C'est frustrant. Je n'aime pas avoir été capable de tout déballer face à Kali quand je n'arrive pas à décoincer un mot face à Ciulin.

Je sais qu'iel s'inquiète. Je sais que je n'ai pas respecté ma parole.

Les dieux savent que j'ai essayé.
Les dieux savent que j'ai décidé de faire amende honorable.

J'ai l'impression de sortir d'une longue léthargie. Et c'est probablement exactement ce que c'est.
J'ai perdu un temps précieux sans m'en rendre compte.
Je suis pourtant content de finalement réussir à mettre de vrais mots sur ce qu'il se passe dans mon cerveau et je me sens suffisamment clair avec moi-même pour réussir à répéter ces mots, pour de bon cette fois, à Ciulin.

Dire que, l'idée de finalement me soulager de ce poids, me fout le coeur au bord des yeux est un euphémisme.
Alors que l'heure de lui en parler approche, j'ai la sensation que le temps s'étire désagréablement. Je ne peux cependant pas pressé les choses. Iel a attendu patiemment que je sois prêt à en parler, je peux bien attendre patiemment qu'iel rentre pour finalement avoir cette discussion que j'aurais dû avoir il y a des semaines.
Pour passer mes nerfs et surtout ma conscience de chaque seconde qui passe, je nettoie.
Je lui ai envoyé un message en espérant qu'il ne soit pas trop ambivalent, pas trop inquiétant. Juste... Viens, s'il te plait. Là, j'ai vraiment très très besoin de toi, là maintenant. Enfin. Dans une heure si tu veux, si t'es occupé. Mais viens.
Je m'évertue à polir la lame de mes armes avec autant d'attention et de concentration que si je venais à peine de les recevoir.
La porte s'ouvre et je me fais violence de ne pas lui sauter dessus pour tout lui vomir dessus, malgré moi. Pourtant, j'ai déjà les larmes aux yeux et Ciulin n'a pas dit bonjour.

Je suis vraiment dans un sale état.

-Asti min.

J'arrive à prononcer avant que ma voix ne s'éteigne d'elle-même. Je lea cherche du regard.

-Je suis désolé.

Les larmes coulent déjà et vraiment, il ne s'est encore rien dit de dramatique. J'ai envie d'un latte avoine.

Well I'll surrender first tonight
In your false withdrawal
You'll have me rise, you'll have me fall
I won't be worthy of this fight
In your feigned retreat
I'll follow blindly in defeat

Il y a tant de choses que je ne comprends pas dans ce foutu monde fondu. Avant, je pensais avoir le tableau d'ensemble, la vision globale, je savais quelle était ma partition et je m'en dépatouillais pas trop mal.

Et puis je suis mort-e.

Comme la mécanique fine d'une des horloges que vénère Elie, tout a commencé à se dérégler. Unchi s'est lancé dans le Brouillard, Vesper a jeté l'éponge, Nardus s'est fait sucer l'âme, Asmo ne me regarde plus dans les yeux...
Quand est-ce que ça a commencé à partir en vrille et à s'effriter entre mes doigts ?
Ma seule constante solide c'est Caleb et pourtant, les dieux savent qu'il est friable. Il porte encore le poids des macchabés tombés lors du raid des Hurlants sur ses épaules. Il ploie sans se briser. Jusqu'à quand ?

Je ne lui fais pas peser mes propres angoisses.
Je le laisse respirer.
Je suis là pour lui, il le sait.

Je subis la distance imposée par Asmodée sans la comprendre. Est-ce qu'il regrette que je sois devenu-e Frigg ? Est-ce que j'ai mal compris son désir de redevenir pleinement Odin ? Je pige que dalle.

Je ne lui fais pas peser mes propres angoisses.
Je le laisse respirer.
Je suis là pour lui, il le sait.

Mais RAHAT ! MOI J'EXPLOSE EN DEDANS !
Je repeins mon intérieur avec mes trippes liquéfiées et mon coeur en pulpe.
Est-ce que je suis en train de les perdre  comme j'ai perdu Shiobhan, Antoine ou Vesper ?

Dites-moi ?
Dites-moi ce que je dois faire ?
Si Caleb s'est voulu rassurant, Ass' continue de me tenir loin, dans le flou. Il joue les ermites alors qu'on a tous cruellement besoin de lui. J'ai besoin de lui.

Aussi, quand je reçois sont SMS inquiétant, je me précipite sans aucune hésitation. Enfourchant ma bécane, je fonce chez lui. Je m'annonce avec trois coups secs à la porte et j'ouvre sans attendre d'être invité-e.

