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 Reconnexion // Silviu & Bertus

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Bertus Taur
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J’ai couvert Josie pour le bordel de l’infirmerie. C’était la moindre des choses franchement, même si elle y est strictement pour rien si le gosse a décidé de venir directement vers nous. J’ai préféré prendre les devants pour qu’Hyppo passe plutôt ses nerfs sur moi.
Ca a l’air de lui faire plaisir de jouer les glaçons avec moi. Ca le rassure surement sur le fait que je suis rien qu’un abruti. Bref c’est bon pour son équilibre à mon égard. Manquerait plus qu’il me trouve sympathique hein !

Pas contre j’ai expliqué à Simone ce qu’il s’est vraiment passé. C’est pas comme si je pouvais lui cacher quoique ce soit de toute façon. Ca fait donc quelques jours que mon frangin et sa djinn sont dans les bunkers et j’ai pas encore réussi à caler une conversation en tête à tête avec lui.
Etrange comme j’en ai envie tout en reculant le moment.
Je n’oublie pas notre conversation avant son départ pour la Faerie et à vrai dire, elle me hante un peu.

Est-ce que j’ai été si égocentré pendant tout ce temps ? Est-ce que je n’ai jamais vraiment connu mon propre jumeau ?

Le lien qui nous unissait me parait à présent… tronqué et étrangement sali. J’ai l’impression d’avoir été relativement très naze comme frère. Je savais bien que je n’étais pas parfait mais… je pensais au moins qu’on avait une sorte d’équilibre. Or, il m’a plus ou moins balancé à demi-mot que cet équilibre ne lui avait jamais vraiment profité. Ce qui me plonge souvent dans un état assez inhabituel chez moi de réflexion et de gravité quand j'y pense. Et depuis qu'il est là, j'y pense beaucoup.  
Ce matin j’erre un peu dans les bunkers, il est encore tôt et j’aime bien les couloirs presque vides, ça me détend. Je finis par me diriger vers le Mess dans l’espoir de croiser quelques loups. Et effectivement, j’aperçois un petit attroupement que je salue de loin parce qu’une autre personne attire mon attention.
Mon frère est attablé. Seul pour une fois.
L’occasion est trop belle et après avoir fait un détour par le groupe d’animaux à poil je me plante en face de Silviu à qui je souris presque gêné…où va le monde ?

- Bună! Ça t’embête si je m’installe ?

J’attends son accord avant de m’assoir. Joueur et un rien d'espièglerie dans le regard, je lui présente mon poing fermé pour qu’il y cogne le sien. C’était un petit geste stupide qu’on a instauré quand on était gosse. C’était censé nous reconnecter après qu’on se soit séparé trop longtemps. Ce qui équivalait à l’époque à quelques minutes. Petits, on en faisait des caisses en mimant de s'électrocuter.

- T’as l’air d’avoir pleinement récupéré !
Je cache mal mon soulagement. Il m’a vraiment foutu les j’tons et de le voir dans ce lit… ça m’a rappelé que tôt ou tard je le perdrai vraiment. Et j’ose même pas imaginer ce jour-là.
- Tu sais, même si je trouve que venir ici avec tous les dangers que ça comporte c’est de la connerie en barre… je suis vraiment content de te revoir. J’avais la trouille que tu te sois perdu en faerie. Enfin Elie m’avait rassuré au moins sur ce point-là. Elle t'a parlé des rêves en commun où on pouvait communiquer ? Drôle de nana hein ? Mais bon, elle fait du bien à Kaelig.

Je chipe un grain de raisin dans son assiette, plus par habitude qu’autre chose. Depuis qu’on est là, je me nourris presque plus de bouffe tangible. Je la laisse pour ceux qui en ont vraiment besoin. Résultat, elle a de plus en plus le goût de… rien. Faut que j’arrête de babiller, il sait très bien que ça traduit ma nervosité.

- C’est rare de te voir tout seul mon père… ta djinn est adepte des grasses matinées ? Faut la laisse se reposer de temps en temps la nuit mon vieux…
Oui parce que si je le chambre pas là-dessus ça serait trop bizarre… et trop pas moi. Plus sérieusement je lève mon regard vers le sien (j’ai toujours jalousé ses yeux bleus-Taur) et lui demande.
- Comment vous allez tous les deux ? … comment tu vas toi ? Et je parle pas que du physique.
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Silviu Taur
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We've taken different paths and travelled different roads
I know we'll always end up on the same one when we're old
And when we're in the trenches and you're under fire I will cover you

If I was dying on my knees
You would be the one to rescue me
And if you were drowned at sea
I'd give you my lungs so you could breathe

I've got you brother


La vie sous terre est une drôle de chose. Nul ciel nocturne, nulle lune accompagnée d'étoiles pour prier. Peu importe, pour tout prêcheur de Mère Nuit, son obscurité bienveillante niche là où repose l'esprit. Silviu la remercie de lui avoir permis d'affronter un jour de plus.

Solveig a fait un travail impressionnant. Il se sent plus jeune et en santé qu'avant. Simone s'est enquis de son état personnellement, puis a su trouver les mots rassurants pour mettre Thalie à l'aise. Elle l'accueillie comme un membre de leur famille, ce qui n'a fait qu'accroitre le respect de Silviu pour sa belle-soeur. De toutes les femmes dont s'est entiché son prost de frère, celle-ci est une perle qu'il lui faut absolument garder.

Il n'a que peu croiser Bertus depuis son rétablissement. Son jumeau a des responsabilité au sein de ces Shelters et une réputation de héros qui fait singulièrement plaisir. Silviu a toujours cru aux capacité de leadership de son ainé. N'a-t-il pas été le ciment de leur fratrie toute ces années avant de brutalement disparaitre ?
Mais maintenant ?
Quand est-il de ces quatre frères que la vie s'ets échinée à disséminer au quatre vents ?
Silviu se demande si lui et Bertus ont encore quelque chose en commun. En tant que jumeau, il aurait du sentir que sa mort n'était pas vraie, il aurait dû mieux chercher, il aurait du le soutenir quand il est revenu... Il n'a rien fait de tout cela. Il s'est contenté de fuir profondément en lui même, de se barricader et de jeter la clé.

Il fuit encore, d'une certaine manière, en focalisant toute son attention sur Thalie. Ils passent le plus clair de leur temps ensemble, dans une bulle intime et difficile à percer, de l'extérieur, comme de l'intérieur. Jamais démonstratifs en public, ils demeurent souvent côte à côte, ne se touchant qu'avec une très grande discrétion et une solide pudeur.

Seul pour la première fois depuis quelques jours, le prêtre savoure cette solitude monacale qui a été sa compagne pendant tant d'années. Plaisir de courte durée.

- Bună! Ça t’embête si je m’installe ?
- Je t'en prie
, fait Silviu en lui présentant la place en face de lui.

Que cela l'embête ou non n'a guère d'importance maintenant que Bertus attend droit comme un "i". Son cadet lorgne sur ce poing tendu puis fixe sur son jumeau de ses deux billes bleues.

- Nous n'avons plus six ans, tu sais ? déclare-t-il avec un haussement de sourcil.
- T’as l’air d’avoir pleinement récupéré !
- Votre équipe médicale est iconoclaste dans sa composition mais incroyablement compétente
, répond Silviu en se beurrant posément une tartine.
- Tu sais, même si je trouve que venir ici avec tous les dangers que ça comporte c’est de la connerie en barre…
- Je ne te contredirais pas sur ce point...
fin sourire.
- Je suis vraiment content de te revoir.

Silviu lève le nez vers son frère avec un rictus plus franc.

- J’avais la trouille que tu te sois perdu en faerie.
- C'était tentant...
Urgèle aurait apprécié qu'il reste, il le sait. Silviu trempe sa tartine dans son café et en croque un bout.
- Enfin, Elie m’avait rassuré au moins sur ce point-là. Elle t'a parlé des rêves en commun où on pouvait communiquer ?
- Elle m'en a fait part, en effet.
- Drôle de nana hein ? Mais bon, elle fait du bien à Kaelig.
- C'est un étrange petit bout de femme, en effet, mais, aussi étrange que cela puisse paraitre, ils sont très bien assortis. D'ailleurs il est revenu des Fosses presque sans séquelles. C'est juste un démon avec une apparence de minotaure. Un démon des Regrets semble-t-il...
- C’est rare de te voir tout seul mon père… ta djinn est adepte des grasses matinées ?
- Thalie n'est pas "ma" djinn.
- Faut la laisse se reposer de temps en temps la nuit mon vieux…


Silviu lève les yeux en soupirant et préfère finir sa tartine plutôt que de répondre. Machinalement, il a posé la coupelle de raison au centre pour que son jumeau puisse piocher dedans.

- Comment vous allez tous les deux ?
- Elle est toujours très secouée par les retrouvailles "ratées" avec son fils. Elle espère qu'il va revenir vers elle mais chaque jour d'attente est un supplice qui met ses nerfs à rude épreuve. Elle a perdu vingt-deux ans de sa vie, de leur vie, "patienter" ne fait plus parti de son vocabulaire.
- … Comment tu vas toi ? Et je parle pas que du physique.
- Tu veux que je sois honnête avec toi ?
Silviu boit une gorgée de café et contemple son frère par dessus sa tasse. Il lui a toujours envié ses yeux noisette qu'il tient comme étant le détail qui le rend immédiatement plus chaleureux que la pauvre copie aux yeux froids qu'il est. J'en sais foutrement rien... je me sens juste... complétement dépassé.

Par l'Apocalypse.
Par les métamorphose de ses proches.
Par les interrogations qu'il a secrètement sur sa foi.
Par ce qu'il éprouve pour Thalie.


Tout est sans dessus dessous.


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Bertus Taur
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Son refus de faire ce simple geste me fait mal jusque dans mes entrailles et mon cœur mort. Mais il faut croire que je donne bien le change parce que je rempile sur autre chose, comme si c’était rien, comme s’il ne venait pas de confirmer qu’entre lui et moi, ça serait plus jamais comme avant. Sur aucun plan.

Qu’il est temps de passer à autre chose.
Ok.

Dur à avaler. Je dois être profondément con pour m’attacher encore à ce genre de truc débile. Non on a plus six ans mais j’aimerais Silviu, remonter dans le temps juste pour renforcer suffisamment notre lien, pour qu’il ne se rompt pas comme ça. Je suis sans doute le seul à croire en son existence de toute façon. Lui a Mère-Nuit maintenant.
Malheureusement j’ai pas ce pouvoir. Alors tout ce que je peux faire c’est encaisser et passer à autre chose. Comme lui l’a si bien fait avec ma mort.

