« Combien de fois vais-je devoir faire le deuil de ma relation avec Lounis ? »

C’est ce que se demande Lexi, encore et encore. Elle sait bien qu’elle est idiote d’y avoir cru si fort. Malgré cette première rupture nécessaire qu’elle a elle-même initiée.
Elle pensait devoir lui laisser du temps, se trouver avant de se lancer dans une relation. Alors lorsque Lounis est revenu lui parler à nouveau, elle y a cru à nouveau.

Avant qu’il ne se mette à parler.
Avant qu’il ne détruise tout ce qu’ils furent avec maladresse et sans aucun égard pour elle.

Recommence alors une nouvelle descente, un nouveau deuil. Si rude pour sa confiance en elle qui lui a fallu repousser Elliott pour remettre de l’ordre dans ses sentiments.
Comment croire en son instinct, en l’amour, quand on s’est si bêtement trompée ?
Cette fois, cependant, le chagrin cède vite la place à la colère. Colère qu’elle exprime avec ses poings contre un sac ou contre ses collègues en combat.

De quel droit ose-t-il faire comme s’il n’avait jamais voulu de cette relation amoureuse ?
De quel droit peut-il aujourd’hui lui dire qu’il préférait leur moment « en famille » alors qu’il cherchait leur tête à tête autant qu’elle ?

Jamais elle ne lui en a voulu de ne pas l’aimer avec la même passion ou la même intensité qu’elle. C’est un fait difficile à avaler mais dont personne n’est coupable. Par contre, elle lui en veut terriblement de sa naïveté, de sa maladresse, de son indécision constante… et de son manque total d’envie de se battre pour elle, pour eux.
C’est certainement irrationnel et si elle s’est un moment sentie coupable d’être si en colère contre lui alors qu’elle sait qu’il ne cherchait pas à lui faire du mal, elle sent toutefois qu’elle a besoin de ce ressentiment pour l’instant. Qu’il lui fait du bien. Qu’il est bien plus facile à expurger que le chagrin.

C’est ce qu’elle fait. Petit à petit. Redoublant d’énergie à l’entrainement, sans plus prendre de gants.
Et puis elle passe du temps avec Gi-Ja, Cassandra et Baphomet, comble ses insomnies en remplissant des carnets et des carnets de son témoignage de ce qu’ils vivent en ce moment.

Mais cette « thérapie » bénéfique pour elle se fait au détriment de sa relation et de sa complicité avec Elliott. Elle en a conscience. Ils se sont logiquement éloignés.
Et mieux elle va, plus il lui manque.
Son humour et son rire, ses « Valkyrie-Jolie » qui lui lançait sur tous les tons, ses bras et sa présence tout simplement … Il lui a assuré qu’il ne la laisserait pas. Que lui se battra. Mais il a ses propres démons à abattre avant.

Elliott ne vit pas des moments faciles et elle s’en veut de ne pouvoir être présente pour lui. C’est une soirée, alors que la team s’est réunie pour une soirée sur les toits et que le jeune homme brille par son absente – ce qui en soi est un signe que quelque chose ne va pas – qu’elle se décide à franchir la sorte de fossé qui s’est creusé entre eux.
Le feu de son campement est allumé. Elle l’a vu de loin. Comme souvent, elle le surprend en plein dans son obsession du moment. Ce visage qui apparait sous sa mine de crayon et qu’elle a aperçu.

- Toc, toc… fait-elle doucement pour ne pas le prendre par surprise. Salut ! Je peux… m’assoir à côté de toi ?

Elle s’installe directement en tailleur sur l’herbe et lui tend un paquet de cigarettes.

- On était sur les toits… tu nous as manqué… tu m’as manquée,  précise-t-elle. Je sais que c’est compliqué en ce moment mais tu fais toujours parti de la team alors… ne t’éloigne pas trop loin, d’accord ?  

Oh so, your wounds they show
I know you have never felt so alone
But hold on, head up, be strong
Oh hold on, hold on until you hear them come
Here they come, oh

Je devrais m'habituer au changements brutaux, mais on ne s'habitue jamais vraiment. Une fraction de secondes suffit à ce que tout s'effondre et on se surprend à s'être attaché à l'édifice bancal érigé jusque là sur les ruines.

Le passé vous rattrape toujours et parfois il explose littéralement à la gueule.

J'ai de nouveau la sensation d'être le sale étranger.
Depuis l'incident, Archie est fuyant, Smithens méfiant. Il m'assomme d'un entrainement mille fois plus rigoureux. On murmure sur mon passage quand je vais bouffer au mess. On me jette des coups d'oeil à la dérobée. Je connais bien les mécanismes d'ostracisation et ils commencent par la rumeur : "il a été jeté de la team Jenson", voilà ce qui se dit.

Pas grave.
Rien n'est grave.
Il faut en rire.
Ma tête pleine se focalise sur le visage qui hante désormais mes cauchemars. Cette obsession empêche ma cervelle de s'appesantir sur ma tristesse. J'aime une fille, une fille trop bien pour moi, une fille pour qui je ne compte pas, pas comme ça.... On pourrait en faire des chansons mièvres au kilomètre. J'avoue que lorsque je me sens au plus mal, j'ai l'envie crasse de débusquer le fameux Lounis et de lui décalquer la gueule à coups de poings. Mais, à quoi ça servirait ? En plus d'un abandon, j'y gagnerais du dégout. Ca me fait chier ! Que ce type que je connais de rien, arrive à me pourrir la vie par ricochet.

Je noircis des pages de croquis disparates depuis que j'ai mon fantôme de djinn dans la tête. Comme si le dessiner frénétiquement pouvait faire surgir un nom. Donne moi un nom, putain ! J'ai les moyens de te faire parler ! J'arrache la page sauvagement griffonnée, la froisse et menace de la jeter au feu.

- On fait moins le malin, maintenant, hein ?
- Toc, toc…

Je sursaute, pris en flag. Ca ne va pas arranger ma réputation de gros zinzin. Mon bras s'abaisse mollement, quand je reconnais les contours de la visiteuse. Les flammes du brasero accroche l'ovale parfait de son visage et le dessin délicat de ses lèvres. Valkyrie-jolie, tu n'as pas volé ton sobriquet.

- Salut ! Je peux… m’assoir à côté de toi ?
- Salut... Bah.. euh.. ouais. Si tu veux.

Je déblaie le bordel qui m'entoure pour qu'elle vienne s'installer. J'ai beau être armé de la plus solide des résolutions, la côtoyer en conservant le sourire me fait juste saigner.

- On était sur les toits…
- Ah.
- Tu nous as manqué…

J'émets un ricanement qui en dit long de ce que je pense de l'affirmation. Je n'ai jamais fait partie de la bande en premier lieu.

- Tu m’as manquée.

Con de coeur en pamoison !
Il vient de faire une embardée, galvanisé par l'espoir comme un bodybuilder aux stéroïdes qui gonfle les muscles.

- Je sais que c’est compliqué en ce moment mais tu fais toujours parti de la team alors… ne t’éloigne pas trop loin, d’accord ?
- Ahaha.. Visiblement t'as pas eu le dernier mémo. La bombe-humaine, le gars pas fiable dont il faut se méfier, le taré de service qui dessine des visages comme un gros psycho, c'est bibi ! Je me designe avec les index est un sourire colgate de selfie instagramable. Silence. C'est ta team. J'étais toléré tant que...  Je détourne les yeux. Tant que j'étais avec toi.

Mes épaules s'affaissent alors que je fixe le feu. J'éprouve une fatigue immense, soudain. On a beau être résilient, rebâtir constamment... certains édifices s'effritent jusqu'aux fondations. Je me fais l'effet d'un des immeubles désaffectés que j'affectionne tant explorer.

Une épave.

- Ahaha… Visiblement t'as pas eu le dernier mémo.
- Je suppose que tu ne parles pas de celui qui parle de la pénurie de chocolat ? Dis-moi, demande-t-elle avec douceur.
- La bombe-humaine, le gars pas fiable dont il faut se méfier, le taré de service qui dessine des visages comme un gros psycho, c'est bibi !

