Ah tiens, il me fait penser à moi, le gamin. Moi aussi je disais que je me fichais de tout, et que le monde me le rendait bien. Quelle connerie, hein ? C'est une belle couverture de merde pour un livre qui mérite réellement d'être lu. Personne ne te laissera tranquille, gamin, absolument personne. Plus tu essaies de te substituer au monde, plus il te tombe dessus avec de plus ou moins belles surprises. Crois-moi, j'ai essayé !

Ses mains s'agitent et il m'explique les pans de son existence...

"Genre moi ? Non, j'suis un accident de parcours, rien de plus."

Faudrait pas qu'il s'attache, et puis quoi encore ? Je devrais le repousser, lui souhaiter bonne chance, bon vent, et tout le tralala. En réalité, c'est tout le contraire, je lui donne confiance en lui, ou du moins, j'essaie. Je l'extrais de sa condition, mon aura fait en sorte, petit à petit, qu'il puisse s'en détacher, se détendre, et continuer.

"Je t'en prie. Et non, t'as pas choisi ton pouvoir."

Alors comme ça, ils ont réellement créé un surnaturel de manière scientifique ? Putain, on arrête pas le progrès ! J'espère qu'il va pouvoir garder ce genre d'attribut, qu'on ne va pas le lui retirer pour une raison où une autre. Son endroit est vraiment sympa, mais ses animaux ont une relation spéciale avec lui. Je pense même qu'ils le suivraient, avec ou sans pouvoirs.

À la question, je m'étoufferais presque dans mon petit-déjeuner.

"Euh... Ouh là..."

Merde, personne ne m'avait jamais demandé cela auparavant.

"Il y a longtemps, j'avais un maître qui m'a octroyé des pouvoirs, un pouvoir, en réalité... Celui de la mémoire. J'étais... je suis... très jaloux de mon frère qui a eu le pouvoir de la pensée. Là où lui ne s'en servait pas plus que cela, j'ai usé du mien, comme un enfant qui découvre ses membres pour la toute première fois. Je me suis imprégné des hommes, des bêtes. Contrairement à la plupart des pouvoirs qui soumettent et commandent, le mien se plie docilement, et c'est à moi de garder les mémoires."

Et puis il y a eu ce jour où tout a basculé.

"Un jour, notre maître a décidé de changer, il est devenu démon et a fait de nous ses lieutenants... Enfin..." je me crispe, c'est encore un peu douloureux comme pensée. "Il a fait de moi son lieutenant, mon frère est devenu un prince démon à ses côtés. Je n'ai jamais compris cette préférence, d'ailleurs. Mon frère est plus violent, plus voyeur, moins discret." je fais un mouvement de la main, peu importe Bélial, au fond. "J'ai marqué ma place dans les esprits, je me suis inventé une existence. Si tu demandes à un historien quand est apparu Baphomet pour la toute première fois, il sera incapable de te répondre. Je me suis donné un corps, je me suis même donné des admirateurs et un culte que personne n'a jamais pu trouver parce qu'il n'existait que dans les esprits. Tout n'était que mémoire, connexions synaptiques, et tout cela n'en était pas moins réel pour autant. Quand j'ai eu plus de puissance, mon culte a fait de moi l'être que je suis aujourd'hui, avec plusieurs formes... Et j'y ai sacrifié ma forme d'oiseau."

Non, je n'ai jamais été un homme, absolument jamais. Pour la plupart, ça n'a strictement aucune importance. Pour les rares autres, ils comprennent à quel point je peux être en décalage.

"T'as de ces questions..." j'essaie vainement de ne pas être introspectif en cet instant "Les gens sont pas si différents au final. Tout le monde aspire à la même chose : une existence où ils sont aimés."

Bordel, que c'est cul-cul !

- Euh... Ouh là...

Marcus fronce les sourcils, ne sachant pas s’il a fait un mauvais pas ou non. Le démon a l’air… étonné ? Gêné ? Il n’est pas certain.

