Assise sur son lit de camp, Lexi contemple le carnet qu’elle a trouvé dans la poche de l’un de ses pantalons pour la centième fois, espérant contre toute attente que les mots griffonnés sur le papier prennent enfin sens, activent soudainement sa mémoire.

« Employée en situation irrégulière. Faux-papier. Enlèvement ? Louche ! »

Le dernier mot est surligné plusieurs fois avec une certaine rage. Y est également noté une adresse et le nom d’une boîte qui tient plus du bordel de luxe qu’autre chose d’après ce qu’elle a trouvé sur google. Un nom qui ne lui dit rien, tout comme ses notes qu’elle reconnait pourtant écrite de sa main.
Pour être certaine, elle a même recopié le tout.
L’écriture est la même. C’est son carnet.

Mais elle ne se rappelle ni être allée dans cet endroit, ni en avoir entendu parler avant et encore moins avoir mis par écrit la moindre remarque là-dessus dans un carnet qu’elle ne reconnait pas ! Comment cela était-il possible ?

Une peur terrible grimpe le long de sa trachée et vient lui serrer la gorge. Une panique comme seule l’imminence d’un danger léthal proche provoque lui tord les tripes et fait battre son cœur comme jamais.
Elle lâche le carnet sur le fin matelas et se prend la tête entre les mains, laissant échapper un sanglot de désespoir.

Tic-Tac.
Tic-Toc.
Seigneur Huntington est à ta porte.

Non… Non ! Ça n’est pas possible ! Pas comme ça ! Elle est encore jeune ! Elle n’a même pas trente ans !! Mais rien, absolument rien n’est juste dans cette foutue histoire.
Lexi pensait avoir encore… cinq ? Dix ans peut-être ? Jamais la maladie ne se manifeste d’abord par des troubles de la mémoire. Les chorés sont les premières à pointer le bout de leur nez. Or elle n’en a aucune ! Pas de tremblement, pas de mouvement aléatoire. Rien.
Si ce n’est ce trou noir où elle serait aller dans cette boite, où elle aurait écrit des choses sur ses découvertes pour les oublier complètement par la suite.
Rationnelle, elle doit rester lucide et sensé. Céder à la panique ne changera rien.
Peut-être qu’elle y a bu ? Qu’on l’a faite boire ? Peut-être qu’il s’est passé quelque chose là-bas ?
Il y a une autre explication. Il DOIT y avoir une autre explication. Et elle est plus que décidée à savoir ce qu’on lui a fait là-bas. Habillé en civil, elle sort de la caserne et emprunte un véhicule de fonction, roulant à toute vitesse vers le centre alors que la soirée est bien entamée.
C’est d’un pas décidé qu’elle franchit la porte d’entrée et est accueillie par une grimace sur le beau visage d’une femme derrière son petit comptoir et tirée à quatre épingles.
Etrange manière d’accueillir une potentielle cliente. Elle n’a pourtant pas son uniforme sur elle… Cela éveille d’autant plus ses soupçons.
- Vous êtes ici pour le plaisir cette fois caporal ?
Lexi réfléchit à toute vitesse et cache habillement son désarroi et sa surprise.
Elle est bel et bien venue ici !
« Calme Lexi… calme, tu vas gérer ça. Tout va bien… »
- Non. Je voudrais voir votre patron.
Long soupir de l’employée.
- Je vais voir ce que je peux faire.

Lexi hoche la tête pour la remercier et pénètre dans la boite, cherchant avec avidité le moindre détail qui lui permettrait de se souvenir de quelque chose, n’importe de son premier passage ici ! Rien… rien qu’une décoration soignée et étudiée, une atmosphère lourde et épaisse comme elle les connait bien…
Sa mémoire est vide de ce lieu qu'elle a pourtant déjà visité.

- Bonjour, puis-je vous aider ?

Lexi se retourne vivement, dévisageant celui qu’elle soupçonne être le patron de cet endroit. Elle scanne avec intensité l’homme pas désagréable à regarder mais qui n’éveille en elle aucun flash, aucun souvenir… Il n’est qu’un inconnu qu’elle croise pour la première fois.
Alors pourquoi cette note ? Peut-être qu’elle n’avait pas croisé le patron lors de sa première visite ? Après tout la chose est possible.
La caporal tente de garder un air impassible et va pour ouvrir la bouche lorsqu’il l’interrompt.
- Viens, on sera plus tranquille dans mon bureau.

La panique la submerge à nouveau.
« Il me connait !!!! Merde, qu’est qui m’arrive ?? Qu’est-ce qui s’est passé ici ? »
Pas le choix, elle le suit jusqu’à ce fameux bureau qui, évidemment ne lui renvoie aucun souvenir. Lexi passe une main dans ses courts cheveux blonds, tentant de faire cesser les tremblements de ses mains – nouveaux symptômes ? – Non c’est juste l’angoisse.

La porte se referme sur eux et Lexi pivote pour lui faire face, plantant ses yeux dans les siens.
- Bon, alors, pourquoi es-tu là ?