Elle ramasse lentement la boule de papier et la déplie pour contempler le visage qui l’obsède à ce point. Sa bouche forme une petite moue alors qu’elle mémorise ses traits. Juste au cas où.
- Ahh c'est donc lui qui hante ta tête ? Tu surestimes un peu ta réputation si je peux me permettre.
Elle lui tend le dessin.
- Archie est jeune et il réagit comme il peut. C’est-à-dire mal. Smithens… je crois qu’il a été plus ébranlé par le fait d’avoir failli tous vous perdre qu’autre chose. Alors oui, il se montre d’autant plus dur avec toi. Et s’il le fait, c’est pour éviter de se retrouver dans une situation similaire. Pour le reste… personne ne pense que tu es taré. Tu as vécu un truc… intense c’est certain. Elle frissonne alors que la fraicheur tombe un peu et tend ses mains vers le feu. Nous les bidasses, on ne fait pas partie des surnaturels et… ce dont tu as été capable, c’était flippant. Moins que pour toi, on est bien d’accord. Laisse-les voir que rien n’a changé. Beaucoup s’inquiète pour toi. Mais ils pensent que tu as besoin de prendre un peu de distance. Ça passera. Je te le promets. Mais pour ça il faut que tu restes avec nous.    

- C'est ta team. J'étais toléré tant que... Tant que j'étais avec toi.
Une main sur sa joue, Lexi tourne le visage d'Elliott vers elle et plante son regard dans le sien.
- Hey ! Arrête un peu… tu sais que c’est faux ! Tu t’es entrainé dur pour en être. Ne ramène pas tous tes efforts à néant. Ta place tu l’as gagnée. Tu n’es pas… qu’une pièce rapportée. La preuve, tu es parti en mission avec nous.

Elle laisse échapper un petit rire.

- Ma team… t’es mignon ! Tu sais combien de temps il m’a fallu pour l’apprivoiser  ma team ? Je suis la seule nana du groupe. Blonde. Plutôt jolie et l’allure d'une petite chose fragile… bref tu vois le genre... J’ai dû redoubler d’effort pour leur montrer qui je suis. Ce dont j’étais capable. Parce que oui, les biais misogynes dans l’armée c’est encore la norme. C’est pas parce qu’on a l’image d’une équipe soudée aujourd’hui que ça a toujours été simple. Elle tapote du poing contre le torse d’Elliott, là où se trouve son coeur. Mais je crois qu’on sait tous ce qu’il y a là-dedans. Tu as montré trop de hargne pour arrêter au premier obstacle, le défie-elle avec un petit sourire.

- Ne nous laisse pas tomber.
Et dans un coin de sa tête, elle se demande si cette demande, ce vœu, ne concerne que l’armée.  

Je suis son mouvement.

- Ahh c'est donc lui qui hante ta tête ?
- Mon poto imaginaire, ouais.. Beau gosse, nan ? Caleb trouve qu'il a l'air d'un singe, moi je dirais plutôt qu'il a une tronche de caractère.
- Tu surestimes un peu ta réputation si je peux me permettre.
- C'est tout moi, ça ! "Que de la gueule devant et derrière du vent" ! Je vais en faire mon slogan, que je raille, lancé moi et ma luge sur la piste de l'auto-dérision.
- Archie est jeune et il réagit comme il peut. C’est-à-dire mal. Smithens… je crois qu’il a été plus ébranlé par le fait d’avoir failli tous vous perdre qu’autre chose. Alors oui, il se montre d’autant plus dur avec toi. Et s’il le fait, c’est pour éviter de se retrouver dans une situation similaire.
- Archie me donne l'impression d'être un putain de pestiféré. Et je sais... j'ai déçu Kian. Je ne pensais pas que son avis comptait autant pour moi avant d'avoir dégringolé dans les charts de son estime.... dis-je, piteux. Les seuls qui ne me traitent pas différemment sont Ciu, Caleb et Gi-Ja, soient les gars qui fricotent à plein temps avec le surnat.
- Pour le reste… personne ne pense que tu es taré. Tu as vécu un truc… intense c’est certain.

Je l'observe greloter et, sans même y réfléchir, je me suis déjà départi de ma veste pour la caler sur ses épaules.

- Nous les bidasses, on ne fait pas partie des surnaturels et… ce dont tu as été capable, c’était flippant.
- A qui le dis-tu. Heureusement que j'étais dans les vapes...
- Moins que pour toi, on est bien d’accord. Laisse-les voir que rien n’a changé. Beaucoup s’inquiète pour toi.
- Permets-moi de te dire que ça ne se voit pas tellement. Ricanement aigre.
- Mais ils pensent que tu as besoin de prendre un peu de distance. Ça passera. Je te le promets. Mais pour ça il faut que tu restes avec nous.
- "Nous". Y'a pas de "nous". C'est ta team. J'étais toléré tant que... Tant que j'étais avec toi.
- Hey ! Arrête un peu… tu sais que c’est faux !

Le soudain contact de sa paume contre ma joue me fait frissonner, mais pas de froid. J'ai la chair de poule et le palpitant tout chamboulé. Con de coeur ! (bis repetita) Je retiens sa main, de peur qu'elle ne s'envole trop vite au loin.

- Tu t’es entrainé dur pour en être. Ne ramène pas tous tes efforts à néant. Ta place tu l’as gagnée. Tu n’es pas… qu’une pièce rapportée. La preuve, tu es parti en mission avec nous.
- Une incroyable réussite ! Sur l'échelle de la débâcle allant de 1 à 10 on est carrément dans le négatif. Merde... Je soupire. Je m'en veux ! Je pensais être prêt. Quel gros naïf...
- Ma team… t’es mignon ! Tu sais combien de temps il m’a fallu pour l’apprivoiser ma team ? Je suis la seule nana du groupe. Blonde. Plutôt jolie
- Carrément canon ! Ne te sous-estime pas Valkyrie-jolie!
- Et l’allure d'une petite chose fragile… bref tu vois le genre... J’ai dû redoubler d’effort pour leur montrer qui je suis. Ce dont j’étais capable. Parce que oui, les biais misogynes dans l’armée c’est encore la norme. C’est pas parce qu’on a l’image d’une équipe soudée aujourd’hui que ça a toujours été simple.

Ses doigts s'enfuient pour tambouriner sur mon torse. Toc toc, mon coeur ? C'est la grande cavalcade, hein ? Grand couillon de muscle...

- Mais je crois qu’on sait tous ce qu’il y a là-dedans. Tu as montré trop de hargne pour arrêter au premier obstacle. Ne nous laisse pas tomber.

Je ne devrais pas faire ça, mais, j'essaie encore de garder son adorable menotte à plat contre mon plexus, entrelaçant mes phalanges tendrement aux siennes.

- Il n'y a que toi qui sait vraiment, ce qu'il y a là dedans, Lexi.... fais-je en coulant un regard pénétrant vers elle. Je la libère doucement et fixe le feu. Je ne vais pas abandonner, je suis juste... un peu fatigué. Coup de mou doublé d'un coup de blues. Je sais que tu connais. ça va passer...

Je lève le nez vers les étoiles.

- Pourquoi je me souviens du nom de mon agresseur et pas de celui qui m'a sauvé la vie ? C'est débile ! Personne ne connait ce type. Selon Ciulin, ça n'est pas un gars de Malsheem. J'ai eu confirmation par son mec, je veux dire... son autre mec. Si Amon le connaissait c'était pas parce qu'il a été recruté en tant qu'agent double Hurlant, ou alors c'est qu'Amon faisait des trucs pas nettes dans son coin. Hina m'a dit qu'il y avait assez peu de djinn chez les Hurlants du fait que de base, c'est un peuple qui ne prend jamais parti. Il y avait surtout des "dégénérés" sans castes, en nombre réduit. Ca colle avec ce qu'a dit Salomon sur lui : un djinn sol-machin-truc, là... Elle ne se souvient pas de ce type en particulier, donc, il ne devait pas être haut dans la hiérarchie à l'époque où la meute étaient sous les ordres du fameux Kolbeinn.... Bref, je poursuis un fantôme qui avait à coeur de vous prévenir de quelque chose.... Mais de quoi ? Même en messager je suis moisi.