Je ravale tout ça avec les fruits au goût de cendre.
Rahat ! Je sais même pas si je l’emmerde à être là, s’il apprécie de me revoir. Il est devenu un mur indéchiffrable.

Même pour moi.
Surtout pour moi, je devrais dire.

- D'ailleurs il est revenu des Fosses presque sans séquelles. C'est juste un démon avec une apparence de minotaure. Un démon des Regrets semble-t-il...
Je le regarde comme deux ronds de flancs avec de laisser échapper un petit rire.  
- Sans déconner ? Je secoue la tête. Quel foutu prost de Taur… il était pas obligé de prendre le truc autant au pied de la lettre. Les regrets... une marque de fabrique de la famille aussi j'imagine. C’est rare de te voir tout seul mon père… ta djinn est adepte des grasses matinées ?
- Thalie n'est pas "ma" djinn.
Vague mouvement de la main.
- Vous êtes tout le temps fourré ensemble – presque autant que nous avant, ça explique sans doute la toute petite pointe de jalousie que je ressens. Je suis qu'un con immature... – donc si, c’est Silviu et sa djinn. Faut la laisse se reposer de temps en temps la nuit mon vieux…

Je m’accoude à la table et essaie de ne pas trop le regarder savourer sa tartine avec envie.

- Comment vous allez tous les deux ?
- Elle est toujours très secouée par les retrouvailles "ratées" avec son fils.
- Normal. Quelle foirade…
- Elle espère qu'il va revenir vers elle mais chaque jour d'attente est un supplice qui met ses nerfs à rude épreuve. Elle a perdu vingt-deux ans de sa vie, de leur vie, "patienter" ne fait plus parti de son vocabulaire.
- Ouais ça doit être rude d’être séparée de force de son enfant. Enfin j’imagine… je saurai jamais… heureusement que nos deux frangins ont pondu pour nous hein ? je remarque avec une pointe d’amertume. Remarque, tu pourrais encore si tu le voulais. Terrain miné non ? Mieux vaut que je change de sujet. Comment tu vas toi ? Et je parle pas que du physique.
- Tu veux que je sois honnête avec toi ?
J’ai un sourire un peu triste. Evidemment prost !
- Depuis quand on l’est pas... ou plus je devrais dire ?
- J'en sais foutrement rien... je me sens juste... complétement dépassé.

Je lui lance une œillade entendue.
- Surprenant ! On l’est tous je crois. On fait juste avec les trucs qui nous tombent sur la gueule au jour le jour. Enfin moi en tout cas. On s’occupe comme si on savait ce qu’on faisait mais le truc c’est qu’on est tous dépassés. Fais juste en sorte que ça te paralyse pas. Continuer à avancer c’est tout ce qu'il nous reste, même si c'est carrément la merde partout. Mes doigts jouent avec les raisins pour les aligner. Rahat sors de ce corps Hyppo ! Bref si tu veux en parler, haussement d’épaules qui se veut nonchalant, je suis là. Je doute toutefois que ça soit vers moi qu’il se tourne aujourd’hui, à force de ne pas "avoir été là" mais ça me semblait important de lui préciser quand même. Je vais pas t’embêter plus longtemps, je voulais juste savoir comment t’allais et te dire que si t’as besoin de quoique ce soit, hésite pas à venir me voir. J’ai mes relations…
Sourire vaillant, j’amorce une retraite qui le soulagera sans doute.  
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Silviu Taur
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- Sans déconner ?
- Sans déconner
, fait Silviu avec un petit ricanement en écho de celui de son jumeau.
- Quel foutu prost de Taur… il était pas obligé de prendre le truc autant au pied de la lettre.
- Pourtant c'est lui qui composait de la poésie, il aurait pu être moins littéral
appuie le prêtre avec humour.
- Les regrets... une marque de fabrique de la famille aussi j'imagine.
-.... En effet.
Et toute velléité de rire le quitte subitement.

"Tu regrettes de ne pas avoir eu le courage de vérifier si le fils de Paula était bien le tien.
Tu regrettes de ne pas avoir pu être père avec ou sans elle.
Tu regrettes de n'avoir rien construit de ta vie.
Tu regrettes de n'avoir été d'aucun secours pour chacun de tes frères.
Tu regrettes ta lâcheté.
Tu regrettes d'avoir le même visage que lui.
Tu regrettes de ne pas être lui.
Tu regrettes d'avoir existé sans vivre vraiment.
Tu regrettes d'être né."

La capacité de leur benjamin à décrypter l'âme humaine et ses gâchis a profondément ébranlé Silviu. Il n'est jamais bon d'entendre tout haut ce que votre cervelle vous murmure tout bas.

- C’est rare de te voir tout seul mon père… ta djinn est adepte des grasses matinées ?

Heureusement, il peut compter sur Bertus pour sauter du coq à l'âne. Après quelques échanges pleins de sous-entendus sur une relation avec Thalie qu'il ne saurait qualifier, Silviu est amené à parler de lui. Et comme souvent sur le sujet, son éloquence se tarit.

- J'en sais foutrement rien... je me sens juste... complétement dépassé.
- Surprenant ! On l’est tous je crois. On fait juste avec les trucs qui nous tombent sur la gueule au jour le jour. Enfin moi en tout cas. On s’occupe comme si on savait ce qu’on faisait mais le truc c’est qu’on est tous dépassés. Fais juste en sorte que ça te paralyse pas. Continuer à avancer c’est tout ce qu'il nous reste, même si c'est carrément la merde partout.

Silviu a un claquement de langue agacé.

- Merci pour cette perle de sagesse "grand frère". C'est à peu près aussi utile que de dire à un dépressif : "Pense positif" ; Ou à un estropié qui ressent les douleurs de son membre fantôme : "Essaie de ne pas y penser.", ironise-t-il.

Silence.
Bertus joue avec les raisins du bol comme un enfant hyperactif qui a besoin de s'occuper les mains. Il hausse les épaules, l'air de s'en foutre. Silviu n'a pas complétement oublié les parades de son jumeau pour masquer son propre mal-être.

- Bref si tu veux en parler, je suis là. Je vais pas t’embêter plus longtemps, je voulais juste savoir comment t’allais et te dire que si t’as besoin de quoique ce soit, hésite pas à venir me voir. J’ai mes relations…

Silviu retient son frère en posant une paume sur son bras.

- Reste... Tu ne m'embêtes pas. Il pousse un soupir. Excuse-moi, ça fait tellement longtemps que je me suis emmuré en jetant la clé que... que j'ai perdu l'habitude.... Je ne sais plus comment on fait pour être un frère. Il déglutit, gêné, le regard fuyant. Essaie... Essaie d'être patient avec moi, si tu veux bien.

Le jumeau dans l'ombre, sans cesse éclipsé, a plus que jamais besoin de la lumière de son ainé. Il est complétement à la dérive.
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Bertus Taur
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L’échange tourne court. J’ai l’impression d’essuyer rebuffades sur rebuffades et y’a des limites que même moi je ne dépasse pas. Pas avec mon frère.
Je me sens merdique et coupable de pas réussir à faire un truc qu’on faisant sans mot avant.
Sauf que non, je suis même pas certain que j’interprétais les choses si bien que ça finalement. Je me passe une main sur le visage, extrêmement las de devoir tant lutter pour simplement rester plus de cinq minutes avec celui avec qui je partageais tout.
Du coup je préfère laisser les choses là. Peut-être que je réessayerai plus tard. Peut-être pas.

Dire que je suis surpris qu’il me retienne est deçà de la vérité.

- Reste... Tu ne m'embêtes pas.
Rire sec.
- Sûr ? C’est pas l’impression que ça donne, je fais en me réasseyant quand même. J’évite son regard. Qu’est-ce qu’on a encore à se dire franchement Silviu ? Hein ? On va finir comme tous ses frangins qui se disent vaguement bonjour aux fêtes de famille ?
Sans l’avoir jamais vraiment retrouvé. Et ça me brise le cœur mais je peux pas le forcer à rattraper un truc qu’il a depuis longtemps foutu à la poubelle.  
- Excuse-moi, ça fait tellement longtemps que je me suis emmuré en jetant la clé que... que j'ai perdu l'habitude...
- L’habitude de quoi ? D’être humain ? je balance ironiquement. Bien plus que ce que je souhaitais. Mon visage se froisse et je passe une main dans mes cheveux. Désolé. C’était gratuit et je le pensais pas. La créature ici, c’est moi.
- Je ne sais plus comment on fait pour être un frère.
Je fronce les sourcils.
- Comment tu peux dire ça ? C’est toi qui est resté avec la famille… c’est vraiment ce que tu penses ?
- Essaie... Essaie d'être patient avec moi, si tu veux bien.
Je ravale un grain de raisin pour m’occuper les doigts.
- Patient… je répète. Comme si c’était ma principale qualité. Patient pour quoi ? S’il faut que ça pour que t’arrête de me parler comme si j’étais un vague pote… Je me penche vers lui et parle sur un ton plus bas en plantant mes yeux dans les siens cette fois. Evidemment que je vais attendre. Même si au bout du compte je finis déçu. Parce que t’es plus que mon frère, t’es ma moitié, que je martèle. Que tu considères que ça soit pas ou plus le cas, j’m’en fous. C’est ce que moi je ressens. J’aime Kaelig, j’aimais Viorel mais toi, ça a toujours été différent. Toujours. Et ça changera pas. Et ça me rend malade de te voir aussi paumé… de voir que t’es pas heureux. Parce que ça j’arrive encore à le voir. Et si t’es pas heureux je pourrais pas l’être pleinement. C’est comme ça. Alors je ferai ce que tu voudras. Tout ce que je te demande… c’est de pas m’envoyer chier comme si on était rien l’un pour l’autre à tout bout de champs. Ca ça me tue plus sûrement que les rayons du soleil.

Je me rencogne contre ma chaise, aussi épuisé que si je venais de faire une mission à l’extérieur. Je m’attends à rien après ses paroles là et peut-être que je l’ai gêné mais je m’en cogne. Demain on peut peut-être crever et je veux que ça soit clair.

- On fera à ton rythme pour péter ton mur alors.

Si tant est qu'on y parvienne.
Je reste muet pour le laisser digérer tout ça, même s’il ne peut ou ne veut pas encore s’ouvrir à moi, à béqueter des fruits qui n’en n’ont plus le goût.

