Je sais même plus exactement comment je suis rentré. Est-ce que je suis rentré ? Je veux dire, tout ça ressemblait quand même foutrement à un rêve.
Le délire nordique, Frigg, les suivantes et leurs portes, Ciulin en pleine forme et qui se réveille comme une fleur, les retrouvailles exubérantes des autres pendant que je me tiens dans un coin, pétri de gêne et d’hébétude… ça a l’air d’un délire en haute définition.
Bon ok… la potion de Salomon est pas sensée me faire rêver, c’est un peu le but de la manœuvre.
Et puis y’a ce coffret.
Que j’ai posé sur ma commode et que j’ai fixé pendant un temps infini avant de m’écrouler sur mon matelas.
Quand la musique du réveil général a retenti, j’ai ouvert les yeux en ayant l’impression de les avoir à peine fermés, les chaussures toujours aux pieds, une boule de poil calée contre mon cou et le nez bouché.
Une belle journée en perspective !
Une douche froide et un petit-déj frugal plus tard, le cul dans le fauteuil de mon bureau, je me dis que je suis une putain de buse. C’est forcément vrai ! Ciulin est guéri-e ? Faut que j’aille voir, que j’y retourne. Je suis un poil paumé… et y’a qu’une seule façon de savoir si j’ai halluciné complètement ou pas.

Sauf que ma journée est bookée et qu’au moment ou je vais pour me lever, le Lieutenant Griffin s’invite sans même frapper ce qui me fait légèrement grincer des dents. Ce mec à zéro respect pour moi. Soit, je veux bien l’entendre, j’ai pas toujours été un bon petit soldat exemplaire mais bordel je suis presque certain que je maitrise plus les choses que ce type qui cherche simplement à garder notre armement et nos ressources dans un coin et pour nous tout seul. Crétin !
Il a toujours eu les dents longues. Je le sais comme il sait que je me méfie de lui. Il se fend quand même d’un salut.

- Major Jenson.

Mais comme j’ai pas spécialement envie qu’il s’attarde je me lève sans l’inviter à s’assoir et passe de l’autre côté de mon bureau, y posant une fesses dans une attitude pas du tout protocolaire qui doit lui hérisser le poil.

- Je vous écoute, Lieutenant Griffin. Je n’ai pas beaucoup de temps.
- J’ai une requête à faire concernant les munitions de nos homme lieutenant.
J’arque un sourcil en allumant une clope.
- C’est-à-dire ?
- Ils se plaignent de ne pas en avoir assez sur eux à cause des restrictions que vous avez imposées. Ils ne se sentent pas en sécurité.
Je lui dédie un sourire à mille watts qui va merveilleusement bien avec mon début de cernes.
- « Ils se plaignent » ? Vraiment ? Oh les pauvres petits chatons…

Je sais pertinemment que la raison n’est pas là. Il cherche juste à un récupérer plus…voir à saper mon autorité … pourquoi ? Ca j’en sais rien… ça en ferait sans doute moins à partager avec « les autres » et monsieur le Lieutenant se verrait sans doute bien à ma place. Comme si ça existait encore « les autres » ! Y’a plus que « nous » maintenant.
Nous les vivants, contre cette saloperie.
Je me plante devant lui, le toise de toute ma taille parce qu’il est plus petit que moi et lui susurre.

- Veuillez rappeler à nos chères petites troupes qu’on n’est pas dans un western et qu’à priori, ils n’ont besoin de tirer sur personne puisque nous sommes alliés à tous ceux qui arpentent ce côté du Brouillard. Je sais que vous étiez déjà à l’extérieur quand le Brouillard a envahi la ville et croyez-moi, on aura besoin de chaque balle quand on la reprendra pour foutre la saleté qui s’en est emparée à terre. Donc le prochain ou la prochaine qui se plaint… vous me l’envoyez ! Je lui rappellerai tout ça personnellement. Vu ?
- Major.
- Parfait. Dans ce cas, je ne vous retiens pas plus longtemps, Lieutenant. Rompez.

Il salut impeccablement, mâchoires serrées. Oui il ne m’aime pas…je crois qu’on a compris et je grimace en rejetant la fumée de ma bouffée de nicotine. Une petite guerre intestine dans nos rangs…c’est pile ce dont on avait besoin ! Je le suis des yeux alors qu’il sort de mon bureau et j'oublie totalement Griffin, le brouillard, la boite dans ma chambre, le rêve débile…tout.
Machinalement je me pince le dos de la main avant d’avoir un vrai sourire comme il se faisait rare ces temps-ci.

- Ciu…

J’ai pas rêvé alors…iel est là… comme avant ou presque, pétillant-e d’une vie dont j’ai plus été témoin depuis bien trop longtemps. J’esquisse un pas et m’arrête.
Putain ! Ca veut dire que tout le bordel autour de Frigg est réel aussi ! Ça me stoppe net et mon sourire se fige un peu. Du coup… qui est-ce que j’ai vraiment sous les yeux ?
J'en ai marre d'être paumé, merde ! Mes jambes se remettent en marche et je sers Ciulin dans mes bras à l'étouffer. Cette foutue déesse aura qu'à me foudroyer sur place si ça lui plait pas.

Baby I need light, I need fire
I need to know that I'm alive
I need love, baby I need love
I need love

Take me down, everybody down
Take me down, down to the bottom

J'ai rien compris.
Une seconde avant j'allais canner, la suivante je suis en vie avec trois pleureuses sur mon berceau. Mes bonnes fées à moi ! J'ai subi une métamorphose mais rien qui ne tienne du strigoï ou du garou. Ass prétend que désormais je suis Frigg. Genre, Frigg, la femme d'Odin, la vraie, celle que je prie de temps à autre et avec qui j'ai de petites conversations sur l'oreiller à propos de son divin mari -accessoirement le mien aussi.

Je suis Frigg.

Je me regarde à poil et encore tout-e humide de la douche dans le miroir. Je suis toujours moi, dans toute son ambiguïté. Aucune paire de nibards n'a poussé pendant la nuit. La rune d'épousailles avec Odin a disparu, à la place j'ai un anneau au doigt que je ne peux pas enlever. J'ai retrouvé tous mes chardons sous la peau. Je suis toujours aussi sexy et je pète le feu.
A part ça ?
A part ça, que dalle ! Je ne sens aucune différence.
En principe les avatars ont des pouvoirs.
Je fais voler la serviette jusqu'à moi et mes chardon s'agitent, roulant sur mes bras. Ma télékinésie est toujours là, et ma source de magie avec, je présume. Pour le reste, va falloir que j'explore les détails.
Entre nous, les détails on ne m'en a guère donnés. Ass était tellement chamboulé que ça lui a coupé la chique. Vesper a tellement chialé que je me suis demandé si elle n'allait pas se transformer en pruneau de déshydratation. Viorea et Sorin m'ont étouffé de câlins. J'ai foutu un dawa de tous les diables à Tae'alam, ce qui explique les cernes de trois kilomètres sous les yeux de Jarvis et Amon.
Pour le reste c'est un peu flou.

Seule certitude : Caleb s'est tiré.

Malgré l'effusion d'étreintes, les pleurs, le soulagement, je l'ai vu se soustraire aux retrouvailles communes et ça m'a foutu un putain de seum. Le genre d'aiguille à tricoter qui se fiche dans le palpitant et qui touille pour vous torturer. J'avais beau être entouré-e, je me suis sentie abandonné-e au plus profond de mes tripes.
Je check mon beau petit cul moulé dans son jean et me passe un main dans les veuches pour les discipliner, avant d'enfiler un vieux cuir. Je vais le faire baver des yeux et du slip, mon beau gradé. Il a intérêt à m'expliquer sa désertion. Je ne laisserais rien passer. Tu vas en chier ton matricule, Caleb.

J'ai voulu me téléporter et j'ai pu constater que ça ne fonctionnait plus. Super. J'ai donc emprunté une bagnole et c'est à toute berzingue que je roule vers la base des Mines -que j'ai encore jamais visitée-, un énorme bouquet de fleurs sur la banquette du mort. Déso Lydie, j'ai pillé ton jardin. J'essaierais de me faire pardonner auprès de la petite sylphe une autre fois. Je me gare à la sauvage, en faisant crisser les pneus de la tire, soulevant une gerbe de poussière impressionnante. Je sors de l'habitacle, clope au bec, verres fumés sur les billes et bouquet en main. Mon entrée est putain de remarquée.

- 'Lut Lexi !
- PUTAIN CIULIN ! lâche Hailey, estomaquée. T'es en vie !
- Plutôt deux fois qu'une poupée ! Que veux-tu qu'j'te dise ? La Mort a pas envie que je foute le boxon dans ses pénates.

Je ricane comme un con alors qu'elle me donne une accolade. Clara s'empresse de faire de même, un sourire fendu jusqu'aux oreilles, derrière elle, Emma a les larmes aux yeux. O'shea me gratifie d'un check rigolard et je donne une tape sur l'épaule de Tyler.

- Il est où vot' Major ? J'ai deux mots à lui........ dire.

Caleb apparait soudain, avec son petit air de minet paumé de la vie. J'ai le coeur qui fond en instantané. Rahat ! Ce que je peux aimer ce couillon démissionnaire. J'en oublie complétement que j'étais en colère. Le bouquet me tombe des mains quand je le réceptionne dans mes bras et que je l'enlace comme si ma vie en dépendait. Et comme je tiens à lui couper le souffle au littéral comme au figuré, je lui roule une pelle spectaculaire. Je ne lui rend son oxygène que lorsque ses poumons sont sur le point de craquer.

- Salut toi... que je susurre avec une expression de joie exaltée.

Ciulin pète le feu, se fait remarquer comme d’hab. Bref, comme si rien n’avait changé. Iel me serre aussi fort que je l’étreins et mon sourire se fait gober par sa bouche dans une pelle des enfers que je lui rends automatiquement, les mains déjà vagabondes. Tout ça, ça a un goût d’avant qui me noue les tripes. Ca fait si longtemps...ça ma tellement manqué... Sauf qu’« avant », ça n’existe plus.

Et qu’il faut que je m’éloigne d’iel parce que je suis grave en train de me donner en spectacle et si normalement j’en aurais absolument rien à carrer, là j’ai une image à pas trop saloper – s’envoyer en l’air en plein milieu de la cour fait partie des trucs qui sont pas recommander si je veux garder un minimum de respect de la part de mes hommes.

- Salut toi...
- Salut, que je réponds en reculant d’un pas, voir de deux. On n’est pas à l’abri que ma raison toute fraiche se fasse pas tabasser la gueule par mes envies … plus primaires. Mes yeux tombent sur le bouquet à terre et je ricane. T’as ramené des fleurs ?

Je le ramasse, garde les deux trois gaillets jaunes et donne le reste à Emma.
- Tiens, pour l’infirmerie. Au fait tu diras à Gleeson qu’avoir une rage de dents l’empêche pas d’utiliser ses mimines…s'il te faut quelqu'un pour lui botter le cul, je vais bien trouver cinq minutes dans mon emploi du temps.
- T'es un mec proche de ses troupes toi, c'est beau ce sacrifice, se moque Egan en soupirant main sur le coeur.
- Quel tire au flanc ce con… lance Hailey en secouant la tête.
- Tiens ! C’est drôle que tu l’ouvres à ce propos. Vous glandez quoi là ? C’est la pause syndicale ?
Aussitôt elle se met au garde à vous avec une précipitation exagérée et je me retiens de sourire en pinçant les lèvres.
- Pardon Major ! On voulait juste faire un coucou à Ciulin, Major !
- Fous-toi de ma gueule. Dispersion ! Au boulot là !
Et c’est ce qu’ils font non sans échanger une dernière accolade ou étreinte avec Ciulin. Je retiens Hailey par le bras et lui chuchote :
- Surveille Griffin discretos… je veux savoir ce qu’il dit aux unités dont il a la charge ok ?

La mine plus sérieuse, elle acquiesce. On est plus que tous les deux, Ciulin et moi au milieu de la caserne et j’ai le même fond de gêne que me triture les boyaux. Je l’observe en silence – ou dévore du regard…question de perception – et tapote ma poche pour retrouver une clope que je glisse entre mes lèvres. Pas de briquet. Ce running gag commence à me faire chier…
Je soupire, regarde les fleurs qui dansent entre mes doigts.

- T’as l’air…bien. Pas trop changé – pour ce que j’en sais. Nouveau rire qui n’en est pas vraiment un. – A vrai dire en me réveillant ce matin j’ai eu du mal à savoir si j’avais rêvé tout ça ou pas. C’était un peu… dingue, on va pas se mentir. Genre quête de Skyrim ou une connerie comme ça. Ton… mari est pas trop doué à ce p’tit jeu d’ailleurs. Humm… au fait je crois bien que j’ai embarqué un truc à toi…enfin à elle. Frigg quoi. Une sorte de coffret. C’était à peu près la seule preuve que j’avais que tout ça, ça s’est pas passé dans ma tête. Il est dans ma chambre, tu le reprendras en partant…

Détends toi bordel, Jenson ! Tu nous fais quoi là à babiller comme un connard ? Longue inspiration. C’est toujours Ciulin…enfin je crois… je lui décoche mon sourire « à la Caleb » et pointe du menton la caserne.
- Je te fais visiter ? Ca a moins la classe que Tae’Alam et ça sent plus la testostérone mais on s’est pas trop mal démerdé, j'crois.

