Neorvrim a beau insister, la panique de Gi-Ja est trop intense. Il lui demande de s'arrêter, juste le temps de reprendre son souffle, juste le temps de retrouver son calme. C'ets au dessus des forces instinctives du dragon. Il se retire brutalement et s'assoie sur le bord du lit, lui présentant son dos. Le jeune homme, encore chamboulé et

- Pardon… pardonne-moi…
- N... non... Ce n'est pas... ... Ce qu'il croit, essaie-t-il d'expliquer mais le poing qui s'abat sur le mur coupe brutalement toute possibilité de communication.

L'humain sursaute, réduit au silence, incapable de trouver les mots pour apaiser le dragon en colère, incapable d'esquisser un geste pour le retenir. Gi-Ja reste un moment hébété, bras ballants, nu comme un ver dans cette chambre surchauffée. Vide.
Après un temps de pétrification qui lui semble une éternité, il se rhabille comme un automate et sort à son tour. Il marche au hasard, indifférent au chemin emprunté ou au personne qu'il croise. Sans but. Ses pas le guident fielleusement jusqu'au grillage déchiré qu'il a l'habitude d'emprunter pour sortir en cachette.

Avec lui.

Il effleure la ferraille édentée, d'un air absent, et puis, les larmes débarquent sans prévenir. Il prend conscience de tout ce qu'il vient de se passer avec une violence inouïe. La honte et la culpabilité reviennent aux galops : il est dégeulasse, indigne, il a raté, il a déçu... "J'ai tout détruit." Leur relation si particulière, si belle et bénéfique, il l'a pervertit. Rien ne sera plus jamais comme avant. Reste de toute cette affection, la douleur des morsures sur sa peau.

Il a brusquement envie de disparaitre.

À défaut de pouvoir le faire, il se recroqueville sur lui-même et se prend la tête dans les bras. Mourir par les temps qui courent n'est pas une option, sauf si c'est au combat. Pourtant, l'envie ne manque pas.

Impossible de dormir après la petite démonstration de … je sais même pas quoi exactement !... de Neorvrim. Et j’ai regardé Gi’ le suivre en plissant les yeux, suspicieux et inquiet. J’espère vraiment qu’il sait ce qu’il fait ! Mais bon, je suis pas sa mère, il est majeur et vacciné !
Le fait est que ça m’angoisse… sérieusement le commandement me monte à la tête ! Et le fait qu’on a peut-être une créature assoiffée de chair humaine dans nos locaux ne m’aide pas franchement à redescendre.
Ça me gonfle un peu de l’admettre, mais Neo a raison. Parfois, j’oublie un peu ce qu’il est vraiment. Sa nature profonde.
Comme j’oublie sciemment que Ciulin est Frigg parfois.
Je sais pas si c’est conscient ou non, cet effacement du surnaturel. Je suis peut-être « trop » humain, si ça veut dire quelque chose.

Vu mon état de nerfs, j’ai préféré pas emmerder Ciu et j’essaie de travailler dans mon bureau. Tout est dans le mot essayer. On apprécie l’effort mais mon cerveau n’est clairement pas sur de la stratégie militaire.
J’entends soudain un bruit inhabituel mais au moment où j’arrive à la fenêtre je ne vois déjà plus qu’un bout de corps massif et une longue queue écailleuse.
Bon.
Notre dragon national a pris la tangente. Je suis à deux doigts d’aller vérifier qu’il ne laisse pas une scène de crime derrière lui ou de toquer chez Gi-Ja pour vérifier que tout va bien. Histoire de contrôler mes pulsions de mère poule reloue, je grimpe sur le toit et m’en grille une tranquillement. Je commence à être à court, alors je les savoure.
Quelques minutes plus tard, une silhouette humaine sort du baraquement des officiers. Elle a presque l’air de tituber… comme groggy. Je plisse les yeux et me relève.

Gi’ ?
Ok tant pis !

Il aura qu’à m’engueuler en me disant que c’est pas mes oignons mais faut juste que je m’assure que tout va bien. C’est même pas tant son supérieur que son pote qui s’inquiète. Je me bouge et le suis de loin dans sa balade champêtre. Et puis il s’arrête, touche un truc et… s’effondre comme une marionnette à qui on a coupé les fils. Même d’ici je peux voir qu’il pleure.
Putain si Neorvrim l’a blessé je vais … ! Je vais quoi au juste ? Pas comme si je pouvais faire quoique ce soit contre un dragon.
En attendant, je peux au moins essayer de consoler Gi’.

Mes longues jambes avalent les mètres qui me séparent de sa silhouette toute recroquevillée. Sans un mot, je viens m’assoir à côté de lui contre le grillage, les genoux relevés et passe un bras autour de ses épaules secouées de gros sanglots pour le serrer contre moi.

Je sais reconnaitre les gros chagrins qui viennent des tripes quand je les vois et ça me déchire le cœur. Je laisse passer la tempête en silence. Parfois je sais quand la fermer. Là c’était le moment d’être juste là, présent et solide. Finalement quand il se redresse un peu, je fouille une poche et lui sort un paquet de mouchoirs puis m’allume une nouvelle clope. La dernière de mon paquet.
- T’es pas obligé de parler. Mais je suis là si tu as besoin. Pas le Major. Juste Caleb, ton pote, je lui déclare avec gravité.
Je lui tends la cigarette.

Absorbé qu'il est par sa propre détestation, Gi-Ja n'entend par arriver son Major. Il ne se rend compte de sa présence que lorsqu'un bras conciliant enrobe ses épaules.

Un instant, son coeur s'affole.
Un instant, il espère que Neorvrim est revenu et que tout va s'arranger.

Et puis, il découvre le visage de Caleb et la déception s'empare de lui comme une rafale amère. De tous, il a fallu que ce soit lui qui contemple sa déchéance. Les sanglots repartent de plus belle, pathétiques. Misérables. L'envie de se faire exploser sur une mine le traverse de part en part comme une douce idée. Son corps fait rejaillir toutes les petites douleurs qu'il avait jusqu'alors ignoré. Son fondement le lance, il saignotte par endroit, certains suçons ont mû en hématomes. Il a mal. Cependant, la plaie la plus béante n'est nullement visible.

- T’es pas obligé de parler. Mais je suis là si tu as besoin.

Jenson s'allume une cigarette puis, après une bouffée, la lui tend. Gi-Ja louche dessus avant de le regarder de nouveau. Le moindre grésillement rougeoyant lui rappelle le regard flamboyant de Neorvrim.

- Pas le Major. Juste Caleb, ton pote.
- Le pote... ? raille-t-il soudain. Si tu savais comment je traite mes "potes", tu voudrais pas tant en être un... Son poing se referme, son front chute dessus. Je les salis... Ses paumes appuient sur ses yeux comme si elle pouvaient les faire crever par simple pression. Je salis tout....Ses pleurs lui arrachent un hochet nerveux... J'ai tout foutu en l'air....

Je ne suis pas certain qu’il soit ravi de me voir.
Mais je suis là. Qu’il le veuille ou non. Et je peux décemment pas le laisser tant que je serai pas certain que les choses s’arrangeront pour lui. Il refuse ma cigarette alors je l’abandonne entre mes doigts et elle se consume lentement.
C’est con.
C’était ma dernière.

- Le pote... ? Si tu savais comment je traite mes "potes", tu voudrais pas tant en être un... Je les salis... Je salis tout... J'ai tout foutu en l'air...

Je le laisse cracher cette profonde détestation de soi. Je sais ce que c’est. J’étais tout môme quand j’ai commencé à hair plein de truc chez moi.
- Alors t’en est à ce niveau là, hein ? Je fais tranquillement en m’installant plus confortablement contre la grille parce que je sens que je vais pas bouger mon cul avant un moment. Mais si ! Le moment « je suis qu’une pauvre merde et j’enchaine les erreurs alors il vaudrait sans doute mieux pour tout le monde que je me flingue » ? Ce niveau-là… finalement je prends une bouffée de nicotine. Déjà, t'as pas intérêt à te foutre en l'air parce que je reviendrais quand même te chercher pour te ramener. Et puis...tu sais, le « j’ai tout foutu en l’air » il est hyper surfait. Sérieusement ! Je me le suis dis un nombre incalculable de fois. Mais y’a en réalité peu de chose qui soit foutue pour de bon. Je sais que tu vas dire que c’est que du baratin mais… petit ricanement de dérision. Tu peux croire un grand spécialiste des erreurs à répétition. La vraie question mec, c’est plutôt : est-ce que t’as envie de te battre pour réparer les conneries que tu penses avoir faites ?

Je reprends une taff et lâche la fumée vers le ciel.

- Bon. J’étais parti pour pas poser de question mais là j’ai l’impression qu’on a atteint un stade où c’est plus possible, non ? J’ai une petite grimace. De faire l’autruche. Tout ce chagrin là… toute cette haine et ce dégoût que t’as contre toi, ça a à voir avec notre super dragon ? D’abord je le vois partir en mode écaille et quelques minutes après c’est toi qui erre comme une âme en peine pour craquer loin des autres comme un animal blessé. Je suis pas très intuitif mais je sais faire deux et deux.    

- Alors t’en à ce niveau là, hein ?
- De quoi tu parles....? grogne Gi-Ja.
- Mais si ! Le moment « je suis qu’une pauvre merde et j’enchaine les erreurs alors il vaudrait sans doute mieux pour tout le monde que je me flingue » ? Ce niveau-là…

Ricanement humide dérisoire.

- Ah... celui-là....
- Déjà, t'as pas intérêt à te foutre en l'air parce que je reviendrais quand même te chercher pour te ramener.
- Caleb Jenson, le Fossoyeur.... claque Cosgrave passablement cynique.
- Et puis...tu sais, le « j’ai tout foutu en l’air » il est hyper surfait. Sérieusement ! Je me le suis dis un nombre incalculable de fois. Mais y’a en réalité peu de chose qui soit foutue pour de bon. Je sais que tu vas dire que c’est que du baratin mais… petit ricanement de dérision. Tu peux croire un grand spécialiste des erreurs à répétition. La vraie question mec, c’est plutôt : est-ce que t’as envie de te battre pour réparer les conneries que tu penses avoir faites ?
- C'est moi, la connerie. Je ne peux pas fondamentalement changer ce que je suis...