- Chuis là ! Qu'est-ce qui s'p...

Ma phrase crève sur le bout de ma langue, devant le spectacle de mon mari adoré en larmes. Mon palpitant craque en millions de tessons coupants.

- Asti min.
- Iubi !

Alarmé-e par son chagrin qui m'écrase le plexus solaire sous un trente-trois tonnes, je me précipite vers lui et j'ouvre les bras pour le serrer contre moi.

- Je suis désolé.
- De quoi, scumpi ? Dis-moi ? fais-je avec douceur en lui frottant le dos. Je suis là, amour de moi. Je suis là, tu peux tout me dire....

Je prends ses joues couvertes d'un duvet dru entre mes paumes et plonge mes yeux dans son regard rougi. Ses prunelles sont encore plus limpides que d'ordinaire, délavées par les intempéries qui l'agitent.

- Je t'aime... dis-je avec un sourire qui j'espère lui rendra le sien.

Je réalise la profondeur de mon mal au contact de son corps contre le mien. A la violence de la marée face à son visage inquiet. C'est cette inquiétude que je voulais éviter à tout prix en lui parlant. C'est ce que j'ai échoué à faire.
Mes machoires se serrent malgré moi comme pour verrouiller la parole à nouveau. J'ai du lui apparaitre si distant alors que je voulais faire exactement l'inverse.
Je me sens comme un enfant perdu.

-De quoi, scumpi ? Dis-moi ?

Ma bouche s'ouvre mais aucun son ne sort. Encore.

-Je suis là, amour de moi. Je suis là, tu peux tout me dire...

Je sais. Je le sais et c'est ce qui rend encore pire ce blocage stupide. Je sais que j'aurais pu t'en parler il y a des mois, je sais que j'aurais pu t'annoncer tout, au fur et à mesure, sans que ça ne déclenche de scène, en etant sûr d'avoir ton appuis.

-Je t'aime...

On se regarde et j'ai jamais su quelque chose d'aussi vrai.

-Moi aussi...

Ma mâchoire se crispe alors que je m'arrime à iel.

-J'ai pas tenu ma parole. Asti min, je suis désolé.

La pluie n'en finit plus de tomber et je ne fais rien pour l'empêcher.

-J-... J'ai essayé. J'te promets que j'ai essayé. Toutes les fois où je suis venu te voir et qu'on a finit par échanger des banalités. A chaque texto, à chaque rencontre. J'ai pas réussi.

Ce constat me vide de l'intérieur et ne laisse à nouveau que des larmes. J'enfouis mon visage dans les mains de Ciulin. Je me fais l'impression d'un poisson hors de l'eau. Je reprends mon souffle mais je le perds aussitôt que j'essaie de parler. Finalement, je ferme les yeux avec force et presse les mains de Ciulin contre mes joues.

-Te voir dépérir, te regarder mourir... J'ai voulu tous les tuer et j'le veux encore. J'ai été si proche de le faire, si proche de leur faire payer, à tous, ce qu'ils t'ont fait. Ca me rend furieux. Et je te sais en vie, et je te sais là, sauf, vivante. Mais j'arrive pas à apaiser cette colère sourde.

Une onde de colère parcours mon corps et rouvre soigneusement la porte à celle qui vit continuellement en moi.

-Et je suis déjà tellement furieux tout le temps. Asti min. Tout le temps. C'est trop.

Je me tais.

-C'est trop.

Je m'affaisse contre ellui.

-Devenir Odin... Je. Ciulin, je crois...

Les mots se bloquent. Je lea regarde avec une détresse absolue sur le visage.

-J'peux pas. J'peux pas le faire. Parce que j'peux pas disparaitre alors que t'es là. Parce que je sais...

Je grimace.

-J'ai toujours su, quelque part. Que ça me buterait. Et j'ai aucune envie de mourir. J'comprends pas.

Je fronce les sourcils.

-J'comprends pas ce qui m'a pris.

Je ferme à nouveau les yeux.

-J'voudrais juste... Trouver une manière de lier les deux. Sans que ça fasse mal. tout.le.temps.

J'ai un rire dépité, misérable qui me projette encore au bord des larmes.

-Parce que si j'y arrive pas. J'vais encore me perdre et, j'veux pas.

-J'ai pas tenu ma parole. Asti min, je suis désolé.
- De quoi tu parles ? que je lui demande un peu perdu-e.
- J-... J'ai essayé. J'te promets que j'ai essayé. Toutes les fois où je suis venu te voir et qu'on a finit par échanger des banalités. A chaque texto, à chaque rencontre. J'ai pas réussi.

