"Je veux pouvoir croire qu'entre nous, une confiance absolue et totale règne, et vous le prouver."

Qu'est-ce qu'une phrase si ce n'est une suite de mots pour exprimer une pensée un sentiment ? Rien. Rien d'autre que cela. Alors pourquoi, celle-ci en particulier, reste-t-elle obstinément dans sa mémoire ? A tourner en boucle comme un carrousel détraqué.
Inutile d'aller chercher bien loin.
Parce que Salomon Grass, Büer, Jardinier des Enfers, lui propose quelque chose qu'elle n'a jamais eu et qu'elle n'a jamais donné.
La confiance absolue.
Deux mots qui résonnent aussi dangereusement que séduisants.
Elle souhaiterait de tout son être que la chose fut possible mais une méfiance, façonnée pendant des siècles au Pandémonium, la retient malgré tout.

La Marquise n'a plus tenté de visites nocturnes par la suite, considérant malgré son envie que c'était toutefois dépasser les limites de l'amitié acceptable. Et aussi pour éviter toute ... tentation malvenue pour l'un comme pour l'autre.  
Ce qui ne l'empêche pas de passer un temps considérable avec lui la journée lorsqu'elle n'est pas en visite ici et là et que lui n'est pas avec sa dulcinée. Dans ces cas là, Octavia reste en retrait, leur laissant l'espace nécessaire pour... eh bien elle ne sais pas exactement ce qu'ils font et à la réflexion, elle ne souhaite pas savoir.

Après avoir passé la journée à la caserne des militaires humains pour simplement observer et poser quelque question à leur chef - un drôle de personnage par ailleurs qui la regardait en rougissant comme un enfant sans qu'elle ne sache pourquoi. Tout comme elle ne sait pas pourquoi un petit quelque chose chez lui lui parait familier. Là n'est pas la question... - et discuter avec le dragon, Octavia revient au dispensaire à l'ambiance plutôt tranquille. Signe que le club des joyeux petits vieux fait la sieste. Elle salut Ohanzee Figtree, Cazdyan et Jhaelynra d'un sourire poli avant de se diriger vers le laboratoire, l'humeur soudain plus légère. Elle ne fait pas un bruit en entrant et découvre Salomon assis devant un microscope en train de soupirer.

Elle pince les lèvres pour ne pas rire devant se criant tableau du désœuvrement.
Agissant sur un coup de tête, elle se téléporte dans son dos. Ses paumes cerclent délicatement ses bras, et son menton vient trôner sur son épaule.

- J'ai l'impression que vous vous ennuyer, carissime... chuchote-t-elle dans le creux de son oreille. Son sourire s'agrandit, malicieux soudain.
- Vous aurais-je manquée ? s'amuse-t-elle.

Elle attire un tabouret à ses côtés et s'y assoit.
- J'ai peut-être de quoi vous occuper l'esprit, mon cher. Elle marque une pause pour ménager son suspense en dardant son regard déterminé dans le sien. Vous savez, je repense parfois à ce que vous m'avez dit sur nos pouvoirs démoniaques et sur le fait que nous en possédons certainement deux faces. Je souhaiterai... explorer et expérimenter la chose avec vous. Si cela vous sied bien évidemment et que vous n'avez rien d'urgent sur le feu.

Elle jette un petit coup d'oeil amusé autour d'eux comme si elle s'attendait à ce qu'une tâche, un patient ou tout autre chose ne vienne les interrompre.  

Slowly we unfurl
As lotus flowers
'Cause all I want is the moon upon a stick
Just to see what if
Just to see what is

La bataille se prépare. Le Jour n'a pas encore été arrêté, mais les préparatifs sont notables, visibles par touches subtiles. La plus pernicieuse demeure sans doute la tension de l'attente, cette sensation insupportable de suspension entre deux états. Les entrainements croisés redoublent d'intensité, les ambassadeurs humains redoublent de prévenance et de tractations pour maintenir les faes sous une certaine pression. L'attaque est imminente qu'il se tienne pour dit.

Cela n'empêche le grand Jardinier du Pandémonium de s'ennuyer ferme.

Son rôle durant cette guerre est à la fois essentiel et ridiculement simpliste : s'occuper de l'hôpital de campagne à l'orée de la ville pour soigner les blessés qui seront extrait du Brouillard. Son équipe de soignants est déjà prête, le protocole rédigé et transmis, il n'y aura plus qu'à aménager la caserne en infirmerie géante.
Voilà.
Rien de bien palpitant sur lequel exalter sa cervelle.

De plus, Octavia est partie en visite sur un autre site et son observation du cycle de reproduction des leshis s'enlise dans l'apathie. "L'ennui peut pousser à tout." clamait Dostoïevski et de fait, il pousse l'esprit de Salomon à vagabonder sur des terrains pétris d'ornières. Celui de ses émotions personnelles.

Octavia n'est jamais revenue le visiter la nuit en personne et pourtant son fantôme hante chacune d'elle. Il repense souvent à sa taille menue, ceinturée par le ruban de soie du peignoir, la peau mouchetée et nue offerte à l'indiscrétion dans le bâillement délicat du tissus, la silhouette suggérée de ce sein vu à la dérobé, son expression lumineuse et avide de découverte, la fragilité de ses insécurités susurrées dans la pénombre et, bien entendu, leur promesse secrète.
La Marquise est avec lui dès qu'il ferme les yeux pour se reposer et cela commence à devenir un problème.
N'avait-il pas un comportement de même nature obsessive avec Jhaelynra ?
Sa santé mentale est-elle à remettre en cause ?
Il effectue régulièrement des batteries de tests sur lui même, prenant Cazdyan à témoins des résultats. Il est déterminant qu'avant l'acte final de cette lutte, il soit parfaitement en moyens. Ses constantes semblent pourtant parfaitement normales.

- J'ai l'impression que vous vous ennuyez, carissime...

Le démon sursaute en sentant le souffle d'Octavia lui caressé la joue. Son parfum est reconnaissable comme la pointe de souffre qui accompagne en général toute téléportation.

- Vous me surprenez en flagrant délit de rêverie improductive, ma chère ! fait-il en étouffant sa gêne par un ricanement embarrassé.
- Vous aurais-je manquée ?

Un silence s'ensuit, donnant à Octavia trop facilement raison.

- Croyez-vous que je ne puisse pas me passer de vous ? demande-t-il en essayant de paraitre léger. Je déplore chacune de vos absences, bien entendu, ajoute-t-il cependant, incapable de mentir.
- J'ai peut-être de quoi vous occuper l'esprit, mon cher.
- Par pitié, je ne demande que ça. Si je dois observer une seule cellule de plus de ce phloème leshi, je vais me consumer d'ennui.
- Vous savez, je repense parfois à ce que vous m'avez dit sur nos pouvoirs démoniaques et sur le fait que nous en possédons certainement deux faces. Je souhaiterai... explorer et expérimenter la chose avec vous. Si cela vous sied bien évidemment et que vous n'avez rien d'urgent sur le feu.

Les prunelles vertes de Salomon s'allume d'un feu vif : celui de l'intérêt le plus sauvage et le plus ardent !

- Je suis votre obligé ! fait-il en se levant d'un bond. Mais pas ici, cependant, il nous faut un lieu sécuriser pour déployer vos dons !

Envolées ses préoccupations et sa mélancolie, le démon frétille littéralement à la perspective d'un mystère scientifico-magique à résoudre.

- Croyez-vous que je ne puisse pas me passer de vous ?
- J'en suis convaincue, déclare-t-elle le plus naturellement du monde, les yeux plissés et emplis d'une lueur amusée pour qui la connait.
- Je déplore chacune de vos absences, bien entendu.
- Oh j'avais donc raison ! Quelle surprise... si cela peut vous consoler, j'aurais nettement préféré votre compagnie. Bien que ma conversation avec Neorvrim fut très agréable.

Malgré tout, il n'est pas Salomon. Personne ne lui arrive à la cheville.
Une fois installée à côté de lui, elle lui annonce sans détour.

- J'ai peut-être de quoi vous occuper l'esprit, mon cher.
- Par pitié, je ne demande que ça. Si je dois observer une seule cellule de plus de ce phloème leshi, je vais me consumer d'ennui.
- Voilà qui serait fâcheux. Vous savez, je repense parfois à ce que vous m'avez dit sur nos pouvoirs démoniaques et sur le fait que nous en possédons certainement deux faces. Je souhaiterai... explorer et expérimenter la chose avec vous. Si cela vous sied bien évidemment et que vous n'avez rien d'urgent sur le feu.

C'est avec un plaisir non dissimulé qu'elle voit apparaitre l'étincelle de l'intérêt dans le regard de Salomon. Elle se penche vers lui pour l'observer au plus près.

- Saviez-vous que lorsque vous éprouvez une émotion forte, notamment l'excitation, vos prunelles s'illuminent littéralement comme des petits néons ?
C'est en parti ce qui fait de lui un si mauvais menteur. Et c'est aussi pour cela qu'elle ne l'apprécie que d'avantage.
- Je suis votre obligé !
Elle rit en le voyant s'activer soudain avec énergie.
- Ravie de constater que je ne me suis pas trompée.
- Mais pas ici, cependant, il nous faut un lieu sécuriser pour déployer vos dons !
- Je suis tout à fait d'accord. C'est pourquoi je me suis permise de demander à Cazdyan un lieu adéquat. J'y suis allée en éclaireur il y a quelques jours. Mais je me dois de vous prévenir que l'endroit en question n'est pas exempt de danger puisque nous serons très proche d'un fae qui se fait appeler le Cavalier sans Tête. Un être peu recommandable. Nous nous protégerons l'un l'autre, n'est-ce pas ? lui fait-elle avec un sourire avant de prendre ses mains dans les siennes et de les téléporter dans l'endroit en question.

La frontière entre le territoire du fae et le reste de la forêt est plus qu'évidente puisque la végétation verdoyante laisse soudain place aux ronces, aux chardons et autres plantes déjà à moitié mortes.  
Octavia garde un instant le silence devant ce spectacle de désolation.
- Je suis navrée de vous infliger cette vision mais je ne souhaitais nullement détruire quelque chose de précieux aux yeux de la forêt - et à ceux de Salomon... - A priori nous ne craignons rien tant que nous ne pénétrons pas plus avant dans son territoire et que nous nous tenions loin de cet arbre là-bas. Bien ! fait-elle avec cette détermination qui la caractérise dès qu'elle s'est mise une idée en tête. J'imagine qu'il vaudrait mieux que je commence par une démonstration de ce dont je suis capable.

