◈العالم بعد◈
"Monde d'après"

Les yeux grands ouverts, j'observe Keelan dormir, le visage paisible, les traits détendus. Sa respiration sereine est une mélodie qui m'émeut. (Parfois, il s'ébroue d'une petit ronflement avant de replonger profondément dans ses rêves...Adorable...) Il était terriblement épuisé, hier. Le nez enfoui dans mon cou pour mieux s'emmitoufler dans mon odeur, il a fini par s'endormir.
Pour ma part, le sommeil m'a déserté. Tant de choses sont survenues en si peu de temps. Mon esprit a eu besoin de décanter. Le franc parler d'Elie et de l'humour de Ciulin, me manquent. Leur absence me creuse la poitrine. Je ne suis pas aussi fort qu'eux pour affronter les obstacles et m'en relever.
Mais, je le dois. Je lui dois.
Je joue avec quelques mèche de cheveux blond du loup en m'interrogeant fugacement sur la couleur de son pelage de loup.

Je déglutis.

Hier, Keelan est sorti malencontreusement du placard.
Hier, il a été discriminé  par un de ses frères de meute et ami.
Hier, il a eu une crise de violence sans précédent.
Hier, nous nous sommes avoué mutuellement que nous nous aimions.

Je le contemple à nouveau, lui et son faciès si particulier, escarpé et doux à la fois. Est-ce que j'ai foutu ta vie en l'air, Keelan ? Je caresse délicatement sa joue piquetée de poil. Trahir Amon m'est déjà lourd, mais la perspective d'avoir aggravé la position du loup au sein de sa meute pèse en plus sur ma culpabilité.

Hier, tout était différent.
Aujourd'hui, son monde va se trouver singulièrement bousculé. Il va lui falloir affronter les regards en biais, les rumeurs, la défiance de ceux qu'il considère comme appartenant à sa famille. Il sera puni pour s'être révolté contre des propos homophobes et injurieux. Il devra vivre avec la résurgence de ses vieux traumatismes en permanence.
Tout ça, c'est à cause de moi. J'ai tout chamboulé, à commencer par mon propre cœur.

Keelan émerge doucement et un sourire fleurit sur mes lèvres sans que j'en ai vraiment conscience immédiatement. Mon coeur pétille entre mes côte.

- Salut, mon Loup-au-Bois-Dormant.... Baiser léger sur ses lèvres. Bien dormi ? Prêt à affronter le Monde ?

Il ne sera pas tendre avec nous, mon cœur, alors puise tout ce dont tu as besoin d'amour maintenant, dans mes bras.

Finalement, il n’y a pas eu de moments légers devant une série niaise.
A bout de force, vidé émotionnellement et physiquement, Keelan s’est endormi comme une masse, le nez plein du parfum de Nathan, ses bras cerclés autour de son corps. En paix, enfin pour la première fois de la soirée.
Il sait, avec une certitude qui n’a rien de scientifiquement prouvée, que tant qu’il aura ses petits moments pour se ressourcer avec son amant, il pourra affronter tous les lendemains.

Son sommeil n’est pas toujours réparateur. Il rêve. Beaucoup depuis quelques temps. Des rêves pas toujours désagréables dont il ne se rappelle plus la teneur le plus souvent.
Il quitte finalement les bras de Morphée petit à petit et fronce le nez de dépit. Il bouge un peu, ouvre les yeux et tombe sur le visage souriant de Nathan. Mécaniquement, il le lui rend en plus vaporeux et ensommeillé, les traits encore chiffonnés. Sa main s’échappe des draps pour caresser sa joue.

- Hey…coule-t-il d’une voix encore rauque, digne d’un crooner.  
- Salut, mon Loup-au-Bois-Dormant...
Il attrape sa nuque pour bécoter un peu plus ses lèvres bien trop promptes à s’échapper.
- Bien dormi ?
- Hum hum… j’ai dormi. On va se contenter de ça.

Il note les cernes du djinn qui le réveille un peu plus. Les évènements de la veille, qui lui semblaient un peu flous au réveil, reviennent à son bon souvenir. Certains sont bien plus agréables que d’autre.
Il a failli tuer Chung, tout le monde va le savoir et les rumeurs vont allées bon train au Mess ce matin.
"Mais je l'aime et il m'aime." Et la sensation d'aimé et d'être aimé en retour, sans honte, sans dégoût, vaut toutes les épreuves du monde. Elles ont jalonnés toute sa vie et il est encore là.
Il se hisse toutefois sur un coude, l’air inquiet et frôle du pouce la peau violacée sous les yeux bleus du maritin.

- Pas toi apparemment… j’ai vraiment perdu mon super-pouvoir alors…
- Prêt à affronter le Monde ?
Gros soupir. Affronter les conséquences de son geste, les regards interrogateurs, la punition, le rejet peut-être ? Il passe une main lasse sur son visage puis sourit avant de rabattre le drap par-dessus leurs têtes.
- Non. Je propose qu’on emmerde le Monde et qu’on reste là ! Il n’aurait qu’à faire sans nous.
Il rit tout bas, sachant parfaitement qu’on viendrait les tirer de là rapidement.
- A ton avis, qui se rendrait compte en premier de notre disparition ?  

Keelan pivote sur le flanc pour faire face à Nathan et laisse courir le bout de ses doigts sur le corps du djinn avec un petit sourire malin tout en déposant quelques baisers le long de son cou.

- On aurait bien besoin d’un peu de lumière là-dessous.

Il recule finalement, sans cesser ses frôlements sur sa peau. Le visage plus grave, il contemple le jeune homme, le cœur dilaté par un sentiment neuf de plénitude qu’il n’a pas envie de voir disparaitre tout de suite.

- Tu veux me dire ? Ce qui a trotté dans ta tête toute la nuit et t’a empêché de dormir ?

- Hum hum… j’ai dormi. On va se contenter de ça. Pas toi apparemment…
- Ca se voit tant que ça ?
- J’ai vraiment perdu mon super-pouvoir alors…
- Mais non ! Je pouffe. Il sait juste passé beaucoup de choses hier, j'avais besoin d'y réfléchir et...  la nuit a filé sans que je ne m'en rendes compte. Je bécote ce pousse inquisiteur avec un sourire. Prêt à affronter le Monde ?

Le soupir de Keelan en dit long sur son état d'esprit. Il rabat le drap sur nos têtes et j'éclate de rire.

- Non. Je propose qu’on emmerde le Monde et qu’on reste là ! Il n’aurait qu’à faire sans nous.
- C'est ça ! Vivons d'amour et d'oxygène, jusqu'à ce qu'on meurt de faim et de déshydratation !
- A ton avis, qui se rendrait compte en premier de notre disparition ?  

Je me tourne vers lui et je lis dans son regard qu'il a le même nom sur le bout de la langue.

- Hui... Quoi que Shane n'est pas loin derrière, mais Hui définitivement ! Elle ne peut rien faire sans nous ...
- On aurait bien besoin d’un peu de lumière là-dessous.

Keelan me caresse et mon souffle se fait plus haché. J'ai beau être épuisé, mon corps réagit avec une honnêteté quasi pavlovienne : ma peau grêle, s'électrise, révèle certains tatouages, mon bas-ventre se tend et j'ouvre la bouche en quête de la sienne. C'est terrifiant à quel point il peut faire de moi ce dont il a envie. Une chance qu'il ne soit pas mal attentionné.
Il reflue et mon réflexe premier est de le retenir. Ses prunelles inquiètes m'empêchent de poursuivre sur cette pente sulfureuse.

- Tu veux me dire ? Ce qui a trotté dans ta tête toute la nuit et t’a empêché de dormir ?

A moi de soupirer longuement.

- ....Je me suis rappelé mes années où j'étais moi-même dans le placard, mon coming-out catastrophique qui s'est soldé par un mort et la perte totale de mes amis à part Hui. Je me suis demandé comment les autres loups gays vivaient leur sexualité, si les autres lycans les avaient chassé de leur meute ou simplement exterminés, si il y en avait parmi les Abyssaux qui se cachaient, j'ai repensé à ma déclaration d'amour en te regardant roupiller comme un bébé, je suis resté des heures à me rouler dans des "il est adorable quand il ronfle", "Oooh j'avais pas remarqué qu'il avait les cils si longs", "Qu'est-ce qu'il est beau...", "Est-ce que j'ai gâché sa vie ?", "Quel sera le futur si on sort enfin des bunkers ?", " à quoi pourraient ressembler génétiquement nos bébés ?".... Bref, j'ai gambergé comme un crétin.

La peau de Nathan s’illumine par endroit, teintant de bleu leur « abri » très provisoire. Il en profite pour se gorger de ses expressions. Voir l’effet qu’il a sur Nathan est une drogue dont il ne se lasse pas. Ses réactions sont brutes, spontanées sans aucune retenu. Le désir entre eux est naturel, consenti, joueur parfois. C’est terriblement grisant et l’appelle à continuer, encore et encore.
Mais il doit d’abord faire taire ses inquiétudes.

- Tu veux me dire ? Ce qui a trotté dans ta tête toute la nuit et t’a empêché de dormir ?
Le soupir qu’il pousse n’annonce rien de bon.

- ....Je me suis rappelé mes années où j'étais moi-même dans le placard, mon coming-out catastrophique qui s'est soldé par un mort et la perte totale de mes amis à part Hui.
Keelan se mord la lèvre.
- Je suis désolé… je me doute que ça ne doit pas être simple de m’accompagner dans cette sortie de placard et que ça te fait remonter des souvenirs pas très agréable.
Il se cale contre son épaule, penche la tête jusqu’à ce qu’il touche la sienne alors que ses doigts viennent jouer avec les siens. Il mesure parfaitement l’effort que cela lui demande.
- Merci d’être là…
- Je me suis demandé comment les autres loups gays vivaient leur sexualité, si les autres lycans les avaient chassés de leur meute ou simplement exterminés, si il y en avait parmi les Abyssaux qui se cachaient.
Il déglutit plusieurs fois avant de répondre.
- Selon Remus…ceux qui étaient découvert se faisaient tuer. Mais tout dépend de la Meute dans laquelle tu te trouves j’imagine et … l’Alpha qui la dirige. Colgan a ses défauts mais jamais il ne ferait une chose pareille. Mais c’est…plus simple de se cacher j’imagine. Même si ça veut dire te retirer toute possibilité de vivre une relation.
- J'ai repensé à ma déclaration d'amour en te regardant roupiller comme un bébé…je suis resté des heures à me rouler dans des "il est adorable quand il ronfle", "Oooh j'avais pas remarqué qu'il avait les cils si longs", "Qu'est-ce qu'il est beau...", "Est-ce que j'ai gâché sa vie ?", "Quel sera le futur si on sort enfin des bunkers ?", " à quoi pourraient ressembler génétiquement nos bébés ?".... Bref, j'ai gambergé comme un crétin.