Elle peut à présent réagir de deux façons différentes. Faire comme si elle se souvenait de tout… tenter de comprendre ce qu’elle a fait ici, ce qu’il s’est passé en bluffant ou… la franchise. Mais comment faire confiance à quelqu’un qui est peut-être responsable de son état ? Elle sait que certaine drogue provoque des pertes de mémoires.
Lexi a toujours été prudente. Lentement, elle déglutit et scanne machinalement le bureau pour trouver potentiellement quelque chose qui pourrait lui servir d’arme ou préférablement une porte de sortie. Mais elle ne voit que celle qu’il lui bloque pour l’instant.  

- Je viens pour… tutoiement ? Vouvoiement ? … ton employée. Elle parfait le bluff avec un petit rire qui sonne bien trop nerveux à ses oreilles. Tu ne pensais pas que j’allais oublier, si ? Prudemment, elle avance, mains dans les poches arrière de son jeans. Même si c’était ce qui était prévu, hein ?

Jamais il ne saura à quel point elle attend sa réponse. Jamais il ne soupçonnera le pouvoir qu’auront ses prochains mots sur elle.
Elle pourrait presque passé outre le fait d'avoir été droguée si seulement il le lui avouait.
Un sursis... c'est tout ce qu'elle demande.

S’il y a bien quelque chose qu’elle n’attendait pas, c’est ce rire.
Franc, amusé, solaire. Ça la déconcerte complètement et elle ne sait comment réagir. Elle l’observe toujours, méfiante.

- Tout est calculé... Tout est lié... Tout est... Non, je déconne. C'est juste ton inspection qui s'est mal finie. C'est con, t'admettra, t'avais été conquise par le reste !

Il se paie de sa tête ?
Elle chope pourtant quelques informations au passage. Elle est donc déjà venue pour vérifier que tout se passait bien ici et ça a dérapé suffisamment pour qu’il décide de … lui faire oublier tout ça ? Mais comment est-ce possible ?
Après tout peu importe pour l’instant. C’est d’abord le soulagement qui balaie tout sur son passage. Lexi en ferme un instant les yeux et ses épaules se relâchent comme si elle venait de se délester d’un poids immense. Elle pousse un soupir de soulagement.
« Merci, merci… c’est pas encore elle… pas encore… »

Quand elle réouvre les paupières, elle tombe sur le regard scrutateur de l’homme en face d’elle.
- Raconte-moi, qu'est-ce qui t'a rendu si parano vis-à-vis de moi ? Comment t'as su... qu'on avait touché à ta mémoire.
Cette fois c’est la colère qui fait flamboyer les yeux du caporal. Elle n’aime pas du tout la façon dont il la regarde. Cette lueur assoiffée…
- Sérieusement, je suis plus qu'avide de comprendre.
- Je te trouve bien gonflé. Ça serait à moi de te demander des explications. Qu’est-ce que tu m’as fait ingurgiter ? Comment j’ai pu oublier autant de trucs ?
Elle effectue les quelques pas qui les séparent, leurs visages à quelques centimètres l’un de l’autre.
- Ne joue plus jamais avec ma mémoire ! Jamais !

L’ordre claque avec une pointe de désespoir. En attendant, elle ne consommera absolument plus rien qui se trouve ici. Elle reste ainsi quelques secondes, le temps de lui faire comprendre à quel point elle est sérieuse puis recule.
Elle sort son carnet de sa poche de sa veste, l’ouvre à la bonne page, là où se trouver ses notes, et le lui tend.

- Je note toujours tout, explique-t-elle. Pour ne pas oublier. Et faut croire que j’ai bien fait.

Elle s’appuie à moitié sur le dossier d'une chaise contre laquelle elle vient de buter et se passe à nouveau une main dans les cheveux. Cet ascenseur émotionnel l’a complètement vidée.

- Je suis retombée dessus aujourd’hui. J’avais même oublié l’existence de ce carnet. Peu importe la merde que tu m’aies faite prendre, c’est sans doute illégal et bien trop fort pour être en circulation. Alors soit tu me la donnes immédiatement et j’estimerai qu’on est quitte, soit je fais une descente avec quelques collègues et on fouille tout de fond en comble en faisant le plus de bruit possible.

Inutile de lui préciser que ça risque de déplaire fortement à sa précieuse clientèle, sans doute le bien le plus précieux de ce bar.

De l’hypnose ? Il n’y a pas à dire, ce type se fout de sa gueule dans les grandes lignes. Et puis quoi ? Il lui a fait jouer les poules en plein milieu de sa boite ?
Elle refuse de croire à cette possibilité, il s’agit forcément de drogue. Peut-être quelque chose de nouveau ? Après tout, les apprentis alchimistes motivés par l’appât du gain sont souvent plein de surprise.

- D'accord, d'accord...
- Quoi d’accord ? Tu me donnes la drogue ?

Il s’approche et Lexi a un mouvement de recul.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Mais elle est coincée par la chaise et au moment où il pose ses doigts sur ses tempes, elle reste immobile, presque alanguie alors que des flashs s’invitent dans son esprit et retrouvent leur juste place. C’est une sensation étrange. Douce, euphorisante presque, comme des rouages se remettant parfaitement en place.  
Elle se souvient… elle se souvient d’avoir sympathisé avec le barman, d’avoir bu un verre avec… Baphomet ? Elle se souvient avoir tiqué devant ce nom mais après tout, personne ne donne sa véritable identité dans ce genre d’endroit.
Quand il a fini, Lexi ne s’est même pas rendu compte qu’elle a posé ses mains sur les siennes, ni les quelques larmes qui ont dévalé ses joues en silence.
La militaire se dérobe à son contact et essuie son visage en essayant de comprendre ce qu’elle vient d’expérimenter.

