D'accord... Elle me tue avec son histoire de "satisfaire un démon millénaire". Ou alors, j'ai l'esprit mal tourné. Bon, d'accord, j'ai l'esprit très mal tourné, mais elle ne m'aide pas DU TOUT, bordel ! Et en plus, elle m'achève en me disant que nous sommes sur la même longueur d'onde. Par les saintes cornes, j'espère pas. Deux comme nous sur terre, t'imagines ?

Je suis tout ouïe, ma belle, qu'as-tu à m'avouer ? Je me penche en avant, avide d'informations. Et... Rien que je pourrais faire ne pourra la choquer ? Wooooooow...

"C'est moi ou ça sonne comme un défi, ça ?"

Non, sérieusement, c'est un défi, on est d'accord !

Par la suite, j'ai l'impression que je l'ai un peu déroutée avec ma remarque. L'armée l'a tant changée que ça ? Bien sûr que oui, sans l'avoir brisé, l'armée l'a rodée, poncée, usinée, et forgée pour qu'elle rentre dans un moule pré-conçu et pour que plus rien ne dépasse.

"Navré, avec moi, ça risque d'être plus compliqué à présent."

Et je suis parfaitement sincère, quand je dis ça. J'ai tendance à avoir cette mauvaise influence de rébellion sur les gens. Et elle, elle me côtoie.

"Ouki, donc autant pour le repas basket que j'allais te proposer. Fais-toi plaisir, j'adore qu'une femme ait de l'appétit."

Bon, ah oui... Euh... Qu'est-ce que je commande, moi ? L'ossobuco ! Ouais ! J'ai faim, moi aussi, elle me donne faim ! Au moment où Lexi me propose un vin typique, je fais mine d'être perdu, et finalement de répondre un petit "Euh... à tes souhaits ?" tout désolé.

La mélancolie prend Lexi à ma question, une réponse émotive que je peux tout à fait comprendre étant donné les circonstances. Ne pas se projeter, c'est bien aussi !

"Ouaip, t'avais l'air d'être une escorte putain de douée. Je pourrais faire semblant de ne rien savoir et te poser tout plein de questions. Tout ce que je peux te dire est qu'heureusement qu'on ne s'est pas rencontré à l'époque, parce que t'aurais eu un emploi du temps chargé."

Elle aurait été obligée de faire un truc "spécial Baphomet" en illimité. Putain, je l'aurais tellement saoulé !

Je secoue la tête sur une de ses affirmations.

"Je connais tes souvenirs, mais je t'assure que connaître les souvenirs de quelqu'un ne fait pas en sorte que je le connaisse pour autant. Ais-je une image à te soumettre assez inspirée ? C'est juste comme regarder un time laps d'un arbre qui pousse, on sait comment tout a été formé, et pourquoi telle branche est là où elle est, et on a partagé les émotions aussi... Mais l'arbre, au final, il reste à découvrir."

Ouais, l'image est toute nulle, on est d'accord.

Que pourrais-je lui dire ? Je plisse les yeux, porte mon verre à mes lèvres, m'apprête à répondre, hésite, garde le silence, reporte mon verre à mes lèvres, l'écarte, inspire, ne dis rien, re-reporte mes lèvres à mon verre... Me rend compte qu'il est encore vide...

"Hé bien voilà que je ne sais pas trop par où commencer. J'ai vécu tellement de choses et j'ai la sensation qu'elles sont toutes dérisoires. Je n'ai jamais été humain, quand j'étais en vie pour de vrai, j'étais un corbeau. J'ai donc découvert le fait d'avoir des pouvoirs, puis d'avoir une ascendance, et enfin, j'ai découvert ce que c'était que d'être humain. Ce qui m'a le plus surpris, à dire vrai, c'était le fait qu'ils essaient de se détacher de leur 'animalité', par tous les moyens possible... pour finir par être totalement soumis à leurs pulsions. Le sexe, la bouffe, le pouvoir, on peut absolument tout obtenir en échange d'au moins un de ces trois trucs. J'ai bâti entièrement mon personnage de Baphomet sur diverses croyances de plusieurs peuples... mais dans les pensées, sur du vide, ou plutôt sur rien de concret. C'est pour ça que personne ne peut affirmer me connaître vraiment. Même encore aujourd'hui, si tu recherches sur internet, tout le monde s'accorde à dire que mes origines sont 'discutables et incertaines'... Et aujourd'hui, j'ai la double sensation de ne plus vraiment savoir qui je suis... et de devoir me reconstruire petit à petit."

Avec Lexi, je suis confiant, je ne me reconstruirai pas sur du vide.

"Des questions ?"

- Ouaip, t'avais l'air d'être une escorte putain de douée.
Lexi glousse alors que le vin leur est apporté. Celui-ci s’est naturellement tourné vers Baphomet pour remplir son verre mais Lexi lève le sien avec une mine à la fois amusée et réprobatrice.
- C’est moi qui vais goûter.
- Euh oui… évidemment, madame.

Le « madame » l’a fait sourire. Ca sonne bizarrement à son oreille par rapport à « caporale ». Après avoir approuvé le vin et laissés seuls, elle se penche sur la table, le menton en appui sur sa main.

- Qu’est-ce qui te fait dire ça au juste ? demande-t-elle en rattrapant le cours de leur conversation comme s’il n’avait pas été interrompu.
- Je pourrais faire semblant de ne rien savoir et te poser tout plein de questions.
- Ca me va !
- Tout ce que je peux te dire est qu'heureusement qu'on ne s'est pas rencontré à l'époque, parce que t'aurais eu un emploi du temps chargé.
Lexi secoue la tête.
- Franchement, ça aurait été mille fois plus agréable que tout ce que j’ai fait. Toi au moins tu me regardes dans les yeux et pas comme si j’étais qu’un paquet de chair ou… un paquet de souvenir en l’occurrence.
- Je connais tes souvenirs, mais je t'assure que connaître les souvenirs de quelqu'un ne fait pas en sorte que je le connaisse pour autant.
- Comment ça ?

Elle écoute son explication en faisant légèrement tourner le vin dans son verre. L’image qu’il utilise la laisse un peu perplexe mais ces histoires de mémoire sont certainement trop complexes pour elle.
Elle préfère donc en savoir plus sur lui, parce qu’à vrai dire, elle ne le connait pas encore. Et les rencards sont fait pour changer cela. Elle s’amuse de son manège avec son verre d’eau vide sans savoir ce qui le met dans cet état. Enfin si… raconter des années et des années d’existence est certainement une épreuve en soi.

- Je te trouble, Baphomet ? Demande-t-elle avec un pétillement amusé dans les yeux.
- Hé bien voilà que je ne sais pas trop par où commencer.
- Le commencement en général.
- J'ai vécu tellement de choses et j'ai la sensation qu'elles sont toutes dérisoires.
- Ca m’étonnerait beaucoup !

Finalement il se lance et la jeune femme se tait de peur de le couper dans son élan. Elle sirote son verre de vin à petite gorgée, les yeux braqués sur lui et lui consacre sa pleine attention. Finalement il se stoppe au moment où le serveur revient avec leur plat. Lexi le remercie d’un sourire.
- Des questions ?
- Mmm à peu près un milliard, fait-elle nonchalamment. Elle repose le verre et attaque son assiette généreuse. Comment tu as fait ? Pour apprendre à te comporter comme un humain j’entends. Jamais je n’aurais pu deviner que tu ne l’étais pas. Belle analyse de l’humanité, au passage. Personnellement je l’ai découvert très tôt…. A mes dépends. Mais heureusement certains humains savaient se contrôler un minimum. Enfin… je dis ça en me baffrant de nourriture italienne. Mais le pouvoir ne m’a jamais attiré et pour le sexe… elle lui lance un coup d’œil amusé, je vais faire en sorte de ne pas te sauter dessus dès le premier soir ! Enfin techniquement c’est le deuxième.

Elle garde un instant le silence, savourant le croustillant de la panure.
- Je ne suis évidemment pas à ta place mais… se reconstruire, je connais. Tu sais, parfois ça n’est pas si mal que ça ! Je sais combien c’est déconcertant. Mais personnellement, je considère plutôt qu’il s’agit d’une mue, tu vois ? Parce que ton ancienne peau ne te va plus ou est trop étroite. Mais en fait… apprendre à se connaitre, se connaitre vraiment, c’est un voyage passionnant ! Et très satisfaisant. Tu fais le ménage dans ta vie, tu gardes ce qui te tient à cœur, les gens que tu aimes, tu te refixes un but… Du coup c’est plutôt à toi-même que tu devrais te poser des questions. Elle tend le bras et serre sa main dans la sienne avec un sourire. T’inquiète pas ! Pour le coup c’est quelque chose de très humain de se remettre en question, d’évoluer sans arrêt, de se triturer le cerveau sur soi-même. Si tu veux commencer quelque part, je peux déjà t’assurer que tu es quelqu’un de bien. Foncièrement honnête et sur qui on peut compter. Elle a un petit rire. C’est ce que me dis mon instinct, en tout cas. Avec l’esprit un peu mal tourné parfois mais ça, je te conseille de le garder, c’est aussi ce qui fait tout ton charme.

J'aime pas le serveur qui essaie de me servir en premier, mais j'adore que miss Lexi prenne les devants. Je pense que je ne m'en lasserai jamais de la voir agir ainsi. Je trouve cela décidément très charmant. Si le serveur me lance un regard de masculinité complice, je n'y fais même pas attention.

La voir comme un sac de chair ? Elle et moi sommes plus semblables que je ne l'aurais cru.

"Je sais pas... J'aurais sans doute été le client... tu sais ? Celui qui veut être celui qui change des autres, le type qui a envie que ça compte pour toi aussi. Par contre, je t'aurais sûrement appris un ou deux trucs que t'aurais pas été près d'oublier."