Keelan rougit un peu et écarquille les yeux avant d’éclater de rire et d’embrasser spontanément le crâne de Nathan.
- Wow… on peut dire que tu as été loin mon adorable crétin ! Tu m’as regardé dormir ? Il grimace. Une chance que j’ai pas bavé…Et si on pouvait avoir des enfants, je pense qu’ils seraient tout en nez. Du genre à mettre Cyrano en pamoison, t’es pas d’accord ? Mais les bébés c’est très surfait : tu sues sang et eaux pour eux, tu les nourris, tu les câlines tout ça pour qu’un jour ils refusent que tu les prennes dans tes bras parce que c’est « gênant » et t’abandonne comme une merde sur le bord de la route pendant qu’ils foncent à cent à l’heure loin de toi…Je recommande pas.

Il vient soudain se percher au-dessus de lui, l’expression bien plus sérieuse, se pressant contre son corps sous le couvert des draps.
- Tu ne me gâche pas la vie, ôte-toi cette idée de la tête. C’est même tout le contraire. J’aurais jamais cru… une émotion certaine l’empêche d’aller plus loin et il met quelques secondes à reprendre, j’aurais jamais cru qu’un jour, j’aurais la chance de rencontrer quelqu’un comme toi…ni d’en être aimé. Il contemple son visage avec un brin de mélancolie. Je ne sais pas ce qui nous attend dehors. Sans doute que le monde aurait radicalement changer et qu’on devra s’adapter.
Peut-être que Nathan retrouvera Amon… peut-être qu’une fois en sa présence, il se rappellera de tout ce qui les lie, de tout ce qui les rapproche, de l’amour qu’il lui porte aussi. Il retrouvera un compagnon d’éternité. Keelan ne pourra jamais la lui promettre.
- Est-ce que tu me trouves horrible si je te dis que je ne suis pas si pressé que ça de sortir ? Il a un petit rire. C’est foutrement égoïste mais je préfère rester là, sous les draps…avec toi.
Il ploie pour l'embrasser avec empressement. Puis ses lèvres glissent dans son cou jusqu'à être arrêté par le tissu de son tee-shirt. Et il a beau tiré sur le bas du vêtement, il n'a pas accès à bien plus de peau. Alors il remonte prendre possession de sa bouche jusqu'à en faire oublier au cerveau de Nathan tout envie de se poser des questions.  

- Wow… on peut dire que tu as été loin mon adorable crétin !

Je ricane avec dérision.

- Gros cerveau, grosses pérégrinations dans le n'importe quoi... Tu as déjà fait du saut de mouton de lien en lien dans Wikipédia ?... Bah pareil.
- Tu m’as regardé dormir ?
- Oui... C'était absolument charmant.

Il grimace et ça me fait sourire bêtement.

- Une chance que j’ai pas bavé…Et si on pouvait avoir des enfants, je pense qu’ils seraient tout en nez. Du genre à mettre Cyrano en pamoison, t’es pas d’accord ?
- AHAHA ! Si, carrément ! De petits pifs sur pattes.
- Mais les bébés c’est très surfait : tu sues sang et eaux pour eux, tu les nourris, tu les câlines tout ça pour qu’un jour ils refusent que tu les prennes dans tes bras parce que c’est « gênant » et t’abandonne comme une merde sur le bord de la route pendant qu’ils foncent à cent à l’heure loin de toi…Je recommande pas.
- Oups, traumatisme parental encore frais, hein... ? Désolé, mon coeur.

Je lui caresse tendrement la joue. Keelan vient emplir tout mon champ de vision et j'en profite pour plonger mes doigts dans sa tignasse ébouriffée du matin. Il a l'air de vouloir me confier quelque chose qui lui pèse.

- Quoi.. ? que j'encourage avec douceur.
- Tu ne me gâches pas la vie, ôte-toi cette idée de la tête. C’est même tout le contraire. J’aurais jamais cru…
- Cru quoi, Kee... ? fais-je à mi-voix, tout en caressant ses pommettes des pouces. L'émotion se roule en boule dans la gorge de Keelan comme un hérisson.
- J’aurais jamais cru qu’un jour, j’aurais la chance de rencontrer quelqu’un comme toi…ni d’en être aimé.

Mon coeur passe au presse-agrume. Son jus gorgé de pulpe coule en cascade entre mes côtes. Quand il me contemple de cette manière, j'ai l'impression de changer d'état et de matière toutes les deux secondes.

- Je ne sais pas ce qui nous attend dehors. Sans doute que le monde aurait radicalement changé et qu’on devra s’adapter.
- Je m'en fous, du moment que tu restes avec moi, dis-je spontanément, oblitérant mes réflexions nocturne sur Unseelie, nos chances de survie, mes retrouvailles possibles avec Amon, les scénarios envisagés quant à la manière de lui présenter les choses et leurs issues qui me donnent perdant de toute manière.
- Est-ce que tu me trouves horrible si je te dis que je ne suis pas si pressé que ça de sortir ?

Son rire fait écho au mien.

- Non... Ou alors moi aussi je suis horrible.
- C’est foutrement égoïste mais je préfère rester là, sous les draps…avec toi.
- Je valide ce plan.... que je souffle avant de le perdre.

Je le laisse m'envahir avec sa tendresse, son amour et sa déraison. Je gémis faiblement en le sentant martyriser mon T-shirt.

- Déchire-le... que je supplie entre deux baisers fiévreux.

J'ai l'impression de flotter dans une poche amniotique de plaisir. Ma cervelle déraille et perd tout fil conducteur. Ce qui se trouve au delà de la porte de mes quartiers n'a plus la moindre importance. Le monde c'est juste Keelan et moi.

- Je ne sais pas ce qui nous attend dehors. Sans doute que le monde aurait radicalement changé et qu’on devra s’adapter.
- Je m'en fous, du moment que tu restes avec moi.
Keelan redresse la tête pour le regarder dans les yeux.
- Je t’ai déjà dit Nathan… je resterai avec toi autant de temps que tu le voudras et à la place que tu voudras bien me donner. Ami, amant… il hésite avant d’ajouter, compagnon... je serai là. Est-ce que tu me trouves horrible si je te dis que je ne suis pas si pressé que ça de sortir ?
- Non... Ou alors moi aussi je suis horrible.
- Bien. Soyons horribles ensemble. C’est foutrement égoïste mais je préfère rester là, sous les draps…avec toi.
- Je valide ce plan...

Il rit à nouveau avant de retourner s’attaquer à sa peau, vite frustré par la présence de ce tee-shirt qui l’empêche d’assouvir sa faim qu’il tente de satisfaire ailleurs.

- Déchire-le...
Cette supplique allume une lueur fauve dans les yeux du loup. Son nez trace une ligne dans son cou et inspire son parfum avant que Keelan ne referme ses dents sur la chair. Pas aussi fort qu’il le voudrait, assez pour y planter une marque.
Il se redresse ensuite et prend tout son temps pour refermer ses doigts sur le col du tee-shirt. Sourire féroce aux lèvres, iris bleus plantés dans les siens, il déchire brusquement le vêtement dans toute sa longueur. Le son du tissu martyrisé lui procure une violente satisfaction.

- Tous tes tee-shirts risquent d’y passer… surtout avant la pleine lune.

Sa voix est terriblement plus rauque. Keelan le débarrasse rapidement du pauvre reliquat de vêtement et se jette presque sur ce torse nu offert qu’il baise, mordille délicatement sans laisser de trace et dont il suit les dessins qui s’allument du bout de la langue. Il finit par revenir vers ses lèvres, la respiration plus rapide, le cœur emballé dans une course folle.  
Il comprend enfin cette volonté de marquer l’autre, cet instinct possessif qui le pousse à refermer ses crocs sur la chair pour la faire sienne. Mais Keelan lutte contre cette envie.

Il n’en a pas le droit.
Nathan n’est pas un objet.
Il ne le traitera pas comme lui a été traité.

En réponse à cette résolution, ses baisers se font plus tendres, plus doux, mais aussi plus frustrants d’une certaine façon pour le loup en lui.
Il donnerait n’importe quoi pour effacer les marques que son ancien amant et Alpha lui a infligées. Il se souvient soudain des capacités du djinn et il s’écarte.
- Tu m’as bien dit que tu pouvais retirer mes cicatrices ? souffle-t-il avec une certaine hésitation. Remus…en a laissé d’autres que dans mon cou. Sur moi.
Lentement, il prend sa main et la guide sur son corps.

- Là. Son aine.
- Là. L’intérieur de sa cuisse.
- Et puis là aussi. Il passe à l’arrière, sur sa fesse.
- Et ici. La main remonte et s’arrête près de son cœur qui s’affole toujours au contact du djinn. Celle-là…je l’avais charcuté avec un couteau pour la rendre moins visible et miraculeusement, c’est resté. Tu peux me les enlever s’il te plait ?
Devenir une toile vierge à nouveau.
Sur laquelle inscrire d'autres marques...voulues et désirées cette fois.

Combustion spontanée.
L'oeillade de Keelan m'enflamme comme du petit bois. Je soutiens son regard prédateur, attendant le passage à l'acte consenti par mes soins. Je retiens ma respiration. Le coton produit une plainte déchirante. Mes poumons relâchent tout leur air dans un élan de satisfaction primitive.

- Tous tes tee-shirts risquent d’y passer… surtout avant la pleine lune.
- Tant pis, je dormirais nu... Tu ne t'en plaindra pas, n'est-ce pas ? dis-je en accueillant voluptueusement ses appétits d'un sourire malicieux.

Je me mords la lèvre, réprimant les gémissements indécents qui s'évadent de ma gorge. Mes doigts ont soif de contact et de chair nue. Je me cambre pour accentuer la pression de mon corps contre le sien. Sa barbe drue sollicite la sensibilité de ma peau à chaque baiser. Je suis pris dans un tourbillon de sensualité dont il est l'épicentre. Je suis ivre de lui.

- Tu m’as bien dit que tu pouvais retirer mes cicatrices ? confesse alors Keelan entre deux démonstrations de tendresse plus retenues.
- Oui... Pourquoi... ? fais-je en le regardant droit dans les yeux.
- Remus…en a laissé d’autres que dans mon cou. Sur moi.
- J'effacerais l'emprise qu'il a eu sur ton corps... et ton coeur, sans doute... Avec joie. Montre-moi.

Keelan s'exécute et je frémis tant ce voyage sur les chemins de son intilité est à la fois érotique et terrible. Remus a marqué mon pauvre loup comme du bétail. J'éprouve une profonde tristesse tant pour Keelan que pour son bourreau. Ce que ces morsures racontent c'est l'amour d'un homme
pour un autre, un sentiment malheureusement moins fort que sa propre haine de lui pour avoir succombé à cette attirance "anormale". Une affection possessive, maladive, insupportable tant pour la victime que pour le persécuteur.
Tragique.

- Laisse-moi te libérer...

Et lentement, je dépose un baiser réparateur sur chacune des cicatrices, effaçant -je l'espère- le souvenir pesant qui va avec. J'effeuille Keelan, peu à peu, laissant courir mes lèvres sur son derme doré. Je m'attarde sur son torse, le regard crépitant de magie élémentaire. Mon eau l'enveloppe tout entier, ôtant les fers visibles qui l'enchainaient au passé.

Ce coeur est mien, Rémus.
Adieux.

