Lexi ne va pas bien.
Elle en a bien conscience.
Entre son chagrin d’amour, sa maladie qui a décidé que l’Apocalypse est un chouette moment pour se manifester, l’attaque contre la caserne, les morts et les blessés de son unité, elle se fissure par tous les bouts.

Elle ne tient que pour les sourires de ses amis proches et les quelques moments qu’ils arrachent à la gravité de la situation grâce à leur camaraderie à toute épreuve. La caporale essaie de parler, poussée par Gi-Ja qui a entrepris de la couver à sa façon. Elle a fait part à Emma de son mal-être mais la pauvre infirmière, à peu près à court de tous médicaments, ne peut rien pour elle. Mis à part l’écouter.

Malgré tout, Lexi n’a confié à personne les idées de plus en plus noires qui lui grignotent la tête, lui susurrent des horreurs au creux de son esprit.
C’est la routine qui la pousse à manger, boire et faire son boulot. Mais ses nuits sont courtes en sommeil et longue en introspections qui ne mènent à rien.
Lexi a perdu le goût de rire, de sourire, de danser… de tout ou presque.
Avant, le peu de temps libre qu’elle avait, elle le passait avec Lounis, son petit frère et leur père adoptif. Aujourd’hui… aujourd’hui, elle n’arrive plus à songer à eux sans éprouver un chagrin qui lui déchire le cœur et les entrailles.

Alors elle s’est donné une autre mission d’importance, pour s’obliger à bouger, à ne pas rester prostrer dans un coin de la caserne jusqu’à ce que quelqu’un pense à la chercher.  
Elle veut retrouver Baphomet.
Grâce à Gi-Ja, elle sait qu’il est là, quelque part, de ce côté du brouillard. Mais elle a beau ouvrir l’œil à chaque patrouille extérieure, elle a l’impression qu’il lui échappe à chaque fois. Il est passé au ranch, quelques fois, mais jamais lorsqu’elle était présente.

Insaisissable.
Quelque part sur la plage. C’est là qu’elle est donc. Mais les grains de sable s’étendent sur des kilomètres…
Elle rejette en arrière ses cheveux qui ont poussé durant ses quelques mois et contemple l’océan agité aujourd’hui.
Ça fait presque deux heures qu’elle marche et elle se sent soudain épuisée, seule. Très, très seule. Elle s’assoit dans le sable, prend un petit bâton et se met à dessiner la vraie forme du démon dans le sable. Elle n’est pas certainement que ça soit très ressemblant. Peut-être que si…

- Où tu es Baph ? Comment on t’invoque, hein ? Trois fois ton prénom ?
Elle adore Gi-Ja et les autres gars de son unité mais elle partage avec le démon quelque chose de particulier. Il sait tout d’elle. La lumière comme les côtés les plus sombres. Et aucun ne le répugne ou ne lui fait peur. Aucun ne l’avait fait fuir ou lui avait donné envie de l’éviter. Pas il y a quelques mois en tout cas.
Là à cet instant, jamais elle n’a autant eu besoin de quelqu’un qui puisse la comprendre.

- Tu m’évites, c’est ça ? lance-t-elle dans le vent avant de reprendre beaucoup plus bas. Toi c’est peut-être pas le cas mais moi… moi j’ai besoin de toi…
Elle soupire en se demandant pourquoi elle se fatigue.
C’est dommage, au final, il est plutôt sympa son dessin. Elle a même fait des plumes pour entourer le pentagramme.  

Mes pieds s'enfoncent dans le sable et je souris à la sensation des grains qui coulent entre mes doigts de pieds.

L'apocalypse, c'est de la merde.

Ce sera le titre de mon nouveau bouquin, tiens ! Ça fait un peu plus classe que "J'ai survécu au pire, et tout ce que j'ai eu en échange est ce t-shirt naze" écrit sur un t-shirt. Ouais, on est d'accord. Ou un film ? Y a jamais eu de films sur Baphomet !

Bon, quoi dire de moi en ce moment ? J'ai du mal à me remettre de la perte de mon meilleur ami, du fait que je n'ai plus mon très cher 'Bouc et Mystère', que l'enfer m'a dans le pif, que les gens vivants l'ont très mauvaise à mon propos, et que depuis des jours, des semaines, des mois, j'évite à peu près tout le monde. Je suis d'une humeur de merde et je prends absolument TOUT mal.

En réalité, je suis inquiet pour l'avenir, et inquiet pour le passé. Des gens que je connaissais, j'en ai pratiquement aucune nouvelles, à part des nouvelles inquiétantes, ou définitives. Même des amis que j'ai connus ici, après ce brouillard, j'ai l'impression qu'ils ne veulent plus me voir. Leurs désirs sont mes ordres. Je me planque...

C'est puéril, et j'en ai conscience, ce soir. Ce soir, je me sens intelligent. Cela ne m'arrive pas très souvent. Je ne suis pas le plus joyeux de la bande, ni celui qui a plus "foi en l'avenir", mais je me sens bien mieux que ces derniers temps. Me planquer un peu m'a fait du bien.

Être moi-même m'a fait du bien.

Je la suis du regard, comme un cadeau venu tout droit de l'enfer que je m'apprête à vouloir faire évoluer, elle est là, Lexi. J'hésite à me montrer à elle. Je suis prêt, mais l'est-elle ? Est-ce qu'elle a seulement envie de me voir ? Est-c...

Ah...

Putain...

Elle dessine bien !

Quoique je n'ai pas les cornes si évasées.

Je t'évite ? Non, mais je t'emmerde, déjà et... Ouais, je plaide coupable, mais c'est pas contre toi, fillette, j'évite tout le monde.

Je prends finalement une grande inspiration pour répondre... quelque chose de plus... de mieux.

"Ah bah si t'as besoin de moi, suffisait de le dire !"

Juste dans son dos, j'évite de la toucher pour ne pas me retrouver avec une main en moins suite à un accès de surprise un peu trop marqué. Mais oui, je suis là, tout proche.

"Il est super cool, ton dessin. Est-ce que tu pourras m'en peindre un comme ça, sous le tapis de ma chambre ? Enfin si un jour j'ai une chambre, bien entendu."

Maintenant que je vois son visage, je déchante un peu, mais je lui souris. Elle a l'air crevée, au bout de sa vie. J'aurais dû revenir plus vite, ou elle aurait dû m'invoquer plus rapidement. Bon, elle m'a invoqué. Je mets un genou en terre (enfin, en sable) et je prends une voix grave, voire démoniaque, pour lui dire :

"En quoi puis-je t'être utile, Lexi ? Je suis ton humble et séduisant serviteur."

Je relève la tête, un éclat amusé dans l'œil.

"Putain, c'est bon de te retrouver."

- Ah bah si t'as besoin de moi, suffisait de le dire !

Les poils de sa nuque se hérissent.
La voix si proche la surprend tellement que Lexi sort son arme et se retourne vivement sur ses genoux. Elle n’a pas le temps de le braquer, déjà sa main s’abaisse en le reconnaissant.
- Baphomet !
Ce n’est que maintenant qu’elle le revoit qu’elle se rend compte à quel point il lui a manqué. Ça lui coupe le souffle une seconde.

- Il est super cool, ton dessin.
- C’est tout ce que tu trouves à me dire, espèce de lâcheur ! lance-t-elle d’une voix tordue par l’émotion.
- Est-ce que tu pourras m'en peindre un comme ça, sous le tapis de ma chambre ? Enfin si un jour j'ai une chambre, bien entendu.
- T’es qu’un idiot… et pourquoi pas un tatouage que tu te feras sur une fesse ?  

Et dieu qu’il lui fait du bien cet adorable idiot ! Le simple fait de le voir allège un tout petit peu le poids qui pèse dans le creux de sa poitrine. Il lui sourit et naturellement, elle fait l’effort de le lui rendre. Il n’a pas l’air au mieux de sa forme non plus et son regard cache une blessure qu’elle creusera aussi.

Il s’agenouille à sa hauteur et le sourire de Lexi s’agrandit alors qu’elle range son arme.
- En quoi puis-je t'être utile, Lexi ? Je suis ton humble et séduisant serviteur.
- J’ai bien cru que ça n’était plus le cas… tu sais que ça fait des semaines que j’essaie de te croiser ? Mais ma super invocation de chouineuse a marché alors ?
Elle passe les doigts dans les cheveux redevenus sombre du démon, les ébouriffant au passage.
- Fini le bleu ? Ca te donne une allure très « Avocat du Diable ». J’aime bien aussi. C’est effectivement séduisant.

Plus que les cernes violets qui ornent ses propres yeux et la pâleur de son teint.
Sa main redescend sur son visage et caresse doucement sa joue. Elle a dans les yeux toutes la compassion du monde.

- Il n’y a pas que l’Apocalypse qui nous a rincé, toi et moi hein ? devine-t-elle.
- Putain, c'est bon de te retrouver.
Lexi hoche la tête, les larmes aux yeux et finit par l’étreindre, s’accrochant à lui comme à une bouée de sauvetage.
- Tu m’as manqué, croasse-t-elle misérablement.

Elle reste un moment immobile, la joue contre son épaule, à pleurer un peu en silence, à respirer son odeur, à apprécier leur étreinte, à ressentir autre chose que du vide. A vrai dire, elle ne sait pas combien de temps elle reste comme ça et c’est une donnée qui n’a pas d’importance. Elle dépose un baiser sur sa joue sans trop savoir pour quoi – le remercier d’être là ? De ne pas la repousser ? Ou pour se faire pardonner de pleurer pathétiquement –, finit toutefois par reculer et essuie ses joues avec un faible rire mouillé.

- Pardon. Je… je suis pas très stable émotionnellement en ce moment. On se retrouve après des mois et je t’inonde déjà de larmes.
Elle prend une profonde inspiration et force un autre sourire sur ses lèvres.
- T’avais besoin de solitude, alors ? Je peux le comprendre.
Elle ne lui en veut pas une seconde à vrai dire. Chacun gère les difficultés à sa façon. L’essentiel, c’est qu’il soit là aujourd’hui.
- Raconte ! Qu’est-ce qu’y t’est arrivé depuis l’invasion du brouillard sur la ville ? Où tu vis ? Il va falloir qu’on rattrape le temps perdu… enfin… si tu veux…  

Est-ce que c'est OK de penser que c'est super sexy, une femme qui sort son arme pour vous mettre en garde ? Non, certainement pas. Bon, la suite est beaucoup plus intéressante. Le soulagement dans sa voix, la décrispation de ses traits, sa totale et complète détente musculaire.

"Je plaide coupable."

J'éclate de rire.

"Naaah, mes fesses sont si bien foutues que tu risqueras de les mordre, et je risquerai d'adorer cela."

Sa super invoc...

"Non, c'est plutôt ton dessin qui a marché. Désolé de pas avoir répondu présent avant. J'étais pas dans la meilleure des formes non plus, et je pense que t'avais pas envie de quelqu'un qui te dire d'autant plus vers le bas."