Je sirote un peu le vin en appréciant le fait que, pour une fois, je bois de l'alcool pour son goût et non pour ses effets. D'ordinaire, je privilégie la beuh pour éviter de me souvenir de tout, et tout le monde. L'alcool arrête juste l'incrémentation dans la mémoire au moment où il est consommé, et ça ne marche pas à merveille sur moi. Autant dire que ce soir, j'ai envie de ne rien oublier du tout.

Après m'être étouffé dans mon verre, je fais d'ailleurs un reniflement dépité au moment où elle m'annonce qu'elle ne va pas me sauter dessus ce soir.

Oui, miss, je sais que tu as dû te reconstruire, mais toi et moi ne sommes pas faits du même bois. Tu es forte, courageuse, indépendante, et vibrante. Pour ma part, je suis un vieux machin qui a vu le pire de ce que l'homme a à offrir, qui respire la saleté des démons jours après jours, et qui n'arrive pas à se trouver un putain de coin à lui dans cette existence... Et oui, tu me troubles...

Tu lis pas dans les pensées, hein ?

Si tu lis dans les pensées, dis "hibou" ! Non ? Sûre, hein ? Bon, OK, on peut continuer.

"J'ai beaucoup observé, analysé ce que j'observais et usais de ma mémoire pour tout stocker et analyser sur plus longtemps. Pas de secrets à ce niveau-là. Et si je me gourais, j'avais juste à effacer la mémoire, effaçant petit-à-petit mes erreurs afin de ne laisser aucune trace."

Des questions à moi-même... Ouh là, elle me prête une capacité d'analyse que je n'ai pas. Je me demande "pourquoi diable suis-je aussi con ?", des fois, rarement plus.

"Quelqu'un de bien et profondément honnête ? Je t'en prie, ne m'insulte pas ! Si je te laisse en roue libre, tu vas aussi me trouver intelligent et doux au toucher..."

Garder mon esprit mal tourné parce qu'il fait mon charme...

"Putain, c'est la première fois que quelqu'un me dit ça !"

Ah ouais, on évite les grossièretés, ça ne se fait pas.

"J'peux pas faire de ménage dans ma vie. Je peux pas juste oublier mes anciens souvenirs... Et pour ce qui est des gens que j'aime, ils ont tous fini par partir malheureusement." On va s'arrêter là et ne pas lui avouer que ce n'est pas le temps ou la mort qui me les a pris, mais bel et bien leur décision à eux. Le fait est que je ne suis à ma place nulle part, ni sur terre, ni en enfer. Je rajoute avec un sourire taquin. "...Sauf toi, bien entendu."

Je me redresse pour permettre au serveur de nous apporter nos plats.

"Alors, raconte-moi. Quel client tu préférais, quelle chose tu n'aimais pas qu'on te demande, quelle a été la demande la plus inattendue... Et quelles questions devrais-je me poser ?"

- Quelqu'un de bien et profondément honnête ? Je t'en prie, ne m'insulte pas ! Si je te laisse en roue libre, tu vas aussi me trouver intelligent et doux au toucher...
- Tu es  doux au toucher ! réplique-t-elle, les yeux brillants d’amusement. Pour l’intelligence, je réserve encore mon jugement mais disons que je penche plutôt pour le oui. C’est ce que me dis mon instinct, en tout cas. Avec l’esprit un peu mal tourné parfois mais ça, je te conseille de le garder, c’est aussi ce qui fait tout ton charme.
- Putain, c'est la première fois que quelqu'un me dit ça !
- Personne ne saisit ton sens de l’humour à sa juste valeur alors ! Ou alors je suis un peu trop habituée à l’humour particulier de la caserne, c’est possible aussi,  badine-t-elle avec un sourire.
- J'peux pas faire de ménage dans ma vie. Je peux pas juste oublier mes anciens souvenirs...
- Hum… le ménage c’est pas l'oubli Baph ! Le but, c’est simplement de recentrer ta vie sur des choses et des gens qui te sont bénéfiques.
- Et pour ce qui est des gens que j'aime, ils ont tous fini par partir malheureusement.
Son visage se plisse de commisération.
- Je sais… on finit toujours seul au bout du compte. Enfin souvent. Je suppose que c’est encore pire quand on a ta longévité.
- Sauf toi, bien entendu.
La jeune femme a un petit rire et lève son verre de vin à ça.
- Pas moi. Je suis plus coriace que ça.  Elle pointe sa fourchette vers lui, pseudo-menaçante. On se débarrasse pas de moi comme ça. C’est simplement que ma date de péremption est proche,  déclare-t-elle en engouffrant une belle fourchette de viande, moelleuse à l’intérieur et croustillante à l’extérieur.
- Alors, raconte-moi. Quel client tu préférais, quelle chose tu n'aimais pas qu'on te demande, quelle a été la demande la plus inattendue... Et quelles questions devrais-je me poser ?

Lexi éclate de rire puis repose sa fourchette lentement et s’essuie la bouche.

- Wow… ça en fait un paquet de questions !

Elle se rencogne contre son siège et réfléchit.

- Honnêtement ? Je n’avais pas de client préféré parce que je n’ai jamais aimé faire ça. C’était… de l’argent facile. Mais tout était si… si faux. Moi j’aspire à de l’authentique. Mais aucun de mes clients n’a jamais cherché à savoir qui j’étais et je leur rendais bien. Tout ce qu’ils désiraient, c’était une jolie blonde pour leurs soirées. Alors c’est le rôle que je jouais. Ça va sans doute faire très cliché mais… je n’embrassais pas. C’est stupide quand on y pense non ? Je pouvais faire semblant d’aimer ce qu’on me faisait… de passer un bon moment… mais j’étais incapable d’embrasser mes clients. Pour ce qui est des demandes bizarres… ? Rien de très farfelu. J’ai eu un prince arabe une fois, de passage… il voulait absolument m’appeler maman pendant que je dansais pour lui… hyper glauque. Un homme voulait que je me costume en Père Noël. Pas en Mère Noël hein ! Non. Il voulait le papa Noël et qu’il lui apporte un jouet très spécial. Bref, tu vois le genre. Encore un homo refoulé ! Je l’ai fait parce qu’il m’a proposé une somme indécente. Et pour une fois, ça m’allait de ne pas avoir à être pénétrée et à simuler.  Elle grimace. On ne devrait peut-être pas parler de ça à table, si ? Et toi alors ? Ton travail te plait ? J’imagine que oui sinon tu en aurais déjà changé depuis longtemps… mais… ça ne te fatigue pas tous ses rapports sans rien de plus ? Oh oui c’est vrai… les questions que tu devrais te poser !  Elle sourit. Elles sont très simples. « Qu’est-ce qui me rend vraiment heureux ? », « Qui et quoi mérite de rester dans ma vie ? » et enfin « Les personnes que j’aime me le rende-t-elles ? »

Je ricane, moi, intelligent ? Elle n'a pas dû rencontrer beaucoup de monde pour affirmer cela, mais elle est gentille, alors ça compense. Par contre, l'esprit mal tourné, j'approuve totalement. La moindre de mes réflexions se fait dans le but d'avoir un... rapprochement intime... De moins en moins, certes, mais tout de même, c'est jamais bien loin.

"Je ferai ça alors. Je recentrerai ma vie sur les choses importantes."

Au moment où je dis cela, je la regarde droit dans les yeux, en faisant volontairement une pause presque théâtrale. S'il te plaît, jolie soldate, ils peuvent bien tous disparaître, mais j'ai réellement besoin de ton amitié.

"On va faire en sorte d'éloigner ta date de péremption. De toute façon, tu ne disparaîtras jamais totalement, pas pour moi."

Je redécouvre avec elle sa vie d'escort. Cela commence par une cruelle désillusion. Au moins, personne n'a tenté de lui faire croire quoi que ce soit. Cela arrive dans certaines agences, que les premiers clients donnés à des débutantes soient de jeunes premiers très timides et être un peu surpayées avant de les lâcher entre les pattes de gros vicelards à qui une jolie poupée gonflable irait mieux.

Trop bien l'histoire du prince arabe ! Et excellent l'histoire du père Noël aussi. Bon, rien qui ne sorte réellement de l'ordinaire, du moins pas pour moi.

"Alors, tu serais surprise à quel point les gens ont parfois juste envie de vivre un fantasme sans réellement refouler quoi que ce soit."

...D'autant que si qui que ce soit était un homo refoulé, je ne pense pas qu'il prendrait Lexi comme partenaire pour sa soirée, elle a un corps trop visiblement féminin.

"Oh, désolé si ça te choque..."

Mes questions me sont retournées et je garde le silence pendant un temps significativement beaucoup trop long. Ce n'est pas de la timidité ou de la honte, j'ai même un sacré sourire sur le visage.

"Oh... Lexi Baby Chérie Sexy..." Je me mords la lèvre. Est-ce que je suis réellement en phase de balancer comme ça la plus grosse arnaque de toute ma vie ? Ouais, sans doute. "Il y a deux choses à savoir sur moi : je suis hors de prix, les deux seules catégories de personnes qui peuvent m'avoir sont les riches indécents, et les personnes desquelles j'ai une information à obtenir. La seconde chose à savoir chez moi est que mes prouesses sexuelles ne sont pas, et n'ont jamais été à vendre, en aucun cas." Je laisse cette information planer un peu avant de dire, tout d'un coup. "Tu penses vraiment que quelqu'un apte à manipuler souvenirs et mémoire irait se faire chier ? Déjà que mon costume est une plaie à enfiler... Non, les clients arrivent, je les enferme dans la chambre avec moi, ils passent un excellent moment comme seuls certains rêves ultra-réalistes peuvent offrir, meilleur que la réalité ne le pourra jamais vu qu'ils n'ont pas le poids de la culpabilité, et aucun complexe à avoir envers eux-mêmes. D'ailleurs, ils ont l'impression d'y passer des heures alors que ça ne dure que quelques secondes. Après, je les laisse dormir et je leur fais croire, à chacun d'eux, que c'est une faveur que je leur fais, que je ne laisse jamais quiconque dormir dans ma chambre. Ils se réveillent sur un petit nuage, reposés, avec un sentiment de satisfaction ultime... Et ils repayent très cher pour cela. C'est une manipulation de l'esprit très délicate, et qui me demande beaucoup de créativité."