Keelan garde les yeux baissés… de honte, un peu de chagrin aussi. La question que Nathan lui a posé au tout début de leur relation tourne parfois souvent dans son esprit en ce moment.
A-t-il aimé Rémus ? Peut-être, sans doute.
Par choix ? Moins sûr.
Il était plus facile de se dire qu’il était amoureux, qu’il acceptait tout cela par amour plutôt que par lâcheté.
Lui montrer ces cicatrices lui coûte. Elles sont les marques de sa faiblesse, de son asservissement. Mais il les confie malgré tout à Nathan. Parce qu’il sait qu’il ne le jugera pas, parce qu’il a le pouvoir d’effacer l’empreinte physique de ses crocs dont il n’a jamais voulu sur sa peau mais aussi de la replacer par quelque chose de plus doux, de plus vrai et honnête.

- Laisse-moi te libérer...

Keelan hoche la tête puis se laisse déshabiller. Allongé sur le matelas, il frémit à chaque passage des lèvres de Nathan sur les boursouflures qui le balafrent profondément, soupire lorsqu’elles s’égarent sur le reste de sa peau. Son odeur change subtilement et se charge du parfum de la pluie juste avant une averse. Peut-être qu’en d’autres circonstances, il aurait admiré le spectacle de son eau dansante autour de lui, mais il garde les yeux braqués sur le djinn.

Son si bel amour…
Si merveilleusement inattendu…
Si parfaitement imparfait…

Lorsque l’eau se retire, Keelan sait que tout est fini, que son corps est libéré d’un fardeau qu’il portait depuis bien trop longtemps. Il laisse échapper quelques larmes qu’il ne sent même pas.
C’est un premier pas.
Un premier poids en moins.
Petit à petit, il se délestera de tout ce qui l’enchaine encore à cet homme avec qui il aurait pu vivre une belle histoire, mais qui a préféré salir des sentiments naturels et lui faire vivre un enfer.
Brusquement il attire Nathan contre lui, l’étreint avec force. Front à front, il braque son regard dans le sien.

- Merci…

Le cœur serré, morcelé encore, il vient chercher l’oxygène de Nathan, la douceur de ses lèvres. Il se noie dans son souffle alors que ses mains se font malgré tout délicieusement possessives sur le corps du jeune homme. Pour autant, c’est de sa possessivité à lui dont Keelan a besoin pour supprimer définitivement la dernière empreinte de la main mise que Rémus avait sur lui.

- Je t’aime, anone-t-il contre sa bouche… aime-moi toi aussi, s’il te plait… aime-moi pour tout recommencer et l’oublier…

Et pour illustrer plus clairement son propos, il se tourne pour lui présenter son dos et plaque plus fermement ses fesses contre le bassin de Nathan.

Son remerciement résonne encore longuement en moi alors qu'il m'embrasse et m'embrase. J'ai la sensation de tenir entre mes mains un secret inestimable, si bien gardé qu'il ignore lui même sa valeur.

- Je t’aime....aime-moi toi aussi, s’il te plait…
- Oh, Keelan... fais-je étranglé par l'émotion qu'il génère en moi.
- Aime-moi pour tout recommencer et l’oublier…
- Je t'aime Keelan, de tout mon coeur....

Redressé sur les genoux, je repousse le drap qui nous sert de ciel. Je me délecte de la vision de ce dos sur lequelle j'ai si longtemps fantasmé. Mes doigts sillonnent de sa nuque à ses reins, avec une sensation exquise de satisfaction. Cet homme, ce loup, m'a choisi, moi. Il ne savait rien de moi, et pourtant il me voulait, intensément.
Il a besoin de moi.
J'ai besoin de lui.
Je me sens utile et plus légitime que jamais auprès de lui.

- Si tu savais comme j'ai pu contempler ce dos en catimini en l'imaginant se cambrer de plaisir...

Je me mords la lèvres en le sentant relever le bassin et frotter contre ma verge. Je m'approprie le galbe de ses fesses à deux mains. L'une s'en va cajoler l'avant quand l'autre vient caresser l'intérieur de ses courbes arrières. J'embrasse les fossettes de son coccyx en laissant mon pouvoir infuser en lui, le préparer à m'accepter.

- Tu es sublime, Keelan. Je retire ce qu'il me reste de vêtements. Tu m'es infiniment précieux... Je remonte l'échelle de sa colonne vertébrale en embrassant chaque vertèbre jusqu'à m'introduire délicatement en lui. Je vais te chérir mon coeur. Je mordille son épaule, l'inclinaison tendue de son trapèze.... Te prouver chaque jour que tu as le droit à la douceur... Je suce le lobe de son oreille... Tu mérites que l'on te traite avec tous les égards... Lentement, je le redresse et cherche sa bouche.

Mes hanches ondulent comme le ressac des vagues sur une plage tranquille. Malgré tout l'excitation que m'inspire Keelan, je veux que mon loup apprenne la tendresse de l'acte d'amour, la beauté de l'union des corps. Et qu'il en jouisse enfin à sa juste mesure.

- Ce dont il t'a privé, je vais te l'offrir au centuple...

Keelan frissonne en sentant les doigts de Nathan parcourir son dos.
D’excitation, c’est une certitude.
De crainte aussi.
Cette position ne lui rappelle que des actes avilissants et douloureux.
Mais il refuse que ses souvenirs prennent le dessus sur l’instant présent. Et s’il ressemble peut-être à beaucoup d’autre, que Keelan souhaite oublier, il est pourtant unique.
Parce que c’est à Nathan qu’il a choisi de s’offrir.

- Si tu savais comme j'ai pu contempler ce dos en catimini en l'imaginant se cambrer de plaisir...
La voix de son amant lui permet de s’accrocher à ce présent, à le savourer comme il se doit. Il a même une sorte de rire étranglé et finit par se cambrer, à la recherche d’une friction qui accélère sa respiration.
- Il ne tient qu’à toi d’en faire une réalité.
Mais Nathan prend son temps et le plonge dans une brume de sensualité qu’il n’a encore jamais expérimentée. Ses mains semblent être partout à la fois produisant des flambées de désirs qui le font soupirer et se cambrer plus encore. Son eau bénit leur union le laissant bientôt fébrile et dans l’expectative.

- Tu es sublime, Keelan.
Les yeux de Keelan se brouillent et il se mord la lèvre avec force pour s’empêcher de le contredire.
- Tu m'es infiniment précieux...
- Toi aussi… tu n’as pas idée…viens, j’ai besoin de toi.
Son derme se hérisse au passage de ses lèvres escaladant son dos petit à petit.
Il le sent enfin en lui et Keelan pousse un cri étranglé d’un érotique consommé.
- Nath…an ! halète-t-il, les doigts crispés sur le matelas, le menton baissé.
- Je vais te chérir mon coeur.
Gémissement de plaisir pur et incontrôlé lorsqu’il sent ses dents sur sa chair.
- Te prouver chaque jour que tu as le droit à la douceur... Tu mérites que l'on te traite avec tous les égards...

Le loup est envahi par le djinn, son odeur, son eau, ses paroles, sa bouche, son contact sur lui, en lui…
Le fantôme de Rémus ne pèse plus sur ses épaules, chassé par la présence de l’homme qui l’aime vraiment, pour lui, sans retenu, sans honte.
Il embrasse Nathan comme un rescapé et passe un bras vers l’arrière pour glisser sa main sur sa nuque.

- Ce dont il t'a privé, je vais te l'offrir au centuple...
- Tu me l’offres déjà… Le rythme que son amant imprime à la houle de leur bassin est douloureusement lent et exquis. Jamais la montée de plaisir ne s'est faite si tendre et si belle. C’est la première fois…qu’on me fait l’amour… Seigneur… Nath’ !

Il revient chercher ses lèvres avec une urgence maladroite pour étouffer ses plaintes impossibles à juguler et se met à onduler plus fermement contre lui l’appelant à le suivre dans cette danse plus passionnelle.
- Plus... s'il te plait...
Jamais il ne s'est senti aussi en osmose, à sa place, que dans les bras de Nathan et il se rend soudain compte qu'il ne veut pas céder cette place. A personne. Malgré ses promesses de s'effacer, il sait soudain qu'il se battra de toutes ses forces pour ce bonheur qu'il refuse de voir s'échapper vers un autre homme.
- Je t'aime. Marque-moi, Nathan... demande-t-il finalement impérieusement.  

- Tu me l’offres déjà…

Il est si délicieux de l'entendre réagir à chacune de mes caresses, chacune de mes incursions en lui. Il est si honnête, si expressif..

- C’est la première fois…qu’on me fait l’amour… Seigneur… Nath’ !
- Aucun Seigneur, ni Dieux ne sont à l'oeuvre, Kee... Juste toi et moi... Tu sens... ? Juste toi et moi...
- Plus... s'il te plait...

Comment résister à un tel appel. Il est irrésistible à quémander de cette manière ! Comment ne pas désirer cette adorable créature et ne pas vouloir s'infiltrer dans ses fêlures pour les combler d'amour. Je me sens  brusquement comme un artiste pratiquant l'art du Kintsugi, coulant de l'or entre chaque morceau brisé de Keelan pour mieux le reconstruire.
J'accentue ma prise sur lui, et l'envahit plus loin, plus fort. Son ventre est brulant et me dévore littéralement. Il m'avale goulument et je perds la belle maitrise de langueur. Halètements sourds et cris se mêlent à ses suppliques. Je ne maitrise absolument rien : les désirs de Keelan me submergent et je me laisse complétement emporter. La douceur a fait place à une passion suffocante, impérieuse et moite. Vraie. Nos corps claquent, suent, se répondent comme deux animaux furieux.
Malgré ma volonté sincère de ne pas me l'approprier, tel un vulgaire objet, j'éprouve une violente poussée de possessivité. Chaque coup de rein est martelé par la même pensée conquérante.

Keelan est à moi !
A moi !
A personne d'autre.
Que Rémus dégage !
Qu'ils dégagent tous de ma route et de celle de son bonheur.
Il est tout à moi !
Tout à moi...

- Keelan...
- Je t'aime. Marque-moi, Nathan...

J'ai un temps d'arrêt, une sorte d'hésitation. Si je fais cela, vaudrais-je mieux que Remus ? L'idée, pourtant, m'excite de manière malsaine. Cependant, il me suffit d'une oeillade vers mon loup pour comprendre qu'il s'agit là de sa stricte volonté. Me vient alors une idée à la fois sordide et romantique. Mes yeux crépitent d'un turquoise ardent. Tous mes tatouages irradient alors que mes doigts tracent sur sa nuque jusqu'à la naissance de ses omoplates un symbole particulier. La peau boursoufle, se craquèle et saigne en suivant les sillons du dessin. De ma marque. Je lèche avidement les plaies alambiquées avec une satisfaction primale, avant de le faire jouir sans retenu, m'oubliant en lui.
Me recréant avec lui.

- Je t'aime aussi, Keelan...

Keelan a déjà été possédé.
Un nombre incalculable de fois.