- Voilà, maintenant tu sais tout.
- Mais… attends là… !
- Il y a un truc particulier avec ta mémoire quand même, tu devrais surveiller ça. Je ne voulais pas te faire zapper toute la soirée, mais tout s'est effacé, comme ça, pfuiiit !
- Comment ça ? Qu’est-ce que tu as vu ?
La maladie ? Elle a déjà fait des dégâts à son cerveau ?

Son niveau d’incompréhension s’accompagne à nouveau d’un peu de panique. Elle est à deux doigts de se pincer le bras pour vérifier qu’elle ne rêve pas.

- Le dossier de mon employée, elle est désormais en situation régulière, tu peux tout éplucher, j'ai plus rien à cacher.
- Je me fous de ton employée, réplique-t-elle aussitôt en faisant glisser le dossier vers lui sans même y jeter un coup d'oeil. Qu’est-ce que… elle déglutit, le regarde, les yeux écarquillés, intenses, harponnant ceux de Baphomet. Qu’est-ce que tu m’as fait ? Qui… non… qu’est-ce que tu es ? Tu as vraiment la capacité de… d’effacer et rappeler des souvenirs comme tu veux ?

Lexi écoute les explications étranges de cet être non moins étrange sans arriver à estimer encore à quel point tout cela est du grand n’importe quoi. Elle est quelqu’un de rationnel, cartésien même. Or ce qu’elle vit percute de plein fouet ses croyances. Elle pourrait croire que tout cela n’est que du baratin, mais… il lui a « rendu » ses souvenirs manquants ! De ça elle est certaine.
Lorsqu’il devine qu’elle ne peut pas se fier à sa propre mémoire, elle émet un petit rire sarcastique qui veut tout dire.
Faire confiance à son cerveau ? Quelle blague. Elle sait qu’un jour il éteindra tout une zone, possiblement sans recommandé avec avis de réception.

- Je sais. Je sais que ça n’est pas lui le souci.
Non c’est un « simple » problème de gênes défaillants qui la mettra à genoux. Un jour ou l’autre.
C’est pour cela qu’elle s’obstine à essayer d’obtenir des réponses.

- Alors ce que je suis, j'suis pas certain que tu sois capable de l'entendre.
Elle arque un sourcil.
- Quoi ? Tu es une sorte de sorcier, c’est ça ? Mince j’ai vraiment loupé ma lettre à Poudlard alors… ironise-t-elle avec un soupçon de d’agacement mêlé de panique provoqués par une perte de repère d’un monde dont elle connaissait les contours.

- Et oui, je peux faire ça. Avec le consentement, c'est beaucoup plus sécure et bien plus simple... Cependant, oui, je peux même implanter les souvenirs de quelqu'un d'autre avec une faible marge d'erreur.

Lexi fouille son regard à la recherche du moindre signe qu’il est en train de lui mentir – les mensonges, elle a le don de les repérer à mille bornes – mais rien. Si ce qu’il dit est vrai … alors son … pouvoir est aussi terrible qu’il est merveilleux.

- Je te l'ai dit, ça se rapproche un peu de l'hypnose. Je ne fais rien qui endommage ton p'tit cerveau, je te rassure... Et non, j'ai pas farfouillé dans tes souvenirs, j'ai passé l'âge de ce genre de conneries. Par contre, ce que je fais, je le fais pour protéger cet endroit, rien de plus. J't'assure.
La jeune femme se laisse tomber sur la chaise comme une poupée qui aurait perdu ses câbles. A nouveau elle laisse échapper un rire qui n’en est pas vraiment un.
- Je crois… que tout ça me dépasse un peu.
- En quoi ça t'intéresse ? T'as subi un traumatisme dont t'aimerait te rappeler ? Le râleur dans ta boite crânienne va pas apprécier... Mais c'est dans mes cordes.
Elle observe ses mains, croit percevoir un léger tremblement et les crispe rapidement l’une contre l’autre.
- Non… c’est pas ça. Je me rappelle très bien de mes traumatismes. Elle relève finalement la tête pour le regarder dans les yeux. Je suis malade. Je suis née avec une défaillance génétique qui a plus de 90% de chance de provoquer la maladie d’Huntington. Autant dire que je vais l’avoir. C’est… neuro-dégénératif. Un jour, sans que je sache quand, mes nerfs se détérioreront et provoqueront des mouvements incontrôlables de mes membres qui finiront par m’empêcher de marcher ou de me tenir debout. Ça s’accompagnera de troubles cognitifs : problème d’attention, ralentissement de la pensée et… trouble de la mémoire. J’oublierai qui je suis… jusqu’à la démence. Les antipsychotiques aident à supprimer la chorée et l’agitation. Mais pour la mémoire… il n’y a rien à faire. C’est pour ça que je note tout. Et quand j’ai compris qu’il me manquait une partie de mes souvenirs… j’ai cru… que ça commençait et qu’elle attaquait fort.