Le caporal décide finalement qu'il a le droit, lui aussi, à un shoot de nicotine. Il récupère la cigarette des doigts de son supérieur et en tire une bouffée à son tour.

- Bon. J’étais parti pour pas poser de question mais là j’ai l’impression qu’on a atteint un stade où c’est plus possible, non ? De faire l’autruche.
- J'ai passé toute ma vie à pratiquer l'autruche. J'ai du raté le stade en question.
- Tout ce chagrin là… toute cette haine et ce dégoût que t’as contre toi, ça a à voir avec notre super dragon ? Les larmes du jeunes hommes coulent toujours. Elles sont juste muettes. D’abord je le vois partir en mode écaille et quelques minutes c’est toi qui erre comme une âme en peine pour craquer loin des autres comme un animal blessé. Je suis pas très intuitif mais je sais faire deux et deux.

Gi-Ja regarde droit devant lui et inspire une nouvelle dose de tabac qui lui brûle la gorge. Sa lèvre tremble. Sa tête refuse l'aveu mais son corps le trahit.

- ... Je l'aime... Sa voix brisée sonne comme une plainte déchirante à peine audible.

C'est la première fois qu'il ose le formuler tout haut et ce ne sera malheureusement jamais pour l'intéressé.

- ... Je l'aime...

Je lui glisse un regard en coin surpris.
- Oh. C’est un chagrin d’amour, alors.

Sobre. Faut dire que je viens de tomber sur une mine et qu’il va me falloir quelques secondes pour le réaliser. Mais en fait, si je remets tous les indices bout à bout c’est… très logique. Long soupire interne. Je suis vraiment aveugle.

- J’avais aucune idée que… Je fais un vague mouvement de la main dans l’air avant de récupérer la clope. Je savais même pas que t’aimais les mecs.

Après tout c’est pas ça le principal.

- Merde, je lâche avec un petit rire en fumant, t’as pas choisi l’histoire la plus simple toi ! Mais on sait bien que si on pouvait choisir ce genre de truc hein… J’imagine que quelqu’un de raisonnable te dirait de passer à autre chose aussi sec et d’oublier même la faisabilité de la chose. Humain et dragon c’est… un truc qu’on trouve que dans les contes de fées. Et encore. Je sais même pas si un dragon peu tomber amoureux. Mais, t’as de la chance, je suis pas du genre raisonnable. Du coup je vais avoir besoin d’un peu de contexte, là. Il sait ce que tu ressens pour lui ? Tu lui en as parlé et tu crois avoir sali votre amitié ?

- Oh. C’est un chagrin d’amour, alors.

Gi-Ja ne répond pas. Il découvre qu'effectivement, c'est le cas. Plus que le béguin qu'il a eu pour Caleb, lui même, il éprouve pour Neorvrim un amour profond et qui ne lui sera probablement jamais retourné. Le dragon a accepté sa tendresse comme une autre expression de leur amitié, s'est laissé attouché par curiosité ou bien par pitié, et malgré ce qu'il a pu proféré dans un moment d'égarement, il ne le considérera jamais comme "son coeur".

- J’avais aucune idée que… Je savais même pas que t’aimais les mecs.
- Je suis doué pour caché des trucs. Je suis doué pour le déni aussi...

Le Caporal est épuisé par cette confession, mais étrangement, elle le soulage d'un poids dont il ressent désormais l'absence. Cela ne guérit pas du chagrin, mais ça l'en distrait suffisamment pour qu'il cesse peu à peu de pleurer.

- Merde, t’as pas choisi l’histoire la plus simple toi ! Comme si il avait choisi quoi que ce soit dans sa pauvre existence. Mais on sait bien que si on pouvait choisir ce genre de truc hein… J’imagine que quelqu’un de raisonnable te dirait de passer à autre chose aussi sec et d’oublier même la faisabilité de la chose. Humain et dragon c’est… un truc qu’on trouve que dans les contes de fées. Et encore. Je sais même pas si un dragon peu tomber amoureux. Mais, t’as de la chance, je suis pas du genre raisonnable. Du coup je vais avoir besoin d’un peu de contexte, là. Il sait ce que tu ressens pour lui ?
- Je ne sais pas... Il est intelligent, il s'en doute sûrement.
- Tu lui en as parlé et tu crois avoir sali votre amitié ?

Gi-Ja s'ébroue d'un ricanement d'une tristesse aigre, décapante et horrible. Un ulcère du coeur.

- J'ai abusé de son affection et de son intérêt pour moi, déclare-t-il d'un ton détaché, désincarné même. J'ai couché avec lui pour essayé de le calmer. J'ai essayé du moins ... Mais c'était ma première fois, enfin.. la première dont je me souviens. J'ai flippé. J'ai tout arrêté. Il était frustré et en colère. Il s'en voulait. Il est parti. J'ai transformé un dragon qui ne savait même pas ce qu'était un baiser, en être sexuellement déviant. Comme moi.

Un silence s'abat comme une chappe de plomb.
Gi-Ja tourne lentement la tête vers Caleb. Une expression poignante de regret et de dégout de lui même froisse ses traits d'ordinaire si composé.

- Tu vois... souffle-t-il au bord d'une nouvelle explosion. J'ai tout sali. J'ai réussi à détériorer la plus belle chose qui ne me soit jamais arrivée. Laisse moi crever, Caleb... y'a rien à repêcher, vraiment....

Il grince un truc qui est sensé être un rire mais il fait aussi mal aux oreilles qu’une craie crissant sur un tableau noir. Je m’en veux de pas avoir vu avant à quel point il est pété en fait. Même s’il est doué pour mentir, j’aurais dû voir.

- J'ai abusé de son affection et de son intérêt pour moi. J'ai couché avec lui pour essayer de le calmer.
Nouvelle œillade. Même moi je vois que c’était pas l’idée du siècle, je suis pourtant un sacré queutard. J'ai essayé du moins ... Mais c'était ma première fois, enfin... la première dont je me souviens. J'ai flippé. J'ai tout arrêté. Il était frustré et en colère. Il s'en voulait. Il est parti.
Je me redresse comme si j’étais sur un ressort.
- Wow, wow, wow ! Ça fait beaucoup d’infos là ! Alors de un : ça va ? Il t’a fait du mal ? Physiquement j’veux dire ? Comment ça « que tu te souviens » ? Et puis écoute, il va aller… faire ses trucs de dragon pour se calmer, revenir et vous pourrez causer. C’était une première fois foirée. Ça arrive. Franchement pas de quoi en faire un drama coréen !
- J'ai transformé un dragon qui ne savait même pas ce qu'était un baiser, en être sexuellement déviant. Comme moi.
Je roule des yeux.
- Dude… Pas à moi ! Pitié ! Y’a rien de déviant chez toi bordel de merde ! T’aimes les mecs … bon et les dragons certes. Mais c’est pas sale ou grave ou…
Je pousse un soupir, attrape sa main et la serre avec force.
- Pourquoi tu crois ça ? Je sais que c’est pas facile d’être… différent. T’aurais vu la gueule des gars quand ils ont compris que j’étais amoureux de Ciulin… et je suppose que plus tu restes dans le placard plus c’est dur d’en sortir. Mais c’est pas sale ou honteux d’aimer...

L’expression qu’il a quand il tourne sa tête vers moi me fait froid dans le dos. Il a l’air tellement mal ! Et ça contraste tellement avec le Gi-Ja qu’on côtoie tous les jours que ça me fait comme un coup à l’estomac.

- Tu vois... J'ai tout sali. J'ai réussi à détériorer la plus belle chose qui ne me soit jamais arrivée.
- T’en sais rien, Gi’. Vous en avez même pas parler depuis…
- Laisse-moi crever, Caleb...
J’ai une poignante expression de compassion. Je repasse un bras autour de ses épaules et pichenette son front avec mon autre main.
- Nope. Même pas en rêve.  
- Y'a rien à repêcher, vraiment...
- Ta bouffe mec ! J’ai pas envie d’en être privé comme ça. Et puis te laisser crever pour aller te rechercher après c’est pas hyper constructif comme plan. En plus Patti serait triste, Hailey me pèterait le nez, Devane me lancerait son regard de daddy « tu me déçois tellement » qui fout les j’tons, Ciu me ferait une misère, Ellie je veux même pas savoir ce dont une démone enceinte est capable… et Neorvrim me cramerait sur place. Autant que je me flingue avec toi du coup non ?
Je le fixe ensuite avec une tendresse dont je n’ai même pas conscience.
- Sérieusement… parle-vous. Je sais pas comment fonctionne un dragon niveau sentiment ou tout le reste mais laisse pas un acte sexuel loupé ruiner votre relation. T’es pas obligé de tout lui dire mais… au moins que bah c’était peut-être pas l’idée du siècle de faire l’amour alors qu’il était à fond en mode « dragonesque » et que t’étais manifestement pas prêt.

- Wow, wow, wow ! Ça fait beaucoup d’infos là ! Alors de un : ça va ? Il t’a fait du mal ? Physiquement j’veux dire ?
- Oui... Enfin non.. Enfin rien que je n'ai pas eu envie qu'il me fasse. Aveu honteux qui lui fait rentrer la tête dans les bras.
- Comment ça « que tu te souviens » ?
- Je... Je crois que j'ai eu ma première fois sous GHB ou alors que j'avais salement picolé. Je ne me souviens de rien. J'ai comme des flashs qui me reviennent de temps en temps, façon syndrome post-traumatique. Tu vois le truc ? J'ai eu ça, tout à l'heure, avec.... Silence ému. Chagrin refoulé. C'est pour ça que j'ai rétropédalé....peut entendre Caleb, de manière étouffé par les tissus de ses manches
- Et puis écoute, il va aller… faire ses trucs de dragon pour se calmer, revenir et vous pourrez causer. C’était une première fois foirée. Ça arrive.
- Et si il ne revient pas ? Si il est trop faible pour rentrer ? S'exclame le jeune homme inquiet. Je suis responsable de ça !
- Franchement pas de quoi en faire un drama coréen !

