Les fumerolles crépitent de lumières ardentes.
Les mortels crient et tressautent comme des sacrifiés sur l'autel de la décadence.
Cette boîte est un Enfer magnifique.

Ils sont amusants, à danser comme si leur vie en dépendait.
J'aime à les regarder avec leurs mouvements erratiques dans un chaos sans vergogne.
On m'en a offert des moins frivoles en offrande, des siècles en arrière.
Les bonnes traditions se perdent...

Les feutrines du carré VIP sont idéales pour observer les débâcles alléchantes. Les pistes de l'Eden's Rest – nom d'une ironie fabuleuse au passage, j'y reconnais l'humour piquant du maître des lieux – s'affolent en cette nuit infinie. L'heure est presque au matin et les âmes s'exaltent encore sur des rythmes endiablés. Je souris à la lascivité ambiante de la discothèque. Les ères passent et l'Humain reste délicieusement attiré par le risque.

Ça fait mon business, après tout. Ravi de constater que certaines choses ne changent pas.

Cependant, je ne suis pas ici que pour les délices en chaleur qui s'accrochent à mon bras. Eux profitent innocemment de leur bienfaiteur inconnu du soir et de l'alcool qui coulent à flot dans leur gorge et sur la table. J'y vois quelques occasions de pactes désinvoltes à marchander. Mais je ne suis pas d'humeur ce soir, d'autres jeux beaucoup plus intéressants sont à partager avec celui que je quémande depuis des heures maintenant.
Je joue les clients fortunés uniquement par intérêt. J'ai dû plus dépenser cette nuit que l'entièreté des coups pour fonder ce club.

J'ai donc l'insigne honneur de pouvoir rencontrer le patron des lieux.
Ce soir, le Roi est client.

Mais Monsieur est trop occupé, allons donc.

Mon insistance finit cependant par porter ses fruits. Quand les lieux commencent lentement à se vider et que mes proies sans nom ont cessé de m'embrasser pour comater sur la banquette, j'aperçois la silhouette en costume s'approcher parmi le reste des danseurs. Mon sourire s'étire en un rictus tombant à point nommé.

« T'as pris ton temps, camarade. Il n'y a plus rien à boire. » Un petit rire en coin quand je soulève un bras mou d'un garçon endormi. J'ai tout laissé aux enfants de la nuit. D'un bond, je vais enfin saluer mon frère infernal. « Quelle paie, Asmodée. Ça fait quoi maintenant ? Un, deux siècles ? »