L'ombre de mes angoisses repointe le bout de son nez et fait planer la perspective d'une rupture. Asmodée veut me quitter. Il n'arrive pas à me l'avouer depuis tout ce temps.
J'engueule ma cervelle de dépressif-ve.
Il m'aime !
Il m'aime éperdument !
Il a promis de ne jamais m'abandonner.

Et le reste de ses explications balaient mes stupides inquiétudes pour en faire naitre d'autres. Comment ai-je pu être aussi aveugle ? Je n'ai pas vu le mal être de Vesper et je n'ai pas saisi que la colère consumait Asmodée comme un putain d'acide corrosif. De l'intérieur.

- Et je suis déjà tellement furieux tout le temps. Asti min. Tout le temps. C'est trop.
- Pourquoi, draga ? Dis-moi pourquoi ça te bouffe comme ça ? Je suis là, avec toi... Je suis vivant-e. Les responsables sont morts....
- C'est trop.

Je sens qu'il est sur le point de m'avouer quelque chose d'important, d'intime, quelque chose qui le meurtrit depuis longtemps. Je le presse contre moi pour qu'il puise dans mon étreinte toute l'énergie dont il a besoin. Puis, je nous fais asseoir sur le canapé, toujours étroitement entrelacés.

- Devenir Odin... Je. Ciulin, je crois...

Son oeillade désemparée, son expression fragile, je ne les lui ai jamais connues. Il a l'air si vulnérable en cet instant que je bombe inconsciemment le torse pour qu'il se sente davantage en sécurité.

- J'peux pas. J'peux pas le faire. Parce que j'peux pas disparaitre alors que t'es là.
- Disparaitre ? Pourquoi disparaitre....?
- Parce que je sais... J'ai toujours su, quelque part. Que ça me buterait. Et j'ai aucune envie de mourir. J'comprends pas. J'comprends pas ce qui m'a pris.
- Attends, inima mea, qu'est-ce tu veux dire par là ? Retrouver tes pouvoirs d'avatar ça t'tuerait ? C... comment ça se peut ? Un silence....Parce que t'es un démon ? C'est ça ? Ne red'viens pas Odin alors ! Reste ce que tu es. Moi je t'aime pour toi. Chuis pas en colère d'être Frigg et d'pas avoir "mon" Odin. T'es déjà mon mari quelques soient.. bah... les modalités.

Mais je sens que je tape à côté, que mes paroles sonnent creuses. Il me manque des données pour saisir ce qu'il traverse. Je sers à rien, putain !

- J'voudrais juste... Trouver une manière de lier les deux. Sans que ça fasse mal. tout.le.temps.
- Mal ?

La voilà l'information manquante.
Il faut que je creuse.

- Comment ça, mal ? Qu'est-ce qui te fait mal ? Depuis combien de temps ça dure ?
-Parce que si j'y arrive pas. J'vais encore me perdre et, j'veux pas.
- Hey... Hey...

Je le force doucement à relever le menton pour capter son regard.

- Tu vas pas t'perdre, pas tant que chuis là, avec toi, ok ? Chuis là, et j'en bougerais pas. On va traverser ça ensemble, ok ? On va gérer, main dans la main. J'te promets. Alors explique-moi, dis-moi c'qui t'fais souffrir comme ça ?

Y a plus rien qui sort. C'est comme un caillot coincé dans une veine. Il bloque, déforme et détruit. Je tente de le faire glisser, quitte à avoir mal autant que ça soit pour aller mieux après.

Et les dieux savent que je suis habitué à la douleur.

Ciulin me pose des questions auxquelles j'aimerais répondre et de nouveau, je me retrouve comme un poisson hors de l'eau. J'essaie de reprendre pied, de continuer à parler. J'arrive pas.

Et puis, mes yeux dans les tiens. Mon océan. Je m'y perds et je laisse la sensation de tes doigts contre mon menton pénétrer au plus profond de mon être.

-Tu vas pas t'perdre, pas tant que chuis là, avec toi, ok?

Je hoche la tête avec une lenteur douloureuse, pétri de la certitude que j'ai besoin d'entendre ces mots précis.

-Chui là, et j'en bougerais pas.

Je m'agrippe à ses bras, comme pour assurer mes appuis.

-On va traverser ça ensemble, ok ? On va gérer, main dans la main. J'te promets. Alors explique-moi, dis-moi c'qui t'fais souffrir comme ça ?

Je ferme les yeux avec force et je presse mon front contre le sien.

-La transformation.

Je grimace. Rien que d'en parler, ça ramène doucement cette douleur au premier plan.