En tout cas, je ne lui ai pas répondu.

"Je pense que d'avoir de vrais rapports sexuels contre de l'argent m'aurait corrompu depuis le temps. Je détesterai l'idée de ne plus être chauffé par un regard ou une caresse. Comme toi avec le baiser, il t'est entièrement réservé à toi, et à la personne pour qui tu as des sentiments."

Bon, il est temps de me poser mes questions.

"Ce qui me rend vraiment heureux ? Le sexe, consenti, pleinement. Le fait de faire rire les autres. Faire chier l'autorité aussi. Et les chiens ! J'adore les chiens. Qui et quoi mérite de rester dans ma vie ? Tout et tout le monde. Je ne virerai aucune catégorie de personnes et je me fiche pas mal de connaître la personne depuis des siècles ou non. Pour être plus direct, je pense que tout le monde mérite d'être auprès de moi dès l'instant où ce mérite est rendu, tout simplement. Je t'ai dit que j'aimais les chiens ?"

La dernière question est douloureuse, presque physiquement. Je ne me suis jamais pris pour un grand prince démon démoniaque du royaume de l'enfer que tout le monde devrait craindre. J'ai eu cette phase, mais elle n'a pas duré plus d'un bon quart d'heure, et c'était il y a longtemps. Du coup, contrairement à mes pairs, je ne pense pas qu'avec la crainte vient le respect et l'amour.

"Non... Pas toutes en tout cas..."

Lexi a raison, je vais commencer par être sacrément plus sélectif avec les personnes à qui j'octroie mon temps.

"Et toi, qu'est-ce qui te rend heureuse et tout ça ?"

- Oh... Lexi Baby Chérie Sexy...

Cet ensemble de petit surnom la fait sourire.
Avec n’importe qui d’autre, elle l’aurait aussitôt remis à sa place mais Baphomet y met un accent particulier qui ne l’a dérange absolument pas. Ce qu’il lui révèle la laisse un instant sans voix, la bouche ouverte avant qu’elle n’éclate d’un rire franc et communicatif. Elle rit tellement qu’elle en pleure.

- Mince… je vais ruiner mon maquillage !! hoquète-t-elle entre deux éclats. C’est… carrément l’arnaque du siècle ! J’adore !!! J’aurais tellement voulu être capable de faire ça ! Elle repart dans un long rire. Excuse-moi… mais j’imagine juste tes clients… allongés sur le lit, croyant faire des trucs improbables avec toi… pendant que tu lis ou regarde une série tranquillement…
Elle attrape son verre et le sirote, recogné contre son siège.
- Mais attends… donc le coup de « c’est la première fois que j’amène quelqu’un dans mon lit » c’était des craques aussi ?
Elle ne lui en veut pas plus que cela. Chacun protège son intimité comme il le peut, elle le comprend parfaitement. Elle soupire lourdement alors qu’elle a mal aux abdominaux à force de rire.
- Donc si je paie pour tes services – non pas que je puisse, vu tes tarifs – j’aurais le droit à un trip royal ! C’est brillant.
- Je pense que d'avoir de vrais rapports sexuels contre de l'argent m'aurait corrompu depuis le temps.
- Je suis bien d’accord… approuve Lexi dont l’hilarité a laissé la place à un visage plus grave. J’avais l’impression de… me fâner, petit à petit… ou de me… salir, tu vois ?
- Je détesterai l'idée de ne plus être chauffé par un regard ou une caresse. Comme toi avec le baiser, il t'est entièrement réservé à toi, et à la personne pour qui tu as des sentiments.
- C’est ça. C’était… ma seule façon de me préserver un peu.

Lexi l’observe alors qu’il réfléchit. Il a vraiment quelque chose de charmant chez lui et elle devine que cette image de libertin, blagueur cache des failles sans doute à la hauteur de son grand âge. Or Lexi aime les failles, elles rendent les gens bien plus intéressants et attachants.

- Ce qui me rend vraiment heureux ? Le sexe, consenti, pleinement. Le fait de faire rire les autres. Faire chier l'autorité aussi. Et les chiens ! J'adore les chiens.
- Des choses très simples finalement ! Tant mieux, ça veut dire que tu peux le trouver plus facilement.
- Qui et quoi mérite de rester dans ma vie ? Tout et tout le monde.
- Carrément !
- Je ne virerai aucune catégorie de personnes et je me fiche pas mal de connaître la personne depuis des siècles ou non. Pour être plus direct, je pense que tout le monde mérite d'être auprès de moi dès l'instant où ce mérite est rendu, tout simplement. Je t'ai dit que j'aimais les chiens ?
- Ouiii. Et ça me fait dire que ça n’est pas une peluche de chèvre que j’aurais dû t’acheter mais un petit chiot adorable et infernal ! Bon et pour la dernière question alors !
- Non... Pas toutes en tout cas...
- Alors tu sais ce qui te reste à faire.
- Et toi, qu'est-ce qui te rend heureuse et tout ça ?

Lexi mâche lentement sa bouchée et passe une mèche de cheveux courte derrière son oreille.
- Je ne sais pas tellement… d’être aimée ? Sans doute. En vérité je ne sais même pas tellement ce que ça fait. Aider les autres ? Ca me donne fugacement l’impression de… servir à quelque chose. Petit sourire. J’aime les choses inattendues, assez marquantes pour que mon cerveau l’enregistre durablement. La cuisine italienne, évidemment ! Des moments simples passés entre gens de bonne compagnie… elle lève son verre en direction de Baphomet avec un regard entendu. Avant… danser. Mais… tout ce qui est arrivé quand j’étais ado a un peu terni cette passion. Pourtant j’adorais la sensation de me laisser porter par le rythme, de créer de l’art avec mon corps et mes mouvements, de discipliner mes gestes au millimètre près. J’avais vraiment l’impression d’habituer mon corps. Plus que dans n’importe quelle relation sexuelle que j’ai jamais eu ! Aujourd’hui, je danse encore mais… plus de la même façon.

Lexi pousse un soupir. Rarement elle ne s’est sentie aussi bien et détendue pendant un rendez-vous avec un homme… un démon… un homme diaboliquement charmant.
- Et puis, passer cette soirée avec toi. Ca me rend aussi heureuse.

Cela l’a fait marrer. C’est cool, j’suis très fier de moi, franchement. En fait, voir son maquillage couler pour des larmes de joies fait ma fierté.

"Héhé, Eh, merde…"

Et une tache de sauce, une ! Sur la serviette, fort heureusement.

"Alors en fait… La plupart du temps, je peaufiner mon souvenir. Tu sais, 5 minutes, c’est court" Je lui fais un petit clin d’œil.

"Quelq… AAAH, tu veux parler de toi ? Non, je ne ramène jamais de client dans ma chambre. Tu as vu où je dormais. Les autres dorment dans les chambres dédiées du donj. Tu es réellement la seule qui ait eu cet honneur pour de vrai."

Jamais je ne laisse personne de mon travail entrer dans ma tanière. D’une part parce que moi et le ménage, ça fait 5, et aussi parce que ce n’est pas un décor que je souhaite pour que qui que ce soit éprouve ses fantasmes contre de l’argent. Quand ce sera le choix de quelqu’un pour qui j’éprouverai de l’affection, on en reparlera.

"Oh non, pitié, pas de cela entre nous. Te le ferai gratuitement. Tu pourras même me dire avec qui tu veux imaginer l’avoir fait, et où."

Mais je me dis que ce n’est pas ce genre de femme qui se complait à se convaincre. Elle préfère sans doute vivre que prendre un souvenir, cependant, elle peut tenter l’expérience. J’en profiterai pour sonder l’état de son cerveau. Nous nous comprenons à mi-mot. Nous avons voulu vendre notre intimité contre de l’argent ou des infos, et avec cela, une partie de nous-même

"Pas question que tu me retire MA chèvre."

En tout cas, elle est sur ma table de chevet et il est hors de question que je la rende.

Bon, être aimée, faire des choses qui sortent de l’ordinaire, danser, manger italien…

Je la trouve incroyablement touchante en cet instant. Elle souhaite des choses simple qu’aucun démon ne pourra jamais lui apporter en échange de son âme… A moins de créer lui-même le problème… Ou d’être moi, maintenant que j’y pense, et cette idée est plus satisfaisante qu’aucune autre.

"Je te souhaite de trouver tout cela, et d’en avoir conscience, le jour où ça t’arrive. Mais je te fais confiance pour ne pas passer à côté." je reviens sur un truc cependant "Attends… la danse… plus satisfaisante que le sexe ? Soit tu n'as pas eu les bons partenaires… soit il faut que je me mette à la danse et VITE !"

J'éclate de rire à nouveau. Comment Lexi peut-elle ne pas voir à quel point elle est aimée ? À moins que nous ne parlions d'une forme différente de relation.

"T'as déjà eu un chien ?"

- Oh non, pitié, pas de cela entre nous. Te le ferai gratuitement. Tu pourras même me dire avec qui tu veux imaginer l’avoir fait, et où.
Lexi glousse en buvant une gorgée de Lambrusco qui pétille agréablement contre ses papilles.  
- C’est très… généreux de ta part, mais je préfère largement les expériences réelles et bien concrètes. Elle réfléchit un instant, l’air songeur. Tu crois qu’implanter un souvenir dans la tête de quelqu’un donne la même sensation que de vivre le réel ? Tu peux réellement faire croire à ton cerveau que ta peau a été caressée ? Que tes lèvres ont été embrassées ? Elle revient à lui avec un petit sourire désolé. Pardon, je divague, évidemment que tu le peux. Sinon tu n’aurais pas autant de clients.