Avec son tempérament solaire et passionné, Caleb tente de convaincre Gi-Ja qu'il n'est pas un être dégénéré qui mérite une euthanasie immédiate. Difficile à croire. Quand bien même, il apprécie l'énergie que son Major met à essayer de l'aider, à balayer les conventions. Cette faculté l'a toujours séduit et à présent qu'il se connait davantage, il comprend que ses sentiments affectueux étaient avant tout l'expression d'une immense admiration.

- Je ne suis plus aussi certain qu'auparavant que Neorvrim aura envie de bouger le petit doigt pour moi, répond Cosgrave avec un sourire mélancolique. Je le dégoute.
- Sérieusement… parlez-vous. Je sais pas comment fonctionne un dragon niveau sentiment ou tout le reste mais laisse pas un acte sexuel loupé ruiner votre relation. T’es pas obligé de tout lui dire mais… au moins que bah c’était peut-être pas l’idée du siècle de faire l’amour alors qu’il était à fond en mode « dragonesque » et que t’étais manifestement pas prêt.

Gi-Ja regarde le sol, fixement. Des fourmis s'alignent en rang pour acheminer des miettes d'il-ne-sait-quoi vers leur antre. Une sorte d'allégorie de l'armée.

- J'en avais envie, j'étais prêt... Je croyais que j'étais prêt.... souffle-t-il. Il n'y aura pas de "prochaine fois pour se rattraper... Pas avec un être aussi droit que lui. Il va considérer qu'il s'est beaucoup trop impliqué avec les humains et surtout avec moi, que tout cela n'a pas de sens. On ne sentimentalise pas avec la nourriture, n'est-ce pas ? Il passe une main sur son visage et dissimule ses yeux qui s'embuent de nouveau. Le pire... Le pire c'est que j'ai parfois eu envie qu'il me dévore, comme ça j'aurais pu être tout le temps avec lui, comme le foutu cailloux qu'il reste de sa femme et qu'il trimballe tout le temps.... Qu'est-ce qui va pas chez moi, putain...?!

Question moins adressée à Caleb qu'à l'univers tout entier.

- J'en avais envie, j'étais prêt... Je croyais que j'étais prêt...
Je fronce les sourcils.
- Mmmm m’est avis que ça serait peut-être bien de résoudre cette histoire de flash avant. Je lui jette un coup d’œil prudent. C’est… pas anodin tu sais… tu t’es peut-être fais violer. Et ça me fout une rage ! Y’a une chance sur mille que le connard que t’as fait ça soit passé ad patres mais si c’est pas le cas… on va lui faire manger ses dents sévères et on le donnera à bouffer à Neo. Quoique… il a sans doute des goût plus raffiné… Et hop vous vous rabibochez et on fera semblant de pas entendre votre réconciliation !
- Il n'y aura pas de "prochaine fois pour se rattraper... Pas avec un être aussi droit que lui.
- Casse pas mes good vibes s’te plait ! Et pourquoi j’te prie ?
- Il va considérer qu'il s'est beaucoup trop impliqué avec les humains et surtout avec moi, que tout cela n'a pas de sens.
- Oui ben il s'est déjà assez impliqué pour insérer...ok je vais pas finir cette phrase parce que tu vois ce que je veux dire ! Et puis comme si l’amour avait le moindre sens !
- On ne sentimentalise pas avec la nourriture, n'est-ce pas ?
- Tu m’as clairement jamais vu en tête à tête avec l’Osso Buco de ma Nonna ! Je ricane comme un con. Alleeeeeez ! On s’en fout de tout ça, ça ressemble plus à des excuses de résignation que des vraies difficultés !
- Le pire... Le pire c'est que j'ai parfois eu envie qu'il me dévore, comme ça j'aurais pu être tout le temps avec lui, comme le foutu cailloux qu'il reste de sa femme et qu'il trimballe tout le temps.... Qu'est-ce qui va pas chez moi, putain...?!

Malgré cette… étrange confession, je lui dédie un grand sourire.

- La vache… t’es grave croc-love en fait ! Avec des kinks un peu particulier on va pas se mentir, mais chacun ses petits fantasmes. Je juge pas. La cigarette est bel et bien finie et j’écrase le mégot avec un petit soupir avant de le ranger pour le jeter ailleurs qu’en pleine nature. L’amour, c’est un truc assez dingue. Être capable de crever sans hésitation pour l’autre, de tout sacrifier pour que cette personne soit heureuse et juste pour rester avec elle. J’peux comprendre j’crois. Ca nous fait faire n’importe quoi. T’as failli te foutre au feu pour ton dragon et moi je vais me marier avec quelqu’un qui l’est déjà et qui partagera toujours son cœur en plein de morceaux sans que je l’ai jamais en entier. C'est toujours compliqué à avouer aux autres et à moi-même. Si je finis par me faire à Asmo, je sais que je vais aussi avoir des pointes de trouille que Ciulin tombe amoureux.se après moi. Haussement d’épaules fataliste. C’est la vie…et on fait avec ce qu’elle nous donne. Et quand elle vous met devant quelque chose qui vous fait palpiter le cœur, faut pas le louper. J’éclate soudain de rire à cause de tout ce que je viens de balancer. Non mais écoute-moi ! On dirait un vieux sage à la con !

Je finis par poser la main sur l’épaule de Gi-Ja et la presse doucement.

- Ca va aller Gi’… faut juste que tu trouves la foi de sortir la tête du sable ma p’tite autruche ! Et si Neo revient pas demain, on prendra l’hélico et on fera un tour pour voir on cet abruti de gros serpent à écailles s’est fourré ! Ok ?

- Mmmm m’est avis que ça serait peut-être bien de résoudre cette histoire de flash avant. C’est… pas anodin tu sais… tu t’es peut-être fais violer.
- C'est... Une possibilité que j'ai effectivement envisagé.
- Y’a une chance sur mille que le connard que t’as fait ça soit passé ad patres.

Gi-Ja garde prudemment pour lui sa drôle de rencontre avec l'homme de la plage. Pour le moment il ne sait pas quoi penser de tout cela. Tout est bien trop embrouillé.

-...mais si c’est pas le cas… on va lui faire manger ses dents sévères et on le donnera à bouffer à Neo. Quoique… il a sans doute des goût plus raffiné… Et hop vous vous rabibochez et on fera semblant de pas entendre votre réconciliation !
- Comme on fait semblant de pas entendre vos chaleureuses retrouvailles avec Ciulin, chaque soir ? rétorque-t-il avec un sourire en coin qui lui ressemble déjà davantage. Malheureusement les coins de sa bouche retombent déjà. Il n'y aura pas de "prochaine fois pour se rattraper...

Une nouvelle fois, Caleb fait preuve de sa désinvolture usuelle, parfaitement assortie à celle de Ciulin. Ils sont décidément faits pour être ensembles.

- La vache… t’es grave croc-love en fait ! Avec des kinks un peu particulier on va pas se mentir, mais chacun ses petits fantasmes. Je juge pas.
- Merci... de ne pas le faire, lui dit-il avec sincérité.
- L’amour, c’est un truc assez dingue. Être capable de crever sans hésitation pour l’autre, de tout sacrifier pour que cette personne soit heureuse et juste pour rester avec elle. J’peux comprendre j’crois. Ca nous fait faire n’importe quoi. T’as failli te foutre au feu pour ton dragon et moi je vais me marier avec quelqu’un qui l’est déjà ...
- Hein ? Ciulin est déjà marié ?... Il a déjà un peu de mal à comprendre le concept de non binarité malgré l'acharnement d'Elehiel à le lui faire comprendre.
-... et qui partagera toujours son cœur en plein de morceaux sans que je l’ai jamais en entier. C’est la vie…et on fait avec ce qu’elle nous donne. Et quand elle vous met devant quelque chose qui vous fait palpiter le cœur, faut pas le louper. Non mais écoute-moi ! On dirait un vieux sage à la con !
- Il te faudrait une cascade et une barbe pour valider ce nouveau grade....

Les deux hommes restent un moment silencieux, drapés dans leurs constats respectifs du sens de la Vie, puis la main de Caleb se pose sur son épaule.

- Ca va aller Gi’…
- Tu crois ? demande-t-il avec un brin de cet espoir candide qui l'anime parfois.
- Faut juste que tu trouves la foi de sortir la tête du sable ma p’tite autruche ! Et si Neo revient pas demain, on prendra l’hélico et on fera un tour pour voir on cet abruti de gros serpent à écailles s’est fourré ! Ok ?
- Ok... répond doucement l'artificier avec gratitude.

Les deux soldats se lèvent en s'aidant mutuellement. Gi-Ja conserve la main de Caleb dans la sienne un instant.

- Merci... Je n'avais jamais.... confié ça à personne. J'ai de la chance que tu t'acharnes à être mon ami, même, si, je suis... Une grosse autruche mutique. Haussement d'épaules et rictus d'excuses.

C'est en amis que l'un et l'autre regagnent le quartier des Officiers. Gi-Ja souhaite une bonne nuit au Major Jenson et, plutôt que de se diriger vers sa chambre, décide d'attendre Neorvrim dans la sienne. Il s'assoit sur le lit qu'il prend le temps de refaire au carré au préalable. Malgré une volonté tenace de rester éveillé, il finit par se laisser gagner par la torpeur qu'induit toujours les émotions fortes et les larmes. Il finit pas s'endormir, le cœur toujours saignant mais un peu plus léger, toutefois.

Neorvrim a volé jusqu’à se rendre ivre de vent, d’oxygène, et d'épuisement. Il a chassé avec une férocité rarement inégalée, dévorant une harde entière.
Il espérait pouvoir se vider l’esprit, mais il a rapidement découvert que la chose était impossible. Les évènements de la soirée repassaient en boucle devant ses yeux. Sa mémoire a toujours très bien su le torturer lorsqu’elle le voulait.
Il n’aurait jamais dû se permettre d’aller aussi loin avec Gi-Ja.
Non seulement leurs races respectives ne sont pas compatibles – pour preuve, il a bien failli se passer totalement de son consentement comme l’animal qu’il est. Ce constat lui fait horreur, il se fait horreur… – mais il se sent également coupable d’avoir trahi à nouveau les siens… et sa Reine.
Quand bien même ils ont tous péri il y a longtemps, ils sont encore une part entière de l’esprit du dragon.