-Quand j'ai été transformé en démon. J'ai gardé l'Asatru. Envers et contre tout et depuis. Depuis...

Mon début de rire s'étrangle.

-Ca fait mal. Constamment.

Nouvelle grimace incontrôlée. Première transformation inopinée sous l'assaut d'une douleur trop longtemps négligée. Ma peau se craquèle, s'ouvre, se fend et pour la première fois depuis longtemps, saigne et fume. Chaque mouvement, aussi infime soit-il, provoque un craquement et une nouvelle vague de douleur.
Je masque ça sans même y penser habituellement. Je ne suis même pas sûr que Simone m'ai jamais vu sous cette forme complète.

-Il faut...

La douleur esquinte mes nerfs mais je contiens la rage qui vient chaque fois que je ne prends pas la précaution de l'enrober de sarcasme et d'oubli.

-Il faut que j'arrive à f-faire cohabiter les deux. Sinon...

Je regarde Ciulin.

-C'est plus moi. pause C'est plus moi, tu comprends?

Je me sens désemparé. Je n'ai pas l'éloquence que je voudrais. Je pourrais lui faire sentir mais j'ai une pudeur et une peur panique de l'exposer à ça. Nouvelle assaut et nouveau mouvement involontaire.

-Ca a toujours été si secondaire. Tellement en fond que... Mais avec tout ce qui s'est passé. Avec tout ce qui se passe. J...

Je secoue la tête.

-J'ai perdu pied. J'ai perdu pied et dans ma rage, j'ai décidé de me séparer de ce qui fait de moi un démon... Mais...

Nouveau rire piteux.

-C'est... Inséparable... Asti min...

Maintenant la douleur que je balade comme une amie depuis des siècles est trop lourdes. Beaucoup trop lourde à porter. Elle a beaucoup trop de conséquence. Beaucoup trop de pouvoir sur moi.
Je veux juste que ça s'arrête.

-La transformation. Quand j'ai été transformé en démon. J'ai gardé l'Asatru. Envers et contre tout et depuis. Depuis... Ca fait mal. Constamment.

Son rire me déchire le cœur comme du papier. Mon visage se décompose en comprenant que cela fait deux milles ans qu'Asmodée est en souffrance.

- Si longtemps, fais-je horrifié-e et triste à la fois.

Alors, comme si cet aveu était un sésame, le corps d'Asmodée se métamorphose, m'offrant le spectacle d'un grand brulé dont la peau crouté et cassante se fissure au moindre mouvement, suppurant d'essence divine au dessous qui le ronge comme un acide virulent.
Les larmes me montent aux yeux à mon tour.

- Il faut...Il faut que j'arrive à f-faire cohabiter les deux. Sinon...
- Je... J'croyais qu'not' mariage servait à ça... j'croyais....

Le cours des choses a finalement tourné autrement. Depuis ma "mort" puis ma résurrection en tant qu'avatar, le sceau s'est effacé et la magie qu'il devait contenir avec.

- Si j'avais su...

Si j'avais su quoi ?
Prost! Tu n'aurais rien pu y faire.
Mes bras se tendent vers le corps meurtri de mon démon et l'enlace. Mon impuissance me débecquette.

- C'est plus moi. C'est plus moi, tu comprends?
- J'comprend, scumpi.
-Ca a toujours été si secondaire. Tellement en fond que... Mais avec tout ce qui s'est passé. Avec tout ce qui se passe. J...J'ai perdu pied. J'ai perdu pied et dans ma rage, j'ai décidé de me séparer de ce qui fait de moi un démon... Mais... C'est... Inséparable... Asti min...
-  Pourquoi tu l'as gardée ? Pourquoi tu t'es accroché à Odin comme ça ? C'est pt'êt lui qu'tu dois virer tout compte fait.

Je pose une paume contre sa poitrine incandescente. Je ne le laisserais pas comme ça, dans sa détresse, dans son état. Je ferais ce que je peux même si ça déplait à cet autre mari.

- Odin. Cesse. Je m'entend parler en islandais et comprend que mon aura s'est faite divine. Tu considères ta partie démoniaque comme une entrave et tu te comportes comme un chien prêt à se ronger une patte pour s'en dégager. La métamorphose de l'âme avec laquelle tu as fusionnée est actée et irréversible. Plutôt que de lutter depuis deux milles ans pour reprendre le dessus sur ce que tu considères comme une infection, accompagne ce changement, fais de cette métamorphose ton alliée.... Je t'en supplie... Tu te détruis à petit feu...

Telle un manteau de plumes douces qu'on poserait sur les épaules ravagées d'Asmodée, mon fluide de déesse tente de soulager cette âme tourmentée.