La conversation dévie plaisamment, sans qu’elle n’éprouve cette désagréable sensation de devoir combler des trous ou des silences gênants. Même leurs silences à quelque chose d’apaisant et de complice.
Lexi se sent en tout cas assez à l’aise pour se confier à lui. Pour lui dire des choses qu’elle n’a partagé à personne ou presque.

- Je te souhaite de trouver tout cela, et d’en avoir conscience, le jour où ça t’arrive. Mais je te fais confiance pour ne pas passer à côté.
- Tu veux parier là-dessus ? fait-elle avec un petit rire ironique. J’ai rarement su ce qui était bon pour moi au court de ma vie. J’espère avec appris de mes erreurs…
- Attends… la danse… plus satisfaisante que le sexe ?
Lexi éclate de rire et se rencogne contre son siège, l’air mystérieux.
- Parfaitement… mais ça n’est que mon avis.
- Soit tu n'as pas eu les bons partenaires…
- C’est une possibilité à ne pas exclure.
- Soit il faut que je me mette à la danse et VITE !
- Ca dépend pour qui j’imagine. Mais… entre le regard du public, l’adrénaline et la sensation d’être en osmose totale avec ton corps… Il y a presque quelque chose de… magique là-dedans. Quand tu danses avec quelqu’un c’est encore à un autre niveau. Et les applaudissements peuvent facilement se transformer en orgasme du siècle. Mais peut-être que tu as raison et que mon niveau de comparaison est… médiocre.

- T'as déjà eu un chien ?
Passant du coq à l’âne, Baphomet la prend totalement de cours et elle rit à nouveau. Elle prie pour ne jamais rien oublié de ces moments-là. Et pour être totalement franche, elle adorerait qu’il y en ai d’autres. C’est profondément agréable de sortir de l’ambiance de la caserne, des patrouilles et de tout le reste et de passer du bon temps en bonne compagnie.
- Non ! Jamais de chien. Ça demande beaucoup d’attention et … disons qu’à la maison, il n’y avait pas la place pour autre chose que la danse. Mon père m’a offert un chat quand j'ai eu douze ans. Je l’ai appelé Solor. Mais ma mère était furieuse et je crois qu’elle a fait exprès de laisser la porte ouverte pour que le chaton s’enfuit. J’étais dévastée… Elle fait pensivement tourner son vin dans son verre. Globalement, je pense que je suis beaucoup trop émotive pour avoir des animaux de compagnie. Et toi alors ? D’où vient cette passion pour les chiens ?

Pfff, elle dit non. Personne ne veut essayer d'avoir un souvenir artificiel venant de mon esprit, personne ! Et à ce stade de ma phase de pensée, je comprends effectivement, et ce, de manière très aiguë, pourquoi. Héhéhéhé...

Je lève un index à sa question, parce qu'elle est intéressante et la réponse est plus complexe qu'il n'y paraît.

"Alors... Oui et non. En fait, un souvenir peut être un souvenir de n'importe quoi. Je peux y appliquer une émotion particulière, le désir, l'excitation, le plaisir et l'extase dans le cas qui nous concerne et... ouais, la personne est réellement persuadée que tout ce qui lui est arrivé lui est effectivement arrivé. Par contre, cela veut aussi dire que la personne n'a ressenti absolument rien de négatif, pas de peur que ça se passe mal, pas de sentiment de complexe vis-à-vis de son corps, ou de dégoût. Je ne dis pas qu'il est plaisant de ressentir tout cela, mais le souvenir qu'ils ont, ce n'est pas concrètement moi. Moi, je peux être maladroit, je peux... je sais pas... avoir une odeur de bouc... Le souvenir n'en portera pas la trace. Tu comprends ? C'est que de la perfection. Du coup, c'est bien, mais comme tu l'as dit, ce n'est pas réel."

C'est aussi pour cela que les clients et clientes reviennent, parce que personne ne parvient à retrouver cet abandon total. Bref, voilà, on peut passer à autre chose.

"Pari accepté !"

Elle me parle de la danse avec passion et mon sourire se dessine d'autant plus, un sourire fasciné, et plein d'envie. Bordel, qu'est ce que j'aimerais connaître ça avec quelqu'un !

"Merde, suis désolé pour Solor."

Idée cadeau : un chaton !

"En vrai, j'en sais rien du tout. Je pense que c'est cette espèce de confiance sans borne qu'ils t'apportent. Non, en vrai, c'est juste qu'ils te regardent d'une espèce de manière et que tu te dis qu'à travers leurs yeux, t'es la meilleure personne du monde. Le mieux serait sans doute d'être la personne que son chien croit qu'on est. Quel que soit le chien, il te pousse toujours à agir pour le mieux. Enfin, c'est que mon avis. J'ai eu un chien des enfers... mais il n'est pas resté à mon service. Cela me rend nostalgique, parfois."

Et... la première tache de la soirée arrive juste sur ma serviette. Une belle trace rouge sur du blanc.

"Argnh ! Je suis touché !!! Noooon ! Dis à ma maman que je l'ai jamais connue !"

Bref...

"Et du coup, t'es passé de la danse à l'armée ? T'as pas eu trop de souci au niveau de ta réputation ? C'est toujours un peu délicat de se faire respecter, non ?"

L’explication de Baphomet est très claire et Lexi sourit.
- Je vois ! Une sorte d’imagerie policée à la Hollywood. Elle réfléchit un instant. Je comprends que ça soit addictif. Ca va avec nos sociétés qui recherchent la perfection à tout prix. Où tout est beau et lise… Je préfère la sueur et les imperfections personnellement. Du… palpable !

Ne dit-on pas que le corps à une mémoire après tout ? Le grain d’une peau, le poids d’un corps, la chaleur d’un souffle… Il lui semble étrange qu’il soit possible de « construire » tout cela sur du vent.  

La conversation coule naturellement et le sujet de la danse revient alors qu’elle finit son plat puis étrangement… des animaux de compagnie.

C'est aussi pour cela que les clients et clientes reviennent, parce que personne ne parvient à retrouver cet abandon total. Bref, voilà, on peut passer à autre chose.

- Merde, suis désolé pour Solor.
Lexi hausse les épaules.
- Je veux croire qu’il a été adopté par une famille capable de l’aimer ce brave petit chaton. Bon et toi alors ?
- En vrai, j'en sais rien du tout. Je pense que c'est cette espèce de confiance sans borne qu'ils t'apportent. Non, en vrai, c'est juste qu'ils te regardent d'une espèce de manière et que tu te dis qu'à travers leurs yeux, t'es la meilleure personne du monde.
- Certainement parce-que leur monde est plus simple que le nôtre.
- Le mieux serait sans doute d'être la personne que son chien croit qu'on est. Quel que soit le chien, il te pousse toujours à agir pour le mieux.
- Tu n’as clairement pas lu Cujo !
- Enfin, c'est que mon avis. J'ai eu un chien des enfers... mais il n'est pas resté à mon service. Cela me rend nostalgique, parfois.
- Un chien des enfers ? La curiosité de Lexi est définitivement piquée et elle se penche vers lui. A quoi ça ressemble ? Son visage se plisse de compassion et elle pose sa main sur la sienne. Oh… je suis désolée…
Elle pince soudain les lèvres pour ne pas rire en voyant la belle tâche de sauce sur sa serviette.
- Argnh ! Je suis touché !!! Noooon ! Dis à ma maman que je l'ai jamais connue !
- Promis ! fait-elle sur un ton tout aussi dramatique en serrant sa main. Ne vas pas vers la lumière !! Elle glousse avant de se rencogner contre son siège. Bien joué, la serviette… je vois que tu te connais bien !
- Et du coup, t'es passé de la danse à l'armée ?
- Plus ou moins oui !
- T'as pas eu trop de souci au niveau de ta réputation ? C'est toujours un peu délicat de se faire respecter, non ?
Lexi éclate de rire.
- Délicat, c’est le mot juste. Personne ne savait ce que je faisais avant, heureusement. Sinon tu penses bien que j’aurais eu le droit à tout un tas de gentils surnoms. L’adaptation a été… difficile, je ne vais pas te mentir. Mais j’étais déjà bien armé pour supporter l’entrainement, la discipline et la souffrance du corps. Le ballet, c’est exigeant à tous les niveaux. Et si je devais choisir qui était le plus horrible entre mon instructeur à l’armée et ma prof russe de classique, je dirais sans hésiter ma prof ! Elle prend un air sévère et un accent russe à couper au couteau. « снова, Hailey ! ». Elle se fichait pas mal que j’avais les pieds en sang… quelle saleté ! Bref… aujourd’hui, je suis dans une chouette unité, des gars bien pour la plupart. Mais toi alors… qu’est-ce que tu as fait pendant toutes ses années ? Comment on occupe son temps ? Tu n’as jamais eu… de compagne ou de compagnon ? Pas d’enfants ? Elle fronce les sourcils. Un démon peut avoir des enfants au moins ?

La sueur et les imperfections...
NON ! On se calme ! ON SE CAAALMEUH !

Je pense très fort à un cupcake raté, tout ira bien. On respire. On... Oui bah je suis en manque et elle est sexy et elle veut du concret, j'y peux rien !

Cujo ? Le chien taré qui finit par attaquer ses humains ?

"Si, mais ce n'est qu'une fiction, ou il avait d'excellentes raisons."

Bon, le chien des enfers... J'aurais aimé le prendre en photo, tiens, pour lui dire "wala, c'est lui !", mais je n'ai pas encore le réflexe, et je ne souhaite pas réellement l'avoir.