Je souris à sa caresse. C'est con, hein ? Mais j'ai toujours adoré qu'on me caresse les cheveux. Ça fait les frissons un peu sur tout le corps, et pas nécessairement sexuel, ce qui est suffisamment rare pour le dire, chez moi.

"J'ai plus le réflexe de me teindre en bleu. Et je te remercie. Me voilà, devant toi, le plus naturellement dont je suis capable."

J'écarte les bras, un peu. Lexi, ma grande, je suis vulnérable devant toi, tu joues à un jeu dangereux avec ta main qui me caresse. Le bouc en moi n'est jamais loin.

La voilà qui tombe dans mes bras, et je la rattrape avec grand plaisir, un sourire secret aux lèvres. Je lui rends son étreinte, fermement, parce que je sais que trop de ce genre d'attention ne va pas la briser.

"L'apocalypse, c'est de la merde, mais y a pas eu que ça, effectivement."

Nous restons dans les bras l'un de l'autre. Je suis là, à ma place, avec elle. J'ai nulle part où aller, et pour la première fois depuis très longtemps, je sens mon corps s'apaiser un peu, ma cage thoracique s'ouvrir en de plus amples respirations. Je ne dis pas que je suis prêt à m'attacher à qui que ce soit de nouveau, mais Lexi serait bien capable de me faire changer d'avis.

"Tu m'as manqué aussi."

Quand elle se recule, elle me dépose un baiser sur la joue qui me fait avoir un sourire encore plus grand. J'écarte ses mains pour prendre son visage entre mes doigts et essuyer ses larmes de mes pouces.

"Les traces de sauce à l'italienne te vont mieux au teint."

Besoin de solitude ? Non. Pas plus que cela. Besoin de ne plus être déçu, ou décevoir, pendant au moins quelque temps, beaucoup plus !

"Hé bien, je suis venu ici en ayant... perdu... une partie de ma mémoire. Je sais que cela paraît être dérisoire pour certaines personnes, mais cela m'a profondément marqué. Mes pouvoirs disparaissent petit à petit, j'ai l'impression, et je me mets à ne pas reconnaître des gens de manière un peu random. J'ai la sincère sensation d'être devenu un peu trop en décalage dans ce monde. Même quand je veux aider, je fous la merde. En d'autre terme, je me suis un peu éloigné de la civilisation. Oh, et mon meilleur ami m'a abandonné, aussi. Ça n'aide pas... Bref, je vivote de-ci, de-là."

Non, on ne se lamente pas, bordel ! Je suis persuadé que ses problèmes à elle sont de vrais problèmes et n'ont rien à voir avec tes chouinneries à la con.

"Et toi alors, dis-moi tout ! Je veux tout savoir ! Tu veux qu'on se balade sur la plage ?"

Savoir qu'elle lui a manqué, rien qu'un peu, lui redonne le sourire. L'étreinte de Baphomet est ferme et Lexi veut croire qu'elle lui fait autant de bien à elle qu'à lui. Les semaines sans se voir s'effacent au profit de l'apaisement des retrouvailles. Entre ses bras là, elle  n'a pas à craindre quoi que ce soit. L'apocalypse exacerbe tout. Même les amitiés. Les rendant plus fortes et intenses. Indispensables.

C'est ce qu'il est devenu. Au même titre que Gi-Ja. Sans que le démon ne le veuille sans doute.

- Les traces de sauce à l'italienne te vont mieux au teint.

Elle lui sourit à travers ses larmes et s'intéresse plutôt à son cas et à sa disparition pendant des semaines.

- Hé bien, je suis venu ici en ayant... perdu... une partie de ma mémoire. 
- Pardon ? Lâche-t-elle passablement étonnée.
- Je sais que cela paraît être dérisoire pour certaines personnes, mais cela m'a profondément marqué. 

Elle attrape sa main dans la sienne et la sert en secouant légèrement la tête.
- Pas pour moi tu le sais… c'est horrible Baphomet. Je ne sais pas quoi te dire ! 
- Mes pouvoirs disparaissent petit à petit, j'ai l'impression, et je me mets à ne pas reconnaître des gens de manière un peu random. J'ai la sincère sensation d'être devenu un peu trop en décalage dans ce monde.
Imperceptiblement Lexi sert plus fort comme pour l'ancrer un peu plus dans ce monde qui lui échappe.
- Tu connais la raison de tout ça ? Qui tu as oublié ? Personne ne peut t'aider ? Il y a des faes dans tous les coins ! Il doit bien y avoir quelqu'un capable de ça ?
- Même quand je veux aider, je fous la merde. En d'autre terme, je me suis un peu éloigné de la civilisation. Oh, et mon meilleur ami m'a abandonné, aussi. Ça n'aide pas... Bref, je vivote de-ci, de-là.

A nouveau le visage de Lexi se pare d'une compassion qui n'a rien de feinte et elle le sert spontanément dans ses bras à nouveau. Cette fois elle recule plus rapidement après lui avoir murmuré dans l'oreille.

- Je suis désolée Baph. Je sais combien ça fait mal.
- Et toi alors, dis-moi tout ! Je veux tout savoir ! 

Le visage de la caporal se tord brièvement d'une douleur de l'âme qu'elle ne peut contrôler. Elle parvient à la camoufler au prix d'un effort de volonté intense.

- Tu veux qu'on se balade sur la plage ?
- Oui, bonne idée..

Elle saute sur l'occasion de retrouver un minimum de sang froid avant de se lancer elle aussi et, une fois debout, elle lui tend la main pour l'aider à se relever. Au bout de quelques mètres à laisser leurs empreintes de pas dans le sable, Lexi finit par commencer, la voix atone.

- Ma maladie… elle s'est déclarée assez violemment après l'avancée du brouillard. J'ai des… crises de tremblements aiguës et… c'est parfaitement terrifiant. J'ai appris que le démon qui joue les docs au ranch, Salomon, je pense que tu le connais, pourrait me soigner. J'ai essayé d'y aller mais…Elle secoue la tête. Il m'a annoncé comme ça que c'est aussi lui qui a créé ma maladie et il semblait presque…fier sur l'instant. Ça m'a mise hors de moi. Je l'ai frappé du poing et… je n'y suis pas retournée.

Et ses idées noires sont plutôt enclines à la laisser la grignoter petit à petit jusqu'à ce que tout finisse par disparaître. Lutter contre elles sape toute l'énergie de Lexi.

- La caserne a aussi subi une attaque il y a peu. On a perdu des hommes. J'ai été à peine blessée mais… Deux gars proches de mon unité ont failli y passer. Et je me rends compte à quel point leurs morts m'auraient détruites. Un autre à péter un plomb…on a au moins réussi à protéger les civils et à repousser un dragon. Parce que oui… on a un dragon, fait-elle avec un sourire amusé en repoussant ses cheveux loin de son visage.

Elle met quelques temps à poursuivre sur le sujet le plus délicat. Le plus personnel et celui qui fait le plus mal.

- Tu avais raison, tu sais… à propos de l'amour et du coup de foudre. Il n'y a rien qui puisse l'empêcher. Ça m'est arrivé. Je suis tombée amoureuse comme ça, comme une idiote, et… pendant quelques semaines… tout était parfait ou presque. Il m'écrivait des poèmes, tu te rends compte ? Elle a un petit rire mouillé et constate qu'elle a les yeux humides aussi. Il est… si doux, si profondément gentil. Si totalement différent de moi. Je pensais que ça pourrait coller malgré tout. L'amour conquiert tout non ? … le rire se fait aigre. Il n'y a rien de plus faux. Je suis en train de le perdre et je ne sais même pas pourquoi. Je n'ai… Elle déglutit pour faire passer la boule dans sa gorge. Je n'ai aucune idée de ce que j'ai fait de mal… mais quelque chose à changer et il ne me parle pas. C'est comme si… chaque fois qu'il me voyait, ça lui faisait du mal. Je le sens. Je le vois. C'est atroce comme sensation. Je suis parfaitement impuissante et ça me tue à petit feu. Faire du mal à celui qu'on aime juste…par sa présence c'est… Elle laisse son regard se fixer sur le sable au sol et ne cligne plus des yeux pour éviter de repartir en fontaine. Tout ce que je peux faire c'est arrêter les frais. Mais j'ai la trouille… pourtant je vais devoir le faire. Pour lui et pour moi. Je ne sais même pas pourquoi j'y ai cru...

Sa main commence a être prise de tremblements légers. Lexi la lève pour l'observer avec une indifférence résignée.

- Tu vois ça c'est une petite crise. Bref comme tu le vois c'est…difficile. La reconquête de la ville est pour bientôt et peut être que tout ça n'aura plus d'importance. Elle se tourne vers lui et sourit de facon plus vraie, serrant le poing en attendant que la crise passe. Si tu as besoin d'un endroit au dormir, de te changer les idées ou juste… de parler à quelqu'un, tu sais que tu peux venir me voir quand tu veux hein ? Je te trouverai toujours une place et du temps… toujours.

Bah bordel, pour UNE fois qu'il y en a une qui en a quelque chose à carrer, je suis content que ce soit Lexi, vraiment très content. Cela m'aurait fait vraiment chier qu'elle se contente d'une petite tape sur l'épaule et d'un petit "ça arrive à tout le monde, va".

"Très franchement, j'en sais rien. J'ai rencontré quelqu'un de mon... enfin... mon origine, elle me balance qu'elle me connaît, mais rien n'y a fait. Normalement, je peux voir à travers les formes. Les gestes, les manies, les tics de langage, tout cela ne peut pas se contrôler. Je ne pense pas que les Fae y soient pour quoi que ce soit."

Ou alors... Peut-être... je n'y ai jamais pensé. À moins que ce ne soit Odin qui se désintéresse de moi pour de bon et que cela va de pair avec le fait que mes pouvoirs s'amoindrissent. Enfin, bon, peu importe. On ne va pas régler ça sur l'instant.

Elle sait ? Elle aussi a un meilleur ami qui l'a abandonné ?

Nous commençons à marcher et Lexi me parle de sa maladie. Je compatis sincèrement. Je ne pensais pas que cela arriverait aussi vite, je pensais que nous allions avoir le temps.

"Le démon à la rose ? Ouais, je le connais assez bien."

Il est le résultat quand on mélange pouvoir et connard dans un même être. Enfin... Ouais, OK, j'y vais un peu fort. Je pense que ce sont les fausses qui l'ont rendu comme ça. Voilà ce qui arrive quand on traite les âmes comme de la merde.

"Tu voudrais que j'essaie d'aller lui parler ?"

Peut-être pas de lui annuler sa maladie, mais j'aurais un pacte à lui proposer. Les démons adorent les pactes. Lexi poursuit, et elle me parle de l'attaque. Je suis content qu'elle n'était qu'à peine blessé. Par contre, quand elle me parle du dragon, je ne peux m'empêcher de serrer le poing à m'en faire blanchir les jointures. J'inspire, et souffle lentement. J'essaie de garder une voix calme et amusée quand je réponds.

"Ouais, je sais. Bientôt au chômage grâce à lui, petite soldate."