Je m'ébroue d'un rire misérable.
Je m'épuise de moi-même.

Le visage peint d’une certaine colère, les yeux pétillants et les sourcils légèrement froncés, Lexi vient se poster à genoux devant lui. Dans le même mouvement, la veste d’Elliott tombe au sol.  

- Stop ! Pitié, stop… Franchement ça me rend dingue de t’entendre dire des trucs pareils ! Il avait tellement à cœur de donner son message qu’il s’est montré stupide à tant de niveaux que ça me laisse perplexe sur ses capacités d’agent double. Premièrement, en quoi il s’est dit que confier un message oralement à une personne parfaitement traumatisée par ses potes étaient une bonne idée ? Franchement ? Il a pris le temps de mettre sa dose de lumière en toi et il ne pouvait pas te glisser un message codé écrit ? C’est quoi ces espions du dimanche ? On est où ? Dans « Y’a-t-il un Djinn pour sauver le monde ? ». C’est ridicule putain ! En plus comme tu le dis si bien, on ne sait rien de ce type et de ces motivations. Le seul qui le connaissait c’était Amon et je fais moyennement confiance à un gars qui a failli sacrifier Neo pour ses élèves ! Ensuite, si ce message était si important pourquoi il ne vient pas nous le confier ? On est littéralement en bordure de Brouillard ! On patrouille tout le temps ! Merde quoi ! Pourquoi tu dois te sentir coupable parce que tu ne te souviens pas alors que monsieur tourne ses pouces d’Hurlant avec la satisfaction du devoir accompli… comme une tanche si tu veux mon avis.

Elle respire un grand coup, les joues rougies, puis se passe une main dans les cheveux.
- Pardon… je m’emporte mais tu n’étais qu’un civil ! Un civil qui venait de connaitre l’enfer. Cette responsabilité ne devrait pas peser sur tes épaules ! Et Malsheem botte en touche parce que le gars n’est pas des leurs ? Elle s’adoucit un peu et lui sourit. Tu ne lui dois rien à ce gars. Ce qu’il a fait… te libérer… c’était de la décence humaine, pas une fleur. Alors oui, je lui en suis reconnaissante. Mais ça s’arrête là. Et ce message… de toute façon on allait faire sans. Alors si tu retrouves la mémoire, tant mieux, sinon on bottera quand même le cul des méchants. D’accord ?

Elle caresse sa joue du pouce, là où se forme un petit creux lorsqu’il sourit.

- Concernant ta première mission : vous êtes tous revenus en vie, grâce à toi. Alors… moi je considère que c’est une réussite. J'ai eu tellement peur quand Smithens a demandé des renforts...

Rien que d'y penser, une boule d'angoisse se forme au creux de son ventre.

Un sourire malicieux étire les lèvres de la jeune femme alors qu’elle revient s’assoir sur l’herbe après avoir ajouté une buche au feu. Elle a récupéré la veste d’Elliot et l’enfile carrément, refermant les pans sur elle.

- Si tu avais creusé un peu auprès des autres tu aurais su que pendant sa première mission, Devane a failli tirer sur Smithens, Egan s’est tiré dans le pied en rengainant son arme et … j’ai paniqué, je suis tombée et je me suis tordu la cheville… glorieux hein ?

J'écarquille les yeux en la voyant soudain s'emballer comme une pétrolette sans limitation de vitesse. Un sourire idiot fleurit sur mon visage sans que je ne puisse la quitter du regard. Elle est belle quand elle s'exalte avec passion ou colère. J'aime assez l'idée qu'elle s'énerve pour moi, du reste. ça change de l'usuel contre moi du reste de l'univers. (Oui je me la joue "special snowflakes", centre de l'univers, je vous zute !)

- Pardon… je m’emporte...
- Nan, continue, fais pas attention à moi, t'es trognonne quand tu grimpes aux barricades !
- Mais tu n’étais qu’un civil ! Un civil qui venait de connaitre l’enfer. Cette responsabilité ne devrait pas peser sur tes épaules ! Et Malsheem botte en touche parce que le gars n’est pas des leurs ?


Je hausse les épaules.

- Tu ne lui dois rien à ce gars.
- Bah si, quand même... Il m'a sauvé la vie. Deux fois !
- Ce qu’il a fait… te libérer… c’était de la décence humaine, pas une fleur. Alors oui, je lui en suis reconnaissante.
- Reconnaissante, carrément ? que je souffle avec un pétillement amusé dans les prunelles. Je suis donc si indispensable à tes yeux ? je fais la vague avec mes sourcils. Un vrai roi du surf.
- Mais ça s’arrête là. Et ce message… de toute façon on allait faire sans. Alors si tu retrouves la mémoire, tant mieux, sinon on bottera quand même le cul des méchants. D’accord ?
- Ok.. ça me semble pas mal comme plan. Je laisse filer un silence. Tu sais, ce gars, il a n'a peut-être pas eu la possibilité de faire autrement, c'est peut-être même pas un agent-double... juste.. un gars paumé, comme moi, qui a tenté un moove de gars paumé. Petit rire. Parfois les choses sont aussi simples que ça. Tous les Hurlants ne sont pas des monstres... Regarde Cassandra ou Hina. Sans doute que certains se sont laissés endoctriner et maintenant, se posent des questions... Va savoir.
- Concernant ta première mission : vous êtes tous revenus en vie, grâce à toi. Alors… moi je considère que c’est une réussite. J'ai eu tellement peur quand Smithens a demandé des renforts...
- Moi je me suis chié dessus en voyant plus Johnny.... Putain de crise d'angoisse !
- Si tu avais creusé un peu auprès des autres tu aurais su que pendant sa première mission, Devane a failli tirer sur Smithens.
- Nan ! Tu déconnes !? que je fais abasourdi.
- Egan s’est tiré dans le pied en rengainant son arme... Je grimace par empathie. Et … j’ai paniqué, je suis tombée et je me suis tordu la cheville… glorieux hein ?

J'ai un petit rire, bizarrement soulagé par ces révélations. Je la regarde avec reconnaissance et tendresse mêlées.

- ... Merci. C'est con, mais ça me fait vachement du bien à entendre. Je pars de tellement loin, et j'ai tellement à rattraper...

- Ok… ça me semble pas mal comme plan.
- Evidemment qu’il est très bien.
- Tu sais, ce gars, il a n'a peut-être pas eu la possibilité de faire autrement, c'est peut-être même pas un agent-double...
- Raison de plus pour se méfier de lui.
- Juste… un gars paumé, comme moi, qui a tenté un moove de gars paumé.
Lexi bat des cils en lui lançant un regard entendu.
- Sincèrement ? Je m’en fous. Et j’ai ai marre d’excuser les conneries des autres en leur cherchant mille et une excuses. Le moove reste stupide.
- Parfois les choses sont aussi simples que ça. Tous les Hurlants ne sont pas des monstres... Regarde Cassandra ou Hina. Sans doute que certains se sont laissés endoctriner et maintenant, se posent des questions... Va savoir.
Lexi lui lance un regard perplexe.
- J’ai jamais dit le contraire. Tu crois que je vois le monde en noir et blanc ? Mais vu l’endoctrinement profond, moi je me demande plutôt comment il a pu en échapper. Bref… on s’en fout de ce type ! Il ne m’intéresse pas à vrai dire. S’il est paumé il sait où nous trouver. Concernant ta première mission : vous êtes tous revenus en vie, grâce à toi. Alors… moi je considère que c’est une réussite. J'ai eu tellement peur quand Smithens a demandé des renforts...
- Moi je me suis chié dessus en voyant plus Johnny.... Putain de crise d'angoisse !
- Si tu avais creusé un peu auprès des autres tu aurais su que pendant sa première mission, Devane a failli tirer sur Smithens.
- Nan ! Tu déconnes !?
- Non ! Je te promets, lâche-t-elle avec un petit rire. En quelques semaines d’entrainement tu vises bien mieux que lui. Mais Devane a d’autres qualités. Egan s’est tiré dans le pied en rengainant son arme... Et … j’ai paniqué, je suis tombée et je me suis tordu la cheville… glorieux hein ?
- ... Merci.
- Je t’en prie, lâche-t-elle avec un petit rire. J’ai des dossiers sur ceux-là longs comme le bras.
- C'est con, mais ça me fait vachement du bien à entendre.
- Que tu n’es pas le seul à t’être ramassé ? On est tous humain Elliott. Faillible.
- Je pars de tellement loin, et j'ai tellement à rattraper...
Lexi le contemple un moment avant de poser sa tête contre son bras.
- Si tu jettes un petit coup d’œil derrière toi, tu verras que tu as déjà fait un long chemin.