La démone s'éloigne de Salomon de plusieurs pas et choisit un bosquet fait de ronces enroulées autour d'arbrisseaux à l'agonie.
- Quoi qu'il arrive n'approchez pas de la fumée que je vais invoquer.

Ses mains se mettent soudain à craqueler et rougeoyer entre les fissures, comme si elles brûlaient vraiment de l'intérieur. Elles sont ensuite prises de légers tremblements. Pourtant le visage de la démone n'exprime rien si ce n'est de la concentration. Des veloutes de fumée s'échappent petit à petit d'entre les creux de sa peau mais restent docilement autour de ses doigts comme un animal tenu en laisse. La température autour de la marquise s'intensifie puis d'un geste brusque des paumes, elle libère la mini nuée ardente sur le pauvre buisson qui n'a aucune chance, tout comme ce qui se trouvait sur le passage de la fumée ardente.

Octavia referme les poings et la fumée disparait alors que ses mains retrouvent doucement leurs aspects immaculés.
Sa bouche esquisse une grimace lorsqu'elle voit les restes calcinés de ce qui était encore vivant il y a quelques secondes à peine et qui est à présent recouvert de cendres.
- Voilà le cadeau du Pandémonium. Ma fumée est composée de cendres et de divers gaz volcaniques. Vapeur d'eau, dioxyde de carbone évidemment mais aussi dioxyde de soufre, monoxyde de carbone, sulfure d'hydrogène, chlorure d'hydrogène et pour finir du dihydrogène. Je l'ai fais analyser dès que la chose a été permise par la science, confie-elle avec un petit sourire presque penaud en essayant d'être la plus précise possible. Elle n'a jamais vraiment apprécié ce pouvoir destructeur. L'ensemble forme une nuée ardente qui atteint les 350°C lorsqu'elle sort de mes mains et de plus de 500 °C lorsqu'elle provient directement de mon corps sous ma forme démoniaque. Comme vous le constater... elle détruit tout sans distinction.

- Je suis tout à fait d'accord. C'est pourquoi je me suis permise de demander à Cazdyan un lieu adéquat.
- Quel lieu a-t-il suggéré ? Est-ce au sein de la forêt ? s'étonne-t-il.
- J'y suis allée en éclaireur il y a quelques jours. Mais je me dois de vous prévenir que l'endroit en question n'est pas exempt de danger puisque nous serons très proche d'un fae qui se fait appeler le Cavalier sans Tête. Un être peu recommandable.
- Un Dullahan ?! Octavia, cet être est d'une dangerosité extrême. La valeureuse Chhaya en a fait les frais en se voyant paralysée par un poison particulièrement virulent et ce même sur des démons avec une certaine ancienneté. Est-ce réellement prudent ?
- Nous nous protégerons l'un l'autre, n'est-ce pas ?
- J'espère être suffisamment alerte pour être votre bouclier et le mien, par la même occasion, murmure le Jardinier, pas tout à fait certain de ce fait.

Les deux comparses se téléportent dans un endroit funeste qui hume la pourriture doucereuse propre à la Mort. Au moins n'est-il pas dépaysé par ce parfum qu'il ne connait que trop bien.

- Je suis navrée de vous infliger cette vision mais je ne souhaitais nullement détruire quelque chose de précieux aux yeux de la forêt.
- Elle est vous est gré de cela, soyez en sûre.
- A priori nous ne craignons rien tant que nous ne pénétrons pas plus avant dans son territoire et que nous nous tenions loin de cet arbre là-bas.
- Entendu. Bien que... ! - Bien ! lâchent les deux démons en même temps.

Salomon a un petit rire détendu.

- ... Après-vous, fait-il en toute galanterie.
- J'imagine qu'il vaudrait mieux que je commence par une démonstration de ce dont je suis capable.
- Je pense qu'il s'agit effectivement d'un préambule nécessaire.
- Quoi qu'il arrive n'approchez pas de la fumée que je vais invoquer.

Le Jardinier se poste prudemment sur le flanc d'Octavia, retenant son coude avec un bras enroulé autour de sa poitrine tout en se tripotant le menton, concentré. Il ne manque pas une miette de la manifestation de pouvoir démoniaque.

- Voilà le cadeau du Pandémonium.
- Prodigieux..., souffle-t-il en un chuchotement à peine audible. Votre don nous sera d'une grande utilité contre les créature du Brouillard, si tant soit est que vous nous accompagniez, ajoute-t-il plus haut.

Il prend les mains de sa compagne d'expérimentation entre ses doigts et en ausculte la surface, avec les sourcils froncés du penseur actif. Il s'apprête à lui poser des questions mais la Marquise devance chacune d'elle.

- Ma fumée est composée de cendres et de divers gaz volcaniques. Vapeur d'eau, dioxyde de carbone évidemment mais aussi dioxyde de soufre, monoxyde de carbone, sulfure d'hydrogène, chlorure d'hydrogène et pour finir du dihydrogène. Je l'ai fais analyser dès que la chose a été permise par la science, confie-elle avec un petit sourire presque penaud en essayant d'être la plus précise possible.
- En femme avisée que vous êtes, complimente Salomon avec un petit sourire malicieux. Je n'en attendais pas moins. Savez-vous à quelle température s'élève cette projection de fournaise toxique ?
- L'ensemble forme une nuée ardente qui atteint les 350°C lorsqu'elle sort de mes mains et de plus de 500 °C lorsqu'elle provient directement de mon corps sous ma forme démoniaque. Comme vous le constater... elle détruit tout sans distinction.
- Je pense qu'elle le pourrait avec un contrôle mental plus adapté et de l'entrainement...

Ses prunelles pétillent, témoignant de l'intensité cérébrale mise en oeuvre sur la question.

- Voilà ce que je vous propose : dans un premier temps, j'aimerais pouvoir observer plus attentivement votre activité physiologique pendant que vous mobilisez votre nuée ardente en apposant mes mains sur votre crâne. Une fois certain de mes observations, nous procéderons à une série d'expériences comme suit : je vais vous demander d'essayer de moduler la chaleur le votre nuée en conscientisant la chose. Je consignerais comment se comporte l'alchimie de votre corps jusqu'à atteindre le seuil que nous aurons fixé ensemble ; Ensuite nous tâcherons de vous faire subtilement changer la trajectoire de vos nuées et leur portée, nous essaierons de comprendre l'élasticité effective de celle-ci ; Et enfin, nous tenterons de voir si vous pouvez altérer la composition de ces nuées en opérant le retrait d'un ou plusieurs élément de la composition de celles-ci. Qu'en pensez-vous ?

- Prodigieux...
- Vraiment ? Peu utile dans les faits serait plus juste.
- Votre don nous sera d'une grande utilité contre les créatures du Brouillard, si tant soit est que vous nous accompagniez
- Cela reste encore à voir, vous le savez bien, lui répond-elle du tac au tac alors qu’il examine ses mains sous toutes les coutures.

Le voyant plonger dans ses pensées, elle lui livre les informations les plus importantes qui sont à sa disposition, lui souriant au passage lorsqu’il complimente sa curiosité.
- Il m’a semblé judicieux de connaitre la nature exacte de ce que mon corps produisait. Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris que ma fumée était la composition exacte d’une nuée ardente. J’ai trouvé cela follement ironique. Pour répondre à votre question, l'ensemble forme une nuée ardente qui atteint les 350°C lorsqu'elle sort de mes mains et de plus de 500 °C lorsqu'elle provient directement de mon corps sous ma forme démoniaque. Comme vous le constater... elle détruit tout sans distinction.
- Je pense qu'elle le pourrait avec un contrôle mental plus adapté et de l'entrainement...
Elle lève les yeux vers le Jardinier, un sourcil arqué.
- Cela n’en fera pour autant pas un pouvoir bénéfique.
- Voilà ce que je vous propose : dans un premier temps, j'aimerais pouvoir observer plus attentivement votre activité physiologique pendant que vous mobilisez votre nuée ardente en apposant mes mains sur votre crâne.
- Cela risque d’être dangereux pour vous. N’avez-vous pas senti comme l’air s’échauffe autour de moi ? J’imagine que mon corps en fait de même.
- Une fois certain de mes observations, nous procéderons à une série d'expériences comme suit : je vais vous demander d'essayer de moduler la chaleur de votre nuée en conscientisant la chose.
- Moduler la chaleur ? Je crains de ne pas être pourvue d'un bon thermostat, ironise-t-elle avant de hausser les épaules. Je peux essayer mais vous me prêtez des compétences que je n’ai pas.  
- Je consignerais comment se comporte l'alchimie de votre corps jusqu'à atteindre le seuil que nous aurons fixé ensemble.
- Si tant est que j’y parvienne.
- Ensuite nous tâcherons de vous faire subtilement changer la trajectoire de vos nuées et leur portée, nous essaierons de comprendre l'élasticité effective de celle-ci.
- A ce sujet, la chose est plus facile. C’est l’une des rares choses pour laquelle je me suis entrainée afin d’éviter des carnages inutiles.
- Et enfin, nous tenterons de voir si vous pouvez altérer la composition de ces nuées en opérant le retrait d'un ou plusieurs éléments de la composition de celles-ci.
Cette fois, elle le regarde, complètement interloquée.
- Qu'en pensez-vous ?
- C’est… je… c’est impossible. Je veux dire, votre dernière proposition. Pas en l’état.

Elle fronce les sourcils, perdue dans ses réflexions à son tour, tapotant régulièrement sur ses lèvres comme si elle voulait donner un rythme au cours de ses pensées.  

- Pour la température, il est… concevable que j’y parvienne. Parce que je sais ce qu’est le chaud et le froid. Par contre, pour la composition c’est bien plus délicat. Cela n’est pas parce que je vous cite tous ces gaz que je les connais. Piquent-t-ils la peau ? Quelles sont leurs masses dans cet ensemble ? Ont-ils une odeur ? Hormis le dioxyde de souffre évidemment. Ils sont trop…abstraits pour mon esprit. Il faudrait que je me… familiarise avec chacun d’eux pour les identifier et de fait pouvoir éventuellement les annihiler de la formule. Voyez-vous ce que je veux dire ? Sans cela, cela reviendrait à me demander de faire sortir une personne très précise d’une foule sans savoir à quoi elle ressemble.