- Il y a longtemps, j'avais un maître qui m'a octroyé des pouvoirs, un pouvoir, en réalité... Celui de la mémoire. J'étais... je suis... très jaloux de mon frère qui a eu le pouvoir de la pensée.
Le sorcier hoche la tête. La jalousie c’est un sentiment qu’il connait bien, surtout la jalousie « fraternelle ».
~- Je sais ce que c’est. Je ne l’avais pas compris avant. Mais j’étais aussi très jaloux d’Ohanzee. C’était… il cherche manifestement ses mots… un frère d’expérience qui avait l’attention de tous. Qui m’aurait mis au rebut des expériences ratées de l’ICV. Ton frère… il devait le savoir, non que tu l’enviais ? Puisqu’il pouvait lire dans les pensées.
- Là où lui ne s'en servait pas plus que cela, j'ai usé du mien, comme un enfant qui découvre ses membres pour la toute première fois. Je me suis imprégné des hommes, des bêtes. Contrairement à la plupart des pouvoirs qui soumettent et commandent, le mien se plie docilement, et c'est à moi de garder les mémoires.
~- Tu maitrises la mémoire ? C’est fascinant comme pouvoir !

Ses yeux pétillent comme ceux d’un enfant devant un film de super-héros alors qu’il caresse sans même y penser la tête de Chien qui en profite largement. Il écoute la suite de l’histoire sans l’interrompre, ressentant une étrange compassion pour celui qui s’est vu lésé au profit d’un autre, un frère. Cela il peut le comprendre sans effort.
Par contre cette volonté de culte et d’adoration, c’est une autre histoire, c’est donc en toute innocence et incompréhension qu’il demande.
~- Pourquoi tu avais besoin de ça ? D’un culte ?
- Quand j'ai eu plus de puissance, mon culte a fait de moi l'être que je suis aujourd'hui, avec plusieurs formes... Et j'y ai sacrifié ma forme d'oiseau.
Cela fait-il plus de sens pour le jeune sorcier ? Vaguement. Pour un être foncièrement solitaire comme lui, vouloir être aduler et connu n’apporte pas beaucoup de sens. Il retient pour autant une information importante.
~- Tu ne peux plus voler alors ? C’est… terrible.

Il observe Corbeau, les sourcils toujours froncés. Un corps aux multiples formes contre sa forme première.

« Tu échangerais ton corps d’oiseau contre un autre, Corbeau ? Contre celui d’un humain entre autres ? »
« Jamais ! »
Le volatile vient se percher sur la cuisse du démon.
« Pitié pour ses plumes. »
« Il est peut-être très bien comme ça, tu sais. »

~- Est-ce que ça a été dur ? De s’adapter en changeant de corps ? Tu le regrettes parfois ?
Ses questions sont sans doute maladroites, poussées par la curiosité plus que par l’empathie.
- T'as de ces questions... Les gens sont pas si différents au final. Tout le monde aspire à la même chose : une existence où ils sont aimés.

Cette affirmation le laisse songeur un moment. Est-ce vraiment ce que lui cherche ? C’est une possibilité. Il n’avait jamais réfléchi à ça…
~- Tu crois que c’est ce qui nous rassemble ? Que les faes aussi, c’est ce qu’elles veulent ?... l'amour ?  

Oui, évidemment que je comprends... La jalousie, c'est stupide, c'est un sentiment de merde, mais c'est tellement facile de vouloir l'affection qu'ont les autres sans voir ce qu'on reçoit. Les corbeaux blancs étant détestés par les autres corbeaux, le moindre témoignage d'intérêt m'était très précieux, et dès que cet intérêt était partagé avec quelqu'un d'autre, je devenais atrocement jaloux.

"Je te l'ai dit, mon frère est stupide. Je ne suis même pas certain qu'il avait conscience qu'il avait gardé son pouvoir de corbac quand il est devenu démon. Sans rire... C'est un être mauvais."

Je... n'irais pas jusque-là.

"C'est un art beaucoup plus délicat qu'il n'y paraît."

Et être porteur de la mémoire de tous est parfois si épuisant que l'idée d'enfermer mes propres pensées dans une fiole et de simplement renaître sans attaches ni passé m'a plusieurs fois titillé l'esprit. Et puis... je deviens intelligent, et cette idée me quitte.

La question me prend de court et j'éclate de rire.

