Normalement c'est là que tout aurait dû s'arrêter. C'est comme ça que marche tous les rêves non ? C'est quand ça devient foutrement agréable qu'on se réveille, la déception au ventre. Sauf que là non...c'est même tout le contraire.

Du coup je vois que deux possibilités. Soit j'me suis cassé la gueule dans la forêt et j'ai perdu connaissance quelque part. Soit ca y est jsuis mort et c'est à ca que ressemble le Valhalla. Dans ce cas j'suis le plus heureux des morts. J'vois pas d'autres explications possibles à ce qui m'arrive, à cette bénédiction soudaine des dieux.

Elle ne me repousse pas et ne me fuit pas non plus. Ce qui est un putain de miracle en soi. Elle s'approche encore avec cette délicatesse qui la caractérise. Ses lèvres se posent sur mes phalanges, sa main cajole ma barbe et si j'étais félin j'en ronronnerais de plaisir.

J'suis a deux doigts de craquer.
J'la veux.

C'est aussi bête et viscéral que ça. Tout en sachant qu'elle risque de m'échapper à tout instant si je brusque les choses.
Elle se hisse un peu vers moi, m'observe de ses grands yeux d'or liquide. J'ose pas anticiper la suite. J'me laisse porter par ce dont elle a envie pour le moment, contrôlant mes instincts autant que possible, sachant que je vais finir par y céder si elle continue à me regarder comme elle le fait.

Si proche que je sens son souffle chaud contre mes lèvres. Si proche que je peux presque compter les paillettes d'or dans ses iris.
Elle caresse ma lèvre. Je retiens mon souffle et le temps se suspend jusqu'à ce qu'elle finisse par coller sa bouche contre la mienne.

J'ai une sorte de moment de blanc, figé, j'ai du mal à saisir ce qui m'arrive. Mais très vite mon corps se reprend et lui répond. Doucement pendant quelques secondes mais j'ai atteint mes limites de patience et de contrôle et mes baisers deviennent plus avides et n'ont plus rien de délicat. Mes paluches se faufilent sous la veste, attrapent ses hanches nues pour la lever plus haut et la serrer plus fort contre moi.

J'suis pas un homme raffiné, j'crois que c'est clair pour à peu près tout le monde, mais j'essaie de ne pas me montrer trop brutal. Meme si je sais que j'suis incapable de refreiner mon envie, mon besoin de la goûter encore.

Elle est chaude, sa peau a la texture de la soie, son goût m'enivre.

J'en veux plus.

Les baisers éthérés se métamorphosent. De lucioles, ils deviennent rapaces. Magni retrouve ses instinct d'ours, puissant et guerrier. Jolhane a une brève sensation de panique qui affole ses sens et affute paradoxalement ses envies. Il lui vole son oxygène, il va l'étouffer, mais plutôt que se dérober sa carcasse répond à l'appel avec un simplicité primal. Ses baisers sont maladroits, terriblement gauches et pourtant empreint d'un enthousiasme qu'il lui est difficile de nier.
Elle redécouvre un aspect jusque là relégué à l'oubli de son propre corps.

Gimbhir s'est tue. Doe ne la sent presque plus. Sans doute est-ce là sa façon de lui laisser un peu d'intimité.

Lorsque Magni la presse contre son torse, investissant sa peau nue, Jolhane laisse échapper un petit hoquet surpris. Elle se rattrape à ses épaules, le laisse se goinfrer à même sa gorge, entourant son crâne de ses bras diaphanes, plongeant ses doigts dans son épaisse chevelure brune. Le blouson de cuir chute de ses épaules, inutile et parasite. Elle gémit faiblement, pudiquement. Son bas ventre produit un festival d'étincelles dont les décharges électrisent chaque partie de son être. Elle se mordille la lèvre inférieure, se cambre sous ses caresses frustres. Ses hanches dansent lentement. Inconsciemment.
Être ainsi réduite à simple proie est saisissant et délectable à la fois.