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Silviu Taur
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- Excuse-moi, ça fait tellement longtemps que je me suis emmuré en jetant la clé que... que j'ai perdu l'habitude...
- L’habitude de quoi ? D’être humain ?


Silviu retire sa main et reflue jusqu'au fond de son siège. Il pince les lèvre et baisse le regard sur son plateau. Il ne peut pas lui reprocher la gifle verbale. Il a perdu la faculté d'être un humain fonctionnel depuis ses trente ans.

- Désolé. C’était gratuit et je le pensais pas. La créature ici, c’est moi.
- Que tu sois une créature ne change pas le fait que tu as toujours été le plus expansif. Moi je n'ai jamais été doté de cette option.....Je ne sais plus comment on fait pour être un frère.
- Comment tu peux dire ça ? C’est toi qui est resté avec la famille…
- J'étais physiquement là... Mais tous le reste a foutu le camp avec toi
, avoue-t-il entre sa mâchoire serrée. Résultat : il a laissé mourir Viorel de chagrin et il a fermé les yeux sur la spirale dans laquelle s'était fait aspiré Kaelig.
- C’est vraiment ce que tu penses ?
- Oui... Essaie... Essaie d'être patient avec moi, si tu veux bien.
- Patient…Patient pour quoi ? S’il faut que ça pour que t’arrête de me parler comme si j’étais un vague pote…
- Je n'ai pas de "potes". L'élément de comparaison me semble plutôt vague, du coup
, répond Silviu, cynique.
- Evidemment que je vais attendre. Même si au bout du compte je finis déçu.
- Je sais. Je suis un homme affreusement décevant.
Il se mord la lèvre. C'est ce que sont les faire-valoir finalement, mais cela, il évite de le proférer tout haut.
- Parce que t’es plus que mon frère, persiste Bertus. T’es ma moitié. Que tu considères que ça soit pas ou plus le cas, j’m’en fous. C’est ce que moi je ressens. J’aime Kaelig, j’aimais Viorel mais toi, ça a toujours été différent. Toujours. Et ça changera pas. Et ça me rend malade de te voir aussi paumé… de voir que t’es pas heureux. Parce que ça j’arrive encore à le voir. Et si t’es pas heureux je pourrais pas l’être pleinement. C’est comme ça. Alors je ferai ce que tu voudras. Tout ce que je te demande… c’est de pas m’envoyer chier comme si on était rien l’un pour l’autre à tout bout de champs. Ca ça me tue plus sûrement que les rayons du soleil.
- J'ai jamais été heureux,
avoue douloureusement Silviu, la voix enrouée par l'émotion parasite qui accompagne cet aveu. J'ai essayé et, après ta mort, j'ai arrêté de faire semblant. Oui, tu étais ma moitié. La meilleure. On me l'a arrachée et depuis... je ne sais plus du tout comment parvenir à me connecter aux autres. Toi, compris. J'essaie... Crois-bien que j'essaie de toutes mes forces. Il déglutit. Alors, sans doute que cela te parait risible, mais sache que je n'ai jamais eu tes.. facilités... pour l'épanchement. Ecouter est plus simple. Pourquoi crois-tu que je sois devenu prêtre ? Ca m'évite d'avoir à parler de moi.
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Bertus Taur
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Finalement et contre toute attente, il libère sa parole. Un peu. Une montagne de mots pour lui.

- J'ai jamais été heureux.
Je croise les mains sur la table et déglutit. Je ne m’étonne même pas de ne pas être plus surpris que ça. Ca peut vouloir dire qu’une chose.
- Je crois… que je l’ai toujours su. Quelque part. Mais que j’étais trop concentré sur moi pour accepter de le voir. Pour ça… je suis désolé.  
- J'ai essayé et, après ta mort, j'ai arrêté de faire semblant. Oui, tu étais ma moitié. La meilleure.

« Etait » je note l’emploi du passé et j’ai soudain une énorme boule dans la gorge. Je m’agite sur mon siège, je me la gratte comme si ça pouvait faire reculer le trop plein d’émotions qui chercher à grimper.
Ca fait mal, rahat. Très mal.

- Arrête avec ça ! J’ai jamais été ta meilleure moitié, je balance la tristesse encore suintante dans ma voix. Je faisais n’importe quoi et tu le sais ! J’étais un paravent. Pas une moitié de quoique ce soit pour toi.
- On me l'a arrachée et depuis... je ne sais plus du tout comment parvenir à me connecter aux autres. Toi, compris. Putain de boule ! J'essaie... Crois-bien que j'essaie de toutes mes forces.
Franchement ? Je sais pas quoi penser de ça.
- Tu essaies ? Sans doute. Avec Thalie. Mais pas avec moi. Gros soupir. C’est pas grave. Peut-être que ça viendra. Avec de la patience hein ?
- Alors, sans doute que cela te parait risible…
Aussitôt, ma tête se lève vers lui, blessé à nouveau. Il est devenu très fort à ce jeu-là.
- J’ai l’air de trouver ça risible ? J’ai l’air de pas prendre tout ça à cœur ?
- Mais sache que je n'ai jamais eu tes… facilités... pour l'épanchement. Ecouter est plus simple. Pourquoi crois-tu que je sois devenu prêtre ? Ca m'évite d'avoir à parler de moi.
- Ouais… c’est pas un scoop. Tu sais… j’attends pas la lune. Je la laisse volontiers à Mère Nuit. Je te demande pas de me parler en détail de tes sentiments, de me livrer toutes tes pensées et de faire comme si ça faisait pas des années qu’on s’était pas vu. Ce que je voudrais… ce que je voudrais vraiment… c’est juste…apprendre à te connaitre, petit à petit, savoir qui est l’homme en face de moi et être là pour lui.

J’ai les yeux rivés sur mes mains, j’arrive plus à le regarder dans les yeux. J’ai peur qu’il note à quel point les miens sont humides. Faudrait que je parle à Ygerne de cette émotivité de merde dès qu’il s’agit de Silviu, sinon ça va commencer à être gênant pour tout le monde.

- Tout ce que je croyais acquis entre nous, la complicité, ce lien que je pensais bêtement indestructible… faut… faut que j’en fasse le deuil. Y’a que comme ça qu’on pourra en reconstruire un autre. Plus sain. Plus équilibré. Qui te bouffe pas au passage… si t’es… d’accord évidemment. Un silence s'installe. Quant à la question du bonheur… le coin de ma lèvre se retrousse doucement, il est pas trop tard tu sais… tu devrais regarder de plus près chez une jolie blonde, on sait jamais. Ce qui est certain c'est que ça va pas te tomber tout seul sur le coin du museau.
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Silviu Taur
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- Arrête avec ça ! J’ai jamais été ta meilleure moitié. Je faisais n’importe quoi et tu le sais ! J’étais un paravent. Pas une moitié de quoique ce soit pour toi.
- Je ne sais pas pourquoi je m'échine à t'expliquer mon ressenti. Tu as ta passé ta vie à le nier et tu le fais encore. Il n'y en a que pour toi, dans le bonheur, comme dans la souffrance, c'est ta perception qui prime. C'est fatiguant... Ne t'en déplaise, je t'ai suivi de ma naissance à ta mort et quand tu as disparu j'ai perdu tous mes repères. Donc, oui, que tu sois d'accord ou non, tu étais ma meilleure moitié. On me l'a arrachée et depuis... je ne sais plus du tout comment parvenir à me connecter aux autres. Toi, compris. J'essaie... Crois-bien que j'essaie de toutes mes forces.
- Tu essaies ? Sans doute. Avec Thalie. Mais pas avec moi.
- Qu'est-ce que Thalie à avoir là dedans ?
s'agace Silviu devant cette démonstration de jalousie plus que puérile.
- C’est pas grave. Peut-être que ça viendra. Avec de la patience hein ?
- Et un minimum d'empathie élémentaire pour celui que tu as toujours considéré comme une copie conforme de toi même.
Je. ne. suis pas. toi, Bertus. Mais j'essaie sincèrement... Alors, sans doute que cela te parait risible…
- J’ai l’air de trouver ça risible ? J’ai l’air de pas prendre tout ça à cœur ?
- Tu as l'air de considérer que je ne ferais jamais assez comparer à ce que tu éprouves! Mais moi, Rahat ?! Tu penses à ce que j'éprouve ? Tu t'intéresse à ce que je ressens ? Jamais tu n'as pris le temps de te mettre à ma place et tu le fais encore maintenant ! Je fais ce que je peux avec mes propres défaillances. Mais sache que je n'ai jamais eu tes… facilités... pour l'épanchement. Ecouter est plus simple. Pourquoi crois-tu que je sois devenu prêtre ? Ca m'évite d'avoir à parler de moi.
- Ouais… c’est pas un scoop. Tu sais… j’attends pas la lune. Je la laisse volontiers à Mère Nuit. Je te demande pas de me parler en détail de tes sentiments, de me livrer toutes tes pensées et de faire comme si ça faisait pas des années qu’on s’était pas vu. Ce que je voudrais… ce que je voudrais vraiment… c’est juste…apprendre à te connaitre, petit à petit, savoir qui est l’homme en face de moi et être là pour lui.


Silviu reste silencieux. Ces mots là, il les a attendus toute sa vie et maintenant qu'il les entends, il se demande s'ils sont véritablement sincères, si Bertus est vraiment capable de cela. Les mots restent des mots, seuls les actes comptent. Voilà quel homme il est devenu : un être blessé, barricadé dans une forteresse dont il se demande s'il pourra un jour sortir. Un homme incapable de faire confiance à sa propre famille.

- Tout ce que je croyais acquis entre nous, la complicité, ce lien que je pensais bêtement indestructible… faut… faut que j’en fasse le deuil. Y’a que comme ça qu’on pourra en reconstruire un autre. Plus sain. Plus équilibré. Qui te bouffe pas au passage… si t’es… d’accord évidemment.
- Je... Je suis d'accord sur ce constat.
répond le prêtre la voix rauque d'un trop plein d'émotions.

Les deux jumeaux restent muets un moment.

- Quant à la question du bonheur… Ill est pas trop tard tu sais… tu devrais regarder de plus près chez une jolie blonde, on sait jamais.

La remarque a au moins le bénéfice de faire rire faiblement Silviu.