"J'ai jamais eu de culte ! J'ai juste... laissé croire. Personne n'a besoin de vivre quelque chose pour y croire. Il suffit d'inspirer les bons journalistes, les bons écrivains, les bons artistes, et BOUM, on se retrouve avec un culte millénaire tout beau tout frais avec quelques personnes persuadées d'en avoir fait partie. C'est un peu comme si tu écrivais une histoire terrible avec des morts, des tortures, des amours interdits, une nouvelle façon de penser et des sacrifices faits pour y arriver et que tu disais que c'est une histoire vraie. C'est ça mon pouvoir, mon histoire, sans qu'aucune goutte de sang n'ait jamais été versée."

La nouvelle question me fait simplement sourire.

"J'ai des ailes dans mes deux autres formes, mais voler est devenu voyant et désuet parmi les démons. Cependant... j'aime bien."

Attends, le corbac...

Je faufile une main dans mon dos et en ressort une énorme plume blanche, longue comme un avant-bras humain.

"Tiens, cadeau ! Mes plumes vont très bien. Tu vois ?"

Je gratte le volatile sur le bec, puis derrière la nuque, me souvenant que j'avais toujours adoré ça. Bon, p'tite bestiole, je t'en veux, à toi et aux tiens, toujours un peu. Mais on va dire qu'on enterre la hache de guerre en présence de Marcus, d'acc ?

"Au début, c'était génial. Après, c'était... magique ! Je n'étais plus attaqué en plein vol, je n'étais plus victime de piquage, d'arrachage de plumes ! Mais... les temps changent, et parfois, je regrette de ne pas mener une vie plus simple, et parfois, je n'aspire qu'à complexifier mon existence un peu plus en m'impliquant dans des machina..." est-ce que je suis pas en train de perdre Marcus, là, tout de suite ? "...tions."

C'est qu'il me prêterait presque des mots poétiques, le cobaye. J'l'aime bien. Il a vécu les pires trucs, et il pense aux autres.

"Sincèrement, je pense que ouais... Enfin... Je pense qu'en tant que peuple, non. Mais individuellement, oui. Après, je peux me tromper, naturellement, mais ayant sondé l'âme de la plupart des êtres pensants, c'est incroyablement évident : tout le monde se sent différent, tout le monde se sent seul."

Ouais, moi en tête de liste. Mais bon, pour ma part, tu peux ajouter aussi obsédé, vicelard, parfois stupide ou totalement dépassé par les évènements.

"Si tu pouvais avoir quelque chose, n'importe quoi. Qu'est-ce que ce serait ? Quand tu auras la réponse à cette question, demande-toi toujours si la personne par qui tu te sens le plus menacé ne ressentirait pas la même chose."

Marcus écoute Baphomet avec curiosité.
~- Tu connais la nature humaine bien mieux que moi ! Mais je crois comprendre. Le Baphomet de cette histoire s’est forgé tout seul. A base de rumeurs et de l’imagination des gens. C’est flippant et fascinant.
Incapable de tenir sa langue, Marcus harcèle le pauvre démon d’un tas de question sur sa vie de Corbeau.
- J'ai des ailes dans mes deux autres formes, mais voler est devenu voyant et désuet parmi les démons. Cependant... j'aime bien.
Marcus hoche frénétiquement la tête, manifestement d’accord sur ce point. Il tend les mains pour accueillir la plume avec une certaine révérence.
- Tiens, cadeau ! Mes plumes vont très bien. Tu vois ?
~- Elle est grande ! Il en touche le duveteux du bout des doigts. Merci ! Je la garderai précieusement, promis !

Il observe le comportement de Corbeau qui a l’air ravi des caresses prodiguées. Il lève le bec, secoue les plumes de ses ailes.
« Pas de haine. M’en fiche couleur. Gratouille encore. »
- Au début, c'était génial. Après, c'était... magique ! Je n'étais plus attaqué en plein vol, je n'étais plus victime de piquage, d'arrachage de plumes !
~- Les autres te traitaient mal à ce point ?
Il a du mal à concevoir la chose. Dans le règne animal, il faut être malade ou difforme pour être rejeté et écarté à ce point des autres. Mais il a encore beaucoup à apprendre, il en est conscient et croit sans question Baphomet.
- Mais... les temps changent, et parfois, je regrette de ne pas mener une vie plus simple, et parfois, je n'aspire qu'à complexifier mon existence un peu plus en m'impliquant dans des machina…tions.