Il les porte et les portera toujours.
Même s’ils se font bien lourds aujourd’hui.
Il leur doit toujours une promesse.

Le dragon a fini par s’écrouler bien plus qu’il n’a atterri dans une clairière. En plein milieu de la forêt, dans le territoire de Titania. Il en est presque venu à appeler sa capture de ses vœux. Il retrouve le cœur d’Iska dans la poche de sa tunique et le frotte du pouce.

- Pardonne-moi toi aussi. Je suis indigne d’être le dernier, bien indigne…

Une drôle de maison a soudain trouée les arbres et s’est arrêté presque devant lui. Un étrange jeune homme accompagné d’un corbeau et d’un chien l’a accueilli sur le perron. L’humain, qui s’appelle Marcus appris-t-il, lui a offert l’asile pour la nuit dans ce qu’il appelle « le Nid ». Il lui a dit être à l’abri du courroux de Titania ici. Etrange personnage ce sorcier capable de communiquer directement avec son esprit.
Sans qu’il ne sache pourquoi, Neorvrim s’y est senti assez en sécurité pour s’effondrer sur une sorte de sofa et s'abimer dans l'oubli total.
Lorsqu’il réouvre les yeux le lendemain, il se sent toujours aussi fatigué mais le Nid l’a ramené aux abords de la caserne. Avant de sortir, il tâche de retrouver l’état d’esprit qu’il avait en arrivant ici pour la première fois.
La difficulté est grande mais Neorvrim était un homme de politique avant tout et donc de masque. Il parvient rapidement à ses fins.
« Merci, jeune Marcus. »
Le jeune homme lui lance son petit sourire tordu.
« Le Nid a bien voulu t’accueillir, donc nous aussi. Si tu as besoin d’un refuge, pense au Nid et nous viendrons. Et puis, c’est pas tous les jours qu’on rencontre un dragon… ».

En sortant de l’étrange maison, il ne manque pas de remercier le Nid en touchant le bois de sa large paume.
Retrouver la caserne grouillante et à la fois un soulagement et une épreuve. Il échange des bonjours avec des soldats qui ne se doutent pas un instant de son tourment intérieur.

La nuit lui a toutefois porté conseil. Il va cesser tout rapprochement physique avec Gi-Ja pour leur bien à tous les deux et souhaiterait revenir au fondement de leur relation. Une amitié profonde et sincère.
De biens belle résolutions qu’il sera certainement plus difficile à mettre en place qu’à imaginer. Car les souvenir de la nuit ne sont pas que fait de culpabilité et de sentiments négatifs. Avant cela, il y avait le plaisir.

Brute, addictif, à vous en faire perdre la raison.

Et c’est précisément pour cela qu’il doit y mettre fin. Sans sa raison, il n’est qu’un animal indompté et violent.
Par miracle, il ne croise aucun des membres de l’unité du Major et se glisse dans les baraquements alors que l’activité matinale bat son plein. Il retrouve sa chambre avec un soupir et s’appuie sur la porte qu’il prend le soin de refermer rapidement derrière lui.
Il se fige toutefois en reconnaissant l’homme endormi sur son lit. Neorvrim se laisse aller à quelques minutes de contemplation tendre puis se décide à bouger après être certain d'avoir retrouvé son attitude composée.
Il se penche vers le jeune humain, se retient de dégager la mèche de cheveux qui lui barre le front et secoue doucement son épaule en l’appelant par son prénom jusqu’à ce qu’il s’éveille. Alors il retire aussitôt sa main, lui sourit, bien moins largement que d’ordinaire - mais l’effort est là - et se contrôle pour que la tendresse naturelle qu’il éprouve à son égard ne puisse se lire trop facilement sur son visage.

- Bonjour Gi-Ja. Je suis de retour à présent. Puis-je récupérer mon lit ? J’aurais besoin de quelques jours de repos encore, je le crains.  

Il a peur de voir la détestation dans son regard, l'horreur de ce qu'il a failli lui infliger et prie la Flamme qu'il ne le déteste pas.

- Je ... je tiens encore à m'excuser pour cette nuit. Cela ne se reproduira plus. Je t'en fais la promesse.

I can't stop what can't be killed
Save a place inside the walls of your clouded mind
Let's listen for signs
And sail back to when you crumble and decay

Gi-Ja flotte dans un monde amniotique sans la moindre lumière. Il y est bien, il ne souhaite pas en sortir. Pourtant une voix grave et douce scande son prénom au loin, de plus en plus intelligiblement. Il a l'impression d'être arraché à un univers ouaté qui ne lui voulait que du bien pour la lumière criarde du jour. Il papillonne des paupières sur ses yeux rougis et encore gonflés. Il met quelques secondes à comprendre où il est et se redresse complétement échevelé quand il en prend conscience.

Neorvrim est là.
Il est rentré.

- Bonjour Gi-Ja.
- Neo ! Son soulagement est immense et un sourire lumineux éclaire son visage fatigué alors qu'il attrape celui du dragon entre ses paumes. Tu es rentré ! Dieu merci, j'ai eu tellement peur qu'il t'arrive quelque chose...
- Je suis de retour à présent. Puis-je récupérer mon lit ? J’aurais besoin de quelques jours de repos encore, je le crains.
- Ah...euh.. Oui... bien sûr...

Un peu perturbé par ce reveil en sursaut et le comportement très distant du draconien, le soldat s'embourbe un peu dans la couverture (qui le lui a mise ?) qui le recouvrait.  Il la roule en boule maladroitement avant de faire mine de de se mettre debout. Il marque un tant d'arrêt, néanmoins et lève le regard vers Neorvrim.

- Est-ce qu'on... On pourrait parler de cette nuit avant ?
- Je ... je tiens encore à m'excuser pour cette nuit. Cela ne se reproduira plus. Je t'en fais la promesse.

Evidemment.
C'est terrible de comprendre à ce point les mécanismes de pensées de son camarade à écailles. Il avait misé juste en l'expliquant à Caleb : le dragon veut effacer l'évènement à tout jamais. Le jeune homme ferme les yeux, prend une grande inspiration et les rouvre.

- Assieds-toi, s'il te plait. Il y a plusieurs choses que je dois te dire.

Il lui prend résolument les mains avec la ferme intention de ne pas les lâcher.

- Tu n'as rien fait de mal. Tu étais dans un état second et c'était sans doute malvenu de ma part de penser que je pouvais t'aider à extérioriser ton trop plein d'énergie en couchant avec toi. D'ailleurs, c'est à moi de m'excuser de t'avoir poussé dans cette voie. J'ai sans doute abusé, sans le vouloir, de l'affection sincère que tu éprouves pour moi en tant qu'ami. Mais je... Je dois me rendre à l'évidence :  tu ne me considéreras jamais... l'émotion grimpe, fait vaciller son timbre, mais il persévère. Il ira jusqu'au bout de son discours... Jamais comme moi... Je te considère. Il déglutit. Tu aimes ta reine décédée et tu n'auras certainement jamais de place pour moi. Pas.. comme ça. J'estime être coupable de t'avoir forcé la main, d'avoir sans doute usé de tes instincts ou de ta curiosité pour... les humains, le sexe,... haussement d'épaules résigné... Moi.

Gi-Ja lui sourit tristement mais avec vaillance.

- Je t'aime, Neorvrim, mais pas comme un ami. Je suis secrètement jaloux d'Iska et du fait que même morte, elle te possède encore. Je ne suis qu'un humain, une "proie", de la nourriture, en somme. On ne tombe pas amoureux de sa nourriture. Il m'arrive parfois de vouloir effectivement que tu me dévores pour qu'une petite partie de moi reste tout le temps avec toi. Je suis capable de me jeter dans un feu, juste pour t'y rejoindre quelques secondes. Il s'ébroue d'un petit rire à la fois pathétique et poignant. Je suis cette sorte d'imbécile.

L'humain laisse filer un silence.

- ... Peut-être qu'inconsciemment, j'ai voulu t'enchainer à moi d'une manière ou d'une autre. C'était égoïste et sans doute un peu désespéré. On ne peut pas forcer les sentiments de quelqu'un par un tel biais, n'est-ce pas ?... Cette nuit, j'avais envie que tu m'aimes, j'avais envie de croire que j'étais spécial... Tout ce que j'ai réussi à faire c'est brouiller ta perception des plaisirs de la chair et de la chasse. C'est tout... Je suis sincèrement désolé.

Malgré son envie profonde de pleurer, ses glandes lacrymales sont vides. Il les a traites à sec toute la nuit.

- Voilà. Il fallait que tu le saches. Cette nuit je voulais m'offrir à toi, mais comme... comme c'était ma première fois, j'ai eu peur. J'ai tout fait capoter. Je t'ai profondément frustré et déçu, mais peut-être que c'est un mal pour un bien : tu n'auras pas à te sentir responsable d'un acte que tu n'as pas vraiment désiré. Tu n'as strictement rien à te reprocher, d'accord ? Je vais te laisser tranquille maintenant, pour te reposer.

Gi-Ja lui restitue ses mains, dépose un baiser sur son front et se dirige vers la porte.

Assommé pour les paroles et les déclarations du Gi-Ja, le dragon préfère se taire, l’écouter et essayer de digérer tout ce qu’il lui avoue.

Il l’aime. Gi-Ja est amoureux de lui !

Comment a-t-il pu laisser faire une chose pareille ? Comment a-t-il pu se complaire à ce point dans l’affection si apaisante et bénéfique du jeune homme sans rien voir ?
Parce que les choses ne se sont jamais passées de cette façon pour lui, parce que le concept même de "l’amour" est encré en lui depuis sa naissance pour une seule personne.

Parce qu’il n’est pas humain.

Mais il ne peut nier non plus l’affection profonde qu’il ressent pour Gi-Ja et qu’il ne sait qualifier. Bien plus que de l’amitié, bien moins que l’abnégation totale qu’il éprouvait pour Iska. Un entre-deux inconnu. Mais un entre-deux qui a bercé son séjour dans ce monde de rires, de moments de complicité, de baisers nouveaux, de confessions douloureuses et d’une passion bien trop aveuglante.