"Y en a de toutes sortes, comme les chiens normaux. Ils sont juste plus grands, parfois beaucoup plus grands. Ils ont des pouvoirs aussi, maîtrisent le feu en général. Il ne vaut mieux pas s'en mettre un à dos parce qu'ils peuvent tout cramer en quelques secondes. Ça bouffe... beaucoup... Le mien était un... Je ne connais pas les noms des races... Un cane corso ? Il était orange et tigré. Enfin, il l'est toujours, je suppose. Il avait une forme humaine plutôt séduisante, d'ailleurs. Les chiens de l'enfer peuvent avoir été, de leur vivant, des chiens, ou des hommes. Celui-là avait été un chien de combat assez maltraité et obtenir sa confiance était réellement très compliqué."

Bon, fort heureusement, je ne me tache pas plus que cela. Un jour, il faudrait réellement que je me débarrasse de cette malédiction, quand même.

J'écoute très attentivement ce que Lexi me dit à propos de son adaptation. Elle a triché, d'une certaine manière, à ne pas parler d'où elle vient. Au moins, elle avait un sens très aigu de la discipline. Ouh là, excellente question. Je me débarrasse de ma serviette une fois mon assiette finie et ma chemise sauve.

Sincèrement, je n'ai pas envie de lui jouer de la flûte sur ma réponse, déjà parce que je n'ai pas de flûte, et parce que je ne cherche pas spécialement à l'impressionner.

"Je suis au regret de t'annoncer que j'ai passé ma vie à me casser le nez. J'ai un frère duquel j'étais... je suis... très jaloux. Il a toujours eu toutes les attentions de notre maître, et même une place de choix dans notre hiérarchie, égal à notre maître, d'ailleurs. Pour ma part, je suis trop subversif et je voulais absolument tout changer, du coup, je n'étais pas le candidat idéal comme tu peux aisément le comprendre. Il y a quelques décennies, j'ai décidé de prendre un peu de recul par rapport à tout cela, me rapprocher des vivants, des hommes, des femmes, de toutes les créatures possibles et imaginables. J'en ai eu ma claque d'attendre."

Oh bordel, j'ai passé mon existence à attendre ! Quand je n'agissais pas simplement dans le vide !

"Du coup, je n'ai pas l'impression d'être si vieux que ça, j'ai juste eu l'impression que ma vie était d'un ennui sans nom. Mes expériences passées, traitées à la manière de souvenirs, me font l'effet de films, rien de plus."

Je pense qu'elle s'attendait à une autre réponse, mais peu importe.

"Oui, on peut avoir des enfants, mais c'est très compliqué, et pour ma part, je n'y tiens pas plus que cela. Un enfant de démon est, pour le moment, condamné à suivre les traces de son père... Je t'assure que personne ne veut marcher dans mes propres pas. J'ai un neveu, par contre, mon frère a réussi à se reproduire, mais il n'a jamais spécialement assumé son enfant."

Bizarrement, ce n'est pas une conversation si désagréable que cela ! Je fais un signe au serveur pour qu'il nous resserve allégrement en boisson.

"Ma vie, depuis que j'ai ouvert le Bouc et Mystère, est bien plus intéressante. C'est impressionnant comme les fantasmes des hommes, et encore plus ceux des femmes, sont un sujet tabou alors qu'on devrait être totalement libre d'en parler. Tu sais que la plupart de mes nouveaux clients viennent par curiosité et n'ont eux-mêmes aucune idée qu'ils sont attirés à ce point à l'image d'un professeur de piano, ou à faire l'amour dans un environnement bien particulier... Même les femmes qui me disent ne jamais avoir connu l'orgasme en ressortent plus que satisfaites. Disons que je sais très exactement de quoi ça a l'air, de l'extérieur, d'être un repère à pervers et dégueulasseries en tout genre, mais je n'ai jamais regretté ce que je faisais avant."

Parfois, j'en oublie même que c'est un centre d'information pour le Malsheem.

"Dis-moi, tu te vois comment, dans 10, 5, ou 2 ans ? En admettant que ta maladie n'évolue pas, et je veillerai à ce qu'elle n'évolue pas, du moins la partie mémoire."

Ce que Lexi apprend sur ces fameux chiens des enfers la laisse aussi étonnée qu’un poil envieuse.
- Et on les commande où exactement ? C’est au Pandémonium qu’ils sont… « fabriqué » du coup ?
Elle se demande comment les âmes des chiens ou des hommes sont choisis pour devenir des Hellhounds ? Les plus courageux ? Les plus fidèles.
C’est tout un autre monde qui s’ouvre à elle depuis qu’elle côtoie Baphomet et c’est… un rien vertigineux.

Baphomet égraine des confiances et, le regard fixé sur lui, le menton en appui contre sa paume, elle l’écoute avec attention. Elle fait encore mieux qu’« Entretien avec un vampire ».

Sincèrement, je n'ai pas envie de lui jouer de la flûte sur ma réponse, déjà parce que je n'ai pas de flûte, et parce que je ne cherche pas spécialement à l'impressionner.
-… Il y a quelques décennies, j'ai décidé de prendre un peu de recul par rapport à tout cela, me rapprocher des vivants, des hommes, des femmes, de toutes les créatures possibles et imaginables. J'en ai eu ma claque d'attendre.
La jeune femme fronce les sourcils.
- Attendre quoi ?
- Du coup, je n'ai pas l'impression d'être si vieux que ça, j'ai juste eu l'impression que ma vie était d'un ennui sans nom. Mes expériences passées, traitées à la manière de souvenirs, me font l'effet de films, rien de plus.
- C’est… plutôt triste non ? Mais ça a le mérite d’être très honnête. Et c’est plaisant de savoir qu’il n’essaie pas d’enjoliver le tableau ou de l’embobiner. Je comprends que sans avoir quelque chose qui nous fait un peu vibrer, la vie peut être… morne. Très morne.
Et sa curiosité aborde d’autres sujet. Elle pousse son verre vers le serveur pour être resservie à son tour.  
- Ahhhh donc toi, tu es le tonton cool ! Je te vois super bien dans le rôle.
Il poursuit sur le son établissement et Lexi peut sentir à quel point il est y attaché, voire fier.
- C’est presque beau la façon dont tu en parles. L’humanité a de la chance que tu ne sois pas le genre de démon pervers et dégueulasse du coup. Je n’imagine même pas ce que quelqu’un à l’esprit moins… altruiste on va dire, pourrait causer comme dégâts avec ce genre de pouvoirs.

Pour un peu, elle serait presque tentée de découvrir l’étendue du savoir-faire de Baphomet. Juste une fois… par simple curiosité. Lexi a soudain l’air songeur et son index trace distraitement le bord de son verre.

- Dis-moi, tu te vois comment, dans 10, 5, ou 2 ans ? En admettant que ta maladie n'évolue pas, et je veillerai à ce qu'elle n'évolue pas, du moins la partie mémoire.
Lexi se raidit un peu et boit une gorgée de vin.
- C’est… une excellente question ! Elle se rencogne contre son siège. Ca fait presque dix ans que j’ai arrêté de … me projeter. Mon futur s’arrête à demain. Ma maladie évoluera. Que je le veuille ou non. Physiquement en tout cas. Tant que je le pourrais, je travaillerai… j’irai là où on me dira d’aller… Je n’arrive pas vraiment… à voir au-delà de mon travail. Comme je te l’ai dit, sur le plan personnel c’est… plutôt très calme. Et ça me va ! s’empresse-t-elle d’ajouter pour éviter de tourner dans le pathos. Elle lève les yeux vers les guirlandes et la verdure. Dans dix ans ? Je serai réformée sans doute. Peut-être que je viendrais travailler au Bouc et Mystères ? ajoute-t-elle pour alléger l’ambiance. Tu m’embaucheras quand même si je suis plus bonne à grand-chose ? Tu feras quoi toi à ce moment-là ?

"On fait comme tout le monde ! On attend Noël et on écrit une lettre en remplaçant "Santa" par "Satan" et le tour est joué."

Bon, d'accord, la vérité est un poil plus complexe.

"Il y a deux solutions. Soit tu le paies, soit tu le dresses. Moi, j'ai choisi la troisième solution en l'apprivoisant."

On en arrive à mon passé. Parler avec Lexi de tout cela est assez facile, étrangement. Je devrais lui écrire, je pense. "Lexi ? Y a Asmodée qui me siffle, tu penses que je le fais patienter ou je réponds pour lui dire ses quatre vérités ? OK !" Lexi, ma conseillère officielle en affaire démoniaque !

"Attendre mon heure. J'ai... beaucoup de projets pour les enfers, énormément. Déjà, les tortures sur les chiens, ce sera fini. Seulement, je ne suis pas un démon très... enfin... Je suis le pire des démons possible pour faire valoir ce que je veux. Je ne suis ni autoritaire, ni perfide. Un vrai rebelle dans ma branche. On m'a conseillé d'œuvrer dans l'ombre, et quand j'étais bien effacé tout comme il faut, on m'y a laissé..."

... Et d'autres ont pris une place qui me revenait de droit.

Cette idée me rend mélancolique, pas triste, ni en colère. Qu'est-ce que je vous disais ? Lexi va vraiment devenir ma conseillère particulière ! Cependant, je ne peux pas m'empêcher de grimacer.

"Un démon pas pervers ?" Je m'avance et pose mon menton sur le dos de ma main pour être au plus proche de Lexi "Pourtant, j'ai un million d'idées perverses qui me traversent quand tu es avec moi."

... un million au bas mot
... a la seconde !

Mon regard passe de ses yeux à sa bouche. OK ! ON SE CALME ! On retourne à ses yeux.

"C'est pour ça que je t'ai conseillé de rester loin des démons en tout genre. Ils ont toujours un truc pas net, tous, sans exceptions."

Et moi, me demandez-vous ? Je suis le pire pervers que la terre ait porté !