Elle balaie l’air de sa main d’un geste vif.
- Mais commençons par le commencement.
Elle prend la main de Salomon et l’entraine vers un nouveau bosquet. Là, elle se poste devant lui, lui tournant le dos.
- Retentons si vous le voulez. Restez derrière moi et ne bougez pas. Promettez-moi également de retirer vos mains et de vous éloignez de moi si la chaleur se fait trop forte. Elle jette un coup d’œil par-dessus son épaule. Promettez, Salomon. Vous blesser est la dernière chose que je souhaite, ajoute-t-elle avec douceur.

Elle patiente jusqu’à obtenir satisfaction puis fait à nouveau appel à son pouvoir, prenant garde à ce qu’aucun filament de fumée n’échappe à son contrôle.

- C’est… je… c’est impossible.
- Allons bon ! Vous voilà bien péremptoire, Octavia.
- Je veux dire, votre dernière proposition. Pas en l’état.
-  “Nous ne sommes savants que de la science présente.” disait Montaigne, à nous d'en repousser les limites. Aristote ne disait-il pas lui même que la science consistait à aller d'un étonnement à un autre ? Ne fermer pas votre esprit à la possibilité que vous êtes capable d'accomplir des prouesses. C'est là le meilleur moyen de ne jamais vous dépasser.

Salomon observe son ainée s'abîmer dans la réflexion à son tour. Diantre qu'il aime ce petit pli soucieux entre ses sourcils, l'animation dans ses prunelles noisettes et la manière dont elle martyrise avec aplomb le charnu de sa lèvre. Il est pour lui une évidence en cet instant : dans la fameuse recette du "charme" -dont le mystère reste épais et la valeur inquantifiable- l'intelligence d'une femme -de celle-ci en particulier- est un ingrédient primordial.
Pour que le charme soit effectif sur luis'entend.

- Pour la température, il est… concevable que j’y parvienne. Parce que je sais ce qu’est le chaud et le froid.
- Poursuivez...

Il marche autours de la Marquise, main dans le dos, fixant sur elle son regard perçant. Il chemine avec elle sur les voies de son raisonnement.

- Par contre, pour la composition c’est bien plus délicat.
- Pourquoi cela... susurre-t-il avec un demi-sourire.
- Cela n’est pas parce que je vous cite tous ces gaz que je les connais. Piquent-t-ils la peau ? Quelles sont leurs masses dans cet ensemble ? Ont-ils une odeur ? Hormis le dioxyde de souffre évidemment. Ils sont trop…abstraits pour mon esprit. Il faudrait que je me… familiarise avec chacun d’eux pour les identifier et de fait pouvoir éventuellement les annihiler de la formule. Voyez-vous ce que je veux dire ?
- Parfaitement. Vos arguments sont logiques quoi qu'un peu trop cloisonnés.
- Sans cela, cela reviendrait à me demander de faire sortir une personne très précise d’une foule sans savoir à quoi elle ressemble, objecte-t-elle -et les Infinis savent qu'il trouve délicieux qu'elle le contredise.
- Ce n'est pas parce que vous ne conscientisez pas cette formule et ses composants que vous en ignorez tout. Le corps sait ! clame-t-il avec ferveur. Savez-vous combien  de litres d'eau il vous est nécessaire par jour ? Comment le système digestif synthétise chaque nutriment et en quelle quantité ? A quelle vitesse la peau se renouvèle ? Evidemment que non, mais le corps, dans l'entretien de sa mécanique a cette information inscrite dans votre code génétique. La Métamorphose a encrypté d'autres informations en transformant l'âme et en impactant de fait l'enveloppe dont nous disposons. Votre don fait partie de ces nouvelles données. Tout l'enjeu est désormais d'ordonner à cette partie inconsciente de votre cervelle qui  maintien la mécanique du corps en fonction de nouveaux ordre. En d'autres terme, de permettre à l'esprit d'influer sur la matière pour que vous puissiez en pensant "Je veux retirer le dioxyde de carbone de l'équation", que votre corps prennent le relais et se fasse ouvrier besogneux au service de votre injonction.

Elle balaie l'air d'un geste énergique et gracieux, quoi qu'un tantinet agacé peut-être. Etrangement, cela amuse beaucoup le Jardinier.


- Mais commençons par le commencement.
- Soit ma chère Marquise, fait-il en se laissant docilement guider.
- Retentons si vous le voulez. Restez derrière moi et ne bougez pas.

Il pince les lèvres devant cet excès d'autoritarisme qu'il trouve piquant et peut-être même séduisant. Le mot est lâché dans son esprit comme un cheval fougueux.

- Promettez-moi également de retirer vos mains et de vous éloignez de moi si la chaleur se fait trop forte.
- A vos ordres, Ma Dame.
- Promettez, Salomon. Vous blesser est la dernière chose que je souhaite.

Il pose ses grandes mains effilées sur ses épaules et croise son regard.

- Je vous le promets, Octavia.

Ses phalanges remontent délicatement le long de la ligne de son cou, effleurant sa peau et se fixent en pattes d'araignée sur son scalp, front et tempes. Il la dépasse d'une bonne tête et pourrait presque poser son menton sur le sommet de son crâne. Salomon étend ses appendices au contact de la chair d'Octavia et s'invite "en elle" pour mieux évaluer l'alchimie à l'œuvre.
Effectivement, la chaleur dégagée par la démone est vite étouffante, voir insoutenable pour l'être à demi-végétal qu'il est. Sa peau craquèle. L'air crépite et se vide de tout oxygène, poussant Salomon à refluer avant d'être lui asséché. Cependant, il a tout de même réussi à récupérer quelques premier éléments d'informations. Après une petite quinte de toux et un bon bol d'air frais, il les lui livre.

- Comme je m'en doutais, vos hormones thyroïdes sont libérées en très grandes quantités quand vous lancez votre nuée ardente. Ces hormones sont le moteur de bien des fonctions dans l'organisme mais dans le cas qui nous intéresse, elles génèrent la chaleur corporelle. Actuellement, la régulation est inexistante, mais d'ordinaire c'est l'hypophyse qui a pour tâche de juguler les hormones thyroïdiennes, hors là, la THS est présente en si grande quantité qu'elle opère comme un booster d'effet.

Il prend une grande inspiration et l'observe avec cette intensité perçante à laquelle il est difficile de se soustraire.

- Il faut que vous recommenciez plusieurs fois afin que je sois certain de mes observations. Si elles sont justes, lorsque vous essaierez de réduire la température de votre nuée, je devrais voir votre taux de THS diminuer dans votre organisme.

Seul le regard d’Octavia bouge pendant que Salomon lui tourne autour, comme un combattant jaugeant son challenger. Et de fait, ce sont leurs esprits qui joutent avec l’exaltation unique éprouvée face à un adversaire de taille. Une sensation à laquelle la Marquise a encore bien du mal à s’habituer mais qui déclenche invariable des frissons le long de son échine. Ceux éprouver face à un défi de taille. Et des défis, sa vie n’en manque pas depuis qu’elle se trouve à la surface… depuis qu’elle côtoie Salomon Grass et son esprit hors du commun.

La démone réduit les quelques centimètres qui les séparent à peau de chagrin, se rendant pour cette fois.
- Si je vous suis bien mon cher Buër, je dois considérer mes pouvoirs comme une extension de mon corps et non pas comme un outil à ma disposition… qu’il n’y a que de cette façon que je pourrais le contrôler véritablement. Intéressant…

A vrai dire cela changerait effectivement sa perception des choses et repousserait les limites de ce dont elle se sait capable. En théorie.
- Et dans ce cas, je pourrais rendre cette nuée aussi inoffensive qu’un nuage ? Je pourrais… faire pleuvoir ou neiger en ne gardant que la vapeur d’eau, la bonne température et la pression adéquate de la nuée que je forme ?

Cette idée a beau lui sembler abracadabrante, elle se sent malgré tout titiller par le défi et un sourire vient faire frémir ses lèvres. Pour autant, inutile de brûler de étapes. L’ordre et la logique avant tout et elle les remet tout deux sur les rails du présent.
La délicatesse avec laquelle les doigts de Salomon glissent de ses épaules pour grimper sur son crâne déclenche une chair de poule intempestive qu’elle tente de refouler au mieux avant qu’il ne s’en aperçoive.
La promesse arrachée, elle hoche la tête et se concentre plutôt sur son pouvoir. Sitôt que le contact se rompt, elle arrête tout et se tourne vers lui.

- Salomon ! s’exclame-t-elle, horrifiée avant de se précipiter vers lui.
L’état de la peau du Jardinier la laisse quelques secondes sans voix alors qu’elle encercle son visage déshydraté de ses paumes encore trop chaudes. Aussitôt qu’elle s’en rend compte, elle les retire.
- Par Isis, quelle idiote ! se fustige-t-elle avant de reporter toute son attention vers le démon sans plus le toucher. Comment vous sentez vous ? … Verdure et chaleur ne font guère bon ménage… avez-vous au moins appris quelque chose ?

Elle écoute ses observations avec attention, presque aussi attentive à la régénération de ses tissus qu’à ses mots.

- Il faut que vous recommenciez plusieurs fois afin que je sois certain de mes observations. Si elles sont justes, lorsque vous essaierez de réduire la température de votre nuée, je devrais voir votre taux de THS diminuer dans votre organisme.
Elle le scrute dans les yeux, le regard sévère.
- Vous aimez souffrir, mon cher ?
Elle soupire longuement parce qu’elle sait qu’il a raison mais savoir qu’elle lui fait sciemment du mal reste compliquer à accepter. Elle observe ses mains, redevenues aussi lisses que d’ordinaire. Elle se glisse jusqu’à la joue de Salomon qu’elle baise tendrement.
- Pour me faire pardonner par avance.