Soudain plus gênée, elle se redresse un peu et se gratte la gorge.
- Tout ça pour dire que tu n’as pas à rougir de ton parcours. Et que tu n’as pas à te mettre cette pression monstre sur les épaules. Ta valeur ne passe pas par ce message. Elle glisse ses bras autour de ses genoux. Comment se passent tes nuits en ce moment ?    

La sentir se blottir contre mon bras me donne la puissante envie de l'enlacer avec, comme ça, comme si j'en avais le droit ! C'est fini ce temps là, Osawa. Terminé les moments câlins après nos rudes journées, le baume sur nos plaies respectives et les bienfaits de notre proximité. Alors je me contente de la couver avec le regard de l'amour, comme la merveille du monde qu'elle est et qu'elle ignore d'être. Sauf que ça doit baver un peu trop sur le sommet de son crâne car elle se redresse, gênée.

Désolé.
C'était bien ce contact rapproché.

- Tout ça pour dire que tu n’as pas à rougir de ton parcours. Et que tu n’as pas à te mettre cette pression monstre sur les épaules. Ta valeur ne passe pas par ce message.
- Je n'ai jamais prétendu que c'était le cas. Je sais ce que je vaux...

Pas grand chose.
Pour personne.
Pas vrai ?
Sinon, c'est moi que tu aurais choisi, pas le poète tragique. Je ne suis pas assez tragique, moi ? À ma façon clown triste qui mourra sans jamais se départir de son pif rouge ?

- Comment se passent tes nuits en ce moment ?
- Sans toi, sois, sans la seule personne capable de me calmer, tu veux dire ? Petit rire sans joie. Me semble que tu connais la réponse. Je soupire. Désolé... C'était pas cool de te balancer ça... Je mentirais en te disant que ça n'a pas eu d'impact. Tu me faisais du bien. Beaucoup de bien.

"Je t'aime" hurle mon regard où se reflète les flammes du brasero.
Silence.
Grande inspiration.

- Mais t'as pas à jouer les béquilles pour le moindre pété du bulbe qui passe. Tu vaux mieux que ça. Je dois réapprendre à faire sans toi. C'est la vie ! D'ailleurs, comment ça avance de ton côté, niveau moral ?

- Comment se passent tes nuits en ce moment ?
- Sans toi, soit, sans la seule personne capable de me calmer, tu veux dire ?
Le visage de Lexi se plisse sous le coup d’une violente culpabilité.
- Me semble que tu connais la réponse.
- Je te demande pardon… tes crises… s’étaient calmées. J’ai cru… j’ai pensé que ça resterait comme ça.
Et c’était sans doute bien naïf. Ou égoïste au choix.
- Désolé... C'était pas cool de te balancer ça...
- Non. Je crois que tu en as le droit.
- Je mentirais en te disant que ça n'a pas eu d'impact. Tu me faisais du bien. Beaucoup de bien.

Lexi se noie dans la noirceur de ses iris où brûle une drôle de lueur, étreinte par une émotion qui lui sert la gorge. Elle a envie de le toucher. Non, elle le touche déjà. Mue par un instinct et une volonté propre, sa paume s’est à nouveau lovée contre sa joue.
Il a toujours exercé une attraction inexplicable chez elle. Et elle est toujours là, dans l’attente de la moindre volonté de dérapage pour intervenir.

- Toi aussi… tu m’en faisais beaucoup. Tu m’en fais toujours, chuchote-t-elle comme si c’était un secret.  
- Mais t'as pas à jouer les béquilles pour le moindre pété du bulbe qui passe. Tu vaux mieux que ça.
- Oui, je le pense aussi. Par contre je veux bien continuer à jouer les béquilles pour les gens qui m’importent. Je veux bien jouer ta béquille… si tu en as besoin.
- Je dois réapprendre à faire sans toi. C'est la vie !
- Oh… oui. Oui je comprends, fait-elle avec un sourire en retirant délicatement sa main.

Elle n’a aucun droit de se sentir déçue par ce fait. Aucun droit de vouloir lui rappeler qu’il lui a affirmé vouloir « lui faire la cour » malgré tout. Il parle de ses nuits, inutiles d’extrapoler à plus.
Après tout elle devrait s’estimer heureuse qu’il accepte encore de lui parler, qu’il ne lui en veuille pas terriblement pour ce qu’elle a fait.  

- D'ailleurs, comment ça avance de ton côté, niveau moral ?
Oui mieux vaut changer de sujet.
- Demande ça aux bleus des garçons, déclare-t-elle avec un sourire en coin. Disons que… j’ai la rage ! Stade je ne sais plus combien du processus de deuil. Et ça me fait tellement de bien ! J’ai rarement… réagis avec colère à ce qui m’arrivait. Ca collait pas avec l’éducation que j’ai reçu. J’étais toujours et forcément fautive quelque part... Et à chaque fois qu’elle se dit cela, c’est la voix de sa mère qu’elle entend. Comme une très vieille rengaine. Depuis quelques mois… c’est différent. J’ai pété le nez de Salomon et là… là aussi je serai prête à m’énerver salement contre Lounis. Peut-être que ça n’est pas très sain. Et que c’est injuste. Il en serait d’ailleurs horrifié… Mais je m’en fous ! La preuve, elle en sourit. Largement même. Il a effacé notre histoire en un claquement de doigt, j’estime avec le droit à une bonne vieille colère revigorante. Du coup, j’ai une pêche d’enfer et j’ai jamais été si hargneuse au combat rapproché. Je dors peu, mais je ne suis pas fatiguée. Elle a même le teint éclatant ! Elle lâche un petit rire. Je vais certainement le payer à un moment ou à un autre mais pour le moment… je crois que ça va, lui assure-t-elle.

Elle ne parle pas des brusques rechutent de mélancolie parce qu’elles sont moins courantes et presque… maitrisables. Lexi passe une main dans ses cheveux.
- Du coup j’allais te proposer de t’aider quelques nuits… je veux dire pour que tu puisses te reposer un peu et… de toute façon je ne dors pas plus de quelques heures.
Sa tente est toujours là d'ailleurs. Alors même qu’elle ne l’utilisait plus depuis quelques temps, préférant dormir directement avec Elliott. Presque imbriquée à lui à vrai dire.
- Mais… elle fronce le nez… c’est certainement pas une idée très brillante.    

Sa paume retrouve ma joue. Mon coeur s'envole. J'ai la prétention de croire que ce visage qui est le mien a été taillé pour épouser ses si jolies mains. On peut rêver, non ?

- Oui, je le pense aussi. Par contre je veux bien continuer à jouer les béquilles pour les gens qui m’importent. Je veux bien jouer ta béquille… si tu en as besoin.

Sois ma béquille, ma bouée, mon pilier, mon filet.
Sois juste toi.
Sois juste là.
(Je vous avez dit que je pouvais en écrire des chanson...)
C'est ce genre de mièvrerie que j'aimerais lui hurler à pleins poumons, entrecoupé de "je t'aime" fiévreux psalmodiés genoux à terre en lui embrassant le ventre, tel un misérable indigent. (Et que ma cervelle tartine de lyrisme dégoulinant. Et après, c'est moi le romanticosceptique...)
J'aimerais proférer tout ça mais à la place je lui balance un plat :

- Je dois réapprendre à faire sans toi. C'est la vie !
- Oh… oui. Oui je comprends.