Elle a eu la trouille. Une peur terrible que des années à attendre que le destin ne s’abatte sur sa tête n’a fait que renforcer. Malgré sa résolution de se flinguer avant de devenir démente, elle ne souhaite pas mourir tout de suite, pas si jeune. Quand bien même elle essaie de se faire à cette idée depuis le jour où elle a reçu ses résultats.
- Plus que quiconque, je sais que ma mémoire est précieuse. Et que je vais la perdre parce que mon râleur sera complètement impuissant. Elle garde le silence quelques instants. Je ne sais même pas pourquoi j’te raconte tout ça. Elle contemple la pièce puis le propriétaire des lieux. Peut-être que je suis déjà en train de tourner tarée, déclare-t-elle avec un sourire un peu tordu.

- Je sais pas non plus pourquoi tu me racontes tout ça, j'ai absolument pas la tronche d'un confident.
- Pas vraiment non, confirme-t-elle avec un fantôme de sourire.
- Tu m'diras, j'ai jamais essayé, t'es la première à me donner ma chance...
- Ah ? Et c’est positif ou négatif comme expérience ? Désolée que ça te tombe dessus. Je garde ça pour moi depuis tellement de temps que je ne pensais même pas que ça sortirait un jour. Je ne veux la pitié de personne.

Et elle ne veut pas qu'on la regarde différemment. Personne ne peut rien à ce qu'elle a et tant que la maladie reste dormante, elle se donne l'illusion que tout va bien, tout en sachant pertinemment que ça n'est pas le cas.

- Et je ne te trouve pas tarée.
Son sourire se fait plus franc.
- Mmm… tu m’en veux pas si je ne me fie pas totalement à ton jugement, monsieur je porte un pseudo de démon et je manipule la mémoire des gens ?
Elle pousse un soupir en se laissant aller contre son siège.
- Rien que de le dire à voix haute me donne l’impression de dérailler sévère.
- Après, je peux...
- Quoi ?
- Je peux sauvegarder tes souvenirs, si tu veux. Si tu as si peur de les perdre, au moins tu n'aurais pas d'exercices mentaux à faire dessus, juste à venir me voir.

L’intensité du regard de Lexi à cet instant a de quoi clouer sur place n’importe qui. Son cœur tambourine d’un espoir insensé. Il ne lui propose pas de la guérir juste… un sursis. Du temps avant d’en finir.
C’est déjà bien plus que ce qu’elle a. Bien plus que ce qu’elle pouvait espérer.

- Tu veux... boire un truc ?
Elle hoche la tête. Voilà une proposition toute indiquée.
- Quelque chose de fort.
Il lui faut au moins ça. Elle attend d’être servie pour reprendre.
- Tu connais la valeur de ce que tu m’offres. Ca n’est pas une question, elle le sent assez malin pour évaluer correctement la proposition qu’il vient de lui faire. Pourquoi tu ferais ça ? Elle a vécu bien trop de choses pour être naïve et croire à la philanthropie des gens. Qu’est-ce que tu veux en retour ?
C’est comme ça que le monde fonctionne. On n’a rien sans rien.

- Si je te suis bien… tu pourrais garder mes souvenirs à l’abri quelque part ? Où ça ? Comment ça fonctionnerait ? Est-ce qu’il faudrait que je vienne souvent ?
Elle est stupide de s’accrocher à cette possibilité. Elle n’est pas vouée à rester à Tir Na Nog. Une fois sa mission terminée, elle s’en ira et laissera ses souvenirs ici.
Pourtant… elle s’accroche. Elle s’accroche de toutes ses forces.  

L’odeur du rhum envahit le bureau et Lexi accepte le verre et le cogne contre celui de … Baphomet – elle ne s’y fait pas –. La chaleur de l’alcool se répand le long de sa gorge et clarifie brièvement son esprit.

Mais tout cela reste louche pour la jeune femme. Extrêmement louche. Qui accepterait d’aider une totalement inconnue par simple bonté d’âme. Personne. La réponse du propriétaire ne se fait pas attendre.

- Oh, allez, t'es une femme, j'suis un homme...

Lexi le dévisage, ou plutôt le fusille du regard. Elle qui sait pourtant lire les gens a bien du mal à interpréter les expressions de l’homme en face d’elle.
Le rire la surprend jusqu’à ce qu’un petit sourire étire ses lèvres alors qu’elle lève les yeux au ciel.
- Non, j'deconne !
- Très drôle ! fait-elle en tournant l’alcool dans son verre. De l'humour fin comme j'en ai tous les jours à la caserne ! juge-t-elle avec son humour pince sans rire.
- A dire vrai, j'en sais rien.
- Merveilleux. Est-ce que ça veut dire que je suis en train de vendre mon âme au diable sans savoir exactement ce que je mets sur le tapis ?
- Je me mets assez souvent dans la merde, je pense que tu ne tarderas pas à avoir la réponse à ta question.