Neorvrim sent soudain les lèvres de l’humain sur son front et il se relève pour quitter la pièce.
- Gi-Ja !Sa voix à tonner bien plus forte qu’il ne le voulait, presque désespérément. Il pivote vers le soldat. N’ai-je pas un droit de réponse à tout ceci ? reprend-t-il plus doucement avant de tapoter le matelas à sa droite pour l’inviter à le rejoindre. S’il te plait.

Il attend patiemment qu’il le rejoigne puis prend une profonde inspiration avant de commencer.
- Je ne peux te laisser croire que tu es fautif de quoique ce soit Gi’. Il a un petit rire de dérision. Je suis bien loin d’être la créature si pure que tu dépeints, tu sais. Crois-tu qu’il est possible de me forcer ou d’abuser de moi ? demande-t-il avec un petit sourire. Je savais parfaitement ce que je faisais. Oui je suis curieux mais assez lucide pour savoir ce dont j’ai envie et ce dont je ne veux pas. J’ai eu envie de chacune des étapes qui nous ont mené à… à hier soir.  Il est vrai que j’ai beaucoup de mal à qualifier ce que je ressens pour toi et ma faute a été de faire comme si cela n’avait aucune importance sans voir que cela en avait pour toi. C’est moi qui ai abusé de ce flou. Simplement pour continuer à ressentir autre chose que de la culpabilité, du chagrin et un profond sentiment de perte. Lorsque je suis à tes côtés, ils ne semblent plus aussi insupportables. Tu… m’offres une paix, un ancrage dans le présent qui m’empêche de me noyer dans un passé douloureux.

Il pousse un long soupir en pressant une main contre son cœur.

- Ce qui me lie à Iska est… sans doute difficile à comprendre. Elle m’a été imposée avant même que je ne sorte de l’œuf. Je ne sais pas si c’était ce que tu appelles de l’amour… je ne suis même pas certain que nous ayons été faits pour l’éprouver. Mais toi… Il lève ses yeux pour croiser ceux de l’humain et a un pauvre sourire. Toi… tu fus un choix. Conscient et parfaitement égoïste.

Il marque une pause et vient chercher sa main qu’il sert brièvement en baissant à nouveau la tête. Un acte de faiblesse, lui qui avait décidé qu’il devait remettre une limite tangible entre eux.

- Tu n’as jamais brouillé mes perceptions de … il hésite et finit par reprendre les mots de l’humain qui sonne bien plus juste qu’accouplement… des plaisirs de la chair et de la chasse. Elles le sont déjà puisque c’est ainsi que nous procédons. Nous gagnons le droit de nous accoupler avec une femelle. La chasse fait autant partie du processus que l’acte en lui-même. Comprends-tu ? C’est pourquoi il était inconscient de ma part de m’engager sur ce chemin avec toi. Quand bien même il est… terriblement addictif et enivrant. Mais hier soir… il sert les mâchoires avant de reprendre… Par la Flamme j’ai failli… j’ai failli être incapable d’arrêter. Il plonge un regard hanté par la culpabilité dans le sien. J’aurais pu te faire du mal. Justement parce que… je ne suis pas humain, je n’ai ni la même volonté ni les mêmes instincts que vous. Je suis tellement navrée d’avoir gâché ce qui aurait dû être un merveilleux moment pour toi avec un partenaire plus…adapté qui aurait sans nul doute trouver les mots et les gestes pour te rassurer. Je ne suis qu’un stupide animal. Et … il se rend soudain compte que sa voix s’est serrée, troublée par une émotion qui le gagne comme un raz de marée mortifère… c’est bien là où je veux en venir. Je suis un dragon. Une créature enchainée à son passé, incapable de t’apporter tout ce que tu mérites et… mue par des pulsions et des instincts qui pourraient s’avérer dangereux pour toi. Viendra peut-être le jour où ma volonté m’abandonnera, supplantée par le désir de possession et je refuse que tu en paies les conséquences. Sans compter… que les miens m’attendent toujours… dans ce mausolée où tu m’as trouvé.  

Sa volonté de distance claire cède déjà et il englobe la joue de Gi-Ja de sa paume.

- Je suis désolé d’avoir été si égoïste… Je suis cependant si vil que je n’arrive même pas à le regretter complètement. Mais ma volonté n’a jamais été de te faire du mal. Son pouce caresse doucement ta peau. Et j’ai déjà échoué, n'est-ce pas ? Je t’ai fait pleurer…
L’humain a le même air chiffonné qu’après avoir pleurer l’amour perdu de son Major. Lentement, il retire sa main de son visage.
- Pourras-tu me pardonner un jour pour cela ?

- Gi-Ja ! N’ai-je pas un droit de réponse à tout ceci ? S’il te plait.

L'interpellé retourne docilement s'asseoir.

Avec la même patience, le jeune homme écoute Neorvrim, sa perception des choses et ses explications. Son coeur se met à battre plus fort lorsque le dragon insiste sur son désir consenti : "J’ai eu envie de chacune des étapes qui nous ont mené à… à hier soir." C'est un soulagement immense pour lui qui pensait avoir perverti l'honnête créature.
Cette révélation produit néanmoins un effet bien moins intense que la certitude que les sentiments que Neorvrim éprouve pour lui, aussi flous soient-ils, sont un choix. Son tout premier choix. Il est presque effarant de constater à quel point l'un et l'autre ont été prisonniers de leur existence et du bon vouloir d'autrui. Ils se sont mutuellement choisis sans en avoir la moindre conscience.
Le draconien expose ensuite ses craintes sur son animalité, les dérives qu'elle pourrait apporter et tout ce que Gi-Ja retient au milieu de ses mots c'est qu'il ne souhaite pas le blesser, lui faire le moindre mal.

- Je suis désolé d’avoir été si égoïste… Je suis cependant si vil que je n’arrive même pas à le regretter complètement. Mais ma volonté n’a jamais été de te faire du mal. Et j’ai déjà échoué, n'est-ce pas ? Je t’ai fait pleurer… Pourras-tu me pardonner un jour pour cela ?

Gi-Ja rattrape cette main qui prend la poudre d'escampette et la ramène contre sa joue. Il se love dans cette paume chaude et sentant bon la braise et la terre fumée. Il y dépose même une pluie de doux baisers.

- Je sais ce que tu es depuis le premier jour. Je ne me suis jamais fourvoyé sur ta nature véritable : Tu es le feu. Le feu est vorace, parfois implacable, mais il réchauffe, il réconforte... Je suis conscient que tu es un dragon, un prédateur carnassier, un animal pourvu de forts instincts... Ton intelligence et ton sens de l'adaptation ne me les ont jamais fait oublier. Je sais à quoi je m'expose. Cela ne rend pas moins amoureux de toi, Neo. Tu ne sais pas ce que c'est l'amour, et pourtant tu me le décris avec beaucoup de précision. Il plonge ses amandes sombres dans celles de Neorvrim. Possède-moi, si c'est ce que tu désires, parce que c'est ce que je souhaites moi aussi. Ce n'est pas de l'égoïsme de partager du désir et de l'attachement l'un pour l'autre. Il n'y a donc aucune faute à pardonner. Moi non plus, je ne regrette rien. Je connais les risques et je les accepte. L'amour c'est comme les explosifs, de toute façon, ça ne va pas sans risques...
Maintenant, si tu penses que le mausolée de ton peuple compte plus que ton propre bonheur et ta propre existence, je ne pourrais pas aller contre ça. Je n'ai pas ce luxe. Mon éspérance de vie est courte, je succomberais peut-être à la reprise de la ville quand nous nous lancerons dans la bataille. Si je ne fais pas les choix qui m'importent, maintenant, je n'aurais peut-être plus jamais le loisir de le faire.


Il lui rend sa main et lui sourit tendrement.

- Tu es mon premier vrai choix, sans doute le plus important, et je n'y renoncerais que si tu me le demandes.

Neorvrim se sent implacablement écartelé et son visage exprime cette détresse.  
L’intensité des prunelles de Gi-Ja l’accule un peu plus contre ses propres limites. Ses mots l’incitent avec une tendre fermeté à prendre une décision que le paralyse.

Choisir Gi-Ja, c’est perdre l’honneur qu’il lui reste, faire fi de sa promesse, abandonner une seconde fois tout ce qui a jamais compté pour lui, sa Reine et son peuple.
Mais choisir son peuple, c’est perdre la seule personne qui lui apporte réconfort et affection, la seule étincelle de bonheur qu’il ait depuis des centaines et des centaines d’années.

Sans compter que ça ne résout en rien leur incompatibilité. Que l’humain accepte sa bestialité et sa Nature n’en amoindri pas ses effets sur leur relation.    
Et s’il accepte de se laisser vivre cette expérience avec lui, que fera-t-il une fois seul à nouveau ? Cette perte ne sera-t-elle pas celle de trop à supporter pour son cœur et son âme ?

Tout se mélange dans son esprit sans qu’il n’arrive à renoncer à l’un ou à l’autre.
Et Gi-Ja continue de le regarder avec cette douceur particulière, cet « amour » puisqu’il peut maintenant mettre au moins un nom là-dessus.
Il se relève pour lui échapper et s’approche de la fenêtre mais même loin des deux puits marrons de ses yeux les choses ne sont pas plus claires pour lui.

- Quelque soit mon choix, il aurait de lourdes conséquences pour toi comme pour moi. Il a un petit rire triste. J’ai toujours su conseiller, jamais décider. Sans doute est-ce pour cela que je faisais un bon consort. J’ai… besoin de temps… d’y réfléchir…

De faire son deuil de l’un ou de l’autre.
Sa main cherche le cœur d’Iska dans sa poche mais il ne le sort pas. Comme il aimerait être conseiller lui aussi aujourd’hui ? Sa Reine était aussi son amie, aujourd’hui il n’a personne avec qui partager le tourment qui l’habite. C’est seul qu’il devra prendre une décision qui changera peut-être sa vie.
Avant cela, une dernière question perturbe son esprit et même si elle pourra paraître abrupte aux yeux de l’humain, elle est essentielle à ses yeux.