Tremblante et quelque peu secouée par ses propres réactions, elle plonge son regard dans celui de Magni. Elle déboutonne son affreuse chemise hawaïenne et, même si ses gestes demeurent malhabiles, les boutons usés, sautent, un à un, sans résistance. Elle découvre son torse, bardé de cicatrices, anciennes et récentes. De l'index, elle retrace les lignes de ce tatouage énigmatique : un serpent qui se mord la queue dont l'encre imprègne son plexus. Elle le dévisage, avec cette curiosité quelque peu enfantine, un "Qu'est-ce que cela signifie ?" silencieux, animant son regard. Cependant, il est évident qu'il ne lui répondra pas maintenant. Dans les prunelles vertes de l'homme-ours, brûle un désir cinglant de la posséder. C'est à la fois émoustillant et vaguement inquiétant. Elle ne sait lequel de ces sentiments choisir.

La seule chose dont elle est à peu près certaine, c'est qu'elle veut qu'il continue...

Elle est toujours là, entre mes bras et ses gémissements me rendent complètement barj' comme les petits mouvements de ses hanches que j'encercle toujours de mes mains.

Pendant qu'elle lutte avec les boutons de ma chemise, ma bouche descend dans son cou et se régale de sa chair tendre juste avant que mes dents prennent le relais en mordillements animal. Si ça tenait qu'à moi j'la dévorerai toute entière.

Mon esprit est au abonné absent, replacé pour un désir violent et sans appel qui tient plus du prédateur en moi que de l'homme. Ca m'arrive rarement voir jamais mais ça m'empêche pas de savourer chaque instant. Pendant qu'elle trace mes cicatrices en caresses légères, je me permets enfin de contempler sa nudité offerte à mon regard.

Elle est encore plus belle que dans le trop bref aperçu que j'en ai eu.
Aussi belle et résiliente qu'une fleur sauvage. Putain j'suis vraiment nul comme poète ! Mon tatouage sur la poitrine semble l'intriguer mais j'me sens pas l'envie de lui expliquer la signification de chacun de mes dessins sous la peau.

Je me débarrasse de ma chemise de deux coups d'épaule et la fait brusquement basculer dos sur le sol. Mon corps vient recouvrir le sien et j'lui laisse pas l'occasion de réfléchir en venant l'embrasser comme un affamé, calant mon bassin contre le sien. Une plainte m'échappe, j'me sens aussi fébrile qu'un ado. Ma main cercle sa cuisse et la relève sur ma hanche pendant que je pars à l'assaut de sa gorge et plus bas encore, recouvrant sa poitrine de baisers ardents.

Merde ! J'peux plus attendre.
Dans un coin de ma tête j'me fais la réflexion que c'est un peu comme une première fois pour elle si elle vient juste de sortir du brouillard et clairement j'suis pas à la hauteur. J'ai trop envie d'elle pour être doux, trop besoin de la posséder pour ralentir. Je renifle sa peau comme une bête sauvage et c'est sans doute ce qu'elle doit se dire mais de ça aussi j'en ai besoin. Laisser tous mes sens se faire submerger par elle.

- Tu me rends complètement dingue...que je murmure contre son sein.

Je me redresse sur mes genoux et m'attaquent aux boutons de mon pantalon quand je le sens soudain et je me pétrifie de trouille.

L'Ours.
Il gratte.

C'est si soudain que j'ai même pas réussi à le brider complètement. Mon image a du se faire flou pendant un bref instant, l'ursidé se superposant à moi.

Quoi ? Impossible. Il a rien à foutre à la surface maintenant.
Pourtant il est là. Il veut sortir. Pourquoi ? Impossible de réfléchir.
Je sers les dents et me prends la tête entre les mains.

- Jo...faut que...