Puis, elle en arrive à un sujet qui me tord les entrailles. L'amour. Pendant un terrible instant, je crains qu'elle ne parle de moi, mais je n'écris pas de poésie, ou du moins, pas le genre qu'elle affectionnerait, je pense. Elle me parle que l'amour l'a prise, que l'homme est gentil avec elle, mais que les deux s'éloignent.

"Tu as bien fait d'y croire. Et si c'est pas lui, ce sera un autre, ou une autre. Pourquoi dis-tu qu'il s'éloigne ? Tu n'as certainement absolument rien fait de mal. Vous avez déjà eu votre passage obligatoire et pénible d'adaptation, tous les deux ? Enfin, pas adaptation, mais tu sais ? De... mise au point. L'engueulade ou la discussion obligatoire. Tu me le dépeins comme quelqu'un de gentil, donc soit il l'est, et je me demande ce qu'il fout dans ce monde, soit il cache sa nature, et ce n'est ni bon pour lui, ni bon pour toi."

Je prends sa main tremblante pour l'enfermer dans la mienne et essayer d'atténuer ses tremblements. Sa proposition est touchante, et même charmante. C'est pour cela que je vais proprement décliner.

"Héhéhé, tu te sens seule dans ton lit le soir à ce point-là ?"

Bon... "proprement" n'est sans doute pas le bon terme.

"Tu sais, moi aussi j'ai aimé, et perdu. Et moi non plus, je ne sais même pas pourquoi. Nous avions passé une bonne soirée, elle m'a partagé ses doutes, ses attentes, ses craintes. J'ai cru que j'allais..." non, je ne vais pas me mettre à chialer, c'est pas vrai ! "... J'ai cru que j'allais connaître cela, ce sentiment qui brûle plus fort qu'un feu de joie, qui obsède, et qui fait passer tout le reste au second plan. Je l'ai connu, mais c'était un feu si destructeur que j'ai eu du mal à m'en remettre, beaucoup de mal."

Avoir ce souvenir me hante parfois aujourd'hui, et ne m'aide pas à me sentir mieux, loin de là.

"Tu veux bien me raconter votre rencontre ? Et qui est ce monsieur ?"

- Le démon à la rose ? Ouais, je le connais assez bien. Et il n’a pas l’air de le porter dans son cœur. Peut-être a-t-il aussi blessé Baphomet sans le vouloir. Puisqu'apparemment c'est quelqu'un de bien maintenant. Cette possibilité renforce l’animosité, certes sans beaucoup de fondement, qu’elle a éprouvé pour Salomon Grass. Tu voudrais que j'essaie d'aller lui parler ?
Elle lui sourit gentiment.
- C’est adorable mais… je crois que c’est quelque chose que je dois faire moi-même. Tu comprends ? Tu n’as pas à porter ce fardeau. Mais je veux bien ton soutien. Et que tu me pousses aux fesses pour que j’y aille.
Elle lui explique ensuite pour l’attaque et note la crispation de Baphomet à la mention du dragon. Elle enrobe ce poing serré avec force de sa main.
- Hey ? Ca va ? Il t’a fait quelque chose lui aussi… c’est à cause de Gi-Ja ? Elle fait un vague mouvement de sa main libre. Il m’a raconté pour lui et toi. C’est un ami très proche. Comme toi. Si j'avais su... j'aurais pu lui expliquer, lui dire que tout ça c'était qu'un malentendu, que jamais tu aurais été capable de... de lui faire du mal.

Elle en arrive au sujet le plus délicat. Le plus ardu à livrer sans se noyer à nouveau.  

- Tu as bien fait d'y croire. Et si c'est pas lui, ce sera un autre, ou une autre.
- Non… non. Plus d’autre. C’est trop… beaucoup trop de souffrances pour quelques brefs instants heureux. Je ne suis pas faite pour ça… l’amour. Il vaut mieux se faire une raison.
- Pourquoi dis-tu qu'il s'éloigne ? Tu n'as certainement absolument rien fait de mal.
- Je ne sais pas. C’est difficile à expliquer. Il m’évite, semble presque… souffrir en ma présence. Je le sens au fond de mes tripes et … elle pose sa main contre son cœur… là aussi.
- Vous avez déjà eu votre passage obligatoire et pénible d'adaptation, tous les deux ? Elle lui lance un regard interrogateur. Enfin, pas adaptation, mais tu sais ? De... mise au point. L'engueulade ou la discussion obligatoire. Tu me le dépeins comme quelqu'un de gentil, donc soit il l'est, et je me demande ce qu'il fout dans ce monde, soit il cache sa nature, et ce n'est ni bon pour lui, ni bon pour toi.
Lexi garde un instant le silence.
- Lounis… n’est pas du genre à se disputer ni à cacher quoi que ce soit. C’est difficile de parler ou de se disputer avec un mur tu sais… Je me rends compte à quel point je suis désespérément nulle en amour. Je sais à peine comment fonctionne un couple.

Sa maladie décide de s’immiscer dans leur conversation et elle fixe leurs deux mains unies et encore un peu tremblantes à cause d’elle. Lexi décide de faire comme si elle n’était pas là, comme si tout était normal et l’invite à venir à la voir autant qu’il le souhaite, espérant qu’il accepte.

- Héhéhé, tu te sens seule dans ton lit le soir à ce point-là ?
Elle comprend que c’est sa façon de dire non et baisse les yeux pour qu’il ne voit pas la déception dans son regard.
- On est même quelques dizaines à avoir froid dans nos lits… tu en aurais du travail. Mais oui... je me sens parfois très seule.
- Tu sais, moi aussi j'ai aimé, et perdu.

Son tremblement n’a pas cessé mais elle glisse son bras sous le sien. Elle l’écoute avec attention, appuie sa tête contre son bras au moment où elle le sent pris par l’émotion.

- Je suis tellement désolée pour toi, Baph… cette femme… c’est une idiote finie et elle ne sait pas ce qu’elle loupe ! Tu mérites bien mieux. Et je te souhaite de trouver cette personne. Comment tu as fait ? Pour t’en remettre… ?
- Tu veux bien me raconter votre rencontre ? Et qui est ce monsieur ?
Lexi fixe le sable, soupir puis prend une profonde inspiration.
- Il s’appelle Lounis Al Hamoud. C’est un réfugié syrien qui a déjà tellement perdu… Je… j’ai aidé son petit frère Bassem, à sortir du brouillard. Il est resté collé à moi après. Il m’appelait son ange gardien… « Malak ». Ce souvenir lui arrache un sourire plein de mélancolie. Lounis a fini par nous retrouver et je… on a commencé à passer du temps ensemble. Je lui donnais des cours d’anglais. Et puis… on a découvert qu’il était un avatar de Psyché. Tu connais la déesse ? Bref, j’ai essayé de l’aider au mieux. On a fini par tomber amoureux. C’était… ni grandiose, ni grandiloquent. Juste… ça c'est fait, voilà tout... Mais je crois sincèrement qu’il est perdu, qu’il ne sait plus qui il est et que notre relation est un poids pour lui, aujourd'hui. Alors…alors je vais devoir faire ce qu’il faut. Tu vois ? chuchote-t-elle.

Non ? Bon, je verrai plus tard pour lui proposer mon deal alors, à ce démon. Elle a raison de vouloir régler cela par elle-même, cependant...

"J'aurais aimé être un peu plus acteur de ta guérison. Au final, j'ai vraiment l'impression de ne servir à rien."

Tu m'diras, ça ne change pas de d'habitude ! Je ne comptais pas parler du dragon, et encore moins de Gi-Ja... Cependant, elle ne comprend pas mon mal-être.

"Gi-Ja était mon amant. Il se servait de moi pour évacuer sa frustration et vivre pleinement sa sexualité au moins l'espace d'une soirée. Et oui, je sais de quoi ça a l'air, et oui, j'ai réellement pris mon pied à le libérer... Cinq ou six fois... Récemment, nous nous sommes recroisés et il a cru que j'avais abusé de lui. Puis, il m'a offert son amitié à la place de son c... à la place de nos soirées. Cela m'a profondément touché parce que... putain... je me sentais seul." Seul, sur mon bout de plage abandonné, coquillage et... non.

"Et il a tout simplement disparu. Je me suis inquiété, tu ne peux même pas t'imaginer ! Je l'ai imaginé dans les pires situations possibles. Et un jour, j'apprends qu'il est non seulement en couple avec un dragon et qu'il va parfaitement bien, mais que ce dernier refuse qu'on se voie à nouveau." Je soupire, ce que j'ai horreur de ce genre de gamineries. Pour un être de plusieurs millénaires, un comble ! "Sincèrement, Lexi, j'espère que tu me crois quand je te dis que je ne leur souhaite que tout le bonheur du monde. Mais moi, je suis le démon du libre arbitre, et même s'il accepte de me voir en cachette, c'est pas une chose que je supporte très bien. Moi, on m'assume, ou je disparais, c'est aussi simple que ça. J'ai plus de temps à perdre."

Je dis cela en ayant pleinement conscience qu'à présent que les choses vont changer, je vais certainement être amené à remettre en cause cette éternité. Cette idée ne m'effraie pas, étrangement, elle m'excite au contraire.

"J'adorais mon amitié avec Gi-Ja, mais qu'il se soumette aux bonnes volontés d'un dragon et ne plus vouloir me voir me dépasse. Personne ne devrait obliger qui que ce soit à quoi que ce soit dans une relation saine... Ou alors avec le consentement de l'autre dans le cas de jeux sexuels amusants... Mais on s'égare..."

Tu t'égares tout seul, mon grand !
Chapitre Gi-Ja clos pour de bon. J'essaie de ne pas ressentir de ressenti, mais c'est putain de dur.

"Personne n'est 'fait' pour l'amour, et ceux qui en sont persuadés se fourrent le doigt dans l'œil."

Un mur ? Oh bordel... Lounis alors ? Lounis le mur. Oui, je vois exactement ce qu'elle veut dire, et non, ils n'ont pas eu cette discussion viscérale propre aux couples qui perdurent.

"Hé, ça va aller. OK ?"

Je prends la miss dans mes bras avec un sourire satisfait. Je la sens trembler, mais je m'en fiche. Enfin non, je ne m'en fiche pas, je suis très inquiet. Mais ce soir, c'est elle et moi. La maladie attendra bien.

"Ah non, si je viens, c'est pour toi toute seule !"

Navrée, ma chérie Lexi, mais avec mon état de nerf en ce moment, soit on s'engueulerait, soit on... réveillerait tout le dortoir. Cependant, j'ai du mal à résister à une demoiselle en détresse. Et je ne peux pas refuser quoi que ce soit à Lexi. Démon du libre arbitre, hein ? Naaah.

"Je passerai."

Elle me parle de son cher et tendre Psyché alors. "Ouaip, je connais !" et je comprends à demi mot ce qui se passe. Un amour en douceur, tranquille, un amour qui est affection, mais un amour où la passion est absente, est-ce encore de l'amour ?

Bon, parlons de ma chère et tendre (qui ne l'est plus) et que j'ai perdue. Sincèrement, je pense que cela me ferait sans doute du bien d'en parler d'ailleurs.