J'ignore si c'est par pudeur -ce serait bien la première fois- ou pour son image -nous voilà repartis des mois en arrière- mais Caleb impose une distance qui égratigne un poil ma patience. C'est quoi ce faux plan ! Je suis en vie mais il fout le camp, je le retrouve mais il préfère la jouer col roulé ?

- T’as ramené des fleurs ?
- Parait que ça s'fait quand on rend visite à son amoureux.
- Tiens, pour l’infirmerie.
- Même pas pour égayer ton bureau de Big Boss de la Bidasserie ? Pff C'est bien la peine que j'fasse des efforts.

Je prends les copains à témoin qui ricanent, visiblement content de retrouver leur humoriste préféré. Désolé-e, les gars, je fais plus les anniversaires et les barmitsvas. Ca chambre, ça balance des fions, ça fait son petit chefaillon. On nous laisse bientôt en tête à tête.

- Tu les mènes tous à la baguette, dis-moi ! T'as l'air au poil dans le rôle pour un gars rebelle qui aimait chier sur l'autorité ! Je glousse avec un sourire de tranchoir.
- T’as l’air…bien.
- Tu veux dire... pas en train de canner. Ouais. C'est plutôt pas mal en vrai. Tu devrais essayer, on dirait que t'as pas dormi depuis trois mois... Sorry pour le "c'était mieux avant", mon p'tit minet, mais tu peux pas me renvoyer, chuis ni repris-e ni échangé-e.
– A vrai dire en me réveillant ce matin j’ai eu du mal à savoir si j’avais rêvé tout ça ou pas. C’était un peu… dingue, on va pas se mentir.
- J'peux pas t'dire, j'y étais pas vraiment. En réalité j'ai un souvenir vague de choses que je n'aurais pas du voir. Très bizarre. C'était comment ?
- Genre quête de Skyrim ou une connerie comme ça. Ton… mari est pas trop doué à ce p’tit jeu d’ailleurs.
- Bah merde ! ça la fou mal pour un king de pantheon.
- Humm… au fait je crois bien que j’ai embarqué un truc à toi…enfin à elle. Frigg quoi. Une sorte de coffret.
- Genre petit coffré pyrogravé qui fait chic en déco dans le salon ?..... Ouais, c'est bien le mien.

C'est sorti tout seul.
Je sais à quoi il ressemble.
Je sais ce qu'il contient.
Je sais pourquoi il est entre tes mains.
C'est parce que j'en ai décidé ainsi.

Parce que tu es mon favori...

- C’était à peu près la seule preuve que j’avais que tout ça, ça s’est pas passé dans ma tête. Il est dans ma chambre, tu le reprendras en partant…
- Bah non, gros couillon. C'est à toi que je l'ai donné. Déjà que tu distribues mes fleurs, va pas non plus me rendre mes cadeaux ! Tu fais chier à force, que je balance un poil vexé-e.

Son malaise me fout le seum. Oui, ok, j'ai ressuscité avec peut-être une conscience altérée par une essence divine, j'en sais trop foutre rien de comment ça se goupille ces machins là, mais je suis toujours Ciulin.

- Hey, Cal... que j'amorce avec plus de sérieux en retirant mes lunettes de soleil.
- Je te fais visiter ? qu'il me coupe en plein élan avec son sourire de beau gosse en goguette. Celui-ci, en général, il aime l'utiliser pour maquiller ce qu'il ressent vraiment. Pincement au coeur.
- ... Bah, ok s'tu veux.
- Ca a moins la classe que Tae’Alam et ça sent plus la testostérone mais on s’est pas trop mal démerdé, j'crois.
- Crois-moi, Tae'Alam, j'peux plus m'le carrer dans l'pif et pourtant c'est pas la place qui manque !

Caleb me fait faire le tour du proprio, souverain en son royaume. Vue la manière dont on le salue - militos comme civils- il est apprécié par la majorité des gens. C'est cool, mais ça me soulage pas des mes inquiétudes.

- Cal... Arrête-toi deux secondes, que je l'oblige en retenant son poignet. Je plonge mon regard dans le sien. Je sais pas ce que vous avez vécu hier : le récit de Balth' était hyper confus et j'ai rien pu tirer de Vesper. J'imagine que ça a dû être éprouvant et super zarb. Je sais pas du tout ce que ça implique d'être "Frigg". En vrai je sais même pas comment j'ai pu d'venir son avatar ! Haussement d'épaules. Mais chuis en vie, et chuis toujours moi ! Ok ?!.... Regard suppliant. Chuis toujours moi, j'te jure... que je répète d'une petite voix de moins en moins assurée, parce que j'ai franchement l'impression que ça ne le convainc pas.

- C’était à peu près la seule preuve que j’avais que tout ça, ça s’est pas passé dans ma tête. Il est dans ma chambre, tu le reprendras en partant…
- Bah non, gros couillon. C'est à toi que je l'ai donné.
Je bugge un peu… C’est quoi ce plan ?
- Euuuuh, c’est pas que j’apprécie pas le geste hein mais qu'est-ce que tu veux…
- Déjà que tu distribues mes fleurs, va pas non plus me rendre mes cadeaux ! Tu fais chier à force.

Je fronce les sourcils et souffle un long trait de fumée en lea regardant sans ciller.
- A force de quoi ?
D’être moi ? De me poser des milliards de questions parce que tout ça me semble super nébuleux ?
- Hey, Cal...
- Je te fais visiter ?
Je sais même pas pourquoi je lea coupe. Parce que la réponse me fout la trouille ?  Parce que je suis un putain de lâche ? Tout ça en même temps.
- ... Bah, ok s'tu veux.
- Ca a moins la classe que Tae’Alam et ça sent plus la testostérone mais on s’est pas trop mal démerdé, j'crois.
- Crois-moi, Tae'Alam, j'peux plus m'le carrer dans l'pif et pourtant c'est pas la place qui manque !

J’ai un pincement au cœur en songeant à notre appart. On y était bien. Mais je sais bien que les regrets ça sert à que dalle. Alors je me tourne vers le reste, mon taff…
On fait le tour du propriétaire : le baraquement qui sert aux entrainements, les baraques qu’on construit pour les réfugiés, le mur à la mémoire des morts, y’a toujours de gens qui y sont, la salle d’armement dont je suis le seul à avoir la clé, comme pour l’alcool d’ailleurs. On croise du monde et je me montre…moi-même, clin d’œil par ci, sourire par-là, vanne quand l'envie me prend… il règne une ambiance décontractée mais besogneuse. Je lui explique deux, trois trucs sur notre fonctionnement et sur les entrainements qui ont commencé chez Salomée… pardon… Le Lieutenant-Colonel.

- J’ai jamais voulu de cette responsabilité mais faut bien que quelqu’un fasse tourner la baraque, je conclue alors qu’on finit dans mon bureau. Tu veux un truc à boire ou à manger ? Je regarde ma montre en grimaçant. Putain Devane va me tuer… j’étais sensé…
- Cal... Arrête-toi deux secondes.
Bien forcé de m’arrêter, je me plante devant iel et le scrute dans les yeux. Non je vois pas de différence dans son regard.
- Je sais pas ce que vous avez vécu hier : le récit de Balth' était hyper confus et j'ai rien pu tirer de Vesper. J'imagine que ça a dû être éprouvant et super zarb.
Je hausse négligemment les épaules, l’air de rien.
- La routine.

Je repose mon cul sur le bureau et mes paumes sur mes paupières deux secondes avant de retrouver mon briquet bien en évidence sur un tas de feuilles qui représentent des plans. Cette fois j’en m’en allume une.

- La vérité, c’est qu’en recevant le message de Jarvis hier soir j’ai cru que j’allais te dire au revoir. Pour de bon. Ma voix se casse un peu et je prends une bouffée de nicotine pour le camoufler. Mais qu’à la place c’était juste le bordel et t’étais introuvable. J’avais…aucun code, aucun moyen de savoir comment naviguer entre les foutues énigmes de Frigg… grimace…les tiennes. Ton mari partait en roue libre et ta p'tite copine…se contentait de suivre. Je lui explique dans les grandes lignes ce qu’il s’est passé, faisant cette fois un rapport plus factuel qu’émotionnel. Je sais même pas comment on a réussi à te retrouver. Mais soudain t’étais là et tu t’es réveillé comme une putain de belle ou bois dormant alors que ton époux répétait que t’étais Frigg maintenant en te passant la bague au doigt. Et… je savais pas trop quoi faire de cette info…
- Je sais pas du tout ce que ça implique d'être "Frigg". En vrai je sais même pas comment j'ai pu d'venir son avatar !
J’ai un rire bref.
- Ta gueule c’est magique ? Rassurant de savoir que c’est aussi confus pour toi que pour moi…
- Mais chuis en vie, et chuis toujours moi ! Ok ?!....
Je déglutis en fouillant son regard.
- Ouais… ?

Bon comme ça on dirait plus une question qu’une affirmation. J’en ai plein en stock des comme ça. T’es certain-e ? Où est Frigg alors ? J’oublie pas « le mien » quand iel a parler du coffret.

- Chuis toujours moi, j'te jure...

Je vois bien que je suis en train de lea foutre mal. J’écrase ma cigarette dans mon cendrier bien plein et m’approche à nouveau de Ciulin essayant de ne pas me montrer trop hésitant. Je pose lentement mon front contre le sien et prends quelques secondes avant de relever mes yeux pour trouver ses deux billes bleues.

- Ok…ok… De toute façon, j’ai pas le choix… c’est iel comme iel est ou rien. Comme toujours. Et j’ai eu un très très bref aperçu du rien et ça fait beaucoup trop mal pour être supportable. Je veux pas que tu crois que je suis pas heureux que tu sois là… en vie, je veux dire. Putain c’est tout le contraire. Je m’autorise même un long soupir de soulagement. C’est juste…c’est… je redresse la tête et grimace devant mon manque d’éloquence. Putain de bordel de merde t’es devenu-e une déesse nordique, Frigg quoi ! … doublement attaché-e à Odin et je…

Je sais pas pourquoi mais je me mets à glousser comme un con… et je pars en fou rire. Je sais pas trop si ça me fait du bien ou pas mais j’arrive plus à m’arrêter, mieux j’en pleurs ! Ma vie est tellement partie en sucette ! Et je me fous allégrement de ma propre gueule. J’ai sans doute l’air d’un maboule mais je m’en fous. C’est une manière d’exorciser j’imagine. Je m’essuie le coin des yeux en inspirant à fond pour me calmer.

- Pardon… pardon… j’vais m'arrêter hein… J’en ai mal au ventre de mes conneries mais j’arrive à reprendre le dessus. Bon alors… tu vas crécher où si Tae’Alam et leurs pyjous te foutent le bourdon ?

Je ne sais pas ce qui m'écharpe le plus le palpitant : sa mine épuisée, son récit détaché ou bien cette distance qui continue de m'apparaitre comme un gouffre. Au moins, ces mots éclairent un peu mieux les images qui me trottent en tête comme de vieux souvenirs nébuleux. J'étais là, et pas là. Ciulin dormait, Frigg mettait ses amants à l'épreuve. L'idée que je ne sois plus vraiment l'un ou l'autre me fout le vertige.

- Je sais pas du tout ce que ça implique d'être "Frigg". En vrai je sais même pas comment j'ai pu d'venir son avatar !

Le ricanement de Caleb me cisaille le coeur au cran d'arrêt.

- Ta gueule c’est magique ? Rassurant de savoir que c’est aussi confus pour toi que pour moi…
- Je sais pas comment, ni pourquoi....Mais chuis en vie, et chuis toujours moi ! Ok ?!....
- Ouais… ?

Son incertitude, son manque d'affirmation, me foutent en l'air. Dans les contes, il y a toujours un prix à payer pour bénéficier d'un miracle. Le mien serait de perdre Caleb pour avoir su tromper la mort ?

- Chuis toujours moi, j'te jure...

Caleb écrase sa cigarette. Je perçois la manière subtile dont il contracte les muscles pour forcer ses gestes à garder leur fluidité. Il ne veut pas paraitre hésitant ou soupçonneux. Il prend sur lui. Je ne sais pas ce qui est le mieux. Lorsque son front épouse le mien, j'éprouve une pression douloureuse dans la poitrine. La seule pensée qui m'habite n'a absolument rien de divin : "Faites qu'il m'aime toujours... Faites qu'il 'aime toujours... Faites qu'il 'aime toujours..."