Pourtant, jamais l’acte n’a ressemblé à ce qu’il vit à cet instant. Une communion et une alchimie de deux corps, équilibre parfait de consentement, de plaisir, de passion, de tendresse et de respect.
Ce que l’amour devrait toujours être. Ce qu’il n’a jamais été pour lui.
Lorsqu’il quémande plus, Nathan le lui offre sans réserve et après quelques secondes d’adaptation, ils suivent un rythme commun et de plus en plus effréné, emportés par l’élan de leurs désirs. Keelan se retrouve bientôt à quatre pattes et malmène les draps crispés entre ses doigts en haletant bruyamment.
Le bureau devient l’écrin d’une symphonie de cris et de gémissements et l’odeur de leurs fluides corporels combinés agit comme un aphrodisiaque puissant pour le loup.
La passion de l’un ne fait que précipiter celle de l’autre dans un crescendo inarrêtable et une poussée plus conquérante le fait arquer le dos dans une plainte plus sonore, la main appuyée contre le mur.

Le loup réclame d’apposer sa marque sur son partenaire et souhaite la réciproque. Il se redresse et cherche sa bouche.
- Je t'aime. Marque-moi, Nathan...

D’aucun pourrait penser qu’il est stupide de vouloir se libérer de l’emprise d’un homme pour quémander celle d’un autre. Sauf qu’il ne s’agit pas de cela mais d’une preuve d’amour et d’appartenance donnée de son plein gré, un cadeau d’amant à amant. Pas de domination. Accepter la marque de Nathan c’est lui dire :
Une part de moi sera toujours à toi, maintenant et jusqu’à mon dernier souffle.
Keelan craint un instant qu’il ne comprenne pas, qu’il refuse alors il répète d’une voix plus caressante.
- Marque-moi mon amour… j’en ai envie.

La lueur bleutée de ses tatouages illumine la pièce avec un éclat puissant qu’il a rarement contemplé. Il frémit lorsqu’il sent les doigts de Nathan tracer quelque chose en partant de sa nuque, juste en dessous de la morsure de Colgan et descendre. La douleur est vive mais le fait à peine grimacer.
Elle fait partie de sa vie depuis des années et il l’accueille plutôt avec une satisfaction viscérale.

Nathan tatoue quelque chose sur sa peau.

Ses hanches ont des soubresauts de frustration alors qu’il gémit comme un damné lorsque Nathan lèche ses plaies et son derme rendu hyper sensible. Tout son corps crépite, entre douleur et plaisir et il suffit de quelques coups de rein supplémentaires pour l’envoyer tutoyer le septième ciel, dans un râle libérateur. Ses nerfs sont parcourus par des vagues orgasmiques violentes prolongées par la délivrance de Nathan qu’il sent se répandre en lui avec un contentement suprême. Son cœur cogne si fort contre sa cage thoracique qu’il a l’impression qu’il va percer la peau.
Il s’effondre finalement, ventre sur le matelas et les draps humides. Le corps moite, le souffle court, il tente de retrouver un rythme cardiaque plus normal en attendant que Nathan le rejoigne.  

- Je t'aime aussi, Keelan...

Le loup sourit vaporeusement et se redresse légèrement pour venir l’embrasser avec une langueur voluptueuse avant de caler son front contre le sien.
- C’était… j’ai jamais rien connu de pareil.
Ses doigts cherchent ensuite à tracer les contours de ce que le djinn vient de dessiner sur sa nuque mais il n’arrive pas à en saisir le sens. Tout ce qu’il sent c’est que le dessin est tout en longueur et fin.
- Qu’est-ce que tu m’as tatoué ? … J’ai senti ton hésitation avant de le faire. Ça t’a semblé bizarre, hein ?
Comme s’il ne pouvait pas s’en empêcher, le dos de ses phalanges caresse délicatement le corps alangui de Nathan.  

- C’était… j’ai jamais rien connu de pareil.

Je m'écroule sur lui avec un rire vaporeux.

- Habitue-toi, mon petit loup... Je compte bien recommencer.

On échange quelques baisers malhabiles en frottant nos têtes l'une contre l'autre. (J'adore ces gestes plus primitifs que civilisés. Je me sens plus animal, plus proche de lui.) Puis, je me laisse glisser sur le lit, dos contre le matelas avec un soupire satisfait. Keelan cherche à comprendre ce que j'ai scarifié sur le haut de son dos.

- Qu’est-ce que tu m’as tatoué ?

Je pivote sur le flanc, embrasse son épaule nue et inspire un bref instant son odeur, toujours plus musquée après l'amour. Je passe mon doigt sur les boursoufflures encore vive et qui semblent, à mon grand soulagement, ne pas vouloir s'estomper.

- "Alhubu", que je souffle en le fixant droit dans le yeux. Le mot en arabe pour "Amour"... Comme le premier tatouage que j'ai reçu....

La portée symbolique est évidente.
Moi aussi, j'ai voulu réécrire mon histoire, en partant de ce tout premier mot, avec lui, dans ces bunkers, avec l'équipe d'Enyo et Malsheem, avec les survivants. Oublier l'avant : mes faux parents, mon parricide, ma relation avec Amon....

-… J’ai senti ton hésitation avant de le faire. Ça t’a semblé bizarre, hein ?
- Je... Je ne veux pas être un nouveau Remus pour toi. Je ne veux pas t'asservir ou te posséder comme une chose. Je veux que tu sois mon égal. Puis je me suis dit que c'était une pratique particulière spécifique aux lycans... Légère grimace. Et pour être honnête t'entendre supplier que je te marque était monstrueusement érotique... Est-ce que tu peux arrêter d'être adorable et sexy dans tout ce que tu fais ? Mon petit coeur de djinn ne va pas y survivre si ça continue....

Je pouffe comme un idiot en me blottissant tout contre lui. Le Monde nous attend toujours de l'autre côté de cette porte. Il n'en est pas moins hostile que tout à l'heure. Néanmoins, je me sens mieux prêt à l'affronter.
Pour lui.
Avec lui.

Sauf que le Monde se rappelle à moi de la plus prosaïque des façons. En témoigne les turbulences sonores de mon ventre qui hurle à la famine. Je rougis violemment.

- Comment tuer l'ambiance en trois secondes....

- Qu’est-ce que tu m’as tatoué ?
- "Alhubu", lui révèle-t-il en le fixant avec intensité. Le mot en arabe pour "Amour"... Comme le premier tatouage que j'ai reçu...

Keelan retire doucement ses doigts du tatouage.
- Oh. Je vois…
Celui qui est apparu en tuant son premier amour. Il se penche pour l’embrasser sur le torse de Nathan.
- Alors il sera la base d’un nouveau départ.
L’amour qu’il a donné sans réserve pendant des années puis qui lui a échappé, petit à petit.

- Peut-être qu’il ne restera pas… S’il reste, toute la meute le verra et plutôt que de l’embarrasser, cette idée le fait sourire stupidement. Mais moi je saurais qu’il est là. J’ai senti ton hésitation avant de le faire. Ça t’a semblé bizarre, hein ?
- Je... Je ne veux pas être un nouveau Remus pour toi. Je ne veux pas t'asservir ou te posséder comme une chose.
Keelan fronce les sourcils et l’empêche de continuer en lui ravissant un long baiser.
- Dis plus jamais ça ! Tu n’as rien de Remus. Rien du tout ! Il était lâche et destructeur alors que tu es tout son contraire. Tu ne me possèdes pas. Je me suis donné à toi, c’est très différent.
- Je veux que tu sois mon égal.
- J’aime autant oui, ironise-t-il avec un petit sourire en coin en lui caressant la joue.
- Puis je me suis dit que c'était une pratique particulière spécifique aux lycans...
- Ca l’est… Je voulais…il s’agit juste d’une preuve de notre lien que je voulais inscrit dans ma chair. De la confiance et de l’amour que je te porte. C’est aussi bête que ça. C’est…ce que font les loups-garous entre eux.
- Et pour être honnête t'entendre supplier que je te marque était monstrueusement érotique...
Keelan rougit sous son hâle.
- Vraiment… ? marmonne-t-il.
- Est-ce que tu peux arrêter d'être adorable et sexy dans tout ce que tu fais ? Mon petit coeur de djinn ne va pas y survivre si ça continue...
Le loup éclate de rire, toujours un peu gêné.
- Jamais. Surtout si ça te met dans tous tes états.

Keelan le sert contre lui en poussant un long soupir de satisfaction. Il se sent plus léger, plus libre aussi. Le coeur débordant d’affection pour l’être qu’il tient contre lui et qui lui donne tellement.
Il en a presque oublié ses agissements de la veille. Mais tout lui revient petit à petit. Chung doit le détester, Colgan devra le punir d’une façon ou d’un autre et le reste de la Meute…que penseront-ils de tout ça ?
Quoiqu’il arrive, il fera face.
Nathan l’aime et il l’aime.
C’est aussi simple que ça.

Alors qu’il allait se redresser, le ventre de Nathan produit des protestation virulentes et bruyantes.
- Comment tuer l'ambiance en trois secondes...
Keelan ricane et vient embrasser ce pauvre ventre désespérément vide.
- On va te nourrir. Il va bien falloir qu’on sorte du lit de toute façon…

Ils s’habillent tous les deux en se bécotant tout du long, ce qui fait qu’ils mettent le double de temps et après un détour par les douches, ils se décident à affronter le Mess.
Machinalement, les doigts de Keelan cherchent sa nouvelle cicatrice. Elle est toujours là.
Puis sa main trouve celle de Nathan alors qu’il prend une profonde inspiration.
- Tu es sûr de vouloir faire ça avec moi ? Rien ne t’y oblige tu sais …

-... Il va bien falloir qu’on sorte du lit de toute façon…

Il va bien falloir, oui, même si je renâcle à cette idée comme un gosse qui doit effectuer une corvée. La vie continue, pourtant, et il est nous est impératif de nous réinscrire dans son cour. D'affronter la réalité. Nous prenons tous notre temps pour effectuer ce voyage de transition. Le Mess sera notre premier vrai obstacle. Nous avons laissé filer toute la matinée et c'est vers midi que nous nous y rendons ensembles pour déjeuner.

- Tu es sûr de vouloir faire ça avec moi ? Rien ne t’y oblige tu sais …

Je glisse résolument ma main dans celle de Keelan et le fixe droit dans les yeux.

- Je ne fais pas ça avec ou pour toi. Nous sommes ensembles, indissociables, dans le même bateau. Il est temps d'assumer pleinement mes actes et mes choix. J'embrasse ses doigts tissés aux miens. Prêt ?

Nous pénétrons ainsi dans l'arène.

Le Mess bruisse d'activité. En presque six mois, les populations ont fini par s'habituer à se mêler sans égard de classe, de race ou -désormais- de nature. Les Abyssaux continuent malgré tout à se réunir entre eux à chaque repas, les banc égayés parfois d'une rare présence extérieure comme Ygerne McNamara ou Diana Linares. Aujourd'hui, pratiquement l'ensemble des effectifs est au complet. La sorcière est là et -fait rare- la petite Sizreïs également, assise sur les genoux de Colgan à se gaver de tout ce qui passe à la portée de ses petites dents aiguisées. Notre arrivée a été remarquée par la meute. Durant la garniture de nos plateaux, j'ai senti leurs regards me chauffer la couenne et entendu leurs messes basses siffler à mes tympans. Plus déplaisant, j'ai croisé le regard perplexe de Lionel au service, celui plus froncé de Marwa et l'étonnement d'Omar. Certains Malsheemiens me toisent avec un haussement de sourcil interrogateur. Amon est le Recruteur de l'organisation. Il les a tous personnellement évalués, accompagnés, aidés. Il est de notoriété publique que je suis son compagnon.
Un compagnon qui s'affiche au bras d'un autre, un ancien ennemi qui plus est.