"Quand j'étais..." je montre nos pieds "... aux sous-sols, j'ai croisé une âme qui m'a fait promettre de veiller sur sa fille. Je l'ai donc fait, pendant des années, en forme de... Bah de Baphomet. Elle s'était habituée à cette forme jusqu'à ce que la circulation entre la surface et les enfers ne soient pas si aisés. Nous nous sommes retrouvés il y a quelques années, et elle était devenue une belle jeune femme. J'ai jamais su si elle avait reconnu en moi l'ami imaginaire de son enfance, mais nous avons passé l'après-midi ensemble. Avant que nous le réalisions, nous ne pouvions plus nous quitter... Puis, elle s'est désintéressée de moi. J'avais plus l'impression de la saouler qu'autre chose. Je peux parfois être un poil acharné quand je suis..." ...moi "...bref."

Enfin, pour m'en remettre, c'était pas simple.

"J'ai hurlé, cassé des trucs, j'ai voulu mettre fin à mes jours." J'ai même voulu échanger ma mémoire magique pour aider à réparer celle de Lexi, oubliant mon amour au passage... Je l'envisage toujours, d'ailleurs. "Puis j'ai fais des rencontres, des gens qui m'ont fait comprendre que je ne suis pas si nul que ça. Pour eux, je me suis forcé à me reconstruire. Aujourd'hui je sais que même si ces gens ne prennent pas toute la mesure de ce qu'ils sont pour moi, au moins je sais que je suis important et que je peux changer ce monde qui lui, n'arrivera pas à me changer."

Je regarde l'horizon, parce que pour dire cela à Lexi, je ne peux pas la regarder.

"Et je garde espoir, parce que c'est quand même super chouette d'être amoureux. On a l'impression que plus rien ne pourra nous atteindre."

Enfin Lexi a la version des faits de Baphomet. C’est une histoire terrible. Entre le déni de ce qu’il est de Gi’ et son utilisation honteuse de Baphomet. Elle est franchement heureuse de savoir qu’ils ne partagent plus de lien aussi toxique.

- J'adorais mon amitié avec Gi-Ja, mais qu'il se soumette aux bonnes volontés d'un dragon et ne plus vouloir me voir me dépasse. Personne ne devrait obliger qui que ce soit à quoi que ce soit dans une relation saine... Ou alors avec le consentement de l'autre dans le cas de jeux sexuels amusants...
Lexi pince les lèvres, se trouvant dans la situation délicate de comprendre les deux.
- Sans vouloir me faire l’avocate du dragon, il a lui aussi… eu des relations amoureuses difficiles par le passé. Laisse-leur un peu de temps pour accepter tout ça. Et je suis certaine que s’il te connaissait, il n’aura pas ce genre de crainte. Je trouve ça dément que même un dragon peut avoir des problèmes de confiance en soi !
- Mais on s'égare...
- Moi j’appelle ça parler de ce qui te tourmente. Et je suis là pour écouter. Tu le sais.

Lui partager son histoire avec Lounis est douloureux mais ça lui fait également du bien de se rappeler des bons moments.
- Hé, ça va aller. OK ?
- Tu crois ? croasse-t-elle contre son torse en se maitrisant pour ne pas lui exploser en pleine face sans qu’il l’ait demandé. Elle s’accroche à son vêtement et inspire doucement pour faire refluer la crise de larmes. Ils tentent de retrouver un ton léger et Lexi profite de leur complicité retrouvée pour ne pas replonger tête baissée.

- Ah non, si je viens, c'est pour toi toute seule !
- A vrai dire… je l’espérais un peu.
- Je passerai.
- C’est vrai ? Ses yeux s’illuminent à nouveau comme avant et elle se hisse sur la pointe des pieds pour lui embrasser la joue. Promis, tu ne seras pas déçu ! Et s’il n’y a plus de place, on bivouaquera à la belle étoile !

A lui de lui raconter son histoire d'amour ratée, et Lexi flamboie soudain.

- Attends… comme ça ? Sans explication ? s’indigne la jeune femme, franchement sur les nerfs contre cette nana qui a complètement oblitéré les sentiments de Baphomet pour… pour elle ne sait même pas quoi. C’est du grand n’importe quoi ! Merde on est pas des jouets à la fin !
Sa colère lui redonne des couleurs et à vrai dire, c’est bien plus facile de s’énerver contre une inconnue que contre sa propre situation.
- Comment tu as fait ? Pour t’en remettre… ?
- J'ai hurlé, cassé des trucs, j'ai voulu mettre fin à mes jours.
- Oh… toi aussi alors, aveu qu’elle lui concède à mi-voix. Ca m'arrive aussi... beaucoup trop souvent.
- Puis j'ai fais des rencontres, des gens qui m'ont fait comprendre que je ne suis pas si nul que ça. Pour eux, je me suis forcé à me reconstruire. Aujourd'hui je sais que même si ces gens ne prennent pas toute la mesure de ce qu'ils sont pour moi, au moins je sais que je suis important et que je peux changer ce monde qui lui, n'arrivera pas à me changer.
Face à lui, Lexi lui sourit et caresse sa joue du dos de ses phalanges.
- C’est une belle conclusion. Parfois… parfois je me demande malgré tout si ça suffit, tu vois ? Sans doute parce que je suis une indécrottable romantique au fond… Mes amis, c’est tout ce qui me reste… et je vous aime avec force mais… elle pousse un soupir. Ça ne comble pas tous mes vides.
- Et je garde espoir, parce que c'est quand même super chouette d'être amoureux. On a l'impression que plus rien ne pourra nous atteindre.
Elle sourit et suis son regard vers l’horizon.
- Ca serait si bien si c'était vrai... On sait que c'est faux malheureusement. Mais va… tombe amoureux encore si tu veux. Moi je ne serais jamais bien loin, prête à botter le cul de ton ou ta partenaire si iel fait mine de faire n’importe quoi. Aussi longtemps que je le pourrais. Je te le promets.

Elle lui sourit et retire un grain de sable sur son épaule.

- Moi j’ai hâte de savoir si ce nouveau Baphomet fraîchement reconstruit et à l’air plus sérieux est vraiment différent de celui que j’ai appris à connaitre ! Sa main s'attarde sur son épaule. Tu as tort tu sais…. De dire que tu n’es pas acteur de ma guérison. Tu es là, tu me laisses te noyer de larmes, tu me soutiens… et je t’assure que ça fait toute la différence. Alors…. On peut savoir qui sont ses gens que tu as rencontrés ? Je veux tout savoir !

Oh bordel, elle va défendre la grosse bêbête écailleuse elle aussi ? Non mais sérieusement !

"Tout le monde a eu des relations difficiles ! Ce n'est pas une excuse pour me priver d'une amitié naissante... Et priver Gi-Ja d'un soutien émotionnel par la même."

...Ou moi.

"T'appelles ça des 'problèmes de confiance en soi' ? T'es adorable."

J'appelle ça de la grosse connerie pour ma part. Et sincèrement, je ne pense pas que s'il me connaissait, ça irait tout de suite mieux. J'ai du mal avec les tyrans, avec les esprits qui pensent pouvoir imposer leur loi, qu'ils soient pourvus d'écaille ou non... D'ailleurs, qu'ils aient une bonne raison ou non... Même s'ils sont la personne la plus adorable du monde, on n'exige rien envers la cible de notre affection. Rien ne me dit que cela va changer d'ailleurs.

Lexi est comme moi, à bout de tout. Je la prends dans mes bras et la serre contre moi d'une étreinte trop forte et trop longue pour une simple amitié. Rien n'est simple de toute façon. D'ailleurs, je commence à me demander de quoi est constituée la soirée qu'elle est justement en train de me proposer. Puis, je me dis que je m'en fiche, que je profiterai de chaque instant avec elle, et que ce sera bien quoi qu'il nous prenne l'envie de faire. Hn... Faire passer le sexe au second plan ne me ressemble pas ! C'est étrange. En même temps, je me rends compte que... en fait, quelque chose de plus important vient de le supplanter.

"Deal alors."

Je lui raconte mon histoire et cela semble choquer Lexi un instant. Si ce qui aurait dû être l'amour de ma vie s'est désintéressée de moi pour une raison, j'en ignore laquelle. Je réponds simplement d'un haussement d'épaule. Je sais qu'elle est toujours là, quelque part, et qu'elle va bien, qu'elle est en vie. Je ricane de la fougue de Lexi, en réalité, elle me fait du bien. Moi, contre ce Loukasmachin et elle contre MissBlanche. On fait vraiment la paire en ce moment.

"Les amis... dont moi... sont tout ce qui te reste... et il te reste des 'vides à combler'. Je suis prêt à combler absolument ce que tu veux !"

Je souris, amusé de ma propre blague à la con.

"C'est surtout que ça ne se commande pas. Et là, je doute que qui que ce soit veuille de mon affection dans l'état de nerfs dans lequel je me suis trouvé ces derniers temps. J'ai plus perdu que gagné. Du coup, je préfère me recentrer sur mes liens qui me sont chers."

Non mais... NON !

"Plus sérieux ? Faut même pas y compter !" Je m'apprête à poursuivre, mais je m'arrête dans mon élan parce qu'elle est quand même super, Lexi. Je suis content d'être là pour elle. "Toi, déjà, pour commencer. Ensuite, un chien de l'enfer, mais il est reparti. Un p'tit gars du nom de Marcus aussi. Ma fournisseuse en herbe aussi qui a accepté de travailler avec moi... Ce ne sont pas des relations qui me satisfont pleinement, mais c'est cool quand même... Et puis on sait pas de quoi l'avenir est fait."

J'avance jusqu'à l'eau et laisse la mer me lécher les pieds.

"Toujours partante pour un bain de minuit ?"

Lexi comprend que la guerre larvée entre Neo et Baphomet ne se réglera pas en quelques mots mais le pourrait si seulement ils communiquaient un peu. Ahhh les mecs… enfin les mâles de façon générale… lls n’ont jamais été les rois de la communication et ça la peine. Mais cette fois, elle ne s’en mêlera pas ! Elle en a assez de servir de tampon et de réparatrice de liens alors que les siens se désagrègent…
Enfin ça c’est ce qu’elle se dit mais elle est déjà en train d’échafauder un plan machiavélique pour les obliger à se rencontrer à la caserne, l’air de rien… les problèmes des autres ont toujours été une distraction bienvenue.