Je me demande comment l'aider contre sa maladie. Tous ces pouvoirs, et je ne peux que lui rendre la mémoire... De toute manière, étant un peu à la ramasse question ambition, je vais me pencher sur la question. Je risque de prendre plusieurs années avant de trouver un remède fiable, mais je le ferai.

On dirait moi quand elle prétend que ça lui va d'être "au calme" sur un plan plus personnel.

"J'aurais toujours une place pour toi." Je... l'ai dit avec une voix à peine trop grave ! Je me redresse, comme pris sur le vif. "Enfin, professionnellement, bien entendu. Il y a beaucoup de travail. Et pas du travail qui va amener à te sentir rabaissée d'une quelconque manière."

Je toussote.

"Excellente question. Comme toi, je vis au jour le jour. J'espère que j'aurais pris un peu de crédibilité auprès de mes pairs, mais ce n'est pas demain la veille. Sincèrement, je ne sais pas. Je me sens déchiré entre ce monde et l'autre, entre mes obligations que je n'arrive plus à suivre, et mes envies que je n'écoute pas assez."

Bon

"Comme ton futur s'arrête à demain, je te propose de commander un digestif, un dessert, un second digestif, et d'écouter avec attention toutes les suggestions que tu auras pour cette nuit."

- Un démon pas pervers ? Pourtant, j'ai un million d'idées perverses qui me traversent quand tu es avec moi.
Lexi ouvre la bouche pour répliquer, capte son regard et ne trouvant rien à répondre se contente de rire en rougissant comme une adolescente.
- Oh je… hum… je vois, finit-elle par balbutier. Elle le dévisage un long moment, buvant une gorgée de vin. Il serait mentir que Baphomet ne dégage pas quelque chose de… charnel. Après tu vas me dire que Lexi rime avec sexy ? plaisante-t-elle. Parce qu’elle a vite compris qu’il était dans les habitudes du démon d’être très… nature peinture avec tout le monde.
- C'est pour ça que je t'ai conseillé de rester loin des démons en tout genre. Ils ont toujours un truc pas net, tous, sans exceptions.
- Comme les humains finalement, non ?

Parler du futur lui semble étrange, comme si elle parlait de quelqu’un d’autre. Peut-être qu’inconsciemment elle sépare sa vie aujourd’hui « en pleine santé » de celle qu’elle aura ensuite… C’est déjà un miracle qu’elle ne songe plus à se supprimer dès l’apparition des premiers symptômes. Un premier pas.

- J'aurais toujours une place pour toi.
Lexi lui sourit chaleureusement et pose sa main contre la sienne.
- Merci Baphomet. J’espère ne pas oublier cette adorable proposition.
- Enfin, professionnellement, bien entendu. Il y a beaucoup de travail. Et pas du travail qui va amener à te sentir rabaissée d'une quelconque manière.
Elle a un soupçon de déception. Peut-être qu’elle aurait aimé pouvoir compter sur lui… tout court.
- C’est une perspective rassurante de savoir que si les choses empiraient pour moi, j’aurais toujours un refuge quelque part. Tu feras quoi toi à ce moment-là ?
- Excellente question. Comme toi, je vis au jour le jour. J'espère que j'aurais pris un peu de crédibilité auprès de mes pairs, mais ce n'est pas demain la veille. Sincèrement, je ne sais pas. Je me sens déchiré entre ce monde et l'autre, entre mes obligations que je n'arrive plus à suivre, et mes envies que je n'écoute pas assez.
- Hummm… je ne sais pas exactement de quoi tu parles mais si tu veux mon avis, toujours suivre ses envies. Sinon tu vas te retrouver avec une montagne de regrets.
- Comme ton futur s'arrête à demain, je te propose de commander un digestif, un dessert, un second digestif, et d'écouter avec attention toutes les suggestions que tu auras pour cette nuit.

Lexi lui offre un sourire malin et lève la main pour attirer l’attention du serveur. Ils commandent effectivement « quelques » verres de digestif et Lexi rit bien plus encore. Elle est à présent parfaitement détendue, penchée vers lui et sur la table et savoure son tiramisu. Le dernier d’ailleurs, que Baphomet lui a gentiment laissé. Elle en prend une grosse cuillerée et la tend vers la bouche du démon.

- J’estime que tu as parfaitement le droit de goût cette petite merveille… J’ai envie de danser un peu, mais je suis pas certaine de tenir parfaitement debout ! Peut-être qu'une balade dans le parc me fera du bien ? Tu veux faire quoi toi ?

Elle est adorablement craquante quand elle rougit ! J'aimerais bien la faire rougir toute la nuit !

"Lexi rime avec sexy ! J'y peux rien ! Mais il rime avec beaucoup d'autres choses ! Épilepsie, merci, éclaircie... GALAXIE !"

D'accord, elle a retourné mes propres armes contre moi. Elle m'a troublé, OK ! J'me rends ! Non, bien entendu, je suis là pour elle en toutes circonstances, j'espère qu'elle le sait, naturellement. J'espère ? C'est de la tristesse dans son regard ? Si j'insiste et que je me trompe, je vais vraiment être lourd.

Cocotte, si je suis mes envies, je t'enlève, là, tout de suite, je te mets dans le coffre de ta propre voiture pour t'emmener dans un endroit secret où personne ne t'entendra crier.

"J'en ai déjà deux ou trois."

Elle fait EXPRÈS d'être adorable pour me soutirer la dernière part de tiramisu. Il y a longtemps que je n'avais bu avec personne, la dernière fois, c'était avec Ygerne, et c'était en des circonstances à peine moins drôles. Bon, pas qu'il y ait de quoi se réjouir, mais... si, y a carrément de quoi se réjouir. Il faut juste que dès demain matin, Lexi soit convaincue que sa mémoire est tout à fait sous contrôle.

J'ouvre la bouche pour avoir une petite bouchée de MON tiramisu... Et je souri comme un enfant quand je l'ai enfin en bouche.

"Merfi ! T'es cro sympa !"

Pas de danse ? Non, pas tout de suite. Cela va faire étrange si elle ne sait encore qu'à peine marcher. Par contre, le parc avec la tombée de la nuit, seul pour nous deux, avec le couvre-feu ? Ouais ! Avec grand plaisir !

"Serveur ? Une nouvelle bouteille à emporter, et l'addition, siouplé !"

Quand j'ai baissé la main, je lui offre un sourire un peu trop détendu pour son propre bien.

"Ne me demande pas ce que je veux faire, tu vas encore rougir et te rendre encore plus irrésistible à mes yeux. Je commence d'ailleurs à apprécier ce petit jeu."

Et l'alcool se met à parler à ma place.

"Et je veux un chien. Viens, on va en piquer un dans une fourrière !"

- Serveur ? Une nouvelle bouteille à emporter, et l'addition, siouplé !
- On est des gens modernes, on fait moit-moit !

Alors qu’elle fouille petit sac à la recherche de son portefeuille – pourquoi, et peu importe la taille, on perd toujours tout dans son sac à main ? Est-ce qu’il y a une sorte de trou noir au fond qui avale les affaires ? – elle fronce comiquement les sourcils en voyant l’air de Baphomet.
- Je dois m’inquiéter de ce sourire ?
- Ne me demande pas ce que je veux faire, tu vas encore rougir et te rendre encore plus irrésistible à mes yeux.
- Rho ça va ! Comme si je rougissais tout le temps ! s’indigne-t-elle alors qu’elle est pourtant rouge tomate. L’alcool aidant, elle a quelques images très précises qui lui traversent l’esprit. Elle s’évente et note au passage qu’elle le fait avec… son porte-monnaie, qu’elle avait en main depuis le début donc.
- Il fait chaud ou c’est moi ? Elle finit son verre cul sec.  
- Je commence d'ailleurs à apprécier ce petit jeu.
L’expression de Lexi reflète autant d’agacement que d’amusement alors qu’ils paient leur repas.
- C’est un jeu de m’embarrasser ? C’est pas très gentleman ça, monsieur Baphomet ! On t’appelle Baph ?
- Et je veux un chien. Viens, on va en piquer un dans une fourrière !

Les yeux de Lexi s’agrandissent de surprise. En tant normal, elle se serait simplement dit que la prochaine fois qu’elle voudra lui faire un cadeau, elle saura quoi lui apporter. Maiiiis ce soir, les choses sont un peu différentes.
Et l’envie de lui faire plaisir, là, tout de suite, prime sur son côté raisonnable qui trouve apparemment tout à fait logique d’aller se servir dans une fourrière à…. Vingt-trois heures !
Si le sourire de Baphomet faisant peur, l’air déterminé de Lexi pourrait largement le concurrencer. Elle se lève relativement dignement, rabaisse un peu sa robe qui était remontée un peu trop haut sur ses cuisses à son goût et attrape la main de Baphomet.

- On va te trouver ton chien !

Devant la voiture, elle hésite un peu mais finalement, elle prend le volant, se sentant assez vaillante pour conduire.
La fourrière se trouve légèrement à l’écart de la ville dans Aiselborrought, donc heureusement pas très loin de leur restaurant. Lexi conduit sans beaucoup plus de prudence. Après tout, ils sont en mission. La fourrière se reconnait facilement parce qu’elle résonne toujours d’aboiements divers et variés. Elle est entourée d’un terrain vague et plein de vieilles bagnoles qui pourrissent. Bref, en un mot, assez peu accueillante. Lexi se gare assez loin et évalue le terrain. La propriété est entourée de hauts murets, partiellement fissurés et même parfois à moitié écroulés.
Il ne vient jamais à l’esprit de Lexi qu’elle n’est pas du tout habillé pour la circonstance. Ca n’est pas ce genre de considérations qui vont l’arrêter.
Elle veut faire plaisir à Baphomet.  

- On va faire le tour… je crois que le mur est franchissable à un endroit. On n’utilise pas tes ailes ! Ca serait de la triche ! affirme-t-elle avec une moue boudeuse et aviné. Dernière gorgée de courage avant d’y aller.