Hors de question que je laisse cette saloperie faire du mal à Jolhane.
Repousse le Magni ! Tout mais pas ça...pitié le laisser pas lui mettre la patte dessus.
Je m'écarte maladroitement, recule autant que possible.

- L'Ours il...veut...sortir...barre toi...

Ca fait mal. Ca fait putain de mal.
Mon corps passe du paradis à l'enfer en quelques secondes.
Ployé vers le sol, les mains enfoncées dans la terre je réussis à hurler.

- Casse toi !

Scale armour blaze
Virgin innocence
One being brings life
Another runs for death

Nouveau hoquet surpris, suivi d'un soupir indécent. La voilà frissonnante, sur le dos, le poids écrasant de Magni sur elle. La bouche entrouverte et l'esprit vaporeux, elle tient tout contre elle, encouragée par sa voracité d'ursidé. Sa barbe la chatouille sa peau et taquine ses mamelons durcis. Elle glousse et se mordille la lèvre. Elle ne sait absolument pas ce qu'elle fait. Elle se laisse porter par le courant pour la première fois de sa courte existence. De manière inattendue, Jolhane lâche peu à peu prise. La part toujours aux aguets, toujours en hypervigilance, de sa cervelle, s'est progressivement assoupie. Reste la mélopée de ses propres désirs auxquels elle s'éveille.
Car elle découvre son propre appétit.
Elle veut ses mains râpeuses et abîmées sur son corps, sa tendresse bourrue, la sève de ses baisers fiévreux. Elle veut tout ça et plus encore. Ses plaintes mélodieuses, le concerto de ses soupirs n'en sont que les preuves les plus évidentes. Il y a cette flame dans le regard, cette abandon alangui, ses gestes moins timides, plus instinctifs. Magni manque de délicatesse mais cela ne la gêne pas.
Il est lui.
C'est de lui qu'elle a envie.
Il se redresse soudain, la surplombant de toute sa stature. Elle gémit en tendant les bras vers lui, déjà en manque de sa chaleur. Elle lui hurle un "Reviens-moi!" silencieux.

Bourrasque de vent frais.
Gimbhir vient de gronder, tous ses sens en alerte.
Jolhane fronce les sourcils, confuse.
Son compagnon est figé, comme si on venait brusquement de foudroyer son âme.

- ... Magni?
- Jo...faut que...

Il semble souffrir, batailler dans la douleur. Doe est désormais à genoux, elle tente d'approcher son compagnon qui se tient le crâne comme s'il allait exploser. Il la repousse sans ménagement, recule. Sa carcasse gondole et perd en netteté.

"L'Ours." feule Gimbhir
"L'Ours, mais que veut-il ?!" s'enquiert Jolhane.

- L'Ours il...veut...sortir...barre toi...
- Non.. balbutie-t-elle. Elle refuse de le laisser comme ça. D'ordinaire elle privilégierait sa survie, mais elle réfute l'injonction aujourd'hui. Pourquoi ? Elle n'a pas le luxe de se poser la question.
- Casse toi !
- NON ! rugit-elle en attrapant son visage en pleine mutation à deux mains. Tu lui fais mal, Ours! Arrête ! ARRÊTE !

La peau de la jeune femme brille avec force. Tout son corps luit et scintille. Une étoile humaine éblouissante. Elle fixe l'ours dont elle tient les touffes de poils de part et d'autre de sa gueule écumante.

- REND-LE, ordonne-t-elle avec férocité, tenant tête à la bête. RENDS-LE MOi. MAINTENANT.

Gimbhir pourrait prendre sa place, mais pour le moment, elle prête foi à son âme-soeur. Elle a vaincu les phalènes carnivores, les illusions mortifères, les scyllas tentaculaires, les chrysalides décomposées autrefois humains et aimés. Cet ours ne lui fait pas peur. Elle ne mourra pas aujourd'hui...

...pas de la main de Magni.

- NON ! Tu lui fais mal, Ours! Arrête ! ARRÊTE !