- Si jamais tu m'aimes un peu, cesses de te détester ainsi... Accepte ce que tu es...

Frigg et Odin ont toujours partagé le Hlidskjalf. Mon mari a toujours écouté mes conseils avisés. J'éspère qu'il le fera encore.

- Je... J'croyais qu'not' mariage servait à ça... j'croyais....
-Je croyais aussi. J'ai cru... Puis finalement, c'est revenu presque sans que je m'en rende compte...

La douleur me coupe le souffle alors que j'essaie de la repousser.

-Je pense que c'est à ça que m'a servi ta magie. A l'enfermer au loin. C'est pour ça que j'ai jamais rien manifesté, je crois.

-Si j'avais su...

Je ne sais pas quoi répondre. Si j'avais su, rien. Même moi, si j'avais su, rien. Personne, en fait. Kali, moi, les dieux, Ciulin. Personne. J'essaie tant bien que mal d'expliquer que ces deux parts de moi sont autant moi l'une que lautre.

-Pourquoi tu l'as gardée ?
-Parce que c'est tout ce qu'il me restait dans les fosses, tout ce qui me ramenait à moi. Tangible. Ineffaçable.

J'articule difficilement. Son étreinte est aussi douce qu'elle me fait mal. Elle creuse de sillons profond dans ma chair meurtrie. C'est intolérable et pourtant, je me refuse à laisser Ciulin  s'écarter.

-Odin. Cesse.

L'aura change et la mienne répond par écho. Accentuant la douleur et me pliant en deux. Le front contre l'épaule de Ciulin.

Je n'entends plus. Mes oreilles sifflent furieusement et mon corps s'agite de soubresauts incontrôlables. Je sens les fragments d'odin, poudres fines pétries dans mon âme réagir d'abord avec violence puis doucement, doucement, alors que je sens l'énergie de Frigg afflué en moi, les fragments s'apaisent. La douleur s'atténue. Juste assez pour être contrôlable. Je reprends mon apparence habituelle. En sueur, épuisé. Je me love contre Ciulin.

-C'est mieux. C'est mieux... Merci. Beaucoup.

Je lea presse contre moi. Tremblant, épuisé. Plus serein maintenant que j'ai enfin réussi à parler mais vidé de toute idée de par où reprendre.

Visiblement, mon initiative improvisée fonctionne. Asmodée parvient à reprendre forme humaine. Il tremble comme une feuille, au point que je m'inquiète qu'il ait attrapé une mauvaise fièvre. Il s'accroche à moi comme un chaton en quête de chaleur et de sécurité.

Merde !
C'est si dur de le voir aussi chancelant.

J'attrape un des plaids sur le canapé et l'en recouvre, tout en le câlinant contre moi.

- C'est mieux. C'est mieux... Merci. Beaucoup.
- Cool... J'embrasse son front en sueur, dégageant quelques mèche de cheveux. Not' mariage a encore un peu d'influence même si on s'partage plus les pouvoirs. C'est toujours ça d' pris. Tu crois pas, draga ?

Je finis par basculer à l'horizontal sur le canapé, en calant mon pauvre démon d'amour dans le creux de mon cou. Je le cajole distraitement, mes doigts perdus dans sa chevelure, mon corps de gringalet comme écrin de sa massive stature.

- Tu sais... Chuis plus solide que tu penses. Ok, j'avoue que ces derniers mois ont été salement galères, mais, j'ai les épaules. J'ai les épaules pour encaisser tes tourments. Les tiens et ceux de Cal'. J'aurais pu encaisser ceux de Vesper, si elle m'avait causé-e. Faut parler, c'est la base... Je sais que c'est chaud, douloureux et même que ça parait parfois insurmontable, mais le mariage c'est pour le meilleur et le pire. Moi je suis pas là que pour profiter, je suis là pour tout.

Je suis terriblement plus brouillon-ne que lorsque je surfes sur l'éloquence de mon essence divine.

- Bref... C'que j'essaie de te dire, c'est que chuis là. T'es pas tout seul, t'as pas à t'isoler. C'est vraiment un truc de mec ça, de s'isoler quand ça va pas bien, d'partir en solo sans explication. Même Caleb se demande si tu vas bien... On en est là !

J'ai un petit ricanement tout doux qui fait tressauter sa tête sur ma poitrine.

- Donc ton essence divine est pas compatible avec ton essence démoniaque. Du coup ça explique pourquoi y'a jamais d'avatar démon. Parce que "Paf... les chocapics !", quoi. Quand même.... T'as une âme, elle se fait parasiter par un dieu qui fusionne avec elle puis on te la triture pour qu'elle se transforme. T'es un peu unique en ton genre, bogoss !