Elle prend la bouteille de la main du démon et en boit une longue gorgée, s’essuyant la bouche sans façon avec le dos de la main.
Arrivés devant la partie un peu écroulée du mur, Lexi retire ses talons haut. Ses pieds nus se font aussitôt mouillé par l’humidité froide de l’herbe.
- Tu me fais la courte-échelle ? demande-t-elle avec un sourire de friponne.

On fait moit-moit ? D'accooooord. On fait ça ! Je sors ma carte de crédit et fais un signe au serveur que je paye tout.

"On est moderne que dalle !"

De toute façon, elle ne semble pas trop comprendre comment fonctionne un sac à main de femme. Si j'étais plus suspicieux, je pourrais penser qu'elle l'a volé à quelqu'un.

"C'est toi qu'es chaude." T'embrasser ? Non, t'embarrasser. Au temps pour moi ! "J'adore t'embarrasser, peu importe si ça ne fait pas gentleman... Et ouais, on m'appelle Baph', parfois Baphy. J'aime bien avoir des surnoms, cela me donne un sentiment d'appartenance, mais j'aime Baphomet parce que c'est moi qui l'ai choisi. C'est un mic mac entre un acronyme de plusieurs lettres et "Prophète" dans une langue ancienne. Avant même que je n'ai décidé de l'adopter, il était passé dans l'inconscient collectif et la littérature. J'ai pas eu le cœur à le remettre en question."

Je souris, un peu comme une mère fière du parcours de son enfant qui lui a totalement échappé.

Hein ?

Que...Quoi ?

Sans crier gare, son regard devient plus déterminé, comme si elle voulait avaler le monde entier. Elle me prend par la main et me dit la phrase la plus inattendue possible. Sincèrement, je n'y croyais pas DU TOUT. Elle est sûre qu'elle peut conduire ? Non parce que moi, je suis dans un état... Je regarde la bouteille et éclatte de rire.

"C'était une jeune fille simple et bonne
Qui demandait rien à personne
Un soir dans l'métro y avait presse
Un jeune homme osa je l'confesse
Lui passer la main sur les... ch'veux
Comme elle était gentille elle s'approcha un peu..."

OH PUTAIN ELLE VA VRAIMENT A LA FOURRIÈRE !

Faire le tour. OK ! Le tour de quoi ? Le tour de la question ? On n'utilise pas mes ailes. Excellente idée ! Il faut que je les sorte, comme ça je pourrais les re-rentrer plus facilement.

Héééé ! Mabouteille ! J'en prends aussi un peu et pose la bouteille à terre, juste à côté de la roue avant de la voiture. Je la regarde enlever ses chaussures, éééévidemment en ayant un sourire en coin, et même un petit ricanement.

"Avec plaisir, milady !"

Ah oui, elle pose ses mains sur mes épaules. Ah oui, elle a plus de masse musculaire que je ne le pensais. Ah oui, elle a une culotte noire.

"Tu m'aurais demandé, j'aurais pu faire ça..."

Pouf, téléportation à l'intérieur et...

"OH ON PREND CELUI-LA ?"

Je cours vers un énorme chien placide avec deux cornes et la capacité incroyable de mettre sa langue dans sa narine. Il a un chouette piercing au nez en plus.

"Dis oui, dis oui, dis oui !!! Je l'appellerai... Théodore !"

- Avec plaisir, milady !
Lexi glousse bruyamment. Puis se rappelle qu’ils ne sont pas sensés être là et fait des « chuuuuuut » peu discrets également, l’index sur la bouche comme une gamine
Elle s’empresse de grimper, avec un semblant d’élégance malgré tout.
- En profite pas pour mater hein ! lance-t-elle en chuchotant.  
Son corps en autopilote réussit par miracle à atterrir de l’autre côté du muret. Foutue robe ! Elle fait redescendre le tissu sur ses cuisses.

- Tu m'aurais demandé, j'aurais pu faire ça...
Lexi pousse un petit cri en voyant soudain le démon se matérialiser non loin d’elle. Elle pose sa main contre son cœur.
- Mais ça va pas ? J’ai eu la trouille de ma vie !
- OH ON PREND CELUI-LA ?
Stupéfaite, Lexi le voit s’éloigner vers… une vache.
- Baph ? Baphomettttt, chuchote-t-elle avant de lui suivre.
Le pauvre bovin les contemple avec une placidité exemplaire considérant qu’il a sans doute peu l’habitude d’être l’objet de tant de convoitise.
- Dis oui, dis oui, dis oui !!! Je l'appellerai... Théodore !
Elle attrape son visage entre ses mains et se met à rire incontrôlablement.
- Baph…. Baphomet, regarde-moi chéri… c’est pas un chien ! C’est… une vache ! Elle a des cornes et fait « meuuuuh ». Elle s’étrangle presque de rire. Tu remets la chose là ? Elle rentrera jamais dans ton appart.

Elle lui prend la main et agite l’autre en direction du bovin toujours en train de mâchouiller son herbe.
- Au revoir madame la vache, désolée pour le dérangement !
Comme deux voleurs pas très doués, ils pénètrent dans le bâtiment d’où provienne miaulements et aboiements. Bizarrement, l’endroit n’est pas verrouillé. Ou alors Baph s’en est chargé ? Certaines choses lui paraissent un peu floues… Une forte odeur les prend à la gorge. Manifestement, les proprios ne sont pas des adeptes de la propreté.
Tous ses animaux laissés à l’abandon dans un endroit aussi sordide lui brisent le cœur et lui donne les larmes aux yeux.

- Regarde un peu toutes ses pauvres bêtes ! On peut pas toutes les prendre ?

Elle s’approche d’un enclos où se trouvent plusieurs chats. Aussitôt qu’elle atteint les grilles, les félins viennent se coller aux barreaux, miaulant, piaillant et se frottant contre leurs énormes cages. Mais Lexi se concentre sur l’un des seuls chats qui n’est pas venu à sa rencontre. Couturé de cicatrices, le pelage sombre, les deux oreilles à moitié machés et une expression de mépris qui ne semble absolument pas perturber la jeune femme.

- Lui ! Baph ! Baph vient voir ! Regarde celui-là ! Je suis certaine qu’il manque d’amour… ! Elle tourne des yeux suppliants vers lui. Il est beau non ? Enfin… à sa manière …

"Trop taaaard""

Je ne pensais pas qu'elle crierait autant. J'ai dû vraiment lui faire peur et la faire redescendre de quelques grammes. Hihihihi.

En tout cas, je trouve mon bonheur tout de suite. Je commence à caresser le chien qui me regarde de ses yeux aux cils interminables. Par les enfers, quel regard ! J'ose toucher ses jolies cornes et commence à lui gratouiller le front.

"Allez, donne la papatte !"

Hein ? Lexi passe aux choses sérieuses et m'attrape le visage. Je déglutis. Elle m'a appelé "chéri" en plus. Attends, depuis quand les vaches ne sont pas des chiens ? Par contre, elle marque un point, ça ne tiendra pas dans mon appartement. Ou alors, je prends un appartement spécial pour gros chiens cornu ?

"Maaaiiiis, ça mange de l'herbe ! C'est économique !!"

Elle s'excuse auprès de mon nouveau copain et je lui fais un signe d'au revoir, accompagné d'une moue mécontente. Au revoir Théodore ! Bon, on repart pour de nouvelles aventures et j'ai très envie d'ouvrir la porte de tous les chiens qui se mettent à aboyer.

"Théodore est moins bruyant..."

Et puis ça pue, la vache ! Enfin... Non, ça ne pue pas la vache. Pardon Théodore...

Je m'approche de l'enclos des chats et voit le chat que Lexi me montre. C'est un chat, ça ? Ah oui, il m'irait bien. On ferait des concours de bouderies le plus longtemps possible.

"Lexi-Baby, ce n'est pas un chien non plus, ça."

Je prends un pan du grillage et commence à tirer. Immédiatement, tous les chats s'en vont sans demander leur reste. Braves bêtes. Je tends le bras pour essayer d'attraper le matou dont me parlait Lexi, mais le gredin reste au fond de sa cage à me regarder.

"Hé bien reste là à bouder..."

Je prends Lexi par la main.

"Viens, on les libère tous ! T'en veux un, toi ?"

- Théodore est moins bruyant...
- Fais pas ton difficile et viens voir !

Elle est déjà tombée amoureuse de cette mocheté de chat au caractère sans doute impossible et qui se devine de la pointe de ses oreilles à l’aspect acéré de ses griffes.

- Lexi-Baby, ce n'est pas un chien non plus, ça.
Elle gloussement si fort qu'elle a un ronflement de cochon.
- Lexi-Baby vraiment ? C’est bien parce que c’est toi ! Et je sais que c’est pas un chien. Il vaut au moins mille chiens !

Elle a beau tendre la main entre les barreaux, le chat ne bouge pas d’un pouce et commence même à faire sa toilette, signifiant que leur présence l’indiffère totalement.
- Comment on va pouvoir ouvrir les grilles ?

Elle contemple, médusée, la bouche comiquement ouverte, la facilité avec laquelle Baphomet tord le métal… à mains nues ! Elle se redresse alors que tous les chats en profitent pour filer entre leurs jambes. Mais les tentatives de Baphomet pour récupérer son chat – si c’est déjà son chat – restent infructueuses.

- Hé bien reste là à bouder...
- Mais… s’indigne Lexi alors qu’il l’entraine plus loin. On peut quand même pas le laisser là !
- Viens, on les libère tous ! T'en veux un, toi ?
- Moi j’veux un perroquet ! Comme les pirates ! Sauf que je pourrais pas le garder à la caserne... tant pis pour moi... Elle a une moue déçue de petite fille avant de sourire largement. Et si on les sortait tous ! Ils ont tous l’air si malheureux.