Lexi n’aime pas spécialement ce flou alors elle préfère mettre les choses au point.
- Alors qu’on soit clair toi et moi. Je ne vends pas mon cul, mon âme et je n’accepterai pas de faire quoique ce soit de répréhensible pour ma mémoire. Rien de définitif en tout cas.  
Ses souvenirs ne valent pas ses principes. Jamais.

Elle demande des précisions sur le déroulé du processus et écoute les explications avec beaucoup d’attention. La bouteille qui est posée devant ses yeux la fascine d’une part alors que l’autre partie de son esprit ricane de toute ça, de sa crédulité, persuadée que tout ça n’est qu’une vaste blague.
Elle a un mouvement vers la bouteille mais préfère demander.
- Je peux ?
Elle prend le récipient et l’observe sous toutes les coutures, hypnotisée par les volutes opaques qui danse à travers le verre.

- Voilà, inutile de te dire que je ne devrais même pas te montrer ça... Bref... En gros, c'est une bouteille à souvenirs. C'est enfermé là-dedans. Si elle se casse, se fissure, ou se fait ouvrir par erreur, la totalité des souvenirs reviennent directement ici.
- S’en est un là-dedans ?  Ou il y en a plusieurs ? demande-t-elle avec un reste de scepticisme. Dons tu fais ça pour d’autres personnes ? … elle relève ses yeux vers les siens. Où c’est l’un des tiens ?  
- T'es pas obligé de prendre ta décision tout de suite...
Lexi a un petit rire.
- J’aimerais déjà savoir que je ne suis pas en train de rêver ou d’halluciner complètement. J’en suis pas encore certaine.
Son regard revient vers la bouteille qu’elle fait tourner délicatement entre ses doigts.  
- D'autant plus qu'il faudrait qu'on trouve un moyen puissant pour que tu te souviennes, quoi qu'il arrive, que tes souvenirs sont ici.
Elle repose le souvenir sur la table avec une certaine révérence.
- Il y en a plusieurs. Je garde des traces écrites et vocales de mes journées. Il suffit que je te mentionne dans plusieurs de « mes petits cailloux » pour revenir à toi. Je ne sais pas si ça sera suffisant mais c’est tout ce que j’ai. Pour le moment, mon cerveau tient encore la route.
Comme irrésistiblement attirée, le doigt du caporal trace les lignes lisses du verre.
- Pour être brutalement honnête… je m’étais juré d’en finir le jour où ma mémoire foutrait le camp. Je ne vois pas l’intérêt de mener une existence creuse, vide de « moi ». Si ta proposition est vraiment envisageable, elle change la donne. Mais si je réfléchis, j’ai peur de réussir à me convaincre que tu n’es qu’un très, très bon charlatan.  

- Ouais, c'en est un... Et ce n'est pas tout à fait la même chose pour son cas à elle. Elle n'est pas malade, mais elle... Ne se souviens plus de son cher et tendre.
Lexi a un sourire ironique.
- Ah… et c’est un problème je suppose.
Pour elle, l’amour n’est qu’une vague fumisterie qu’on vous agite sous le nez comme le Saint-Graal alors qu’il clairement pas fait pour tout le monde. Elle préfèrerait largement oublier les seules fois où elle s’y est frottée.  
- T'as qu'à revenir quand tu te seras décidée.
Lexi hoche la tête.
- Merci. Mais j’ai beau retourner cette proposition dans tous les sens je ne vois pas vraiment ce que j’ai à perdre. Elle hausse les épaules puis finit son verre d’une traite. Mis à part ce que je te devrais en échange.
Elle évoque les possibilités de garder tout ça en mémoire pour l’instant.
- Pour le moment, c'est largos suffisant. Quand ça commencera à dérailler et qu'on se connaîtra mieux, c'est moi qui viendrai te trouver, si ça te va.
- Ca me va. Elle l’observe, la tête légèrement penchée sur le côté. Tu saurais me retrouver ? Tu sais au moins qui je suis ?
Elle aurait peut-être dû commencer par ça, en fait. Il ne l’a jamais appelé par son prénom, ni son grade. Le doute est donc permis.
- Caporal Lexi Hailey. Dans l’armée donc. Je ne resterais pas à Tir Na Nog.

Sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi, elle confie ses « projets » à Baphomet avec beaucoup de naturel et s’interroge toujours sur la réalité de tout ce qu’elle vient d’apprendre.

- J'suis pas un charlatan. Je te l'ai prouvé en te remettant ton souvenir en place.
- C’est vrai. Mais tu avoueras que ça fait beaucoup à avaler pour une pure cartésienne qui ne croit pas à grand-chose.
- Si tu veux je...
Il se penche et entoure son visage de ses paumes. Lexi se tend et le regarde dans les yeux.
- Qu’est-ce que tu fais ?
- … tu veux te remémorer un truc que t'as oublié ?
- Comme quoi ?
- N'importe quoi. Donne-moi une heure, une date, ou un évènement. Même si tu t'en souviens pas.

Lexi reste un long moment silencieuse. Qu’est-ce qu’elle souhaiterait se rappeler ? Y’a-t-il la moindre chose dans son enfance qu’elle aimerait revoir ? Ou après ?
Est-ce que ça ne serait pas simplement source de nostalgie inutile ou de regret ? Elle n’a jamais été du genre à se retourner sur son passé. Ce qui est fait est fait. Pourtant, elle s’entend répondre.
- La dernière fois que j’ai été heureuse de monter sur scène.
Elle le regrette presque aussitôt. Cette Lexi-là appartient à une autre vie. Une autre elle. Sa demande émane plus d’une sorte de voyeurisme malsain.  