- Ce qui est certain c'est que ça va pas te tomber tout seul sur le coin du museau.
- D'une certaine manière, c'est exactement ce qu'elle a fait. Me tomber dessus... Soyons honnête, ça n'a aucune chance de viabilité : elle a un peu plus de trois cent ans, elle est quasi immortelle et elle ne prendra jamais la moindre ride; je suis un pauvre humain en bout de course...
déclare-t-il en occupant ses doigts à malaxer de la mie de pain. Je suis une fraction de secondes qu'elle finira par oublier. Est-ce véritablement charitable de l'entrainer là dedans alors qu'elle devra porter mon deuil demain ? Je n'en suis pas certain... Elle a suffisamment souffert. Elle a le droit à un peu de repos.
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Bertus Taur
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J’ai beau l’écouter, je ne le comprends pas.
J’ai beau le regarder, je ne le lis pas.

Et pendant un bref instant, je me demande pourquoi je fais des efforts, pourquoi j’ai amorcé ce dialogue, pourquoi je m’accroche malgré tout à cette relation ou je ne sais même pas s’il a envie de renouer quoique ce soit avec moi.
Quoi que je dise ça le blesse et il me blesse en retour. Est-ce qu’on est condamné à ça ? A se faire du mal ?

Rahat ! Je sais qu’il est pas moi ! J’ai jamais sous-entendu le contraire… Franchement je sais même pas d’où ça sort ! Je pince les lèvres, perdu.
Je sais plus par quel bout le prendre, par quel moyen l’atteindre un peu… j’ai un mur devant moi et aucune prise pour l’escalader, pire à chaque fois que j’essaie, le mur arrive à me foutre par terre.

Je joue ma dernière carte, ma dernière proposition parce qu’à priori ça viendra de moi ou ça ne viendra pas.
- Je... Je suis d'accord sur ce constat.

Je m’attendais évidemment pas à un fol enthousiasme mais encore une fois j’ai absolument rien en face.
- T’es d’accord ou tu en as envie ? je soupire. C’est pas la même chose… je m’intéresse à ce que tu ressens contrairement à ce que tu penses. Mais je suis pas dans ta tête. De temps en temps ça serait bien que tu me parles quand même de ce que tu veux.

Lessivé moralement par cette discussion de pourtant quelques minutes, je décide de mettre tout ça de côté pour le moment. Franchement, je ne me sens pas capable de me pendre une nouvelle gifle et j’ai besoin de digérer tout ça.
Lui aussi.
Sans doute.
Peut-être.
Hormis quelques changements dans le timbre dans sa voix, j’en sais trop rien.
Je relance sur un sujet qui semble le faire réagir bien plus que moi et notre relation, voire le rendre plus loquace.  

- D'une certaine manière, c'est exactement ce qu'elle a fait. Me tomber dessus... Soyons honnête, ça n'a aucune chance de viabilité : elle a un peu plus de trois cent ans, elle est quasi immortelle et elle ne prendra jamais la moindre ride ; je suis un pauvre humain en bout de course... Je suis une fraction de secondes qu'elle finira par oublier. Est-ce véritablement charitable de l'entrainer là dedans alors qu'elle devra porter mon deuil demain ? Je n'en suis pas certain... Elle a suffisamment souffert. Elle a le droit à un peu de repos.
Je hausse les épaules.
- T’as pas bien compris ce que j’ai dit sur le bonheur alors. Moi je crois que chaque seconde compte et que c’est justement parce que tu n’as pas toute l’éternité qu’il faut en profiter. Mais au bout du compte c’est toi qui décide si tu veux la regarder vivre en restant de côté ou vivre avec elle. Moi y’a une de ces propositions qui me parait plus séduisante mais … tu n’es pas moi.
J’essaie de ne pas me laisser aller par l’abattement, renifle un bon coup et me lève avant de lâcher les vannes ici.
- Faut que je m’en grille une, je te laisse finir tranquillement ton p’tit déj.
Je tâte mes poches et soupire de soulagement en sentant mon paquet dans l’une d’elle. Je fais l’effort de sourire.
- Merci… d’avoir pris le temps de parler avec moi. A… bientôt alors ? je lâche d'une voix bien trop incertaine.
Je tourne les talons sous le regard de certains loups qui ont sans doute entendu des bribes de conversations mais qui n’ont jamais arrêté les leurs pour ne pas se montrer trop indiscrets.
Ca n’est que lorsque je suis isolé dans un coin du Silo, la clope au bec, que je me permets enfin de craquer un peu.
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Silviu Taur
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- T’es d’accord ou tu en as envie ? C’est pas la même chose…
- Envie de quoi ? Je viens d'abonder dans ton sens ! Que veux-tu que je te dise de plus ?
- Je m’intéresse à ce que tu ressens contrairement à ce que tu penses. Mais je suis pas dans ta tête. De temps en temps ça serait bien que tu me parles quand même de ce que tu veux.


Silviu contracte la mâchoire.
Ce qui lui semble évident à lui demande à être mille fois explicité pour son frère. "Ce qu'il veut" ? Rien de plus facile pour quelqu'un qui a toujours su identifier ses besoins. Bertus a toujours su penser à lui, lui, ne sait pas ce qu'il veut. Il n'a jamais su ! Il a suivi, toute sa vie durant la volonté d'autres sans chercher à comprendre ce qui le définissait en tant qu'individu. Partir en Faërie était une première décision personnelle, accompagner Thalie en était une autre. Il est novice en la matière mais visiblement on ne lui laisse pas le luxe de tergiverser ou de se tromper.
Il faut qu'il sache.
Il faut qu'il dise.
Et comme souvent lorsqu'on le bouscule, Silviu se braque.


- Je suis là, ça répond à ta question, il me semble.

La conversation dévie sur Thalie. Maladroitement, Silviu se livre à quelques confessions, mais une fois encore, il a le sentiment de se faire rabrouer par ce "grand frère" plus dégourdi que lui ave la vie.

- T’as pas bien compris ce que j’ai dit sur le bonheur alors.
- Pardon pour ma grande stupidité : éclaire-moi.
-Moi je crois que chaque seconde compte et que c’est justement parce que tu n’as pas toute l’éternité qu’il faut en profiter.
- C'est un choix très égoïste. Que fais-tu de ses sentiments à elle ? Elle a perdu son fils, son père, tous ceux à qui elle avait confiance. Elle devrait en plus subir le deuil du relation éphémère ? Est-ce que ça vaut le coup de "profiter" sans penser à l'après pour elle ?
- Mais au bout du compte c’est toi qui décide si tu veux la regarder vivre en restant de côté ou vivre avec elle. Moi y’a une de ces propositions qui me parait plus séduisante mais … tu n’es pas moi.
- Non, effectivement.


Un silence s'abat encore sur les jumeaux qui, définitivement n'arrivent pas à se comprendre. Silviu est mortifié par l'idée qu'ils ont évolué si différemment qu'il ne reste plus rien de leur gémellité.

- Faut que je m’en grille une, je te laisse finir tranquillement ton p’tit déj.
- Ok.
- Merci… d’avoir pris le temps de parler avec moi.


Il en avait envie. Il aimerait le lui signifier, mais les mots ne sortent pas.

- A… bientôt alors ?
- A bientôt, frate...


Une fois seul Silviu contemple les reliefs de nourriture sur son plateau, tout appétit l'ayant déserté. Sa tête alourdie par cette pénible conversation chute dans ses paumes en coupe. Il a envie de pleurer, de hurler, mais il sent la brulure des regards inquisiteurs sur lui. Il quitte le mess au plus vite et trouve refuge là où il peut échapper à la promiscuité : une cabine de douche. Sous l'eau chaude, il se laisse aller à pleurer sans retenue.

Il a encore repoussé son frère, alors même que ça n'était pas ses intentions.
Il se déteste d'être à ce point dysfonctionnel.
Est-ce qu'il n'est pas un peu trop tard pour être réparé ?

Il aurait peut-être mieux fait de mourir, tout compte fait.
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Thalie Busset
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Thalie patiente.
Elle essaie.
Mais chaque jour qui passe sans voir Nathan venir à elle amoindrit son espoir de pouvoir à nouveau lui parler. Elle s’astreint pourtant à l’attente. Après tout, qu’est-ce qu’un jour de plus après avoir passé vingt ans enfermée loin de lui ?
Néanmoins son humeur s’en ressent. Elle est souvent prise d’excès de mélancolie et de langueur, le regard dans le vague, elle pourrait laisser s’écouler les minutes et les heures de cette façon, sans bouger ou presque. Comme si elle attendait que son fils la délivre à nouveau d’une autre bouteille.
Il n’y a que pour Silviu qu’elle laisse un peu de côté son vague à l’âme, qu’elle parle et qu’elle sourit. Lui non plus n’a pas l’air foncièrement à l’aise là où chacun semble avoir trouver sa place.
La leur n’existe pas encore.

Vient des moments où elle regrette profondément la vie qu’elle a vécu avec lui pendant ses deux semaines, où elle regrette d’être là…
Mais Thalie patiente.
Parce qu’il ne lui reste plus que cela à faire et qu’à chaque fois que tout espoir semble la quitter, Silviu l’attise à nouveau par quelques mots ou simplement un contact. Elle se demande parfois si ça n’est pas cruel de refuser de laisser mourir cet espoir.

La djinn ne supporte pas vraiment la vie dans les bunkers. Centrée sur la perspective de retrouver Nathan, elle n’a même pas pris en considération son nouvel habitat avant d’y vivre réellement.
Trop de gens, partout, aux regards parfois inquisiteurs.
La nuit, c’est pire que tout. Si elle a été habituée à la promiscuité des corps, ces vingt années en solitaire l’ont débarrassé de cette accoutumance et chaque présence est un supplice. Les dortoirs bruissent de chuchotement, de grattement de gorge, de toux, de tous ses petits sons qui lui paraissent insupportables. Si bien qu’elle finit soit par s’endormir lorsque les autres partent soit par prendre couverture et oreillers pour dormir dans un coin tranquille mais inconfortable au possible. Au moins, ses cauchemars ne réveillent personne de cette façon. Ils sont de plus en plus fréquents mais elle n’y peut pas grand-chose.