L’Ours se fiche de détruire l’humain au passage. Il l’a bien tué lui. Il veut sortir. L’humain ressent des choses fortes et c’est son domaine. Tuer. Tuer cette autre agaçante qui lui ordonne des choses. On ne lui dicte pas sa conduite.

Il est la sauvagerie.
Il n’a pas a être dompté.

« Tu la toucheras pas ! Je t'interdis de lui faire du mal ! T'entends saleté ? Sinon j'te jure que j'te détruis de l'intérieur ! »

Encore lui ! Quel hypocrite ! Qu’il le laisse donc faire ce pour quoi il a été créé. Ce pour quoi il l'a créé. Il a été privé de chasse pendant des années et sa colère n'a fait que grandir. Encore et encore pendant tout ce temps. Aujourd'hui il est plus fort.


"Tu n'as rien à faire là. Il n'y a aucun ennemi. Laisse moi ! Pourquoi tu viens gâcher les seuls bons moments qu'y me reste, putain ?"

J'suis désespéré ! Pourquoi elle s'enfuit pas ? Qu'est-ce qu'elle fait encore ici ? Je retiens la saloperie mais je sais pas pour combien de temps encore ! Elle doit se barrer ! Elle le doit ! Ou je serai incapable de tenir ma promesse et cette seule idée me flingue complètement. Moi j'suis prêt à partir depuis longtemps mais il est hors de question que j'emmène Jolhane avec moi. Elle a toute une vie à découvrir et à mener ici...

Mon corps a des soubresauts incontrôlables. J'ai les muscles chauffés à blanc, ils cuisent sous ma peau et la douleur est insupportable. Je suis immobile, à genoux dans la terre, la corps indécis entre animal et humain. Une sorte d'aura guerriere et lourde pèse autour de moi. Sur moi. Le vent s'est arrêté de siffler, les animaux se sont fait silencieux. Je suis plus qu'une plaie à vif. Mais c'est pas ça qui m'inquiète.

- REND-LE, RENDS-LE MOI. MAINTENANT.

L'ordre claque et l'animal s'arrête, indécis. L'humain le tient toujours et ça l'agace. Depuis quand le peut-il ? Et l'autre humaine ? Comment ose-t-elle le commander ? Comment ose-t-elle se dresser contre lui ? Parce qu'elle est l'ennemie. Elle n'a peut-être pas encore peur mais ca viendra...lorsqu'il referma ses crocs sur sa chair tendre.

Il est le Berserker.
La colère divine et aveugle.
Il fait claquer ses crocs immenses, gronde sa rage.

Je comprends toujours pas cette nana. Pourquoi elle reste ? J'en vaux pas la peine. J'suis juste...fatigué...de lutter...d'essayer de vivre une vie qui n'a plus beaucoup de sens. Sauf ce soir. Ce soir elle en avait un peu pour la première fois depuis longtemps. J'ai eu un objectif pour la première fois depuis longtemps : être là pour Jolhane. C'est mieux que ce que j'ai eu depuis un moment.

Bon Dieu j'veux pas lui faire de mal...me laisser pas lui faire du mal...

J'aperçois une lueur au loin et c'est comme un phare dans la nuit. Une lumière qui m'empêche de sombrer complètement et je m'y accroche avec l'énergie du désespoir. Elle tient l'ours à distance, m'aide à le dégager à grands coups de pieds dans son cul poilu.
Cest comme si ma volonté est gonflée par celle de Jolhane. Et un putain de miracle se produit.

L'Ours reflue, pas sans se battre et j'ai l'impression qu'il traine ses griffes dans ma tête pour s'accrocher et lutter  contre l'énergie que je déploie à le fourrer dans sa cage. Là où il aurait pas dû sortir. Je sais pas si les grondements qui sortent de ma poitrine viennent de lui ou de moi. Ce que je sais c'est que le poids dans mon caboche s'apaise soudain.