- Oui... Je... Tu t'es déjà présentée.
- Autant pour moi. Je n’étais pas certaine.
- Avec ton nom, je pourrais te retrouver dans l'armée ?
- Y’a des chances. Au pire, est-ce que tu es vraiment du genre à lâcher au premier échec ?

Lexi ne peut s’empêcher de trouver cela rassurant de savoir que même si elle se perd un jour, quelqu’un sera là pour la retrouver. L’image est assez réconfortante.
Mais son esprit à besoin d’autres preuves, des confirmations de l’authenticité de ce qu’il est, de ce dont il est capable.
Alors elle accepte cette nouvelle expérience. Et tandis que sa tête se trouve entre les mains du démon, elle le fixe et attend, anxieuse.

Et puis tout lui revient soudain. Elle était encore jeune, plus vraiment naïve mais certaine qu’elle était née pour être une grande danseuse, pour suivre les pas de son père.
Comme elle se trompait…

Mais ce jour-là, oui ce moment en particulier… ça a été… incroyable ! Elle a tellement eu le trac. Être seule sur scène, ça n’est pas rien. Mais tout a été parfait ! Elle revit chaque mouvement, chaque entrechat, chaque arabesque et d’instinct son corps perd de sa langueur pour adopter la posture qui lui était naturelle à l’époque : le dos et les épaules droites, le menton légèrement levé. Son cœur se met à battre plus fort, au rythme des acclamations du public avant son passage.

- C’était mon premier solo. J’étais la Fée Draguée dans Casse-Noisette. Je n’avais pas le droit à l’erreur selon ma mère. Et quand j’ai commencé à danser j’ai eu l’impression que tout était facile…Il n’y avait plus de pression, plus de stress… juste la musique et moi.

Parfaitement troublée, elle cligne plusieurs fois des yeux pour revenir au présent et le sourire de Baphomet l’interpelle.
- Tu… tu as assisté à ça ?
Oui Lexi est un peu gênée d’avoir partagé ce moment qui n’a pourtant rien d’extraordinaire.
- Est-ce cela que tu voulais voir ?
- Je crois. J’avais oublié… comment c'était...
- Tu veux continuer, ou vivre autre chose ?

La jeune femme pose les mains sur celle du propriétaire des lieux et les retire de ses tempes.
- Non. Ça va aller comme ça. Il serait difficile de ne pas te croire après ça. Mais… revivre le passé n’est pas toujours une bonne idée. Ces moments ont beau être précieux, ils sont aussi… porteurs de chose que j’ai peut-être volontaire relégué loin dans ma mémoire. Enfin… tu vois ce que je veux dire.

La militaire prend une profonde inspiration et libère les mains de Baphomet lorsqu’elle se rend compte qu’elle les tient toujours. Elle lui dédie un sourire franc.
- Je ne crois pas te l’avoir encore dit alors… merci. Pour … l’alternative que tu me proposes. Je n’ai aucune idée de ce qui m’attend et comment la maladie me frappera mais je sais au moins qu’il existe une possibilité où je ne me perds pas et où ce que je suis est simplement… gardé à l’abri dans une bouteille. Combien il en faudrait pour me conserver ? Est-ce que ça te prendras beaucoup de temps de me « sauvegarder » ? Elle a une grimace. Désolée, je pose beaucoup de questions.

- Théoriquement, il n'en faudrait qu'une, à moins que tu ne veuilles faire la part de souvenirs les uns des autres, mais je ne pense pas que ça soit le but.
- Non, je souhaite plus une… sauvegarde générale.

Elle se frotte la tempe avec une petite grimace. Maintenant qu’elle a plus ou moins accepté le fait que la chose était possible, elle a envie de connaitre les moindres détails du processus.

- J’ai l’impression d’être un ordinateur presque bon pour la casse. Mémoire vive en chute libre. Ça serait tellement plus simple. Est-ce que ça te prendra beaucoup de temps de me « sauvegarder » ?
- Non, cela ne prendra pas beaucoup de temps pour te sauvegarder. Je préfèrerai faire ça la nuit, quand tu dors, quand ton esprit basculer facilement de la conscience à l'inconscience et que tu es consentante.
Lexi s’installe plus confortablement sur son siège et croise les jambes.
- Donc tu me proposes une sorte de pyjama party ? Il va falloir que je m’organise. Je ne suis pas sensée être hors de la base la nuit. Mais dans l’absolu ça peut se faire. Tous mes queutards de collègues le font bien après tout. Je suis d’ailleurs étonnée de ne pas en avoir croisé un en venant ici.
- C'est important de poser plein de questions.
- Rassurant je dirais. Connaitre les différentes étapes me donne presque la sensation que tout ça est normal. Comme… un rendez post-opératoire.
- Mais tu verras, ça n'a rien de désagréable.
- J’ai déjà entendu ça quelques part… donc ça veut dire que je sentirais quelque chose ? Quoi exactement ?
- Au fait, maintenant que je t'ai fait boire... me dis pas que tu repars en voiture, si ?