Il lui prend parfois l’envie d’aller rejoindre Silviu dans son lit, juste pour sentir son étreinte rassurante. Mais lui non plus n’est pas seul dans sa chambre… et elle ne souhaite pas s’imposer à lui, elle le fait bien assez pendant la journée.
Elle a donc le corps perclus de courbature et une mine de papier mâché lorsqu’elle se dirige vers les douches. Comme à son habitude, elle longe les murs et prie pour ne croiser personne. Vœu exaucé car il est encore tôt. Elle pénètre dans les douches communes avec un soupir et ouvre son casier en s’y reprenant à deux fois. Elle tend soudain l’oreille et fronce les sourcils en entendant des pleurs non loin. Elle n’est donc pas seule. Elle se mord les lèvres, prête à revenir plus tard par pudeur lorsqu’elle avise les chaussures qui se trouvent au sol et qu’elle reconnait tout de suite. Elle abandonne ses affaires aussitôt et se précipite vers la seule porte verrouillée. Le cœur cognant fort sous la panique elle ressent le besoin presque impérieux de le voir, de le serrer contre elle.

- Silviu ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Qu’est-ce qui t’arrive ? L’inquiétude est palpable dans sa voix. Elle le connait assez pour savoir que seule une peine immense pourrait le mettre dans un tel état. Elle agrippe la poignée et pose son autre main à plat sur la porte. Ouvre-moi s’il te plait…laisse-moi entrer…Silviu ?

Laisse moi te consoler.
Laisse moi effacer ta peine.

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Silviu Taur
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Le bruit de l'eau qui coule en continu et éclabousse le carrelage couvre ses sanglots. Silviu pleure discrètement, relâchant toute la pression induite par ce court tête-à-tête avec son jumeau. Dos courbé, bras tendus en appui sur les mur pour s'éviter de le frapper, il ploie la tête sous le jet en espérant que ça nettoiera son crâne de ses idées noires.

- Silviu ?

Il se redresse avec une expression de bête traquée. Il pensait ne pas être entendu, et encore moins par celle à qui appartient cette voix.

- Qu’est-ce qu’il se passe ? Qu’est-ce qui t’arrive ?

Il se maudit  d'avoir été bruyant et de l'inquiéter ainsi. Elle n'a pas besoin de tracas supplémentaires.

- Rien... fait-il d'un timbre qui ne sonne pas aussi convaincu qu'il l'aurait souhaité.
- Ouvre-moi s’il te plait
- Je t'assure que ça va...
- …laisse-moi entrer…


Alors, il en est là, à la repousser elle aussi, à se chercher un cimetière de solitude comme un vieil éléphant, pour s'y éteindre. Le prétexte de la pudeur ne tiens plus : elle l'a déjà vu nu. Et puis, Mère-nuit n'a pas de bras, Thalie, si. Il est temps d'accepter le fait qu'il en a égoïstement besoin.

- Silviu ?

Le loquet émet le bruit caractéristique d'un déverrouillage.
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Thalie Busset
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- Qu’est-ce qu’il se passe ? Qu’est-ce qui t’arrive ?
- Rien...
- Je t'en pris...pas à moi ! Ouvre-moi s’il te plait…
- Je t'assure que ça va...
Elle ne dit rien pour ne pas l’embarrasser plus qu’il ne doit l’être mais Thalie se fiche bien de sa pudeur à cet instant. Il va mal et elle veut être là pour lui. De là à s’imposer s’il le faut. Non seulement c’est la moindre des choses après tout ce qu’il a fait pour elle, mais sa peine lui déchire le cœur.
- Nous savons tous les deux que c’est faux, assure-t-elle d’une voix douce. Laisse-moi entrer… Elle pose son front contre le battant. Je sais que tu gardes tes distances avec les autres pour ne pas souffrir. Pas avec moi s’il te plait… je veux être là pour t’épauler comme tu as toujours été là pour moi depuis que je te connais.

Le silence s’éternise alors elle fait appel à son élément. L’eau qui s’écoule de la douche forme une silhouette féminine qui enlace le prêtre plutôt que de simplement glisser sur lui, ersatz de ce qu’elle pourrait lui donner si seulement il voulait bien lui ouvrir.  

- Silviu ? souffle-t-elle.

Un bref instant, elle se dit qu’il n’ouvrira pas mais heureusement, le loquet se déverrouille et elle laisse échapper un discret soupir de soulagement en repoussant la porte. Le temps de la refermer derrière elle, elle se jette pratiquement à son cou et se sert fort contre lui, se trempant au passage. Peu lui importe. En équilibre sur la pointe des pieds, elle embrasse sa joue au goût de sel, glisse ses doigts dans ses cheveux mouillés tout en l’étreignant contre son cœur.

- Tu n’es pas obligé de me parler si tu n’en as pas envie, lui chuchote-t-elle en reculant un peu pour le regarder dans les yeux. Quand bien même elle voudrait savoir ce qui l’attriste à ce point... Mais je suis là. Je suis là pour toi.
Elle se tait ensuite, se contentant de l’enrober de douceur, de câlins et de tendresse.  
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Silviu Taur
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La vision de Thalie balaie toute velléité de masquer son mal-être. Silviu est incapable de lui mentir. Il accueille sa chaleur et sa tendresse comme un indigent affamé et frigorifié. La serrant fort contre sa carcasse dépouillée de tous ses oripeaux, il la soulève presque de terre.  Il enfoui son nez dans son cou. Le parfum d'embruns et de sel lui fait un bien fou.

C'est un motif suffisant pour se satisfaire d'être en vie.

- Tu n’es pas obligé de me parler si tu n’en as pas envie...

Il la contemple, son visage, noble et ridé, fissuré par la détresse. Thalie est magnifique, une beauté que l'éternité n'étiolera plus jamais. Il n'est qu'une "fractions de secondes", déjà presque complétement égrainées.

- Mais je suis là. Je suis là pour toi.

Une sorte de sanglot ébroue le vieil homme. Son front chute contre celui de la djinn.
Il n'est pas digne de sa commisération.
Il n'est pas digne d'elle.

- Je ne veux pas te causer de soucis... Tu.. Tu as déjà tellement à porter sur tes épaules....

Pourtant, il ne peut se résoudre ni à la lâcher, ni à repousser sa tendresse et son affection. Il en a cruellement besoin. Il ferme les yeux, mâchoire crispée avant de finalement se laisser aller à son besoin viscéral d'amour. Il cherche maladroitement sa bouche et l'embrasse. Il y a une forme de désespoir profond dans ses baisers comme dans l'étreinte presque étouffante qui s'ensuit.

- Pardon... s'excuse-t-il entre chaque baiser qui foule ses lèvres ou sa peau. Pardon.. Pardon... Pardon...

Il n'est qu'un idiot, incapable d'exprimer aux êtres qu'il aime à quel point ils comptent pour lui. Et cette fatalité le poursuit toujours, d'autant plus aujourd'hui.
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Elle prend son pauvre visage ravagé par le chagrin en coupe, caresse ses pommettes et ses joues en posant sur lui un regard d’une profonde affection… peut-être même plus. Quel que soit la cause du chagrin qui le grignote de l’intérieur elle voudrait être capable de l’effacer. Mais elle ne peut lui offrir que sa présence et son soutien qu’elle traduit aussi bien par ses gestes que par des mots.

- Mais je suis là. Je suis là pour toi.

Les bras toujours fermement et étroitement serrés autour de son cou, elle lui sourit avec une sorte de sérénité nouvelle. C’est ce qu’elle vient de décider à l’instant. Elle ne le quittera pas et cheminera avec lui jusqu’à la fin s’il le souhaite aussi.
C’est ce qu’elle veut, ce qu’elle a choisi.

Un sanglot déchire la gorge de Silviu et Thalie câline sa tête contre la sienne. Son eau enrobe le reste du corps du prêtre qu’elle ne peut pas atteindre comme un courant chaud qui vous berce.
- Je ne veux pas te causer de soucis...
- Bien. Alors ne m’en cause pas et vient me trouver lorsque tu ne vas pas bien, déclare-t-elle en frottant son nez contre le sien.
- Tu… Tu as déjà tellement à porter sur tes épaules...
Elle pose son index sur les lèvres du prêtre.
- J’ai plus de force que tu ne le crois… bien assez pour te soutenir même au coeur des tempêtes.
Elle dépose une myriade de baisers légers et doux sur son visage qu’elle entrecoupe avec quelques paroles murmurées.
- Laisse-moi te prendre la main… te réconforter… te consoler… et t’épauler à chaque fois que tu en auras besoin.

"Laisse-moi t'aimer Silviu."

Mais ces mots-là, elle n'ose pas encore les dire. Ils sont trop frais, trop balbutiants, trop plein de regrets encore.

Il tourne la tête et leurs lèvres finissent par s’unir. Elle goûte à son désespoir, l’absorbe et le transforme en quelque chose de beaucoup plus doux et plein d’un amour encore timoré qu’elle lui donne en retour. Elle se laisse étreindre à en perdre le souffle et le serre plus fort à son tour. Ses doigts parcourent sa peau avec délicatesse pour la réchauffer et le ramener tout entier et égoïstement à elle.

- Pardon...Pardon.. Pardon... Pardon...

Elle continue à lui rendre ses baisers malhabiles mais avides. Elle ne sait pas si ce qu’elle lui offre suffira à contrer la noirceur qui le ronge mais elle ne renonce pas.
- Chuuuut … tu n’as pas à t’excuser… tout va bien… sers-moi fort… je suis là…et il n'y a nulle part ailleurs où j'aimerais être. Elle appuie plus longuement ses baisers. Mon doux Silviu… j’aimerais tellement pouvoir balayer ton chagrin… dis-moi… dis-moi comment je peux faire ?

Tout ce qu’elle souhaite, c’est pouvoir le rendre heureux.
Rien qu’un peu.
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Silviu Taur
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Silviu s'abandonne à la douceur, il montre à nouveau cette facette intime et rare, de l'homme sous la carapace, meurtri et assoiffé de contacts.

- Chuuuut … tu n’as pas à t’excuser… tout va bien… sers-moi fort… je suis là…et il n'y a nulle part ailleurs où j'aimerais être.

Les mots de Thalie sont tel un baume sur ses plaies encore vive. Avec elle, les ecchymoses du coeur semble moins douloureux.

- Mon doux Silviu… j’aimerais tellement pouvoir balayer ton chagrin… dis-moi… dis-moi comment je peux faire ?
- Ne.. Ne te désespère pas de moi... Je t'en supplie... Si je me referme, si je te repousse, si je te déçois un jour, ne te décourage pas de moi...Je t'en prie...
implore-t-il en l'embrassant avec une ferveur vibrante qui insuffle à ses supplications des consonnances de prières. Laisse-moi... rester... auprès de toi....