Je déglutis.
Je puise mon courage dans les prunelles de Keelan.

Nous nous dirigeons vers la table des loups et aussitôt les conversations se taisent. Un silence monstrueux nous accueille. Hunter lorgne la tablée avec un mépris manifeste, puis il fait mine de regarder sa montre.

- Je ne savais pas que je t'avais autorisé à faire la grasse mâtinée, espèce de branleur... lâche-t-il de sa voix rocailleuse, démenti par un sourire. Je vais aller me plaindre à ta petite patronne...
- Bon courage, que je fais spontanément, en connaissant le caractère explosif de Hui.
- Salut Nathan.
- POISSON TANTAN !
- Bonjour les garçons, ajoute Ygerne avec sa quiétude habituelle. Nathan, tu as mauvaise-mine.. Tu as bien dormi ?
- Ahaha... Joker ?
- POISSON KIKI !
- Bonjour tout le monde ! Désolée pour le retard de Keelan, c'est de ma faute...
- Salut les choupis ! Installez-vous, on va vous faire de la place !

Shareen à deux sièges de Hunter remue alors son large popotin pour obliger tout le banc de son côté à migrer sur la droite afin qu'ils puissent s'asseoir. Elle, décide simplement de squatter les genoux de Malone. Aussitôt, Chung se lève d'un air furieux et fait mine de s'en aller. Il fusille silencieusement Zean et Sasha pour qu'ils se montrent solidaires.

- Tu es sûr de vouloir faire ça avec moi ? Rien ne t’y oblige tu sais …
- Je ne fais pas ça avec ou pour toi. Nous sommes ensemble, indissociables, dans le même bateau. Keelan lui offre un doux sourire et sert plus fort ses doigts sur les siens. Il est temps d'assumer pleinement mes actes et mes choix. Prêt ?

Keelan hoche la tête avec détermination avant de pousser la porte. Il va bien falloir. Il refuse d’être séparé de sa famille parce qu’il a réagi à des propos insultants et méprisants. C’est donc le dos bien droit et le menton levé qu’ils pénètrent dans le lieu de vie principale des bunkers presque plein à craquer.
Il faudrait être aveugle et insensible pour ne pas sentir les regards lourds de quelques personnes sur eux pendant qu’ils garnissent leur plateau. Et Keelan note qu’ils ne viennent pas tous de la meute mais de quelques personnes qu’il sait appartenir à Malsheem.
A cause d’Amon.
Keelan cherche le regard de Nathan et tente de lui transmettre courage et affection.
« Tout va bien. Je t’aime. Je suis avec toi. »

Nouvelle épreuve lorsqu’ils s’approchent de la tablée des loups ou les conversations s’arrêtent aussitôt, logeant une boule désagréable dans la gorge de Keelan qui lance un courageux :
- Bonjour…
Hunter vient heureusement briser ce silence pesant.
- Je ne savais pas que je t'avais autorisé à faire la grasse mâtinée, espèce de branleur... Je vais aller me plaindre à ta petite patronne...
Keelan a un faible sourire.
- Bon courage.
- Ca avait l’air d’être la nouvelle mode alors j’ai tenté aussi. J’ai pris exemple sur mon ainé, lance-t-il avec un petit coup d’œil pour Lewis qui arque un sourcil.
- Eh bien, je constate que le respect est mort aujourd'hui. Qu'il repose en paix.
Les conversations se poursuivent, un peu maladroites et forcées pour la première fois depuis bien longtemps.
A cause de lui.
- Salut les choupis ! Installez-vous, on va vous faire de la place !

Keelan accueille cette intervention avec soulagement et ébouriffe gentiment la tête de Sizreïs avant de s’assoir à côté d’Ibakha qui presse son épaule avec un petit sourire, seul signe de son soutien mais qui lui permet de se décrisper légèrement.
Le bon que fait Chung ne passe pas inaperçu. Il a encore le visage ravagé par les coups de Keelan. Nina plisse les yeux et pose une main sur celle de Sasha qui semble mortifiée. Zean se contente de macher ses pommes de terre en silence. Posément, Colgan retire le noyau d’un abricot avant de donner les deux morceaux coupés à l’enfant-plante sur ses genoux.

- Chung, tu n’as pas fini de manger. Tu ferais mieux de prendre des forces, du travail t’attend cet après-midi.
L’asiatique crispe les poings mais semble cloué sur place.
- Assois toi. S’il te plait. Je ne le répèterais pas.

Finalement, Chung obéit. C’est ce moment précis que choisi Shane pour débouler dans le Mess comme un boulet de canon plein d’énergie et après avoir rempli son plateau autant que possible, il pousse résolument Nina pour se faire une place en face de Nathan.

- Salut ! Merde, vous tirez une de ces tronches…y’a un mort ou quoi ? Putain ! Il est arrivé quoi à ta tronche Chung ? T’es passé sous une machine agricole ?
Keelan avale difficilement sa gorgée d’eau, prend une profonde inspiration et lâche.
- C’est moi. On a eu… un différent.
Shane écarquille tellement ses yeux que ça en est presque comique.
- Quoi ?
- T’appelle ça comme ça, pauvre…
- Je ne te conseille pas de finir cette phrase, le coupe aussitôt Colgan. Il y a effectivement eu une altercation hier soir entre Keelan et Chung, je suppose que vous êtes déjà tous plus ou moins au courant. La raison en est un profond manque de respect envers Keelan et si cela devait arriver à nouveau à l’avenir, je considèrerai que cette personne n’a plus rien à faire dans cette Meute.
- Je suppose que cela vaut aussi pour Nathan ? demande Malone avec un sourire vers les deux amoureux en embrassant l’épaule de sa licorne. Tu fais plus ou moins partie de la « famille » maintenant non ?
Keelan échange un regard plein de douceur avec le djinn et avoue.
- Oui… on est ensemble.
Aussitôt Nina se penche vers eux et prend la main de Keelan et de Nathan dans les siennes.
- Je le savais ! Je suis si contente pour vous mes chatons !
Ibakha se penche discrètement vers l’oreille de Keelan.
- Je te parie qu’elle va te parler de ton aura.
Nina lui tire la langue.
- Je t’ai entendue ! Et OUI figure toi, celle de Keelan est bien plus coloré et celle de Nathan n’est plus aussi fine qu’avant et a retrouvé une taille normale.
Alors que la conversation reprend sur le sujet de la capacité réelle ou non de Nina à « voir », Shane dévisage son frère et son compagnon avec gravité.
- Vous allez bien ? Tu m’expliqueras ? demande-t-il à son ainé.
Keelan hoche la tête alors qu’il sent le poids du regard meurtrier de Chung sur lui.
- Ca va aller.
Shane intercepte le manège de l’asiatique et le fusille du regard avant de revenir vers son ainé, une petite lueur de fierté dans le regard.
- Tu l’as démonté !
- Y’en aucune raison d’en être fier, tu sais.
- Bien sûr que si ! T’as pas à t’écraser devant les autres parce que t’es sympa. Et je suis certain qu’il l’a mérité. Tu l’aurais pas tabasser comme ça sinon. T’es pas comme moi. La dernière fois que je t’ai vu en colère c’était y’a un bail… et je l’avais bien cherché, conclut-il avec un sourire.
- Ton frère marque un point, intervient Ibakha. Toute la meute sait que quoiqu’il se soit passé, il a dû te pousser à bout.

- Ca avait l’air d’être la nouvelle mode alors j’ai tenté aussi. rétorque Keelan. J’ai pris exemple sur mon ainé.
- Eh bien, je constate que le respect en mort aujourd'hui. Qu'il repose en paix, ponctue l'intéressé, visiblement le plus âgé de la tablée.
- En même temps, Lewis, si tu montrais l'exemple, aussi... le gourmande Ygerne avec un sourire malicieux en sa direction.

Les pouffements de notre entourage immédiat m'indiquent que notre chère veuve n'est pas forcément innocente quant à ces fameuses "grasses-mâtinées". Nous nous installons grâce à l'aide de Shareen et entamons notre repas.

Il faut l'intervention de Colgan pour que Chung repose ses fesses sur le banc.  Je constate avec un certain soulagement que Zean ne l'a pas suivi et que la fameuse Sasha, bien qu'hésitante, n'a pas appuyé son mouvement. Je remercie les efforts manifestes de certains loups pour tenter de se montrer sympathiques.
Shane déboule comme un boulet de canon et je devine à sa manière de bâffrer que Fiadh lui a copieusement "ouvert l'appétit".

- Salut !
- Salut...
- Bonjour, Shane! Quelle énergie de bon... midi !
- Merde, vous tirez une de ces tronches…y’a un mort ou quoi ? Putain ! Il est arrivé quoi à ta tronche Chung ? T’es passé sous une machine agricole ?

Je frotte le dos de Keelan qui manque de s'étouffer.

- C’est moi. On a eu… un différent.
- Quoi ?

Je me mords la lippe pour cacher mon envie de rire. La stupeur de Shane est franchement comique.

- T’appelle ça comme ça, pauvre…
- Je ne te conseille pas de finir cette phrase, le coupe aussitôt Colgan. Il y a effectivement eu une altercation hier soir entre Keelan et Chung, je suppose que vous êtes déjà tous plus ou moins au courant. La raison en est un profond manque de respect envers Keelan et si cela devait arriver à nouveau à l’avenir, je considèrerai que cette personne n’a plus rien à faire dans cette Meute.
- Aaaabiiico... fait Sizreïs, juchée sur ses cuisses, en louchant sur sa moitié de fruit qu'elle tient à deux centimètre de son nez. Elle a l'air de s'être concentrée au maximum pour prononcer ce nouveau mot.
- AbRRRRRicot, corrige Hunter.
- ABLBLBLBLIIIIICO, reprend-elle en postillonnant partout.
- Je suppose que cela vaut aussi pour Nathan ? Fais la chaise humaine consentante de Shareen (Malone, essaie de retenir, Nath'). Tu fais plus ou moins partie de la « famille » maintenant non ?

Je pique un fard manifeste et me tourne vers Keelan. Il ne m'appartient pas de le révéler à sa famille.

- Oui… on est ensemble.

Un sourire franc (et parfaitement idiot, soyons clairs) fleurit sur ma face.

- C'est ça...
- Je le savais ! Je suis si contente pour vous mes chatons ! s'exclame une illuminée hippie qui me rappelle une des ex d'Hui versée dans la lithothérapie. (Ce qui a gonflé Hui assez vite.)
- Je te parie qu’elle va te parler de ton aura.
- Je t’ai entendue ! Et OUI figure toi, celle de Keelan est bien plus coloré et celle de Nathan n’est plus aussi fine qu’avant et a retrouvé une taille normale.
- Fascinant... Les auras ont donc une densité et une taille ? Demande Ygerne par dessus sa tasse de café. J'ai du mal à déterminé si elle est sincèrement intéressée ou si elle se paie sa tête.
- Arrête de l'encourager, Ygerne ! lâche Shareen en faisant la moue. La sorcière lui adresse un battement de cils innocent. (Définitivement, elle se paie leurs tête.)
- Vous allez bien ? s'inquiète Shane.
- Ca va aller.
- Tu m’expliqueras ?
- C'est promis.