La bataille est terminée et aujourd'hui encore c'est moi qui l'est gagnée.

Tu m'auras pas encore. Pas tant que j'aurais encore la force de m'imposer.

Il me laisse le corps douloureux, tremblant, en sueur. Le tatouage de la tête d'Ours qui prend presque tout mon dos semble sourire. Je sais pas comment j'suis arrivée là mais ma tête repose sur les cuisses nues de Jolhane. J'ose pas bouger d'abord comme pour être certain que la bête reviendra pas. J'éprouve un soulagement si intense que j'me laisse totalement aller et encercle la taille de Nymphette de mes gros bras. Je sais pas pourquoi mais elle est restée et je sais que sans elle j'aurai laissé l'Ours sortir. J'embrasse furtivement la peau qui se trouve près de ma bouche et soudain la réalité me rattrape et me fout un puissant poing dans la gueule.

Affaibli, j'trouve quand même la force de me redresser et attrape son visage entre mes paluches, les traits déformés par une angoisse persistante et une colère profonde contre moi pour pas savoir me gérer. Contre elle pour être restée.

- Putain mais pourquoi t'as fait ça ? Pourquoi tu t'es pas barrée quand j'te l'ai demandé ? J'aurais pu te blesser ! Te tuer ! Je contrôle pas ce putain d'Ours !! Tu comprends ça ?? J'aurais pu te tuer Jolhane...ma voix rauque s'affaiblit après avoir résonnée avec force dans les bois alentour et j'l'examine avec attention pour être certain de ne pas l'avoir touchée.
Putain ! J'm'en voudrais à mort dans le cas contraire.
- T'as rien ? Tu vas bien ?
C'est tout ce qui compte là tout de suite...

Gimbhir grogne et montre les dents, exactement comme Jolhane présentement. Son coeur est gonflé d'une hargne démesurée, son esprit focalisé sur une idée fixe.
Magni.
Elle.
Veut.
Magni.
Elle ne cédera pas le terrain d'un pouce au prédateur. Elle ne perdra pas cette bataille. Elle a affronté bien pire que lui.

- TU... N'ES... QU'UN OURS, gronde-t-elle le regard bouillonnant, l'image de Gimbhir se superposant par intermittence à la sienne.

Humaine et renarde sont à la lisière l'une de l'autre. Aucune d'elles n'a conscience d'être au seuil de la transition. Leur enveloppe charnelle s'illumine comme une étoile filante en pleine nuit. C'est cela qu'elle est. Jolhane en prend brusquement conscience : un éclat d'étoile, de magie pure, niché dans un écrin de chair.

- RENDS-LE !*

Sans s'en rendre compte, elle a usé du langage des fées, compréhensible par l'ensemble des animaux de la création. Un pépiement d'oiseau, le clapotis de l'eau, une feuille qui bruisse sous le vent, le tintement d'un grelot. Cela sonne comme tout cela et plus encore, comme si toute la nature agitait son verbe.

Est-ce cela qui vainc la férocité de l'ursidé ?
Ou bien la pugnacité de l'Homme qui tente de retrouver son chemin jusqu'à elle ?
L'Ours recule, abandonne le champ de bataille peu à peu, se replie pour finalement disparaitre derrière la conscience de Magni. Ce dernier s'affale lourdement sur ses cuisses alors que l'aura de Jolhane s'amenuise et s'éteint.
Ils demeurent là, essoufflés, confus, épuisés.
Que s'est-il exactement passé ?
Aucune importance.

Jolhane caresse tendrement la chevelure de Magni.

- C'est fini... murmure-t-elle, incrédule, elle-même. C'est terminé... Tu es là....Elle le cajole telle une mère, alors qu'il l'agrippe, comme un enfant en proie à ses cauchemars. Il lui baise la paume des main, les yeux mi-clos, alors qu'elle l'abreuve de douceur.