"Je ne veux pas te perdre aussi.
Je ne veux pas que tu te transformes en regret."

Et, alors qu'il est traversé de cette pensée, il autorise ses mains à parcourir son corps gracile comme il l'a fait cette nuit unique, avant leur départ. Il la déshabille, lentement, ses vêtements trempés tombant lourdement sur le sol carrelé. Silviu a besoin de se reconnecter à quelqu'un, de retrouver ce sentiment fusionnel qu'il a perdu la trentième année de sa vie. Il fait l'amour à Thalie, baigné de ses caresses et de son eau. Il s'imprègne d'elle jusqu'au plus profond de ses os.

Ce n'est qu'une fois repu de cette chaleur humaine et de cette languide affection, assis à même le sol, la djinn blottie contre lui, qu'il se confesse.

- J'ai discuté avec Bertus. Un silence. Il contemple ses doigts fripés, mêlés à ceux de la maritin. Nous... ne parvenons plus à nous comprendre. Le constat le peine au delà des mots. Je.. Je n'arrive pas à lui dire les choses les plus simples sans que mes propos se tournent en aigreur. Mes mots le blessent. Mon renfermement le blesse. Ce que je suis le blesse... Il a du mal à accepter qu'il me faut du tempe, parce que.. je suis verrouillé depuis si longtemps... que.. que je ne sais plus comment m'y prendre. Je veux juste qu'il soit patient... Mais ça le frustre et ça me frustre qu'il ne comprenne pas et essaie encore et toujours de m'imposer son rythme... Ca.. Ca me met en colère et ça... Ca me rend profondément triste....
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Thalie Busset
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- Mon doux Silviu… j’aimerais tellement pouvoir balayer ton chagrin… dis-moi… dis-moi comment je peux faire ?
- Ne... Ne te désespère pas de moi... Je t'en supplie...
- Je te le promet.
- Si je me referme, si je te repousse, si je te déçois un jour, ne te décourage pas de moi... Je t'en prie...
- Je vais m’accrocher à toi comme une moule à son rocher, affirme-t-elle en souriant tout en étant tout à fait sérieuse.

Il ne cesse de l’embrasser, quémandant affection et chaleur humaine et inlassablement, Thalie continue de lui en prodiguer.
- Laisse-moi... rester... auprès de toi...
Pour toute réponse, elle l’embrasse plus profondément avant de murmurer contre ses lèvres.
- Oui… reste avec moi… reste… aussi longtemps que tu auras besoin de moi…

Les mains de Silviu courent sur son corps prisonnier de ses vêtements trempés qu’il commence à lui retirer avec son aide. Elle comprend qu’il a besoin et peut-être envie de plus et est toute disposée à le lui donner. Elle le couvre de baisers et l’inonde de tous les sentiments qu’elle éprouve à son égard alors qu’ils font l’amour, les yeux dans les yeux.
Plus tard, lovée contre son corps, elle ne peut s’empêcher de se dire que leurs deux seules étreintes ont été teintées d’une sorte de tristesse désespérée. Et sans doute est-ce là le lot de deux êtres un peu brisés qui cherchent du réconfort l’un avec l’autre.

Elle reste immobile et muette, refusant de briser cette petite bulle de paix qu’ils viennent de trouver et qui les bercent encore. Il se met alors à parler et elle se redresse pour l’observer.

- J'ai discuté avec Bertus.

Oh. Voilà qui explique sans doute des choses. Elle ne dit toujours rien cependant, serrant simplement ses doigts sur les siens et attend qu’il poursuive. Elle note le chagrin qui trouble à nouveau ses traits alors qu’il se décharge de ce qui lui empoise le cœur. La djinn le scrute un long moment, caresse lentement ses cheveux.

- Je crois que vous ne vous focalisez pas sur la bonne donnée, toi et ton frère. Vous semblez tellement préoccupé par l’intensité de l’effort dont vous faites preuve l’un et l’autre pour essayer de vous retrouver, sur le fait qu’il ne vous satisfait pas complètement, vous frustre et vous met en colère, que vous oubliez l’essentiel. Elle lui sourit tranquillement et caresse sa joue du bout des doigts. Et l’essentiel c’est que cet effort commun il existe… que vous essayez. Maladroitement. Pas de la façon dont l’autre le souhaiterait. En vous blessant malencontreusement au passage. Mais peu importe, tant que vous continuerez à faire un pas l’un vers l’autre, vous finirez par vous accordez. Elle dépose un doux baiser sur ses lèvres, ses paumes englobant son visage. Je pense… non je sais que la profondeur de ce que tu ressens pour lui est à l’image du chagrin dont j’ai été témoin. Alors si tu l’aimes autant que je le crois, n’abandonne pas. N’abandonne jamais. S’il y a de l’espoir pour moi et Nathan, il y en a pour toi et Bertus.  
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Silviu Taur
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Silviu observe le visage tout en angles gracieusement effilés de la djinn. Il ne se lasse pas d'observer chaque mimique qui l'anime.

- Je crois que vous ne vous focalisez pas sur la bonne donnée, toi et ton frère.
- Que veux-tu dire ?
demande-t-il avec un froncement de sourcils songeur.
- Vous semblez tellement préoccupés par l’intensité de l’effort dont vous faites preuve l’un et l’autre pour essayer de vous retrouver, sur le fait qu’il ne vous satisfait pas complètement, vous frustre et vous met en colère, que vous oubliez l’essentiel. Et l’essentiel c’est que cet effort commun il existe…

Il doit reconnaitre que c'est effectivement juste. Trop focalisé sur leurs divergences, il est passé à côté de cette évidence. Le prêtre se saisit délicatement de ses doigts caressant et en embrasse les phalanges avant de recaler la mains de Thalie tout contre sa joue.

-...que vous essayez. Maladroitement. Pas de la façon dont l’autre le souhaiterait. En vous blessant malencontreusement au passage. Mais peu importe, tant que vous continuerez à faire un pas l’un vers l’autre, vous finirez par vous accordez.
- Tu crois ?


Thalie chasse ses craintes d'un baiser et d'un sourire.

- Je pense… non je sais que la profondeur de ce que tu ressens pour lui est à l’image du chagrin dont j’ai été témoin. Alors si tu l’aimes autant que je le crois, n’abandonne pas. N’abandonne jamais. S’il y a de l’espoir pour moi et Nathan, il y en a pour toi et Bertus.

Le vieil homme lui sourit avec ce pétillement séduisant qu'elle a parfois entrevu dans son regard bleu. Il enlace sa taille et rapproche ses lèvres du coeur de la maritin, déposant un baiser entre ses deux seins. Il respire le parfum de sa peau fraiche et salée.

- Merci, déclare-t-il simplement en levant les yeux vers elle. Tes paroles sont pleines de bon sens. Elles m'ont fait du bien... Tu me fais du bien, ajoute-t-il soudain avec une autre sorte d'émotion dans la voix.

Un silence s'installe, pétri de douceur et d'œillades tendres.

- Thalie... Je... Si.. commence-t-il soudain embarrassé, tentant gauchement de trouver la formulation la plus adéquate. Est-ce que tu veux que je fasse la demande... pour... pour avoir une chambre rien que tous les deux ?

Il se sent rougir jusqu'aux oreilles d'une telle audace. C'est la première fois de sa vie qu'il essaie d'être égoïste et de formuler à haute voix ses propres désirs.



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Thalie Busset
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- S’il y a de l’espoir pour moi et Nathan, il y en a pour toi et Bertus.

Thalie sait parfaitement qu’il ne pourra pas contester ce fait.
Il a l’avantage de partager avec son jumeau bien plus que des gênes ; des souvenirs, des épreuves et des moments de complicité. Tout cela finira par les réunir, elle n’en doute pas.
Elle et Nathan aurons tout à construire ensemble. Perspective qui l’emplit de joie si tant est qu’il le veille un jour.
La djinn est néanmoins récompensée par le beau sourire de Silviu qui fait pétiller ses yeux de charmante façon et elle en oublie un peu le reste. Impossible de ne pas le lui rendre. Il pose ses lèvres sur son cœur qui bat fort sous sa peau. Elle le contemple avec une émotion certaine au fond de ses yeux bleus et embrasse le haut de sa tête.

- Merci.
- Je t’en prie… Juste pour être certaine... tu me remercies pour ce que je viens de dire ou pour ce qu’on vient de faire ? demande-t-elle avec une lueur amusée dans le regard.
- Tes paroles sont pleines de bon sens. Elles m'ont fait du bien...
- Je suis heureuse que ma sagesse très terre à terre ait pu d’aider, souffle-t-elle avec tendresse en passant ses doigts dans sa tignasse grise et blanche épaisse.
- Tu me fais du bien.
Elle arrête son geste et cherche son regard.
- De cela aussi j’en suis heureuse. Parce que toi aussi tu me fais du bien. Je ne m’imagine pas traverser tout cela sans ton soutien et ta présence à mes côtés.

Ses paumes glissent à nouveau vers ses joues alors qu’elle se penche pour l’embrasser longuement.
Elle cale sa tête contre le creux de son cou et pousse un profond soupir de satisfaction. Quand elle se trouve avec lui, tout lui parait plus simple et rien ne lui parait insurmontable. Il lui inspire une force qu’elle ne croyait plus posséder.

- Thalie...
- Hum ?
- Je... Si…
Elle redresse la tête en entendant son hésitation et fronce légèrement les sourcils. Elle ne dit rien pourtant et le laisse trouver les bons mots pour exprimer sans doute quelque chose de difficile à avouer.  
- Est-ce que tu veux que je fasse la demande... pour... pour avoir une chambre rien que tous les deux ?
- Oh… elle arrondit les yeux, surprise de cette demande avant qu’un sourire radieux ne fende presque son visage en deux et qu’un petit rire ne lui échappe.
Elle passe spontanément ses bras autour de son cou et se serre contre lui.

Recueillir ses pensées avant de se laisser aller au sommeil, s’endormir dans ses bras, se réveiller à ses côtés… autant de petits moments qu’elle chérira.

- Oui ! Mille fois oui ! Et je ne dis pas cela simplement parce que dormir dans les dortoirs est un vrai supplice. Silviu… tu rougis ! C’est franchement adorable.

Thalie dépose de tendres baisers sur ses pauvres joues chauffées puis recule pour mieux le regarder, le visage ceint d’un bonheur authentique. Elle mordille sa lèvre, toujours souriante, et caresse du pouce celle de Silviu.  
- Ca voudrait dire que l’on forme … une sorte de couple ? Tu es prêt à sortir de ton long célibat et à affronter… quelques œillades appuyées ?