Ils renouvellent donc plusieurs fois l’opération, laissant à chaque fois une pause au démon pour se remettre, sous le regard inquiet et coupable d’Octavia. D’abord en ne changeant aucun paramètre puis la Marquise s’essaie à des changements.
- A votre avis ? Dois-je songer à faire descendre cette hormone ou à simplement faire baisser la température comme sur un bon vieux thermomètre ? Je vais commencer par une cinquantaine de degrés, voire une centaine si j’y parviens.
Au final, elle ne sait pas tellement ce à quoi elle pense pendant ce fameux essai. Peut-être un mélange des deux options. Peut-être décrète-t-elle simplement que ça n’est pas une nuée ardente qui va mener la Marquise des Infanticides et la Grande Intendante de Belzébuth à la baguette. Elle entend bien lui – et se – prouver l’inverse.

Lorsqu’elle sent Salomon reculer, elle se tourne, pour la septième fois à présent, vers lui. A chaque tentative, les mains de la démone mettent plus de temps pour se soigner.
- Par les dieux ! Je ne me fais pas à l’idée de vous faire mal… Alors ? Avez-vous constaté quelque chose ? demande-t-elle avec une pointe d’espoir dans la voix.    

- Salomon !

Le Jardinier darde sur la Marquise ses grand yeux expressifs, surpris de la voir si alarmée. Il était si concentré sur sa tâche qu'il ne sent les brûlures qu'à rebours. Ses paumes sur ses joues sont douloureuses et tendres à la fois, un bien étrange mélange de sensations contradictoires. Consciente soudain de sa température toujours élevée, la démone rompt promptement le contact.

- Par Isis, quelle idiote !
- Ne vous fustigez pas de la sorte, très chère amie. Sachez cependant que votre prévenance me touche au plus haut point.
- Comment vous sentez vous ?
- Déshydraté, je le crains, mais rien qui ne se résorbe pas de lui même.
- … Verdure et chaleur ne font guère bon ménage…
- Est-ce de mauvaise augure pour notre amitié, croyez-vous ?tente-t-il de dédramatiser avec un humour maladroit.
- Avez-vous au moins appris quelque chose ?

Salomon lui fait part de ses observations et du fait qu'il devront réitérer plusieurs fois afin qu'il puisse les confirmer avec certitude.

- Vous aimez souffrir, mon cher ?
- Peut-on réellement parler de souffrance si cela me permet non seulement de vous aider mais également de profiter de votre exaltante compagnie.
- Pour me faire pardonner par avance.

Le baiser, chaste comme le bruissement d'ailes de papillon venu butiner dans la corole d'une fleur, fait naitre d'incongrues bulles de savons dans le creux de son ventre et de sa poitrine. Curieux...

- V... Vous êtes toute pardonnée, Octavia, souffle-t-il, bizarrement troublé par ce geste qui rappelle celui qu'elle a eu cette nuit là. La fameuse nuit. Néanmoins, son esprit ne doit pas s'éparpiller et ils se remettent aussitôt au travail.
- A votre avis ? Dois-je songer à faire descendre cette hormone ou à simplement faire baisser la température comme sur un bon vieux thermomètre ? Je vais commencer par une cinquantaine de degrés, voire une centaine si j’y parviens.
- Faites ce qui vous parait le plus naturel. J'opterais donc pour la simplicité du thermomètre qui a le bénéfice d'offrir une image mentale sur laquelle s'appuyer.

Les voilà, reproduisant le même protocole, Octavia libérant sa nuée ardente, alors que Salomon l'ausculte en profondeur de ses racines. La manifestation est certes infime, mais le démon, fixé sur le taux de THS dans son sang, la perçoit. La présence de cette hormone diminue et de fait, la chaleur produite est amoindrie d'un millième de degré.
La peau du démon craquèle, pèle par endroit, noircie comme du charbon. Il a sué à grosses gouttes, trempant son habit. La régénération démoniaque peine à résorber les lésions de son derme. Il papillonne des cils, l'esprit alourdi, laborieux...

- O.. oui.. J'ai...

Il n'ira pas au bout de son exposé, il tourne de l'oeil, son malaise vagale dû à une bien trop grande déshydratation.

Octavia l’a rattrapé maladroitement avant qu’il ne tombe par terre.
Heureusement que son bon sens prend le pas sur ses inquiétudes. Un très rapide examen suffit pour voir qu’il est plus que déshydraté. Sa peau est si sèche qu’elle part par endroit et craquèle horriblement. Elle s’en veut terriblement de ne pas avoir vu avant qu’il était si mal en point !
Et cet imbécile qui n’a rien dit…
Elle réfléchit rapidement et les amène directement près du lac qu’elle a déjà repéré lors de ces quelques pérégrinations.

La démone a déjà de l’eau jusqu’aux genoux et elle l’allonge le Jardinier avec autant de précaution que possible, l’immergeant à moitié. Elle s’assoit derrière lui, callant sa tête contre sa poitrine et l’entourant de ses bras pour éviter qu’il ne tombe. Ce n’est que lorsqu’elle constate que sa peau commence enfin à se lisser qu’elle lâche le souffle qu’elle retenait.

Délicatement, elle recueille un peu d’eau dans le creux de sa peau et arrose son visage, son cou et le haut de son torse.
Elle se permet un tendre baiser sur sa tempe.
- Vous êtes incorrigible, carrisime, lui chuchote-t-elle à l’oreille. Croyez bien que lorsque vous reprendrez conscience, vous en serez quitte pour une remontrance salée ! On n’a pas idée de faire peur de cette façon à la terrible Marquise des Infanticides et à m'obliger à me tremper de la sorte ! Alors dépêchez vous de vous réveiller que je puisse vous gronder comme il se doit.

Elle ne sait même pas pourquoi elle parle à un inconscient.
Sans doute pour faire taire ses angoisses et sa culpabilité. Tout cela est aussi peu conscient que le léger balancement qu’elle imprime à leurs corps enlacés, comme si elle berçait un grand enfant entre ses bras.

Dans les ténèbres, là où sa conscience chante en sourdine, la mémoire de Salomon Grass flotte dans un agréable liquide amniotique. Il entend les éclats de rires enfantins d'un frère d'un frère qu'il a chéri au point de vouloir être humain ; Il perçoit les vagues râles d'un vieillard sur son lit de mort qui prie pour ne pas qu'on oublie le travail révolutionnaire qu'il a accompli ; Il est assailli par la mélopée lancinante d'un fou qui râcle la terre d'un canyon aride à s'en arracher les ongles car tout ce qu'il plante dans ce sol maudit est voué à dépérir.
Et puis il y a ces mots doux, ces mot qui dansent à la surface distendus par l'onde de son inertie, ces mots qui le bercent contre un giron maternel dont il n'a jamais vraiment joui.

"C'est agréable..."

L'eau ruissèle sur son visage.
Le parfum des vignes se mêle à celui de la cendre fumée.
Ses paupières frétillent, des points rougeoyant clignotent en contre-jour, de charmant coquelicots de feu.

-...dépêchez vous de vous réveiller que je puisse vous gronder comme il se doit.

Les yeux ouverts, ses iris règlent la focale pour mieux définir l'image de ce visage penché au dessus de lui. Les souvenirs étiolés coulent à nouveau par le fond ne laissant en surface que des miettes de sensations détrempées. Ces joues pleines comme un fruit d'été dans lequel on voudrait goulûment croquer sont constellées de tâches. L'amande mutine de ce regard noisette ne recèle rien d'espiègle aujourd'hui et la torsion funeste de cette lippe plantureuse ne fait qu'accentuer cette impression.
Il hisse maladroitement ses doigt jusqu'à la pulpe de cette bouche taillée pour sourire.

- Pourquoi cette moue inquiète ? croasse-t-il d'une voix pâteuse qu'il reconnait à peine.

Il a le gosier si sec.
D'où peut provenir une telle aridité ?
Alors sa mémoire, dans sa mansuétude, recrache des abysses les bribes du contexte et de sa propre déconvenue.

- Je me suis évanoui ? fait-il mi-penaud, mi-surpris. J'en suis fort marri... Que puis-je faire pour obtenir votre pardon ?

Il ne bouge pas cependant, étrangement à l'aise sur le rebondi confortable de son sein. Il écoute le métronome de ce cœur féminin qui l'émeut de la plus déconcertante de façons.

Salomon finit par ouvrir les yeux et son cœur cesse de battre sur le rythme de son inquiétude. Elle ne sait pas combien de temps exactement il est resté inconscient mais cela reste trop à ses yeux.
Elle se saisit de ses doigts vagabonds et les serre entre les siens. Elle croise le vert de ses yeux avec un profond soulagement.  

- Vous voilà enfin réveillé !
- Pourquoi cette moue inquiète ?
- Parce que je suis inquiète ! s’exclame-t-elle comme si cela tombait sous le sens. Enfin je l’étais… dois-je vraiment vous faire le récit de ce qui vient de se passer ?
- Je me suis évanoui ?
- C’est exact.
- J'en suis fort marri...
- Vous pouvez l'être ! … s’emporte-t-elle et son niveau d’indignation est à la hauteur de la peur qu’elle a eu. J’imagine qu’il n’y a que vous pour vous focaliser tant et si bien sur un sujet que vous en oubliez votre condition physique. Franchement ! A ce rythme j’allais vous dessécher !

La mine boudeuse et les sourcils froncés, elle ressert imperceptiblement son étreinte, les paumes sur sa chemise trempée, elle perçoit les battements réguliers de son cœur.

- Vous êtes un idiot monsieur le génie. Imaginez une seconde si je n’avais pas été une démone capable de vous transporter ici…
- Que puis-je faire pour obtenir votre pardon ?
- Présentement ? Remettez-vous sur pied. Si vous êtes incapable d’évaluer vos limites nous allons stopper ces expériences sur le champ ! Je refuse de vous voir aussi mal en point à cause de moi. De plus être trempée de la tête au pied tout habillée ne fait pas vraiment parti des expériences satisfaisantes de l’existence.

Elle soupire mais reste silencieuse un moment, attendant que l’eau fasse son œuvre sur le démon-plante. Le dos de ses phalanges vient lentement caresser la joue de Salomon.

- Ne refaites plus cela je vous prie. Puis-je faire quoi que ce soit pour accélérer votre régénération ? Quérir quoique ce soit ? chuchote-t-elle dans son oreille.
Et parce qu’Octavia est un être foncièrement curieux, elle ajoute.
- Comble de l’impudence, vous n’avez même pas répondu à ma question avant de vous évanouir… Avez-vous senti une différence lors de mon dernier essai ? S’il le faut, je reviendrais là-bas m’exercer seule.