- Ok…ok… Je veux pas que tu crois que je suis pas heureux que tu sois là… en vie, je veux dire.
- Vraiment... ? Parce que.. c'est pas que je commence à douter mais... J'ai un rire misérable.
- Putain c’est tout le contraire. Il soupire à fendre l'âme, mon brave petit soldat. C’est juste…c’est....Putain de bordel de merde t’es devenu-e une déesse nordique, Frigg quoi !
- P'têt... Chuppose... Ouais....
- … Doublement attaché-e à Odin...
- Pt'êt que je l'suis depuis toujours au fond, enfin, depuis que je suis avec lui... Frigg, j'veux dire...
- ...et je…

Il part brusquement en fou-rire. Dérapage nerveux dans les grande largeur qui finit à la flotte. Caleb est à bout. Il explose comme une baudruche trop pleine de tout.

- Pardon… pardon… j’vais m'arrêter hein…
- Lâche tout, dragă. Faut qu'ça sorte, non ?

Je prends son beau visage entre mes paumes et je lui essuie le reste de larmes qui s'oublient sur ses joues. L'accalmie arrive tant bien que mal.

- Bon alors… tu vas crécher où si Tae’Alam et leurs pyjous te foutent le bourdon ?
- Ben... avec toi. Et j'ajoute soudain embarassé-e alors que ça ne m'arrive jamais. Sauf.. euh.. sauf si tu veux pas ? J'veux pas m'imposer. Je viens me couler sur son épaule comme un chaton en manque de câlin. Odin et moi, on a toujours eu des palais séparés. Un silence. Chuis habitué-e à la liberté de notre mariage, mais pas à vivre sans toi...

- Pardon… pardon… j’vais m'arrêter hein…
- Lâche tout, dragă.
- Ah bah plus…et j’me transforme en flaque…putain j’ai mal au bide. Je passe un bras contre mon ventre.
- Faut qu'ça sorte, non ?

Je hoche la tête, le visage humide, la gueule barrée d’un rictus qu’on pourrait faire passer pour un sourire. De loin et en fermant un œil.

Ciulin s’approche, essuie mes joues et je ferme les yeux tendant involontairement le cou vers iel. Mes gloussements nerveux se calment et mes doigts s’accrochent à sa veste avec force et désespoir pour plus me noyer dans ce trop plein qui semble sans fond.
Mais je referme le couvercle, je garde le reste pour plus tard parce qu’à force de me marrer comme un dératé, je risque de finir en camisole de force dans un coin. Du coup je reprends sur un sujet plus neutre, moins susceptible de chatouiller mes nerfs. Quoique… cette bonne tranche de rigolade sur mon propre destin a au moins eu le don de me calmer un peu intérieurement.  

- Bon alors… tu vas crécher où si Tae’Alam et leurs pyjous te foutent le bourdon ?
- Ben... avec toi.
- Avec…moi ?

Ma grande éloquence est de retour apparemment. Il faut dire que je ne m’attendais pas vraiment à ça. Je lea regarde un instant sans parler, les yeux grands ouverts. Bordel de merde…je rêve où Ciulin est soudain…gêné-e ? Ok ça c’est louche.

- Sauf.. euh.. sauf si tu veux pas ? J'veux pas m'imposer.
- T’imposer ? Merde je répète tout comme un foutu perroquet. T’as fini de me casser ouais ?

J’ai les coins de la bouche soulevés par un sourire radieux. Ciulin vient caler sa tête contre mon épaule et mes doigts encerclent sa nuque, la masse doucement puis se faufilent dans sa tignasse pour en prendre possession. Mon autre bras cercle sa taille et l’attire à moi, aussi proche que possible.

- Odin et moi, on a toujours eu des palais séparés.
Je pince fort mes lèvres pour pas glousser à nouveau comme une poule cinglée et lève les yeux au ciel.
- T’as clairement pas vu ma piaule pour écarter aussi vite l’idée de poser tes miches dans un palais. Et puis j’ai déjà un-e colocataire. Heureusement t’es habitué-e au ménage à trois…
Wow…j’arrive à plaisanter de ça… vraiment je dois être rincé.
- Chuis habitué-e à la liberté de notre mariage, mais pas à vivre sans toi...

Lentement je tire un peu sur ses cheveux pour redresser sa tête. La mienne arbore une expression douloureusement sérieuse. Mon nez frotte contre le sien, lentement, de bas en haut.

- J’ai failli te perdre… je croasse. Je veux pas te perdre. Je pourrais pas…

Je ne finis pas ma phrase et écrase ma bouche contre la sienne. Je l’embrasse comme j’ai pas osé le faire pendant qu’iel était diminué-e. Comme un affamé, comme un homme perdu ou qui vient au contraire de récupérer son souffle. On s’en fout des belles images après tout… Ca met mon palpitant au galop, le reste de mon corps en transe et mon cerveau aux abonnés absents. Je me force à reculer, reprendre mon souffle et même si j’ai qu’une envie, y retourner, l’expérience m’a douloureusement apprise qu’une porte non fermée à clé d’un bureau n’était pas un rempart suffisant pour laisser libre cours à mes envies, là, tout de suite.

- Au cas où c’était pas très clair, tu peux rester autant de temps que tu voudras. Mes lèvres s’étirent dans un sourire malin. Du coup…Frigg…enfin tu m’as laissé quoi dans …ta boîte à malice ? La seule histoire de coffret divin confié à l’humanité, ça s’est pas hyper bien passé…Ouais je suis une buse en mythologie nordique mais je me défends pas trop mal dans le greco-romain.

- J’ai failli te perdre… Je veux pas te perdre. Je pourrais pas…

Mon inimă explose en confettis. Une pluie d'étincelles d'dégringole de ma poitrine et me tombent dans le bide. Départ de feux. Je l'embrasse avidement, passionnément, sans plus de retenue. Malheureusement, Caleb recule mû par un sérieux que je ne lui connais pas. Le grade l'a rendu raisonnable et c'est bouche entrouverte, tendue vers lui, tel un poussin qui réclame sa béquet, que je le laisse partir. Gros soupir.

- Au cas où c’était pas très clair, tu peux rester autant de temps que tu voudras.
- Tant mieux, parce que je veux ! Je compte squatter dès maintenant. En plus j'prends pas de place, j'ai aucun bagage à par ma belle gueule et ce que je porte sur le dos.
- Du coup…Frigg…enfin tu m’as laissé quoi dans …ta boîte à malice ?
- J'te montre s'tu veux.... Tu l'as mise où ?
- La seule histoire de coffret divin confié à l’humanité, ça s’est pas hyper bien passé…
- Ah... j'avais oublié ton côté pessimisto-alarmiste qui nous pimente l'existence de dramas. Tu s'rais pas latin des fois ? Que je taquine pendu à son cou.
- Ouais je suis une buse en mythologie nordique mais je me défends pas trop mal dans le greco-romain.
- Arrête, ça m'donne envie d'te voir nu sous une toge....

Je viens chatouiller sa bouche de mes lèvres.

- J'ai bien compris qu't'avais des obligations et tout l'tralala... Mais j'ai putain d'envie d'toi. Je ponctue d'un baiser vorace auquel je coupe court aussitôt. Petit coup de nez sur le sien. Bon le "latin lover", l'est où mon coffre à trésors que j'te présente tes nouveaux jouets....... que je susurre  en l'aguichant comme si je causais de sextoys.

- Ah... j'avais oublié ton côté pessimisto-alarmiste qui nous pimente l'existence de dramas. Tu s'rais pas latin des fois ?
- Comment t’as deviné ? Je fais mine de m’étonner, les yeux exagérément ouverts. T’as vu à quelle école j’ai été, non ? Nonna est…peut-être morte. Ça me frappe soudain. Non…elle est beaucoup trop têtue et charismatique pour accepter de crever comme ça ! Je déglutis et rembraye avec une pointe de fausse note… un très bon prof. Ouais je suis une buse en mythologie nordique mais je me défends pas trop mal dans le greco-romain.
- Arrête, ça m'donne envie d'te voir nu sous une toge...
- Je porte très bien le drap. Ca fait le même effet.

Ses lèvres bécotent ma bouche et mes dents viennent les taquiner de mordillements alors que je pétris son joli p’tit cul sans aucune vergogne. Je me balance sur le fil très très mince de ma volonté après avoir dégringolé de celui de ma raison. Quel funambule ! Quel artiste ! Je m’applaudirais des deux mains si elles n’étaient pas occupées à quelque chose de bien plus agréable.
L’idée même que je vais l’avoir pour moi tout seul pendant quelques heures, voire quelques nuits complètes me donne des shoots de bonheur en plein dans le palpitant. Je sens déjà que mon assiduité au travail va en prendre un coup. Et j’en ai plus ou moins rien à carrer.

- Un jour, je vais crever d’une crise cardiaque à force de faire les montagnes russes des émotions.
- J'ai bien compris qu't'avais des obligations et tout l'tralala...
- Le tralala c’est hyper important…
- Mais j'ai putain d'envie d'toi.

Le baiser d’après me laisse fébrile et j’accompagne misérablement son geste quand iel recule, les lèvres tendues qui forment ensuite une moue déçue quand iel se contente d’un coup de nez. Je plante mon regard dans le sien, mes iris chocolat barbotant dans une faim animale.

- Ah ouais ?... Ca tombe bien, moi aussi. J'ai... Je mords sa mâchoire la dalle... Merde…ça fait quoi ? Trois ? Quatre mois ? Une éternité et demi ? Beaucoup trop long.
Je me penche pour revenir me nourrir d’iel mais apparemment j’avais posé une question avant, que j’ai oublié sur le chemin d’un fantasme d’une journée entière de baise.
- Bon le "latin lover", l'est où mon coffre à trésors que j'te présente tes nouveaux jouets…
- Ah ouais… mon loot, que je grimace. Faut que je prévienne maman Kong ou il va se mettre à ratisser la forêt ce con…

Allez, grosse inspiration. Je me décale et commence par écrire un petit mot à l’attention de Devane :

« Ciulin est là. Du coup considère que moi non pendant une heure…deux…la journée. T’auras qu’à suivre les bruits obscènes de coït pour me retrouver. Mais n’essaie pas. Bisous ! »

On a que cinq minutes à faire avant de tomber sur ma chambre que j’ouvre avec un badge.
- Faut que je te donne le double, que je lance avec un sourire ravi.

C’est une chambre d’officier. Sobre à la base.
Un lit - double, béni soit le gros égo des grandes pontes, ça doit prendre de la place – où sont accrochées dans un beau foutoir au-dessus tout un tas de photos polaroïds, les gens qui comptent, pour qui je me lève le matin (y’a Rory, Ciulin avec sa gueule fatiguée, les gars de mon unité, Devane qui roupille la bouche ouverte comme un gros bébé gorille, Vio et sa pote blondinette qui se marrent pour je sais quelle raison, j’ai même réussi à choper Riley avec Ohanzee et Salomée qui fait une tronche impayable pendant mes visites au ranch).
A côté une table de chevet est pleine de petite bouteille de la super potion de Salomon. M’en reste plus beaucoup. J’espère ne plus devoir en utiliser. Y’a aussi une armoire et une commode où trône le coffret, l’appareil photo, une pile de dossiers classés par « C’était à faire pour la semaine dernière » à « ça va c’était juste pour hier », quelques livres récupérés, mon portable qui me sert qu’à écouter de la musique. Une porte mène dans une salle de bain avec une douche et une large fenêtre que j’ai laissé ouverte pour le petit clou du spectacle : le petit chaton qui s’est roulé en boule sur mon tee-shirt jeté sur la couette.
Evidemment. Il avait de la place littéralement partout ailleurs mais il est allé coller ses poils sur mon tee-shirt.
Il s’étire d’une façon absolument et tactiquement adorable juste pour me voler la vedette… ouais c’est pas l’idée du siècle ce chaton…mais le cœur à ses raisons que la raison ignore. Il miaulasse mollement et je le récupère sur mon épaule où il vient frotter sa petite tête poilue contre ma joue en ronronnant comme un camion, les griffes plantées dans mon épaisse veste. Vachement pointus ces machins là…j’en ai des griffures plein les bras et les mains.

- J’te présente notre coloc. C’est iel qui s’est invité tout seul. Ouais on peut pas encore savoir si c’est un il ou un elle. J’ai bien essayé de m’en débarrasser mais… mais ce p’tit machin me suivait partout et… je suis qu’un faible.
Et j’avais besoin de câlins. Elle est là la vérité brute. Du menton, je lui montre le coffret.
- J’espère que c’est pas des pièces et des bijoux… ça me servira pas à grand-chose ici. Quoique... il appartenait à ta favorite non ? Elle avait pas le droit à son petit château privé ?

- Ah ouais… mon loot.
Il tire une de ses tronches.
- Fais pas cette tête, je sais que tu kiffes les gadgets....que je fais avec un sourire couillon.
- Faut que je prévienne maman Kong ou il va se mettre à ratisser la forêt ce con…
- Il va bien au fait ? J'l'ai pas vu dehors, Rory non plus d'ailleurs...

Tout en lui mordillant la nuque et le lobe de l'oreille pendant qu'il écrit, je lis en diagonale le contenu du billet doux. Je glousse dans l'épaule de Caleb.

- Il va tellement pas kiffer !

Je suis conduit-e, main dans la sienne, vers ses quartiers. Je note le lit double en me disant qu'on pourra s'y vautrer à deux. Parfait ! Je regarde les polaroïds avec un sourire nostalgique. J'effleure ma photo de petit-e cancéreux-se.