Lexi le fixe, complètement ahurie avant d’éclater de rire. Un rire franc et sonore qui retire un peu de la tension qui nouait ses muscles depuis… depuis qu’elle pensait avoir perdu une partie de sa mémoire. Quand elle s’arrête enfin, elle prend une profonde inspiration.
- C’est… tout à fait inattendu. En guise de réponse, elle commence par lui tendre son verre, manière silencieuse d’être resservie. Charmant je dirais même ! Tu crois que tu survis dans l’armée en ne sachant pas tenir l’alcool ? C’est très gentil, mais je sais prendre soin de moi.

De sa survie en tout cas. Pour le reste… eh bien elle a préféré s’en détourner. A quoi bon après tout.

- Sinon tu m’aurais raccompagnée comme le gentleman que tu es ?
Elle se tortille pour récupérer son portable dans sa poche. Elle pianote quelque chose puis le lui tend.
- Inscris un numéro sur lequel je puisse te joindre. Je te recontacterai quand j’aurais trouvé le bon moment.

L’explication laisse Lexi profondément perplexe. Elle suppose qu’elle verra sur pièce comment se passeront les choses. Elle observe toutefois son petit manège avec amusement.
- Ouais mais... Garde ça pour toi, OK ? Il faudrait pas qu'on sache que je suis quelqu'un de gentil au fond.
En guise de réponse, elle fait mine de sceller ses lèvres souriantes comme une fermeture éclair, la verrouille et jette négligemment la clé imaginaire par-dessus son épaule.

Baphomet lui rend son portable sans y avoir touché et y ajoute une carte. Elle passe le doigt sur le dessin avec un petit rire.
- Carrément !  
- Hé voilà ! C'est mon numéro perso, n'hésites pas... Pour ta mémoire, pour voir si tu tiens si bien l'alcool que ça, ou pour quoi que ce soit d'autre.
- Je n’hésiterai pas.

Elle range précieusement le papier dans la poche de sa veste en cuir et se lève. Peut-être qu’à froid, tout ça lui paraitra définitivement insensé… ou peut-être qu’elle ne trouvera plus le courage, qui sait ?
- Bon… à bientôt alors ?
C’est presque autant une question qu’une affirmation.  

*****

De retour à la caserne, la vie, un brin morne et monotone, elle doit bien se l’avouer, reprend ses droits. Une fois seule dans le mini-cagibi qui lui sert de chambre, elle cogite, tournant la carte de Baphomet entre ses doigts, toujours un peu sceptique malgré l’évidence des preuves qu’il lui a montré, toujours méfiante de ce qu’elle devra un jour payer pour cet incroyable cadeau que la vie lui offre.
Sans doute le premier.

Après tout qu’est-ce qu’elle a à perdre ?
Rien.
Plus rien.

Alors elle finit par lui envoyer un message et par lui demander quand il est libre. Elle s’est même surprise à lui envoyer des trucs qui n’ont rien à voir avec la situation. Pendant une patrouille, elle est tombée sur un bouc, l’a pris en photo pour la lui envoyer et lui a demander si c’était un parent à lui… des messages stupides juste pour éviter de le voir comme l’être parfaitement extraordinaire et loin de son prisme de compréhension qu’il est.

Les journées jusqu’à ce rendez-vous paraissent s’étirer en longueur. Habillée en civil et grâce à la complicité de Jenson, elle s’éclipse de la caserne et marche jusqu’au Bouc et Mystère. A chaque pas, elle a l’impression que son cœur bat plus vite. Pire qu’une adolescente à son premier rencard. Bien pire.

Elle est incroyablement nerveuse tout en étant sereine avec sa décision. Le tract lui mange toutefois l’estomac comme il avait l’habitude de le faire avant chaque représentation sur scène.
Cette fois, lorsqu’elle se présente devant l’employée de l’accueil, elle l’invite à entrer sans faire d’histoire lui lançant un petit regard entendu. Qu’elle pense ce qu’elle veut, Lexi s’en fiche bien.
Elle grimpe les marches vers le bureau de Baphomet et prend une profonde inspiration avant de toquer. Lorsqu’on lui permet, elle ouvre la porte et passe le seuil de la pièce.

- Salut, lance-t-elle avec un sourire un peu crispé, passant une mèche courte et blonde derrière son oreille. Elle reste bêtement plantée là, les mains dans les poches arrières de son pantalon. Pas trop nerveux ? demande-t-elle avec beaucoup d’autodérision.

- Je vous attendais, très chère.
La scène l’a fait glousser avant qu’elle ne cache cette impulsion sous une toux.
- Très réussie la mise en scène. Pas trop nerveux ?

Elle sait parfaitement qui est nerveuse dans cette pièce.