Mais t'es con Elliott ! T'es con !
C'est quoi ça ? De la fierté mal placée ? Ton vieux sentiment d'infériorité ? Mais prend tout ce qu'elle Lexi a à te donner, râcle le fond du plat même si c'est que des miettes ! Tu n'auras jamais droit à d'autres opportunités ! J'ai envie de me foutre des gnons !

Je l'écoute malgré tout, sourire aux lèvres. J'ai plaisir à la voir combative même si je ne doute pas que derrière, il y a toujours les doutes, le blues et les coups de mou. L'important c'est la tonalité globale, l'impulsion. Elle ne se laisse pas dériver. C'est bien.

- Et là… là aussi je serai prête à m’énerver salement contre Lounis. Peut-être que ça n’est pas très sain. Et que c’est injuste. Il en serait d’ailleurs horrifié… Mais je m’en fous !
- Aaaah ! Tu me fais bien plaisir ! Bienvenue dans le club très sélect de ceux qui veulent aller lui péter sa tronche à bouclettes au poète. Putain ! J'ai tellement eu envie d'aller me défouler sur sa gueule. Mais comme tu as dit, c'est pas forcément l'option la plus adéquate. Par contre, excuse-moi, mais la colère c'est très sain, hein ! ça fait du bien de s'énerver quand on subit une injustice.

Je me penche vers elle avec un air complice, un rien aguicheur, et mon incroyable jeu de sourcils.

- Donc, si jamais t'es chaude pour un raid éclair vengeur, je suis ton homme.

Je ris doucement en reprenant ma posture initiale, le regard rivé sur les braises. Tout mon être frissonne de retenue.
J'ai envie d'elle.
De respirer le parfum de sa chevelure et de retrouver la chaleur de son corps, lovée contre la mienne. Deux chats qui s'entortillent l'un à l'autre.

- Du coup j’allais te proposer de t’aider quelques nuits… je veux dire pour que tu puisses te reposer un peu et… de toute façon je ne dors pas plus de quelques heures. Mais…c’est certainement pas une idée très brillante.

Je tourne mon visage vers elle et la fixe longuement. Intensément

- On se fout qu'elle soit brillante si c'est ce que tu veux. Moi je le veux. Je lui saisi la main. Mon pouce caresse délicatement l'intérieur de son poignet. Il faut cependant que tu saches que je ne te laisserais aucun répit : je te prendrais dans mes bras, te câlinerais sans sommation, je me gaverais de ton contact et de ton odeur jusqu'à ce que ça ne me suffise plus et qu'il me faille tes lèvres, tes gémissements, ta peau sous ma langue et toi tout entière... Je te veux. dis-je sans cesser de la garder hameçonnée à mes prunelles. Si tu es consciente de ça, alors viens donc "m'aider", oui.

- Aaaah ! Tu me fais bien plaisir ! Bienvenue dans le club très sélect de ceux qui veulent aller lui péter sa tronche à bouclettes au poète. Putain ! J'ai tellement eu envie d'aller me défouler sur sa gueule.
Lexi pouffe, la mine indignée.
- J’ai pas dit que je voulais lui éclater la tête non plus ! J’aurais juste… j’aurais aimé pouvoir lui dire ce que j’ai vraiment ressenti… lui expliquer combien il m’a fait du mal. Pour moi il est trop tard mais… pour ses futures relations si elles existent un jour…

Cette possibilité lui fait mal.
Moins qu’avant.
C’est un début.
Une amélioration.

- Bref, pouvoir parler à cœur ouvert sans avoir peur.
- Mais comme tu as dit, c'est pas forcément l'option la plus adéquate.
Elle cogne gentiment son épaule contre la sienne.
- En plus le combat aurait été parfaitement inégal ! T’es devenu vachement musclé, monsieur bidasse.
- Par contre, excuse-moi, mais la colère c'est très sain, hein ! ça fait du bien de s'énerver quand on subit une injustice.
Nouveau petit rire.
- Je vais te croire sur parole. En tout cas, pour le moment, elle ne me bouffe pas toute crue.
Ce qui aurait pu être le cas de son chagrin.
- Donc, si jamais t'es chaude pour un raid éclair vengeur, je suis ton homme.
Elle lui pince gentiment le bout du nez.
- Pas touche ! J’ai d’autres méthodes. Je suis une nana… j’affute mon dossier que je vais garder au chaud et je lui rebalancerais à la tronche le moment voulu.

Rire avec Elliott lui fait du bien.
Être avec lui lui fait du bien.
- Ca m’avait manqué… ces moments-là. Avec toi.

Mais peut-être avait-elle besoin de cette sensation de manque pour mieux apprécier encore sa présence maintenant. Et c’est poussée par cette complicité retrouvée qu’elle se laisser aller à une proposition qui n’a rien de prémédité.  

- Du coup j’allais te proposer de t’aider quelques nuits… je veux dire pour que tu puisses te reposer un peu et… de toute façon je ne dors pas plus de quelques heures. Mais… c’est certainement pas une idée très brillante.
Elle déglutit face à son regard, ne sachant pas exactement comment l’interpréter.
- J’ai… j’ai dit une bêtise ?
- On se fout qu'elle soit brillante si c'est ce que tu veux. Moi je le veux.
- Et moi je veux d’aider. Ça n’a jamais changé.
Elle fixe son pouce caressant avant de revenir planter son regard dans le sien.
- Je veux me faire pardonner… Pour… ce que je t’ai fait.
-  Il faut cependant que tu saches que je ne te laisserais aucun répit…
Lexi fronce les sourcils, un sourire indécis sur les lèvres.
- Comment ça ?
- Je te prendrais dans mes bras, te câlinerais sans sommation, je me gaverais de ton contact et de ton odeur jusqu'à ce que ça ne me suffise plus et qu'il me faille tes lèvres, tes gémissements, ta peau sous ma langue et toi tout entière...

Le cœur de la jeune femme a une embardée soudaine alors que tout son être se tend vers lui comme dans l’attente de tout ce qu’il lui promet. Est-ce qu’il plaisante ? Est-ce qu’il s’agit de l’une de ces tirades dont il a le secret ? Non… ça n’est pas ce qu’elle lit dans son regard.
- Je te veux.
Un souffle chevrotant s’échappe de sa bouche entrouverte et elle ferme brièvement les yeux.  
- Elliott… soupire-t-elle sans même savoir ce qu’elle peut dire après ça.
- Si tu es consciente de ça, alors viens donc "m'aider", oui.

Elle garde le silence un long moment. Une part d’elle lui hurle de dire qu’elle est d’accord. Plus que d’accord même. Mais son traitre de cœur freine, lui dit d’aller doucement. Il a toujours peur. Le dos de sa main libre effleure délicatement la joue d’Elliott alors qu’elle somme son palpitant de se taire.

- Je prends le risque. Je veux t’aider… réaffirme-t-elle. On verra bien… ce qui arrivera. Ses doigts réarrangent les mèches noires qui tombent sur son front. Ce soir, je veille sur toi. C’est ce que je veux.

Lexi prononce mon nom. Dans chaque syllabe pèse l'écho de ma déclaration. Son corps est bien plus honnête qu'elle et son attitude en révèle davantage qu'elle ne le voudrait.
Je sais que je lui fait de l'effet.
Avant, cependant, qu'elle accepte l'évidence de notre alchimie il faudra pourtant patiemment détricoter sa peur profonde de souffrir et ses idéaux romantiques abscons. Ce sera long. Est-ce que notre espérance de vie nous offrira assez de temps pour ça ?

- Je prends le risque. Je veux t’aider… On verra bien… ce qui arrivera.
- Tu es prévenue. Faible sourire. Je ne vais pas faire semblant avec toi. Pas de ça entre nous.
- Ce soir, je veille sur toi. C’est ce que je veux.
- Très bien...