- Es-tu certain d’éprouver de l’amour à mon égard Gi-Ja ? Il plante des yeux qui ne cillent pas dans les siens. Comment peux-tu en être si sûr alors que tu pleurais encore l’homme que tu aimais il y a quelques temps à peine ?

Peut-être Gi-Ja s'est-il mal exprimé ?
Peut-être son explication a-t-elle sonné comme un ultimatum ?
Cela expliquerait l'expression de déchirement qui pétrit tous le visage de Neorvrim. Pourtant, son simple but était de clarifier la situation, pas de lui imposer ses sentiments. Pas de le forcer à un choix. Néanmoins, il faudra que le dragon statue sur sa situation, tôt ou tard.

- Quelque soit mon choix, il aurait de lourdes conséquences pour toi comme pour moi. J’ai toujours su conseiller, jamais décider. Sans doute est-ce pour cela que je faisais un bon consort. J’ai… besoin de temps… d’y réfléchir…
- Bien entendu, je n'ai jamais désiré que tu arrêtes ta décision maintenant. Sache, simplement que quoi tu veuilles en définitive, je resterais ton ami, et j'aurais toujours à coeur ton bien être et tes intérêts, même s'ils ne vont pas dans mon sens.

Le caporal Cosgrave est prêt à accepter que cette première déclaration d'amour se solde par un échec. Pour ainsi dire, une partie de lui s'y prépare déjà.

- Es-tu certain d’éprouver de l’amour à mon égard Gi-Ja ? Comment peux-tu en être si sûr alors que tu pleurais encore l’homme que tu aimais il y a quelques temps à peine ?

Gi-Ja soutient son regard avec intensité. La réponse lui apparait limpide.
Il lui caresse la joue, prenant le soin d'apprécier chaque aspérité de ce visage grave et digne. C'est sans doute la dernière fois qu'il le peut. Si sa vie avait le pouvoir de lui rendre son peuple et sa reine, il la troquerait sans hésiter, parce que cela le rendrait heureux, bien plus que ce que lui ne pourra jamais lui apporter. Il donnerait tout ce qu'il a pour lui et ce ne serait jamais assez. Tragique élan de lucidité. L'humain a un rire très doux et très triste à la fois.

-Je peux imaginer ma vie sans Caleb, mais pas sans toi, c'est aussi simple que ça. Il dépose un baiser léger sur ses lèvres. Repose-toi, maintenant.

Gi-Ja sort de a pièce et referme la porte derrière lui. Il est épuisé, triste, mais paradoxalement léger. Il avait besoin de se confier et il a dit tout ce qu'il lui semblait important de dire. A présent, il faut patienter et retrouver les exigences de son uniforme. La reprise de Tir Na Nog est proche. Ils a un rôle à y jouer, aussi minime soit-il.

Il sera malheureux, mais plus tard.

Après le départ de Gi-Ja, il a eu beau s’allonger et fermer les yeux, le sommeil le fuyait aussitôt. Les draps portaient leurs odeurs qui ne faisaient que raviver des souvenirs aussi douloureux qu’agréables tout cela pour finir par la discussion qu’ils venaient d’avoir.

Gi-Ja l’aime.
Il l’a choisi.

Il en a le cœur crépitant et flamboyant comme il ne l’a jamais eu pour Iksa, tout en se sentant terriblement coupable. Tout est si différent dans ce monde humain, tout va plus vite, plus intensément et la vieille créature qu’il est a bien du mal à se faire à ce rythme effréné des sentiments.
Il reste enfermé dans sa chambre toute la journée. C’est Rory qui vient lui donner un plateau où se trouve un plat cuisiné par Gi-Ja. Savoureux comme toujours. Il se surprend à sourire en mangeant, le voyant presque assembler les ingrédients dans cette vaste cuisine en pratiquant sa magie à lui.

« Je peux imaginer ma vie sans Caleb, mais pas sans toi, c'est aussi simple que ça. »

Peut-il s’imaginer la vie sans le jeune homme ? Vaste question… il ne pensait pas non plus une vie possible sans Iska et son peuple et pourtant il est encore bel et bien là. Sans doute ne peut-il appliquer des préceptes humains à lui.
Décidemment, il n’arrivera jamais à quoique ce soit.
Ce qu’il sait en revanche c’est qu’il aime parler avec lui, rire, manger, découvrir des tas de choses, voler, l’embrasser et… et tout le reste.

Cela suffit-il ? Cela justifie-t-il un parjure ?

La nuit finit par tomber sans qu’il n’avance d’un pouce sur la question. Au contraire, l’obscurité semble avoir ramener sa mélancolie.
Incapable de dormir alors que son corps le réclame pourtant, il décide de prendre l'air sur un coup de tête. Il sort de sa chambre, s’arrête un instant devant la porte de Gi-Ja et y pose sa paume.
Il poursuit finalement son chemin, longe la caserne et finit par arriver dans la clairière devant la mine.

Là où tout à commencer. Il récupère un morceau de bois qu’il enflamme et reprend le même chemin qu’il a prit il y a des semaines maintenant. Il s’enfonce encore et encore jusqu’à se retrouver dans son mausolée. Sa vue lui est à la fois familier et insupportable. Il appose sa main contre les runes et les murs s’illuminent doucement, éclairant la pièce.

- Bonjours mes amis… cela fait bien longtemps.

Il se débarrasse de sa torche et remet de l’ordre, effaçant les traces d’intrusions, remettant les coquilles d’aplomb, les cœurs de ceux de sa race sur l’autel où il reposait.
Son rangement sommaire fait, il s’assoit sur les marches qui mène à la petite structure de pierre et sort le cœur d’Iska qu’il frôle de ses doigts.  

- M’en voudrais-tu d’offrir mon cœur à quelqu’un d’autre ? Dis-moi… crois-tu que je mérite cette vie-là ? Non… sans doute que non… je t’ai déjà tant déçue…
Il amène la pierre contre son front et soupir.

Les dragons ne pleurent pas.
Mais à cet instant, une solitude terrible lui étreint la gorge et il aimerait en être capable pour l'évacuer de son corps.

In your dreams the ghost has come alive
In these walls there's no where left to hide
Under the light of the sun, you will grow
Offer your life to the one you can't know

Marrant comment l'espèce humaine s'habitue à tout. On a quand même une capacité d'adaptation de guedin !
L'Apocalypse ? Ok, bah on va s'accrocher, continuer à s'organiser pour pouvoir bouffer, baiser, se soigner et dormir. Et puis se marrer, tant qu'à y être !
La Faërie existe ? Pas de soucis, on continuera de faire des bébés, de se marier ou de se foutre le cœur en morceau.
L'Amour a ça de vrai qu'il reste universel.
Et que fait un avatar d'une déesse de l'amour et de la famille, il sent picoter sous sa peau toutes ces bisbilles sentimentales, ces graines plantées, cette vie qui se tisse. Moi, je n'ai jamais su coudre de ma putain de life, pas même misérable bouton, mais depuis que je suis Frigg, je vois à travers les trames du destin. Certains fils restent parallèles sans jamais se croiser et d'autres s'emberlificotent et se font des noeuds.
Neo et GI-Jo sont de ces genre là, à foutre le souk sur le fuseau de l'univers.
Il va peut-être être temps que je donne dans le raccommodage.

J'ai eu un petit état des lieux de mon fiancé (J'adore dire ça : "mon fiancé" ! Vous n'avez pas fini de m'entendre glousser. Mon fiancé, putain !) et ce que je soupçonnais du tableau d'ensemble a obtenu confirmation ça et là : du coup, dès que le Gigi a pointé sa mouille hors de ses quartiers, je me le suis choppé au vol pour un petit cour de sexualité expresse. Mec, une sodomie, ça se prépare un minimum ! Tu ne peux pas y aller avec ta bite et ton couteau ! Au début j'ai cru que j'allais me prendre un bon vieux gnon dans la truffe, mais il a finalement écouté mes explications et a gardé le tube de lubrifiant, la poire de lavement et les préservatifs.
J'ai l'impression d'avoir copieusement daronné et rien que ça, ça m'a épuisé (Comment fait Kaelig tous les jours pour être "lui" ? L'angoisse!).

Maintenant, il faut que je poursuivre mon gros œuvre avec un lézard géant. Soyons honnête, la déesse nordique en moi n'est pas chaude, pourtant, elle reste sensible à la ré-harmonisation du couple. C'est son job ! Enfin le nôtre. Non parce que, j'ai beau voir Gi-Ja et Neorvrim jouer à l'autruche et au dinosaure, ces deux couillons sont dingues l'un de l'autre. C'est pas moi qui shipe, c'est mon spidersense divin qui le voit. Depuis qu'on l'a sorti de sa grotte, il y a une sorte de fil rouge qui les relie coeur à coeur (Oui, je découvre mes superpouvoir un peu au petit bonheur...)

Bref.
Tout ça pour dire que j'ai suivi notre Châteaubriand à écailles explorant ses mémoires d'outretombe (au sens littéral). Ambiance ! On sent direct que cette conversation va respirer l'éclate. Mais bon faut bien se lancer...

- M’en voudrais-tu d’offrir mon cœur à quelqu’un d’autre ? Dis-moi… crois-tu que je mérite cette vie-là ? Non… sans doute que non… je t’ai déjà tant déçue…
- Qu'est-ce t'en sais ? Que je fais, en lévitant délicatement du trou dans le dôme du mausolée jusqu'à lui. Non, parce qu'excuse-moi, mais t'as pas encore la compétence nécro pour faire causer les morts. Je doute que ta reine ait canné en pensant "Je veux que Neorvrim soit malheureux toute sa vie. Fuck it !"

Je hausse les épaules, sors les mains de mes poches et me gratte le pif. Le pif des Taur.

- Désolé-e pour le manque de tact. My bad ! que je fais avec une petite grimace. J'ai pas coché l'option à la création et la vie me l'a pas trop enseignée. J'voulais pas brusquer ton petit moment de flagellation introspective, juste que... Bon..  Objectivement, j'crois qu't'a b'soin d'un pote à qui causer, non ? Les morts sont assez nases pour alimenter une conversation en général.