- J'en suis fort marri...
- Vous pouvez l'être !

Il trouve son ire exceptionnellement adorable. On s'est rarement mis dans de tels états pour son auguste personne. Il n'est pas aussi prompt à susciter l'attachement qu'un Asmodée, par exemple. N'est pas Prince des Fascinations qui veut.

- J’imagine qu’il n’y a que vous pour vous focaliser tant et si bien sur un sujet que vous en oubliez votre condition physique.
- Dysderie m'en faisait souvent le reproche.
- Franchement ! A ce rythme j’allais vous dessécher !
- Permettez-moi une digression tout à fait hors de propos. Oserais-je proférer tout haut que vous êtes l'une des rares femmes à si bien porter les atours de votre colère ? Le fureur magnifie vos traits.
- Vous êtes un idiot monsieur le génie. Imaginez une seconde si je n’avais pas été une démone capable de vous transporter ici…
- Cela aurait été des plus ballots, fait-il en riant. J'aurais pu figurer au palmarès de ce fabuleux concours de morts stupide que les humain ont associé à la théorie de l'évolution de Darwin !

Il referme sa main sur les doigts fébriles de sa compagne, plaqués contre son torse.

- Que puis-je faire pour obtenir votre pardon ?
- Présentement ? Remettez-vous sur pied. Si vous êtes incapable d’évaluer vos limites nous allons stopper ces expériences sur le champ !

Il se redresse brusquement, la surplombant dans un frétillement aqueux.

- De grâce ! Ne faites pas ça !
- Je refuse de vous voir aussi mal en point à cause de moi.
- Je me suis simplement mal préparé! La prochaine fois, car il doit y en avoir une, je prendrais avec moi de quoi me réhydrater abondamment.
-...De plus être trempée de la tête au pied tout habillée ne fait pas vraiment parti des expériences satisfaisantes de l’existence.
- Cela dépend pour qui... laisse-t-il échapper avec un nouveau petit rire juvénile.
- Ne refaites plus cela je vous prie.

Salomon pose sur elle une oeillade tendre, pétrie de gratitude.

- Vous avez ma promesse.
- Puis-je faire quoi que ce soit pour accélérer votre régénération ? Quérir quoique ce soit ?
- Juste souffrir un peu plus longtemps l'humidité poisseuse de vos vêtements, s'il vous plait.

Il se réinstalle tranquillement contre elle, en laissant sa haute carcasse glisser sous l'onde. Il ferme les yeux avec un soupir, se laissant flotter.

- Comble de l’impudence, vous n’avez même pas répondu à ma question avant de vous évanouir… Avez-vous senti une différence lors de mon dernier essai ?
- Quelle outrecuidance de ma part ! Je le reconnais volontiers. Sachez qu'il y a eu une réduction infime mais significative de vos THS dans l'organisme. Je pense que vous avez effectivement su amorcer un début de processus.
- Néanmoins, S’il le faut, je reviendrais là-bas m’exercer seule.
- Certainement pas ! fait-il en ouvrant les yeux et en dardant sur elle des billes d'un vert sévère. D'une part le Dullahan demeure une menace, de deux il faut un témoins pour consigner vos progrès, de trois vous êtes venue me quérir pour  m'associer à cette expérience et elle est désormais mienne au même titre que vous. Vous ne vous débarrasserez pas aussi facilement de moi Octavia, déclare-t-il avec une lueur de défi dans le regard.

- Puis-je faire quoi que ce soit pour accélérer votre régénération ? Quérir quoique ce soit ?
- Juste souffrir un peu plus longtemps l'humidité poisseuse de vos vêtements, s'il vous plait.
- Merveilleux. Barboter dans de l’eau sale est déjà un plaisir en soi mais me trouver en plus dans un état sans nul doute déplorable est un bonus appréciable, grince-t-elle, évacuant manifestement ses émotions par le sarcasme.

Elle s’étonne de le voir se replacer contre son giron et ne sachant pas tellement quoi faire de ses bras, elle les cercle à nouveau autour de la grande carcasse du démon.

- N’êtes-vous pas en train de profiter allégrement de la situation ? Comble de l’impudence, vous n’avez même pas répondu à ma question avant de vous évanouir… Avez-vous senti une différence lors de mon dernier essai ?
- Quelle outrecuidance de ma part ! Je le reconnais volontiers. Un sourire amusé étire les lèvres de la Marquise. Sachez qu'il y a eu une réduction infime mais significative de vos THS dans l'organisme.
- Infime mais significatif ? N’est-ce pas antinomique mon cher ?
- Je pense que vous avez effectivement su amorcer un début de processus.
- Vraiment ? s’étonne-t-elle. J’aurais donc réussi quelque chose … Cela mérite d'être poussé plus avant. Il va toutefois être difficile de le prouver sans mesurer le changement de température exacte de ma nuée. Or nous n’avons pas ce genre de matériel à notre disposition.
Il va donc falloir qu’elle fasse confiance au processus sans aucune certitude. Jusqu’à peut-être pouvoir le constater d’elle-même.
- Votre concours a été particulièrement utile, Salomon. Néanmoins, s’il le faut, je reviendrais là-bas m’exercer seule.
- Certainement pas !
- Et pourquoi donc ? réplique-t-elle
- D'une part le Dullahan demeure une menace, de deux il faut un témoin pour consigner vos progrès, de trois vous êtes venue me quérir pour m'associer à cette expérience et elle est désormais mienne au même titre que vous.
- Comme vous y aller ! Je ne compte pas m’approcher de ce Cavalier et il ne m’aura pas par surprise. Pour le reste… elle pousse un soupir. Si vous consentez à vous montrer parfaitement raisonnable, j’accepte. Mais, poursuit-elle avec sévérité, une autre baignade de ce genre et nous arrêtons ! Suis-je claire ?
- Vous ne vous débarrasserez pas aussi facilement de moi Octavia.
Celle-ci hausse un sourcil un vague sourire aux lèvres.
- Qui vous dit que cela est mon désir ?

Ils gardent un instant le silence, un silence soudain lourd de quelque chose qu’elle n’arrive pas à identifier. Seul le léger clapotis de l’eau et le pépiement des oiseaux se font entendre alors qu’elle observe le chemin d’une goutte d’eau qui glisse sur le nez de Salomon, coule paresseusement sur ses lèvres pleines avant de s’écouler sur son menton. Elle l’essuie bien inutilement d’une caresse du pouce. Plus que jamais elle a soudain conscience de leur proximité, de sa peau contre la sienne, des formes de leur corps révélées par les tissus trempés.
Octavia se secoue aussitôt, coupable de pensées peu respectueuses du couple qu’il forme avec son humaine.

- Je… son trouble est encore manifeste et elle en lèverait les yeux au ciel si seulement elle n’était pas tant occupée à refouler la chaleur de ses joues. J’imagine que si vous êtes assez veillant pour argumenter, vous l’êtes aussi pour vous lever à présent ?
Elle se coule loin de lui et se relève dans un bruit d’eau. Elle essaie de décoller sa chemise de sa peau pour tenter de regagner vainement un peu de dignité et de décence avant de lui tendre la main.
- J’aimerais vous faire remarquer qu’il est parfaitement injuste que vous ayez l'air parfaitement dans votre élément alors que je ressemble à un chat trempé.

- Qui vous dit que cela est mon désir ?
- Je ne sais rien de vos désirs. Vous l'avez affirmé vous-même : le cœur d'une femme est impénétrable...

Les siens en revanche recommencent de le tourmenter, suspendus à cette caresse farouchement intime. Et comme souvent il ne sait comment les identifier : ce vide qualificatif le perturbe et l'enivre. Buër a toujours été féru d'énigmes et Octavia en constitue une de taille.
Pour lui.
Par rapport à lui.
Il n'a que bien trop conscience de la peau nue, merveilleusement pâle et mouchetée sous le tissu translucide. Il peut presque se perdre dans la contemplation des gouttelettes fines qui perlent comme des diamants sur ses joue et du frisottis délicat de sa chevelure gorgée d'humidité.

Une tension s'installe entre leurs deux corps dont il ne s'explique toujours pas les mécanismes mais dont les effets grêlent son derme en silence. Sa carcasse s'échauffe et son cœur cavale.

Pour la première fois, sans doute, il perçoit les mêmes symptômes de cette fièvre étrange chez la Marquise. Il pensait être le seul à en souffrir et pourtant, il sait en reconnaitre le moindre signe chez son amie : augmentation de la température, arythmie cardiaque, chair de poule, frissons, rougeurs...

- Je… J’imagine que si vous êtes assez veillant pour argumenter, vous l’êtes aussi pour vous lever à présent ?

Octavia le fuit d'une brasse et s'éloigne vers la rive.
Salomon se redresse, incapable de réfuter la pertinence de l'argument. A la place, il se contente de contempler la démone, plus digne qu'une serpillère mais tout aussi gorgée d'eau. Pour sa part il sort avec une certaine aise du lac, retire sa chemise et l'essore tout en remontant sur la berge à sa hauteur.

- Il fait beau. Cela séchera vite. Déshabillez-vous, pour étendre vos habits au soleil, cela accélèrera le processus d'évaporation.

Ce qu'il fait lui-même du reste en s'effeuillant morceau par morceau.

Sa moue indignée s’intensifie lorsqu’elle jette un coup d’œil sur son corps. Elle commence par retirer ses chaussures et accessoirement l’eau qu’elles contiennent avant d’essorer ses cheveux.
Le Jardinier ne tarde pas à la rejoindre.

- Il fait beau.
- Certes. Cela me fait une belle jambe. Mouillée en l’occurrence. Vous auriez pu me dire que j’étais magnifique en toutes circonstances. Je me saurais contenter d’un pieu mensonge au nom de ma dignité. Et puis su été plus poli.
- Cela séchera vite.
- Parce que vous comptez attendre de sécher ? … Salomon ? Mais le démon a déjà commencé à s’effeuiller et elle l’observe avec consternation.
- Déshabillez-vous, pour étendre vos habits au soleil, cela accélèrera le processus d'évaporation.
- Mais je… pourquoi ne pas rentrer nous changer ?