- Les amis... dont moi... sont tout ce qui te reste... et il te reste des 'vides à combler'. Je suis prêt à combler absolument ce que tu veux !
Cette réplique la fait glousser bêtement. Son humour particulier et parfois un peu salace lui avait manqué. Personne ne se le permet plus à la caserne et ça n’était absolument pas le genre de Lounis.
- Ca fait plaisir de savoir que tu te dévoueras pour la cause !
Mais tout ça ne le fera pas changer d’avis sur sa volonté de mettre son cœur à l’abri à présent. Il n’en reste que des petits morceaux brisés.  
- C'est surtout que ça ne se commande pas. Et là, je doute que qui que ce soit veuille de mon affection dans l'état de nerfs dans lequel je me suis trouvé ces derniers temps.
Lexi secoue la tête.
- Ca n’est pas parce que les gens vont moins bien qu’ils ne sont pas « aimable ». Enfin… je crois. Petite grimace. C’est peut-être éventuellement moins sexy… Et encore ! Je trouve que tu l’es toujours ! Moi je sais que je ressemble à une loque humaine. Mais c’est pas grave.  
- J'ai plus perdu que gagné. Du coup, je préfère me recentrer sur mes liens qui me sont chers.
- Et tu as bien raison ! Moi j’ai hâte de savoir si ce nouveau Baphomet fraîchement reconstruit et à l’air plus sérieux est vraiment différent de celui que j’ai appris à connaitre !
- Plus sérieux ? Faut même pas y compter !
La répartie du tac au tac la fait sourire largement.
- Heureusement ! Tu as tort tu sais…. De dire que tu n’es pas acteur de ma guérison. Tu es là, tu me laisses te noyer de larmes, tu me soutiens… et je t’assure que ça fait toute la différence. Alors…. On peut savoir qui sont ses gens que tu as rencontrés ? Je veux tout savoir !
- Toi, déjà, pour commencer.
Lexi lui lance un coup d’œil amusé.
- En pole position comme il se doit !
- Ensuite, un chien de l'enfer, mais il est reparti.
- Ton meilleur ami, devine-t-elle.
- Un p'tit gars du nom de Marcus aussi. Le nom lui dit vaguement quelque chose et puis elle se rappelle qu’il est celui qui habite dans sa cabane magique ! Un vrai conte de fées. Ma fournisseuse en herbe aussi qui a accepté de travailler avec moi...
- Ouhhh, elle est jolie ?
- Ce ne sont pas des relations qui me satisfont pleinement, mais c'est cool quand même... Et puis on sait pas de quoi l'avenir est fait.
Lexi hoche la tête.
- Tu as raison. J’admire ta capacité à croire encore. Vraiment. Je ne sais pas comment tu fais… moi j’ai l’impression d’être une vieille baudruche fatiguée et en bout de course… C’est bête je sais et pas très respectueux pour toi. Tu as sans doute du encaisser un milliard de plus de désillusions et d’horreurs dans ta longue vie et moi j’ai déjà envie de tout lâcher alors que je n’ai même pas trente ans…
- Toujours partante pour un bain de minuit ?
Un peu décontenancée par la proposition, la caporale fait la moue en regardant sa montre.
- Tu veux dire… le bain de 19h30 ? Très transgressif.

Elle ouvre la bouche pour décliner mais soudain, cette idée lui apparait parfaitement séduisante. Simplement parce qu’elle sort de sa routine, qu’elle a ce petit grain de folie qu’elle aime chez lui. Alors à la place, elle referme aussitôt la bouche et commence à se déshabiller jusqu’à ce qu’elle se retrouve en débardeur et petite culotte. Rien qu’il n’ait déjà vu.
Elle lui adresse un sourire entendu et s’avance dans l’eau en poussant un cri de surprise.
- Merde, ce qu’elle est froide !
Elle finit par s’y jeter entièrement plutôt que d’attendre de s’acclimater à la température et émerge, grelottante.
- Alors ? Tu viens ou tu me laisses barboter seule avec les sirènes et me transformer en petit glaçon ?

Dévoué pour la cause ? Ohhh, t'as encore rien vu de comment je peux être particulièrement... dévoué pour une cause ou une personne. Bon, les images qui me viennent de moi à genoux devant elle et à lui montrer ma "dévotion", je les garde pour moi. Juste pour moi. Pour plus tard. Quand je serais seul.

"Tu ne ressembles pas à une loque humaine. Tu ressembles à Lexi-Chérie qui a besoin d'aide et que je serais ravi de lui apporter. Mais de mon point de vue, tu es toujours difficilement résistible."

Elle a dit que j'étais sexy ? Ou j'ai mal entendu ? Ou oui ? On va dire que oui !

J'enquille et parle des personnes que j'ai rencontrées. J'en oublie volontairement certaines. Elle devine que mon chien était mon meilleur ami. Ce n'était pas que notre relation était fondue dans le marbre, en réalité, elle a même commencé très difficilement. Il m'a défié plusieurs fois et cela m'a plu beaucoup trop. Il est reparti très rapidement après avoir fini sa mission, et c'est cela qui m'a fait mal. Je pensais que j'étais plus pour lui qu'un échange de bon procédé. D'ailleurs, au fond de moi, j'en suis toujours un peu convaincu. Peut-être que notre lien naissant lui a fait peur. Peut-être que j'aurais l'occasion de le rassurer un jour. Peut-être que non.

Pour ce qui est de ma fournisseuse en herbe... Sa question me perturbe vraiment beaucoup. Un peu trop d'ailleurs.

"Oui, jolie... Enfin, je trouve. Elle a un style assez particulier, mais j'aime bien."

Avais-je déjà envisagé Belle Plante en tant que partenaire de vie ? Oh oui, plus d'une fois. Cependant, quelque chose en elle me repousse. Enfin. Non, c'est mal dit. Quelque chose à l'intérieur d'elle ne m'aime pas. Mais comme à chaque fois que je suis avec Lexi, je me dis qu'il faut que je vois le bon côté des choses, peut-être que j'arriverai à l'apprivoiser, qui sait ?

"Je le crois parce que j'ai été quelque chose, et j'en suis devenu une autre, puis une troisième. À chaque fois, je devais changer radicalement. Et puis... Quelque chose est dans l'air, en ce moment. Tu sens ? Pour la première fois de mon existence, j'ai été salement abandonné, mais avec l'abandon vient aussi... la liberté. Je ne suis plus contraint d'être ce que qui que ce soit attend que je sois. Je peux être moi. Alors ouais, ça fait peur, et parfois, j'ai pas envie, mais bordel, qu'est-ce que c'est bon !"

Une description imagée ? Allez !

"En fait, je me sens comme un chien sans maître, qui a perdu son collier. La plupart de nos chers amis canins ne survivent que difficilement à cet état de fait. Je suis simplement en train de retourner à l'état sauvage et de commencer à kiffer ça. Tu devrais faire de même, vivre au jour le jour comme tu as appris à le faire, rester ouverte à tout ce qui vient." et surtout à moi "Et laisser couler ce qui ne te convient pas. T'es au bout de course de rien du tout et le fait de ressentir du désespoir n'est pas l'apanage des vieilles personnes. T'as le droit de tout ressentir, tristesse, colère, déception, et tu as le droit de tout ressentir cela à fond. Ainsi, tu pourras passer à d'autres émotions, joie, passion, découverte, excitation..."

Et.... je lui propose un bain de minuit à 19h (parce que je suis un rebelle !)

Lexi se déshabille et il me faut un petit temps avant de faire de même... Et de penser à refermer ma bouche. Elle est froide ? Il ne me faut qu'une fraction de seconde pour vérifier qu'elle a bien froid de tout partout. À travers son débardeur, c'est plus qu'évident. Hihi.

Bon, je reste en caleçon et vais la rejoindre. Si je suis sensible à la lumière, je ne suis pas sensible au froid. Je ne peux donc qu'imaginer à quel point il faut du courage à Lexi pour me suivre dans mes conneries.

"Le petit glaçon le plus sexy et le plus têtu que je connaisse."

Je nage autour d'elle, et laisse mes ailes sortir, presque négligemment. Les articulations se mettent à craquer un peu, cela me fait du bien, et la sensation d'eau entre les plumes est très agréable.

"Alors, vieille baudruche, tu veux faire une course à la nage ? Le premier jusqu'à la bouée d'amarrage là-bas ?"

Lexi l’écoute parler de changement, de mutation, d’évolution presque et se dit qu’effectivement, tout ce qui est arrivé à Baphomet ces derniers temps semble l’avoir… transformer un peu. Et pour le mieux selon lui. Est-ce qu’il pense qu’elle aussi l’a abandonné pendant toutes ses semaines ? Objectivement, sans doute un peu. Elle irait presque jusqu’à dire qu’ils se sont un peu laissés l’un l’autre. Mais elle ne lui en tient absolument pas rigueur. L’important c’est qu’il soit présent maintenant.
Il va plus loin encore dans sa métaphore et la jeune femme sourit.

- L’état sauvage… Je pense qu’on y est tous plus ou moins contraint vu l’état du monde.  
- Tu devrais faire de même, vivre au jour le jour comme tu as appris à le faire, rester ouverte à tout ce qui vient.
Elle a un sourire las.
- Tu sais, j’ai déjà du mal à trouver une raison de me lever le matin alors le reste…Je vis d’heure en heure, tu sais. Qui sait si on ne va pas subir une nouvelle attaque…  
Et si elle n’y restera pas à son tour.
- Et laisser couler ce qui ne te convient pas.
- Tu parles de ma relation avec Lounis je suppose.
- T'es au bout de course de rien du tout et le fait de ressentir du désespoir n'est pas l'apanage des vieilles personnes. T'as le droit de tout ressentir, tristesse, colère, déception, et tu as le droit de tout ressentir cela à fond. Ainsi, tu pourras passer à d'autres émotions, joie, passion, découverte, excitation...
Elle lui sourit tendrement.
- Tu as raison. Si je pouvais simplement retrouver un seul de ces sentiments, ça serait top ! Même si j’ai fait une croix sur la passion…

Ça n’a jamais été comme ça avec Lounis. Ca ne le sera jamais. Comme si Baphomet sentait ses idées noires exsudé de sa cervelle fatiguée et essorée, il propose l’inattendu et elle saute sur l’occasion.
Regrette-t-elle son élan une fois dans l’eau froide ? Oui et non. C’est vraiment vivifiant.

- Le petit glaçon le plus sexy et le plus têtu que je connaisse.
Elle lui envoie une gerbe d’eau à la tête avec un sourire.
- Quel… baratineur… tu fais ! Oui, elle claque un peu des dents. Et bientôt… un gla… glaçon enrhumé !

Elle l’observe tourner autour d’elle.
- Tu… vas finir par me manger ? C’est une technique… de prédateur non ?
Mais il sort bientôt ses ailes et elle articule un « oh ! » étonné.
- Ca fait… quelle sensation ? Ca ne t’a… t’alourdit pas ?
- Alors, vieille baudruche, tu veux faire une course à la nage ?
- Hey ! La vi… vieille baudruche… t’emmerde ! Deal ! Ca va me réchauffer.
- Le premier jusqu'à la bouée d'amarrage là-bas ?

Elle ne lui laisse même pas le temps de finir sa phrase et prend quelques longueurs d’avance. Qui a dit qu’on avait pas le droit de tricher un peu ? Son corps athlétique et habitué à l’effort fend l’eau souplement. Elle ne cherche pas à savoir où en est son partenaire. Elle nage simplement, avalant les mètres avec un crawl maitrisé. Finalement, elle touche la bouée avec un petit rire de triomphe qui se transforme en gargouillis lorsqu’elle baisse la tête sous l’eau jusque ses narines. Elle attire à elle Baphomet et les cache comme elle peut derrière la bouée.