Je tente de le tranquilliser d'un sourire qui peine à être tranquille tant Chung se fait franchement insistant avec ses œillades de haine. Je le fixe avec un froideur dédaigneuse.

- Tu l’as démonté !
- Y’a aucune raison d’en être fier, tu sais.
- Bien sûr que si !
- Oh si, quand même un petit peu, fais-je avec un air vilain, tout en  finissant mon assiette.
- T’as pas à t’écraser devant les autres parce que t’es sympa.
- Merci ! Je suis amplement d'accord.
- Et je suis certain qu’il l’a mérité. Tu l’aurais pas tabasser comme ça sinon. T’es pas comme moi. La dernière fois que je t’ai vu en colère c’était y’a un bail… et je l’avais bien cherché.
- Ton frère marque un point, intervient Ibakha. Toute la meute sait que quoiqu’il se soit passé, il a dû te pousser à bout.
- Alors c'est comme ça que ça va se passer !? Vous prenez tous sa défense ! Chung a l'air écœuré et  heurté. Y'aura même pas de justice !?? C'est quoi cette meute, putain !

Le silence qui s'en suit est électrique. Je me tends, contractant la mâchoire. Colgan m'a demandé de ne pas m'en mêler, pourtant l'envie me démange salement de le faire saigner du nez. Ygerne vient discrètement poser ses doigts sur mon poignet.

- CHUN TÉTOA ! PAPALOU GRRRAOU TOA ! menace soudain Sizreïs en agitant sa moitié d'abricot. TOA SAJ ! ABLBLBLBLBLBLBLIIICO ! Elle enfourne le fruit dans la bouche et le mâche avec un air courroucé absolument adorable.

Difficile de garder son sérieux devant une telle intervention. Shareen part d'un grand et solaire éclat de rire la première, suivie de près par plusieurs autres. Même Chung semble décontenancé par cette manifestation d'autorité enfantine.

- C'est fou comme elle a fait des progrès en langage... fais-je émerveillé. Quand elle était bébé, son aire de Broca était ridiculement plus petite que celle de Wernicke, ce qui prouvait qu'elle était capable de comprendre mais pas de parler. Je suis certain que si on faisait une radio de son activité cérébrale, on constaterait que ces deux zones se sont rééquilibrées. Je suis curieux de connaitre la structure actuelle du développement cellulaire de son cerveau, si ça progresse comme pour les Eucaryotes ou les Procaryotes. elle est quand même à mi-chemin entre les deux ! Ce serait dingue si on se trouvait face à un méristème avec cytocinèse et caryocinèse mais appliqué à la scissiparité des... Je  m'interromps et regarde autour de moi. Je les ai clairement tous perdus. Mes joues se teintent de cramoisi. P.. Pardon,... J'ai la cervelle qui s'est encore emballée.
- Ablico Tantan ? me propose la petite mandragore comme si elle avait senti mon trouble.

- Ton frère marque un point, intervient Ibakha. Toute la meute sait que quoiqu’il se soit passé, il a dû te pousser à bout.
- Alors c'est comme ça que ça va se passer !? Vous prenez tous sa défense ! Y'aura même pas de justice !?? C'est quoi cette meute, putain !

Colgan qui semble avoir décidé que les abricots méritent plus son attention que les éclats du loup coréen, lève toutefois son regard polaire sur lui.
- C'est la tienne. Tu veux de la justice, Chung ? Tu en auras. Toi et Keelan serez effectivement punis à la hauteur de vos torts quand bien même on sait tous les deux que dans d’autres Meutes, le différent devrait être régler dans un combat. Ce que je refuse tout net. Nous ne prenons la défense de personne mais Keelan n’a jamais fait preuve d’une quelconque violence envers qui que ce soit dans cette meute depuis son intégration il y a des années. Je doute donc que les torts ne soient pas largement partagés. Tu guériras. Maintenant calme toi, réfléchis un peu à ton comportement et à l’impact qu’à pu avoir tes mots sur Keelan et Nathan. Tu as été seul longtemps, tu ne l’es plus. Soit tu acceptes les règles de respect de cette Meute, soit tu la quittes. C’est aussi simple que ça.

Sa tirade terminée, il enfourne lui-même un abricot avant de préparer un autre à Sizreïs, hermétique à l’atmosphère tendue.
Keelan serre la main de Nathan dans la sienne, les yeux braqués sur son assiette.
- CHUN TÉTOA ! PAPALOU GRRRAOU TOA ! TOA SAJ ! ABLBLBLBLBLBLBLIIICO !
Colgan essuie le visage tout collant de l’enfant-plante avec un sourire.
- Merci de venir appuyer mon propos, petite plante. A-Bri-Cot. Essaie.
- C'est fou comme elle a fait des progrès en langage... Quand elle était bébé, son aire de Broca était ridiculement plus petite que celle de Wernicke, ce qui prouvait qu'elle était capable de comprendre mais pas de parler.
- Peut-être qu’elle a senti que c’était le moment d’évoluer… ou alors personne ne s’est vraiment penché sur son éducation comme une enfant plutôt que comme une curiosité scientifique.

Nathan se lance alors dans une logorrhée scientifique que certains écoutent en essayant de comprendre tandis que d’autres lâchent l’affaire rapidement. Keelan se contente de sourire, amusé.
- P… Pardon... J'ai la cervelle qui s'est encore emballée.
- Ablico Tantan ?
- Très clairement. Mais c’est adorable.
- Et ça m’intéresse d’en savoir plus, mais il faudrait que je me mette à jour sur le vocabulaire scientifique, indique Lewis qui semble avoir suivi le jeune homme.
- Moi j’ai rien bité. Sizreïs c’est juste une gosse ! conclue Shane en enfournant une bouchée. Laissez-là donc tranquille. Hein p’tite louve !
Keelan prend son courage à deux mains, se lève et se plante devant Chung.
- Je suis désolé de t’avoir frappé de cette façon et je le regrette. On oublie ? fait-il en lui présentant sa main.
Chung le fixe un moment, enfin, il fait comme il peut avec ses yeux au beurre noir.
- T’as une sacrée force, se contente-t-il de dire avant de se lever au même moment que Nina et sa clique, ignorant sa paume tendue. J’ai du boulot.
Keelan soupire et retourne s’assoir alors que Nina vient leur faire un câlin, à lui et à Nathan, tout sourire.
- J’aurais essayé.
- T’essaies d’être canonisé ? se moque Shane.
- Non. Je voudrais juste que les choses s’arrangent.
- Laisse le mariner, conseille Ibakha en se relevant à son tour. Sa fierté est encore trop blessée. Elle a une sorte d’étourdissement et se rattrape à la table sous l’œil inquiet du reste de la Meute. Je vais bien. Je suis juste fatiguée. Elle tente un sourire rassurant avant de retourner au Silo.
- Elle a quoi Ibakha ? Et c’est quoi ta punition ? demande Shane, inquiet.  
- J’en sais rien encore.
- Si Chung t’as insulté, c’est pas juste que tu sois puni aussi. Je suppose que c’est parce que t’es gay ?
- Sauf que ca marche pas comme ça, frérot. Et …oui c’est en partie ça. Il se penche ensuite vers Nathan. Tu vas bien ?

- P… Pardon... J'ai la cervelle qui s'est encore emballée.
- Ablico Tantan ?
- Très clairement. Mais c’est adorable.
- Merci Sizreïs, fais-je en acceptant l'offrande avec un sourire d'éxcuse.
- Et ça m’intéresse d’en savoir plus, mais il faudrait que je me mette à jour sur le vocabulaire scientifique.
- J'ai plusieurs livres de vulgarisation sur divers sujets si vous voulez, mais la véritable experte en bio-nécro-chimie, ça reste Dysderie. En l'absence de Salomon, évidemment. Un très grand érudit. Il est passionnant, un peu barré, mais passionnant... Oh mais j'y songe ! Il y a aussi la bibliothèque de Mr. Desmond ! C'est un vampire un tantinet misanthrope mais possédant une collection de livres immense.
- Moi j’ai rien bité. Sizreïs c’est juste une gosse !  Laissez-là donc tranquille. Hein p’tite louve !
- Ablico !
- Oh.. mais je la considère comme telle ! Mais ça reste quand même une créature prodigieuse !

Avec un froncement de sourcils, j'observe Keelan se lever pour se planter résolument devant Chung.  Je reste bouche bée devant la manoeuvre franche et honnête de réconciliation. La louve Hippie nous étouffes d'un câlin qui me crispe de tout mon être. Je lui adresse un sourire guindé. Je déteste toujours les contacts non désirés.

- J’aurais essayé.
- C'est beaucoup trop tôt ! que je m'exclame comme une évidence. Qu'est-ce que tu espérais ?
- T’essaies d’être canonisé ? se moque Shane.
- Non. Je voudrais juste que les choses s’arrangent.
- Ca viendra... Mais pas maintenant !
- Laisse le mariner, conseille Ibakha. Sa fierté est encore trop blessée.

La louve se lève et est prise d'un brusque étourdissement. Hunter la rattrape tout en douceur et la remet sur pieds. Il lui adresse un de ses regards muets plus éloquents que des mots.

- Je vais bien. Je suis juste fatiguée.
- Viens, on rentre. A plus tard les gars. Keelan, tu me dois une demi-journée de désherbage. Tu feras le décompte du grain à la première heure demain.

Le contremaitre du Silo raccompagne sa femme, un bras protecteur autour de sa taille.

- Elle a quoi Ibakha ? Et c’est quoi ta punition ? demande Shane, inquiet.  
- Si j'en crois sa prise de poids, son manque manifeste d'appétit et les vertiges... ça ressemble à s'y méprendre à...
- J’en sais rien encore, coupe Keelan. J'en déduis que j'ai faillis commettre une bourde. Je me plonge dans la dégustation de mes propres abricots.
- Si Chung t’as insulté, c’est pas juste que tu sois puni aussi.
- Sauf que ca marche pas comme ça, frérot.
- Ca devrait... que je glisse fielleusement.
- Je suppose que c’est parce que t’es gay ?
- Et …oui c’est en partie ça.

Keelan se penche vers moi avec une oeillade inquiète.

- Tu vas bien ?
- Oui, pourquoi ?

Je lui caresse la joue tendrement. Quelques regards que je connais sont braqués sur nous. Je le sens instinctivement. Je décide d'enfoncer le clou en l'embrassant devant tout le Mess. Régalez-vous, bande de vautours.

- Je vais on ne peut mieux...

Ainsi soit-il.

Keelan est passablement épuisé.
Et dans le même temps, jamais il n’a été aussi heureux.