Des corps, Octavia en a vu son lot. Féminins, masculins, des beaux, des moins beaux, nus ou bien partiellement et pourtant elle se détourne de celui de Salomon, non sans avoir constater à quel point il est toute en longueur, avec un rien de grâce surnaturelle qui n’a rien de déplaisante à l’œil. Leur amitié pleine de respect est sans doute à l’origine de cette pudeur inattendue. Comme s’il était mal d’associer son brillant esprit à une enveloppe… désirable.
« Et puis tu oublies qu’il est parfaitement hors limite et que tu n’es certainement pas là pour cela. »

- Vous êtes vraiment à moitié arbre… grogne-t-elle en soupirant de résignation.

Elle retire sa chemise et l’essore en demandant mentalement pardon au magnifique tissu de le tordre sans aucun égard. Son bras gauche est orné d’un épais bracelet d’or finement ciselé à la main, d’ordinaire caché sous ses vêtements. En soutien-gorge d’un rouge éclatant tout en dentelle, elle étend son vêtement puis renifle soudain une vague odeur déplaisante pour constater avec horreur qu’elle provient d’elle.

- Je sens la vase… Je vous préviens, je réquisitionne la douche en rentrant et j’y passerai autant de temps que nécessaire pour retrouver forme humaine.

Elle a beau se contorsionner dans tous les sens, son pantalon lui colle aux jambes comme une seconde peau. Vaincue, elle se laisse tomber sur l’herbe.
- Il sèchera sur moi.
Même si la sensation n’est pas franchement agréable ! Quelques minutes d’inaction ont déjà raison d’elle. Octavia se redresse sur les coudes et l’observe à la dérobé.
- Combien de temps doit durer votre bain de soleil ?
Oui malgré tout, elle se sent toujours un peu responsable de son état.  

- Il fait beau.
- Certes. Cela me fait une belle jambe. Mouillée en l’occurrence. Vous auriez pu me dire que j’étais magnifique en toutes circonstances. Je me saurais contenter d’un pieu mensonge au nom de ma dignité. Et puis s'eut été plus poli.
- Je ne pensais pas devoir réaffirmer l'évidence, Octavia : vous êtes divine quelque soit le contexte....Cela séchera vite.
- Parce que vous comptez attendre de sécher ? … Salomon ?
- Déshabillez-vous, pour étendre vos habits au soleil, cela accélèrera le processus d'évaporation.
- Mais je… pourquoi ne pas rentrer nous changer ?


Le Jardinier hausse les épaules avec une désinvolture tranquille.

- Parce que c'est plus simple et que nous nous épargnerons de fournir une quelconque justification à qui que ce soit pour expliquer notre état de soupe !


Après avoir étalé ses vêtements en plein soleil, il s'allonge de même, le visage tendu vers l'astre bienfaisant, paupière closes. Une sculpturale allégorie du touriste estivale sur une plage d'été.

- Vous êtes vraiment à moitié arbre…

Salomon ouvre les yeux et se tourne vers la Marquise avec un large sourire.

- Et vous parfaitement volcanique, si j'ose dire.

Dans ses dentelles d'un rouge incendiaire, Octavia est sublime. Son mari est  le dernier des ânes et le pire des aveugles pour avoir osé la tromper. Pourquoi les humains mâles manquent-ils à ce point de gout ?

- Je sens la vase…
- Détail, il n'occulte en rien les fragrances de vigne de votre parfum naturel.
- Je vous préviens, je réquisitionne la douche en rentrant et j’y passerai autant de temps que nécessaire pour retrouver forme humaine.
- Ce bain-ci ne vous a-t-il pas suffit ?

Le démon éclate de rire, puis la voyant en difficulté avec son pantalon, il vient à son secours.

- Il sèchera sur moi.
- Aucune chance, je le crains. Cesser de gesticuler, voulez-vous ? Je vais vous aider.

Avec délicatesse et précision, il parvient à tirer sur chaque jambe du pantalon, gagnant quelques centimètres à chaque fois. L'opération la plus périlleuse reste néanmoins de déboutonner le dit-pantalon pour le faire rouler sur les hanches d'Octavia. Salomon est obligé de glisser ses doigts contre la peau de la démone pour susciter la bulle d'air permettant la mobilité du vêtement. Il s'acquitte de cette tâche avec doigté raffiné et -peut-être- un tantinet de zèle. Quoi qu'il en soit, la Marquise est bientôt libre de son vêtement lourd d'humidité et le Jardinier l'essore afin de l'étendre avec le reste de leur petite colonie d'habits.
Une fois fait, il retourne s'allonger en étoile bienheureuse dans les hautes herbes.

- Combien de temps doit durer votre bain de soleil ?
- Plus d'une demi-secondes et douze-centième, ma chère, soyez en sûre.

Il tourne son visage vers elle et tâtonne pour trouver sa main et s'en saisir.

- Détendez-vous, mon amie, vous êtes excessivement nerveuse. Vous aussi avez besoin d'une pause après les efforts fournis. Il faut parfois prendre le temps de prendre du temps, déclare-t-il d'un ton docte.

- Ce bain-ci ne vous a-t-il pas suffit ?

Octavia mime un air sévère face à l’hilarité du démon avant de secouer la tête et de laisser le sourire qui menaçait de s’épanouir, étirer ses lèvres.
Sourire qui fane rapidement devant l’effort suivi du constat d’impossibilité de retirer son pantalon.

- Il sèchera sur moi.
- Aucune chance, je le crains.
- Je suis un volcan, rappelez-vous.
Mais cela ne l’empêche nullement d’approcher et de s’agenouiller à côté d’elle.
- Que faites-vous ?
- Cesser de gesticuler, voulez-vous ? Je vais vous aider.

Elle a beau faire les gros yeux, il est déjà en train de tirer sur le bas du vêtement. La démone se mord la lèvre et essaie de l’aider au mieux. La chose devient soudain plus gênante lorsqu’il s’agit de faire bouger le tissu collé à ses hanches qu’elle soulève pour faciliter l’opération.
L’intimité de l’acte ne lui échappe pas. Pas plus que le contact des doigts de Salomon sur des morceaux de peau qui n’aurait jamais dû toucher.
Au prix d’un ultime effort, elle se dépêtre enfin de son vêtement avec un petit rire gêné.
- C’est bien la première fois qu’on a tant de mal à me déshabiller. Merci Salomon.

Alors que le Jardinier s’allonge à côté d’elle, l’air parfaitement satisfait de son sort.
- Combien de temps doit durer votre bain de soleil ? finit-elle par demander.
- Plus d’une demi-seconde et douze-centième, ma chère, soyez en sûre.
Elle grimace et tourne la tête vers lui.
- Ah ah ! Très drôle. Cela fait quinze minutes et quarante secondes pour être exacte. Quinze minutes de rien absolu. Je le sais parce que j’ai compté.

Elle noue délicatement ses doigts au sien dans un geste sans doute trop intime, mais peu lui importe à cet instant. Ils sont seuls après tout comme il l’a si justement souligné. Nul besoin de rendre compte de leurs faits et gestes ici.

- Détendez-vous, mon amie, vous êtes excessivement nerveuse.
- Nullement !
Elle découvre pourtant que si.
- Vous aussi avez besoin d'une pause après les efforts fournis.
- Je vais très bien. Inutile de vous en faire pour moi. J’ai de l’énergie à revendre.
- Il faut parfois prendre le temps de prendre du temps.
Elle pince les lèvres et pivote la tête pour contempler le ciel.
- Prendre le temps... je ne sais pas faire. Je ne veux pas le faire. Attendre, c’est mourir à petit feu, Salomon. Regarder le temps qui s’écoule sans rien faire, c’est…

Elle touche son bracelet de sa main libre sans compléter sa phrase. La démone ne s’est jamais rendue à quel point elle est percluse d’angoisses qui ne font que s’étaler sous ses yeux depuis son arrivée sur Terre. Cette image vulnérable qu’elle révèle à Salomon est bien loin de celle qu’elle donne à voir au Pandémonium et cela la perturbe plus qu’elle ne veut l’admettre.  

- Je n’aime pas cela, voilà tout, conclut-elle sobrement.

- C’est bien la première fois qu’on a tant de mal à me déshabiller.
- Je suis navré, je ne suis guère un expert en la matière.
- Merci Salomon.
- Mais je vous en prie, Octavia.

Ils reprennent une posture tranquille et propice au calme méditatif, mais déjà la Marquise se trémousse d'inconfort. Le Jardinier l'invite avec douceur à la patience, mais cela ne semble guère du gout de Miss Tiberia.

- Prendre le temps... je ne sais pas faire.
- Cela s'apprend.
- Je ne veux pas le faire.
- Voilà un tout autre sujet.
- Attendre, c’est mourir à petit feu, Salomon. Regarder le temps qui s’écoule sans rien faire, c’est… Je n’aime pas cela, voilà tout.
- "Laisse chaque chose prendre sa place : laisse chacune de tes affaires prendre son temps.". Cette maxime de Benjamin Franklin m'a toujours fait forte impression. Moins moralisatrice que celles de Plutarque ou Jean de la Fontaine sur la patience. Scientifique ou jardinier, l'attente a toujours un rôle. Elle permet à la graine de germer et pousser. Elle favorise les observation et interrogations. Attendre n'est pas synonyme d'ennui, Octavia. Les cerveaux bien faits comme les nôtres ont besoin de ces périodes de jachère mentale, où le terreau de notre intelligence est au repos, où ses pensées vagabonde et pollinisent. Ce n'est jamais du temps perdu. Lorsque l'on est en perpétuel mouvement, qu'on anticipe le vide des secondes à venir pour le combler de davantage d'agitation, on s'empêche de prendre le recul nécessaire pour réfléchir. Il n'y a rien de plus gratifiant que de vivre l'instant présent en pleine conscience de ce qu'il est.

Salomon dresse leurs mains jointes vers le ciel.

- Je suis avec vous, ma chère et précieuse amie. Nous profitons de ce début d'été prometteur, après une exaltante découverte, et de la compagnie enthousiasmante de l'un-l'autre. Le soleil réchauffe nos peaux, une brise délicate la caresse, le monde n'a jamais exprimé quiétude si revigorante... Respirez doucement... Vous ne faite pas "rien", vous apprenez à prendre conscience de vous même.... Cela peut-être effrayant, au début, mais c'est une entreprise saine, amenée à porter des fruits prodigieux tôt ou tard...déclame le démon de son timbre doux et serein.