- Faudra en faire une nouvelle de moi, iubire, c'est la est pas contractu... Ooooooh Il est TROP CUTE!!!!!!!!

Je découvre un petit chaton planqué en boule dans un des T-shirt de mon mec. Une minuscule boule de poils, adorable en tout point. Caleb le récupère dans ses bras et je constate que le bestiau à déjà pris ses marques : Caleb ne s'en dépêtrera plus jamais, c'est mort.

- J’te présente notre coloc. C’est iel qui s’est invité tout seul.
- Iel ?
- Ouais on peut pas encore savoir si c’est un il ou un elle.
- Attends, t'es pas allergique toi ? que je fais en gratouillant la tête de l'animal qui piaule de bonheur.
- J’ai bien essayé de m’en débarrasser mais… mais ce p’tit machin me suivait partout et… je suis qu’un faible.

Je ricane en tripotant "Iel".

- T'as tout compris, pisoï ! Faut y aller à l'usure avec ce gadjo. Y fait genre qu'y t'aime pas au début, mais c'est pour mieux nier qu'il te kiffe... Crois en mon expérience ! Je tue dans l'œuf toutes velléités de répartie en gallochant Caleb à pleine langue. Pisoï miaule de désapprobation, visiblement jaloux qu'on lui pique son doudou. Mon regard tombe sur le félin. Hey, va falloir apprendre à partager, ok ?

Caleb me désigne le coffret du menton. J'effleure ses gravures avec un sourire et une sensation de familiarité tranquille.

- J’espère que c’est pas des pièces et des bijoux… ça me servira pas à grand-chose ici. Quoique... il appartenait à ta favorite non ?
- Fulla... fais-je d'un ton un peu rêveur qui m'étonne moi-même. Je me rappelle de sa peau de nacre, de ses grand yeux bruns de biche, de son rire charmant, mutin, de ses baisers passionnés... Pourquoi est-ce que je me souviens d'un être que je n'ai pas connu ?
- Elle avait pas le droit à son petit château privé ?
- Toutes mes suivantes habitaient avec moi à Fensalir et possédaient leurs propres appartements... Mais Fulla, Fulla restait le plus souvent avec moi. Je m'ébroue brutalement. Désolé-e... Parfois j'ai l'impression d'avoir vécu des trucs que j'ai pas vécu. C'est hyper chelou... Donc !

Je m'assoie sur le lit, le coffret sur les genoux, et je tapote à côté de moi pour que Caleb me rejoigne.

- Ce coffret ne s'ouvre que pour toi et moi... Vas-y, touche le. Je guide sa main le bois gravé et une simple caresse suffit à ouvrir la cassette sans serrure. L'intérieur semble aussi profond et obscure qu'un puits. Alors c'est un peu l'même principe que le Tardis ou la mallette de Marry Poppins. L'coffret en lui même est un artefact magique qui t'permettra de cacher c'que t'as d'plus précieux. Il est magiquement inviolable et vachement plus spacieux à l'intérieur que n'l'laisse croire l'extérieur.

Je plonge le bras dans l'ouverture qui s'engouffre jusqu'à l'épaule dedans. J'en sors une étrange manteau de plumes d'or, une sorte de cape qui donne la sensation de porter de véritable ailes. La petite chambre miroite soudain de reflet mouchetés qui illuminent le plafond et les murs.

- Avec ça, tu te transformeras en oiseau, et tu pourras voler où tu veux. Je pose l'objet à plat sur le lit et repart en quête d'un autre objet. Hum... Celui-ci est peut-être un peu dangereux à l'utilisation....J'vais juste prendre c'te partie là... Je l'extirpe quand même : un fuseau avec, autour, un fil d'une consistance si vaporeuse et translucide qu'on dirait presque de l'eau. Bon, je doute que tu saches filer ta propre laine, hein ? Moi non plus du reste, mais dans le temps, apparemment, chavais. Et j'filais des nuages... ouais... Chais pas si je suis capable d'efaire ça. ... Bon en tous les cas j'ai tous le matos dans cette boite et ça... ben.. C'est du fil de nuage. Ca porte chance. Frig était capable de prédire la destinée de chacun sur son rouet, moi, bon... c'est pas franchement certain, je sais à peine recoudre un bouton. Je ricane. Mais si tu t'accroches un morceau de ce fil avec toi, ben, je sais que tu multiplieras tes chances de survie. Suffit d'broder tes vêtements par exemple ou un truc du genre...

Je repars farfouiller dans les tréfonds et je ressors, une espèce de tige de plante sèche et cassante, vaguement taillé en pointe et rougi.

- Ceci est la branche de gui taillé en flèche qu' a tué Baldr. J'éprouve de la peine et de la colère, rien qu'à la regarder. Le deuil de ce fils que je n'ai jamais eu m'habite encore. C'est l'arme la plus puissante au monde. Elle rat'ra jamais sa cible. Prends-la en mains et elle adoptera la forme d' l'arme qui t'convient et t'ressemble le mieux...

- Hey, va falloir apprendre à partager, ok ?
J’éternue et repose le bébé chat sur le lit. Aussitôt la petite boule de poil cherche à regrimper sur ma jambe en y plantant ses griffes. Je lâche un sifflement de douleur.
- On se calme, la terreur ! Foutrement collant… Sérieux, je sais même pas pourquoi je m’inflige ça.
On passe au coffret et je fais mention de la favorite de Frigg.
- Fulla...
Ok… ce petit air rêveur… je suis pas certain de l’apprécier.
- Elle avait pas le droit à son petit château privé ?
- Toutes mes suivantes habitaient avec moi à Fensalir et possédaient leurs propres appartements... Mais Fulla, Fulla restait le plus souvent avec moi.

Ah… super… c’est bien ce que j’ai observé avant. Ciulin est carrément en train de soupirer d’amour pour une nana/suivante/favorite/j’en ai ras le cul. Parfait… va falloir que j’lea partage avec combien de personne en fait ? Je vais commencer une liste. J’suis bon en liste. Je crispe les mâchoires et claque sèchement des doigts devant ses yeux.

- La terre appelle Ciulin. J’ai une bête féroce avec moi et j’hésiterai pas à l’utiliser.
Je tente de garder un ton léger, je suis pas certain d’y arriver à cent pour cent.
- Désolé-e... Parfois j'ai l'impression d'avoir vécu des trucs que j'ai pas vécu. C'est hyper chelou...
- Tu m’en diras tant…ça résume mes plus belle cuites… je grince avec un sourire crispé.
- Donc !

J’observe attentivement Ciulin en soupirant puis pose mes fesses sur le lit. Le chaton en profite pour grimper sur mes genoux et je joue distraitement avec iel, acceptant de livrer mes mains à sa grande et puissante férocité animale.

- Ce coffret ne s'ouvre que pour toi et moi... Vas-y, touche-le.

Je m’exécute sans me sentir très à l’aise et regarde le phénomène avec un peu de méfiance. Je jette un œil dans la boite et fronce encore plus les sourcils.
Y’A. PAS. DE PUTAIN. DE FOND.

- Alors c'est un peu l'même principe que le Tardis ou la mallette de Marry Poppins. L'coffret en lui même est un artefact magique qui t'permettra de cacher c'que t'as d'plus précieux. Il est magiquement inviolable et vachement plus spacieux à l'intérieur que n'l'laisse croire l'extérieur.
- Super… j’avais justement besoin de vacances. Y’a moyen d’y trouver des cocotiers, cocktails et plages de sable doré ou pas ? Ah non… c’est peut-être pas le délire de Frigg.

Le bras de Ciulin finit avaler par le coffret et iel en sort…un truc. Je sais honnêtement pas ce que c’est… Mes gloussements nerveux sont pas loins et je me mords très fort l’intérieur de la joue. Je suis à deux doigts d’applaudir comme dans un tour de music-hall. Je palpe bêtement le coffret.

- C’est fou ça ! Ca a même pas l’air truqué ton tour ! Sans déconner… c’est quoi…? Je comptais pas faire les défilés du plus beau major de l’année. Note que je gagnerai.  
Cardo vit sa meilleure vie en essayant d’attraper les lumières et les plumes. Je lea chope juste avant qu’iel fasse des conneries et je reçois un miaulement en représailles.
- Non Cardo ! On abime pas les… capes ? de tata Frigg !
- Avec ça, tu te transformeras en oiseau, et tu pourras voler où tu veux.
- Ah oui bien sûr, je fais comme si c’était une caractéristique tout à fait normale pour un vêtement.

Il repose le machin à plume sur le lit et je dévisage Ciulin longuement puisque iel n’a pas l’air de comprendre ma stupéfaction totale alors qu’iel déroule les objets comme s’il s’agissait de la vieille valise de sa tantine chelou et qu’iel m’exposait ses reliques. Je fixe le bâton sensé être une super arme, la gueule clairement sceptique. J’ose même pas toucher quoique ce soit !

- Ohé ! On peut faire une pause deux secondes ? Dans ton monde c’est peut-être classique mais chez les Moldus c’est un peu plus le what the fuck total, là ! En oiseau ? Genre quel oiseau ? Comment ça marche ? Je m’agite un peu parce que franchement…c’est difficilement concevable tout ce bordel. Bon ok…voler ça serait …genre le pied total. Mais j’ai mon cerveau cartésien qui fait carrément des bulles là. Tu filais des nuages ? Des nuages ???? Pour lire l’avenir ??? Et tu veux que je brode mes vêtements avec des fils de…j’ai l’impression de me répéter mais… DES PUTAINS DE NUAGES.

J’ai la sensation d’avoir atterri dans le monde du septième opus de ce binoclard magicien sans avoir lu les épisodes précédents !
Je toise la « plus puissante arme du monde » qui a l’air d’avoir connu des jours meilleurs. J’ai quand même un petit ricanement qui m’échappe.  

- Elle tire une gueule ta branche ! T’es sûr-e que je vais pas plutôt choper le tétanos avec ça ? Je suppose que c’est pas la peine d’espérer un sabre laser…
J’y approche mes doigts avec prudence et dès que le bout de mes phalanges touche la branche, elle s’étire, s’épaissit jusqu’à atteindre les 1m80 ou quelque chose comme ça. J’ai un petit rire.
- Ok… C’est un Bō. J’avais testé pendant mes séances de karaté… j’étais pas mauvais mais va falloir que je m’entraine…ça demande beaucoup de discipline…et du doigté.

Est-ce que je doute de son utilité ? Un peu. Je repose doucement tout ça et fixe le butin comme si j’arrivais pas tellement à y croire, passant une main nerveuse dans ma tignasse en la décoiffant complètement. Peu importe après tout. C’est pas pour ça que j’ai…accompli la quête. C’est que du bonus…
- C’est…cool hein ! Mais … c’était pas obligé tout ça. J’veux dire… j’étais là pour toi... Je frôle la cape du bout des doigts tout en occupant le chaton de l'autre, les détails de la veille me reviennent en mémoire. Du coup... c'était une mise à l'épreuve ? Dans Fensalir... Et maintenant tu partages ta conscience avec une divinité...Tant que t'es en vie hein... j'imagine que le reste a pas d'importance. Tes chardons sont revenus ?

Plus je déballe ce qu'il y a sous son sapin, plus Caleb a les yeux qui lui sortent de la tête. Je sens vaguement qu'on frôle le craquage nerveux, aussi je décide doucement qu'on va arrêter les frais. Caleb a visiblement le même désir.

- Ohé ! On peut faire une pause deux secondes ?
-... ça fait beaucoup à avaler, pour toi, hein ?
- Dans ton monde c’est peut-être classique mais chez les Moldus c’est un peu plus le what the fuck total, là ! En oiseau ? Genre quel oiseau ?
- En faucon ou en épervier, j'confonds toujours un peu les deux...
- Comment ça marche ?
- Ben... Tu l'enfiles et pouf t'es un oiseau. Comme Harry Potter et sa cape d'Invisibilité. Tout pareil !
- Tu filais des nuages ? Des nuages ???? Pour lire l’avenir ???
- Oui, bon.... T'emballes pas, hein, moi je l'ai jamais fait... encore... mais la Frigg originelle avait ce pouvoir.
- Et tu veux que je brode mes vêtements avec des fils de…… DES PUTAINS DE NUAGES.

Je me mords la lèvre inférieure pour ne pas rire -c'est pas drôle putain, mon amoureux tourne zinzin par ma faute- mais sa tête d'ahurie est tout de même fabuleuse.

- C'est une sorte de talisman, quoi, de porte bonheur... Pour te protéger.

Je pose doucement les objets sur le plumard pendant qu'il apprivoise la branche de Gui, ce traitre.