Ses journées sont devenues de véritables marathons. Non seulement il travaille toujours au Silo et pour la Cantina mais le peu de temps libre qu’il avait entre les deux a été grignoté par « la punition » que Colgan leur a réservé à lui et Chung.
Pour plus d’équité, il a finalement décidé qu’elle serait identique pour les deux loups : l’aider dans son atelier pendant deux heures chaque jour où ils joueraient les apprentis menuisiers.
Si les premières fois ont été extrêmement compliquées, Keelan et Chung ont fini par retrouver une sorte de routine de travail ensemble, exempte de toute tension. Ils leur aient même arrivé de plaisanter une fois ou deux sous l’œil attentif de Colgan qui ne les ménage pas.
Malgré l’insistance de la « Team Cantina », il refuse obstinément d’abandonner son poste prétextant que la punition ne dure qu’un mois et qu’il a de l’endurance.
Peut-être a-t-il légèrement surestimé ses capacités à ce niveau et il faut bien dire que la montée de la lune n’aide pas.

Néanmoins, il ne songe pas un instant à se plaindre.
Il est finalement sorti du placard et si Chung, Sasha et Zean ont préféré prendre leurs distances il espère qu’un jour, les choses reviendront à la normale. Il n’a pas encore exposé clairement à Shane les véritables raisons de sa crise de violence mais un jour, peut-être, lui expliquera-t-il.
Il est donc libre.
Libre de s’afficher avec Nathan sans avoir peur d’éveiller les soupçons, libre de l’embrasser quand il en a envie sans craindre quoique ce soit – quand bien même il s’en abstient le plus souvent lorsqu’ils sont en présence de Malshimiens. Il sent bien leurs regards qui s’attardent sur eux – libre de lui prendre la main… Bref libre d’aimer le djinn au vue et au su de tous.

Ses seules respirations dans son emploi du temps sont pour lui.
Ils essaient au moins de manger ensemble au Mess, parfois avec les autres loups, parfois en tête à tête et se retrouvent à la Cantina à s’échanger sourires et œillades.
Keelan a l’impression stupide de retombé amoureux de Nathan à chaque fois qu’il le revoit.  
Il a définitivement délaissé son ancienne chambre et a réussi à caser ses maigres possessions dans le bureau de Nathan, quelques livres, un album photo, ses vêtements et son recueil de tablatures et partitions pour une guitare qu’il ne reverrait sans doute jamais. Le jour de son emménagement a d’ailleurs été mémorable. Assis sur le lit, Keelan s’est contenté d’observer le djinn aller et venir pour essayer de lui faire de la place en souriant comme un idiot énamouré.

Ce soir, après avoir souhaité une bonne soirée à Colgan et Chung, Keelan a fait un détour par les douches puis s’est laissé porté vers sa nouvelle chambre depuis quelques jours dans l’optique de faire une rapide sieste avant d’embrayer sur son job de videur. A peine s’écroule-t-il tout habillé dans les draps qui portent leur odeur commune, qu’il sombre dans un profond sommeil dont il ne se réveillera pas seul.
Il plisse le nez lorsqu’on tente de le sortir du sommeil et grogne de mécontentement avant d’ouvrir les yeux et de se redresser brusquement.

- Nath’ ? Merde ! La Cantina, je suis à la bourre c’est ça ?

La vie suit son cour.
La punition de Colgan s'avère équitable et juste. Je la trouve même intelligente dans sa manière d'obliger les deux loups à collaborer sur du travail manuel qui mobilise beaucoup de leur énergie. Cela les oblige à communiquer sereinement.
Keelan s'est définitivement installé avec moi. J'ai littéralement planifié la nouvelle gestion de mon espace sur trois jours avec de l'accueillir, pour finalement abandonner toute logique au bout d'une journée de vie commune. J'ai laissé Keelan s'infiltrer dans ma vie et il y a pris une place tout à fait naturelle, sans débordement ni heurt. Il accepte ma manière si particulière de m'organiser sans jugement et il m'arrive même d'avoir l'impression qu'il en a compris toutes les subtilités. J'éprouve un bonheur tout domestique à rentrer dans cette chambre et à l'y voir : assis sur le lits à décrypter une partition (un guitariste ! il m'avait caché ça !), lire un livre ou simplement se reposer. Il y a quelque temps encore cette pièce n'était que la froide coquille de mon mal de vivre. A présent elle résonne de chaleur, de petits riens délicieux, de la mélodie de notre vie à deux.

Je suis heureux.
Si heureux...

Alors, bien sûr, cette transition ne s'est pas faite sans désagréments. Bien que Chung ne fasse plus démonstrations de son homophobie, lui et ses proches se sont éloignés de Keelan. Je sais qu'il en éprouve de la peine même s'il ne s'en ouvre pas à moi. Par ailleurs, j'ai perdu moi même beaucoup de crédit auprès des membres de Tae'alam présents dans les bunker. Une grande discussion avec Omar m'a fait comprendre qu'il condamnait mon infidélité et s'est progressivement distancé de moi. Sa camarade Aardhi m'ignore purement et simplement. Marwa a décidé que cela ne la concernait en rien (ce qui est le plus soulageant en soi) mais je sens chez Eustache un sentiment de réprobation profond. Je n'ose affronter le regard de Simone. Pas encore.
Et puis, il y a les chuchotement et les œillades en coin sur mon passage.
Heureusement, l'équipe d'Enyo est d'une bienveillance bonhomme à mon égard. Pour eux, je suis toujours de leur "famille". Remington m'a même balancé qu'il n'était pas à un frère Monaghan près. J'avoue avoir ricané.

En découvrant Keelan assoupi dans notre lit ce soir (j'ai des lucioles dans le bide rien que de prononcer ce "notre"), je n'ai pas eu le cœur de le réveiller. Mon pauvre loup est épuisé. J'ai déposé un baiser sur son front et m'en suis allé oeuvrer sans lui à la Cantina.

Lorsque je rentre, un peu avant minuit, il n'a pas bougé d'un poil. Mon visage s'égaie d'un sourire involontaire. Je me déshabille en silence pour enfiler un pyjama et vient m'asseoir sur le bord du matelas. Je caresse son grand nez, ses pommettes carrées, son visage d'adorable dormeur. Il s'ébroue mollement.

- Hey ho, le Garou-au-Bois-Dormant... Tu prends toute la place.... que je murmure contre sa joue en y frottant mon nez.

Il grommelle et je suis pris d'un petit rire tendre.

- Alleeeez... pousse-toi, le ronfleur...
- Nath’ ? Merde ! La Cantina, je suis à la bourre c’est ça ?
- Ahaha, non, mon coeur, tu n'es plus à la bourre : la Cantina a fermée.

Je dépose un baiser sur ses lèvres en savourant sa tête d'ahuri. Mon ahuri.

- Alleeeez... pousse-toi, le ronfleur...
Effectivement, Keelan s’est étalé en étoile, de toute la longueur de ses bras et ses jambes.
- Nath’ ? Merde ! La Cantina, je suis à la bourre c’est ça ?
Le loup passe une main sur son visage pour essayer d’y voir plus clair, sans grand succès.
- Ahaha, non, mon coeur, tu n'es plus à la bourre : la Cantina a fermée.
A chaque fois qu'il l'appelle "mon coeur", le sien se met à battre comme un fou furieux, c'est systématique. Il accueille le baiser de Nathan avec une moue incrédule tout en notant qu’il est effectivement déjà en pyjama.
- Quoi ? Il est plus de minuit ?
Il regarde sa montre comme s’il pensait qu’on lui faisait une mauvaise blague et se gratte la tête, confus.
- Fais chier…j’ai salement écrasé… je suis désolé, je devais être plus crevé que je ne le pensais. Sur une échelle de un à dix, Hui m’en veut à combien ? Et toi ?
Keelan attire le djinn à lui et l’embrasse plus longuement cette fois avant de finir par un frottement de nez.
- Ca s’est bien passé au moins ? Il se laisse soudain retomber sur le matelas en soupirant, tout en le tenant fermement contre lui. Si vous vous démerder sans moi, je vais peut-être songer à démissionner…plaisante-t-il sans le penser réellement.

Dans un silence paisible et tranquille, il câline Nathan, embrassant le haut de sa tête alors que sa main s’est glissée sous son tee-shirt pour caresser son dos. Il adore ce genre de moment où, enfermés dans leur bulle, ils ont une forme de communion paisible faite de tendresse qui glisse parfois vers une douce volupté.
Des moments que Keelan savoure d’autant plus qu’il n’a jamais rien connu de pareil, des moments dont il a une soif profonde. Autant que de leur intimité plus passionnelle parfois.  

- Chung m’a tapé sur l’épaule ce soir en repartant de l’atelier de Colgan… c’est pas grand-chose mais c’est la première fois qu’il initie le contact de lui-même. Il semble que je ne sois plus aussi pestiféré qu’avant. Colgan avait la tronche du papa poule qui regarde fièrement ses poussins, t’aurais vu ça… oh au fait…

Il se dégage délicatement du corps de Nathan pour se pencher et récupérer un petit coffret en bois sombre gravé finement de motifs d’eau.
- Mon premier chef-d’œuvre… il est pour toi ! J’ai loupé ton anniversaire…et tous ceux d’avant. J’ai pas trouvé de papier cadeau, tu m’excuseras. Je sais honnêtement pas ce que tu peux en faire mais… voilà…

Il semble un peu gêné, comme s’il trouvait subitement son idée stupide. Il était bêtement fier d’avoir réussi quelque chose de ses doigts et voulait l’offrir à Nathan mais maintenant qu’il est là, devant lui, il se dit qu’il aurait pu trouver mieux. Il se fait parfois l'impression d'être un pauvre gars de la campagne pas à la hauteur des attentes et de l'intellect de Nathan. Les joues rougies, il descend du lit en lui tournant le dos et commence à se déshabiller, exposant la cicatrice du mot que le djinn a gravé sur sa peau et qui ne semble pas vouloir guérir.

- Je devrais pas le préciser parce que je suis quelqu’un de sympa mais ma production est bien plus belle que celle de Chung. Non pas qu’on en est quelque chose à faire, évidemment. Et toi ta journée ?

- Quoi ? Il est plus de minuit ?
- Tu n'as pas remarqué que je m'étais transformé en citrouille ?

Je pouffe bêtement. Il est tellement mignon avec sa trombine navrée.

- Fais chier…j’ai salement écrasé… je suis désolé, je devais être plus crevé que je ne le pensais.
- Oh, tu crois ? fais-je tout sourire.
- Sur une échelle de un à dix, Hui m’en veut à combien ?
- Les Voix de Hui sont impénétrables... Mais perforantes. Tu le sauras quand tu te feras chopper demain par notre "petite patronne".
- Et toi ?
- Aàààà Mooooort.... que je souffle en l'embrassant amoureusement. Idiot, je ne vais pas t'en vouloir d'être épuisé !
- Ca s’est bien passé au moins ?
- C'était calme.

On se vautre dans le lit et je prends toutes mes aises, perché sur son torse.

- Si vous vous démerder sans moi, je vais peut-être songer à démissionner…
- Tu oserais m'abandonner, saligaud*! Jamais je en te laisserais faire, si Hui ne te tue pas avant !

Et je m'applique à le martyriser à coup de bisous qui claquent un peu partout sur son visage avant de me laisser retomber mollement tout contre lui. Je caresse son menton du bout des doigts en respirant son odeur. Ces moments de complicité sont si agréables...