- Des sirènes… chuchote-t-elle. On dit qu’elles sont imprévisibles et demandent soient des poèmes soit des baisers en paiement pour nous laisser tranquille. Comme je me sens l’envie de leur donner ni l'un ni l'autre, je préfère éviter qu’elles nous voient.
Elle lui offre malgré tout un sourire un peu grelottant et note qu’ils sont assez proches pour qu’elle puisse compter les gouttelettes qui sont restées accrochées à ses cils.
- Elles nous ont repérés tu crois ?

J'aimerais vraiment pouvoir la rassurer sur le fait que les choses vont changer, mais c'est effectivement seulement mon point de vue. Il faudrait qu'elle se débarrasse de cette maladie qui la ronge, si j'ai cru pour ralentir le phénomène sur la mémoire, cette connasse a bien profité de mon absence pour s'insinuer dans Lexi.

"Je parle de ta vie en général. T'as plus de temps à perdre avec ça."

C'est à peine si je comprends pourquoi elle n'a pas simplement fuit l'armée. Vivre pour soi est le luxe d'enfant et de privilégiés. Alors je nous accorde un moment de jeu rien qu'à nous deux.

Je la laisse s'éloigner. Si l'idée de la laisser gagner m'avait traversé l'esprit, je dois admettre que sa technique ne me laisse absolument pas le choix que d'arriver en deuxième. Même les ailes soigneusement repliées, je ne lui parvient pas à la cheville. Je m'accroche à la bouée avant de me faire tirer en avant, avant même que j'ai pu la féliciter.

Que… quoi ? Des sirènes ? Bordel, elles deviennent audacieuses. Bon, avant d'émettre le moindre commentaire salace, je prends Lexi contre moi pour nous envelopper d'une ombre noire. Je ne pense pas qu'elles nous repèreront par un autre sens que la vue. De plus, elle ne se doutent certainement pas que deux idiots soient assez fous pour venir nager par une eau aussi froide.

"Je te l'a dit, mes prouesses ne sont pas une denrée de négociation…"

Un jour, je reviendrai les voir, pour leur parler et établir une communication entre nous. Leur monde m'intrigue… et puis j'ai toujours leur collier.

"Non, je ne crois pas..."

Pour le moment, j'entraîne Lexi lentement vers la berge. Une fois en sécurité, j'éclate de rire parce que j'ai envie de dire une blague depuis tout à l'heure et que je me retiens.

"Des poèmes et un baiser ? On a trouvé les femmes parfaites pour Lounis !"

Oui, je suis con ! Non... blague à part, il faut que je rassure mon amie sur un point très important.

"En tout cas. Tu vas revivre tout cela, j'en suis convaincu. Et pour la passion, tu la connaîtras aussi, ce serait trop con parce que tu es la femme la plus ardente que je connaisse, fichu caractère en prime ! Si un jour tu sombres, compte sur moi pour te ramener à la surface à grands coup de pompes dans ton p'tit cul bien foutu !"

Bon, nos fringues, elles sont où ?

Etonnée et curieuse, Lexi le regarde faire et profite allégrement de sa chaleur pour arrêter de claquer des dents.
- Tu ne serais pas en train d’en profiter un peu ? murmure-t-elle avec un sourire juste pour rire. Parce qu’il n’y a pas d’ambiguïté entre eux, non ? Peut-être un peu…
- Je te l'a dit, mes prouesses ne sont pas une denrée de négociation…
- Ca tombe bien, les miennes non plus. Mais ça n’est pas à moi que tu dois le dire. Elles nous ont repérés tu crois ?
- Non, je ne crois pas...

Lexi penche légèrement la tête et tombe nez à nez avec le regard d’une sirène… qui l’ignore totalement. Elle écarquille les yeux, passe du visage de la créature à Baphomet avant de comprendre qu’il exerce… son pouvoir ou quelque chose d’approchant pour les dissimuler.
Elle jette de fréquents coups d’œil derrière eux alors qu’ils nagent vers la sécurité du sable, à moitié fascinée et inquiète.

- Des poèmes et un baiser ? On a trouvé les femmes parfaites pour Lounis !

Lexi s’écroule sur le sable humide, secouée par un rire un peu nerveux et incontrôlable. Un peu triste aussi. Elle en pleure mais n’est pas certaine que ça soit dû entièrement à son hilarité. Elle renverse la tête vers le ciel et les mouettes qui tournoient dans le ciel.
- Merde… tu crois que je devrais me recouvrir d’écailles pour arranger la situation ? Son visage se plisse. Il me comparait à une aigrette de pissenlit parce que c’est léger… et gracieux et que ça danse dans le vent. Mais c’est incroyablement fragile aussi. Tu souffles à peine… et il n’y a déjà plus rien… Désolée, je sais pas pourquoi je te dis ça.

- En tout cas. Tu vas revivre tout cela, j'en suis convaincu.
Lexi replie ses jambes sur elle et les entoure de ses bras, l’air ailleurs.
- Hum ? Tu veux qu’on parie ?
- Et pour la passion, tu la connaîtras aussi, ce serait trop con parce que tu es la femme la plus ardente que je connaisse, fichu caractère en prime ! Si un jour tu sombres, compte sur moi pour te ramener à la surface à grands coup de pompes dans ton p'tit cul bien foutu !
- C’est vrai que mes fesses sont pas mal, objectivement. Pour les autres j’arriverai toujours à trouver un fond de passion. Après tout j’ai une réputation d’emmerdeuse à tenir… mais pour moi ? C’est plus compliqué.

Elle se redresse lentement, une grande partie du corps plein de sable, la peau hérissée par le froid. A peine esquisse-t-elle un mouvement de danse qu’elle s’arrête, les épaules basses.  

- J’ai l’impression… d’être à sec. Je n’arrive plus à danser. Pas le moindre pas. Même pour m’amuser. Du plat de la main, elle frotte son corps pour en retirer les grains indésirables. Je ne sais pas où tout ça est parti, mais ça s’est bel et bien fait la malle. Faut espérer qu’au moins, tout ça fera de moi une meilleure soldate !
Elle se tourne soudain vers lui, poings sur les hanches.
- Est-ce qu’on va vraiment ne pas parler de ma victoire absolument indiscutable ! Tu ne te serais pas empâté toi pendant ta retraite méditative, toi ? demande-t-elle avec un sourire très légèrement moqueur.

MWAAA ! EN PROFITER ! Ce serait tellement mal me connaître, voyons, madame. Jamais il ne me serait venu à l'esprit d'en profiter, je suis un être innocent comme l'agneau qui vient de naître.
Bon, peut-être que j'ai un peu... apprécié, mais pas beaucoup, promis. En tout cas, rien de ce que je pourrais dire ne sera retourné contre moi. Je ne vais rien dire, voilà.

Une fois sorti des griffes des sorcières, je balance ma blague de merde qui l'a fait rire, mais un rire triste, mais un rire quand même.

"Une aigrette ?" Bordel, je crois que c'est l'insulte la plus poétique que j'ai jamais entendue ! "Marrant, je t'ai toujours vue comme une chatte..." ...pourquoi vous me regardez comme ça ? "Non mais... L'animal ! Pas... Tu sais, ces machins flegmatiques au possible, souples, conquérants, et pourtant on se sent trop bien quand ils viennent squatter nos genoux, un peu comme si on avait été divinement choisi."

Si je veux qu'on parie...

"Des cookies magiques maisons. Si d'ici, allez... trois mois... la situation ne s'est pas objectivement redressée pour toi, je te les ferai moi-même."

Tu retrouveras la passion, je ne me fais absolument aucun souci là-dessus. C'est justement parce que t'es une passionnée de nature que ce sentiment te manque à ce point. Quelqu'un qui n'en a rien à foutre n'en aurait... rien à foutre.

Je la regarde se redresser et se mettre en position comme pour danser. Mon sourire s'invite à mesure que sa posture se dessine. Merde, quelque chose d'elle est réellement mort, à voir si on pourra ressusciter tout cela. Au pire, j'ai ma petite idée pour réparer cela, mais cela me demanderait de retourner au Bouc et Mystère, et c'est pas au programme actuellement.

Puis, je me fais verbalement agresser. Je regarde mon corps qui n'a sans doute jamais été aussi maigre qu'en ce moment. Moi, empâté ?

"Oh, tu veux parler de ta victoire pendant laquelle tu as lâchement utilisé de la grâce de ton corps ondulant dans l'eau froide pour me perturber et ainsi me ravir une victoire en jouant sur mes points faibles ?"

Taux de mauvaise foi : élevé.

"Puis, tu as soi-disant inventé cette histoire de sirène EXPRÈS pour m'attraper et me mettre contre toi ?"

Taux de mauvaise foi : critique.

"Hé bien non, madame, nous n'allons pas en parler. Pas tant que tu ne m'as pas dit où tu as planqué nos vêtements !"

Warning warning warning... Toute l'intelligence doit se préparer à une évacuation d'urgence.

Lexi est sincèrement inquiète de le voir aussi diminué, physiquement en tout cas. Même si elle se doute qu’il n’y a malheureusement pas que ça qui a changé chez lui.

- Oh, tu veux parler de ta victoire pendant laquelle tu as lâchement utilisé de la grâce de ton corps ondulant dans l'eau froide pour me perturber et ainsi me ravir une victoire en jouant sur mes points faibles ?
Elle pouffe bêtement et s’assoit dans le sable, les genoux remontés, le menton planté dessus.
- Evidemment ! J’ai forcément triché hein… le grand et puissant démon Baphomet ne peut pas avoir été vaincu par une toute petite et rachitique humaine ! Impensable ! déclame-t-elle avec une petite moue pincée que sa professeure de danse n’aurait pas reniée.
- Puis, tu as soi-disant inventé cette histoire de sirène EXPRÈS pour m'attraper et me mettre contre toi ?
Elle lui glisse une œillade amusée et un rien rusée.
- Coupable ! Je n’ai rien trouvé de mieux pour enfin me coller à toi ! Hormis te pleurer dessus. Mais j’avais déjà écoulé cette possibilité alors il a fallu que je me montre créative… comment t’as trouvé mon idée ?
- Hé bien non, madame, nous n'allons pas en parler.
- C’est pourtant exactement ce qu’on vient de faire, mais d’accord, on n’en parle pas !
- Pas tant que tu ne m'as pas dit où tu as planqué nos vêtements !

Elle n’a même pas songé à leurs vêtements.
- Mince… t’as raison ! Je risque d’avoir pas mal de questions si je rentre à moitié nue à la caserne…
Elle se redresse et une main en visière elle scrute le sable à leur droite et à leur gauche.
- On a dû dérivé un peu à cause du courant. Ils ne doivent pas être bien loin.  Elle tend la main à Baphomet. Il va falloir qu’on parte en quête ! Pour notre dignité je crois que c’est trop tard mais on peut essayer de retrouver nos vêtements…  

Une fois sa main dans la sienne, elle la garde un moment et caresse sa peau du pouce.