Je regarde le plafond en réfléchissant.

- Tu penses que Salomon peut arriver à trouver un traitement pour ça ? Pour arriver à te garder à équilibre, de façon à ce que tu douilles plus. Une sorte de .. chais pas moi... une sorte de thérapie de couple pour ta partie "Odin" et ta partie "Prince-démon"... Et la meuf bourreau de mon vieux, tu crois qu'elle pourrait t'aider ? J'la connais pas bien... Chhaya, j'crois ? C'est un peu sa spécialité le bidouillage d'âme si on regarde bien, nan ?

Un silence.

- Tu grelotes toujours....Est-ce que tu veux que je te prépare un truc à bouffer ? Pour te requinquer ? Ce sera pas l'Ritz, mais j'me débrouilles.

Ainsi allongés sur le canapé, moi pressé contre toi. Je me sens à l'abri. Vulnérable de la meilleure des façons. Je respire ton odeur, Asti min, et c'est le meilleur de calmants. Je perds mon esprit aux grés de tes caresses. Apaisé. Pour le moment, du moins.

-Not' mariage a encore un peu d'influence même si on s'partage plus les pouvoirs. C'est toujours ça d'pris. Tu crois pas, draga ?

Je ris un peu.

-T'arrives à controler ma partie divine en la raisonnant. J'crois qu'on peut dire que t'as BEAUCOUP d'influence.

Je dépose un baiser dans son cou. Le simple mouvement de tête me fait un mal de chien. J'ai des courbatures absolument partout.

- Tu sais... Chuis plus solide que tu penses. Ok, j'avoue que ces derniers mois ont été salement galères, mais, j'ai les épaules. J'ai les épaules pour encaisser tes tourments. Les tiens et ceux de Cal'. J'aurais pu encaisser ceux de Vesper, si elle m'avait causé-e. Faut parler, c'est la base... Je sais que c'est chaud, douloureux et même que ça parait parfois insurmontable, mais le mariage c'est pour le meilleur et le pire. Moi je suis pas là que pour profiter, je suis là pour tout.

Un sourire s'invite sur mon visage, probablement un peu triste. J'observe Ciulin de si près que je vois toutes les merveilleuses variations de sa peau.

-Je sais que t'es solide. J'ai essayé. Vraiment. Et j'sais que ça se voyait pas du tout... C'est moi qui était - et suis - pas assez solide. Je découvre à quel point je suis verrouillé en dedans. Quand j'arrivais à trouver l'énergie de le faire, je me retrouvais devant toi, la tête vide et soudain, ça voulait plus venir alors que ça faisait des jours que j'essayais. C'est pas que j'avais peur que t'encaisses pas.

Je m'arrête un moment.

-J'avais sans doute peur de m'éffondrer ou bien... Peur de pas encaisser de m'entendre y penser à voix haute. J'en sais rien.

-Bref... C'que j'essaie de te dire, c'est que chuis là. T'es pas tout seul, t'as pas à t'isoler. C'est vraiment un truc de mec ça, de s'isoler quand ça va pas bien, d'partir en solo sans explication. Même Caleb se demande si tu vas bien... On en est là !

Ca m'affecte d'entendre ça. Je me rends compte du vide de mes tentatives, de la vacuité totale dans laquelle j'ai jeté mon énergie pendant tout ce temps. J'ai dépensé plus d'énergie et de temps à me fustiger de ne pas réussir, qu'à essayer. Sans m'en rendre compte. En pensant que ça finirait bien par marcher. Quel sombre con je peux faire parfois...
Je pousse un long soupire.

-T'as raison. C'est bien un truc de mec. Mais, ça peut que s'améliorer parce que c'était nulle à chier, vraiment.

Je ris aussi.

-Donc ton essence divine est pas compatible avec ton essence démoniaque. Du coup ça explique pourquoi y'a jamais d'avatar démon. Parce que "Paf...les chocapics !", quoi.
-Hmm...
-Quand même.... T'as une âme, elle se fait parasiter par un dieu qui fusionne avec elle puis on te la triture pour qu'elle se transforme. T'es un peu unique en ton genre, bogoss.
-Ah, c'est moi, ça. Unique en mon genre. C'est ce qui fait mon charme. Ca et mon cul en acier.

Je ferme les yeux et me laisse bercer par la respiration de Ciulin.