Marcus hausse les sourcils. Pour lui c’est parfaitement aberrant. Pourquoi chercher à rendre les choses plus compliquées qu’elles en le sont déjà. Peut-être par ennui ? Il n’a après tout pas le vécu de Baphomet.  
Ils en viennent à discuter d’un sujet que le sorcier n’aurait jamais songé à aborder avec un quasi étranger. Mais il a vite appris à ne plus se poser trop de question sur les étrangetés qui parsèment à présent son quotidien et les accepte comme telles.
- Sincèrement, je pense que ouais... Enfin... Je pense qu'en tant que peuple, non. Mais individuellement, oui. Après, je peux me tromper, naturellement, mais ayant sondé l'âme de la plupart des êtres pensants, c'est incroyablement évident : tout le monde se sent différent, tout le monde se sent seul.
~- Ce qui explique qu’on cherche tous quelqu’un qui puisse nous comprendre vraiment. Et nous aimer malgré ça. C’est ce qu’il a trouvé avec Chien, Corbeau et Rat. Et peut-être inconsciemment aussi chez Salomée. Enfin… pour les Faes je suis moins certain. Mais je n’ai pas toujours eu des contacts très… sympathiques avec eux.
- Si tu pouvais avoir quelque chose, n'importe quoi. Qu'est-ce que ce serait ?
La question le laisse perplexe et songeur. Il n’en a aucune idée.
~- J’ai… toujours vécu au jour le jour. Sans réfléchir à demain. Un peu… il contemple Chien… un peu comme un animal, tu vois.
- Quand tu auras la réponse à cette question, demande-toi toujours si la personne par qui tu te sens le plus menacé ne ressentirait pas la même chose.
~- Tu me demande d’être plus… empathique ? Ça n’a jamais été son fort. Personne n’ayant jamais pensé à lui, il n’a jamais trouvé utile de penser aux autres. De me mettre au niveau des autres ? Même ceux que je n’aime pas ? Je peux… je peux essayer. Large sourire un rien innocent. Et toi ? C’est quoi la chose que tu voudrais là, tout de suite ?

Flippant et fascinant. Ce sont mes seconds prénoms. Après Connard et Pervers !

Boooon, il est temps de faire redescendre Marcus un peu sur Terre... Ou du moins, de faire tomber les sacro-saints animaux de leur piédestal.

"Les corbaux blancs sont naturellement maltraités parmi les autres corvidés. Une corneille qui nait avec ne serait-ce que trois rémiges blanches se fait attaquer en plein vol. Un corbeau né blanc n'a que très peu de chance de parvenir à l'âge adulte."...et de se reproduire, soit dit en passant... "Si tu ne me crois pas, demande à ton ami. S'il te dit que c'est faux, alors c'est un mensonge. Mais bon, ce n'est pas propre aux corbeaux. Un panda né marron clair et blanc s'est fait maltraiter par sa famille et laissé à l'abandon. Y a aussi l'histoire avec les chiens qui ne peuvent absolument pas blairer une autre race de chien en particulier. Le racisme n'est pas propre à l'humanité, malheureusement."

Ouaip, ceci explique donc cela. On a beau être familier avec la nature humaine, l'avoir observé de loin, l'avoir appréhendé, apprivoisé... Au final, on en arrive toujours aux fondamentaux. Il faut être gentil les uns avec les autres.

"T'as déjà rencontré des Fae ? Vas-y, raconte !"

Je lui demande ce qui lui ferait plaisir, mais comme pour un animal, rien ne pourrait le satisfaire plus que de respirer une journée supplémentaire et avoir de quoi manger.

"Je vois tout à fait."

Plus empathique ? Oui et non. C'est délicat. Disons moins méfiant, plus confiant dans le fait que quelqu'un qui se méfie n'inspire pas la confiance. Quelqu'un qui fait confiance... Bah... des fois... il obtient un surcroit de confiance en retour. Des fois, pas toujours, mais quand ça arrive, c'est précieux.