- Je suis désolée… tu ne pas avoir essayé de te retrouver plus tôt… de ne pas avoir fait l’effort d’être là pour toi quand ça n’allait pas. Je me rends compte à quel point je suis bien entourée. Et tu fais partie de cet entourage là… de ces proches que je ne veux pas perdre.  Elle a un petit rire. Merde… ça sonne comme un genre de déclaration un peu étrange. Mais j’estime que des amis en ont autant le droit et le mérite tout autant que des amoureux. Bref… ne fais pas attention, c’est juste moi qui joue les sentimentales. Je ne voulais pas te gêner…

Elle a lâché sa main, détourné les yeux, les joues rouges et se dandine d’un pied sur l’autre en se frottant le bras.
- Donc euhhh… nos vêtements !  

J'ai très envie de la prendre dans mes bras pour qu'elle n'ait plus froid, mais à ce stade, elle croirait que c'est pour profiter de la situation... Et ce n'est pas tout à fait vrai. Quand je comprends que je suis en train de retrouver Lexi, MA Lexi, je suis on ne peut plus jouasse.

"T'es pas obligée de rentrer ce soir."

...Si ?

Elle me prend la main et je me laisse guider. Nous sommes en sous-vêtements, sur une plage abandonnée, TOUT VA BIEN ! Je regarde partout sans trop espérer. Si je les vois, et pas elle, ce serait moral que je ne lui dise rien ? Je pourrais lui dire un truc du genre "viens chez moi, je te prêterai des fringues" et tu vois ce que je veux dire... Non ? Ouais, c'est pas très moral, on est d'accord.

"Ouh là, moi, je ne suis absolument pas désolé. Tu m'aurais sans doute détesté, je me serais montré particulièrement chiant, pénible, voire agressif. Je t'assure que tu n'as rien perdu... Et puis... Je m'en suis sorti, tu vois ?"

Je souris à Lexi, d'un sourire sincère.

"Tu ne m'aurais jamais perdu, tu ne me perdras jamais. T'as signé pour que je reste, t'as même pactisé avec moi. Tu te souviens ?"

Qu'est-ce que ces mots sonnent faux dans ma bouche ! On dirait un enfant qui essaie de jouer aux grands.

"Oui... Nos vêtements."

Je regarde aux alentours et ne voit rien. Genre vraiment rien ! Ne me regardez pas comme ça !

"Je peux te ramener à la caserne, si tu veux, ni vu ni connu j't'embrouille."

Dis noooon ! DIS NOOOON !

Dis "Oh, Baphomet, à présent que nous sommes à moitié nus, ce serait dommage de s'arrêter en si bon chemin, tu ne crois pas ?" Quand tu veux !

Ah ouais, non, elle a un mec, pour l'instant. C'est pas grave ! Je patienterai dans ma grande mansuétude ! Ou dans ma petite tanière.

"Ou écrire une lettre de demande de rançon pour que tu sois pleine aux AS !"

- Ouh là, moi, je ne suis absolument pas désolé. Tu m'aurais sans doute détesté, je me serais montré particulièrement chiant, pénible, voire agressif. Je t'assure que tu n'as rien perdu... Et puis... Je m'en suis sorti, tu vois ?
- Je constate, oui.

Lexi aurait malgré tout aimé être là pour lui dans les moments moins roses de sa vie. Elle sera là pour les prochains, elle se le promet. Non pas qu’elle lui souhaite d’en avoir d’autre, mais elle n’est pas assez naïve pour ne pas se douter qu’il y en aura.  

- Tu ne m'aurais jamais perdu, tu ne me perdras jamais.  T'as signé pour que je reste, t'as même pactisé avec moi. Tu te souviens ?
Le sourire de Lexi se fait lumineux. Ses paroles-là ont le don de lui réchauffer le cœur comme jamais.
- Je m’en souviens. Quelle erreur, vraiment ! fait-elle en posant théâtralement le dos de sa main contre son front. Je t’ai échangé mon âme contre… elle sort de son personnage de tragédienne, contre quoi de nouveau ?

Mais il faut bien revenir sur des sujets plus sérieux. Comme leur absence de vêtements. Est-ce vraiment un problème ! La décence s’en remettra non ?
- Oui... Nos vêtements.
- Hum… on a dévié tant que ça tu crois ?
- Je peux te ramener à la caserne, si tu veux, ni vu ni connu j't'embrouille.

Lexi y réfléchit quelques secondes et à vrai dire elle n’a pas tellement envie de rentrer tout de suite pour retrouver quoi ? Sa mélancolie et ses idées noires ? Elle préfère largement les oublier en faisant l’imbécile, à moitié nue, sur la plage avec Baphomet.
- Je vois… à peine on se retrouve et tu veux déjà qu’on se quitte ? Dommage… j’avais ma soirée de libre et je pouvais largement la consacrer à rattraper le temps perdu mais si tu ne veux pas…
- Ou écrire une lettre de demande de rançon pour que tu sois pleine aux AS !
- Et maintenant tu veux carrément me vendre ? fait-elle en posant une main sur sa poitrine dans une belle image de fausse indignation avant de rire. Alors de un… tu crois que l’armée dépenserait ses sous pour une simple caporale ? De deux, malheureusement, l’argent ne me servira pas à grand-chose en plein milieu de l’Apocalypse, et de trois… peut-être bien qu’ils te paieraient pour me garder !
Elle appuie sa tête contre le bras du démon.
- On ne pourra pas refaire l’une de nos mémorables sorties. Donc je me serai contentée d’une autre balade sur la plage en papotant ou de découvrir ta garçonnière. Mais si tu as d’autres projets, c’est pas bien grave ! Je veux juste qu’on se revoit vite !
Elle plisse les yeux et remarque enfin un tas de tissus un peu plus loin.
- Ah je crois qu’on a enfin retrouver les objets de notre quête, très cher compagnon !

Elle n’aurait pas dit non à une douche parce qu’elle se sent poisseuse de sel mais en attendant elle enfile son short et ramasse ses chaussures.
- Bref, ce que je veux dire, c’est que si tu ne te sens pas de sociabiliser plus aujourd’hui, c’est ok… je ne t’en voudrais pas, conclue-t-elle avec un sourire.
Ils n’en sont plus à faire des ronds de jambes entre eux.

Il y a de l'amertume dans sa voix. Si je ne la connaissais pas aussi bien, j'aurais pu croire qu'elle soit déçue que je m'en sois sorti sans elle. Je connais ce sentiment, et j'ai pas envie qu'il se répande en elle.

"Tu m'as aidé à tenir, en tout cas. T'as été une des... la seule personne à ne pas m'avoir enfoncé, ou ne pas m'avoir blessé au moins un petit peu."

HEY !!!

"Je ne veux pas qu'on se quitte ! Arrête tout de suite ! Ne me fais pas dire tout haut ce qu'il serait sans doute préférable que je garde pour moi !"

Oups...

"Je veux bien être payé pour te garder avec moi, ça ne me dérange pas le moins du monde..."

J'hausse une épaule, étant presque déçu qu'elle ait trouvé nos fringues. Dommage, être en sous-vêtement lui va bien.

"Moi je suis persuadé qu'ils sont par là !"

Je montre un endroit pratiquement à l'opposé.

"Non, on s'habille, et comme t'as ta soirée, on la passe ensemble. Voilà ! Arrête de me torturer pour m'avoir toute la nuit, je suis tout à toi !"

Est-ce que j'en fais un peu trop ? Tout à fait ! Est-ce que je le regrette ? Absolument pas. Est-ce que je serais prêt à tout pour la faire rire ? Of Course !

- Je ne veux pas qu'on se quitte ! Arrête tout de suite ! Ne me fais pas dire tout haut ce qu'il serait sans doute préférable que je garde pour moi !
Lexi éclate de rire.
- En vérité, j'adorerais savoir à quoi tu penses, parfois !

Ca lui permettrait peut-être de l’aider avec son propre vague à l’âme. Elle sait que Baphomet s’est déjà beaucoup confié à elle. Mais aussi qu’il garde en lui de profondes blessures, que pudiquement peut-être, il n’expose jamais beaucoup.
Il en vient à parler de rançon et elle s’imagine un instant la tête de Caleb s’il venait à recevoir une demande pareille.

- Je veux bien être payé pour te garder avec moi, ça ne me dérange pas le moins du monde...
- Awww ça s’est vraiment trop mignon ! Mais c’est pas vraiment ton business de payer pour garder des gens avec toi, si ?

Finalement elle retrouve leurs vêtements étalés bien gentiment un peu plus loin et avec une mauvaise foi évidente et drolatique, Baphomet fait mine de ne pas les voir.
- Moi je suis persuadé qu'ils sont par là !
- Ah ? Pourtant je suis certaine que les nôtres sont par là ? Tu crois qu’il y a d’autres gens à moitié habillé qui se balade quelque part ? s’amuse-t-elle, les yeux pétillants.

Reprenant son sérieux, elle préfère lui préciser qu’il n’a aucune obligation de passer du temps avec elle s’il veut encore jouer les ours. Elle a bien compris que ça lui a été nécessaire.
- Non, on s'habille, et comme t'as ta soirée, on la passe ensemble.

Elle éclate de rire et lui colle un gros baiser sur la joue.
- Ca me va !
- Voilà ! Arrête de me torturer pour m'avoir toute la nuit, je suis tout à toi !
- Déjà ? Dommage ! J’avais encore quelques idées de tortures en stock… susurre-t-elle sur le même ton joueur qu’il emploie très souvent. Tu proposes quoi ? On se fait un feu quelque part sur la plage et on se grille des chamallow qu’on n’a pas ? Lourd soupir. Je donnerai n’importe quoi pour refaire des trucs simples comme aller au restau ou au cinéma. Tu vis où en ce moment ? Tu n’as pas de douche par hasard ? Comme ça je ne sentirais plus la vieille algue pas très fraiche pendant notre soirée de retrouvailles. Remarque, ça reste un parfum…

"Non... Sincèrement... t'as pas envie de savoir. Y a que de la frustration, de la colère et du sexe."

OK... BEAUCOUP de sexe.

"Après, si tu veux savoir, tu n'as qu'à formuler la question. Je ne te l'impose pas parce que j'attendrai que tu sois majeure, vaccinée, et responsable."

Je souris.

"Plus vraiment, non. Cependant, pour toi, je veux bien me reconvertir professionnellement. Démon, c'est pas un métier d'avenir."

Elle est adorable à ne pas voir ma manœuvre pour la garder toute nue !

Et quand elle me parle d'autres gens qui pourraient se balader, j'ai effectivement un regard méfiant pour les alentours. Non, nous sommes seuls. OK, elle m'a embrassé ! OK, je rougis un peu. Je détourne le visage pour qu'elle ne le voie pas trop. Il faudrait perdre cette habitude, mademoiselle !

"Hmmm, t'es adepte des tortures, toi ? Je demande à voir."

Je réfléchis aux différentes propositions.