Parce que Thalie l’est. Pleinement. L’apocalypse, leurs natures très différentes qui les vouent à être séparés bien trop vite… tout cela n’a pas d’importance au regard de tout ce que Silviu lui apporte.

Thalie sait déceler l’essentiel.
Et Silviu l’est devenu à ses yeux.
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Silviu Taur
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L'espace d'un instant, Silviu craint que sa demande paresse cavalière : Thalie prise son indépendance par dessus tout. Néanmoins sa réaction positive le rassénère immédiatement. Thalie a l'air exaltée par la perspective d'une vie commune. Il laisse échapper un petit rire grondant en réceptionnant son étreinte joyeuse.

- Oui ! Mille fois oui ! Et je ne dis pas cela simplement parce que dormir dans les dortoirs est un vrai supplice.

"Elle veut bien de moi."
pense-t-il, une fleur de lave épanouissant ses pétales dans sa poitrine.

Il a chaud, soudain, malgré ses fesses nues sur le carrelage et sa peau humide.

- Silviu… tu rougis !
- Absolument pas,
grommèle-t-il.
- C’est franchement adorable.
- Cesse de te moquer, pirate !


Il aime sont sourire rayonnant. Jamais il ne pourrait s'en lasser

- Ca voudrait dire que l’on forme … une sorte de couple ?

Le voilà qui sent son visage chauffer à nouveau.

- Je ... Je suppose, oui.
- Tu es prêt à sortir de ton long célibat et à affronter… quelques œillades appuyées ?
- Sauf si... tu considères que c'est une entrave à ta liberté...
balbutie-t-il tout en la regardant intensément. J'ai.. J'ai conscience d'être sans doute ridicule. Tout... tout nous sépare. Le Temps en premier lieu. Mais.. je veux pouvoir profiter du peu dont je dispose, avec toi, si tu es d'accord...

Sur ce point, Silviu a décidé que Bertus a raison. Il suit donc son conseil.
Il se tend vers sa bouche rieuse pour l'embrasser délicatement. C'est alors que des voix et du mouvement se fait entendre. Les douches sont investies par d'autres habitants désireux de commencer leur journée frais et propres.

- Nous ferions mieux de sortir de là... lui chuchote-t-il tout bas à l'oreille.
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Bertus Taur
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Tout en me faisant verbaliser pour avoir fumer dans un endroit inapproprié – oui je vois bien que ça te fais plaisir Hyppo, prends donc le temps de remplir tes petites cases – je me repasse sans cesse notre semblant de discussion avec Silviu. De là à dire que ça me mine, il n’y a qu’un pas.

Mais bon ! C’est pas pour autant que j’ai décidé de baisser les bras. Pas encore. Faut croire que j’aime les mandales. Ou que je n’arrive pas encore à me résigner qu’entre Silviu et moi c’est aussi mort que le reste de ma personne.

D’autant que Simone m’en a appris une belle le soir même.
Finalement, il m’a écouté ce jour-là… Je me sens stupidement heureux qu’il ait suivi mon conseil.  
L’occasion était trop belle alors j’ai repris le sujet en main. Personnellement.

J’aurais foutrement pas dû ! C’est un casse-tête sans nom de déloger les gens et de les recaser, d’autant que certains sont pas chauds pour bouger tous les quatre matins… ce qui est compréhensible. Ça m’a pris trois jours pour réussir. J’ai même aidé le couple à bouger leurs affaires (en partie pour que ça aille vite) et je l’ai récuré de fond en comble jusqu’à ce que ça sente bon le savon. Une vraie petite fée du logis.
Est-ce que je suis fier de moi ? Carrément. Je l’ai quand même montrée à Simone pour avoir son avis (et pas du tout parce que j’étais très fier. J’ai déjà dis que j’étais fier ?)

Cette chambre ça sera mon calumet de la paix.
Je passe ensuite un temps infernal à le trouver. Ces bunkers vont me rendre dingue un jour. J’ai enfin réussi à apprendre qu’il faisait la leçon aux enfants à la demande d’Ygerne. Cette idée me fait sourire mais s’il y a bien quelqu’un qui a la patience nécessaire avec ces morpions, c’est Silviu. Je me pose devant la porte entrouverte. Je l’observe et l’écoute, un vague sourire nostalgique aux lèvres. Il en parle bien de notre Mère et je suis aussi attentif que les enfants. Il ne se rend sans doute pas compte à quel point il a aussi cette capacité à fédérer, à être écouter. Sans doute pas sur les mêmes sujets que moi.

Toi aussi tu rayonnes Silviu.
Avec ta lumière à toi.


Ca serait bien qu’il le voit un jour plutôt que de se comparer l’un l’autre. A la fin de la leçon, je fais un clin d’œil à Ygerne et attend patiemment que Silviu vienne vers moi, un petit groupe d’adolescents semblent vouloir lui poser tout un tas de question. Les plus petits sont les premiers à me remarquer et certains courent vers moi.

- Bertus !! Il est où ton chapeau ?
- Je l’ai pas mis aujourd’hui, draga.
- Tu nous montres tes crocs dit ? demande un petit garçon de huit ans.

Je fais mine de lever les yeux au ciel et dégaine mes longues canines avec un bruit effrayant de monstre en essayant d’en attraper un ou deux au passage. Ca s’ébroue et ça piaille en éclatant de rire. Puis les parents viennent les chercher et j’attends toujours. Je ronge mon frein même, mais je montre aucun signe d’impatience, un vrai Bouda.
Enfin il sort et s’approche. Je ne peux pas m’empêcher de sourire comme le chat qui vient de bouffer un canari.

- Salut ! C’était une belle leçon.
Sans rien ajouter je lui tends deux clés où sont accrochés le même numéro.
- Ta nouvelle chambre. Enfin votre chambre. Simone m’a dit.
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Silviu Taur
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Silviu a donc fait exprimé sa requête à Simone le jour même. Il était aussi gêné qu'elle n'était amusée. Elle lui a fait comprendre qu'il serait difficile de leur ménager une place de couple, mais qu'elle les mettait sur liste d'attente, en position prioritaire. En attendant, il sympathisait avec ses colocataires lupins. Si les deux plus jeunes avaient considéré d'un oeil circonspect la venu d'un chasseur roumain dans leur chambrée, le plus âgé, du nom de Lewis lui avait fait "bon" accueil (si par là on entendait une paix royale). Ils avaient même fini par s'entendre, le loup d'un naturel intelligent et curieux lui posant parfois quelques questions théologiques sur ses pratiques religieuses ou sur l'histoire riche des Sang-coureurs. Remarquant ses absences fréquentes certains soirs, Chung et Zeal avait fini par lui glisser avec des sourires narquois que O'Keilly allait retrouver "sa sorcière".
Ainsi, Silviu avait-il fait la connaissance de Ygerne McNamara, la responsable d'une école mixte, mêlant humains et surnaturels, pour les enfants des Shelters.

-... Le terme de "Mère" fait toute la différence. Son obscurité est féconde mais ambivalente : elle engendre le Rêve comme les Cauchemars. Elle suscite la paix, l'introspection mais également la peur.

Debout, planté devant une classe d'élèves aux âges disparates, le prêtre fascine son jeune auditoire de sa voix posée et de son éloquence. Les manches de sa chemise sombre retroussées aux coudes, il n'a pas conscience de sa gestuelle chaleureuse et du charme de son timbre.

- Ses enfants, les Nocturnes, sont tant les monstres que les guerriers qui les combattent. Il y a une forme de fraternité dans cet appartenance à l'envers du monde diurne, un aspect autrefois caché. Désormais, les Nocturnes et les Diurnes se mêlent et nous ne reviendrons sans doute jamais en arrière.
- Mais du coup
, intervient une jeune adolescente à la peau noire du nom de Bass. Les "déesses" des mythologies qu'on croise c'est une facette de cette "Mère-Nuit" ? Genre Nyx, Nout ou Nott... c'est elle ? J'veux dire, est-ce qu'on peut croiser un avatar de Mère-Nuit ?
- Intéressante question. Oui et non. On retrouve effectivement cette idée de maternité et de féminité chez certaines des figures que tu as cité. La plupart de ces déesses, parfois des dieux, sont à la base de la fondation de tout un panthéon. Cependant, la Nuit, telle que je la vénère est une entité qui se place au dessus de la divinité en tant que telle. L'essence divine est, quelque part, une matérialisation de la Foi et de l'Imagination humaine. De la croyance, nait la matière divine, et cette matière divine s'invite parfois parmi les vivants sous la forme d'Avatars. Ce n'est pas le cas de Mère-Nuit. Elle est unique, incréée, éternelle. Elle est et sera toujours, avant nous et après nous.
- J'comprends pas
, fait son petit frère. Tout à l'heure vous nous avez raconté l'histoire des Sang-Coureur avec les animaux qui boivent des larmes de la Nuit ... ça ressemble à un conte, ça!
- Un mythe, Jaquil, on appelle ça un mythe !
, corrige sa soeur.
- En tant que culte nous n'échappons pas au besoin de consolider concrètement nos croyances en racontant des histoires qui rassembleront. Tout mouvement religieux a besoin de mythes fondateurs et c'est le rôle de la "Constelația" de les rédiger. Mais Mère-Nuit se prie indépendamment du dogme auquel j'appartiens, c'est toute la spécificité de ma foi.
- Alors c'est pas une grooosse baleine tout plein d'étoile ?
déplore une fillette avec un air déçu.
- Peut-être. C'est toi qui choisit la forme sous laquelle tu souhaites te la représenter.
- Ben moi j'trouve ça plus joli! Et ça fait moins peur !


Le vieil homme produit un rire grondant qui plisse agréablement ses yeux.

- Tu as raison, c'est une belle incarnation.
- Bien les enfants, la classe est terminée pour aujourd'hui.
lance Ygerne. Je vous propose que pour la prochaine fois, vous produisiez une création qui s'inspire de ce que vous avez appris aujourd'hui. Ce peut être un dessin, un récit, une chanson. Pour reprendre les mots de notre ami Silviu : "C'est vous qui choisissez la forme sous laquelle vous souhaitez vous la représenter." On le remercie d'être venu nous transmettre son savoir aujourd'hui.
- Merci Silviu !
fait la classe en coeur.
- Merci à vous de m'avoir écouté, les enfants.