-Tu penses que Salomon peut arriver à trouver un traitement pour ça ? Pour arriver à te garder à l'équilibre, de façon à ce que tu douilles plus. Une sorte de... chais pas moi... une sorte de thérapie de couple pour ta partie "Odin" et ta partie "Prince-démon"...
-J'imagine. J'en sais rien, en fait. Sal est capable de beaucoup de chose. Donc j'imagine qu'au pire, j'aurais de quoi pallier le temps de trouver une solution durable. Je pense que va falloir que je regarde du coté des sceaux. Un peu comme pour les Berserkers.
-Et la meuf bourreau de mon vieux, tu crois qu'elle pourrait t'aider ?
-En parlant d'elle...
-J'la connais pas bien... Chhaya, j'crois ?
-Kali...

Je pousse un long soupire.

-C'est un peu sa spécialité le bidouillage d'âme si on regarde bien, nan?
-Oui. Parce que c'est Kali, déguisé pour passer inaperçu. Du coup, elle s'y connait pas mal. Elle est venue me rendre visite pour parler refonte du Pandémonium. Hier soir, je crois? J'ai capté qu'hier soir aussi. Quel enfer.

Je ferme les yeux.

-J'irais lui parler de ça. Elle aura sans doute des idées, t'as raison.

Un frisson plus fort que les autres me parcourt.

-Tu grelotes toujours... Est-ce que tu veux que je te prépare un truc à bouffer ? Pour te requinquer ? Ca sera pas l'Ritz, mais j'me débrouilles.

Je souris malgré les frissons.

-Je veux bien. Ca sera très bien. J'ai la dalle, je crois.

-Ah, c'est moi, ça. Unique en mon genre. C'est ce qui fait mon charme. Ca et mon cul en acier.
- Et ton grand "doigté" légendaire.

Je me marre comme un con, poursuivant la conversation sur le même ton badin. Tranquille. Merde, ça fait des lustres qu'on a pas savouré un moment d'intimité tout simple, comme ça.
Micul meu demon de dragoste...

- Et la meuf bourreau de mon vieux, tu crois qu'elle pourrait t'aider ?
- En parlant d'elle...
- J'la connais pas bien... Chhaya, j'crois ?
- Kali...
- C'est un peu sa spécialité le bidouillage d'âme si on regarde bien, nan?... Attends, quoi ?!
- Oui. Parce que c'est Kali, déguisé pour passer inaperçu.
- La naiba! Chhaya c'est Kali !!!??? Tu t'fous d'moi ?
- Du coup, elle s'y connait pas mal. Elle est venue me rendre visite pour parler refonte du Pandémonium. Hier soir, je crois? J'ai capté qu'hier soir aussi. Quel enfer.
- Kaelig est au courant.... Rahat, évidemment qu'il est au courant c'vieux chacal ! Il l'a baratinée pour qu'elle penche d'not' côté. Pire qu'un Vulpe!... Bon ben raison d'plus qu'elle maitrise son sujet, la Grande Maitresse des Fosses....
- J'irais lui parler de ça. Elle aura sans doute des idées, t'as raison.
-J'y crois pas, sérieux... Kali... Tout fout l'camp. Elie le prend bien ? Les Dormeurs sont pas au courant j'imagine, sinon, ce s'rait l'pugilat. Sans déc... La Kali, quoi !


Asmodée tremble et je lui propose de casser la croute. Malgré son assentiment, j'ai du mal à me dépêtrer de lui tant il persiste à se coller à moi de manière irrésistiblement mignonne. Je parviens finalement à sortir du canapé après milles escales câlins-bisous et l'emmitoufle dans le plaid comme un adorable petit nem.

- J'vais préparer un bon casse-dalle.

Je lui bécote le pif et m'escamote en cuisine. La livraison en légumes frais datent d'il y a à peine quelques jours et je découvre trace de morceaux d'bidoche qui, à l'odeur, semble être du sanglier. Je suis pas un-e as de la cuisine comme Gigi mais à force d'observer on choppe deux trois trucs. Va pour un petit one-pot façon pot-au-feu simplifié. Assez vite, une bonne odeur de viande grillée arrosée au vin et d'oignons confits dans le jus de barbaque embaume l'atmosphère. J'épluche les légumes et les débite en morceaux plus ou moins grossiers avant de recouvrir de flotte épicée avec fines herbes et tutti cuanti.
Sincèrement, je pense que ce sera pas dégueu, du moins je m'en convainc en baissant le feu.

Comme il fallait s'y attendre, la nouvelle fait son petit effet. Kaelig en prend pour son grade mais clairement, on sait probablement tout les deux qu'il a très finement joué son coup. Kali est un allié de poids et aurait fait une ennemie redoutable, quand bien même Elie parvient à lui faire face. Avoir Kali de notre coté permet de mobiliser Elie ailleurs qu'à tenir la Grande Maitresse des Fosses en respect, ce qui reste un bien meilleur usage des talents de ma nièce.