Je lui tends une main franche et amicale. Moi aussi j'ai connu la solitude et l'abandon, sauf que mes marches d'autel était des pavés de trottoir. Kiffe-kiffe.

- Qu'est-ce t'en sais ?
Neorvrim lève les yeux vers l’apparition, sourcils froncés, n’appréciant que très modérément l’intrusion et pas tellement plus le personnage qui se le permet.
- Parce que je la connaissais comme je me connais.  
- Non, parce qu'excuse-moi, mais t'as pas encore la compétence nécro pour faire causer les morts. Je doute que ta reine ait canné en pensant "Je veux que Neorvrim soit malheureux toute sa vie. Fuck it !"
- Aurais-tu l’obligeance de respecter les morts, gronde-t-il, les yeux flambants. S'il y a bien une chose qu'il ne supporte pas, c'est que l'on déshonore sa Reine. Tu n’as aucune idée de qui elle était et ce qu’elle pensait. Ne le présume même pas.

Ciulin a au moins le bon sens de paraitre contrit-e.
- Désolé-e pour le manque de tact. My bad ! J'ai pas coché l'option à la création et la vie me l'a pas trop enseignée.
- Je le sais. C’est pourquoi j’apprécierais que tu me laisses s’il te plait. Je ne suis pas certain de pouvoir supporter ton manque de tact aujourd’hui.
- J'voulais pas brusquer ton petit moment de flagellation introspective, juste que... Le dragon renifle tellement cette assertion est fausse et à nouveau insultante. Bon… Objectivement, j'crois qu't'a b'soin d'un pote à qui causer, non ?
Neorvrim range le cœur d’Iska comme pour la préserver des babillages de l’avatar et soupire.
- Peut-être. Ou peut-être ai-je besoin de quiétude difficile à trouver à la caserne. Et puis sans vouloir me montrer blessant… je ne suis pas certain que tu remplisses ce rôle.  
- Les morts sont assez nases pour alimenter une conversation en général.

Neorvrim a un rire aigre.
- Tu te trompes. Oh comme tu te trompes…

Il observe cette main tendue puis son regard remonte lentement vers le visage de Ciulin et il s’appuie plus franchement contre l’autel brisé.  
- Tu ne m’apprécies nullement avatar de Frigg. Quelle est la véritable raison de ta présence ici ?

- Parce que je la connaissais comme je me connais.  

La réponse me fait rire. Les vieilles âmes sont parfois complètement à côté de leurs pompes


- Personne peut prétendre un truc pareil et pourtant j'ai partagé une connexion magique avec mon époux. Déjà parc'qu'tu s'ras jamais dans la tête d'un autre à 100% et surtout.. parc'qu'on est assez mauvais juge d'soi même. Non, parce qu'excuse-moi, mais t'as pas encore la compétence nécro pour faire causer les morts. Je doute que ta reine ait canné en pensant "Je veux que Neorvrim soit malheureux toute sa vie. Fuck it !"
- Aurais-tu l’obligeance de respecter les morts !
- Tout de suite les grands mots...
- Tu n’as aucune idée de qui elle était et ce qu’elle pensait. Ne le présume même pas.
- Je m'y risquerais même pas. Tout c'que j'dis c'est que... tu l'sais pas plus qu'moi. Désolé-e pour le manque de tact. My bad ! J'ai pas coché l'option à la création et la vie me l'a pas trop enseignée.
- Je le sais. C’est pourquoi j’apprécierais que tu me laisses s’il te plait.
- Nope, ça j'peux pas faire.
- Je ne suis pas certain de pouvoir supporter ton manque de tact aujourd’hui.
- J'voulais pas brusquer ton petit moment de flagellation introspective, juste que...Bon… Objectivement, j'crois qu't'a b'soin d'un pote à qui causer, non ?

Je sais, je suis un bulldozer. N'empêche que depuis mon dernier frôlage de mort -où j'ai franchement cru y rester- j'ai plus de patience pour les gars qui se touillent leurs plaies avec du sel, même quand ils ont des milliers d'années. Fatigue.

- Peut-être. Ou peut-être ai-je besoin de quiétude difficile à trouver à la caserne. Et puis sans vouloir me montrer blessant… je ne suis pas certain que tu remplisses ce rôle.  
- Y'a pas d'mal, que je fais sans me foutre la rate au court bouillon. P'têt que ça t'secouera un peu les écailles au contraire. Les morts sont assez nases pour alimenter une conversation en général.
- Tu te trompes. Oh comme tu te trompes…
- Les voix que tu leur prêtes ne comptent pas Neorvrim.

Je lui tends ma paluche et me fait complétement ghosté-e. Okaaaay ! Je remballe ma main.

- Tu ne m’apprécies nullement avatar de Frigg.
- Ah bon ? Première nouvelle. L'seul gus qui s'montre hostile ici, c'pas moi. Tu es un dragon et Frigg sait parfaitement c'que t'es. D'ailleurs tu l'as réaffirmé à  Cal' pas plus tard qu'y 'a trois jours. Dire une verité a pas valeur d'jugement.
- Quelle est la véritable raison de ta présence ici ?

Je me laisse tomber sur les marches à côté de lui.

- Tu m'poses sérieusement la question ? Sois pas con. J'vois bien qu't'en chie. Personne apprécie d'voir un pote souffrir. Bon tu peux pas m'blairer. J'peux pas aller contre ! Mais moi j'taime bien. Et j'maintiens, t'as b'soin d'te frotter à la vie, plus qu'à la mort pour ta quête d'réponse existentielle. Je soupire. Neo... pourquoi tu tiens à t'éteindre avec les tiens alors que t'es encore vivant ?

Je le matte avec une inquiétude sincère.  Il me fait de la peine.

- Tu ne m’apprécies nullement avatar de Frigg.
- Ah bon ? Première nouvelle. Le dragon arque un sourcil, l’expression venant clairement démontrer « Te ficherais tu de moi ? »  L'seul gus qui s'montre hostile ici, c'pas moi.
- Je ne suis hostile que parce que tu envahies mon espace de recueillement sans aucun égard, ni pour moi, ni pour ceux qui y reposent. Le manque de respect de votre espèce est parfois insupportable.
- Tu es un dragon et Frigg sait parfaitement c'que tu es. D'ailleurs tu l'as réaffirmé à Cal' pas plus tard qu'y 'a trois jours.
Il esquisse un sourire à ce souvenir.
- Je n’ai pas encore trouver le temps de m’en excuser. Ce que j’ai dit à ce moment-là est toujours vrai mais je n’y ai pas vraiment mis les formes.
- Dire une vérité a pas valeur d'jugement.

Le dragon laisse couler un silence un rien tendu.

- Quelle est la véritable raison de ta présence ici ?
A son grand désespoir, Ciulin décide de s’installer à ses côtés.
- Tu m'poses sérieusement la question ?
- Toujours.
- Sois pas con. J'vois bien qu't'en chie.
- Et ? En quoi est-ce ton problème ?
- Personne apprécie d'voir un pote souffrir.
Nouveau soupir.
- Mais de qui parles-tu donc ? Nous n’avons jamais été « pote ». Il me semble que l’amitié nécessite autre chose qu’une cohabitation silencieuse.
- Bon tu peux pas m'blairer.
- Je n’ai jamais dit cela. Ton caractère et le mien sont simplement incompatibles.
- J'peux pas aller contre ! Mais moi j'taime bien. Neorvrim lea regarde à présent avec étonnement. Et j'maintiens, t'as b'soin d'te frotter à la vie, plus qu'à la mort pour ta quête d'réponse existentielle.
Il a un nouveau rire grinçant.
- Qu’en sais-tu donc ? J’aurais trouvé le moyen de me redormir sitôt après mon réveil, personne n’aurait rien eu à y redire. Je n'ai pas de quête de réponse existentielle, Ciulin
- Neo... pourquoi tu tiens à t'éteindre avec les tiens alors que t'es encore vivant ?

C’est une question vaste et la réponse sera sans doute difficile à comprendre pour quiconque ne se trouve pas dans sa situation. Il tourne la tête vers l’avatar et plante son regard dans le sien.

- Que ferais-tu si tu te trouvais être le dernier de ton espèce Ciulin Mari ? Quel avenir envisagerais-tu si tu avais perdu tout ce qui comptait pour toi ? Ta famille, tes amis, tes enfants, tes amours… tes racines… ton avenir, tout. Il marque une pause, sert les mâchoires puis se reprend. Sachant que leur disparition t’incombe en partie ? As-tu la moindre idée du poids qu’ils représentent tous ? La solitude de se trouver dans un monde qui n'est pas le tien, avec des êtres qui ne comprendront jamais ta façon de penser et un sentiment vivace de ne pas être à ta place ? La vie, je m’y suis frotté un long moment avant de regarder tant de fois la mort en face que j’ai fini par périr en partie. Je ne sais pourquoi elle m’a épargné. J’ai choisi de croire que ma seule fonction à présent était de continuer à servir mon peuple, même dans la mort, à être le gardien de leurs mémoires à tous.
Je n’ai pas d’avenir Ciulin. Quand bien même je resterai ici, avec vous… vos vies sont si courtes, si éphémères. Moi, je demeurerai et en un battement de cil je vous perdrai tous à nouveau. Il contemple le coin des oeufs durcis et morts. Combien de deuil un cœur peut-il supporter ?  

Neorvrim se rebiffe, renâcle, hésite, puis de guerre lasse (je fais souvent cet effet aux gens) se confie. Pour une fois, je ferme ma gueule, ne l'ouvrant que lorsqu'il me pose directement une question.