Les gosses se lèvent dans un brouhaha joyeux pour rejoindre leurs parents qui piaffent d'impatience à la porte et Bertus est enfin remarqué. Pendant qu'il échange avec certains gosse, son jumeau remercie chaleureusement Ygerne de l'avoir invité à faire la classe. Puis, prenant une grande inspiration, il se dirige vers son frère dont il n'a pas croisé la route depuis trois jours.

- Salut !
- Salut
, répond-il un peu guindé, ne sachant pas encore sur quel pied danser mais résolu à ne pas tomber cette fois.
- C’était une belle leçon.
- Merci...


Bertus brandit alors deux clés magnétiques sous sont nez. Silviu louche dessus avec un froncement de sourcils.

- Qu'est-ce que c'est ?
- Ta nouvelle chambre. Enfin votre chambre. Simone m’a dit.


Silviu écarquille les yeux et rougit brutalement. Il lui attrape les cartes des mains un peu trop brusquement et déglutit. Il aurait dû se douter que sa belle-soeur le dirait à son compagnon.

- Oui.. je.. hum.. j'ai décidé de me montrer égoïste. Manière détournée de lui dire qu'il a suivi son conseil. Mais... je croyais que l'attente serait plus longue que ça. Comment vous êtes vous débrouillés ?
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Bertus Taur
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Il récupère son bien en rougissant si fort que je me pince les lèvres pour ne pas rire. Sa pudeur, en total opposition de mon caractère, m’a toujours amusé. Mais il le prendrait certainement pour une moquerie alors que c’est bien plus de l’attendrissement qu’autre chose. Je ne fais donc aucun commentaire.

- Oui.. je.. hum.. j'ai décidé de me montrer égoïste.

Je hoche la tête, les mains dans les poches arrière de mon jeans. Est-ce qu’il me remercie à demi-mots pour ce conseil ? Possible. Je sais pas trop mais je veux croire que c’est effectivement mon conseil qui l’a guidé un peu. Ca me redonne l’impression d’avoir une utilité en tant que frère.
- C’est bien. Ton égoïsme a payé à priori. Content que tu te sois accordé quelque chose de positif dans la vie.

Tout ça manque clairement de naturel, on ne va pas se mentir on a l’air de deux idiots un peu gênés d’être l’un en face de l’autre. J’ai bien entendu sa profonde inspiration avant de venir vers moi. Comme si montait sur un genre de ring.

- Mais... je croyais que l'attente serait plus longue que ça.
- Elle l’est normalement oui.
Cette fois c’est moi qui suis un peu embarrassé.
- Comment vous êtes-vous débrouillés ?
- Ca n’a pas été simple… même loin de là, mais on a réussi à vous dégoter ça. Je ne sais pas pourquoi je rechigne autant à dire que c’est un genre de cadeau que je lui fais alors que c’était la base de tout ça. Du coup je me montre évasif sans le regarder vraiment dans les yeux. On essaie de réunir les gens qui le souhaitent autant que possible. Enfin je dis « on » comme si je faisais partie de Malsheem alors que je fais que donner un coup de main. Et puis si je me transforme pas en intendant pour mon jumeau je vois pas pour qui d’autre je le ferais.
Depuis quand je me montre si empoté ? C’est un chouillat pathétique quand même et je me passe finalement une main dans les cheveux.
- Bref, l’essentiel c’est que ça soit arrangé. Vous allez pouvoir vous installer tranquillement… et plus durablement.

Maintenant que j’ai donné ses foutues clés, j’ai plus tellement d’excuse pour m’attarder alors mon cerveau carbure à mille à l’heure pour trouver une excuse.

- C’est pas très loin du Mess. Tu vas trouver où tu veux que je te montre où c'est ?
Si ça c’est pas une tentative désespérée de m’accrocher, je sais pas ce que c’est.
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Silviu Taur
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- Ca n’a pas été simple… même loin de là, mais on a réussi à vous dégoter ça. On essaie de réunir les gens qui le souhaitent autant que possible. Enfin je dis « on » comme si je faisais partie de Malsheem alors que je fais que donner un coup de main. Et puis si je me transforme pas en intendant pour mon jumeau je vois pas pour qui d’autre je le ferais.

Silviu observe son frère prendre soudain des chemins détournés pour lui répondre, ce qui n'est pas dans son caractère franc du collier. Il a beau user de pronoms généraux, le prêtre est persuadé que c'est grâce à Bertus qu'il ont pu avoir une chambre individuelle en temps record.

-Je pense que dans le regard des autres, en tant que "héros" si j'ai pu l'en croire, tu es forcément associé aux fondateurs de ces refuges. Tu es le consort de Simone Montespan, la Reine vampire de Tyr na Nog, la fameuse "Madame" de Malsheem. Fait-il avec un fin sourire en coin.
- Bref, l’essentiel c’est que ça soit arrangé. Vous allez pouvoir vous installer tranquillement… et plus durablement.
- Merci pour le passe-droit. Thalie va pouvoir de nouveau dormir correctement.


Un silence s'installe.
Silviu peine à trouver matière à redémarrer la conversation. Il voudrait s'excuser pour son comportement passif-agressif de la dernière fois. Cependant, plus il tourne l'amorce d'une phrase de regret plus sa langue se grippe. Il s'agace de lui même, de son incapacité crasse à surmonter ce blocage idiot.

- C’est pas très loin du Mess. Tu vas trouver où tu veux que je te montre où ça ?
- Oui !...Oui, faisons ça
, s'empresse-t-il de sauter sur cette perche tendue.

Ils cheminent côte à côte de nouveau plongés dans le mutisme. Silviu se tend de tout son être avant de finalement ouvrir la bouche

- Je suis désolé... Pour la dernière fois. J'ai.. J'aurais voulu que ça se passe autrement. J'ai conscience de te paraitre inutilement compliqué. C'est juste... Il a un pauvre petit rire d'auto-dérision. La mécanique est rouillée mais elle est toujours là, tu sais... il faut juste que je retrouve mes marques... Nos marques.

Il lève un regard timide vers son jumeau, figé dans sa trentième année.

- Tu comprends ?
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Bertus Taur
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- Je pense que dans le regard des autres, en tant que "héros" si j'ai pu l'en croire, tu es forcément associé aux fondateurs de ces refuges.
Je hausse les épaules.
- Sans doute, mais ça rassure les gens alors… c’est un peu gênant dans le sens où j’ai absolument rien fait pour mettre en place tout ce vaste … bordel fonctionnel. J’ai pas d’autre mot. Mais ce qu’ils ont réussi à monter en si peu de temps reste admirable.
- Tu es le consort de Simone Montespan, la Reine vampire de Tyr na Nog, la fameuse "Madame" de Malsheem.
- Ah ? je fais en lui rendant son sourire. Je vois pas de quoi tu parles. Je suis juste l’époux de Simone. Elle a besoin d’être juste Simone de temps en temps. Mais oui… Je fricotte avec l’aristocratie française, qui l’eu cru hein ? Bref, l’essentiel c’est que ça soit arrangé. Vous allez pouvoir vous installer tranquillement… et plus durablement.
- Merci pour le passe-droit. Thalie va pouvoir de nouveau dormir correctement.
- Tu m’en diras tant… Merde celle-là m’a échappé trop vite. A tous les coups, ça va le gêner. De rien. Ca me fait plaisir de te faire plaisir.  

Du coup je pars sur autre chose pour ne pas avoir à le quitter tout de suite et briser le loooooong silence qui finit par mettre ma bonne volonté de ne pas trop en faire à mal.  

- C’est pas très loin du Mess. Tu vas trouver où tu veux que je te montre où c’est ?
- Oui !...Oui, faisons ça.

Je relève mon regard vers mon jumeau et note la précipitation de sa réponse qui me fait sourire bêtement. J’interprète ça comme une volonté de pas écourter notre échange. Est-ce que j’ai le bon décodeur ? J’en sais rien, je vais faire comme si, sinon on avancera jamais.
- Bye Ygerne !
Je lui montre le bon chemin d’un coup de tête et on marche côte à côté, silhouettes semblables si on omet le fait que moi j’ai pas vieilli depuis mes trente ans et que je vieillirai jamais. Je prends le parti de rester muet tout en l’observant du coin de l’œil. J’ai l’impression qu’il essaie de me dire un truc mais que ça a du mal à venir. Il ne me reste donc plus qu’à patienter.
Je vais finir moine Shaolin à la fin… je vais voir avec Simone si les chauves ça la branche…

- Je suis désolé... Pour la dernière fois. J'ai.. J'aurais voulu que ça se passe autrement.
- Moi aussi… je lâche avec un peu plus d’émotion dans la voix, le regard rivé vers l’avant.
- J'ai conscience de te paraitre inutilement compliqué. C'est juste... La mécanique est rouillée mais elle est toujours là, tu sais...
Je me joins à son petit rire.
- Je crois bien que je suis pas mal rouillé aussi. C’est qu’il s’en est passé des choses. Tu me parais pas compliqué tu sais, juste… vous avez tous beaucoup changé en mon absence…ma mort pour vous. Et c’est normal. Faut que moi aussi je m’adapte à qui vous êtes aujourd’hui. Que ça soit toi ou Kaelig. La différence avec toi c’est que j’ai jamais été autant déboussolé juste pour te parler. C’est… déstabilisant. J’arrivais même pas à savoir si mon retour te faisait plaisir. J’ai compris aujourd’hui que j’ai fait que te bousculer sans ménagement : en mourant, en revenant pour me venger, en disparaissant à nouveau pour revenir au plus mauvais moment.
- Il faut juste que je retrouve mes marques... Nos marques.

Je croise son regard et mes yeux beaucoup trop honnêtes doivent briller d’espoir et d’une émotion difficile à réprimer. Ce « nos » n’a jamais sonné aussi beau à mes oreilles.
- Tu comprends ?
Comme je ne fais pas immédiatement confiance à mes cordes vocales je préfère hocher la tête, toujours aussi stupidement ému. On effectue quelques mètres avant que je tente de les réutiliser.
- Je sais…que je suis moins patient et réfléchi que toi, plus emporté aussi mais je veux vraiment faire des efforts pour… pour que tu puisses les retrouver tranquillement ses marques. Et pour être un meilleur frère pour toi que je l’ai été. Ca m’empêchera pas d’échouer…petit rire, sans doute pas mal de fois même. Mais tu veux bien me promettre de ne pas nous abandonner trop vite ? Ca me ferait trop mal...de te perdre.
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