"Te mettre au niveau des autres, tu parles comme si nous étions sur des échelles de valeur. Je ne sais pas si tu te considères comme supérieur ou inférieur, mais non. Quelqu'un que tu n'aimes pas peut aller crever. Je ne dirais pas ça à n'importe qui, mais tu as un jugement simple, et tu ne vas pas te mettre à détester quelqu'un sous prétexte qu'il n'a pas su accorder sa chemise et ses chaussures. Tout ce que je te demande, c'est de baisser la garde. Pour toi, et pour les animaux qui t'entourent. Tu auras des mauvaises surprises, mais les bonnes que tu rencontreras parfois en vaudront vraiment le détour."

Moi ?
Ce que je voudrais là tout de suite ?
Que Lucie me revienne. Qu'elle m'explique pourquoi elle m'a laissé tomber. Qu'Alan me revienne, mais pas en tant que mon chien à moi, mais plus comme un ami, le meilleur d'entre tous. J'aimerais aussi avoir une âme-sœur, peu importe qui serait cette personne, quelqu'un qui peut compter sur moi et qui le sait, quelqu'un sur qui je peux compter sans me poser de question, un allié en toutes circonstances et qui aime le sexe si possible. J'aimerais mettre mon poing dans la gueule de mon frère et lui faire cracher quelques dents. J'aimerais qu'Odin m'accorde plus que temps.

"Rien de spécial. Peut-être un peu de weed."

- Les corbaux blancs sont naturellement maltraités parmi les autres corvidés. Une corneille qui nait avec ne serait-ce que trois rémiges blanches se fait attaquer en plein vol. Un corbeau né blanc n'a que très peu de chance de parvenir à l'âge adulte.
Ce constat laisse Marcus parfaitement perplexe. Il a beau en savoir un rayon sur les animaux, il ignorait parfaitement ce fait.
~- Mais… pourquoi ? J’ai jamais rencontré de corbeau blanc. Tu es mon premier du coup ! C’est comme albinisme ?

Ça il sait ce que c’est. Il a déjà vu un rat tout blanc aux yeux rouges.  

- Si tu ne me crois pas, demande à ton ami. S'il te dit que c'est faux, alors c'est un mensonge.
Il n’écoute qu’à moitié le reste, un peu sonné.
« Corbeaux ? »
« Chuuut. Caresse. »
« Tu as déjà fait du mal à un autre Corbeau parce qu’il était blanc ? »
« Non. Jamais rencontré. »
~- Du coup… le racisme viendrait de notre part animal à tous ? Il se gratte la tête. Je n’ai pas assez de café dans le sang pour y répondre.

Malgré tout, ils abordent un sujet tout aussi profond et Marcus se fait la réflexion qu’il est agréable de discuter avec Baphomet. Il ne le juge jamais sur les questions parfois naïves qu’il peut avoir et se prête volontiers au jeu de lui répondre.

- T'as déjà rencontré des Fae ? Vas-y, raconte !
Le souvenir lui fait serrer le poing et naturellement son autre main vient protéger Rat.
~- La fée des dents. Elle avait capturé Rat et le goinfrait de sucre. Le pauvre était aux portes de la mort quand je l’ai retrouvé. Il avait un diabète aigu et était devenu complètement addict au sucre. Je ne sais même pas pourquoi elle a fait ça… tout ce que je voulais c’était récupérer mon Compagnon. A ce moment-là… j’aurais… j’aurais pu la tuer. J’en avais franchement envie et j’aurais pu. Heureusement je n’étais pas seul. J’aurais regretté mon geste après. Je crois… C’est Salomon qui l’a guéri. Je ne pourrais jamais le remercier assez pour ça… mais Rat est encore en convalescence. Et au régime !

Le rongeur couine son désespoir. Il ne serait pas contre reprendre des douceurs sucrées.  
Marcus écoute ce qu’il considère comme une leçon avec attention. Il connait si peu la nature humaine et ce qu’on attend de lui en tant que membre de cette drôle d’espèce.

~- Je me considère comme rien du tout. Juste… une fourmi dans ce vaste monde. Mais promis ! Je vais essayer. En fait… il lève les yeux pour réfléchir. Je crois que j’ai déjà commencé. Avec Salomée, Ohanzee, Kithiel et maintenant Baphomet. Et pour le moment, c’est vrai que je ne le regrette pas, conclut-il avec son sourire de traviole avant de lui demande ce que lui aimerait.
Le démon réfléchit un moment mais Marcus n’est pas pressé, il attendra la réponse.