- Chung m’a tapé sur l’épaule ce soir en repartant de l’atelier de Colgan…
- C'est vrai ?! que je fais en me hissant sur les coudes avec un réel enthousiasme.
- C’est pas grand-chose mais c’est la première fois qu’il initie le contact de lui-même.
- Tu rigoles ! C'est une super nouvelle ! Ca veut dire qu'il est en train de réaliser qu'il tient plus à toi qu'à ses préjugés!
- Il semble que je ne sois plus aussi pestiféré qu’avant.
- Je suis trop content pour toi ! Je dépose mes lèvres sur les siennes pour le lui démontrer.
- Colgan avait la tronche du papa poule qui regarde fièrement ses poussins, t’aurais vu ça…
- Y a-t-il un seul moment où Colgan ne soit pas un papa poule, dis-moi ? dis-je en riant.
- Oh au fait…

Keelan s'écarte et va farfouiller sous la table de chevet. Il en extirpe un petit coffret finement ouvragé. Je m'assoie en tailleurs pour prendre l'objet en main. La facture est malhabile par endroit mais a clairement été effectuée avec tout le soin possible.

- Qu'est-ce que c'est ?
- Mon premier chef-d’œuvre… il est pour toi !
- Pour moi ?! Une boule d'émotion se loge dans ma poitrine et gonfle.
- J’ai loupé ton anniversaire…et tous ceux d’avant. J’ai pas trouvé de papier cadeau, tu m’excuseras. Je sais honnêtement pas ce que tu peux en faire mais… voilà…
- Keelan...C'est stupide et je ne sais objectivement pas quel en sera l'utilité, mais toutes ces considérations sont accessoires. Je suis submergé par une bouffée d'amour qui me fait briller les yeux et le sourire. Merci ! C'est un magnifique cadeau !

Je viens me pendre à son cou et lui vole fougueusement la bouche. Inutile d'avoir un prince charmant quand on a un loup aussi doux.

- Je l'aime beaucoup... Frottement de nez. Le quatorze février. Mon anniversaire... Oui, tu peux te marrer : mon premier tatouage djinn signifie amour et je suis né le jour de la Saint Valentin ! Bonjour l'ironie ! Et toi ? Quand est-ce ?

J'adore la manière dont il rougit.
J'adore voir ma marque encore visible sur son dos.
Je l'adore !
Je manipule la petite boite entre mes doigts tout en contemplant Keelan se déshabiller pour la nuit, le coeur plein de mièvreries qui fondent comme du chocolat entre mes côtes. Soupir énamouré. Je pose doucement mon cadeau sur la table de chevet et vient bécoter le derme boursoufflé par la scarification que je lui ai infligée.

- Je devrais pas le préciser parce que je suis quelqu’un de sympa mais ma production est bien plus belle que celle de Chung. Non pas qu’on en est quelque chose à faire, évidemment. Et toi ta journée ?
- Ahahaha... Quelle modestie ! fais-je en l'enlaçant. On planche toujours sur les carences en électricité. On surcharge beaucoup trop la mule. Fiadh a suggéré qu'on teste la thermoélectricité en usant de la combustion d'ordures. D'ailleurs, elle bosse sur un carburant à partir de déchets et je corrige ses calculs. J'essaie aussi de voir avec Dysderie si on ne peut pas appliquer le principe de la patate électrique à grande échelle. Que du fun comme tu peux voir !

- J’ai loupé ton anniversaire…et tous ceux d’avant. J’ai pas trouvé de papier cadeau, tu m’excuseras. Je sais honnêtement pas ce que tu peux en faire mais… voilà…
- Keelan...
- Je sais c’est sans doute pas ce à quoi tu es habité monsieur le parisien mais…
- Merci ! C'est un magnifique cadeau ! le coupe-t-il.
Keelan lui rend son sourire et caresse délicatement sa joue.
- Je t’en prie. C’est pas grand-chose…

Néanmoins, Nathan l’embrasse comme s’il venait de lui offrir le cadeau le plus précieux au monde et le loup l’enlace étroitement.

- Je l'aime beaucoup...
- Tant mieux…
- Le quatorze février.
Keelan arque un sourcil.
- Quoi ?
- Mon anniversaire...
- Tu rigoles ? se marre Keelan.
- Oui, tu peux te marrer : mon premier tatouage djinn signifie amour et je suis né le jour de la Saint Valentin ! Bonjour l'ironie !
- Peut-être que c’est parce que tu n’es qu’amour… Il lui bécote allégrement le cou. Ou que tu es né pour être aimé…

Il finit par se laisser aller à mordiller la peau à des endroits stratégiques qu’il commence à connaitre par cœur et qui provoque une panelle de réaction chez son amant, dont il se délecte. La lune aidant, il se surprend à aspirer la peau, amorce d’un suçon avant de s’en rendre compte et de le relâcher.  

- Désolé, s’excuse-t-il en reculant pour ôter ses vêtements. La lune recommence à monter.
- Et toi ? Quand est-ce ?
- Le 15 janvier. Il lui lance un petit sourire par-dessus son épaule. J’étais sensé naitre un mois après…comme toi donc. Ma mère aimait me dire que mon père et elle étaient si pressés de me rencontrer que je l’ai senti et que j’ai décidé de naitre avant. Ils avaient du mal à avoir un enfant. J’étais une sorte de … petit miracle. C’est pour ça qu’on a dix ans de différence d’âge avec Shane.  

Il frissonne en sentant les lèvres de Nathan sur sa nuque et passe sa main vers l’arrière pour enlacer sa tête. Il en ronronne presque de satisfaction.

- Je devrais pas le préciser parce que je suis quelqu’un de sympa mais ma production est bien plus belle que celle de Chung. Non pas qu’on en est quelque chose à faire, évidemment. Et toi ta journée ?
- Ahahaha... Quelle modestie ! Ils s’enlacent à nouveau et Keelan frotte leurs têtes l’une contre l’autre. On planche toujours sur les carences en électricité. On surcharge beaucoup trop la mule. Fiadh a suggéré qu'on teste la thermoélectricité en usant de la combustion d'ordures. D'ailleurs, elle bosse sur un carburant à partir de déchets et je corrige ses calculs.
- Tant que tu arrêtes de les boire…se moque-t-il gentiment. Il tourne la tête pour l’embrasser.
- J'essaie aussi de voir avec Dysderie si on ne peut pas appliquer le principe de la patate électrique à grande échelle. Que du fun comme tu peux voir !
- Hum hum… je vois ça. Doucement avec ces patates ! C’est surement moi qui les aient récoltées… on risque de se retrouver dans le noir ? Y’a vraiment aucune possibilité de détourner quoique ce soit de là-haut ? Petit soupir. Ca me rend dingue de savoir que Shane va là-haut de temps en temps sans moi… Il a tendance à être … franchement tête brûlée. D’habitude c’est moi qui surveille ses arrières… Oui oui… je sais, faut que j’arrête de le couver mais je peux pas arrêter de m’inquiéter pour lui non plus…

- Peut-être que c’est parce que tu n’es qu’amour… Ou que tu es né pour être aimé…
- Idiot...

Keelan me mordille le tendre du cou et je penche la tête en arrière pour lui laisser tous le loisir de me suçoter. Je collectionne les marques plus ou moins visibles de ses baisers sur ma peau. Mon métabolisme les efface aussi vite que des traces de pas sur une plage de sable nettoyée par les vagues. Petit couinement inconscient, paupières closes. Mon loup reflue.

- Désolé, la lune recommence à monter.
- Pourquoi, il faudrait que tu t'en excuses ? Y'a rien de dommageable à être ce que tu es... Tu t'excuses bien trop, tu sais ?

J'en apprends plus sur son anniversaire, les circonstances de sa naissance, sa vie d'avant. J'aime toujours en apprendre plus sur lui. On discute, on badine, parfois on évoque des sujets plus profonds... Je me sens étonnamment à l'aise avec lui. C'est si facile de me montrer joueur, piquant, gourmand, sauvage, bordélique, câlin, léger ou sérieux. D'être moi, tout simplement.

- J'essaie aussi de voir avec Dysderie si on ne peut pas appliquer le principe de la patate électrique à grande échelle. Que du fun comme tu peux voir !
- Hum hum… je vois ça. Doucement avec ces patates ! C’est surement moi qui les aient récoltées…
- Tu crois que celles que tu as ramassées seront plus conductibles ? Je souris de ma bêtise.
- On risque de se retrouver dans le noir ?
- On a encore un peu de marge mais les infrastructures n'étaient pas complétement finies et on a largement plus de monde qu'initialement prévu.
- Y’a vraiment aucune possibilité de détourner quoique ce soit de là-haut ?
- Pas sans être retracés... On aurait que les Priants à gérer, ça irait, mais chez les Hurlants, il y a des cerveaux.
- Ca me rend dingue de savoir que Shane va là-haut de temps en temps sans moi… Il a tendance à être … franchement tête brûlée.
- J'ai plutôt entendu dire qu'il était sacrément efficace et Bertus comme Eustache apprécient de collaborer avec.
- D’habitude c’est moi qui surveille ses arrières…
- Keelaaaan... que je le gourmande en lui mordillant le nez.
- Oui oui… je sais, faut que j’arrête de le couver mais je peux pas arrêter de m’inquiéter pour lui non plus…
- Tu retourneras faire des raids en surface tôt ou tard... D'ailleurs... Je me redresse avec beaucoup de sérieux. Je me suis décidé sur ce que j'allais t'offrir pour constituer ton dernier Huaca. Je sais que Shane et Hunter ont déjà fait leur part et que je suis à la bourre, mais je voulais consciencieusement y réfléchir.

Je me lève pour aller fermer ma porte à clé, puis je prends une grande inspiration.

- Pendant des siècles les djinns maritins ont été pourchassés pour leur forme élémentaire. On raconte que leur peau étaient très prisée. Ce faisant je me déshabille intégralement. Je n'ai encore jamais montré la mienne à personne...

Je déglutis et fixe Keelan dans les yeux. Ce que je m'apprête à faire me rendra plus vulnérable que tout physiquement et émotionnellement. Mes yeux s'allument, puis l'ensemble de mes tatouages s'illuminent. Une odeur marine emplit la pièce. Mon corps entier prend alors les miroitements de mon élément. Ma peau s'irisent d'écaille et de nacre. La lumière se difracte sur l'opale aqueux de mon être en millions de nuances de couleurs douces. Les murs s'éclaboussent de lumières qui dansent comme le fond d'une piscine. Je me fait l'effet d'une sirène masculine. Je lévite comme un feu follet translucide, mon eau tournant parfois autour de moi en gerbe au trajectoire courbes avant de replonger dans ma silhouette, telle des poissons volants.
J'attrape le couteau suisse sur mon bureau et le fait naviguer jusqu'à moi, puis, tout en contractant la mâchoire je déloge une des écailles sur le plat de mon bras et la retire. J'expire, concentré et reprend ma forme humaine. Mon bras souffre d'une petite plaie qui saignotte doucement. Je perds l'équilibre en retrouvant mes pieds. La pesanteur de mon corps comme sa densité ne sont pas les même.

- Bambi, le retour.... Faible sourire. Je tâtonne jusqu'à lui pour lui tendre finalement l'écaille. Mon huaca.... pour toi, mon coeur.