Je me redresse de toute ma hauteur, sans quitter sa main et ses yeux et je l'entraine dans ma tente. Bon. C'est un poil le bordel dedans ce qui fait que mon effet "d'homme virile qui sait ce qu'il veut" est un peu écorné par la vision d'une chambre d'ado mal rangée. Je ne m'en excuse pas : ces derniers jours je n'ai pas eu l'énergie de faire mon lit au carré, à peine de me laver et de tenir à peu près présentable. Je pousse les fringues en boule dans un coin et repousse les tas de dessins loin des duvets. Je dis "des" parce que j'ai gardé le sien près de moi pour dormir, comme un doudou encore imprégné de son odeur. Pathétique, mais à quoi bon s'en cacher. Je suis camé à la valkyrie-jolie. C'est un fait.

Une fois notre petit nid organisé "comme avant", je retire mon t-shirt kaki et étire mon torse et mes bras nus dont les os craquent doucement. J'exhale un soupir lasse avant de retirer mes godasses et mes chaussettes. Je conserve mon futal, habitude de bidasse sur le qui-vive prêt à sauter du lit. Une fois dans les "draps", je m'accoude sur le flanc et tapote la place vacante qui n'attend plus qu'elle.
Lorsqu'elle s'y glisse enfin, mes bras se referment sur elle comme si elle ne les avait jamais quittés, comme si là avait toujours été sa place.

Avec moi.

Lexi se laisse guider dans la tente d’Elliott. A vrai dire, elle avait envisagé de commencer sa nuit dans la sienne mais se trouve incapable de vocaliser cette idée là à présent.
Elle sourit devant le bazar ambiant et pince fort les lèvres pour s’abstenir de toute réflexion. La sienne est à peine mieux. Mais à la place de dessins, ce sont des photographies qui décorent la plupart des surfaces de sa petite chambre. Elle ramasse quelques feuilles qui trainent et les défroissent soigneusement avant de les mettre dans un coin.

- Tu as été productif.

Le même visage du djinn apparait régulièrement.
Elle note ensuite la présence de son duvet déjà installé là et lance à Elliott un regard perplexe.
- Tu savais que j’allais venir ou… oh…
Ou alors il ne l’a jamais bougé de là. Dans l’espoir qu’elle revienne ? Nouvelle embardée cardiaque alors qu’elle le regarde ranger son petit espace à la va vite. Elle continue de l'observer alors qu’il retire son tee-shirt et ne se détourne qu’au moment où elle se rend compte qu’elle est à présent en train de le mater salement.  
La juxtaposition du Elliott qu’elle a retrouvé en bordure de brouillard et celui qu’elle a en face des yeux lui fait toujours un choc.

A son tour, elle se déshabille, restant en simple débardeur blanc et legging puis  range comme elle peut ses affaires. Elle lui sourit alors qu’il l’invite à le rejoindre et se faufile dans le duvet. Les bras d’Elliott se referme aussitôt sur elle et son corps un peu crispé se détend un peu. Sa proximité physique et son odeur sont rassurantes et familières. Lexi pousse un discret soupir de contentement.

- Je vais te trouver une pièce où dormir. Un peu éloignée des autres. La tente c’est sympa l’été… chuchote-t-elle dans l’obscurité. Je ne veux même pas entendre de protestation.

Ses doigts courent lentement sur sa peau nue.

- Gi-Ja m’a dit qu’il voulait t’amener voir Baphomet… pour ta mémoire ? Tu verras tout ira bien. Elle avait voulu lui proposer. Puis Lounis était venu lui parler. Et les choses avaient changé. Il m’a déjà… trituré la mémoire. A cause de ma maladie. Je voulais une sauvegarde de moi quelque part. Mes souvenirs sont dans une jolie bouteille en ville. Bref… tout ça pour te dire que ça n’est pas douloureux. C’est comme… revoir un film qu’on a déjà l’impression d’avoir vu il y a longtemps.

Elle se tourne vers lui et lui offre un sourire d’excuse.

- Pardon, tu dois être crevé. Tendant le cou, elle dépose un baiser sur son front. Dors, je suis là.

- Tu as été productif.
- C'est une jolie manière de dire que je suis un obsédé psychotique.

Dans le lot, parmi les gribouillages du portrait de mon djinn-soleil, il y a de petits morceaux d'elle, discrets : une expression, attrapée à la volée, une attitude concentrée ou mélancolique... Elle est mon autre sujet de prédilection. Ma tête dégorge peut-être mais mon coeur avec.

Lexi découvre la présence de son sac de couchage dans ma piaule.

- Tu savais que j’allais venir ou…

Je la fixe avec un regard appuyé, légèrement en biais.

- Oh…
- Ouais... "Oh". Ricanements piteux.

Elle me rejoint et c'est comme si toute la distance, toute la gêne de cette séparation (que je considère comme un break en bon abruti épris jusqu'à l'os) ont miraculeusement disparu. Elle est là, contre moi, comme si elle retrouvait ses marques
après être partie en vacance et les contours familiers de ce qui a toujours été "chez elle".

- Je vais te trouver une pièce où dormir. Un peu éloignée des autres. La tente c’est sympa l’été…
- Je peux squatter au pied de ton lit aussi. Autant éviter de te faire cavaler dans les couloirs[i], que je ponctue avec humour.
[i]- Je ne veux même pas entendre de protestation.
- C'était plus une suggestion ! que je fais en gloussant.

Le contact de ses phalanges sur mon derme me fait frissonner de bien-être. Je ronronne presque. J'enfouis mon pif dans sa chevelure blond-blé. Le parfum de son shampoing m'avait manqué.
Elle m'a furieusement manquée.

- Gi-Ja m’a dit qu’il voulait t’amener voir Baphomet…
- Qui ?
- Pour ta mémoire ?
- Ah ! oui, son pote démon ? Ecoute l'hypnose avec Emma ça marche pas des masses. Du coup je prends toutes les options... Même si celle-ci m'enchante pas des masses. Ce sera mon premier démon.
- Tu verras tout ira bien. Il m’a déjà… trituré la mémoire.
- Oh ?
- A cause de ma maladie. Je voulais une sauvegarde de moi quelque part.
- Ah d'accord, ça fait sens...
- Mes souvenirs sont dans une jolie bouteille en ville. Bref… tout ça pour te dire que ça n’est pas douloureux. C’est comme… revoir un film qu’on a déjà l’impression d’avoir vu il y a longtemps.
- C'est bon à savoir merci...
- Pardon, tu dois être crevé.
- Non... Enfin si, mais...
- Dors, je suis là.
- C'est justement parce que tu es là que j'ai pas envie de dormir, je ne veux pas gâcher ce moment là avec du sommeil. Je viens frotter mon nez contre le sien. Je veux profiter de toi, ma valkyrie-jolie.... En tout bien, tout honneur..... Bon ok peut-être pas tout à fait !

Je ris doucement.
Tu le sens pas qu'on est bien, là, toi et moi ?
On se fait du bien, on se rendait heureux. Par les temps qui courent c'est un luxe, voir carrément un privilège ! Tu ne crois pas ?

- Ah ! oui, son pote démon ?
- A vrai dire, c’était le mien biiiiien avant le sien mais oui si tu veux.
- Ecoute l'hypnose avec Emma ça marche pas des masses.
- Parce que tu n’y mets aucune bonne volonté, ricane-t-elle.
- Du coup je prends toutes les options... Même si celle-ci m'enchante pas des masses. Ce sera mon premier démon.
- Y'avait Salomon et sa nana aussi.

Elle s’applique donc à le rassurer. Elle a eu le droit à de nombreuses séances de triturage de mémoire.
- L’acte en lui-même c’est rien. L’après est un peu étrange. J’étais épuisée comme si j’avais revécu ma vie en accéléré et… tout ce qui s’y était passé. Mais toi ça sera différent. Tu n’auras pas à remonter très loin.

Mais le souvenir en question sera accompagné de choses dont il ne voudra pas se souvenir. Forcément, ça restera difficile.  