-J'y crois pas, sérieux.... Kali... Tout fout l'camp.
-Il parait que c'est ce que fait l'apocalypse. dis-je aussi finement que possible vu mon état de fatigue et mes tremblements incontrôlé.
-Elie le prend bien ? Les Dormeurs sont pas au courant j'imagine, sinon, ça s'rait l'pugilat.

Les Dormeurs devront l'être, à un moment ou à un autre. Sont-ils partiellement au courant dans un premier temps pour préparer le terrain? Elie a dû être aussi honnête que possible. Je l'imagine bien ne pas leur cacher que leur premier instinct est bon mais que pour le moment, c'est sans doute mieux de rester dans le flou.

-Elie le prend plutôt bien. Elle l'a déjà eu en ennemie. Elle a pas spécialement peur d'elle si elle montre patte blanche et j'imagine qu'elle a suffisamment confiance en Kaelig pour savoir que s'il y avait l'ombre d'une suspicion de la part du taureau, il lui aurait dit. Elle sait qu'on a besoin de tout les alliés nécéssaires. Encore plus avec l'arrivée de la Faerie.

Je ferme les yeux.

-Sans déc... La Kali, quoi !
-Ouais. Faut-il que ça soit la merde pour la faire sortir de ses fosses...

J'ai la dalle mais j'arrive pas à lea laisser y aller. Alors je me fais cajoler et honnêtement, c'est vraiment incroyable. Ca me met le cerveau dans un coton tout doux et quelques minutes plus tard, je me retrouve enroulé comme un nem. Perfection.

-J'vais préparer un bon casse-dalle.
-J'garde la place chaude, pour quand tu reviens.

Je ferme les yeux et je me sens tellement plus léger.

-Hey, je t'aime au fait.

J'ai un sourire de con sur le visage malgré les tremblements. J'astreins à essayer de me détendre pour faire cesser ces tremblements de l'enfer.

Un temps passe et j'ai du dormir parce que ça sent la bouffe vraiment très fort et j'ai vraiment très très faim. Je prends pas la peine de bouger. Et vu que je mets un certain temps à réaliser que le temps a probablement plus passé que ce que je pensais...

-Faut que je me rencarde sur tout ce qui se passe. Qu'j'arrête de m'encrouter, c'est en train de me bouffer le cerveau, j'crois...

- Elie le prend plutôt bien. Elle l'a déjà eu en ennemie. Elle a pas spécialement peur d'elle si elle montre patte blanche et j'imagine qu'elle a suffisamment confiance en Kaelig pour savoir que s'il y avait l'ombre d'une suspicion de la part du taureau, il lui aurait dit. Elle sait qu'on a besoin de tout les alliés nécessaires. Encore plus avec l'arrivée de la Faerie.
- J'ai zéro doute sur la roublardise du paternel ! L'gars sait jouer son game. J'espère juste que pour Elie et les z'aut' Dormeurs ça f'ra pas l'effet d'une bombe. Sans déc... La Kali, quoi !
- Ouais. Faut-il que ça soit la merde pour la faire sortir de ses fosses...
- J'vais préparer un bon casse-dalle.
- J'garde la place chaude, pour quand tu reviens.
...Hey, je t'aime au fait.
- Moi aussi, beau gosse ! fais-je avec un large sourire.

Une quarantaine de minute plus tard, je réveille mon petit nem démoniaco-divin-dépressif (les "Trois D") avec un baiser aussi tendre que la viande que je lui ai cuisiné. Franco ? J'pense que Gigi serait fier de moi. J'ai bien taffé.

-Faut que je me rencarde sur tout ce qui se passe. Qu'j'arrête de m'encrouter, c'est en train de me bouffer le cerveau, j'crois...
- J'peux t'mettre au parfum d'certains trucs. Pour l'reste, faudra remettre ton joli p'tit cul ferme en marche. Maiiiiis avant.... Bouftance ! J'te donne la béquet ou tu peux tenir ta fourchette tout seul... que je lui suggère avec une certaine suavité dans la voix.

Je vais prendre soins de toi, mon prince-démon tout concassé comme du pelé de tomates. J'ai assez d'amour pour te remettre sur pied et également me marier avec mon beau Major. Mon coeur est gros comme ça tu sais. Je suis ta déesse et je suis saon fiançé-e.

Ca va aller.
On va s'en sortir.
Prominuine...