Le regard curieux du démon remonte la ligne de de son poignet vers son bras. Il s'accroche sur le curieux bijoux fixé dessus.

Ce bijoux est une antiquité d'une rare délicatesse. A-t-il une signification particulière pour vous ?

- Non… vous n’y êtes pas, ce n’est pas l’ennui que je…chuchote-t-elle.

Mais déjà le voilà reparti dans un long discours et à la vérité, tant mieux. Elle ne tentera plus de l’arrêter pour lui expliquer. Mieux vaut qu’il la considère comme terriblement impatiente plutôt que parfaitement traumatisée par tout et rien. Des murs trop prêts, un temps trop immobile… des choses anodines pour tout le monde sauf pour elle.
Elle a passé des heures à attendre la mort, à espérer en vain puis à se résigner. Depuis, l’attente n’a plus jamais été synonyme de tranquillité.

- Il n'y a rien de plus gratifiant que de vivre l'instant présent en pleine conscience de ce qu'il est.
- Si vous le dites, lâche-t-elle, mal à l’aise, en tentant de trouver un autre sujet de conversation.

Le geste enfantin de Salomon la fait sourire.

- Je suis avec vous, ma chère et précieuse amie.
- Je sais.
- Nous profitons de ce début d'été prometteur, après une exaltante découverte, et de la compagnie enthousiasmante de l'un-l'autre. Le soleil réchauffe nos peaux, une brise délicate la caresse, le monde n'a jamais exprimé quiétude si revigorante... Respirez doucement...

Elle essaie vraiment, silencieuse, sa main libre posée sur son ventre. Ses paupières se ferment mais les images qui envahissent ses rétines les lui font aussitôt rouvrir alors qu’elle aspire une grosse goulée d’air.

- Vous ne faites pas "rien", vous apprenez à prendre conscience de vous-même...
Elle a un vague rire cassé.
- J’aimerai qu’il n’y ait que cela, Salomon. Vraiment.
Mais avant elle-même, il y a une couche opaque de souvenirs, d’angoisses et de peurs viscérales qui prennent un malin plaisir à la tourmenter depuis quelques semaines.
- Cela peut être effrayant, au début, mais c'est une entreprise saine, amenée à porter des fruits prodigieux tôt ou tard...
Elle sait qu’il tente de l’aider quand bien même il est bien loin de se douter du véritable problème alors elle garde les yeux fixés sur le ciel, sans savoir que dire si ce n’est un vague « vous avez raison »

- Ce bijou est une antiquité d'une rare délicatesse.
Octavia suit son regard et retire délicatement le bracelet, le faisant tourner entre ses doigts.
- Il a pourtant près de 2000 ans. Nos orfèvres étaient habiles.
- A-t-il une signification particulière pour vous ?
- Il appartenait à ma mère. Mon père me l’a offert le jour de mon mariage. Je ne sais comment Belzébuth a réussi à le retrouver. Il devait être enseveli avec le reste de ma villa. C’était en quelque sorte un cadeau pour se faire pardonner de ne m’avoir jamais évoqué les Fosses lors de notre contrat. Surtout lorsqu’elle a vu l’état dans lequel j’en suis ressortie. La démone lui jette un bref coup d’œil. Me croirez-vous si je vous disais que ce bracelet abrite une âme ? Ma Livia adorée… C’est elle qui m’a nourri de son lait, qui m’a vu grandir, m’a aidée a accouché de Lucius et qui était là à chaque instant de ma vie. Jusqu’à la fin. Elle a tellement souffert... Et c’est Octavia elle-même qui a mis fin à son calvaire. Elle revoit encore le soulagement dans les yeux tant aimés alors que la vie la quittait. Sa seule consolation, c’était de savoir que nous nous retrouverions aux Enfers quand bien même nous n’aurions pas de pièce pour Charon. Elle ne croyait pas si bien dire ! Elle caresse le bijou avant de le porter à ses lèvres. Je ne pouvais me résoudre à la laisser pourrir dans des Archives, seule dans le noir. Alors je l’ai retrouvé et je l’ai liée à ce bracelet. Mon seul acte d’égoïsme et de rébellion contre le système en près de deux millénaires pour que nous soyons réunies à nouveau. Elle tourne la tête et scrute le regard de Salomon. Réprouvez-vous ?

Malgré toute sa bonne volonté, le Jardinier du Pandémonium manque cruellement de cette empathie élémentaire permettant de se glisser parfaitement dans la peau de son amie. S'il perçoit les signes physiologiques d'une angoisse persistante, il n'en demeure pas moins démuni quand à leur interprétation. Pourquoi le temps est-il une notion qui obsède autant Octavia ? Un nouveau mystère dont il se délectera de la résolution tôt ou tard.

- J’aimerai qu’il n’y ait que cela, Salomon. Vraiment.
- Qu'y a-t-il d'autre, Octavia ? Confiez-le moi, je suis votre ami, l'homme qui vous a promis une confiance et une sécurité absolue.
Des mots qu'il regrettera sans doute un jour quand il se rendra compte qu'il la trahit parfois par omission. Inconscient de ce fait, il souhaite simplement, en ce instant, chasser les notre d'aigreur qui font coasser son si joli rire.
- Cela peut être effrayant, au début, mais c'est une entreprise saine, amenée à porter des fruits prodigieux tôt ou tard.

Ses paroles peinant à porter leurs fruits, Salomon décide de changer de sujet et s'intéresse à l'ornement sur son bras. Les explications de la Marquise font écho à sa propre histoire et son refus de livrer son frère adoré en pâture au Bureau des Âmes.

- Je ne pouvais me résoudre à la laisser pourrir dans des Archives, seule dans le noir. Alors je l’ai retrouvé et je l’ai liée à ce bracelet. Mon seul acte d’égoïsme et de rébellion contre le système en près de deux millénaires pour que nous soyons réunies à nouveau. Réprouvez-vous ?

Avec élégance, Salomon porte la main de la démone à ses lèvres et y dépose un chaste baiser.

- Comment le pourrais-je ? Ce ne serait qu'hypocrisie de ma part, moi qui ais sciemment conservé l'âme de mon frère tant aimé auprès de moi. Il ajoute avec un soupçon de malice enfantine. Je savais qu'il y avait de la graine de révolutionnaire en vous. Merveilleux petit coquelicot ! J'ai été plus qu'inspiré en vous associant cette fleur herbacée : elle est considérée comme une mauvaise herbe alors qu'elle côtoie pourtant les cultures organisée et semencière et borde les champs. Elle fleurit ainsi à chaque moisson, comme pour rappeler que malgré les limites imposées à d'autres, elle se trouve libre de fleurir où bon lui semble. On la pense fragile car elle s'étiole au moindre contact, cependant, sa ténacité font de ses graines l'une des plus résistantes. Elles ont une longévité de presque trente années en sol. Vous êtes de ce genre de trempe, ma belle amie, vous pensez œuvrer pour la loi et l'ordre, mais couve en vous une libre penseuse. Vous ne serez jamais aussi servile que vous le pensez, de même que votre résilience est insoupçonnée.

Il lui dédie une expression de complicité tendre, comme deux bambins complotant quelques actions buissonnières face à l'autorité.

- Pardonnez ma curiosité, mais comment avez-vous procédé pour enfermer une âme dans ce bracelet ? Est-elle endormie ou encore vivace ? Fusse un stratagème magique ou un protocole plus scientifique ou un savant mélange des deux ?

- Qu'y a-t-il d'autre, Octavia ? Confiez-le moi, je suis votre ami, l'homme qui vous a promis une confiance et une sécurité absolue.

Octavia aimerait vraiment le croire, mais un fond de méfiance, ancré en elle bien profondément lui fait pincer les lèvres pour empêcher toute parole de les franchir.
Sa volonté… ou plutôt son obsession de ne jamais paraitre vulnérable finit de les sceller.
Elle saute plutôt sur l’occasion de changer de sujet et elle lui décrit son premier et dernier acte allant à l’encontre de son devoir en tant que démone.
Lorsqu’elle lui demande s’il juge son acte répréhensible, c’est le cœur anormalement battant qu’elle attend sa réponse. Bien plus que celui de Belzébuth, le jugement de Buër lui importe beaucoup. Elle tient à ne pas baisser dans son estime et craint que cette confession n’aille à l’encontre de ce souhait.

Son baise-main ne fait rien pour apaiser son cœur mais chasse l’inquiétude de l’avoir déçu.

- Comment le pourrais-je ? Ce ne serait qu'hypocrisie de ma part, moi qui ais sciemment conservé l'âme de mon frère tant aimé auprès de moi.
Octavia le fixe avec un petit sourire triste.
- C’est vrai… vous savez.
Comme souvent, elle trouve en lui un ami apte à la comprendre. Du moins en partie.
- Je savais qu'il y avait de la graine de révolutionnaire en vous.
Elle éclate brusquement de rire.
- Me voilà à présent devenue Che Guevara ! N’exagérons pas.
- Merveilleux petit coquelicot !

Il se lance alors dans la description de cette fleur, l’associant à son caractère et Octavia se retourne sur le ventre pour mieux l’observer, le sourire grandissant à chaque phrase. Elle cueille un long brin d’herbe, gardant le bracelet dans son autre main et s’amuse à chatouiller délicatement le derme du visage de Salomon.