- Elle tire une gueule ta branche !
- Elle a des millénaires, dude, va pas lui demander d'être fraiche comme un bourgeon.
- T’es sûr-e que je vais pas plutôt choper le tétanos avec ça ? Je suppose que c’est pas la peine d’espérer un sabre laser…
- Chais pas... On verra bien ce que ça te révèlera. La branche se transforme en une sorte de baton de kung-fu. Je suis un poil surpris-e. Ah oké... C'est pas spécialement ce à quoi j'avais pensé... Mais Why not !?
- Ok… C’est un Bō.
- Un "bô"... Un "Bô" pour un "Beau"... Je me marre crétinement de ma blague carambar.
- J’avais testé pendant mes séances de karaté… j’étais pas mauvais mais va falloir que je m’entraine…ça demande beaucoup de discipline…et du doigté.
- Le doigté, ça, tu gères... que je coule au creux de son oreille sur un timbre de velours. Aucun effet. Il doit être vraiment bousculé par tout ce fatras magique.
- C’est…cool hein ! Mais … c’était pas obligé tout ça.
- Comment ça ?
- J’veux dire… j’étais là pour toi...
- J'comprends pas.... Evidemment qu' je sais que tu seras toujours là pour moi. Je fronce les sourcils.
- Du coup... c'était une mise à l'épreuve ?
- Sérieux, Cal', faut faire des phrases plus complète parce que j'ai du mal à te suivre.
- Dans Fensalir...
- Ah... Chuppose. Mais c'est pas vous qu'elle testait. J'crois... Nan , chuis même sûre, qu'elle voulait juste conforter son choix avant d'me sauver.
- Et maintenant tu partages ta conscience avec une divinité...
- Nan, Cal'... Je le regarde droit dans les yeux. Si j'en crois ce que m'a dit Balth, j'ai fusionné avec elle. Elle... Elle s'est sacrifiée pour que je puisse vivre. Silence. La plupart du temps, les essences divines défoncent la conscience humaine de leur hôte. Certains lutte contre ce parasite mais la finalité est toujours la même : la conscience humaine, l'âme, est réduite à néant. Les cas de fusion comme moi et mon mari, c'est super rare parce qu'en général c'est super en défaveur du dieu en question. Frigg m'a laissée intacte. et... Chais pas encore ce que ça implique....
- Tant que t'es en vie hein... j'imagine que le reste a pas d'importance.
- Pour toi ça a de l'importance... ?
Caleb préfère répondre par une question.
- Tes chardons sont revenus ?

Je retire ma veste avec un sourire. Mes bras nus sont tatoués, comme avant, de chardons aux tiges entrelacés. Lorsque le coffret, les artefacts et le pisoï lévitent, mais fleurs s'épanouissent et sortent de ma peau.

- Intacts. Ma source de magie est complétement restaurée...

Cardo - c'est quoi ce nom pourri ?- miaule d'incompréhension et de peur. Je l'attrape au vol par le cou et le cale contre moi pour le câliner.

- Caleb... Ces objets sont à toi. C'est pas une récompense pour être aller patauger dans Fensalir... Je ne fais que restituer ce qui est à toi. Je tends mes doigts vers sa joue pour mieux la caresser. C'est toi ma "Fulla" à moi. Tu... Tu l'as pas saisi... ? Pourquoi j'ai le visage qui chauffe comme une jeune fille en fleurs, sans déconner. Je t'aime, tu comprends ?

- Ah... Chuppose. Mais c'est pas vous qu'elle testait. J'crois... Nan , chuis même sûre, qu'elle voulait juste conforter son choix avant d'me sauver.
- Donc en gros on a plaidé pour ta cause. Je passe une main sur mon visage. Et maintenant tu partages ta conscience avec une divinité...
- Nan, Cal'... Si j'en crois ce que m'a dit Balth, j'ai fusionné avec elle.
- Ah.
- Elle... Elle s'est sacrifiée pour que je puisse vivre.  La plupart du temps, les essences divines défoncent la conscience humaine de leur hôte. Certains luttent contre ce parasite mais la finalité est toujours la même : la conscience humaine, l'âme, est réduite à néant. Les cas de fusion comme moi et mon mari, c'est super rare parce qu'en général c'est super en défaveur du dieu en question. Frigg m'a laissée intacte. et... Chais pas encore ce que ça implique....
- Tant que t'es en vie hein... j'imagine que le reste a pas d'importance.
- Pour toi ça a de l'importance... ?
Je hausse les épaules.
- Pour être honnête ? J’en sais rien. Pour ça faudrait qu’on sache ce que ça implique. Je sais juste qu’on a jamais rien sans rien… J’ai une moitié de sourire. Mais… j’ai toujours eu conscience que c’était toi… comme t’es ou pas du tout. Tout comme je savais que ça allait pas… être un long fleuve tranquille.

Ciulin pense qu’on a pas été mis à l’épreuve mais c’est pas l’effet que ça me fait à moi. C’est même tout l’inverse que je ressens. Comme si… le destin ou une autre saloperie dans le genre tentait d’étirer mes sentiments au max juste pour voir si ça craquera ou pas. Bah, je vous emmerde et je suis toujours là.
- Tes chardons sont revenus ?
Ciulin dévoile sa peau dessinée et mon sourire se fait plus franc. C’est familier, normal. Ça me plait.
- Intacts. Ma source de magie est complétement restaurée...
- Et c’est le grand retour des tatouages sexy ! Un rire plus vrai m’échappe. Arrête de foutre les j’tons à mon bébé, tu veux ? Chardon, j’te présente Chardon. C’est ça que ça veut dire, Cardo, en italien. Si t’es pas content-e du choix de son nom, je t’emmerde ! C’est ma plaie à moi, ce chaton ! Et puis t’avais qu’à pas être sur le point de clamser.
Imparable comme argument de merde. Cette fois j’ai aucune hésitation quand ma main s’approche des plantes.
- C’est chouette de les revoir. Ce qui équivaut à l’euphémisme du siècle pour info.
- Caleb... Ces objets sont à toi.
Lentement et avec beaucoup plus de méfiance et de prévenance, je redépose les objets dans le coffret qui les absorbe presque.
- Merci.
- C'est pas une récompense pour être aller patauger dans Fensalir... Je ne fais que restituer ce qui est à toi.
Je redresse la tête, un sourcil arqué en reposant le couvercle en bois sur la boîte à trésors avant de la replacer sur la commode.
- Je comprends pas. C’était à Fulla tout ça, non ?  
Je penche très légèrement la tête vers ses doigts qui chatouillent ma peau.
- C'est toi ma "Fulla" à moi. Tu... Tu l'as pas saisi... ? J’ouvre la bouche mais rien ne vient. Je t'aime, tu comprends ?

J’ai le cœur qui se comprime douloureusement et je ferme brièvement les yeux, plissant les paupières comme si ça faisait mal. C’est pas le cas.

- J’ai eu peur de plus les entendre ces mots-là…tu veux pas me les redire pour que je sois certain de pas avoir été victime d’hallucination auditives ?

Non, j’étais terrifié à l’idée que ça ait pu changer : ses sentiments, ce qu’il y a entre nous, cette sorte d’alchimie évidente…que tout ça disparaisse à cause de Frigg. Lentement je m’approche jusqu’à ce qu’on soit front à front à nouveau, ma main ancrée à sa nuque.
- Je t’aime aussi, je chuchote avant de l’embrasser avec une passion aussi intacte que ses chardons retrouvés. Merde...tu vas me rendre dingue avec tout ça... Pitié… dis-moi que tu vas pas chercher les dix autres servantes… je ne plaisante qu’à moitié. J’affiche soudain un sourire coquin. Alors comme ça…j’suis ton préféré… ! Est-ce que c’est à cause de ma sublime petite gueule ? Ma langue acérée mais agile ? Mon brillant esprit d’adaptation ? Et puis, tu sais, j’suis un cartésien, alors les cadeaux magiques, c’est sympa hein mais je veux bien des preuves plus…ciuliniennes de ce favoritisme.    

Caleb affiche une expression douloureuse qui fait naitre une boule d'angoisse dans le fond de mes tripes. Et si tout ça était trop pour lui ? Et si il ne m'aimait plus ?

- J’ai eu peur de plus les entendre ces mots-là…tu veux pas me les redire pour que je sois certain de pas avoir été victime d’hallucinations auditives ?

J'ai un rire tremblant de soulagement.

- Rahat, j'ai eu peur que tu m'balances autre chose.... Je t'aime abruti ! Je t'aime ! Je t'aime ! Je t'aime ! Je t'aime ! Je t'aime ! Je t'aime ! que je balance en rafales en l'enlaçant pour me presser contre lui.

Je retrouve son regard brulant, son sourire irrésistible et j'ai la tronche qui se fend du même. Je retrouve mon Caleb.

- Je t’aime aussi...

Je lui gobe la bouche, la fièvre au corps. Là, tout de suite, j'ai juste envie qu'on fasse l'amour.

- Merde...tu vas me rendre dingue avec tout ça... Pitié… dis-moi que tu vas pas chercher les dix autres servantes…
-Tu trouves qu'on est pas assez nombreux, déjà ?! Cela dit, je ne suis pas à l'abri qu'elles me tombent dessus sans prévenir. Va savoir. Mais ça je préfère le garder pour moi. Caleb encaisse déjà mal l'idée que je sois polyamoureux-se.
- Alors comme ça…j’suis ton préféré… !
- Genre c'est un scoop....
- Est-ce que c’est à cause de ma sublime petite gueule ? Ma langue acérée mais agile ? Mon brillant esprit d’adaptation ?
- Ta touchante humilité... que je glousse en l'entrainant avec moi à l'horizontale.
- Et puis, tu sais, j’suis un cartésien, alors les cadeaux magiques, c’est sympa hein mais je veux bien des preuves plus…ciuliniennes de ce favoritisme.
- Est-ce que tu va fermer ta sublime petite gueule et utiliser ta langue agile, ou tu préfères que j'utilise la mienne pour voir comment ton esprit brillant parvient à s'adapter à l'orgasme qui va te décoller la cervelle ... ?

Toute ma carcasse crie famine et réclame sa peau contre la mienne. Je glisse mes doigts dans son futal pour mieux lui empoigner son fessier ferme qui se contracte sous ma prise. Je pousse un gémissement impudique de pure satisfaction.

- Comment j'ai pu survivre jusque là sans palper ton cul ? Je ris bêtement en me cambrant pour quémander des câlineries à ses lèvres. Baise-moi Major... C'est ta seule mission pour la journée...

- Est-ce que tu vas fermer ta sublime petite gueule et utiliser ta langue agile, ou tu préfères que j'utilise la mienne pour voir comment ton esprit brillant parvient à s'adapter à l'orgasme qui va te décoller la cervelle ... ?

On s’étale sur le matelas, la gueule barrée d’envie, de sourire et de soulagement.
- Mmm non puisque tu adores le dirty talk autant que moi et j’ai promis à Devane plein de bruits de coït. Ta langue, ma langue, j'veux tout, je vois pas bien pourquoi on se priverait ! Concernant l'orgasme du siècle... j’attends de voir…
Mes doigts s’activent déjà à retirer nos fringues et bébé chat a compris qu’il valait mieux quitter les draps. J’ai un râle profond quand iel me choppe une fesse et je réplique en lui mordant l’épaule.

- Comment j'ai pu survivre jusque-là sans palper ton cul ?
- Spoiler alert, tu n'as pas pu ! J’ai menti tout à l’heure… c’est comme ça qu’on t’a réveillé-e…j’explique en dévalant son cou de baisers. J’ai collé une de tes mains sur mes fesses et hop ! Magie. Une belle au bois dormant en plus kinky quoi…
Cette fois on glousse de concert, alors que je me dandine pour retirer mes chaussures.
- Baise-moi Major... C'est ta seule mission pour la journée...
J’ai pas besoin de me le faire dire deux fois.
- A vos ordres… je susurre.

Et c’est donc exactement ce que je me suis appliqué à faire.
Plusieurs fois, évidemment : lentement, comme une bête, avec ma bouche, mes doigts, ma queue, yeux dans les yeux, avec une langueur qui a failli nous rendre dingue, sous la douche, sur la commode (RIP petits dossiers, même la boiboite à surprise a failli y passer) contre la fenêtre et à peu près tous les murs (j’ai dit que j’étais doué pour les listes)…

Pendant cette journée, mon univers s’est résumé à cette chambre, ce lit et l’espace entre ses bras. Le reste pouvait bien s’écrouler, j’en avais très sincèrement rien à carrer. J’ai même pas menti à Devane et je crois que toute la base est plus ou moins au courant que son major préféré à passer une journée entière à s’envoyer en l’air. Je sais honnêtement pas d’où j’ai tiré toute cette énergie mais rien n’aurait pu me contraindre à arrêter.

On a finalement décidé d’un repos stratégique sauf que j’arrive même pas à dormir. J’ai beau être épuisé, physiquement, j’ai les yeux qui pétillent bien trop pour vouloir se fermer. Alors je reste là, allongé, les membres emmêlés aux siens à lea dévorer des yeux. J’ai la tête calée sur son torse et j’écoute simplement son cœur battre avec force. C’est la seule musique dont j’ai besoin. Je me repince un coup pour être certain que j’ai pas rêvé les yeux ouverts. Mes doigts s’égarent sur ses tatouages que je trace sans même y penser, heureux de les retrouver à leur place. Ils finissent par s’emmêler au sien et je finis par cercler l’anneau qui n’était pas là avant. J’ai l’envie vicieuse et puérile de l’enlever. Je devrais pas être jaloux de ça…j’ai jamais voulu me marier avant de toute façon. Mais…y’a plein de truc que je voulais pas avant Ciulin…

Favori.
C’est ma place.
Maintenant au moins, je sais et je vais pourvoir essayer de me dire que ça me suffit. L’espoir fait vivre non ?