Brusquement, il se redresse, hagard, le regard exorbité. Il écrase ses pognes sans ménagement sur les joues. Elle sursaute, décontenancée.

- Putain mais pourquoi t'as fait ça ?
- ... Je...
- Pourquoi tu t'es pas barrée quand j'te l'ai demandé ?
-... Chais pas.... fait-elle, les larmes aux yeux, choquée par la violence de son verbe. Elle pose sur lui ses prunelles immenses et écarquillées.
- J'aurais pu te blesser ! Te tuer ! Je contrôle pas ce putain d'Ours !! Tu comprends ça ?? J'aurais pu te tuer Jolhane...
Elle déglutit et reprend pieds.
- Non, affirme-t-elle fermement. Il n'a pas ce pouvoir. Son regard est féroce. Implacable.
- T'as rien ? Tu vas bien ?

Elle recouvre ses doigts de ses paumes. Un sourire plus détendu fleurit sur sa face blême.

- Je vais bien, Magni. Tout va très bien... Elle prend son visage en coupe entre ses phalanges effilées. Ses pouces coiffent paisiblement les poils drus de sa barbe. Elle semble accablée. Je suis désolée de t'avoir inquiété. Je ne recommencerais plus.

Si tant soit peu qu'il y ait une prochaine fois.

- Repose-toi, à présent. Tu en as le droit...

Quelle nuit étrange, baignée de lune, où deux corps étrangers se télescopent sans y être prédestinés. Nus, comme au premier jour, les deux êtres esseulés se pressent l'un contre l'autre, pour se réchauffer l'âme et simplement, éloigner la peur.

Qui tu es Jolhane Doe… C'est pas la question. Qu'est-ce que tu es ?
Nymphette, Etoile, Guerrière farouche. Jolhane est tout ca et plus encore.
L'instant de grâce est passé. Par contre elle sera jamais mienne. Même pour une nuit.

Daphné a jamais voulu se confronter au monde surnaturel qui faisait pourtant parti de ma super vie de Berserker. Elle a jamais croisé l'ours dailleurs à l'époque où je le contrôlais encore. Évidemment j'parle pas du jour où j'l'ai appelé pour qu'il déchiquete son amant.

- Je vais bien, Magni. Tout va très bien …

Ses paumes sont fraîches contre mes joues brûlantes. Elle me fait du bien. Un bien fou. Ses mots, ses gestes tendres me font fondre de l'intérieur. Evidemment que je la méritais pas ! L'Ours s'est chargé de me le rappeler.

- Je suis désolée de t'avoir inquiété. Je ne recommencerais plus.

Dans quel monde c'est à elle de s'excuser ?
La gorge serrée je viens baiser son front. J'veux plus mais j'peux pas. J'ai trop la trouille de réveiller la bête.

- T'as rien fais de mal Nymphette...tu voulais juste m'aider et c'est ce que t'as fait. Merci. Je permettrai plus jamais que ça recommence.

De toute façon on est pas amené à se revoir. Ca aurait pu être un beau rêve. Mais avec moi tout finit toujours en cauchemar. Et j'crois qu'elle en a assez eu dans sa courte deuxième vie.

- Repose-toi, à présent. Tu en as le droit...

J'suis épuisé. Repousser l'Ours m'a vidé de mes forces. Alors je hoche la tête et l'attire contre moi. Je nous allonge tous les deux et la recouvre de ma chemise en me serrant contre elle pour pas qu'elle est froid. J'suis une sorte de bouillotte ambulante après tout...Elle se blottit contre moi et je lutte plus contre le sommeil. Je sais que demain je me réveillerai seul. Mais en attendant je dors comme un bienheureux.

J'pensais pas que la Nymphette de mes rêves me piquerait ma chemise. Je quitte les bords du lac avec un putain de pincement au cœur. Faut pas être devin pour comprendre pourquoi.
Je découvre que le regret fait presque aussi mal que la trahison.