- Que ferais-tu si tu te trouvais être le dernier de ton espèce Ciulin Mari ?
- J'ai une mentalité de cafard. Je survis, même quand j'en ai pas envie, je survis malgré tout. C'est inscrit dans mon ADN.
- Quel avenir envisagerais-tu si tu avais perdu tout ce qui comptait pour toi ? Ta famille, tes amis, tes enfants, tes amours… tes racines… ton avenir, tout.
- Tu vas rire... Mais j'ai vécu cette situation, plus ou moins. J'ai été élevée dans une famille de chasseurs de monstres célèbre, le genre lignée ancestrale. J'ai été en désaccord avec le patriarche de la famille qui se trouvait aussi être mon propre père : On m'a bannie, dépouillée de mon nom, de mon héritage, de tout ce qui faisait que j'étais... "moi". Je me suis retrouvée seule, un peu comme toi, à la différence que les miens étaient toujours vivants. J'ai dû.... me recréer.
- Sachant que leur disparition t’incombe en partie ? Je fronce les sourcils, mais le laisse poursuivre sans plus l'interrompre cette fois. As-tu la moindre idée du poids qu’ils représentent tous ? La solitude de se trouver dans un monde qui n'est pas le tien, avec des êtres qui ne comprendront jamais ta façon de penser et un sentiment vivace de ne pas être à ta place ? La vie, je m’y suis frotté un long moment avant de regarder tant de fois la mort en face que j’ai fini par périr en partie. Je ne sais pourquoi elle m’a épargné. J’ai choisi de croire que ma seule fonction à présent était de continuer à servir mon peuple, même dans la mort, à être le gardien de leurs mémoires à tous.

Je me rencogne contre l'autel, en regardant le plafond.

- Raison de plus pour t'inscrire dans le monde des vivants, faire valoir leur histoire et leur rendre hommage à travers toi. Comment espères-tu transmettre quoi que ce soit en pionçant dans ta crypte ? Si c'est vraiment ça qu'tu penses être ton rôle, être l'Gardien d'leur mémoire, faut qu'tu prennes l'existence à bras l'corps.
- Je n’ai pas d’avenir Ciulin. Quand bien même je resterai ici, avec vous… vos vies sont si courtes, si éphémères. Moi, je demeurerai et en un battement de cil je vous perdrai tous à nouveau. Combien de deuil un cœur peut-il supporter ?
- Chais pas, c'est une question que j'me pose à chaque fois que j'perds un être que j'aime. J'ai une pensée pour Vesper, endormie pour toujours, dans l'écrin de son lit. Mon palpitant se sert à en être douloureux. Et j'en ai perdu, crois-moi. Je côtoie des êtres à la longévité éternelle, j'en suis moi même d'venue un. Est-ce que j'pense aux mortels qui m'entourent ? Bien sûr. Tu crois que j'flippe pas de voir vieillir et mourir Caleb un jour ? Evidemment qu'si. Mais si j'm'étais empêché-e d'vivre cette histoire d'amour, je serais passé-e à côté d'une des choses les plus merveilleuses de mon existence. Et quand il s'ra plus là, si ça arrive, ben... il vivra là. Je frappe mon torse avec la paume de ma main. Chrais dépositaire de sa mémoire, moi aussi, comme j'le suis de ceux que j'ai déjà perdu. T'imagine pas à quel point l'coeur est un muscle resillant, peu importe d'quoi il se constitue.

Je pose une paluche compatissante sur son épaule.

- Neo, chais pas pourquoi tu t'imagines responsable du génocide d'ta race, mais chuis pratiquement certain-ne que y'a plus d'culpabilité là d'dans que d'véracité.

- Raison de plus pour t'inscrire dans le monde des vivants, faire valoir leur histoire et leur rendre hommage à travers toi. Comment espères-tu transmettre quoi que ce soit en pionçant dans ta crypte ? Si c'est vraiment ça qu'tu penses être ton rôle, être l'Gardien d'leur mémoire, faut qu'tu prennes l'existence à bras l'corps.

Neorvrim à un mince sourire.

- La transmission n’a jamais été mon but. Je voulais simplement éviter qu’ils meurent avec moi. Elle n’est venue que parce que j’ai été éveillé. Mais je crois avoir fait assez sensation, non ? Il reprend une expression plus mélancolique. Je n’ai pas d’avenir Ciulin. Quand bien même je resterai ici, avec vous… vos vies sont si courtes, si éphémères. Moi, je demeurerai et en un battement de cil je vous perdrai tous à nouveau. Combien de deuil un cœur peut-il supporter ?
- Chais pas, c'est une question que j'me pose à chaque fois que j'perds un être que j'aime. Et j'en ai perdu, crois-moi. Je côtoie des êtres à la longévité éternelle, j'en suis moi-même d'venue un. Est-ce que j'pense aux mortels qui m'entourent ? Bien sûr. Tu crois que j'flippe pas de voir vieillir et mourir Caleb un jour ? Evidemment qu'si. Mais si j'm'étais empêché-e d'vivre cette histoire d'amour, je serais passé-e à côté d'une des choses les plus merveilleuses de mon existence. Et quand il s'ra plus là, si ça arrive, ben... il vivra là. Je frappe mon torse avec la paume de ma main. Chrais dépositaire de sa mémoire, moi aussi, comme j'le suis de ceux que j'ai déjà perdu. T'imagine pas à quel point l'coeur est un muscle resillant, peu importe d'quoi il se constitue.

Il l’écoute attentivement puis secoue la tête.
- Mon cœur n’est pas un muscle, il est Flamme et chaque mort l’a éteint un peu plus Ciulin. Il a longtemps été résiliant, mais même les êtres les plus coriaces finissent par se fatiguer. Je ne suis pas toi, je n’ai jamais été humain. Et ton éternité est bien jeune. J’ai perdu des milliers d’être aimés. Lorsque tu en comptabiliseras autant, tu auras une pensée pour moi.
- Neo, chais pas pourquoi tu t'imagines responsable du génocide d'ta race, mais chuis pratiquement certain-ne que y'a plus d'culpabilité là d'dans que d'véracité.

Il se revoit, tenter de raisonner Iska avant son départ. Tout lui revient en mémoire avec une facilité déconcertante. La férocité de son regard, ses poings serrées de détermination, la rage vengeresse qui avait rongé son cœur.

- Parce que j’ai été incapable d’arrêter cette guerre inutile. Parce que j’ai échoué dans mon rôle de conseiller. Parce que nous menions notre peuple à sa perte depuis bien longtemps sans le savoir. Nous avons été arrogants de croire qu’il est possible de changer sa Nature profonde sans en payer le prix fort. Crois-moi il ne s’agit pas d’auto-flagellation inutile. C’est une vérité. Et quand bien même la douleur qui l’accompagnait s’atténuait à vos côtés, elle n’en reste pas moins présente.
J’ai promis, Ciulin, j’ai promis que je ne les abandonnerai plus, que je ne leur faillirai plus. Si je reste… c’est ce que je ferais. Mon existence entière a été régie par le devoir de les servir. Prendre une décision égoïste aujourd’hui… revient à nier qui je suis… et à les tuer encore une fois.
Il a murmuré cette dernière phrase, comme s'il ne voulait même pas la prononcer à voix haute.

Je suis très humain, oui, c'est vrai. Je n'ai pas l'XP de la longévité, je veux bien le concéder, mais quelque chose résonne en moi et me dit que je suis incapable de devenir attentiste comme lui, Amon, ou bien ce qu'est en train de devenir Asmodée en s'isolant dans sa cabane d'ermite. Je me bats. je vibre, je vis.
C'est une question de mental.

- Parce que j’ai été incapable d’arrêter cette guerre inutile. Parce que j’ai échoué dans mon rôle de conseiller.
- Chuis l'épouse d'un dieu. Je partage son trône. Moi aussi j'ai c'rôle auprès d' lui. Mais quand Odin a décidé, Odin n'écoute que lui. Tu as fait ce que tu as pu, ça t'rend pas responsable du génocide pour autant.
- Parce que nous menions notre peuple à sa perte depuis bien longtemps sans le savoir. Nous avons été arrogants de croire qu’il est possible de changer sa Nature profonde sans en payer le prix fort. Crois-moi il ne s’agit pas d’auto-flagellation inutile. C’est une vérité. Et quand bien même la douleur qui l’accompagnait s’atténuait à vos côtés, elle n’en reste pas moins présente.
- Ok. Elle t'constitue, elle fait partie d'toi. Personne te d'mande de la renier ou d'l'oublier ! Elle te définit. L'en demeure pas moins que tu es en vie. EN VIE, Neo ! Tu n'aurais jamais du être réveillé et pourtant tu l'es. Il n'y a pas de hasard. Les choses arrivent toujours pour une bonne raison. Tu as une autre chance, saisis-la!
- J’ai promis, Ciulin, j’ai promis que je ne les abandonnerai plus, que je ne leur faillirai plus. Si je reste… c’est ce que je ferais. Mon existence entière a été régie par le devoir de les servir. Prendre une décision égoïste aujourd’hui… revient à nier qui je suis… et à les tuer encore une fois.
- Désolé-e, mais... C'est complét'ment con. J'voulais pas l'dire comme ça, aussi cash, mais ça m'révolte un peu d't'entendre dire un truc pareil. Ok, ton peuple a emprunté une voix qui mène à la destruction. Vous vous êtes plantés. ET ALORS ?! L'existence EST une succession d'apprentissage par l'échec ! Se relever et apprendre de ses erreurs n'a rien d'égoïste! C'est une preuve de maturité et d'abnégation ! C'est ça l'évolution, Neo ! Ce moment où tu t'époussètes les genoux, tu lèches tes plaies et tu reconsidères la situation sous un autre angle : "Bon.. comment je vais procéder cette fois ?" Mon avis vaut ce qu'il vaut, mais te morfondre dans ce caveau ne te rendra pas plus digne aux yeux de ton peuple. Si tu as survécu c'est pour ouvrir une autre voie! C'est pour permettre aux dragons de faire mieux que la première fois ! C'est comme ça qu'tu les serviras !

Je le regarde droit dans les yeux. Il y a une résolution et une volonté féroce qui irradient de toute ma carcasse. Je SUIS une des expression de la Destinée, je vois ce qui est caché, je suis celle qui fait tourner le rouet des trois Nornes. Je suis la protectrice de celles qui portent la vie et des jeunes pousses qui éclosent dans le sol gelé d'hiver pour annoncer le printemps.

- Tant que tu vis, ton peuple n'est pas mort. Trouve une autre voie pour que ton peuple renaisse à travers toi. La vie est un cycle qui se renouvèle constamment.