Pour détourner mes idées, je me redresse, me part dignement d’une toge drap avec un sourire de p’tit con et récupère le polaroid. A genoux sur le matelas, je domine le corps de Ciu que je prends en photo une première fois en plongée, iel et son visage alangui et sexy.
- C’est pour remplacer les autres…Je récupère le cliché que je laisse sécher puis me penche pour l’embrasser et nous prendre en photo dans un angle improbable. Je jauge du résultat d’un œil critique. Ca donne un effet de style pas trop mal.
- Comme j’ai pu constater sur pièce que… t’étais plutôt très en forme. J’ai une mission pour toi ! Ouaiiiiis depuis que j’ai des responsabilités j’aime bien donner des ordres aux autres. C’est vachement gratifiant.
C’est faux j’étais bien plus tranquille avant mais bon... on fait pas toujours ce qu’on veut.
- J’veux aller explorer les mines ! Est-ce que j’ai les yeux qui pétillent à l’idée d’aller explorer un truc inconnu et sans doute étrange ? Ouep, tout à fait. J’ai mis la main sur des vieux plans. Tout n’a pas été exploité et on a besoin de ce charbon. Mais bon, on est à Tir Na Nog. Si y’a pas au moins un machin louche et surnaturel là-dedans ça serait pas drôle. J’veux mettre à l’épreuve une petite unité. Voir comment on se démerde devant l’inconnu. Ils s’entrainent dur pour ça et ils ont besoin de petites victoires. Et moi j’en ai ma claque de jouer au p’tit chef sans bouger mon cul. Mais je suis pas assez con pour sauter sans parachute. Tu veux bien être ce parachute ?
Ça fait plus classe que de lui demander d’être notre nounou…

Une. Journée. De. Baise.
Que personne n'entre dans cette pièce avec de la lumière noire, c'est une vraie scène de crime. On a littéralement niqué dans tous les coins. J'ai jamais autant kiffé d'être en vie ! Exténué-e, le sourire fendu d'une pommette à l'autre, je papouille distraitement la tignasse de Caleb. J'ai encore le cœur qui frétille : de plaisir, de bonheur et d'amour.

Caleb a l'air pensif. Je n'aime pas trop la manière dont il s'attarde pesamment sur l'anneau de Frigg. Avec ou sans bague, j'ai toujours été marié-e. Je m'attends à une remarque, une manifestation de sa jalousie comme à chaque fois que l'on est bien tous les deux et que ses angoisses lui reviennent en remontées acides. Mais il ne dit rien. Il quitte mes bras et je proteste mollement.

- Hum... Où tu vas ?

Il se perche au dessus de moi avec son polaroïd. La vue est sexy. Je ne peux pas m'empêcher de m'emparer de ses cuisses amoureusement.

- Qu'est-ce tu fous... ?
- C’est pour remplacer les autres…
- C'est nul si t'ai pas d'ssus...

Je l'attire à moi pour lui pelleter la trogne à pleine bouche. Il trouve quand même le moyen d'appuyer sur le bouton et de chopper son cliché.

- Comme j’ai pu constater sur pièce que… t’étais plutôt très en forme.
- Un peu moins, maintenant... que je ricane en lui mordillant un bout de menton.
- J’ai une mission pour toi !
- Quoi, déjà du boulot ?!
- Ouaiiiiis depuis que j’ai des responsabilités j’aime bien donner des ordres aux autres. C’est vachement gratifiant.
- Tu veux m'donner des ordres ? Genre... en m'attachant aux barreaux du lit... Rictus de petit con. Chuis jamais contre un peu d'bondage d'temps à autres....

Mais mon beau militaire a l'air franchement sérieux, enfin, si je peux qualifier de sérieux son air de chiot tout fou devant un os énorme.

- J’veux aller explorer les mines !
- Ah.... Maintenant ?
- J’ai mis la main sur des vieux plans.
- Sans déc... Tu les tiens d'où ?
- Tout n’a pas été exploité et on a besoin de ce charbon. Mais bon, on est à Tir Na Nog. Si y’a pas au moins un machin louche et surnaturel là-dedans ça serait pas drôle.
- C'était infesté d'vamps à une époque.  Mais ça doit plus être le cas maintenant... Les Vulpe avaient fait le grand ménage.
- J’veux mettre à l’épreuve une petite unité. Voir comment on se démerde devant l’inconnu. Ils s’entrainent dur pour ça et ils ont besoin de petites victoires. Et moi j’en ai ma claque de jouer au p’tit chef sans bouger mon cul. Mais je suis pas assez con pour sauter sans parachute. Tu veux bien être ce parachute ?
- Est-ce que t'es en train de m'demander de veiller sur ton adorable p'tit cul et ceux de tes bidasses ? Hum.... laisse-moi réfléchiiiiiiiiiiiiir..... Fais-je en faisant genre que j'ai un emploi du temps chargé, qu'il va me falloir bien plus pour me décider, avec autant de subtilité qu'une baleine dans une pataugeoire, évidemment.

- Tu veux m'donner des ordres ?
J’étire un sourire en lui croquant le nez.
- Ca te plairait… ? que je balance en jouant des sourcils.
- Genre... en m'attachant aux barreaux du lit...
- Je fais de très bon nœud. C’est fou ce qu’on vous apprend à l’armée.
Je pouffe comme un con mais l’image qui s’invite dans ma caboche me laisser un brin… rêveur.
- Chuis jamais contre un peu d'bondage d'temps à autres...

Mon expression se fait franchement plus gourmande alors que j’ai carrément tout un film qui se joue dans mon imagination, bien au chaud, et je dois littéralement me secouer pour arrêter la séance. Bordel ! Un peu de nerf Jenson ! C’est pas comme si on avait pas passé la journée à baiser. Je reprends donc un fil de pensées moins graveleux en me redressant et passe une main dans mes cheveux ébouriffés par nos ébats.

- On va garder cette idée pour plus tard. Mais c’est pas de ça dont je parlais. J’veux aller explorer les mines !
- Ah.... Maintenant ?
- Bah ouais ! On enfile un truc et go ! Je lève les yeux au ciel. Nan pas « maintenant » mais bientôt. J’ai mis la main sur des vieux plans.
- Sans déc... Tu les tiens d'où ?
- Tu me crois si j’te dis que ça faisait partie de documents enfermés dans un coffre dans mon bureau dont j’ai forcé la serrure ? Apparemment, tout n’a pas été exploité et on a besoin de ce charbon. Mais bon, on est à Tir Na Nog. Si y’a pas au moins un machin louche et surnaturel là-dedans ça serait pas drôle.
- C'était infesté d'vamps à une époque.  Mais ça doit plus être le cas maintenant... Les Vulpe avaient fait le grand ménage.
Je fais une moue déçue.
- C’est tout ? Bah écoute, je préfère me montrer prudent et pas y aller la fleur au fusil. J’veux mettre à l’épreuve une petite unité. Voir comment on se démerde devant l’inconnu. Ils s’entrainent dur pour ça et ils ont besoin de petites victoires. Et moi j’en ai ma claque de jouer au p’tit chef sans bouger mon cul. Mais je suis pas assez con pour sauter sans parachute. Tu veux bien être ce parachute ?
- Est-ce que t'es en train de m'demander de veiller sur ton adorable p'tit cul et ceux de tes bidasses ?
Je pince les lèvres qui se fendent d’un sourire que j’arrive pas à réprimer.
- Grosso modo, c’est l’idée.
- Hum.... laisse-moi réfléchiiiiiiiiiiiiir...
Je sais bien qu’iel me fait marcher mais je rentre dans son jeu.
- Alleeeeeeeez m’oblige pas à te supplier, Ciu……  On risque de tomber sur des nains revanchards, un Balrog ou des trolls des cavernes ! Ca va être fuuuuuuuuun !

Je pointe mon index sur son torse et prenant l’air le plus sérieux que j’arrive à monopoliser. Autant dire que c’est pas une réussite.
- On va tous crever là-dedans à cause de grosses bestioles dégueulasses, tu vas t’en vouloir à mort et je reviendrais te hanter pour l’éternité !
Polyvalent, j’adopte une nouvelle technique dite « yeux de Chat Potté ».
- S’teu plaiiiiiiiiiiit !
Je me mets à lea bécoter de partout en me répétant encore et encore jusqu’à ce qu’iel demande grâce.
- On sait tous les deux que tu vas finir par dire oui !

Hilare, j’ai le palpitant tellement dilaté que j’ai l’impression qu’il va exploser. Je me penche pour l’embrasser comme si tout ça allait pas durer. Ça me fout carrément la trouille à quel point je suis heureux et inconsciemment une partie de moi se recroqueville déjà dans l’attente du coup de tatane que la vie va certainement me flanquer sur la nuque quand je m’y attendrais pas. La partie la plus importante plane complètement. Je redescendrai certainement plus tard, mais là, dans cette chambre, j’oublie le Brouillard, la fin du monde, les autres (et là-dedans j’inclue m’sieur nul aux énigmes et miss promenons-nous dans la tourbe).

Je m’étale comme un tas à côté de Ciulin, épaule contre épaule et nos mains enlacées montent dans les airs pour jouer avec la lumière déclinante du jour. J’en reviens à cette bague en fronçant les sourcils et sans même que ça passe par mon cerveau, je demande soudain.

- Alors … ? Ca se passe comment si le favori veut un jour monter en grade ? J’veux dire… faire de moi un honnête homme un jour, tu vois… ? Sacré challenge hein…
Je glousse avant de me rendre compte des conneries que je profère.
- Enfin… un jour quoi… laisse tomber, je dis des conneries, je me rétracte aussitôt.

Je sais pas d’où ça sort honnêtement… et je me dis que c’est peut-être juste de la jalousie ? Ce qui serait quand même con parce que ça serait la raison la plus naze de se marier avec quelqu’un. Mais non. Enfin si y'a un fond de jalousie, on va pas se mentir. Mais ça vient aussi d’autre part. D'un endroit dont j'ignorais même l'existence jusqu'à aujourd'hui, enfoui bien loin au fond de mon être, là d'où part tout ce que j'éprouve pour Ciulin.

Une envie de lien. De serments pour la vie. D’un foyer même s’il ne sera jamais à l’image que je m’en fais vraiment.

Quand je tourne ma tête vers Ciulin, j’ai l’air abominablement sérieux et sans doute un peu fragile. Je devrais vraiment enterrer cette idée à la con tout de suite. J’ai rien d’un mari ou du gendre idéal.
C’est courir après un rôle qui m’appartient pas et m’appartiendra jamais.
Je suis très bien comme ça ! Non ?

J'observe mon beau soldat faire usage de toute sa batterie de charmes pour me convaincre. Je m'esclaffe en me faisant désirer, ployant sous la tempête de bisous qui claquent sur ma peau. J'adore le voir se contorsionner avec ses œillades de choupinet adorable. Il est tellement craquant, échevelé et nu dans mes bras.

Mon Major Sexy.
Je l'aime.

Ca m'en coupe la chique ! J'aurais jamais les bons mots pour décrire à quel point sa présence mais nécessaire. Viscéralement. Je ne peux pas m'imaginer une existence privée de lui. Inimaginable. Je fixe nos mains jointes levées vers le plafond avec une tendresse qui me fait vibrer plus fort que n'importe quel orgasme.

- Alors … ?
- Hum... ?
- Ca se passe comment si le favori veut un jour monter en grade ?
- Comment ça ?
- J’veux dire… faire de moi un honnête homme un jour, tu vois… ?

Mon palpitant fait une embardée. Une poigne glacée s'empare de mes intestins pour en faire de la gelée.

- Tu veux dire... se marier ? Toi et moi ?
- Sacré challenge hein…

Je me suis redressé-e sur un coude, interdit-e.
La première pensée qui me vient c'est que j'ai déjà un mari et je m'en veux aussitôt. Est-ce qu'Odin le permettrait à Frigg ? Il a pu se montrer si jaloux autrefois. Asmodée est différent sur ce point. Même les dieux savent évoluer, après tout. Peut-être que c'est possible. Qu'est-ce que j'en sais ? Il faut qu'on en discute lui et moi.
Néanmoins, je ne me sens pas de répondre à Caleb, qui m'offre son coeur sur un plateau : "Je dois demander à mon premier époux la permission d'abord...". Mon hésitation est si perceptible que Caleb rétropédale aussitôt.

- Enfin… un jour quoi…

Dis un truc, Ciu. Le laisse pas comme ça ! Dis un truc !

- Caleb...
-... Laisse tomber, je dis des conneries.