- S...si....un peu... C'est ma première fois, tu seras douce, hein ?
Elle secoue la tête, amusée et surtout reconnaissante qu’il tente d’alléger l’atmosphère. Elle n’a pas souvent eu le droit à de la légèreté et… elle lui fait du bien à cet instant précis.
- J’ai pas l’air douce d’après toi ?
- Tu t'es brossée les dents ou tu veux boire un lait chaud ?
Elle danse d’un pied sur l’autre.
- J’ai le droit à quelque chose de plus corsé que du chocolat chaud ?
- Tu veux pas que je te prête un pyjama aussi ?
- C’est proposé si gentiment ! Mais ça va aller, merci beaucoup. Tu sais recevoir toi ! On dirait pas que c’est ta première fois.

Elle le suit dans les escaliers et chaque marche lui semble plus compliqué.
« Merde à la fin ! C’est juste un triffouillage de cerveau pour éviter la sénilité totale ! Pas un rencard ou quelque chose dans ce goût-là. »

Sans doute qu’elle n’a pas l’habitude d’être dans la position de la « cliente ». De ne pas être en contrôle de la situation.
Qu’est-ce qui l’empêcherait de lui faire du mal pendant qu’elle dort ? Alors qu’elle est complètement vulnérable ? Rien si ce n’est sa parole.
Elle est brutalement ramenée à la réalité.

- Tu veux quel genre d'ambiance pour dormir ?
- Ambiance lit super moelleux ? Je suis pas difficile. Ca fait quelques années que j’ai plus le luxe de choisir les endroits où je vais dormir. Et disons que les lits militaires ne brillent pas particulièrement pour leur confort. Mais… tu veux dire qu’on ferait ça ici ? Au milieu de tes clients je veux dire ?
- Ou alors je peux te ramener chez moi, si l'endroit te gêne un peu, mais je te préviens : jamais personne n'y vient.

Elle tergiverse un moment, se mordillant la lèvre tout en réfléchissant. La logique et le bon sens voudrait qu’elle ne s’isole pas plus que ça avec ce semi-inconnu mais franchement au point où elle en est.
- Ce qui est le plus confortable pour toi. Je m’adapterai. Donc euh… tu vas patienter gentiment jusqu’à ce que je dorme ? C’est ça l’idée ? Et si j’y arrive pas, tu me liras une histoire ou tu me chantera une berceuse ? Oh au fait…

Elle ouvre son sac et en sort une adorable peluche de bouc qu’elle lui tend avec un sourire malin.
- J’t’ai ramené Junior. Cadeau. Il avait trouvé refuge dans une vitrine.

Lexi sourit devant la réaction de Baphomet, ravie d’avoir su le surprendre à son tour. Avec une simple peluche.

- ...Q... Merci beaucoup.
- Je t’en prie. On est quitte maintenant tu crois ? plaisante-t-elle en sachant pertinemment qu’il va lui falloir bien plus que ça pour s’acquitter de sa dette.
- Je crois bien que c'est la première fois que qui que ce soit m'offre une peluche.

Elle lui tapote gentiment l’épaule.
- C'est une honte ! Contente d’être ta première fois. Pour la deuxième fois…
Elle observe avec curiosité l’environnement naturel de l’être surnaturel. Il est… exceptionnellement bien rangé… plus que ce à quoi elle s’attendait en tout cas. Ses yeux balaient la pièce lentement, comme si elle la scannait y laisser son empreinte au fond de sa mémoire. Elle retourne un livre qui trône sur une table basse.
- Plutôt cosy. Je suis un peu déçue… je m’attendais presque à un style « donjon ».
Elle ne précise pas le type de donjon.  

- Alors, tu m'as dit 'ambiance lit super moelleux'. Je t'en prie.
Elle fixe la porte, puis Baphomet et encore une fois la porte.
- C’est ta chambre ? Wow… tu fais ça souvent ?

Personnellement c’est la première fois qu’elle couchera chez un homme. Qu’elle connait depuis quelques jours à peine. La Lexi raisonnable et prudente lui ordonne de faire demi-tour. Mais à quoi bon être prudente quand on s’approche de sa date limite d’existence ?
Elle finit par pénétrer dans une large chambre et siffle d’admiration devant le lit parfaitement majestueux.

- Vous dormez à combien là-dedans ? … non laisse tomber je ne veux pas savoir…
Elle s’assoit dessus et teste le moelleux impeccable du matelas en poussant un soupir de satisfaction.
- C’est parfait…
Son regard acéré saisit le manège de son hôte sans en comprendre la raison…
- Tu ranges tes sex-toys ?
… jusqu’à ce qu’une plume volète pour se poser sur sa main. Intriguée, la militaire la fait tourner entre ses doigts. Elle est toute soyeuse.
- C’est quoi ça ? Tu couches avec des volatiles ? Ou tu as un corbeau de compagnie ?
- Installe-toi, je t'en prie.
- Ok…
Elle retire ses chaussures, sa veste et la pose sur son sac. Elle frissonne dans son simple débardeur.
- On ne va pas attendre que tu dormes.
- Ah bon ?
Elle s’allonge et fixe ses yeux sur le plafond en tâchant de respirer doucement.
- Tu vas juste essayer de te détendre au maximum.
Elle a un petit rire sardonique.
- Se détendre… bonne idée …
On ne fait pas plus tendue. Elle tente à nouveau des exercices respiratoires qui l’aident à faire passer le stress en temps normal. Pas ce soir…
- Un peu d’alcool peut-être ?