"Moi, ce qui me manque le plus, c'est juste de flâner dans les rues sans savoir ce qui va nous tomber sur le coin de la gueule. Tu m'as beaucoup manqué aussi, et j'ai réellement apprécié notre sortie au restau, donc ouais, ça me manque aussi, du coup."

Finalement, je lui souris et prend Lexi par la main.

"Suis-moi, on va se dessaler un peu."

Je n'ai pas de douche chez moi à proprement parlé, mais j'ai un truc pour lui permettre de se sentir un peu plus propre. C'est moi ou ça va devenir un running gag entre nous, ça ?

"Après, on fera un feu, mais on se racontera des histoires pour se faire peur. Donc déjà, essaie de te souvenir de l'épisode le plus effrayant de ta vie, et t'auras quelques points supplémentaires s'il s'agit d'un truc assez banal, mais que tu arrives à rendre effrayant ! Oh ! Les fêtes foraines ! Putain, ça me manque, les fêtes foraines !"

Je repère non loin une couverture et me décide d'aller la chercher, laissant Lexi continuer un peu.

C'est alors qu'on entend un cri au loin qui ressemble à s'y méprendre à celui d'une dinde, ou d'un gros poulet. C'est cool, on aura peut-être de quoi manger si Lexi arrive à l'attraper !

Lexi rit en le regardant longuement.
- Baphomeeeet à quoi tu penses ?

Va-t-elle regretter sa question ? Il faut savoir vivre dangereusement dans ce monde.

- Moi, ce qui me manque le plus, c'est juste de flâner dans les rues sans savoir ce qui va nous tomber sur le coin de la gueule.
- Un vampire tu veux dire ? Ou un loup-garou ? C’était ce qu’il y avait de plus probable non ? plaisante-t-elle.
- Tu m'as beaucoup manqué aussi, et j'ai réellement apprécié notre sortie au restau, donc ouais, ça me manque aussi, du coup.
- Heureusement on est du genre à s’adapter à tout ! C’est pas l’Apocalypse qui va nous gâcher la soirée.

D’ailleurs, elle propose même un programme. Pas forcément le plus alléchant qui soit, mais au final, peu importe tant qu’ils passent ce moment-là ensemble. Sans compter que la promesse d’un dessalage en règle lui parait très séduisante.
Les revoilà donc en marche sur le sable alors que la nuit s’avance tranquillement. Il a repris sa main dans la sienne et ce petit geste lui apporte une certaine sérénité.  

- Après, on fera un feu, mais on se racontera des histoires pour se faire peur.
- Tu savais que je suis une vraie flippette ? Oui je sais… une soldate qui a peur de la moindre histoire de fantômes, c’est ridicule…
- Donc déjà, essaie de te souvenir de l'épisode le plus effrayant de ta vie, et t'auras quelques points supplémentaires s'il s'agit d'un truc assez banal, mais que tu arrives à rendre effrayant ! Oh ! Les fêtes foraines ! Putain, ça me manque, les fêtes foraines !
- Tellement !! J’adore les labyrinthes de miroirs ! Et les barbes à papas…et les pommes d’amour, les churros aussi… les cacahouètes au caramel !! Elle lui glisse en regard désolé. J’avais le droit à rien de tout ça quand j’étais gamine pour ne pas grossir alors depuis, j’en rêve !
Et il est possible qu’elle n’y ait finalement jamais le droit. Ça l’a rend un peu triste sur le coup.
- J’ai une histoire de clown et d’Halloween au poil. Véridique en plus ! Enfin… tu l’as peut-être déjà vu dans mes souvenirs.

Ils se séparent finalement et Lexi tombe sur un être très intriguant mais qui ne lui parait absolument pas menaçant. Tout le contraire même. Orion. Un nom plutôt poétique qui a besoin d’aide pour sa mémoire. De quoi émouvoir la jeune femme en plein cœur qui demande évidemment à Baphomet s’il peut faire quelque chose pour lui.
Bras nonchalamment croisés, elle échange un regard complice avec Baphomet. Sont-ils ensemble ? Non. Et oui. Sans doute pas comme Orion le conçoit. S’il conçoit quelque chose d’ailleurs. Apparemment oui puisqu’il est amoureux. Deuxième faiblesse activée.

- Owww Baph… on peut clairement pas se mettre en travers de l’amour ! On doit faire quelque chose ! Enfin… toi… ajoute-t-elle avec un petit rire, consciente de son inutilité en la matière.
Et c’est avec une certaine satisfaction qu’elle les voit arriver à un commun accord.
- C’est fou ! Cette fumée n’a ni la même couleur, ni la même consistance que celle qui contient ma mémoire ! Est-ce que ça veut dire que nos souvenirs ont une couleur particulière ? Tout va bien au fait Orion ? Elle-même s’était sentie très bizarre après l’extraction. On peut vous raccompagner quelque part ?

Elle veut jouer ? D'accord !

"Pour commencer,  je suis vraiment très inquiet pour toi, pour nous tous, mais plus pour toi. Je suis saoulé de ne pas savoir ce qui m'arrive, d'être différent de mes pairs, toujours à côté de la plaque, mais aussi des humains, et que malgré la totalité de la diversité du monde qui nous entoure, je sois toujours aussi seul. Je suis très en colère contre ceux qui m'ont laissé tomber et qui aujourd'hui m'accusent de n'avoir rien foutu. Et putain, ça me gave qu'il faille l'intervention d'une entité supperieue et menaçante pour que le monde se réveille et se dise 'tiiiieeennns, mais il faudrait peut-être faire bouger les choses?'. Et maintenant, j'ai peur de tout faire foirer parce que j'ai énormément de ressenti vis-à-vis d'un peu tout le monde… et j'suis épuisé."

D'ailleurs…

"Et j'ai très TRÈS envie de baiser, et autant pour le reste, ta simple présence est une aide très précieuse... autant pour ce petit souci, tu ne m'aides pas du tout à me calmer..." surtout en sous-vêtements !

Voilàaaaa. Je retrouve rapidement mon sourire. Mon humeur n'a pas changé après tout. C'est un état constant chez moi, une ambivalence qui me fatigue. Avoir la mémoire absolue est aussi retenir à la perfection ses propres échecs, ceux des autres, et… je m'en plains à Lexi qui rêverait de garder la sienne. Le monde est terriblement injuste.

"Je t'avais prévenu."

Alors là, j'avoue que je ne la voyais pas en froussarde… Vais-je en tirer partie ? La question ne se pose même pas.

***

Pourquoi je l'ai aidé ? Aucune putain d'idée. C'est ce que j'ai envie de faire quand je suis avec elle, voilà tout. Ses souvenirs me rendent on ne peut plus perplexe. Fort heureusement, l'homme ne souhaite pas rester avec nous. Il s'incline, nous remercie et garde la bouteille entre ses mains comme s'il s'agissait du plus précieux des trésors. Je récupèrerai mes fringues plus tard… merde… Une mémoire de quelques mois seulement…

"Il était chelou, lui… il n'a aucune putain de bribe de mémoire antérieure au brouillard… il faudrait que je le sonde plus profondément… sa meuf est canon... BREF pour te répondre, les souvenirs ont leur propre couleur, texture… goût. Chaque mémoire mélange cela et est unique. Je ne suis même pas persuadé que tout le monde voit ce nuage de la même manière."

On continue jusqu'à mon campement. Sac de couchage sur la plage, tente, foyer encore gresillant.

"Bienvenue chez mwaa !"

Je montre la douche de plage, située plus loin.

"Tadaaa ! Elle est fonctionnelle. Je vais faire un feu pendant que tu te lave."

Lexi ne comprend pas toujours à quoi il fait référence mais finalement, elle n’est pas mécontente d’avoir demandé. Au moins, elle sait à présent ce qui se trame dans sa tête. Si au départ de son énumération elle ne peut que lui sourire avec compassion, elle rougit violemment à la mention de son envie de coucher.
- Désolée… chuchote-t-elle. Promis, je penserai à garder mes vêtements à l’avenir.  
- Je t'avais prévenu.
- Ouep et je ne regrette pas ! Parfois ça fait du bien d’expulser un peu. Et je suis aussi là pour ça. Pas simplement pour te réclamer des câlins de réconfort comme une dalleuse.

La rencontre avec Orion est certes brève mais elle réjouit la jeune femme sans raison particulière. Le simple fait de rencontrer un fae sympathique et prêt à les aider. Il semble si heureux d’avoir obtenu ce qu’il cherchait !
Un bras en appui sur l’épaule de Baphomet, Lexi le regarde s’éloigner.  
- Il était chelou, lui…
- Mais gentil… et je trouve ça tellement mignon qu’il veut préserver sa mémoire pour la femme qu’il aime !
- Il n'a aucune putain de bribe de mémoire antérieure au brouillard…
Lexi le dévisage sans trop comprendre.  
- S’il avait perdu la mémoire, tu aurais quand même vu ses souvenirs, non ?
- Il faudrait que je le sonde plus profondément… Sa meuf est canon...
Elle sourit et agite les sourcils.
- Canon comment ?
- BREF pour te répondre, les souvenirs ont leur propre couleur, texture… goût. Chaque mémoire mélange cela et est unique. Je ne suis même pas persuadé que tout le monde voit ce nuage de la même manière.
- Oh oui c’est vrai… je crois que tu m’avais expliqué… et j’ai donc oublié comme une idiote.

Ils parviennent finalement au camp de Baphomet.
- Bienvenue chez mwaa !
- Wooooaaw toutes ses pièces ! Et c’est très lumineux ! Combien de mètres carrés au sol ? Jouer les idiotes lui fait vraiment du bien. Très roots ! J’adore ! Et elle est très sincère. S’il te manque des trucs n’hésite pas à me demander.
Elle remarque alors la douche de plage.
- Tadaaa ! Elle est fonctionnelle. Je vais faire un feu pendant que tu te lave.
- Avec plaisir !

Une fois devant la douche, elle note qu’elle n’est absolument pas cachée du camp mais assez loin pour ne pas … perturbé plus encore Baphomet. Bon... elle va devoir déjà mettre en parenthèse sa promesse. Elle se déshabille à nouveau et après une hésitation, elle retire aussi son débardeur. De dos et encore en culotte, elle frotte sa peau et se lave également les cheveux pour se débarrasser du sel et du sable. Une fois décrassée, elle se rhabille, propre mais mouillée. Elle s’approche du feu pour se sécher, les bras croisés sur sa poitrine.

- Ca fait longtemps que tu es là ?
Elle finit par s’assoir dans le sable à côté de Baphomet et pose sa tête contre son épaule.
- Dis, tu parlais de qui tout à l’heure quand tu disais « ceux qui t’ont laissé et te reprochent aujourd’hui des trucs ? Tu parles… d’humains ? De démons ? … et puis tu sais, ça vaut ce que ça vaut, mais moi j’ai confiance en toi et en ce que tu peux faire pour peu que tu te lances. Tu es juste comme tout le monde… tu as juste besoin… qu’on croit en toi. Tu ne feras rien foirer. Elle passe ses doigts dans les cheveux du démon. Si tu veux en parler, si tu veux déverser ta colère quelque part, tu pourras toujours compter sur moi !