Ma poitrine se comprime en le voyant s'autocensurer comme ça. Je sais qu'il est jaloux d'Asmodée. Je sais qu'il aurait aimé être "le premier". Je n'ai pourtant aucune hiérarchie dans ma manière d'aimer. J'aime, un point c'est tout.
Je lui caresse la joue sans le quitter des yeux, effleurant la pulpe de sa lèvre, comme si il était la chose la plus précieuse au monde. Il l'est.

- Chais pas comment ça marche... fais-je avec honnêteté. Mais... Si ça tenait qu'à moi, je te répondrais qu' les phalanges d'mon annulaire sont assez longues pour porter deux alliances.

Ma proposition a le mérite de lea surprendre autant que moi.
J’apprendrai jamais à la fermer.
Mais on était bien, c’était l’emballement général dû à un palpitant un peu trop gonflé et ma bouche à dégueuler l’idée qui en venait tout droit, sans passer par le service de vérification d’absurdité plus grosse que moi.

D’aucun pourrait dire « Tu prends un peu trop la confiance, mon vieux ». Et ce d’aucun aurait raison. En tout cas, le loooooong silence qui suit n’est pas annonciateur de bonne chose pour la suite. Je l’observe en silence. Un silence grave qui me fait crisper les mâchoires et tout mon corps se tend en préparation de ce qui va suive. Vieux réflexes avant de me ramasser une violente mandale. Et plutôt que de me prendre un râteau monumental que j’aurais bien cherché au final, je préfère revenir en arrière aussitôt.

- Enfin… un jour quoi…
- Caleb...
Je fais la grimace parce que le ton aussi me dit rien qui vaille. J’abaisse nos mains et la récupère au passage.
- ... Laisse tomber, je dis des conneries.

Et à vous les studios ! Pitié changeons de sujet, parce que ça commence à devenir vraiment trop embarrassant (et un peu blessant aussi pour être honnête). Je souris bravement sous sa caresse. J’aimerais sincèrement rembobiner le temps de quelques minutes pour retrouver une ambiance plus légère. Je dois avoir un super don de niqueur de mood, souvent quand j’exprime un truc qui vient du cœur… mmm à méditer sur l’utilité de partager des trucs trop intimes. J’avais pas ce genre de problème quand je gardais tout bien claquemurer en moi-même. Il serait peut-être temps de recommencer.
Je me redresse quand je sens des petites pattes regrimper sur le lit. Bénis soit la diversion féline. Le chaton est en mode joueur et je lui offre mes doigts en pâture.

- Chais pas comment ça marche...
Haussement d’épaules faussement nonchalant.
- Ca a pas besoin de marcher, j’t’ai dit. On fait comme si j’avais rien dit, ça vaut mieux.
- Mais...
- Mais ? Mon regard coule dans le sien.
- Si ça tenait qu'à moi, je te répondrais qu'les phalanges d'mon annulaire sont assez longues pour porter deux alliances.

Je sais absolument pas comment je réussis à faire du rictus de base qui était prévu sur mes lèvres un sourire presque normal. « Si ça tenait qu'à Ciulin… ». Mais c’est pas le cas et savoir que je dois demander une possible permission à qui que ce soit pour quelque chose d’aussi intime me parait tellement … j’ai même pas le mot. J’ai la désagréable impression que mon bonheur sera toujours entre les mains d’autre et c’est franchement flippant. J’ai un rire plein de cailloux qui dégringolent dans mon estomac. Le chaton ronronne maintenant tranquillement sous mes gratouilles.

- Mais ça tient pas qu’à toi… et puis la polygamie est pas légale aux dernières nouvelles. T’imagines la gueule de Nonna si on la retrouve un jour ! Elle et mes ancêtres méditerranéens risquent de me maudire salement… J’ai parlé sans réfléchir comme d’hab… une autre monumentale boulette du Major Jenson. De toute façon, regardons la vérité en fasse j’ai rien d’un husband material. J’ai déjà pas grand-chose d’un boyfriend material… je balance sur un ton tout aussi nonchalant. Et puis ça changerait que dalle entre nous. T’aurais pas pris mon nom et j’aurais pas pris le tien. Les gens se marient pour quoi au juste ? Réduction d’impôts ? J’crois qu’on va plus être emmerdé avec ça…la partage de patrimoine… ouais ça aussi c’est obsolète. Les gosses ? Y’en aura pas donc… franchement on s’en passe. Je laisse de côté le reste : les vœux d’amour, la création d’une famille, le partage. Bref le reste. C’était juste…une pulsion socio-culturelle à la con. Ca change rien, je répète comme pour me convaincre moi-même.

Faut que j’arrête de babiller comme ça, ça me grille à chaque fois. Pour définitivement passer à autre chose, je lui souris à nouveau.
- T’as pas grave la dalle ? Je chercherai bien un truc à grailler…
Et ça me permettra de mettre et ça sous le tapis loin de son regard qui me transperce la couenne.  

Et je le sens s'écrouler sur lui même. Et, systématiquement, je me sens coupable de lui imposer ce que je suis.
D'être moi.

- Mais ça tient pas qu’à toi…
- Cal...
- ...et puis la polygamie est pas légale aux dernières nouvelles.
- C'est pas la question ! Il y a d'autre param...
- T’imagines la gueule de Nonna si on la retrouve un jour ! Elle et mes ancêtres méditerranéens risquent de me maudire salement… J’ai parlé sans réfléchir comme d’hab…
- T'es sérieux là ?...

Je me suis redressé-e, complétement assis-e pour le regarder dégeuler de la connerie à la minute. Ca m'estomaque, et ça me fout un peu en rogne aussi.

- ...Une autre monumentale boulette du Major Jenson.
- Caleb... que je fais , le timbre grondant. (et qui ressemble terriblement à celui du paternel)
- De toute façon, regardons la vérité en fasse j’ai rien d’un husband material. J’ai déjà pas grand-chose d’un boyfriend material… La moutarde me monte sévèrement au nez à mesure qu'il se déprécie. Et puis ça changerait que dalle entre nous. T’aurais pas pris mon nom et j’aurais pas pris le tien. Les gens se marient pour quoi au juste ? Réduction d’impôts ? J’crois qu’on va plus être emmerdé avec ça…la partage de patrimoine… ouais ça aussi c’est obsolète. Les gosses ? Y’en aura pas donc… franchement on s’en passe. C’était juste…une pulsion socio-culturelle à la con. Ca change rien...
- Taca-ti fleanca! La gifle est partie toute seule, spontanément. Nu vreau să-l mai aud vorbind!

L'atmosphère de la pièce est chargée d'électricité. J'ai les yeux qui crépitent d'or et de colère. Et les cils lourds de larmes qui ne demandent qu'à tomber. Ma nouvelle nature divine ne supporte pas ce maëlstrom de haine de soi. Frigg souffre pour son favori. Moi, je souffre d'aimer un homme merveilleux qui se défonce au pied de biche verbale.

- Franchement ! C'est dégeulasse de m'balancer une proposition d'mariage pour la piétiner dans la seconde ! C'est sacré un mariage ! Chuis Frigg, putain d'merde ! Les unions c'est MON domaine ! Si tu respectes pas ça, tu m'respectes pas...

J'ai le coeur qui palpite à mille tellement je me sens offensé-e.
Et blessée aussi.
Je me recroqueville sur moi, menton dans les genoux.

- Tu disais ça pour rigoler alors ?... P'tain... j'me sens con d'y avoir cru sérieusement.... Désolé-e d'être une déesse mariée à un dieu depuis la nuit des temps et d'pas savoir comment ça s'goupille sur l'plan terrestre quand on est un avatar.... C'est tout c'que j'voulais dire... Et si... J'l'aurais pris ton nom, si ça t'faisait plaisir. "Mari" c'est déjà l'nom que j'me suis choisi, alors pourquoi pas Jenson, hein... Putain... tu t'imagines pas à quel point c'est odieux d'te voir faire quand tu.. tu fais c'genre d'trucs ! Ca m'fait mal, c'est physique...

J'essuie l'humidité qui me rougit les yeux.

- Taca-ti fleanca! Nu vreau să-l mai aud vorbind !

La gifle me cuit encore la joue et j’ai toujours la mâchoire contractée pour l’encaisser. Elle est partie assez fort pour me faire pivoter la tête sur le côté. Et elle reste bêtement comme ça, à fixer le mur.
Les coups, je suis habitué.
Pas de la part de Ciulin.
Ce qui veut dire que j’ai franchi une limite. J’ai un léger rictus. J’ai toujours été doué pour ça.
Même le chaton a capté que quelque chose tournait pas rond. Il a cessé de ronronner et nous regarde en piaulant, plantant ses griffes dans les draps et ma cuisse pas la même occasion.
Mérité, j’imagine.
Très lentement, je déglutis et pivote pour observer la boule de poils sur ma jambe que je décroche de ma peau.

- Franchement ! C'est dégueulasse de m'balancer une proposition d'mariage pour la piétiner dans la seconde ! C'est sacré un mariage ! Chuis Frigg, putain d'merde ! Les unions c'est MON domaine ! Si tu respectes pas ça, tu m'respectes pas...
- J’ai pas dit que je les respectais pas… je réplique d’une voix blanche.

"… juste que c’était pas pour moi. Pour nous."

- Tu disais ça pour rigoler alors ?...
Non j’étais putain de sérieux. Comme si je pouvais plaisanter sur un truc pareil ? Comment j’aurais même pu avoir l’idée de balancer une idée pareille avant ? Mais ma bouche reste close pour je sais pas trop quelle raison.
- P'tain... j'me sens con d'y avoir cru sérieusement... Moi je me sens con tout court. Comme souvent. Désolé-e d'être une déesse mariée à un dieu depuis la nuit des temps et d'pas savoir comment ça s'goupille sur l'plan terrestre quand on est un avatar.... C'est tout c'que j'voulais dire...
- Ca change rien au fait que t’es déjà marié-e, j’arrive à articuler, les dents serrées.
- Et si... J'l'aurais pris ton nom, si ça t'faisait plaisir.
Je soupire et passe une main sur mon visage pour essayer de décontracter la violente crispation de mes muscles.
- C’est pas le genre de truc qu’on fait pour « faire plaisir ».
- "Mari" c'est déjà l'nom que j'me suis choisi, alors pourquoi pas Jenson, hein...
J’ose enfin l’observer du coin de l’œil et je vois qu’en plus de lea foutre en rogne, je l’ai blessé-e. Encore…
- Putain... tu t'imagines pas à quel point c'est odieux d'te voir faire quand tu... tu fais c'genre d'trucs ! Ca m'fait mal, c'est physique...
Je hausse pitoyablement les épaules.
- Désolé d’être qu’un humain parfaitement insecure sur tout un tas de trucs et perclus de traumas surtout quand ça touche les … sentiments. On m’a pas appris à… aimer comme il faut, moi-même encore moins que les autres. Et… parfois j’en encore l’impression de valoir que dalle...hormis des coups et des emmerdes… que je mérite pas d’être… bien. Et qu’espérer quoique ce soit de plus, c’est juste…vain. C’est comme ça… tu veux bien… m’aimer quand même ?

"Moi je deal bien avec tout un tas de trucs bien loin de ma zone de confort pour toi, tu sais… "

Tout doucement et très hésitant, je cherche sa main pour la nouer à la mienne. Je prends une inspiration et avoue tout bas.
- J’étais sérieux… tu crois que je balance ce genre d’idée dans le vent ? J’ai jamais eu envie de ça avec qui que ce soit. Avec toi, si… pour de vrai. Je me suis juste rappelé trop tard que … bah que c’était pas ma place, c’est tout et que ça allait simplement complexifier un truc qu’est déjà pas hyper simple. J’arrive à sourire malgré tout. J’suis le favori, ça me va.  

- Ca change rien au fait que t’es déjà marié-e.
- Et alors ?! ça change quoi, putain ? J'me marierais autant de fois que j'veux  et plusieurs fois en même temps si j'ai envie !... Et si... J'l'aurais pris ton nom, si ça t'faisait plaisir.
- C’est pas le genre de truc qu’on fait pour « faire plaisir ».
- Arrête de jouer au con ! "Mari" c'est déjà l'nom que j'me suis choisi, alors pourquoi pas Jenson, hein...?! Putain... tu t'imagines pas à quel point c'est odieux d'te voir faire quand tu... tu fais c'genre d'trucs ! Ca m'fait mal, c'est physique...
- Désolé d’être qu’un humain parfaitement insecure sur tout un tas de trucs et perclus de traumas surtout quand ça touche les … sentiments. On m’a pas appris à… aimer comme il faut, moi-même encore moins que les autres. Et… parfois j’en encore l’impression de valoir que dalle...hormis des coups et des emmerdes… que je mérite pas d’être… bien. Et qu’espérer quoique ce soit de plus, c’est juste…vain. C’est comme ça… tu veux bien… m’aimer quand même ?

Je l'écoute, le coeur en peine. Je ne supporte pas qu'il ose même se poser la question.

- Evidemment ! J' t'aimerais quoi qu'il arrive, Prost ! Et j't'apprendrais à t'aimer comme moi j't'aime. J'voudrais tellement... tellement arriver à t'convaincre qu'tu mérites d'être heureux... Mais j'ai l'impression d'jamais en faire assez pour que tu t'sentes à ta place....

