement permis à l'entité que tu pries de rendre féconde notre étreint, comme elle affole le baromètre des natalités depuis quelques temps. Je crains de comprendre où tout cela nous mène, mais j'ai besoin d'en être certain avant de te faire part de mes déductions. Quoi qu'il arrive à présent, il faut que tu n'évoques ton état à personne d'autre que moi et le médecin qui accompagnera secrètement ta grossesse. Je dois vérifier avec ma soeur si ma théorie est exacte. Tu as confiance en moi, Diana ?

Il la protégera coute que coute, dusse-t-il en mourir une seconde fois.

Parce que "Madre" est peut-être bien Unseelie.

- Diana, tu ne perdras aucun enfant et je ne perdrais pas ma femme. Ni même cette progéniture miraculeuse.
La jeune femme a un faible rire, posant ses paumes contre les mains fraiches du vampire.
- Je n’ai pas accepté de t’épouser, Hyppolite Hercule Ernest Poirot. Je sais que j’ai l’air d’une hystérique mais je crois Hunter et mon rêve… ça ne peut pas être une coïncidence.
- Je te crois, tu entends ? Je te crois. Moi aussi j'ai fait ce rêve. J'ai vu cette "femme", ta "madre" Bien que tout ceci soit contre-nature, je pense que ton rituel a effectivement permis à l'entité que tu pries de rendre féconde notre étreint, comme elle affole le baromètre des natalités depuis quelques temps.
Diana fixe son ventre et fronce les sourcils.
- J’ai la désagréable impression d’être un jouet et je déteste ça.
- Je crains de comprendre où tout cela nous mène, mais j'ai besoin d'en être certain avant de te faire part de mes déductions.

Elle fixe le vampire avec insistance. Sa réflexion suit son propre cheminement et fait des regroupements. La hausse des natalités, la présence de Madre même ici dans ce bunker, les ailes de papillons qu’elle portait dans son rêve, les mêmes que l’être qui la tuera…

- Quoi qu'il arrive à présent, il faut que tu n'évoques ton état à personne d'autre que moi et le médecin qui accompagnera secrètement ta grossesse.
- Quoi ? Mais… Elle a beau être habituée au secret, elle aurait aimé partager cela avec Marisol et Dysdérie. Qu’est-ce que… elle a soudain la bouche horriblement sèche, qu’est-ce que tu crains Hyppolite ? Dis-moi ! Ne me laisse pas dans le flou. C’est pire que tout.
- Je dois vérifier avec ma soeur si ma théorie est exacte. Tu as confiance en moi, Diana ?
Elle le fixe dans les yeux. [/color][/i]
- Evidemment ! Mais ne m’écarte pas comme un bibelot fragile qu’on doit préserver. Je suis directement concernée par tout ça !

Ses conclusions, elle les lui partage volontiers, même si elle en a le cœur brisé.
- Madre a des ailes de papillons. Les mêmes insectes qu’utilisent Unseelie à la surface dans le Brouillard. C’est… tu penses qu’il s’agit de la même entité n’est-ce pas ? C’est ça ? Qu’Elle veut notre mort à tous… Et pour une raison ou pour une autre, elle m’a menée exactement là où elle le désirait…
Tout son visage exprime l’affliction la plus profonde.
- Ca ne peut pas être ça… Elle est la Vie ! Elle la donne, jamais elle ne la reprend ! Elle est notre Protectrice ! Elle enserre son ventre de ses bras minces et bien impuissants. Que veut-Elle faire de notre bébé ? Tu as une idée. Je sais que tu en as une…  

- Evidemment ! Mais ne m’écarte pas comme un bibelot fragile qu’on doit préserver. Je suis directement concernée par tout ça !
- Ce n'est pas du tout ce que je fais. Je ne veux simplement pas m'avancer sans certitude. Mon éthique s'y réfuse.
- Madre a des ailes de papillons. Les mêmes insectes qu’utilisent Unseelie à la surface dans le Brouillard. C’est… tu penses qu’il s’agit de la même entité n’est-ce pas ?

Hyppolite pince les lèvres. La perceptivité de Diana défie sa logique et sa propre intuition. Elle est bien trop intelligente pour son propre bien.

- C’est ça ?

Son silence est une réponse en soi.

- Qu’Elle veut notre mort à tous… Et pour une raison ou pour une autre, elle m’a menée exactement là où elle le désirait…Ca ne peut pas être ça… Elle est la Vie ! Elle la donne, jamais elle ne la reprend ! Elle est notre Protectrice ! Que veut-Elle faire de notre bébé ? Tu as une idée. Je sais que tu en as une…
- Diana, c'est exactement pour t'empêcher de t'affoler de la sorte que je ne voulais pas que l'on s'avance sur ce terrain. Ce que je m'apprête à te dire est du domaine de l'hypothétique. Ce ne sont que des supposition de travail.

Il lui prend les mains et les presse résolument.

- A l'extérieur il y a eu une avancée inattendue alors même que la ville était prise. Une jeune fille du nom de Beitris Quiry a réuni autour d'elle des êtres spécifiques qui par une étrange concordance ont permis de soigner deux chrysalides en les purgeant de la maladie créée par Unseelie. Pour la première fois, Unseelie a vacillé. Comment le savons-nous ? Parce que ces mêmes êtres ont la capacité de voyager dans le "Rêve", ceux d'autrui mais également le royaume en tant que tel. Ils nous ont contacté via notre sommeil. La princesse "démon" des Cauchemars, Léviathan est l'un d'eux. Elle a toujours prétendu être la petite soeur d'Unseelie et cette fameuse Beitris se réclame elle-même d'être la "fille" de Leviathan.
Selon Silviu Taur, lui même prêtre de Mère-Nuit et théologien qui a travaillé auprès d'un de ces "Miraculeux" à perfectionner cette connexion au Rêve : la Nuit, le Temps, le Rêve sont des entités supérieures aux êtres, aux dieux eux-même et qui ne connaissent ni début, ni fin. Ils sont éternels et infinis qui n'interviennent jamais en personne dans notre monde. Ces "Infinis" incarnent de grands concepts immuables dont Vie, Mort, Destin ou Destruction feraient partie. Miss Quiry se réclame elle même d'être "Imagination" et Leviathan prétend être "Délire", concept finalement plus "petits" et rattachés au Rêve.
Le postulat de départ étant posé, la supposition est la suivante : Unseelie serait un de ces Infinis qui aurait été dévoyé et corrompu.

Il laisse filer un silence pour laisser à la meiga la possibilité de digérer ce flot d'information.

- Madre est la Vie. C'est toi même qui le dit. Malgré le fait que nous soyons coupés de la terre, toi, sa prêtresse parvient à établir une connexion avec elle lors de tes rituels et un chaman animiste né-loup la ressent aussi. Le taux de natalité qui explose, le fait que tu puisse me rendre fertile, le fait que les enfants et les animaux ne soient généralement pas affecté par les sbires d'Unseelie et sa maladie.... Tout cela aboutit à me faire croire qu'Unseelie est "Madre", soit la Vie elle-même. J'ignore ce qui a pu la transformer à ce point et la pousser à vouloir éradiquer l'humanité et, j'ignore pourquoi elle souhaite cet...notre enfant. Si les "petits" infinis sont visiblement capables de s'incarner, cela semble plus délicat pour les plus grands.

Il ferme les yeux et les rouvre.

- Peut-être cherche-t-elle un corps pour elle-même...