Il ne lui vient pas un instant à l’esprit les conséquences de leurs actes. Pris dans l’instant elle ouvre les cages qui ne sont pas verrouillées à clés. Certains chiens restent près d’eux en agitant la queue, attendant une caresse, d’autres en profitent pour s’échapper aussitôt. L’un d’eux se met à grogner méchamment contre Lexi qui préfère battre en retraire près de Baphomet.

- Celui-là à part l’air commode….

Mais le grabuge qu’ils font depuis quelques minutes a dû réveiller les propriétaires et Lexi et Baphomet échange un regard de gosses pris sur le fait.
- Faut qu’on se tire ! chuchote la jeune femme en se dirigeant vers la sortie.
Mais avant, elle passe d’abord par la cage où le chat de Baphomet – oui c’est toujours le sien – vient de finir sa toilette. Lexi s’accroupit et tend la main.
- Allez viens mon tout beau… tu vas pas rester prisonnier ici, si ? Je te promets que tu auras le droit à une pâté deluxe premium, un grand lit testé et approuvé et tout l’amour et les câlins du monde….. s’il te plaiiiiiiiit.

Miracle, le chat daigne bouger et vient suffisamment près pour qu’elle puisse l’attraper dans ses bras. Elle espère fort qu’il n’a pas de puces.
- Baph !! Regarde !! Il est venu !! Il nous aime déjà…

Par contre, les propriétaires qui viennent d’allumer partout et de lâcher d’autres chiens risquent de moins les apprécier…

C'est parti pour libérer des chiens ! MOUHAHAHAHAHA !

"T'inquiètes, on passera le prendre au retour !"

On commence à ouvrir les cages des chiens et plusieurs en profitent pour se bagarrer, filer, ou nous réclamer un câlin ou une friandise. Ils jappent et font un joyeux bordel. Si Lexi prend les cages qui sont restées ouvertes, je casse les cadenas les uns après les autres. Lexi revient en reculant et, pour cause, un énorme chien vient à notre rencontre. Ah ouais, il s'est levé de la mauvaise patte.

"Filons !"

Merde, elle veut vraiment prendre le chat moche ? Il finit par daigner venir et se laisse même attraper. Pour ma part, je prends Lexi par la taille et je nous dirige vers la sortie. Le gros chien nous barre la route et je suis prêt à défendre ma belle quand ce connard de chat saute sur le sol, s'avance vers le chien, et le fait fuir d'un regard. Quelques "kaï" plus loin, monsieur le chat revient vers moi et me saute dans les bras que je tends machinalement pour le rattraper. Alors je sais pas ce qu'est ce truc, mais c'est pas un chat normal.

"Non, sans blague, allons-y !"

Je reprends Lexi et on arrive près de la voiture. Mon chat sur mes genoux, la bouteille récupérée in extremis dans la main.

"Arrêtez !"

Un homme se tient devant nous, un fusil en main. Il est con, celui-là, ou quoi ? On est dans une putain de voiture, mon gars, s'il y a combat, t'es clairement pas gagn...

... Une vague de chiens s'abat sur lui et le renverse sans crier gare. Le pauvre homme se fait repeindre le visage à grands coups de langues et assourdir par les multitudes de jappements. Le gredin miaule.

"Ouais, je suis d'accord. Allons-y !"

Médusée, Lexi regard le chat mettre en déroute un molosse qui fait au bas mot dix fois sa taille avant de revenir tranquillement vers eux comme si de rien n’était…

- T’as vu ce que j’ai vu ou c’est l’alcool qui me donne des hallu… ?
Mais pas franchement le temps d’ergoter sur la question. L’heure est à la retraite stratégique et vite tant qu’à faire. Main dans la main comme des gosses, ils cavalent vers le portail et cette fois pas question de la jouer furtivité. Un coup de pied de Baphomet suffit à l’ouvrir.
Nouvelle course jusqu’à la voiture où ils grimpent sans demander leur reste.  
Heureusement, son imprudence avinée a préféré laisser les clés sur le contact. Elle les tourne au moment où un type, sans doute le proprio, se jette presque sur leur capot.

- Arrêtez !
- Merde ! s’exclame la jeune femme en enclenchant la marche arrière au moment où une horde de chiens vient le renverser par terre.

Lexi et Baphomet échangent un regard d’un « what the fuck absolu » avant de les baisser sur le chat.
- Ouais, je suis d'accord. Allons-y !

Le miaulement et la voix du démon ramène la jeune femme à l’urgence de la situation et elle démarre enfin, n’allant pas trop vite pour ne pas écraser malencontreusement un animal échappé mais suffisamment pour que la fourrière ne soit plus qu’une vague forme dans le rétroviseur.
Une fois sur la route, elle accélère.

- Ca va ? demande-t-elle à Baphomet avant de lui offre un sourire large et satisfait. T’es content ? T’as eu… ah merde… c’est vrai que tu voulais un chien…

C’est à ce moment là qu’elle se rend compte qu’elle est pieds nus…

- Oups… j’ai laissé mes chaussures là-bas… comme cette connasse de Cendrillon…

Et ça ne sont même pas les siennes.
C’est le détail de trop dans cette soirée et elle se met à éclater de rire. Un rire franc, incontrôlable. Elle en a mal au ventre et en pleure. Obligée de s’arrêter sur le bas-côté elle se tord sur le volant, se tenant le ventre. Ca lui fait tellement de bien de rire autant et mal aussi. Mais un mal bénéfique. Finalement, l’arrière du crâne contre l’appui-tête, elle finit par se calmer et essuie ses joues. Elle tend prudemment la main vers le chat, toujours sur les genoux de Baphomet.

- Tu vas vraiment le garder ? Je suis désolée… je sais pas ce qui m’a pris… mais c'est la meilleure soirée de ma vie !

Par tous les enfers !

"Bordel de merde !" j'ai inversé ce que je voulais dire et ce que je voulais penser. "Euh... Maison close d'excréments."

On est enfin sur le point de pouvoir s'enfuir grâce au matou que je vais avoir du mal à maltraiter maintenant, de peur qu'il ne m'égorge dans mon sommeil, quand un gars se fout en travers de notre chemin. Heureusement, si ces cerbères ont du mal avec l'idée de laisser rentrer quelqu'un, ils ont aussi du mal à laisser leur maître sans une étroite surveillance.

"Tu vois ? Les chiens, c'est trop bien !"

Une fois que nous nous sommes un peu éloignés, Lexi ose enfin reprendre la parole. Pour ma part, je prends une voix de vieux des films des années 2000 et...

"Tu sais, Harry, ce n'est pas le sorcier qui choisi son familier, c'est le familier qui choisi... hééé !"

Mini coup de boule poilu de la part d'un chat qui veut se frotter avec force contre mon menton. Mais c'est qu'il est fougueux, ce p'tit. Je regarde son petit visage de chat et me demande s'il y aura des soins particuliers pour son œil, ou pour quelques-unes de ses cicatrices.

"LEXILLON !!!"

On éclate de rire tous les deux, comme des fous, d'un rire qui dure une éternité et qu'il est très compliqué de calmer. Quand enfin, elle tend la main vers ma cuisse, j'avoue maudire un peu le chat qui s'interpose entre nous.

"Ouais, on va le garder, le Gredin !" miaulement désapprobateur. J'essuie une larme d'amusement et rétorque. "Ah ! Moi aussi ! Jamais je ne me marre autant d'habitude !"

Le corps plein d'adrénaline, d'alcool, et d'endorphine, je regarde l'extérieur avec un sourire naturel.

"Alors, tu m'emmènes où maintenant ? On va danser ? Tu me fais le coup de la panne ?"

- Ouais, on va le garder, le Gredin !
- Le gredin ? Mais t’as quel âge ? Elle glousse encore de façon incontrôlable. Ah oui c’est vrai…

Jamais Lexi n’a vu un regard aussi assassin chez un animal et son miaulement exprime clairement à quel point il déteste le surnom de Gredin.

- Ah ! Moi aussi ! Jamais je ne me marre autant d'habitude !
Lexi tourne le rétroviseur vers elle et grimace en voyant l’état de son maquillage.
- Merde… je ressemble plus à rien ! Elle a une petite moue désolée et fait ce qu’elle peut pour réparer les dégâts.
- Alors, tu m'emmènes où maintenant ?
- Où tu veux, bébé ! fait-elle en roucoulant comme une bécasse blonde et en battant des cils. Pardon… faut que je me calme… elle prend une profonde inspiration. Je crois que j’ai largement dépassé le taux d’alcoolémie recommandé. Si je croise les collègues, je vais en prendre pour mon matricule !
- On va danser ?
- Pourquoi pas ! On m’a beaucoup parlé de l’Eden Rest. Il parait que l’ambiance est folle… Ah…. J’ai oublié que j’avais plus de chaussures ! Elle pince fort les lèvres pour ne pas repartir en fou rire. Lexillon…
- Tu me fais le coup de la panne ?
- Techniquement un peu puisqu’on est arrêté ! Mais du coup, moi je vais devoir attendre sagement qu’un prince m’amène de quoi marcher… Tu lui feras signe si tu le croises sur la route ?

Complètement détendue sur le siège, la tête tournée vers Baphomet, elle caresse distraitement le chat.

- Sans rire, peut-être qu’on va devoir faire un petit détour par le Bouc… Déjà pour laisser Gredin dans ses nouveaux pénates et accessoirement pour me changer… On aurait dû piquer des trucs pour lui… genre litière, bonne pâté… petit veinard, tu vas roupiller sur le matelas le plus confortable que j’ai jamais testé !  

Parce que oui, il lui semble inévitable que le chat prendra pleinement possession du lit.
L’alcool aidant, elle gratouille le cou du félin sans aucune crainte et est récompensée par des ronrons sonores.  

- T’es d’accord ? fait-elle en regardant Baphomet.