Ses doigts effleurent les miens, je coule ma paume contre la sienne.  Chez elle.

- J’étais sérieux… tu crois que je balance ce genre d’idée dans le vent ?
- Chais pas... que je murmure tout bas.
- J’ai jamais eu envie de ça avec qui que ce soit. Avec toi, si… pour de vrai. Je me suis juste rappelé trop tard que … bah que c’était pas ma place, c’est tout et que ça allait simplement complexifier un truc qu’est déjà pas hyper simple. J’suis le favori, ça me va.  

Je me laisse mollement tomber contre lui, mon front dans le creux de son cou.

- Les choses sont simples, Cal : On s'aime. J'aime aussi Asmodée et Vesper. Chuis marié-e, oui, mais selon aucune loi terrestre. J'ai été choisi-e par Odin pour protéger son avatar d'sa part démoniaque et par Frigg pour l'incarner auprès d'lui. Notre amour a été l'catalyseur d'tout ça, mais j'ai prononcé aucun voeux d'vant une instance légale humaine...J'vois pas pourquoi tu pourrais pas être aussi mon mari. J'vois pas pourquoi j'pourrais pas être Ciulin Jenson. Y'a rien qui dicte que l'favori puisse pas aussi être un époux.

Un silence.

- Mais j'veux qu'Ass bénisse notre union... c'est important pour moi qu'il soit d'accord... Pour la pérennité d'notre mariage si... ben.. si on va sur c'te voie. Tu comprends ? Je suis autant à lui qu'à toi.

- C’est comme ça… tu veux bien… m’aimer quand même ?
- Evidemment ! J' t'aimerais quoi qu'il arrive, Prost !
- Même si j’te fais encore du mal ? Parce que je me leurre pas. Tout ça est si neuf pour moi que je sais d’office que je vais merder encore. Et quand je merde je te blesse.
- Et j't'apprendrais à t'aimer comme moi j't'aime.
- Vaste chantier…

J’avais jamais pris conscience d’à quel point mon enfance m’a bousillé de l’intérieur et saloper les fondations de ma confiance en moi. Parce que c’était clairement pas sur ce genre de truc que je m’attardais et être heureux c’était pas tellement le projet. C’était plus simple de laisser la vie couler tranquillement sans s’accrocher à rien ni à personne. Et ça m’évitait de me regarder en face, moi et mes problèmes.

- J'voudrais tellement... tellement arriver à t'convaincre qu'tu mérites d'être heureux...
J’ai un petit rire désabusé alors que je colle mon front au sien.
- Ouais… j’aimerais aussi…
- Mais j'ai l'impression d'jamais en faire assez pour que tu t'sentes à ta place…

Je me fige un instant et recule la tête. J’observe ma main qui a retrouvé la sienne.
- C’est pas toi…nouveau haussement d’épaules. C’est juste que… tu comprends que mes insécurités, elles se gavent goulument de…de cette situation ? Et que ça partira pas d’un coup de baguette divine ? Parfois j’arrive à leur fermer la gueule, parfois moins mais…ça n’empêche pas que je t’aime comme un dingue. J’étais sérieux… tu crois que je balance ce genre d’idée dans le vent ?
- Chais pas...
- Bah non… J’ai jamais eu envie de ça avec qui que ce soit. Avec toi, si… pour de vrai. Je me suis juste rappelé trop tard que … bah que c’était pas ma place, c’est tout et que ça allait simplement complexifier un truc qu’est déjà pas hyper simple. J’suis le favori, ça me va.  

Je pose ma tête contre la sienne et mes doigts jouent doucement avec les siens.
- Les choses sont simples, Cal : On s'aime. J'aime aussi Asmodée et Vesper. Je grimace sans rien dire. Voilà exactement pourquoi pour moi ça sera jamais aussi simple que pour iel, mais ça Ciulin a du mal à le concevoir. Chuis marié-e, oui, mais selon aucune loi terrestre. J'ai été choisi-e par Odin pour protéger son avatar d'sa part démoniaque et par Frigg pour l'incarner auprès d'lui. Notre amour a été l'catalyseur d'tout ça, mais j'ai prononcé aucun voeux d'vant une instance légale humaine...J'vois pas pourquoi tu pourrais pas être aussi mon mari. J'vois pas pourquoi j'pourrais pas être Ciulin Jenson. J’ai le cœur qui dérape salement en l’entendant mettre son prénom à côté de mon nom comme à l’idée d’être un époux. Y'a rien qui dicte que l'favori puisse pas aussi être un époux.
- Ah ouais ? Aucune loi divine ou une connerie dans le genre ?

Putain si on m’avait dit il y a quelques mois encore que j’allais tombé raide dingue amoureux de Ciulin et que j’envisagerai sérieusement de me ranger j’aurais ri si fort…Je frotte ma joue contre ses cheveux dont je respire l’odeur.
J’arriverai pas… j’arriverai plus à vivre sans iel. Je suis complètement foutu.

- Mais j'veux qu'Ass bénisse notre union… Un grognement m’échappe sans que je puisse l’arrêter. C'est important pour moi qu'il soit d'accord...
- Et s’il l’est pas hein ?
- Pour la pérennité d'notre mariage si... ben... si on va sur c'te voie. Tu comprends ? Je suis autant à lui qu'à toi.

Je me laisse retomber sur le matelas, et frotte mon visage à pleines paumes pour lui retirer toute expression chagrinée. Lorsque je les enlève, j’ai les traits bien plus neutres. Je contemple pensivement le plafond en me demandant dans quel univers j’ai le choix exactement ? Je note qu’iel parle pas de Vesper sans que je ne sache quoi faire de cette info. Je pousse un soupir résigné et me redresse pour encadrer son visage d’une main avant de l’embrasser.

- Ok… fais comme tu le sens. Si c’est important pour toi…demande-lui. On avisera après alors.
Je me rends soudain compte que j'ai réussi à gâcher un moment sensé être chouette et rendre l'autre heureux.
- Mais...t’aimerais vraiment alors ?
J’ai un sourire presque timide et je frotte du pouce le coin de la bouche de Ciulin comme si en frottant suffisamment doucement, j'arriverai à faire éclore le sien sous mes doigts à défaut d'avoir réussi avec mes mots.

- Ah ouais ? Aucune loi divine ou une connerie dans le genre ?
- J'crois pas non... Faudra juste vérifier les p'tit caractère, qu'le ciel te tombe pas sur l'coin d'la mouille ! Mais j'veux qu'Ass bénisse notre union…

Caleb manifeste son manque d'entrain pour le projet, sauf que j'ai aucune envie de faire un truc en scred.

- C'est important pour moi qu'il soit d'accord...
- Et s’il l’est pas hein ?
- Je pense pas qu'il y verra d'objections. Contrairement à toi, il ne se sent pas menacé par mes autres amoureux, pas plus que je ne me sens inquièt-e de la présence de ses autres chéris. On s'aime sans en douter.... C'est pas un reproche, hein ? Il a eu plusieurs centaines d'années pour comprendre comment il fonctionne et être en paix avec sa jalousie. Il a eu du temps pour rafistoler ce qui était cassé. Mais j'veux pas lui mentir. Humain ou dieu, ça change qu'dalle : on se dit les choses, on a pas de secrets. C'est important pour nous trois....Pour la pérennité d'notre mariage si... ben... si on va sur c'te voie. Tu comprends ? Chuis autant à lui qu'à toi.

Des mots qui, je le sais bien, il n'aime pas entendre. Pourtant, c'est la vérité et il est temps d'admettre les choses pour le bien de notre avancée commune. Parce que... mine de rien, ça me branche de me lever tous les matins en contemplant sa tronche endormie, de prendre mes petits dej' avec lui, de porter son nom ou peut-être, même, d'avoir des gosses. Je ne pourrais pas les porter, mais lui pourrait en avoir, et on les adopterait.... Ouais... Frigg appuie sur des désirs de familles que j'ai toujours enfoui au fond de moi, des désirs inconcevables pour un machin sans identité, comme moi, trans, stérile et banni-e de sa propre lignée.
J'ai besoin d'ancrage.
Asmodée est l'une de mes ancres.
Caleb en sera une autre.

- Ok… fais comme tu le sens. Si c’est important pour toi…demande-lui. On avisera après alors.
- C'est important pour nous, j'insiste sur ce point. On ira lui en parler ensemble. Il est temps que tu apprivoises l'autre homme de ma vie. Qui sait, vous allez p't'êt d'venir potes ? que j'ajoute avec un léger rictus amusé.
- Mais...t’aimerais vraiment alors ?

Je me penche vers mon adorable crétin tout pété à coeur. Je prendrais soin de reboucher chaque fissure. C'est fort-e de cette promesse que je me penche pour l'embrasser délicatement, avec toute la tendresse de l'univers au bout des lèvres.

- Tu crois que j'me foutrais dans un état pareil si ça m'tentais pas un minimum. J'fais pas dans la charité, couillon de toi ! Je frotte mon nez contre le sien avec un sourire plus franc. J'ai envie qu'tu fasses partie d'ma famille. D'ailleurs... c'est pt'êt toi qui va porter mon nom en fait... J'éclate de rire. Caleb Mari-Taur Jenson... que j'égraine avec emphase et une grosse voix dramatique avant de me rouler contre lui en me fendant la poire.

Le petit laïus sur la perfection de leur amour m’agace, me rend triste…mais en même temps, je peux pas lutter contre ça. Donc… vaut carrément mieux que je me lance même pas dans cette bataille-là.
D’un part je suis certain de partir perdant et d’autre part, j’en aurais sans doute d’autres à mener.  
Oui je suis jaloux comme un vieux pou, parce que j’ai pas la grande sagesse d’un putain de moine bouddhiste et que c'est comme ça que j'aime. Et c’est sans doute contre ça que je dois concentrer mes efforts : arrêter de me rendre malade pour ça. Parce qu’à part me faire du mal, ça m’apporte rien.  
Plus facile à dire qu’à faire hein ?
Se résigner. Encaisser. Passer à autre chose.
Dans cet ordre.

- Ok… fais comme tu le sens. Si c’est important pour toi…demande-lui. On avisera après alors.
- C'est important pour nous.
Vague mouvement de la main.
- Si tu le dis…
- On ira lui en parler ensemble.
Je me redresse en fronçant les sourcils.
- Quoi ? Oh non… ! Nope, nope, nope… J’ai déjà eu ma dose de moments gênants et chiants dans ma vie merci bien…
Mais Ciulin insiste.
- Il est temps que tu apprivoises l'autre homme de ma vie.
Ma bouche se tord dans une sorte de sourire. Pourquoi faire au juste ?
- Wooooow…apprivoiser carrément. J’amène un fouet pour lui apprendre des tours aussi ou… Long, trèèèès long soupir. Je peux pas me contenter de lui faire coucou de loin ? D’autant qu’il a pas l’air d’avoir spécialement envie de me voir non plus hein…
- Qui sait, vous allez p't'êt d'venir potes ?
La chose me laisse un instant sur le cul puis j’éclate de rire. Un peu nerveux pour être honnête.  
- Je trouve ton optimisme adorable ! Espère pas trop… m’en demande pas trop ok ? que je fais, la mine attendrie malgré moi en lui caressant la joue du dos de mes phalange. Mais... t’aimerais vraiment alors ? Je parle du mariage…tout ça…

Je souris plus franchement contre cette bouche qui me délivre une tendresse que je croyais pas faite pour moi non plus.

- Tu crois que j'me foutrais dans un état pareil si ça m'tentais pas un minimum.
- Chais pas… je souffle pour reprendre ses mots, les yeux pétillants. Peut-être que je te fais juste pitié !
- J'fais pas dans la charité, couillon de toi !
- La charité...tout de suite les grands mots... c'est juste parce que je suis canon alors ! C'est tout.
- J'ai envie qu'tu fasses partie d'ma famille.
Je lui rends son frottement de nez.
- Et toi de la mienne.
- D'ailleurs... c'est pt'êt toi qui va porter mon nom en fait...
Je croque son menton en représailles.
- Ahaha. Même pas en rêve. Et puis tu penses un peu à mes gars ? Trop de changement tue le changement.  
- Caleb Mari-Taur Jenson...
- Ciulin Jenson Mari-Taur, je réplique du tac au tac en lea serrant contre moi. Ça me plait bien… Et techniquement y’en manque un. Je suis né O’Cahan. Mais je te fais grâce de celui-là. Personne n’en veut…

J’en ai envie.
J’en ai beaucoup trop envie.
Et c’est pour ça que je vais devoir lutter.
Contre moi-même.

Je roule soudain pour surplomber Ciulin que j’observe avec gravité. Mon pouce voyage de sa pommette jusqu’à ses lèvres.
- Ok… on ira le voir ensemble. Petit air goguenard. Franchement, qu’est-ce que je ferai pas pour toi hein ? avant de me pencher pour l’embrasser encore. Et encore.  

Et cette lutte doit commencer aujourd’hui et maintenant si je veux que les choses aillent dans le bon sens.
Vers ce qui me rend heureux.
C’est pas la plus belle des batailles après tout ?