- Rien de spécial. Peut-être un peu de weed.
Marcus penche la tête de côté, sans se rendre compte que Corbeau fait la même chose.
« Mensonge. »
« Je crois oui, mais c’est à lui de décider ce qu’il veut répondre. »
Il pourrait lui demander la vérité mais à la place une autre question lui brûle les lèvres.
~- C’est quoi de la weed ? Ça se mange ? Je peux essayer de t’en trouver où ?

Je secoue la tête.

"Pas nécessairement. J'suis pas scientifique, mais ça peut être un truc avec le code génétique, les leucy... leuss... bref, j'suis juste né blanc. Et le fait que t'en ai jamais rencontré n'est pas réellement étonnant, du coup.

Un jour, je retrouverai cette forme, et je lui montrerai à quel point mes semblables peuvent se montrer perfides.

"Je ne pense pas. Je pense que quelqu'un qui est raciste est quelqu'un qui... comment dire... qui est idiot au point de voir une menace dans une différence. Cependant, nous ne sommes plus des animaux qui doivent défendre de la nourriture ou un territoire."

Enfin, je ne sais pas. J'ai toujours connu l'intolérance, pour ma part. Animaux, dieux, démons, humain... tout cela ne fait aucune différence pour moi. Il y a juste des gens plus ou moins intelligents.

Mes sourcils se lèvent. La fée des dents ? Pour de vrai ? Je n'imagine pas Marcus étant apte à tuer, mais dans le feu de l'action, pour sauver son ami, j'imagine que cela peut être possible. On va éviter de passer pour un débile en disant "c'est qui, Salomon ?". Je ne connais que trop bien ce démon, et sincèrement, je n'ai pas envie d'en parler. Tant mieux pour lui si son rat à la vie sauve grâce à lui.

"Une fourmi ? Pourquoi une fourmi ? Sais-tu que ce sont des animaux qui sont la preuve absolue que la coalition sociale est une pièce maîtresse dans la survie ? Ce sont des créatures qui ne sont ni capables de générer du venin, ni apte à voler à part pour se reproduire, ni grandes, ni dangereuses... Je sais très bien que tu as voulu utiliser l'image de la fourmi pour accentuer l'idée que tu étais quantité négligeable, mais... Imagine si nous étions tous des fourmis ? Il y a quelque chose à faire, nous le faisons. Il n'y a pas de jalousies entre fourmis, juste une joie partagée par toute la colonie dès l'instant où l'un d'entre nous accomplit quelque chose. Les fourmis se comportent comme..." je regarde autour de moi et mon regard fini sur mes mains. "Les doigts ! Le pouce ne va pas être jaloux que l'annuaire ait une bague et pas lui !"

S'il est une fourmi, je ne sais pas ce que je suis. Je suis beaucoup trop jaloux pour prétendre faire partie d'un tout. Naturellement, je sais comment me débarrasser de cette jalousie. J'ai déjà été heureux, mais c'est fini à présent. Il faudrait sans doute que je prenne exemple sur Marcus et accepte mon sort de fourmi, moi aussi, de me réjouir pour le bonheur des autres et renoncer à chercher vainement le mien...

... Bordel, j'ai encore beaucoup trop de chemin à parcourir...

"Tant mieux alors si tu as des gens qui t'entourent !"

Quand vient le moment où il me demande ce que je souhaite, je suis encore trop émotif pour ne pas regarder très méchamment le corbeau qui me traite de menteur. C'est vraiment l'hôpital qui se fout de la charité !

"Je ne veux effectivement pas répondre à cette question. De toute façon, mes envies varient aussi rapidement de celles d'un enfant dans un magasin de jouet."

...faire partie du monde... Ou que quelqu'un fasse partie du mien. Juste ça ! Peu m'importe si c'est une fourmi ou un chien.

"La weed est mon petit médicament à moi pour éviter de me souvenir d'absolument tout ce qui m'entoure. Ce sont des feuilles de plante de cannabis que je fume ou l'écorce que j'ingère. C'est un peu pas très bien vu, donc évite de dire aux autres que tu en cherches, mais si par hasard tu tombes dessus, putain, je dis pas non !"

Je soupire et regarde par la fenêtre.

"Ça t'ennuie si on reprend nos petites expérimentations plus tard ?"