- Vous oubliez ses effets narcotiques. Suis-je assommante ? demande-t-elle en plaisantant.
- On la pense fragile car elle s'étiole au moindre contact, cependant, sa ténacité font de ses graines l'une des plus résistantes.
- L’ardeur-fragile… n’est-ce pas à cela qu’elle est associée ?
- Elles ont une longévité de presque trente années en sol. Vous êtes de ce genre de trempe, ma belle amie, vous pensez œuvrer pour la loi et l'ordre, mais couve en vous une libre penseuse.
Octavia fait courir le brin d’herbe sur la bouche du démon, l’œil malicieux.
- Chuuuut, ne le dites à personne. Il n’y a que père et vous qui avez su le deviner.
Même Belzébuth ne sait certainement rien de ses idées de changement pour le Pandémonium. Pas encore.  
- Vous ne serez jamais aussi servile que vous le pensez, de même que votre résilience est insoupçonnée.
- Vous êtes soudain très lyrique mon cher. Est-ce pour vous faire pardonner de m’avoir trempée ? lui susurre-t-elle.
- Pardonnez ma curiosité, mais comment avez-vous procédé pour enfermer une âme dans ce bracelet ? Est-elle endormie ou encore vivace ? Fusse un stratagème magique ou un protocole plus scientifique ou un savant mélange des deux ?
Elle lui dédit un petit regard amusé aussi bien qu’attendri. L’esprit du génie n’est jamais loin.
- C’était… il y a très longtemps. La science et ses protocoles n’en étaient qu’à des balbutiements maladroits. Vous savez que les âmes rangées dans nos magnifiques archives y sont liées magiquement pour ne pas qu’elles s’échappent et ne changent de place. Je suis partie de ce sort-là. Elle reporte son attention sur son bracelet. J’ai tenté maintes et maintes fois de l’appliquer à un autre objet. Sans succès. J’ai alors revu la formule mais je n’obtenais toujours aucun résultat. Pourtant je savais que la chose était possible, j’avais fait mes recherches. Malheureusement, je ne dispose pas de votre brillant intellect. Mais vous avez raison, je suis tenace. Et j’ai essayé encore et encore jusqu’à perdre tout espoir. Alors je me suis mise à lui parler sans savoir si elle était capable de m’entendre. Je voulais lui demander pardon. De ne pas réussir, de ne pas savoir tenir ma promesse. Et puis… quelque chose s’est passé. Je ne saurais pas l’expliquer mais j’ai « senti » qu’elle était là, qu’elle comprenait. Alors je lui ai expliqué ce que je voulais faire et j’ai retenté. Cette fois, j’ai traduit la formule en latin pour qu’elle la comprenne et … ça a fonctionné. Je saurais donc incapable de répéter ce miracle. Mais peu m’importait. Livia était à nouveau avec moi, conclut-elle.

Un silence les enveloppe soudain avant que la Marquise ne se rapproche du Jardinier et se penche vers lui, comme pour lui confier un secret.
- Salomon ? Me feriez-vous une énorme faveur ? Un jour… pourriez-vous faire de Livia l’une de vos Mandragores ? Pour qu’elle ne reste pas ainsi… elle mérite autre chose… chuchote-t-elle. Pourrais-je vous la confier avant de repartir au Pandémonium ? Délicatement, elle glisse le bijou entre les doigts effilés du démon. La sentez-vous comme je la sens ?

- Le coquelicot ou Papaver rhoeas contient essentiellement de la rhoeadine, une substance dont les vertus sont essentiellement relaxante et superficiellement sédatant, mais en aucun cas soporifique, corrige le Jardinier des Enfers, sommité de la botanique, qui présentement s'amuse des caresses dispensées par la Marquise, par le truchement d'un simple brun d'herbe.
Il préfère la voir sous ce jour mutin, avec un soupçon de légèreté communicative. N'est-il pas lui-même en train de jouer avec ses cheveux qui ondulent en prenant le soleil, un bras nonchalamment posé sous sa tête en guise d'oreiller ?

- Chuuuut, ne le dites à personne. Il n’y a que père et vous qui avez su le deviner.

Salomon baisse la voix, adoptant son attitude conspiratrice.

- Je vous en fait la promesse: avec moi ce secret est bien gardé...Vous ne serez jamais aussi servile que vous le pensez, de même que votre résilience est insoupçonnée.
- Vous êtes soudain très lyrique mon cher. Est-ce pour vous faire pardonner de m’avoir trempée ?

Le démon taquine le bout du nez de la noble domina avec la pointe d'une mèche de ses propre cheveux.

- Peut-être bien. Est-ce un succès ? demande-t-il avec un sourire de sage petit garçon.

Il s'enquiert ensuite de la manière dont elle est parvenue à emprisonner l'âme de sa servante dans son bracelet. Ses explications éveillent son intérêt et allume quelques lumières pour explorer des chemins jusque là inédits.

- Voilà qui est intéressant : vous dites que l'âme a comme qui dirait "consenti" à agir dans le même sens que vous pour aboutir au résultat escompté. Cela signifierait donc que leur volonté, leur libre-arbitre, est un élément essentiel de réussite en cas de recyclage. Jusqu'à présent, j'usais des âmes comme de la matière première spirituelle  désincarnée, inerte, mais il est fort possible que la convergence énergétique soit plus forte si une âme accepte son nouveau sort de son plein gré. C'est àméditer et à explorer ! Ne croyez-vous pas ?

Un silence méditatif les nimbe soudain, portant l'instant à l'introspection.

- Salomon ?
- Oui, ma chère ?
- Me feriez-vous une énorme faveur ?
- Je suis vôtre éternel obligé, vous le savez bien.
- Un jour… pourriez-vous faire de Livia l’une de vos Mandragores ?

Il se redresse sur les coudes, sourcils froncés. La requête d'Octavia est des plus singulières et pour une fois, il la laisse développer sa pensée sans l'interrompre.

- Pour qu’elle ne reste pas ainsi… elle mérite autre chose…
- Je comprends.
- Pourrais-je vous la confier avant de repartir au Pandémonium ?
- Partir ?
Cette perspective ne l'enchante guère, et pourtant, cela a toujours été le contrat. Octavia n'a jamais évoqué la possibilité de rester sur terre.
Avec lui.
Il se rallonge doucement, brusquement abattu, le regard s'envolant vers le ciel azur.
- Evidemment. Je prendrais grands soins de votre nourrice. Ce qui est précieux pour vous, l'est pour moi également, fait-il d'une voix quelque peu éteinte.
Octavia fait danser l'or du bijoux sous la pulpe de ses doigts.
- La sentez-vous comme je la sens ?
- Oui... souffle-t-il, étrangement fasciné et ému, sa morosité balayée par la chaleur étrangement crépitante du bracelet. Le métal est chaud, il pulse presque comme un petit coeur....

Octavia et lui sont si proches que leurs fronts se touchent dans la contemplation de l'objet hanté.

Les explications d’Octavia rallume une flamme vive dans le regard du démon.

- Voilà qui est intéressant : vous dites que l'âme a comme qui dirait "consenti" à agir dans le même sens que vous pour aboutir au résultat escompté.
- C’est ce que j’en ai conclu. Peut-être ne s’agit-il que d’une troublante coïncidence.

Elle n’y croit pas vraiment. Pour elle, Livia ou du moins une partie d’elle était effectivement consciente lors de son « enfermement » dans le bijou. Mais c’est aussi une pensée plus confortable pour la Marquise que de se dire qu’elle a peut-être violenté son âme.  

- Cela signifierait donc que leur volonté, leur libre-arbitre, est un élément essentiel de réussite en cas de recyclage. Jusqu'à présent, j'usais des âmes comme de la matière première spirituelle désincarnée, inerte, mais il est fort possible que la convergence énergétique soit plus forte si une âme accepte son nouveau sort de son plein gré. C'est à méditer et à explorer ! Ne croyez-vous pas ?
- C’est une piste qui mérite d’être explorée. Si elle s’avère vraie cela pourrait aussi bien faciliter les choses lors du transfert que les compliquer en cas de résistance consciente. Mais… cela voudrait aussi dire que d’une façon ou d’une autre, les âmes sont éveillées. C’est un fait qui ne peut être mis de côté et qui ne fera qu'appuyer la nécessité de ne pas les laisser dépérir aux Archives.

Poussée par l’intimité du moment, elle se laisse aller à une demande bien particulière qui lui trotte dans la tête depuis quelques temps déjà. Peut-être même depuis qu’elle sait exactement ce dont Salomon est capable sur le recyclage d’âme. Il semble surpris par sa demande mais y adhère finalement.

- Pourrais-je vous la confier avant de repartir au Pandémonium ?
- Partir ?
- Oui, glisse-t-elle doucement, sentant sa déception. Je n’ai pas vraiment hâte que cette pause terrestre se termine mais il va bien falloir que je rentre un jour ou l’autre pour discuter avec Belzébuth. Et puis si Unseelie est finalement vaincue l’afflux d’âmes au Pandémonium sera plus que conséquent. Nous allons devoir nous y préparer.
- Evidemment. Je prendrais grands soins de votre nourrice. Ce qui est précieux pour vous, l'est pour moi également.
Elle lui sourit tendrement.
- Merci, Salomon.
Elle confie son inestimable bijou au toucher du Jardinier.
- La sentez-vous comme je la sens ?
- Oui... Le métal est chaud, il pulse presque comme un petit coeur...
Elle hoche la tête.
- Elle est avec moi… avec nous, déclare-t-elle sur le même ton. Leurs doigts s’effleurent et se caressent en même temps que le métal. D’une façon ou d’une autre. Lorsqu’elle est contre ma peau, cela m’apaise, comme si je retrouvais son contact maternel. Mais tout cela n’est rien face à la possibilité de lui donner une autre existence. Même si j’ai bien conscience qu’elle ne sera plus jamais ma Livia.

Elle relève les yeux pour constater à nouveau leur proximité, instauré avec le plus grand des naturels. Octavia scrute son visage, louche sur ses lèvres un cours instant. Elles ont l’air terriblement douces et si pleines… A peine a-t-elle pensé cela qu’elle se penche imperceptiblement vers lui, comme prête à l’embrasser. Elle se morigène intérieurement puis se redresse avant qu’il ne puisse constater la rougeur de ses joues ou tout autre altération de son état, induite par sa brutale envie de vérifier si ce qu’elle a vu dans sa chambre cette fameuse nuit était un émoi passager ou non.
La Marquise n’oublie toutefois pas l’amour immodéré qu’éprouve Salomon pour son humaine. Elle ne fera que gâcher une très belle amitié pour une semble… pulsion.

Elle glisse nerveusement le bracelet à son bras et une mèche de cheveux derrière son oreille.
- Nous ferions sans doute mieux de rentrer.
Ils se rhabillent en silence et Octavia évite sciemment tout contact visuel tant qu’elle n’est pas certaine d’avoir repris le contrôle de ses émotions.
Une fois revêtus, elle les téléporte à nouveau au ranch en tentant d’oublier se bref instant d’égarement.