- Je suis contente de savoir que Gi’ sera présent pour t'épauler. Maintenant dors, je suis là.
- C'est justement parce que tu es là que j'ai pas envie de dormir.
- Je suis précisément là pour ça pourtant.
- Je ne veux pas gâcher ce moment-là avec du sommeil.
- Dors, espèce de nouille, ordonne-t-elle avec un petit rire. Je ne vais pas m’évaporer. Promis, juré.[/color][/i] Il câline délicatement son nez contre le sien et elle glousse en louchant sur son visage, traversée par une pensée soudaine. Si on réfléchit bien, on a commencé à dormir ensemble avant même de se connaitre.
- Je veux profiter de toi, ma valkyrie-jolie.... En tout bien, tout honneur...
- Hum hum… j’en doute pas.
- Bon ok peut-être pas tout à fait !
- Ah zut… ma belle confiance vient de s’écrouler !

Elle se calle à nouveau contre lui et reprend ses lents vas et vient du bout des doigts sur sa peau, espérant le détendre suffisamment pour l’endormir. Elle reste silencieuse un moment, sourit en se souvenant de leurs moments ensemble, l’Urbex sauvage, ses premières nuits mouvementées, les entrainements, leur… autre première fois, leurs éclats de rire, l’appareil photo et la chambre noire qu’il lui a offert…
- La vie est bizarre non ? souffle-t-elle avec un peu plus de mélancolie dans la voix… Elliott ? Tu dors ?
Cette fois, sa voix n'est plus qu'un murmure.

- Y'avait Salomon et sa nana aussi.
- Je me suis assez fait tripoté  par Salomon pour toute une vie. Attends.... Je percute. Mais oui, ce sont des démons aussi. J'avais fini par oublier. Bordel ! J'espère que ce Baphomet est pas aussi verbeux et chelou...

Je lui colle un index sur la bouche.

- Chhhh.... laisse-moi la surprise que je puisse cringer à mort sans pouvoir planifier ma fuite.

Lexi m'explique en quoi consiste le trifouillage de neurones. J'ai du mal à savoir si ça me rassure où si, au contraire, ça nourrit mes angoisses.

- L’acte en lui-même c’est rien.
- C'est moins l'acte que l'après qui me fait flipper.
- L’après est un peu étrange. J’étais épuisée comme si j’avais revécu ma vie en accéléré et… tout ce qui s’y était passé. Mais toi ça sera différent. Tu n’auras pas à remonter très loin.
- Mais je vais devoir revivre des trucs que mon cerveau a cru bon de dissimuler pour me protéger. Espérons que ça ne consume pas le peu de santé mentale qu'il me reste...
- Je suis contente de savoir que Gi’ sera présent pour t'épauler.
- Il est solide ce type. Il lui arrive des trucs de dingue mais il a l'air toujours hyper chill... ça m'épate ! D'où il tient ça... ?
- Maintenant dors, je suis là.

Je proteste vivement. Je ne veux pas perdre la moindre seconde à pioncer alors que je la tiens enfin à nouveau dans mes bras.

- Dors, espèce de nouille. Je ne vais pas m’évaporer. Promis, juré.
- Ouais ouais ouais.... T'es une valkyrie ! A tout moment un coup d'ailes et Zou ... ! Au Walhalla! Et qui est-ce qui reste comme un con après à se faire des doudous avec tes vieux duvets ? Hein ?!
- Si on réfléchit bien, on a commencé à dormir ensemble avant même de se connaitre.
- C'est juste. Comme des chats qu'il a dit ce bon vieux. Je soupire, partager entre la fatigue et le refus de m'avouer vaincu. Je veux profiter de toi, ma valkyrie-jolie.... En tout bien, tout honneur...
- Hum hum… j’en doute pas.
- Bon ok peut-être pas tout à fait !
- Ah zut… ma belle confiance vient de s’écrouler !
- Mais non, elle va vite se reconstruire : elle est en légos !

Je pouffe comme un débile. Mes blagues sont pourries, la nana la plus merveilleuse du monde me papouille, j'ai le nez enfoui dans son cou, inspirant à pleines narines notre complicité retrouvée. Est-ce qu'il y a meilleure représentation du bonheur ?

- La vie est bizarre non ?

Je laisse filer un silence. Je ne sais quoi offrir comme réponse satisfaisante à cette question. J'attends la suite.

- Elliott ? Tu dors ?
- Non, je t'écoute philosopher... On t'as jamais dit que t'avais une super voix A.S.M.R. ? Je glousse bêtement. En quoi tu la trouves bizarre, la vie ? Je veux dire... entendons-nous bien, actuellement l'univers dans son ensemble chie dans la colle et est bizarre. Qu'est-ce qui est plus bizarre que d'habitude dans ce contexte ? fais-je et venant délicatement range une de ses mèches blondes derrière son oreille.

- Elliott ? Tu dors ?
- Non, je t'écoute philosopher... On t'as jamais dit que t'avais une super voix A.S.M.R. ?
- Pas vraiment non. Et donc, elle est si ASMR que tu ne dors toujours pas ? Woooow… impressionnant.
- En quoi tu la trouves bizarre, la vie ?
Elle laisse échapper un petit ricanement.
- Tu me poses vraiment la question ?
- Je veux dire... entendons-nous bien, actuellement l'univers dans son ensemble chie dans la colle et est bizarre. Qu'est-ce qui est plus bizarre que d'habitude dans ce contexte ?

Elle soupire et recale sa joue contre l’oreiller.
- Je ne sais pas… Tout. C’est difficile à expliquer. Ma vie commençait à décliner. Il ne me restait qu’un large précipice devant. Aujourd’hui, c’est le monde qui est au bord du gouffre et moi… moi j’ai à nouveau des chemins devant moi. C’est assez ironique quand on y pense… Peut-être qu’ils seront très courts. Mais ils sont là. Je ne sais pas quoi faire de ces chemins. Je ne sais pas comment m’y engager. Je n’ai jamais planifié mon futur. Pas depuis des années. Tu sais ? Jouer à comment tu t’imagines dans cinq, dix ans, plus ? Je sais qu’aujourd’hui, c’est certainement prématurer d’aller aussi loin mais… se projeter c’est un truc assez normal non ? … tu l’as déjà fait toi ? Elle tourne légèrement la tête vers lui. Avant je me contentais du présent. Qu’il me plaise ou non. Mais ça non plus je n’y arrive plus. Elle tapote gentiment sur son bras. Laisse tomber. J’ai trop de temps pour penser et réfléchir, c’est tout. Les choses deviendront peut-être plus naturelles au fur et à mesure du temps. Si on nous en laisse. Maintenant moi et mes questionnements à deux ronds on va se taire.

- Je ne sais pas… Tout. C’est difficile à expliquer.
- Essaie toujours...
- Ma vie commençait à décliner. Il ne me restait qu’un large précipice devant. Aujourd’hui, c’est le monde qui est au bord du gouffre et moi… moi j’ai à nouveau des chemins devant moi. C’est assez ironique quand on y pense…
- Parce qu'on te redonne des perspectives d'avenir individuelles alors qu'on peut  mourir demain ? Un peu, ouais. Mais ça fait un moment que je me dis que la vie est ironique de base. C'est son mode par défaut.
- Peut-être qu’ils seront très courts.
- Ces fameux chemins ?  Peut-être bien... mais ils sont là.
- Mais ils sont là, répète-t-elle doucement avant d'avouer. Je ne sais pas quoi faire de ces chemins. Je ne sais pas comment m’y engager. Je n’ai jamais planifié mon futur. Pas depuis des années. Tu sais ? Jouer à comment tu t’imagines dans cinq, dix ans, plus ? Je sais qu’aujourd’hui, c’est certainement prématurer d’aller aussi loin mais… se projeter c’est un truc assez normal non ?
- Beaucoup de gens ne le font pas.…
- Tu l’as déjà fait toi ?
- J'ai jamais vraiment cru à l'avenir. J'avançais un peu... sans plan. Au gré du vent, des envies.... C'est sans doute ça qui a gavé Ivy. Elle voulait construire. Et moi... Moi j'arrivais pas à me projeter, dans une vie rangée... Dans... une vie de famille.
- Avant je me contentais du présent. Qu’il me plaise ou non. Mais ça non plus je n’y arrive plus. Laisse tomber.
- Pourquoi ?
- J’ai trop de temps pour penser et réfléchir, c’est tout.
- Ouais, non, mais ça clairement... Je ricane mollement. Mais c'est pas con comme réflexion.
- Les choses deviendront peut-être plus naturelles au fur et à mesure du temps. Si on nous en laisse. Maintenant moi et mes questionnements à deux ronds on va se taire.
- Nooon... je proteste en la rapprochant contre moi, malgré mes paupières lourdes. Teplé... Dis-moi encore des trucs..... Là, comme ça, on a la vie devant nous et la paix dans le monde.... Tu te vois faire quoi ? Allez n'ais pas peur ! Lâche-toi ! Tout est possible !

- Les choses deviendront peut-être plus naturelles au fur et à mesure du temps. Si on nous en laisse. Maintenant moi et mes questionnements à deux ronds on va se taire.
- Nooon...
Lourd soupir de la jeune femme.
- T’es pire qu’un gosse ! Bassem s’endormait deux fois plus vite que toi…
Elle marque une pause, attendant le pincement au cœur qu’elle ressent encore à chaque fois qu’elle pense à ce temps là. Il arrive, elle l’encaisse avec une certaine familiarité puis reprend comme si de rien n’était.
- En plus j’entends que tu as du mal à articuler.
- Teplé...
- Tiens, qu’est ce que je disais.
- Dis-moi encore des trucs...
- Des trucs ? Tu veux que je te nomme tous les pas de danse classique ? Les ballets ?
- Là, comme ça, on a la vie devant nous et la paix dans le monde.... Tu te vois faire quoi ?
- Me reconvertir dans l’ASMR, devenir riche et chuchoter toute ma vie. Elle chuchote déjà d’ailleurs. Elle s’imagine en train de faire ses trucs qui commençaient à être à la mode quand internet existait encore et sourit.  
- Allez n'ais pas peur !
- Peur de quoi ?
- Lâche-toi ! Tout est possible !
- J’en sais rien du tout, Elliott ! Je sais même pas si les rêves d’hier peuvent ressembler à ceux de demain. Je veux dire… on ne sait même pas quelle tête à le monde en ce moment… Si ça se trouve on est les derniers humains sur terre.

Cette pensée est terrifiante, alors elle la laisse de côté. Celle de la maison qu’avait imaginé Lounis avec elle et sa famille revient la hanter un instant. Celle-là aussi, elle s’empresse de la rejeter comme on chasse une mouche. Pourquoi sa cervelle lui fait ça ? Elle se presse contre Elliott.

- Je ne sais pas si je vais rester dans l’armée… petit rire ironique. En même temps, je ne sais rien faire d’autre… je me relance dans le striptease ? Maintenant que je peux avoir des enfants, est-ce que je veux vraiment leur livrer ce monde-là ? J’admire franchement le courage de toutes ses femmes enceintes…

Elle se tourne lentement pour faire face au jeune homme. Lui non plus ne voyait pas d’avenir possible alors ? Même avec Ivy dont il était amoureux. Elle a vu des anciennes vidéos de son groupe. De lui et d’Ivy ensemble. Ils semblaient complices et lorsqu’ils se regardaient il se passait vraiment quelque chose.

- Et toi alors ? Ferme les yeux et dis-moi… Si on gagne… si on reprend la ville… tu resteras avec nous ?  

- J’en sais rien du tout, Elliott !
- Fais un effort ! y'a rien de mal à rêver un peu !
- Je sais même pas si les rêves d’hier peuvent ressembler à ceux de demain. Je veux dire… on ne sait même pas quelle tête à le monde en ce moment… Si ça se trouve on est les derniers humains sur terre.
- A oui, j'oubliais ton optimisme débridé, j'ironise avec un soupir. On a dit qu'on pouvait rêver, pas cauchemarder ! Allez, on la refait.... Projections de Lexi, deuxième prise !
- Je ne sais pas si je vais rester dans l’armée… En même temps, je ne sais rien faire d’autre… je me relance dans le striptease ?
- Le monde n'est pas prêt ! je pouffe dans son cou en y laissant un baiser léger.
- Maintenant que je peux avoir des enfants, est-ce que je veux vraiment leur livrer ce monde-là ? J’admire franchement le courage de toutes ses femmes enceintes…
- C'est marrant que la première chose à laquelle tu penses ce soit la possibilité d'avoir des gosses... fais-je, songeur, mon esprit vagabondant malgré moi vers des visions de petits métisses mi-nippobritannique, mi-valkyrie. D'adorables angelots.
- Et toi alors ? Ferme les yeux et dis-moi… Si on gagne… si on reprend la ville… tu resteras avec nous ?  
- Oui... Je resterais avec toi, surtout, en fait.

Déclaration sans détour, sans l'ombre de la moindre hésitation.

- Franchement, je ne sais pas ce que je ferais de ma couenne, mais je trouverais bien. Je ne me fais pas trop de souci pour ça. Ma seule certitude c'est que je resterais avec toi, quoi qu'il arrive.

Je lui glisse ces quelques mots sincères dans le creux de ses jolies oreilles, réaffirmant mon étreinte autour de sa silhouette menue.

- Ma pourvoyeuse de barres de céréales, jamais je t'abandonne, tu m'es trop précieuse...

- C'est marrant que la première chose à laquelle tu penses ce soit la possibilité d'avoir des gosses...
Lexi glousse doucement.
- Sans doute parce que je suis une idiote qui suit les conventions sociales. Et puis j’explore mes nouvelles possibilités. Avoir soudain le choix, ça te fait bien plus réfléchir à tes perspectives. Et toi alors ? Ferme les yeux et dis-moi… Si on gagne… si on reprend la ville… tu resteras avec nous ?
- Oui... Je resterais avec toi, surtout, en fait.

La jeune femme sourit largement.
- Tu viendrais faire du strip-tease avec moi ? demande-t-elle avec un petit sourire malin. Mais je te parlais surtout de l’armée en fait. Tu resterais soldat ? Tu pourrais apprendre d’autres choses. Tu es plein de ressources.
- Franchement, je ne sais pas ce que je ferais de ma couenne, mais je trouverais bien. Je ne me fais pas trop de souci pour ça.
Nouveau sourire tendre.
- Non moi non plus je ne m’en fais pas pour toi.
- Ma seule certitude c'est que je resterais avec toi, quoi qu'il arrive.

Face à lui, elle le fixe un moment dans la semi obscurité.
Difficile pour son pauvre cœur de ne pas battre plus vite à ses mots là. Ils semblent sincères. Elle étire le cou jusqu’à pouvoir déposer un baiser sur sa joue.

- D’accord, on fait ça alors. On ne se quitte pas et on continue à veiller l’un sur l’autre.  
- Ma pourvoyeuse de barres de céréales…
Elle glisse sa main sous sa joue alors qu’elle lui sourit à nouveau.
- Un titre dont je suis très fière. Qui a envie d’être un ange ou une valkyrie quand on peut être un distributeur de barres énergétiques ?
- Jamais je t'abandonne, tu m'es trop précieuse...
Son sourire s’étiole un peu, mais dans le noir, peut-être ne le voit-il même pas.
- Il ne faut jamais dire jamais. Mais toi aussi tu es important pour moi. Tu le sais, hein ? Très important. Maintenant dors, je vois tes paupières se fermer toutes seules. Ne lutte pas, lui chuchote-t-elle, espérant l’accompagner sur le chemin du sommeil. Tu es en sécurité. On l’est tous les deux et je reste avec toi cette nuit. Promis…

Elle continue à murmurer, passant des doigts délicats dans ses cheveux en des gestes lénifiants. Elle le regarde glisser vers le sommeil petit à petit, guette sa respiration plus lourde. En n’y regardant pas de trop près, elle pourrait presque avoir l’impression que rien n’a changé entre eux finalement. Si elles le sont bel et bien, c’est uniquement de son fait. La jeune femme soupire puis finis par sombrer elle aussi, bien après lui.